Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Examen, pour avis, de la première partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255) (Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis)              2


Mercredi
3 octobre 2018

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de Mme Barbara Pompili,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, la première partie du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255) (Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner pour avis, sur le rapport de Mme Laurianne Rossi, le projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Je rappelle que nous nous sommes saisis de cinq articles : les articles 7, 8, 19, 32 et 33.

J’ai souhaité ouvrir le débat autant que possible ; c’est pourquoi j’ai accepté le dépôt d’amendements portant articles additionnels lorsqu’ils présentaient un lien direct avec le champ de compétences de notre commission. Quatre-vingt-sept amendements feront l’objet d’une discussion. En revanche, trente-six amendements ont été déclarés irrecevables : vingt-six parce qu’ils ne relevaient pas de la première partie de la loi de finances en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) – onze amendements du groupe La République en Marche, un du groupe Les Républicains (LR), huit du groupe UDI, Agir et Indépendants (UAI), deux du Mouvement Démocrate et apparentés (MoDem), deux de La France Insoumise et deux déposés par un député non inscrit.

Par ailleurs, cinq amendements déposés par le groupe La République en Marche ont été déclarés irrecevables car ils ne relevaient pas du domaine de la loi de finances, en application de la LOLF. Cinq autres amendements ont été déclarés irrecevables car ils créaient une charge – trois amendements du groupe UDI, Agir et Indépendants, un amendement du groupe Les Républicains et un amendement déposé par un député non inscrit.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter mon rapport pour avis sur les articles 7, 8, 19, 32 et 33 du projet de loi de finances pour 2019, dont notre commission s’est saisie pour avis. Dans la continuité de celui de l’an passé, ce projet de loi de finances mobilise la fiscalité écologique afin de soutenir les comportements vertueux et de pénaliser les produits polluants, à travers la mise en place d’une fiscalité plus incitative au service de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique.

La neutralité carbone de notre économie ne sera atteinte que grâce à la mobilisation de l’ensemble des leviers, budgétaires, fiscaux ou réglementaires. En conséquence, nous ne pouvons que nous réjouir de cet examen pour avis qui permet à notre commission d’apporter sa contribution à la réalisation de ces objectifs.

L’article 7 aménage le régime de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), conformément aux décisions prises dans le cadre de la feuille de route pour l’économie circulaire (FREC). Il vise à promouvoir l’institution par les collectivités locales d’une part incitative de taxe et à permettre le financement par cette même taxe de la définition et des évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés. Cette incitation fiscale à destination des collectivités territoriales doit être saluée, dans la mesure où elle permettra de prendre davantage en compte la quantité de déchets produits par nos concitoyens. Cela permettra de les responsabiliser et de les inciter à des comportements plus vertueux.

Les impacts positifs de la mise en place de cette part incitative ont d’ailleurs été démontrés dans les collectivités qui ont déjà mis en place ce dispositif – vous en trouverez un exemple concret dans le rapport.

Cependant, la migration vers ce dispositif plus vertueux n’est pas sans conséquences financières pour les collectivités, ce qui implique un soutien et un accompagnement de l’État. Progressivité et accompagnement seront les conditions de la réussite de cette transition.

L’article 8 renforce la composante relative aux déchets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), pour inciter les apporteurs de déchets à privilégier les opérations de recyclage par rapport aux opérations de stockage ou d’incinération.

Conformément à la feuille de route pour l’économie circulaire, il renforce la trajectoire d’augmentation des tarifs de cette taxe entre 2021 et 2025 afin que le coût du recyclage soit inférieur à celui des autres modalités de traitement. Il supprime progressivement les tarifs réduits de certaines modalités de stockage ou d’incinération. La modification de cette trajectoire répond à une situation parfois surprenante, où le recyclage coûte plus cher que la mise en décharge ou l’incinération. Par l’introduction d’un signal prix en faveur du recyclage, le Gouvernement entend favoriser les opérations vertueuses de traitement des déchets.

Cependant, comme le note mon rapport, malgré ses aspects positifs, le renforcement de la TGAP déchets ne doit pas occulter un système fiscal dans lequel le coût de traitement des déchets repose sur le bout de la chaîne : la collectivité et le citoyen contribuable sont soumis à des efforts certains. Il convient de responsabiliser les acteurs économiques et industriels et de privilégier la production d’objets manufacturés recyclables, indispensable à terme.

La question d’une contribution des fabricants mérite d’être posée afin d’orienter les comportements vers les produits les plus écologiquement soutenables. C’est notamment l’ambition que porte la feuille de route pour l’économie circulaire, qui devrait prochainement faire l’objet de dispositions législatives.

L’article 19 vise quant à lui à supprimer le tarif réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier. Cela concerne particulièrement le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Les entreprises ferroviaires et les usages agricoles ne seront pas affectés. L’objectif est de remplacer d’ici à 2021 le remboursement de TICPE sur le gazole non routier pour les agriculteurs par un tarif réduit applicable directement – et non plus sur avance – à la mise en consommation du produit. La suppression des tarifs réduits des carburants non routiers incitera les acteurs à privilégier d’autres sources d’énergie que les énergies fossiles, dans le contexte d’accélération de la transition énergétique souhaitée par le Gouvernement. Par conséquent, la suppression de ce dispositif fiscal est totalement cohérente avec les objectifs ambitieux de transition écologique que notre pays s’est fixés.

L’article 32 ajuste les montants des recettes versées sur deux comptes d’affectation spéciale (CAS). Le CAS « Services nationaux de transports conventionnés de voyageurs » permet d’équilibrer le financement des trains d’équilibre du territoire (TET). Le produit affecté de la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes sera réduit. Il passe de 141,2 à 117,2 millions d’euros, ce montant étant suffisant pour financer les dépenses prévues pour l’exercice budgétaire 2019.

Le CAS « Transition énergétique », financé par une fraction de TICPE, sera quant à lui en augmentation de 1,3 % – de 7,1 à 7,246 milliards d’euros –, à hauteur du montant des dépenses prévues par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Ce compte d’affectation spéciale sert de support budgétaire au financement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (ER), en électricité ou en gaz. Nous pouvons saluer l’engagement du Gouvernement et l’augmentation des moyens budgétaires alloués à ces politiques publiques essentielles à la réussite de la transition écologique et solidaire, au service des énergies renouvelables. Comment seront affectés ces moyens supplémentaires ? La programmation pluriannuelle de l’énergie devrait nous apporter des réponses claires sur la ventilation de ce soutien aux ER.

Enfin, l’article 33 modifie le barème du malus automobile. Il abaisse son seuil d’application à 117 grammes d’émission de CO2 par kilomètre (g CO2/km) et institue un barème progressif – de 50 euros pour les véhicules émettant 117 g CO2/km à 10 500 euros pour les véhicules émettant 185 g CO2/km ou plus. Cette montée en puissance du malus automobile permettra d’accentuer la conversion du parc automobile vers les véhicules les moins polluants, grâce à l’abaissement du taux d’émission de CO2/km d’une part et, d’autre part, grâce à l’augmentation des moyens alloués au bonus automobile et à la prime à la conversion, dont je salue le succès, que les chiffres annoncés récemment confirment.

Dans un système compensatoire, il est important que la représentation nationale puisse débattre du malus automobile. Nous regrettons toutefois de ne pouvoir discuter de l’allocation des dispositifs incitatifs – le bonus en l’espèce – en faveur des véhicules propres.

Les articles sur lesquels nous sommes saisis témoignent de la volonté du Gouvernement de déployer des outils plus performants en faveur de la transition écologique et solidaire, d’orienter nos concitoyens et nos territoires vers les comportements et les activités les plus vertueux, et de nous donner les moyens nécessaires à la réalisation de nos objectifs climatiques, en adéquation avec les engagements pris par la France pour protéger notre environnement.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Les députés de La République en Marche sont heureux de pouvoir entamer la lecture de ce deuxième projet de loi de finances du quinquennat et de discuter des articles dont nous sommes saisis, qui touchent à la nécessaire transition écologique. Ce projet de loi de finances a l’ambition d’accélérer encore la transition dans au moins trois domaines : le premier touche à la mobilité, avec le nécessaire verdissement des flottes professionnelles et des véhicules particuliers. C’est l’objet de la trajectoire carbone qui renchérit le prix des carburants fossiles. Parallèlement, la prime à la conversion des véhicules est un succès qui mérite d’être salué. Elle a été demandée par plus de 175 000 citoyens, essentiellement dans les territoires – à 80 % hors Île-de-France – et à plus de 70 % par des ménages non imposables. Nous présenterons un certain nombre d’amendements qui auront trait à la mobilité et porteront sur le renouvellement des flottes, le suramortissement des poids lourds et des véhicules utilitaires légers, chers à notre collègue M. Damien Pichereau. L’objectif est de faciliter l’équipement des flottes professionnelles en véhicules propres.

Le deuxième champ est celui de la performance énergétique, qui doit être sous-tendue par la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés afin de diminuer drastiquement les énergies fossiles de chauffage – fioul et gaz notamment. À cette occasion, nous reparlerons du crédit d’impôt pour la transition écologique (CITE) et des mesures de soutien public pour les énergies renouvelables qui rendent cette transition possible.

Le troisième domaine est celui de la santé-environnement. Madame la rapporteure pour avis, vous l’avez souligné, des mesures importantes concernent la gestion des déchets. Il s’agit de créer un dispositif simple qui valorise plus fortement le recyclage que le stockage ou l’incinération, tout en donnant la visibilité nécessaire aux collectivités comme aux filières industrielles.

Nous défendrons des amendements sur la réduction des gaz hydrofluorocarbures (HFC) qui, comme vous le savez, sont très émissifs et pour lesquels le marché de quotas européens paraît aujourd’hui atteindre ses limites. Nous aurons également l’occasion de discuter de la lutte contre l’artificialisation des sols, sujet essentiel sur lequel nous devons avancer collectivement. Ce travail s’articulera avec le grand plan d’investissement, priorité du Gouvernement, qui y consacre 20 milliards d’euros sur un total de 47 milliards. Il s’articulera également avec le projet de loi d’orientation des mobilités, qui devrait être présenté en conseil des ministres le 26 octobre, et dont nous aurons à débattre en début d’année prochaine. Il vise notamment à accélérer le développement de mobilités durables.

M. Jean-Marie Sermier. Les Républicains, comme tous les groupes de l’Assemblée nationale, sont soucieux du respect de la planète et de la nécessité de transmettre à nos enfants un monde où ils pourront vivre décemment. La fiscalité écologique, qui doit concourir à cet objectif, représente environ 50 milliards d’euros pour le budget de l’État – plus que l’impôt sur les sociétés (IS). Mais force est de constater qu’elle est fragmentée, illisible et mal affectée, comme l’a montré le rapport de Mme Bénédicte Peyrol présenté la semaine dernière : le plus souvent, elle tombe dans le tonneau des Danaïdes du budget de l’État, pour tenter de réduire le déficit. Il est nécessaire de lui apporter clarté et cohérence.

Qui plus est, la hausse de la fiscalité écologique se traduit malheureusement par un choc fiscal sans précédent et injuste, car elle touche principalement les habitants des territoires ruraux. Les taxes sur les carburants, qui avaient déjà augmenté de 3,7 milliards d’euros en 2018, vont encore augmenter de 2 milliards d’euros en 2019. Le prix du diesel à la pompe a augmenté de 8 centimes par litre en 2018. Il va encore augmenter de 6,5 centimes par litre au 1er janvier 2019. Au total, le prix à la pompe aura grimpé de 31 centimes sur la durée du quinquennat ! L’essence a augmenté de 4 centimes par litre en 2018. Elle va encore augmenter de 3 centimes au 1er janvier 2019. Soit un total de 15,5 centimes sur la durée du quinquennat !

Le choc est violent pour les Français qui doivent utiliser leur voiture, et ils ne l’utilisent pas uniquement par plaisir : ils font parfois trente à quarante kilomètres pour aller travailler et autant pour rentrer chez eux le soir. Nous ne pouvons pas les pénaliser au seul motif qu’ils travaillent !

Il est donc nécessaire d’évaluer la fiscalité existante et sa pertinence par rapport aux objectifs écologiques visés. Hélas, ce n’est pas la voie que le Gouvernement a choisie : il se contente d’augmenter certaines taxes, d’en baisser d’autres, sans évaluer les répercussions de ces mouvements sur les habitants des zones rurales, notamment ceux qui affectent les carburants et le fuel domestique. Ce budget n’est pas à la hauteur et donne à nombre de Français l’impression d’être les oubliés de ce gouvernement.

M. Bruno Duvergé. Le groupe Mouvement Démocrates et apparentés a pris connaissance avec satisfaction du projet de loi de finances pour 2019, notamment de l’accentuation de son évolution écologiquement responsable. Nous sommes très sensibles à la traduction fiscale des choix pris par le Gouvernement en matière de transition énergétique depuis 2017. La fiscalité verte est un levier déterminant pour répondre aux objectifs cruciaux de réduction de la consommation d’énergie et de maîtrise des gaz à effet de serre.

Dans cette optique, nous nous réjouissons du prolongement d’un an du crédit d’impôt pour la transition énergétique. L’année dernière, mon groupe s’était fortement mobilisé pour une sortie en douceur de ce dispositif. Une année supplémentaire pour préparer sa transformation en prime était nécessaire. Nous y sommes tout à fait favorables.

Nous saluons également les ressources affectées à l’économie circulaire et aux transports. Nous saluons enfin la teneur des articles dont notre commission s’est saisie pour avis, notamment le soutien réaffirmé à une transition écologique qui ne pénalise pas les secteurs économiques fragilisés ou en tension. Ainsi, l’article relatif à la TICPE, qui maintient l’exonération des engins agricoles, est une bonne chose ; ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas favoriser l’emploi de biocarburants dans ces engins – beaucoup d’agriculteurs y sont d’ailleurs favorables.

Le groupe MoDem et apparentés considère que le projet de loi de finances pour 2019 suit une trajectoire globalement vertueuse en matière de transition énergétique. Malheureusement, trois amendements que mon groupe avait déposés ont été déclarés irrecevables pour des raisons de procédure. Ils aménageaient pourtant utilement les articles du projet de loi de finances, en proposant d’aller plus loin. Nous proposions tout d’abord de renforcer la part incitative de la taxe d’enlèvement des d’ordures ménagères, tout en faisant en sorte que les collectivités l’ayant déjà déployée bénéficient d’une aide, afin de récompenser leur implication et leurs efforts. Sous l’impulsion de mon collègue M. Bruno Millienne, très impliqué sur ce sujet, nous proposions par ailleurs d’analyser les aides publiques dommageables à l’environnement afin d’identifier celles qui pourraient éventuellement être supprimées. Le but est d’apporter un réel soutien à notre biodiversité et d’honorer nos engagements européens et internationaux.

Enfin, il aurait été intéressant de demander la transmission par le Gouvernement d’un jaune budgétaire relatif à la fiscalité environnementale, conformément aux dispositions de la Charte de l’environnement, qui prévoient que les pouvoirs publics doivent être dotés d’outils leur permettant de bénéficier d’une vision intégrée de la façon dont les instruments fiscaux concourent à la préservation de l’environnement.

Nous retravaillerons ces amendements pour un examen en commission des finances, en espérant que les services de l’Assemblée leur réserveront un sort plus favorable, car ils s’inscrivent dans le prolongement des articles dont notre commission est saisie pour avis, à savoir de plus fortes incitations pour accélérer la transition écologique.

M. Bertrand Pancher. Nos politiques environnementales ne peuvent fonctionner qu’à deux conditions : une fiscalité environnementale la plus lourde possible, afin d’intégrer les coûts induits et le coût de la pollution ; mais également un fléchage de ces nouveaux moyens vers les changements de comportements et de méthodes, afin de régler le problème des émissions des gaz à effet, de biodiversité, de tri ou d’enfouissement de déchets. Nous sommes tous d’accord là-dessus.

Et pourtant, nous avons jusqu’à présent décroché dans tous les domaines environnementaux, et encore l’an dernier… Ce n’est vraiment pas terrible ! Nous qui donnons des leçons au monde entier, nous ne cessons de nous tromper !

En analysant le budget, on ne peut que se réjouir de voir que le Gouvernement a compris qu’il fallait augmenter la fiscalité environnementale. Pour l’augmenter, il l’augmente ! Ce n’est même plus un rouleau compresseur, c’est un énorme coup de matraque. Ce pourrait être tant mieux : ainsi, la taxe carbone passe de 5,6 milliards d’euros en 2017 à 10 milliards en 2018 et 12,8 milliards en 2019 : si vous faites la soustraction, la hausse est énorme. On fait aussi exploser la TGAP sur les déchets ultimes, qui passe de 400 à 900 millions d’euros. On continue à prélever allègrement les budgets des agences de l’eau, les taxes s’élevant à 500 millions d’euros cette année.

Mais tout cela pour quoi ? Pour déverser le produit de ces taxes dans les poches sans fond de l’État ! Pratiquement rien ne revient aux politiques environnementales, chers collègues, j’espère que vous l’avez compris. Si c’est le cas, vous aurez compris pourquoi nous allons dans le mur… On peut gigoter dans tous les sens en nous expliquant que tout va bien, mais ce n’est pas le cas !

On augmente le budget du ministère chargé de l’écologie de 1 milliard d’euros, quand ce sont 6 à 7 milliards d’euros qui se promènent. Où sont-ils ? Il faudrait directement réinjecter ces moyens dans ce qui permettra de faire changer nos comportements. Or je ne vois rien dans ce budget qui permettrait de faire exploser les opérations de rénovation thermique, qui pourtant décrochent ; je ne vois rien dans ce budget qui permettrait d’accélérer la rénovation du parc automobile – certes, on augmente un peu le malus, ce n’est pas mal, mais c’est tout…

Mais je ne vois rien dans ce budget qui permettrait de doubler ou tripler le fonds chaleur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), afin que la chaleur renouvelable devienne aussi importante que l’électricité renouvelable.

On taxe tout le monde ! Tant que nous continuerons ainsi, nous continuerons dans l’erreur. Nous devons collectivement travailler à réorienter l’action du Gouvernement. Nous allons défendre de nombreux amendements, issus de la société civile et des organisations qui travaillent sur ce sujet. Ayons l’humilité de les écouter et faisons en sorte de faire bouger les choses dans cette commission !

M. Guillaume Garot. Notre pays atteindra-t-il ses objectifs issus de la COP21 en matière de réduction des gaz à effet de serre ? Non – c’est M. Nicolas Hulot qui le disait. Le budget présenté pour 2019 permettra-t-il de faire face à ces exigences ? La réponse est également non.

J’ai bien entendu les mesures présentées par notre rapporteure pour avis. Hélas, tout cela est largement insuffisant. Il va falloir accélérer ! Comment ? L’écologie ne doit plus être considérée comme une politique qui récupère le solde d’un budget, mais comme le cœur de l’action publique. Elle doit permettre de conjuguer un développement économique soutenable et l’impératif de justice sociale. Nous aurons à ce sujet des débats passionnants sur la fiscalité.

Pour commencer, si nous souhaitons réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il faut nous préoccuper des logements. M. Bertrand Pancher ne me démentira pas : plus de 30 % de ces émissions sont dues aux logements, dont certains sont de véritables passoires thermiques. Que fait-on ? Se contente-t-on d’un CITE revu à la baisse ou le renforce-t-on, en réintroduisant par exemple les fenêtres dans le dispositif ? Un dispositif constant, cohérent et visible aurait par ailleurs un impact plus important sur l’activité économique – celle des artisans en particulier.

Les objectifs doivent être ambitieux car notre pays compte 7 millions de passoires thermiques et seulement 400 000 logements sont rénovés chaque année. Étant donné le retard que nous prenons, il faudrait qu’un million de logements soient rénovés tous les ans à partir de 2020 !

Deuxièmement, la transition écologique et énergétique passe par la mobilisation des territoires. On ne peut pas accepter cette pression sur les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) : on a vu sur le terrain comment ils permettent à des collectivités locales d’engager des actions durables de développement écologique. Il faut inventer une nouvelle génération de TEPCV : c’est une des clés de notre réussite collective.

Notre troisième proposition concerne les énergies renouvelables. Nous proposerons de doubler le fonds chaleur en 2020. C’est à notre portée : c’est une affaire de choix politique, certains l’ont déjà souligné.

Enfin, notre rapporteure pour avis a parlé d’économie circulaire. Nous ferons des propositions d’action ciblée en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

M. Loïc Prud’homme. Notre collègue M. Guillaume Garot a commencé à poser quelques repères. La France Insoumise souhaite revenir sur les besoins d’investissements publics pour faire face à l’urgence climatique. Les émissions de gaz à effet de serre connaissent une hausse de 3 % en France, alors que la trajectoire déterminée par les accords de Paris nous imposait une baisse de 5 %. On peut s’étonner, au vu de ce grand écart, que le Président de la République M. Emmanuel Macron ait été sacré champion de la Terre… On ne doit pas parler de la même Terre !

Pour atteindre nos objectifs climatiques, les besoins d’investissement de la France se situent entre 45 et 75 milliards d’euros par an pendant quinze ans. Or nous dépensons seulement 31 milliards d’euros, répartis à parts égales entre ménages, entreprises et acteurs publics. Le compte n’y est pas ! Je partage le constat de M. Bertrand Pancher : le besoin de financement public est de l’ordre de 20 milliards d’euros supplémentaires par an. Avec un tel niveau d’investissement, les fameux 3 % de déficit imposés par les traités européens seraient dépassés. Ce plafond n’a pas de sens au regard des enjeux liés au changement climatique : cet horizon indépassable de la pensée austéritaire (Sourires) n’est pas compatible avec la transition écologique. Il faut donc réviser ces traités européens climaticides.

La France Insoumise souhaite également attirer votre attention sur un sujet précis, déjà évoqué : l’artificialisation des terres. Nous avons souvent parlé de l’anthropocène dans cette commission, en estimant qu’on l’avait atteint parce que la biodiversité s’effondrait et que le climat changeait. Parmi les signaux de notre entrée de plain-pied – et du mauvais pied – dans l’anthropocène, le sort subi par nos sols et leur artificialisation ne doivent pas être oubliés : l’homme ne vit pas sur du goudron ou du béton. Préserver le seul écosystème compatible avec la vie humaine implique de s’atteler avec détermination à l’artificialisation des terres, qui affecte directement le cycle de l’eau et accélère dramatiquement le réchauffement climatique. Nous vous proposerons des amendements dans ce sens ; je vous invite à y être particulièrement attentifs et à nous aider à stopper l’artificialisation des terres.

M. Hubert Wulfranc. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine juge ce projet de loi de finances tout à la fois inéquitable et inefficace. La fiscalité dommageable à l’environnement est évaluée à 7 milliards d’euros. Le Gouvernement cible le gazole non routier, mais évite soigneusement de s’en prendre au lobby de la route, ainsi qu’au kérosène utilisé par l’aviation. Ce périmètre clairement limité prive l’action publique d’une manne très significative. Après le petit tour de piste de la vignette poids lourds, qui lui a valu une fin de non-recevoir abrupte de la part de la profession, on voit les limites que le Gouvernement s’impose dans cet exercice.

Nous appelons votre attention sur la dette environnementale des entreprises. Nous sommes dans une séquence, qui s’annonce malheureusement fort longue, de transition économique majeure où un certain nombre d’entreprises laissent aux collectivités, et en premier lieu à la collectivité nationale, une dette environnementale à nos yeux insuffisamment prise en compte. Nous estimons qu’il serait de la responsabilité de notre pays d’aller plus avant dans l’application du principe pollueur-payeur, indispensable à terme pour sortir de cette situation où l’on se contente trop souvent de pousser la poussière sous le tapis.

Pour ce qui est de l’artificialisation des sols, nous considérons là encore que des gisements de recettes à même d’alimenter une politique publique existent dans le domaine des activités tertiaires et quaternaires dont on nous vante par ailleurs le rôle dans le développement économique.

Dans le domaine de l’habitat, il manque 10 milliards d’euros pour passer à la vitesse supérieure. Là encore, il convient d’envisager une fiscalité contraignante à l’encontre des bailleurs privés qui entretiennent des millions de passoires thermiques sur notre territoire.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons aux questions.

M. Jean-Luc Fugit. Une fois de plus, le malus automobile est basé sur le seul CO2, ce que je regrette. Ne pourrait-on pas envisager une étude sur un malus-bonus qui intégrerait la pollution de proximité, c’est-à-dire les oxydes d’azote (NOx), le monoxyde de carbone et les particules fines ? Cela changerait peut-être un peu la donne et permettrait de lutter efficacement contre la pollution de proximité alors que nous ne luttons que contre le changement climatique, même si cette question est très importante.

Enfin, existe-t-il une étude d’impact précise sur la modification du seuil de déclenchement du malus qui passe de 120 à 117 g CO2/km ?

M. Vincent Descoeur. La hausse de la fiscalité des carburants et du fioul domestique a été confirmée dans le projet de loi de finances en dépit de la hausse du prix du baril de pétrole. Je voudrais appeler votre attention sur son impact sur le budget des familles, en particulier celles qui n’ont pas d’alternative à l’utilisation de leur véhicule et qui n’ont pas les moyens d’abandonner du jour au lendemain leur chaudière au fioul pour un autre mode de chauffage.

Ne pensez-vous pas que la hausse du prix du baril pourrait vous inciter à reconsidérer la trajectoire de hausse des taxes que vous avez arrêtée ? Je vous invite à vous interroger sur la situation de millions de familles au lendemain de cette nouvelle augmentation.

Vous avez évoqué la suppression des tarifs réduits sur le gazole non routier. Qu’en sera-t-il à terme des entreprises du secteur agricole ?

M. Guy Bricout. Je regrette que l’article 29 du projet de loi de finances ne fasse pas partie de notre champ de saisine. Il aurait en effet été opportun que nous puissions nous positionner dès à présent sur le fameux « plafond mordant » prévu pour les agences de l’eau.

Je souhaite également vous faire part de mes inquiétudes quant au sort réservé aux collectivités en mettant le curseur sur la nécessité de ne pas prendre les mesures qui vont s’avérer plus punitives qu’incitatives. Je pense évidemment à la hausse de la TGAP qui se fait trop rapidement et qui risque d’entraîner encore pour les collectivités une forte hausse de leurs taxes. C’est ainsi que l’un de mes amendements vise à prévoir la trajectoire de la TGAP pour les deux ans à venir et qu’un autre propose une réfaction de TGAP pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l’objectif de réduction du stockage porté par le Gouvernement. Il est en effet prioritaire de trouver dès à présent un juste équilibre pour que nous respections les trajectoires fixées.

Mme la présidente Barbara Pompili. L’article 29 est ce fameux « article rabot » qui concerne plus de quatre-vingt-dix organismes, dont cinq intéressent notre commission, notamment les agences de l’eau. Si cet article avait été inclus dans le champ de notre saisine, cela aurait ouvert la porte à des amendements sur tous ces établissements, ce qui nous paraissait difficilement tenable dans le temps qui nous est imparti. Comme vous, je le regrette. Cela dit, nous aurons de toute façon l’occasion de parler des agences de l’eau.

M. Guy Bricout. Merci pour cette explication, madame la présidente.

M. Matthieu Orphelin. L’augmentation des prix à la pompe est moins due à l’augmentation de la fiscalité écologique, qui compte pour moins d’un tiers, qu’à la hausse du prix du baril de pétrole. À cet égard, je vous signale que ce matin le prix du baril de brent était de 85 dollars, soit une hausse de 50 % par rapport à l’année dernière.

On pourra se rassembler autour de mesures qui visent à accélérer les mécanismes de soutien aux citoyens les années où le prix du pétrole est cher. Aidons-les davantage ces années-là ! Nous vous présenterons tout à l’heure des propositions qui pourront nous rassembler.

J’ai été sensible à certaines interventions, notamment à celle de M. Guillaume Garot. C’est le moment de vérité : le projet de loi de finances pour 2019 doit être celui de l’accélération de la transition écologique et le moment de vérité sur de nombreux dispositifs, comme le doublement du fonds chaleur, l’artificialisation des sols, les flux d’hydrofluocarbures (HFC), etc.

M. Gérard Menuel. Je voudrais évoquer le côté un peu anti-rural de ce projet de loi de finances.

Mme la présidente Barbara Pompili. Argument un peu facile !

M. Gérard Menuel. J’en veux pour preuve l’article 19 qui supprime tous les soutiens à ceux qui se chauffent au fioul. Cela touche déjà, faut-il le rappeler, les populations les plus fragiles qui vivent en milieu rural. Je ne parlerai pas de la limitation de vitesse à 80 kilomètres heure ni de la hausse du prix du diesel et de l’essence, mais de ceux qui ont de faibles retraites, de faibles revenus et qui n’ont pas les moyens d’isoler leur logement. C’est pourtant là qu’il fallait agir afin de réduire la consommation d’énergie. Au lieu de cela, les personnes retraitées ou à faible revenu, et principalement les populations rurales, se retrouveront à dépenser au minimum entre 3 000 et 4 000 euros pour se chauffer l’hiver prochain. Pour bon nombre d’entre eux, cela correspondra au minimum à trois mois de revenu ou de retraite. De telles mesures ne peuvent pas être mises en place sans étude d’impact précise : leurs conséquences prévisibles ne manqueront pas de se faire jour très rapidement.

Mme Jennifer de Temmerman. Il y a quelques jours, nous avons fêté le troisième anniversaire des objectifs de développement durable. Je souhaite appeler votre attention sur cette question, puisque les chefs d’État se rendront l’année prochaine à New York et la France présentera sa revue nationale volontaire. Si vous voulez en savoir davantage, je vous invite à venir, le 29 octobre, salle Victor Hugo à vingt heures.

Ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce sont les nouveaux indicateurs que l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a fait paraître à la fin du mois d’août, alignés sur les objectifs de développement durable. Il me semble tout à fait pertinent de reprendre ces indicateurs dans le cadre des suivis budgétaires. Ce qui me frappe sur le programme 174, c’est qu’il ne comporte que deux indicateurs que je trouve personnellement un peu légers, tandis que ceux de l’INSEE, qui sont au nombre de quatre, me paraissent tout à fait pertinents et pourraient également s’appliquer à d’autres programmes du budget.

Une réflexion est-elle en cours sur les indicateurs actuels du budget afin de le rendre plus lisible et de l’aligner avec les objectifs de développement durable ?

M. Martial Saddier. Je réserverai ma question sur les agences de l’eau pour la séance publique.

Ce budget reflète malheureusement, plus intensément qu’aucun budget ne l’avait fait auparavant, l’échec du financement des enjeux environnementaux. Jamais un budget n’a prévu autant de hausses de la fiscalité environnementale, et jamais un budget n’a donné aussi peu de retours sur des mesures incitatives pour régler les enjeux environnementaux. Cet effet de ciseaux est proprement dramatique. C’est vraiment un problème de fond : celui de la maquette budgétaire et du fonctionnement des enjeux environnementaux dans notre pays.

Le budget ne prévoit par ailleurs aucune mesure pour aider les partenaires industriels à anticiper la hausse du prix des carburants et la mutation du diesel.

Mme Sophie Auconie. Bon nombre des questions que je souhaitais évoquer ont déjà été posées. Je me limiterai donc à une réflexion à mes yeux fondamentale et qui dépasse le cadre de ce projet de loi de finances.

J’entends que le budget de l’écologie augmente de 1 milliard, j’entends que la fiscalité que vont supporter à la fois les collectivités locales et les acteurs économiques augmente de 7 à 8 milliards, j’entends qu’il est important d’accélérer la transition énergétique. Mais comment des élus, forts de cet engagement dans la transition énergétique et écologique, peuvent-ils soutenir par exemple l’organisation d’une Coupe du monde au Qatar, dans des stades qui seront tous climatisés en plein été et qui contribueront largement à l’émission de gaz à effet de serre ? Comment peut-on soutenir certains événements internationaux qui, nous le savons, participent à l’effet de serre et consomment des ressources dans des proportions extrêmement inquiétantes ? Il faudra bien à un moment donné se poser ces questions.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Plusieurs questions se rejoignent, notamment en ce qui concerne la clarté, la cohérence et finalement la performance des différents dispositifs fiscaux, incitatifs en matière de transition écologique et solidaire. J’avais prévu de présenter un amendement visant à demander un rapport de performance sur ces différents dispositifs, mais celui-ci ne relève pas de la première partie mais de la deuxième partie du projet de loi de finances. J’espère qu’il donnera lieu à un jaune budgétaire – il semblerait que la commission des finances fasse preuve de bienveillance à l’égard de cette demande.

Je tiens à rappeler que le Gouvernement accorde 1 milliard d’euros supplémentaires à cette priorité qu’est la transition écologique, ce qui représente une augmentation de 3,1 % par rapport à 2018, qui s’ajoute aux 900 millions accordés l’an dernier. Au total, ce sont donc 34 milliards d’euros qui sont dédiés au ministère de la transition écologique et solidaire et ses opérateurs, avec comme priorité la lutte contre le changement climatique. De son côté, le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » augmente de 1,3 %, pour atteindre plus de 7 milliards d’euros. Nous aurons effectivement besoin d’une meilleure lisibilité : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) nous permettra d’y voir un peu plus clair en matière d’énergies renouvelables et de faire des choix clairs et stratégiques.

S’agissant de la fiscalité, le choix a été fait d’orienter les décisions d’investissement et les comportements des entreprises et des ménages vers les comportements les plus vertueux et les moins consommateurs d’énergies fossiles, avec une hausse de la trajectoire carbone, parfaitement assumée. Au total, plus de 7 milliards d’euros viendront abonder les crédits des transports, et 2,7 milliards ceux de l’eau et de la biodiversité, même si nous aurons un travail à poursuivre ensemble en ce qui concerne les agences de l’eau.

L’accompagnement des ménages se traduit par de nombreux dispositifs, comme la prime à la conversion, les aides à la rénovation : je pense notamment au crédit d’impôt, à l’éco-prêt à taux zéro, aux certificats d’énergie, aux aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), à la TVA à taux réduit, et au chèque énergie dont bénéficient les 4 millions de Français les plus modestes et qui passe de 150 à 200 euros, soit une augmentation de 50 euros, ce qui est loin d’être neutre.

Cette année, nous ne sommes effectivement pas saisis de l’article relatif au CITE qui est censé basculer dans un système de prime. Néanmoins, je souhaitais rappeler les différents dispositifs existants et les efforts accomplis sur ce sujet.

M. Jean-Luc Fujit regrette que le malus soit basé uniquement sur le CO2. J’ai moi-même eu l’occasion de poser cette question au ministère. Pourquoi n’intègre-t-on pas un second indicateur tenant compte des émissions de particules fines ? Le ministère y travaille mais la réflexion n’est pas encore suffisamment mûre. Au demeurant, l’amendement CD96 de M. Damien Pichereau que nous examinerons tout à l’heure propose précisément d’intégrer cet indicateur dans le barème du malus.

M. Matthieu Orphelin a pour partie répondu à la question posée par M. Descoeur à propos de la hausse du prix du baril de pétrole. Nous examinerons effectivement tout à l’heure un amendement qui vise à augmenter les aides à la transition pour les ménages.

Pour ce qui est du gazole, le projet de loi de finances propose de maintenir un tarif extrêmement réduit – 94 % moins cher que le prix actuel – pour les usages agricoles. J’avais déposé un amendement qui prévoyait une augmentation progressive du prix de l’hectolitre, mais je l’ai retiré pour préserver ces usages agricoles.

Quant à la charge administrative pour les agriculteurs, il faut se féliciter du passage à un versement direct plutôt qu’à un remboursement a posteriori. Ce système d’avance est supprimé au profit d’un tarif réduit applicable immédiatement.

Enfin, je pense que nous pourrions demander que les indicateurs de l’INSEE soient intégrés dans le jaune budgétaire.

 

La commission en vient à l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2019 dont elle est saisie.

 

Article 7 : Aménagement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CD36 de M. Fabrice Brun et CD42 de M. Guy Bricout, et l’amendement CD139 de la rapporteure pour avis.

M. Fabrice Brun. À la suite d’une jurisprudence du Conseil d’État, cet amendement vise à sécuriser juridiquement la notion de disproportion en tentant de la définir plus précisément. C’est pourquoi je propose d’admettre une disproportion de 15 % entre le produit de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et les dépenses qu’elle est susceptible de couvrir.

M. Guy Bricout. Mon amendement est identique à celui de M. Brun. Les délibérations fixant le taux de TEOM de certaines collectivités se sont vues retoquées par le Conseil d’État au motif que le produit de la taxe était trop éloigné du coût réel. C’est pourquoi je propose que soit admise une disproportion de 15 %.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement CD139, dans le même esprit que les deux précédents, vise à compléter les précisions apportées par l’article 7 du projet de loi de finances sur les dépenses couvertes par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Je propose, par une rédaction légèrement différente, que le produit de la taxe perçu par la collectivité ne puisse pas être supérieur de 15 % aux dépenses engagées par la collectivité pour financer le service de collecte.

Je partage totalement les objectifs des amendements CD36 et CD42, mais je propose à leurs auteurs de les retirer au profit de mon amendement CD139 qui vise également à encadrer l’écart entre le taux de TEOM fixé par délibération et les dépenses liées au service de collecte et de traitement des déchets. Sa rédaction me paraît plus explicite et s’appuie clairement sur l’arrêt Société Auchan France de 2014 du Conseil d’État, ce qui évitera tout risque de contentieux.

M. Fabrice Brun. Au vu de l’argumentation de Mme la rapporteure pour avis, dont les capacités rédactionnelles sont forcément supérieures aux nôtres (Sourires), je retire mon amendement.

M. Guy Bricout. Je retire le mien également.

Les amendements CD 36 et CD42 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CD139.

 

Puis elle est saisie, en discussion commune, de l’amendement CD38 de M. Fabrice Brun, des amendements identiques CD29 de Mme Sophie Auconie et CD39 de M. Fabrice Brun, et de l’amendement CD140 de la rapporteure pour avis.

M. Fabrice Brun. L’amendement CD38 propose d’aligner les frais de gestion prélevés par l’État lorsqu’il recouvre la taxe d’enlèvement des ordures ménagères sur les frais pratiqués pour la gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, ces deux taxes faisant l’objet d’un traitement commun par les services fiscaux.

Le Gouvernement, à la suite de la feuille de route pour l’économie circulaire, entend réduire les frais de gestion de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères de 8 à 3 % en cas de mise en place d’une tarification incitative, et cela durant les trois premières années. Trois ans, cela nous semble trop court et trop peu incitatif. C’est pourquoi je propose, à travers l’amendement CD39, de supprimer la référence à la limite d’application dans le temps de cette réduction des frais.

Mme Sophie Auconie. Mon amendement CD29 est défendu. Mêmes arguments que M. Fabrice Brun.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement CD140 vise à renforcer l’incitation prévue par l’article 7 en étendant la diminution des frais d’assiette, de recouvrement et de dégrèvement de 8 à 3 % aux cinq premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative.

Alors que l’amendement CD38 prévoit d’abaisser les frais de gestion, que la collectivité ait ou non mis en place la part incitative, je propose pour ma part de les abaisser uniquement pour les collectivités qui instaureraient cette part incitative. Quant aux amendements identiques CD29 et CD39, ils proposent ce taux réduit de manière permanente alors que mon amendement propose de le réserver aux cinq premières années.

Je demande donc le retrait des amendements CD38, CD29 et CD39 au profit de l’amendement CD140 qui paraît préserver ce caractère incitatif tout en restant plus raisonnable dans sa portée.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Nous soutenons l’amendement de Mme la rapporteure pour avis. Il est nécessaire de préserver un caractère incitatif, donc d’encadrer cette diminution de 8 à 3 % sur une période bien définie.

La commission rejette l’amendement CD38.

Puis elle rejette les amendements identiques CD29 et CD39.

Elle adopte ensuite l’amendement CD140.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 ainsi modifié.

 

Après l’article 7

La commission est saisie de l’amendement CD110 de M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement vise à donner un coup de pouce fiscal aux entreprises par la mise en place d’un abattement en cas d’utilisation de plastiques recyclés ou bio-sourcés.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je partage totalement l’esprit de cet amendement : il est important de renforcer l’usage du plastique d’origine recyclée ou bio-sourcée. Toutefois, en l’absence d’un mécanisme de certification mature et robuste pour ces produits, le dispositif paraît assez difficile à mettre en œuvre, d’autant qu’il s’agit pour l’essentiel de produits importés et que la filière française est assez peu développée sur ce secteur.

Je propose donc de retravailler cet amendement éventuellement avec vous, cher collègue, et avec le Gouvernement, d’ici la séance publique. Je vous demande donc de le retirer.

M. François-Michel Lambert. J’ai bien entendu la volonté de Mme la rapporteure pour avis de retravailler cet amendement, ce que je ferai. Je le retire. Je précise toutefois que mon amendement concernait les entreprises installées en France.

L’amendement est retiré.

 

La commission examine l’amendement CD82 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Mathilde Panot. À travers cet amendement, nous souhaitons nous attaquer à l’obsolescence programmée qui, dans notre société actuelle du jetable, est un symbole du système économique dans lequel nous vivons, avec une production massive d’objets qui sont recyclés, à des degrés variables, mais le plus souvent jetés et qu’on a au demeurant le plus grand mal à stocker.

Si l’on sait qu’il existe, depuis 2015, un délit d’obsolescence passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, plutôt que de taxer aveuglément les gestionnaires de déchets et les citoyens, nous proposons d’appliquer une TVA réduite sur les activités de réparation qui ont pour but de rallonger la durée de vie des produits. Cela permettra d’en finir avec cette production massive et constante d’objets qui crée des déchets un peu partout sur cette planète.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je partage pleinement l’idée qui sous-tend cet amendement : la lutte contre l’obsolescence. Toutefois, votre proposition pose quelques problèmes, liés notamment à la directive européenne de 2006 sur la TVA, directive en cours de révision. Une proposition de directive européenne du 18 janvier 2018 vise à supprimer la liste actuelle des biens et services pouvant bénéficier de taux réduits.

Il semble plus pertinent d’attendre la refonte du cadre européen avant de faire évoluer les taux réduits sur ces activités qui soulèvent aujourd’hui des problèmes pratiques. Néanmoins, le sujet mérite d’être posé.

Au-delà de l’obsolescence, votre amendement concerne également la réparabilité des produits. D’autres amendements seront présentés tout à l’heure sur ce sujet. Aussi aurons-nous l’occasion d’en reparler.

Avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Cette mesure avait été proposée dans l’atelier sur le financement de l’économie circulaire dans le cadre de la préparation de la feuille de route sur l’économie circulaire. À l’époque, nous avions identifié un certain nombre d’activités de réparation qui ne nécessitaient pas une modification de la directive. Je persiste à penser que cela peut envoyer un bon signal à certaines activités de réparation, soit sous forme de baisse de TVA, soit sous forme de « chèque réparation » en direction de ménages ciblés.

Mme Mathilde Panot. Certes, M. Matthieu Orphelin a apporté quelques éléments, mais je ne peux pas me satisfaire de la réponse de Mme la rapporteure pour avis qui nous invite à attendre la directive européenne. Le sujet est trop important. Il faut travailler avec les entreprises afin de produire moins de déchets et des produits qui durent plus longtemps, et en finir avec cette course à la consommation et à la production. La France pourrait déjà préparer des mesures plus avancées, plutôt que d’attendre une directive européenne.

M. François-Michel Lambert. Il est clair qu’il faudra beaucoup d’amendements et de travail pour perforer cette muraille qui empêche d’allonger la durée de vie des produits, dans une démarche d’économie circulaire. L’allongement de la durée de vie des produits permet de prélever moins de ressources. Différentes réponses, législatives et fiscales, seront proposées. Dans l’absolu, je soutiendrais volontiers cet amendement mais, comme l’a exprimé M. Orphelin, nous avons un travail à mener. Madame la rapporteure pour avis, vous m’avez proposé, pour mon précédent amendement, un travail en commun ; nous pourrions en faire autant sur celui-ci, y compris en nous autorisant à aller à l’encontre de directives européennes. J’étais au Luxembourg la semaine dernière avec le ministère des finances qui cherche, avec d’autres pays, à peser sur Bruxelles pour changer ce cadre excessivement contraignant afin d’abaisser notablement la TVA sur la réparation. Cela nous amènera à présenter un amendement en séance, ne serait-ce que pour le symbole ; mais, au-delà de l’aspect symbolique, nous aurons surtout à le structurer, madame la rapporteure pour avis, si vous êtes d’accord pour travailler ensemble sur ce sujet.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je suis évidemment d’accord pour travailler sur ces sujets avec vous dans la perspective de la séance. Néanmoins, compte tenu de ce qui a été dit, je maintiens mon avis défavorable en l’état actuel des choses. Au-delà des activités de réparation elles-mêmes, c’est sur la réparabilité des produits manufacturés et l’économie circulaire que nous devons travailler.

M. Loïc Prud’homme. Posons plutôt le jalon tout de suite en votant cet amendement. Cela n’empêchera pas de le retravailler, mais nous aurons au moins pris acte que nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il s’agit d’un sujet essentiel et que la méthode consistant à privilégier les entreprises travaillant à l’allongement de la durée de vie des produits est la bonne.

La commission rejette cet amendement.

 

Article 8 : Renforcement de la composante de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets

La commission est saisie des trois amendements identiques CD18 de M. Bertrand Pancher, CD22 de M. Guy Bricout et CD31 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Nous présenterons toute une série d’amendements concernant la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Un Français produit en moyenne 600 kilogrammes de déchets par an, dont environ 200 kilogrammes ne sont pas recyclables. La bonne idée des pouvoirs publics et du Gouvernement est de taxer plus lourdement les déchets ultimes. Or certains déchets ultimes ne sont pas recyclables… Dès lors, le contribuable ne manquera pas de nous reprocher de le taxer alors qu’il est impossible de faire autrement. Les couches-culottes, par exemple, ne se recyclent pas ; elles seront donc taxées.

Ces amendements sont à l’initiative des organisations environnementales, qui soulignent que ce ne sont pas les déchets ultimes qu’il faut systématiquement taxer, mais les émetteurs de déchets.

Par ailleurs, l’article 8 accroît les recettes de la TGAP de 400 à 900 millions d’euros par an. Va-t-on pour autant augmenter aussi le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui nous guide dans les bonnes pratiques ? Va-t-on soutenir davantage les collectivités ? Non… Nos électeurs en déduiront que nous sommes des fous et que notre politique environnementale n’a ni queue ni tête.

Je défendrai plusieurs amendements qui viseront à recréer un équilibre. Le premier, CD18, vise à instaurer une exonération de TGAP pour les refus de tri non valorisables. C’est le problème des déchets résiduels : actuellement, le détenteur de ces déchets paye la TGAP sur ces déchets au même titre que sur les déchets qui n’ont fait l’objet d’aucun tri, alors que l’effort de tri a bien été réalisé ; la part éliminée correspond à des déchets qu’il est impossible de valoriser. Mon amendement vise à mettre fin à cette sanction financière injuste en instaurant une exonération de TGAP sur les flux de déchets qui ont fait l’objet d’un tri industriel et dont la part valorisable a été détournée de l’élimination.

M. Guy Bricout. Nous demandons en effet que les déchets ménagers qui ont fait l’objet d’un tri ne soient pas taxés.

M. Fabrice Brun. Pour mieux apprécier l’incohérence de la politique environnementale soulignée par Bertrand Pancher, les commissaires au développement durable que nous sommes seraient bien inspirés d’évaluer précisément l’ensemble des recettes de la fiscalité écologique détournées de leur objet et affectées au budget général de l’État, ce fameux tonneau des Danaïdes évoqué tout à l’heure par M. Jean-Marie Sermier. L’objectif est bien d’affecter le produit de la recette fiscale à son objet, la transition écologique, qui est l’enjeu de ce projet de loi de finances, et d’en restituer une part plus importante aux Français pour les accompagner dans leur vie au quotidien, quand ils ont besoin de se déplacer, de se chauffer, etc.

Mon amendement CD31 vise à mettre fin à une sanction financière injuste en instaurant une exonération de TGAP sur les flux de déchets qui ont fait l’objet d’un tri industriel et dont la part valorisable a donc été détournée de l’élimination. L’idée est de valoriser l’effort de tri. Valoriser plutôt que punir, c’est l’idée de cet amendement et de ceux qui suivront.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Les déchets faisant l’objet d’un refus de tri parce que non conformes aux exigences du centre dans lequel ils ont été envoyés ont généralement un haut pouvoir calorifique, ce qui permet de les valoriser sous forme d’énergie, notamment de chaleur. Dès lors, il n’apparaît pas pertinent de les exonérer totalement de TGAP : cela inciterait à les entreposer dans un centre de stockage, ce qui n’est pas l’objectif de la politique que nous cherchons à mettre en place.

Cela dit, je défendrai dans un instant un amendement CD145 qui vise à instaurer un abattement de TGAP de 50 % sur la valorisation énergétique des résidus de centres de tri. Cela permet de mieux cibler les refus de tri qui peuvent faire l’objet d’une baisse de la TGAP, lorsqu’ils sont valorisés sous forme d’énergie. Je vous propose donc de retirer vos amendements au profit du mien, que nous examinerons immédiatement après.

M. Bertrand Pancher. Les collectivités allaient prendre un grand coup de massue : elles prendront seulement un grand coup de marteau, et à la veille des élections municipales… J’espère en tout cas que votre amendement, qui constitue, je le reconnais, une avancée, certes limitée, sera soutenu par l’ensemble de la majorité en séance.

M. Fabrice Brun. Mme la rapporteure pour avis nous propose de couper la poire en deux. Je préfère la poire entière… Je maintiens mon amendement.

M. Jean-Baptiste Djebbari. La taxation des émetteurs, monsieur Bertrand Pancher, existe d’ores et déjà : cela s’appelle l’éco-contribution. Un des objectifs de la TGAP est de susciter l’innovation et donc de trouver une solution à ces déchets ultimes ; c’est un vrai sujet politique. Une réflexion est en cours, à laquelle participe notamment Mme Bénédicte Peyrol, sur le mécanisme qui pourrait permettre de traiter ces déchets ultimes. Le mécanisme n’est pas encore tout à fait mature ; en l’état, nous soutiendrons l’amendement de Mme la rapporteure pour avis, qui présente une première amorce de ce que pourrait être un mécanisme vertueux.

M. François-Michel Lambert. La question est de savoir si nous figeons un système ou si nous sommes capables de trouver les impulsions, notamment fiscales, pour nous engager dans une démarche vertueuse. Nous ne pouvons évidemment figer un système qui aboutirait à enfouir une masse de produits et nous soutiendrons donc l’amendement de Mme la rapporteure pour avis. Il est clair que nous devons donner le sens de la trajectoire, notamment vers la valorisation énergétique, mais aussi, peut-être dans le prochain projet de loi de finances ou dans celui-ci, vers la valorisation matière, puisque, dans une démarche d’économie circulaire, plus que la valorisation énergétique, c’est la valorisation matière qui importe. Des innovations existent mais elles se heurtent aux contraintes fiscales et aux surcoûts ; il est nécessaire de favoriser cette activité.

La commission rejette ces amendements.

 

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CD145 de la rapporteure pour avis et les deux amendements identiques CD14 de M. Guy Bricout et CD30 de M. Fabrice Brun.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Comme je l’indiquais à l’instant, l’amendement CD145 vise à prévoir un abattement de TGAP de 50 % pour la valorisation énergétique à haut rendement des refus de tri provenant de centres de tri performants. Il permet d’accompagner l’essor des centres de tri, dont les capacités de traitement vont augmenter dans les prochaines années.

Cet amendement ne vise que la valorisation énergétique des refus de tri, parce que ces résidus ont un haut pouvoir calorifique et qu’il convient de respecter la hiérarchie des modes de traitement : la mise en décharge doit dans tous les cas être évitée. Il ne visera par ailleurs que les centres de tri pour lesquels le tri atteindra un certain niveau de performance, ce niveau étant défini par arrêté après concertation avec l’ensemble de la profession, afin de s’assurer, à travers une certification, que les résidus qui bénéficieront de cet abattement de TGAP correspondent bien à une véritable fraction résiduelle et non à des déchets susceptibles d’être recyclés, et d’inciter ainsi à l’amélioration de la performance des centres de tri les plus vétustes. Cela me paraît être un bon signal.

M. Guy Bricout. La directive européenne relative aux déchets précise que la valorisation ne peut pas être assimilée à de l’élimination. Ainsi, il me semble logique que les installations réalisant une valorisation énergétique élevée soient exonérées de TGAP, comme le propose mon amendement CD14.

La loi de transition énergétique donne une priorité forte à la valorisation des énergies fatales et de récupération. Pour rappel, la valorisation énergétique représente un million de tonnes d’équivalent pétrole, ou une tranche nucléaire, ou deux mille éoliennes. Par ailleurs, seules ces unités arrivent à valoriser des produits non recyclables. Il est donc totalement légitime de les exonérer de TGAP, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets.

M. Fabrice Brun. Mon amendement CD30 va dans le même sens que celui de M. Guy Bricout. Il me paraît logique que les installations qui réalisent une valorisation énergétique élevée, qu’elles produisent du chaud ou du froid d’ailleurs, soient exonérées de TGAP, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets, conformément à la directive européenne cadre sur les déchets de 2008.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable pour deux raisons.

Tout d’abord, ces amendements ne permettent pas de rendre le recyclage plus attractif que la valorisation, ce qui pose un problème de hiérarchie des modes de traitement des déchets.

Par ailleurs, l’article 7, dans sa rédaction actuelle, propose déjà un tarif réduit pour les installations d’incinération réalisant une valorisation énergétique élevée : 15 euros la tonne, au lieu de 25 euros la tonne pour les autres installations d’incinération. La valorisation fait ainsi déjà l’objet de mesures permettant de la rendre attractive. Exonérer totalement de TGAP les installations de valorisation énergétique irait à l’encontre de l’objectif de rendre le recyclage moins cher que le traitement thermique.

La commission adopte l’amendement CD145.

Par conséquent, les amendements CD14 et CD30 tombent.

 

La commission est saisie des deux amendements identiques CD11 de M. Bertrand Pancher et CD28 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Mon amendement CD11 vise à accorder aux collectivités une franchise de TGAP pour les déchets ménagers dès lors qu’il s’agit de déchets résiduels inévitables. Sur les 568 kilogrammes de déchets produits par un Français chaque année, 184 kilogrammes ne disposent d’aucune filière de recyclage et sont donc nécessairement éliminés dans les installations de stockage et de traitement thermique. Les collectivités se retrouvent à devoir payer la TGAP pour l’élimination de ces déchets alors qu’elles n’ont aucune prise sur la conception de ces produits pour lesquels aucune filière de recyclage n’a été prévue. Il semble injuste de les taxer pour l’élimination de ces déchets pour lesquels il n’existe aucune alternative.

M. Fabrice Brun. Nous souhaitons que l’élimination soit toujours plus chère que le recyclage. Cette mesure permettrait de mettre en place une fiscalité incitative pour contribuer à la réduction de l’élimination des déchets sans entraîner une hausse trop importante de la pression fiscale pour les collectivités.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je demande le retrait de ces amendements, à défaut de quoi mon avis sera défavorable, pour trois raisons.

Tout d’abord, vous excluez une part importante des déchets d’activités économiques puisque le champ de vos amendements concerne les déchets ménagers et assimilés.

Ensuite, la TGAP taxe des externalités négatives. Or, le cent dix-neuvième kilogramme de déchets produit autant d’externalités négatives que le cent vingt et unième… Cela pose le problème de l’objectif poursuivi : vous exonérez certaines activités polluantes alors que l’objectif est de les taxer dans leur ensemble.

Enfin, il se pose sans doute un problème d’inconstitutionnalité du fait de la rupture d’égalité entre les secteurs d’activité concernés et de l’exonération d’activités polluantes.

M. Bertrand Pancher. Je pense que vous nous avez compris, madame la rapporteure pour avis. On taxe les déchets ultimes alors qu’il faudrait taxer l’ensemble des producteurs de sorte qu’ils s’engagent dans des systèmes de mise sur le marché plus vertueux. Comme nous n’avons pas réussi à faire passer cela, nous présentons ces amendements de repli pour expliquer l’utilité du tri parmi nos concitoyens. Pris isolément, ces amendements peuvent paraître incongrus ; ils se comprennent dans l’ensemble du dispositif de tri et d’incitation.

La commission rejette ces amendements.

 

Elle examine ensuite, en discussion commune, les trois amendements identiques CD12 de M. Bertrand Pancher, CD13 de M. Guy Bricout et CD135 de Mme Sandra Marsaud, l’amendement CD48 de M. Fabrice Brun, ainsi que les amendements identiques CD66 de Mme Sophie Auconie et CD73 de M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’amendement CD12 vise à créer une franchise de TGAP pour les déchets correspondant aux déchets résiduels inévitables.

La TGAP fonctionne comme une taxe essentiellement punitive, qui pénalise les collectivités et les entreprises responsables de la gestion des déchets lorsqu’elles sont contraintes de traiter un déchet dans leurs installations de traitement thermique ou de stockage. Le relèvement de la TGAP proposé par le Gouvernement aura le même effet, en pénalisant en premier lieu les collectivités, qui sont déjà lourdement taxées sur la gestion des déchets, à hauteur de 25 % du coût du service public.

Je propose donc de compléter ce dispositif par un volet incitatif. Il poursuivrait donc le même objectif que les mesures de fiscalité sur les déchets proposées par le Gouvernement, en créant une réfaction de TGAP pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l’objectif de réduction du stockage fixé par le Gouvernement, à savoir la division par deux du volume de déchets envoyés en décharge par rapport à 2010. Cela renforcerait la cohérence du dispositif fiscal proposé puisque cela inciterait les collectivités qui n’ont pas réalisé des efforts de réduction de stockage à le faire, en évitant d’augmenter la pression fiscale sur celles qui ont déjà réalisé cet effort.

M. Guy Bricout. Même arguments pour l’amendement CD13.

Mme Sandra Marsaud. Ils valent également pour mon amendement CD135. Tous ces amendements, on le sait, sont proposés par l’association Amorce. Je soutiens cette démarche qui complète par un volet incitatif les mesures proposées par le Gouvernement. Cela montre aussi que des collectivités font des efforts. Calitom, le service public des déchets de Charente, est parvenu à ramener à moins de 150 kg le volume de déchets ultimes par habitant et par an ; c’est un des bons élèves.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Comme je l’ai évoqué précédemment, la TGAP vise à taxer l’externalité négative liée au stockage ou à l’incinération des déchets. Le fait qu’une collectivité ou une entreprise soit performante en matière de gestion des déchets n’a pas d’impact sur le caractère polluant des activités de stockage ou d’incinération. Ensuite, il me paraît particulièrement incongru de récompenser une collectivité qui respecte simplement la loi, en l’occurrence l’objectif de 50 % de déchets admis en installation de stockage par rapport à 2010.

Sur la forme, dans le tableau initial, était indiqué dans la dernière colonne « à partir de 2025 ». Or vos amendements ont supprimé la mention « à partir de l’année ». Autrement dit, la dernière colonne ne s’appliquerait plus que pour 2025, ce qui supprime la trajectoire de TGAP pour les années suivantes.

Enfin, l’article 59 du projet de loi de finances prévoit une TVA réduite à 5,5 % sur certaines opérations de recyclage, dont bénéficieront les collectivités et entreprises performantes dans la gestion de leurs déchets. Pour ces différentes raisons, je suggère le retrait de ces amendements.

M. Bertrand Pancher. J’ai du mal à comprendre votre argumentation : celui qui respecte la loi doit payer… La fiscalité, pour être incitative, doit être intelligente. Faisons en sorte que les efforts soient récompensés.

M. Loïc Prud’homme. Nous sommes en train de chercher des solutions fiscales ou techniques à un problème éminemment politique : il s’agit tout simplement de cesser de produire des déchets. Mme Sandra Marsaud vient de nous indiquer que son département est parvenu à ramener à 150 kilogrammes le tonnage de déchets ultimes par an et par habitant : cela représente tout de même pour le pays dix millions de tonnes par an… Nous finirons par être ensevelis sous nos propres déchets. Quand j’entends parler de déchets résiduels « inévitables », je dis non : il faut éviter de produire ces déchets. Des incitations fiscales ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.

M. Matthieu Orphelin. Il faut adopter sur ces sujets une approche globale et faire en sorte que recycler coûte enfin moins cher que mettre en décharge. La France est un des seuls pays d’Europe à avoir des signaux de prix qui vont dans le mauvais sens.

Les amendements présentent des solutions mais il faudra aussi modifier le projet de loi de finances en seconde partie pour que la baisse de TVA sur la prévention et le recyclage des déchets, qui était une des avancées en faveur des collectivités, soit bien effective dès 2019 comme prévu dans la feuille de route pour l’économie circulaire et non en 2021 le propose le projet de loi de finances du Gouvernement.

M. Bertrand Pancher. Excellent !

M. Fabrice Brun. La TGAP fonctionne comme une taxe essentiellement punitive. Il est évident, madame la rapporteure pour avis, qu’il faut récompenser ceux qui montrent l’exemple et ouvrent un nouveau chemin pour l’économie circulaire. Il faut sortir du cycle punitif : c’est pourquoi mon amendement CD48 complète le dispositif par un volet incitatif en créant une réfaction de TGAP pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l’objectif de réduction du stockage porté par le ou les différents gouvernements, à savoir diviser par deux le tonnage des déchets envoyés en stockage par rapport à 2010.

Mme Sophie Auconie. Mon amendement CD66, dans la même logique, a pour objet d’appliquer un taux réduit de TGAP sur les fractions résiduelles issues des installations de tri, recyclage et valorisation performantes certifiées.

M. Bertrand Pancher. Il s’agit également, avec l’amendement CD73, d’instaurer un taux réduit de TGAP sur les fractions résiduelles issues des installations de tri et recyclage. En l’état actuel des choses, le projet de loi de finances pour 2019 ne permet pas de différencier les déchets selon qu’ils peuvent être recyclés ou non. La composante « déchets » de la TGAP doit rester incitative et favoriser une orientation des flux vers les filières de tri, recyclage et valorisation, en prenant en compte les efforts réalisés par les producteurs de déchets.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Comme je l’ai indiqué, le projet de loi de finances prévoit d’ores et déjà un dispositif incitatif, en tout cas pour les collectivités et entreprises les plus performantes et les plus exemplaires dans ce domaine, sous la forme d’une TVA réduite à 5,5 %, au lieu de 10 % sur certaines opérations de recyclage. Je demande le retrait des amendements CD66 et CD73 dans la mesure où l’amendement CD145 que nous avons adopté crée déjà un abattement de 50 % pour les installations réalisant une valorisation énergétique élevée. Il n’y a donc pas lieu de mettre en place deux mesures distinctes pour les refus de tri.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Le groupe La République en Marche ne votera pas ces amendements. Il faut avoir à l’esprit l’équilibre proposé par le Gouvernement, qui consiste à augmenter la TGAP sur les opérations de stockage et d’incinération et à appliquer un taux réduit de TVA aux collectivités pour les opérations de prévention, de tri et de collecte. M. Matthieu Orphelin a évoqué la question de la date d’application de ce dispositif : il y aura un combat à mener pour l’avancer à 2019 – il est aujourd’hui prévu que ce soit 2021.

M. Bertrand Pancher. Je vais remuer une dernière fois le couteau dans la plaie : quand on fera le bilan de l’augmentation de la fiscalité environnementale au cours des deux dernières années, on s’apercevra que le total dépasse les 8 milliards d’euros. Quel est le retour en termes d’économies pour ceux qui changent de comportement ? C’est un cheval pour une alouette, comme on dit à la campagne ! Comment voulez-vous expliquer à nos concitoyens que l’on s’engage dans un tournant environnemental ? Ce n’est pas le cas.

La commission rejette les amendements CD12, CD13 et CD135.

Elle rejette ensuite l’amendement CD48.

L’amendement CD73 est retiré.

La commission rejette enfin l’amendement CD66.

 

Puis elle examine les amendements identiques CD17 de M. Bertrand Pancher, CD19 de Mme Sophie Auconie, CD21 de M. Guy Bricout et CD56 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Mon amendement CD17, un peu technique, vise à maintenir une réfaction incitative pour les installations de stockage des déchets valorisant 75 % du biogaz. En effet, alors que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe des objectifs de développement dans ce domaine, la réforme de la TGAP proposée par le Gouvernement supprime toute incitation fiscale, au risque de compromettre le développement d’une pratique qui permet de réduire le recours aux énergies fossiles en valorisant l’énergie produite par les déchets. J’avoue que je ne comprends pas…

Mme Sophie Auconie. Je défends l’amendement CD19 pour les mêmes raisons. Nous prêchons l’idée qu’il vaut mieux des mesures incitatives, via la fiscalité, que punitives. Or une incitation fiscale va être retirée alors qu’elle permet d’obtenir des résultats.

M. Guy Bricout. Comme nous appartenons au même groupe, vous ne serez pas surpris que je fasse la même proposition avec mon amendement CD21.

M. Fabrice Brun. Je vais en remettre une couche avec mon amendement CD56 : il ne faut pas supprimer la réfaction incitative pour les installations de stockage des déchets valorisant 75 % du biogaz. La réforme de la TGAP qui est proposée par le Gouvernement supprimera toute incitation fiscale, ce qui est incompréhensible car cela nuira au développement d’une pratique qui permet de réduire le recours aux énergies fossiles, objectif que nous partageons tous, en valorisant l’énergie produite par les déchets. Nous avons vraiment besoin d’explications sur ce sujet.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le biogaz capté est essentiellement tiré de la fraction fermentescible des déchets, autrement dit de la part qui pourrait faire l’objet d’une valorisation organique. Dans le cadre de la logique suivie par ce projet de loi de finances et des orientations définies par le Gouvernement, qui établissent une hiérarchisation des modes de traitement, il ne semble pas pertinent de conserver des dispositions incitant à recevoir les déchets dans des centres de stockage alors qu’ils peuvent faire l’objet d’une autre valorisation.

J’ajoute que la suppression prévue est progressive : il n’y aura pas de sortie brutale du dispositif, puisque la trajectoire proposée s’étale jusqu’en 2025.

Enfin, des tarifs spécifiques sont prévus pour le rachat de l’électricité tirée du biogaz, ainsi que des aides pour le développement de cette filière. Tout l’enjeu de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est de faire des choix clairs, stratégiques et ambitieux en faveur du biogaz et de la méthanisation. Une aide supplémentaire, via le maintien d’une réfaction de TGAP, n’apparaît pas nécessaire : il ne convient pas de maintenir des tarifs réduits pour les installations réalisant une valorisation du biogaz. C’est évidemment une filière qu’il faudra soutenir, mais pas de cette façon.

M. Matthieu Orphelin. Nous avons eu toutes ces discussions, qui ne sont pas simples, dans le cadre de la préparation de la feuille de route pour l’économie circulaire. L’ensemble des acteurs du groupe de travail sur le financement et la fiscalité de l’économie circulaire est arrivé à des conclusions conformes à ce qui nous est présenté aujourd’hui. Je rappelle que nous sommes le seul pays européen à pratiquer des réfactions aussi nombreuses et représentant des montants aussi élevés – c’est une particularité française. Nous avons collectivement considéré que le maintien des deux réfactions existantes, sur la valorisation du biogaz, dont il est présentement question, et d’autre part sur le fonctionnement en mode bioréacteur, ne serait pas conforme à un autre objectif de la loi de transition énergétique : le développement de la valorisation des biodéchets et la généralisation très rapide du tri à la source. C’est ce qui explique l’extinction des réfactions, qui sera très progressive.

M. Bertrand Pancher. J’ai trop de respect envers M. Matthieu Orphelin pour le contredire. Si l’on pouvait réduire, voire supprimer tous les déchets, nous en serions très heureux… En attendant, nous tâchons d’en valoriser une partie par le biogaz. La rapporteure pour avis nous dit que la suppression de la réfaction n’est pas grave car il existe bien d’autres aides. Il y a notamment celles de l’ADEME ; mais lorsqu’on s’embarque pour trois ou quatre ans en déposant un projet d’unité de méthanisation, on peut se demander, au vu du peu de crédits disponibles, si cela en vaut la peine… Nous nous étions fixé comme objectif d’aboutir à une production de chaleur renouvelable équivalente à celle de l’électricité renouvelable, mais c’est impossible car il n’y a pas assez de moyens d’accompagnement.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je partage le constat et l’objectif, mais cela ne passe pas par ce type de dispositif.

Mme Danielle Brulebois. Je voudrais souligner le rôle important de l’ADEME car il n’est peut-être pas toujours assez connu dans les collectivités territoriales. Le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, M. François de Rugy, a fait des annonces hier en ce qui concerne le fonds chaleur, dont le montant va considérablement augmenter. C’est aussi à nous de faire en sorte que l’ADEME informe correctement.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Le ministre d’État a en effet annoncé une augmentation substantielle du fonds chaleur de l’ADEME : les crédits passeront de 215 à 300 millions d’euros l’année prochaine. Nous aurons à en débattre lorsque nous examinerons la deuxième partie du projet de loi de finances, mais c’est en effet un des moyens efficaces pour mener à bien la transition.

M. Fabrice Brun. Je ne partage pas la logique poursuivie. Nous sommes d’accord sur les objectifs, mais pas sur la manière et les moyens de les atteindre. Cette réfaction, même si elle constitue peut-être un système spécifique à la France, a prouvé son efficacité.

La commission rejette les amendements.

 

Puis elle est saisie des amendements identiques CD6 de M. Bertrand Pancher et CD26 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Dans le cadre de la feuille de route pour l’économie circulaire, le Gouvernement a proposé une augmentation de la TGAP que les collectivités ont trouvée injuste et inefficace. Bien que la volonté d’adresser un signal prix sur l’élimination des déchets pour favoriser le recyclage soit positive, la réforme passe à côté de son but : elle entraînera simplement un doublement des taxes payées par les collectivités pour la gestion des déchets, sans aucune contrepartie.

Mon amendement CD6, de bon sens, vise à ne fixer la trajectoire de la TGAP que pour les deux années à venir et à reporter son augmentation. Cela nous permettra de mener une réflexion sur les premiers effets de la feuille de route pour l’économie circulaire, qui comporte de nombreuses actions financées par la TGAP. Celle-ci augmente mais on ne sait pas ce qu’il en est dans le cadre de la feuille de route. Nous devons faire en sorte qu’il y ait une corrélation et que l’on ne prenne pas les collectivités, et surtout les usagers, pour des vaches à lait : s’ils paient, ils sont en droit de savoir où l’argent va. Or aujourd’hui, on ne voit pas les retombées.

M. Fabrice Brun. Le groupe Les Républicains partage la volonté d’émettre un signal prix en ce qui concerne l’élimination des déchets : la priorité est de favoriser le recyclage et d’inciter à produire moins de déchets. Je m’insurge à nouveau contre le détournement des produits de la fiscalité écologique de leur finalité, qui est d’investir dans la transition écologique : ils sont finalement versés au budget de l’État, comme c’est le cas d’une grande partie de la TGAP. Mon amendement CD26 vise également à prévoir la trajectoire de la TGAP pour les deux ans à venir, afin de pouvoir mener une réflexion sur les effets de la feuille de route pour l’économie circulaire, notamment en ce qui concerne les nouvelles filières de recyclage et le renforcement de celles qui existent déjà.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Ces amendements supprimeraient la trajectoire prévue à l’article 8 au-delà de 2020. Or cette trajectoire et le signal prix associé sont indispensables si l’on veut aboutir à des changements de comportement. Par ailleurs, il faut lire cet article avec l’article 7, relatif à la mise en place de la TEOM incitative, et l’article 59, qui ramène à 5,5 % le taux de TVA pour certaines opérations de recyclage : les collectivités s’engageant dans une démarche de réduction des déchets bénéficieront de cet ensemble de mesures.

Par ailleurs, les réductions de déchets prévues par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et par la feuille de route pour l’économie circulaire devraient se traduire par une réduction globale de leur volume, ce qui compensera la hausse des tarifs.

Enfin, comme tout à l’heure, je relève que ces amendements suppriment les colonnes 5 à 9 du tableau et, de ce fait, la TGAP sur le stockage et l’incinération de déchets non dangereux au-delà de 2020, car ils ne prévoient pas que la quatrième colonne s’appliquera « à partir de » 2021.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Ces amendements comportent une idée très intéressante : il y aura effectivement des recettes supplémentaires dans le cadre de la TGAP, et il faut d’une certaine façon – je me reporte de nouveau aux conclusions du groupe de travail – que ce soit suivi par une évolution des aides aux différents acteurs, notamment les collectivités, dans un ordre de grandeur similaire. Je ne parle pas d’affectation, en l’absence de consensus sur cette question, mais il faudra trouver des mécanismes pour garantir qu’une partie de l’augmentation de la TGAP revienne spécifiquement à des actions permettant d’aider les collectivités territoriales et les entreprises à s’engager dans l’économie circulaire. C’est ainsi que le fonds déchets est né lors du Grenelle – M. Brun le sait bien.

M. Fabrice Brun. Comme la rapporteure pour avis l’a bien compris, nous proposons vraiment une autre trajectoire. Le fléchage des nouvelles recettes est une question très importante.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. J’entends bien, mais l’affectation du produit de la TGAP ne figure pas dans le dispositif de ces amendements. J’ai moi-même interpellé les ministères compétents lors des auditions, en soulignant que je m’étonnais de la fin de l’affectation de ces crédits, notamment pour l’ADEME, quand bien même les moyens de cette agence sont en augmentation. C’est un sujet que nous devons traiter, mais vos amendements ne répondent pas à la problématique posée.

La commission rejette les amendements.

 

Elle examine ensuite les amendements identiques CD16 de M. Bertrand Pancher et CD55 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Mon amendement CD16 vise à maintenir une réfaction incitative pour les installations réalisant une valorisation énergétique performante.

M. Fabrice Brun. Mon amendement CD55 vise à créer un environnement fiscal plus favorable pour les installations permettant de valoriser les déchets non recyclables sous forme de chaleur ou d’électricité de récupération. Il nous semble que la réforme de la TGAP envisagée par le Gouvernement risque de limiter les incitations à la valorisation de l’énergie produite par le traitement thermique, qui exige pourtant des investissements considérables.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Ces amendements nous feraient déroger au principe de hiérarchisation des modes de traitement des déchets que nous préconisons : il faut que le recyclage coûte moins cher que l’incinération, qui doit elle-même coûter moins cher que le stockage. Vos amendements proposent de revenir sur le tarif de la TGAP, déjà réduit, qui est prévu par le projet de loi pour les installations de traitement thermique réalisant une valorisation énergétique élevée : il serait ramené de 15 à 10 euros la tonne, ce qui rendrait la valorisation énergétique moins coûteuse que le recyclage. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CD32 de M. Bertrand Pancher et CD34 de M. Fabrice Brun.

M. Bertrand Pancher. Les installations de stockage souhaitant bénéficier du taux réduit de TGAP pour la valorisation à 75 % du biogaz devront effectuer, dès le 1er janvier 2019, un mesurage direct des volumes captés. Cette obligation, introduite par l’article 4 de l’arrêté ministériel du 28 décembre 2017, nécessitera de nouveaux investissements du côté des collectivités territoriales. Or une telle prescription est impossible à respecter dans les délais prévus : la plupart des instruments actuellement homologués sur le marché européen ne sont pas adaptés au mesurage du biogaz et il faudra plusieurs années pour normaliser le matériel disponible et en équiper les installations. Au 1er janvier prochain, la majorité des collectivités propriétaires d’une installation de stockage de déchets non dangereux (ISDND) risquent donc de ne plus bénéficier de la réfaction, alors qu’elles réaliseront toujours une valorisation du biogaz. Mon amendement CD32 vise, dans l’immédiat, à stabiliser la réfaction existante.

M. Fabrice Brun. L’amendement CD34 est défendu.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je vous propose de retirer ces amendements pour deux raisons. D’une part, l’arrêté ministériel du 28 décembre 2017 que vous avez cité est en vigueur depuis le 1er janvier 2018, conformément à son article 11, et il n’y a donc pas lieu de se préparer à un mesurage direct des volumes de biogaz captés à compter de 2019. D’autre part, ces amendements supprimeraient les alinéas 41 et 42 de l’article 8, qui concernent les désignations techniques de la méthode de captation du biogaz – c’est notamment important pour les autorisations d’exploitation et les modes de production. Il faut être très vigilant sur ce sujet, et je vous propose de conserver ces dispositions.

M. Fabrice Brun. Je vous remercie pour ces explications et je retire mon amendement.

M. Bertrand Pancher. Je fais de même.

Les amendements sont retirés.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 8 ainsi modifié.

 

La réunion, suspendue à onze heures trente, reprend à onze heures trente-cinq.

 

Après l’article 8

 

La commission examine l’amendement CD99 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. La collecte et la valorisation des huiles alimentaires usagées (HAU) permettent de répondre à un triple objectif : assurer une meilleure gestion des déchets, réaliser la transition énergétique et garantir la qualité de l’eau. Les HAU, lorsqu’elles ne finissent pas dans les réseaux d’assainissement des collectivités, où elles ont des effets très perturbateurs, sont transformées en biodiesel, ce qui nécessite de l’énergie et des produits chimiques en grande quantité. Des structures de l’économie sociale et solidaire proposent depuis plusieurs années d’utiliser les HAU dans des chaudières ou dans le cadre d’autres procédés de production de chaleur. Une analyse du cycle de vie montre que cela permettrait de réduire les émissions de CO2 de 96 % par rapport à l’utilisation du fioul domestique et de 62 % par rapport à la filière HAU biodiesel.

Afin de soutenir le développement d’une filière vertueuse et créatrice d’emplois locaux, je vous propose d’adopter en sa faveur une exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Un arrêté ministériel du 24 août 2016 a certes autorisé l’usage des HAU dans les installations de combustion de plus de 100 kilowatts, mais elles sont soumises à la même taxation que tout carburant. L’enjeu est réel : au niveau des professionnels, les HAU représentent un total de 170 millions de litres par an. Il y a une véritable opportunité à saisir en soutenant le développement de cette filière.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous avez raison : il y a là un véritable intérêt à favoriser la collecte et la valorisation des huiles alimentaires usagées en les exonérant de TIPCE. C’est une mesure particulièrement pertinente qui peut contribuer à l’émergence de toute une filière. J’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD137 de la rapporteure pour avis et les amendements identiques CD87 de M. Matthieu Orphelin et CD131 de M. Jean-Baptiste Djebbari.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement CD137 concerne un sujet sur lequel nous avons échangé longuement l’an dernier, à savoir les hydrofluorocarbures (HFC), qui sont de puissants gaz à effet de serre : leur potentiel de réchauffement est plus de 10 000 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone, et ils sont à l’origine d’un peu plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays.

Je vous propose un dispositif de type bonus-malus comportant deux volets : d’une part, une taxe progressive sur les HFC, qui sera prélevée auprès des producteurs et des importateurs de ces fluides à partir du 1er janvier 2021, ce qui laissera aux acteurs le temps de s’organiser ; d’autre part, un mécanisme de suramortissement des investissements à hauteur de 40 %, afin d’aider les entreprises à investir dans des machines frigorifiques utilisant des fluides alternatifs ayant un moindre impact sur le climat. C’est un système progressif qui laissera aux acteurs la possibilité de trouver progressivement des alternatives.

Cet amendement est cohérent avec les engagements internationaux de la France, puisque nous venons de ratifier le protocole de Kigali, qui vise à supprimer progressivement 85 % des HFC d’ici à 2040, et avec nos engagements européens, dans la mesure où le règlement F-Gaz impose aux producteurs et aux importateurs des quotas annuels de HFC et une augmentation du prix de ces fluides.

La taxe que je vous propose d’adopter permettra d’accélérer la disparition de ces puissants gaz à effet de serre, comme c’est déjà le cas au Danemark depuis 2000 et en Espagne depuis 2013. En parallèle, ces pays ont créé des programmes de subvention et d’accompagnement pour l’adoption de technologies à base de frigorigènes à bas potentiel de réchauffement global. Mon amendement s’inscrit dans la même philosophie en créant à la fois un accompagnement, via le suramortissement, et un dispositif punitif qui repose sur une taxe applicable à partir de 2021. C’est un sujet sur lequel nous devons avancer collectivement. Le ministre s’était d’ailleurs engagé l’an dernier, en séance, à organiser un rendez-vous en 2018 sur cette question cruciale.

M. Matthieu Orphelin. Nous devons agir sur les fluides HFC, qui sont à l’origine de 5 % des émissions de gaz à effet de serre en France et représentent un levier d’action très efficace pour réduire notre impact sur le climat. Le dispositif de fiscalité incitative que nous proposons dans l’amendement CD87 est équivalent à celui de l’amendement CD137, avec un suramortissement dont le montant est fixé à 40 % pour les installations qui auraient recours à des fluides non émetteurs de gaz à effet de serre – des technologies existent, proposées par des entreprises françaises – et une taxe sur les émissions de HFC.

Les taux que nous proposons aujourd’hui sont plus bas que ceux que nous avons proposés l’année dernière : de 5 euros par tonne en équivalent CO2 en 2019 à 30 euros à partir de 2022. Ce dispositif est plus progressif et conforme à ceux établis par d’autres pays européens qui nous ont montré la voie. En Espagne, la taxe est aujourd’hui de 20 euros par tonne. Au Danemark, elle a permis de diviser par trois la quantité de HFC mise sur le marché, alors que, dans le même temps, nous l’avons multipliée par deux en France.

Rappelons que le Gouvernement s’était engagé à adopter une telle mesure lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018. Qui plus est, ce dispositif permettrait également de respecter l’engagement pris dans le cadre du Plan climat en juillet 2018.

M. Jean-Baptiste Djebbari. La discussion a en effet déjà eu lieu l’année dernière. Dans la mesure où le mécanisme européen paraît aujourd’hui insuffisant, nous proposons, dans l’amendement CD131, un système de bonus-malus pour les gaz HFC, qui sont extrêmement émissifs.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Ces deux amendements poursuivent le même objectif que le mien : réduire les émissions de gaz HFC, qui sont hautement nocifs. Néanmoins, leur dispositif est légèrement différent, s’agissant notamment de l’échéance prévue pour la mise en place de la taxe. Quand vous proposez 2019, je suggère 2021, afin de laisser un peu plus de temps aux différents acteurs pour s’organiser. Par ailleurs, si nos trois amendements exonèrent les usages médicaux, notamment la Ventoline, la rédaction du mien définit peut-être plus précisément ces exonérations. C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos deux amendements au profit du mien.

M. François-Michel Lambert. Madame la rapporteure pour avis, je ne doute pas de votre engagement et je note que votre amendement est peut-être plus précis quant aux exonérations médicales. En revanche, l’urgence écologique est telle que nous devons trouver les moyens d’accélérer, d’autant plus que le réchauffement climatique amène à un usage croissant des climatiseurs… Il est donc urgent d’envoyer un signal sur les effets dévastateurs des gaz HFC, sur lesquels, comme l’a rappelé M. Matthieu Orphelin, il est plus facile d’agir que sur d’autres émissions, qui sont beaucoup plus dispersées. Je soutiendrai l’amendement CD87 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Je suis sensible à l’idée qu’il faille donner du temps. Mais nous avons déjà reporté cette question l’an dernier.

M. François-Michel Lambert. Très juste !

M. Matthieu Orphelin. On parle de lobbies : j’ai encore reçu ce matin un mail m’expliquant que mon amendement, en taxant les fluides HFC, allait nuire à la lutte contre le changement climatique… J’ai trouvé cela assez cocasse ! Je songeais à le retirer pour le redéposer dès vendredi en commission des finances, mais j’hésite…

M. Loïc Prud’homme. Laissez-le !

M. Matthieu Orphelin. Soit, mais vu l’ordre de la discussion commune, il va tomber. Je réfléchis encore quelques secondes pour savoir si je le maintiens… (Sourires.) Notre commission ayant été saisie pour avis, nous avons intérêt à être les plus ambitieux possible. Pour l’instant, je maintiens mon amendement, en attendant de savoir ce que fera M. Jean-Baptiste Djebbari.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Je mets fin au suspense : nous allons voter l’amendement de Mme Laurianne Rossi et retirons l’amendement CD131. Nous aurons le débat sur la date en commission des finances.

L’amendement CD131 est retiré.

M. Matthieu Orphelin. Ce débat n’aura pas d’incidence : je ne suis pas là pour faire de la figuration, mais pour faire avancer les sujets. Je retire mon amendement pour le redéposer immédiatement en commission des finances la semaine prochaine. Bien sûr, si vous le votez tous, je peux le laisser… (Sourires.) Soit, je le maintiens !

Mme la présidente Barbara Pompili. Pour le bon déroulement des débats, je tiens à rappeler que si l’amendement de Mme la rapporteure pour avis est adopté, les deux amendements identiques tomberont.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le signal est envoyé dès maintenant. Le mécanisme de suramortissement s’appliquerait dès 2019. Nous incitons dès maintenant nos acteurs économiques à s’engager en faveur d’investissements alternatifs et, partant, à abandonner l’utilisation des fluides HFC. Par ailleurs, le signal a également été donné au niveau européen, puisque des objectifs clairs ont été définis. Faire appliquer la taxe en 2021 me semble plus raisonnable. Cela laisse le temps aux acteurs économiques de s’organiser et d’anticiper, tout en investissant dès maintenant, grâce au mécanisme du suramortissement, dans des installations vertueuses.

M. Matthieu Orphelin. Ce que dit Mme Laurianne Rossi est très important. Il ne faut pas que le Gouvernement nous « refasse le coup » qu’il nous a fait, en augmentant la TGAP et en baissant la TVA. Si jamais la taxe ne devait s’appliquer qu’à partir de 2021, il est essentiel que le mécanisme de suramortissement commence bien dès 2019. C’est aussi important que le signal envoyé par la taxe. On raconte une histoire positive à tous les acteurs qui auront à investir dans des machines avec des fluides moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Mme Sophie Auconie. Je souscris totalement à ce que vient de dire M. Matthieu Orphelin. Mais je vous redis que nous sommes schizophrènes. Nous examinons, à très juste titre, ce problème, mais nous allons participer à un événement sportif qui va provoquer l’émission de quantités énormes de fluides dangereux pour notre environnement. Voilà qui est plutôt schizophrène !

Mme la présidente Barbara Pompili. Pour récapituler, M. Jean-Baptiste Djebbari a retiré son amendement et M. Matthieu Orphelin…

M. Matthieu Orphelin. Je le maintiens au cas où l’amendement de la rapporteure pour avis ne serait pas adopté. (Sourires)

La commission adopte l’amendement CD137.

En conséquence, l’amendement CD87 tombe.

 

La commission examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CD141 de la rapporteure pour avis et les amendements identiques CD24 de M. Fabrice Brun, CD116 de M. Paul-André Colombani et CD129 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement CD141 vise à mettre en œuvre une écocontribution destinée à couvrir les coûts de traitement des déchets issus d’objets manufacturés non recyclables. Il s’intègre dans la logique du projet de loi de finances, en particulier de l’article 8 qui vise à inciter au recyclage plutôt qu’au stockage et à l’incinération. La philosophie consiste à responsabiliser les producteurs d’objets manufacturés non recyclables, en leur faisant prendre en charge la collecte et le traitement des déchets issus de leurs produits, en application du principe pollueur-payeur.

Ce dispositif est double, puisque l’écocontribution est couplée à une taxation pour les personnes mettant sur le marché ces produits manufacturés non recyclables, qui ne respectent pas les prescriptions du code de l’environnement relatives à l’écocontribution établie par cet amendement.

M. Fabrice Brun. Près d’un tiers des déchets ménagers des Français, hors biodéchets, sont composés de produits pour lesquels il n’existe pas de filière de recyclage. Il s’agit notamment de produits en plastique de grande consommation, comme les produits jetables ou le matériel scolaire, et de millions de produits en matériaux divers, comme les textiles sanitaires ou la vaisselle.

Leurs metteurs sur le marché ne contribuent à la gestion des déchets et ne sont pas incités à se tourner vers l’économie circulaire. Pour mettre fin à cette forme de prime aux cancres, mon amendement CD24 vise à instaurer une TGAP amont ou écocontribution sur les produits non fermentescibles et non couverts par la responsabilité élargie des producteurs (REP). Plutôt que de taxer aveuglément les gestionnaires des déchets, qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits, nous créons une TGAP amont ou une écocontribution pour les entreprises non vertueuses, mettant en marché plus de 10 000 unités par an – ce seuil a pour but de préserver les petites entreprises.

M. Paul-André Colombani. L’amendement CD116 vise à créer la même TGAP amont que celle proposée par mon collègue. Les producteurs de produits non recyclables ne sont pas soumis à la responsabilité élargie des producteurs ; de ce fait, ce sont les collectivités territoriales qui paient la collecte et le traitement des déchets. Il paraît normal que le traitement de ces « passagers clandestins » soit taxé et que leurs producteurs participent à la mise en place d’une économie circulaire totale.

Mme Sandra Marsaud. L’amendement CD129, identique, est un amendement proposé par l’association Amorce, qui envoie un signal vertueux pour nous inciter tous à modifier nos habitudes, aussi bien les producteurs que les consommateurs.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je partage évidemment complètement l’idée de ces amendements identiques. Il est crucial d’agir en amont, et non pas uniquement en aval sur les gestionnaires de la collecte et du traitement des déchets et nos concitoyens, et de responsabiliser également les acteurs, soit les producteurs d’objets manufacturés non recyclables. Nous poursuivons collectivement le même objectif.

Cela étant,… 

M. Fabrice Brun. Ça se gâte ! Ça commençait pourtant bien !

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Si je partage complètement votre philosophie, mon amendement CD141, en inscrivant le principe d’une écocontribution sur ces produits dans le code de l’environnement, permet de simplifier et de préciser vos dispositifs. C’est d’ailleurs la solution qui est ressortie de la feuille de route pour l’économie circulaire. Je vous invite donc à retirer vos amendements au profit du CD141.

M. François-Michel Lambert. Merci pour votre amendement, madame la rapporteure pour avis ! Depuis le temps que nous l’attendions… Certains distribuent des goodies en veux-tu en voilà, voire des petits objets cadeaux, dans les œufs d’une célèbre marque. Mais ensuite, ce sont les collectivités qui doivent gérer ces produits d’une durée de vie extrêmement courte. Il était temps de leur appliquer une fiscalité particulière. Nous avons parlé tout à l’heure de la charge supplémentaire que les collectivités allaient subir, du fait de l’augmentation de la TGAP ; mais ceux qui mettaient jusqu’à présent sur le marché ces produits n’étaient soumis à aucune fiscalité ni aucune écocontribution. L’amendement CD141 vient répondre à ce problème.

Certes, le dispositif s’applique seulement à partir de 10 000 unités mises sur le marché. À ce propos, s’agit-il de 10 000 unités tous produits confondus ou par type de produit ? Nous devons être précis pour éviter tout détournement : imaginons que le cadeau Kinder A ne soit produit qu’à 9 999 exemplaires, le cadeau Kinder B également à 9 999 exemplaires, et ainsi de suite… Comment être le plus efficace possible ? La proposition de Mme la rapporteure pour avis, en instaurant une écocontribution modeste, que nous aurons tout loisir d’augmenter, reste la plus judicieuse dans le cadre de l’économie circulaire.

M. Fabrice Brun. Madame la rapporteure pour avis, vous avez dû mesurer à quel point nous sommes dans une démarche de coconstruction : différents députés de différents groupes ont proposé des amendements identiques. Je regrette seulement que, pour des considérations rédactionnelles, vous ne nous suiviez pas et manquiez l’occasion d’associer tous les députés à la construction du texte. C’était une petite remarque sympathique en passant…

M. Jean-Baptiste Djebbari. Nous allons soutenir l’amendement de Mme la rapporteure pour avis. Même si je ne suis pas sûr que le dispositif soit mature, cela nous intéresse d’en discuter dans les semaines à venir. En revanche, nous voterons contre les dispositifs qui créent une TGAP amont. Dans la mesure où le dispositif est issu de la feuille de route pour l’économie circulaire, il vise à étendre les filières REP, notamment pour les articles de sport ou les jouets. C’est bien la trajectoire prise par le Gouvernement qui nous paraît la plus praticable.

M. Matthieu Orphelin. Nous devons avancer sur tous ces sujets. Dans la préparation de la feuille de route pour l’économie circulaire (FREC), ces questions de taxe amont et de manière de mettre en œuvre des nouvelles filières de responsabilité élargie des producteurs ont été posées par les uns et les autres. Tous ceux qui travaillent sur ces sujets depuis longtemps savent qu’il est très difficile d’avancer. Adopter l’un de ces amendements serait un bon signal envoyé au Gouvernement pour accélérer la mise en œuvre de certains dispositifs.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Monsieur François-Michel Lambert, l’amendement CD141 vise bien tous les produits non recyclables et non pas des catégories de produits.

Par ailleurs, si nos amendements poursuivent le même objectif, ils proposent des dispositifs un peu différents. Nos collègues proposent une TGAP amont, quand je propose l’instauration d’une taxe et d’une écocontribution inscrite dans le code de l’environnement. Mon dispositif, tout en étant proche du vôtre, me semble plus robuste pour aller jusqu’au bout sur ce sujet et réussir ensemble à introduire, enfin, un mécanisme permettant de responsabiliser les producteurs de produits manufacturés non recyclables. C’est le compromis le plus à même de nous faire réussir ensemble dans cette trajectoire. Pour ce qui est de la concertation, vous connaissez comme moi les délais auxquels nous sommes soumis et que je déplore tout autant que vous : je n’ai malheureusement pas eu le temps de m’associer à votre démarche, bien que nous poursuivions la même.

M. Lionel Causse. J’avais cosigné l’amendement CD129 de Mme Sandra Marsaud, parce que j’estime qu’il vient réparer un trou dans la raquette concernant tous ces produits et qu’il fait participer les entreprises, certes par le biais du consommateur. Le mieux était d’établir un système de REP. Après réflexion, je pense que ce que propose la rapporteure pour avis va dans le bon sens et paraît plus solide et plus conforme à l’état d’esprit de ce qui s’est fait, ces dernières années, qu’une TGAP amont.

Mme Sandra Marsaud. Je suis notre expert ès recyclage, M. François-Michel Lambert, qui a soulevé une faille concernant les 10 000 unités. Peut-être faudrait-il améliorer la rédaction ?

M. François-Michel Lambert. La rapporteure pour avis m’a déjà répondu, en clarifiant ce point.

Mme Sandra Marsaud. Je retire mon amendement, d’autant que l’adoption de l’amendement de la rapporteure pour avis le fera tomber.

L’amendement CD129 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD141.

En conséquence, les amendements CD24 et CD116 tombent.

 

Puis la commission en vient aux amendements CD91 de Mme Mathilde Panot et CD83 de M. Vincent Thiébaut, en discussion commune.

M. Loïc Prud’homme. L’extension des plantations de palmiers à huile et de soja constitue l’une des causes majeures de déforestation et de dégradation des écosystèmes. Leur bilan carbone est donc très lourd. Depuis plusieurs années, la consommation d’huile de palme et de soja est en hausse croissante, notamment dans les carburants.

Le Parlement européen a voté l’interdiction des importations d’huile de palme utilisée dans les biocarburants uniquement à partir de 2020 et de 2030 pour le soja. Dans le même temps, la France a donné son feu vert à la fameuse raffinerie Total de La Mède, qui importera au bas mot 300 000 tonnes d’huile de palme par an, soit 10 % de la consommation totale d’huile de palme en Europe pour les biocarburants en 2016.

Face à l’urgence écologique, il nous semble que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est impérative. Il a été proposé que l’huile de palme ne soit plus prise en compte qu’en proportion, de l’ordre de 50 %, de sa valeur énergétique dans le calcul des exonérations de TGAP. Nous proposons, quant à nous, que les huiles de palme et de soja soient entièrement exclues de la liste des biocarburants ouvrant droit à l’exonération de TGAP.

M. Vincent Thiébaut. Dans le même esprit, l’amendement CD83 vise à exclure l’huile de palme de la liste des produits exonérés de taxe. Qui plus est, la suppression de cette niche fiscale permettrait de dégager des crédits supplémentaires qui pourront, en deuxième partie du projet de loi de finances, être réalloués à nos agriculteurs, afin de soutenir les pratiques écoresponsables.

M. François-Michel Lambert. Très bien !

M. Vincent Thiébaut. L’Europe travaille sur ce sujet dans le cadre de sa directive sur les énergies renouvelables. Mais rien ne nous empêche d’aller déjà dans ce sens et de prendre des mesures plus ambitieuses.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Premièrement, comme vous l’avez signalé, l’Europe est en train de réviser la directive sur les énergies renouvelables de 2009. Des négociations ont conduit à la modifier, en plafonnant la consommation des matières premières contribuant à la déforestation : elle devra être réduite progressivement jusqu’à disparaître. Je vous propose de nous inscrire dans ce processus européen et non pas de faire le choix d’une interruption brutale et totale, comme vous le proposez. Deuxièmement, une mission d’information sur les biocarburants a été créée. Il me semble urgent d’attendre ses conclusions et ses propositions.

M. Loïc Prud’homme. Vu l’urgence des problèmes de déforestation, il ne s’agirait pas d’une fin brutale, mais d’une fin salvatrice qu’il faut acter au plus vite. Arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt ou des directives. Il faut une action résolue et immédiate pour sortir de cette déforestation qui pose des problèmes jusque dans notre pays.

M. Vincent Thiébaut. Je vais maintenir mon amendement. J’entends bien que la directive européenne est en train d’être réexaminée. Néanmoins, nous pouvons envoyer des signaux forts, y compris à l’Europe, sans que cela ne l’empêche de travailler sur la directive. Qui plus est, il ne s’agit pas de la fin brutale de l’huile de palme, mais de l’exonération dont elle bénéficie. Enfin, les ressources générées par la fin de cette exonération pourraient être intéressantes.

M. Loïc Prud’homme. Bravo ! Votez pour !

La commission rejette l’amendement CD91.

Puis elle adopte l’amendement CD83.

 

Elle examine ensuite l’amendement CD90 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement vise à modifier les calculs de la redevance relative au prélèvement sur la ressource en eau. Selon la logique du principe préleveur-pollueur-payeur, plus le volume d’eau capté par une catégorie d’usagers est important, plus la redevance de cette catégorie devrait être élevée. Or, actuellement, la loi prévoit des plafonds dans la limite desquels la redevance doit être fixée par les agences de l’eau. En conséquence, les catégories d’usagers qui prélèvent le plus ne contribuent pas proportionnellement au volume d’eau capté. La multiplication et l’aggravation des périodes de sécheresse, comme celle de l’été 2017, exigent une modification de ces procédés. L’évolution des barèmes doit être perçue comme une incitation positive à l’évolution de nos pratiques.

Nous avions soulevé ce point dans le rapport de la mission d’information sur la ressource en eau, menée avec Adrien Morenas. Cet amendement traduit le travail mené conjointement avec le groupe de La République en marche. C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement que votre collègue ne rejetterait pas.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous proposez de modifier les modalités de calcul de la redevance versée aux agences par les personnes qui prélèvent de l’eau. Or la question des ressources des agences de l’eau a déjà été largement discutée l’an dernier, dans le cadre du projet de loi de finances. Par ailleurs, il faut poursuivre la concertation avec les agences de l’eau et les différents acteurs du secteur, avant de nous acheminer vers ce dispositif, qui pourrait d’ailleurs être plus large. Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement n’empêche en rien de discuter sur les « plafonds mordants » des agences de l’eau dont nous avons longuement discuté et qui sont unanimement reconnus comme néfastes à la gestion de notre ressource en eau.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission examine l’amendement CD97 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Cet amendement instaure une redevance « imperméabilisation », ou plutôt d’incitation à la perméabilisation. L’équivalent d’un département français disparaît tous les dix ans sous l’effet de l’artificialisation des sols et en particulier, des terres agricoles. La France est le dixième pays européen le plus artificialisé, au-dessus de la moyenne européenne, avec trois caractéristiques frappantes. Premièrement, l’artificialisation des sols est décorrélée de l’évolution démographique et le solde d’artificialisation est très nettement positif là où la population recule. Deuxièmement, on assiste à une surproduction de biens immobiliers hors marché qui ne correspond pas à la vraie demande – je pense au tertiaire, aux bureaux, aux entrepôts et aux centres commerciaux. Troisièmement, la disponibilité de friches ou de lieux vacants est importante : cela doit nous interpeller et nous inciter à les affecter à de nouveaux usages. Le réchauffement climatique et l’extension permanente du tissu urbain ont des conséquences directes sur l’environnement.

Créer une nouvelle redevance sur l’artificialisation, ce qu’a déjà tenté de faire M. Nicolas Hulot, est une réelle nécessité. Ne nous cachons pas derrière des mesurettes ; il est temps d’inverser la tendance. L’imperméabilisation a des conséquences néfastes pour le bon fonctionnement des rivières, la prévention des inondations et la préservation de la biodiversité. En milieu urbain, le constat est alarmant le long des infrastructures linéaires. Le lessivage des sols est néfaste et les volumes d’eau déversés en période de forte pluie sont préjudiciables aux milieux aquatiques. L’imperméabilisation des sols accélère le ruissellement de l’eau le long des pentes, accroissant les risques d’inondation.

Oui, cet amendement crée une nouvelle redevance. Le professeur Guillaume Sainteny a bien expliqué qu’il existait déjà vingt-neuf taxes relatives à l’artificialisation et aux terrains urbanisables, mais qu’aucune de ces taxes ne semblait avoir infléchi le rythme de l’artificialisation. Je l’entends, mais cela reste à expertiser. C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à assujettir différemment les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les gestionnaires d’infrastructures, à une redevance aux agences de l’eau dans la limite de 100 euros l’hectare imperméabilisé. Il permettrait aussi aux agences de l’eau d’assurer la prise en charge des paiements pour services environnementaux, conformément à l’action 24 du Plan biodiversité. Il faudrait éviter que ce soit l’eau qui paie l’eau et de faire porter aux seules redevances pollution et collecte domestique l’essentiel de la politique grand cycle et petit cycle. C’est une redevance incitative qui se concentre sur l’avenir. Son objectif n’est pas d’être rentable : on ne pourrait que se réjouir de la voir se réduire d’année en année.

Nous devons mener une vraie politique publique pour protéger le patrimoine du sol, assurer sa restauration et obtenir enfin des sols vivants.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je vous demanderai de retirer votre amendement, à défaut de quoi j’y serai défavorable. Je salue le travail que vous avez réalisé ; nous devons effectivement nous mobiliser sur le sujet de l’artificialisation des sols. Cependant, le Gouvernement a posé l’objectif de zéro artificialisation nette. Cet objectif nécessitera d’utiliser plusieurs instruments, dont celui-ci peut-être, mais il faut continuer à y travailler. À ce stade, nous n’avons pas de dispositif complet, solide et arbitré dont l’impact soit véritablement mesurable. Le Plan biodiversité indique que des travaux préparatoires sont nécessaires ; il faut les poursuivre, notamment avec les collectivités locales, pour faire un état des lieux complet et définir une trajectoire globale et consolidée sur ce sujet.

M. Lionel Causse. Si je comprends la philosophie de cet amendement, j’ai du mal à en saisir tout le contenu. Il a bien été remarqué que les taxes n’avaient pas permis de limiter l’artificialisation. Il existe d’autres outils d’urbanisme pour y parvenir et des travaux ont déjà été réalisés pour intégrer dans les plans locaux d’urbanisme les trames vertes et bleues. Il faudrait retravailler cet amendement, car je n’ai pas bien compris comment cette nouvelle taxe allait s’articuler avec les taxes de raccordement, d’assainissement, etc. Je n’ai pas compris non plus si c’étaient les collectivités qui percevaient la taxe ni comment cette dernière allait financer les agences de l’eau. Plutôt que de créer une taxe de plus, mieux vaut travailler sur les réglementations d’urbanisme et d’aménagement des territoires.

Mme Frédérique Tuffnell. Il ne s’agit pas d’une taxe mais d’une redevance incitative, ce qui va à contre-courant de la manière dont nous avons travaillé jusqu’à maintenant. Il est vrai qu’il existe de nombreuses taxes et que l’empilement législatif et réglementaire est tel qu’on ne sait plus où on en est. Je suis donc convaincue de la nécessité de remettre le système à plat. Il nous manque un plan d’action précis pour rémunérer les paiements pour services environnementaux. Il faut instaurer une redevance incitative pour régler ces problèmes d’imperméabilisation des sols et faire un bilan de toutes les taxes qui existent aujourd’hui. Les propositions du Gouvernement me paraissent assez faibles au regard de la nécessité, primordiale, d’avancer sur ce sujet. Il faut arrêter de remettre les choses à demain et de se mettre la tête dans le sable car il y a urgence.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le plan gouvernemental est extrêmement ambitieux, et ses actions s’inscrivent pleinement dans la philosophie de votre amendement. Attendons le calendrier qui nous sera proposé et la concertation qui sera menée avec les collectivités. Affinons aussi le dispositif. Votre amendement n’est pas très clair quant à la cible visée : s’applique-t-il uniquement aux nouveaux aménagements ou aux biens et constructions existants ?

La commission rejette l’amendement CD97.

 

Mme la présidente Barbara Pompili. Madame Frédérique Tuffnell, vous pouvez compter sur moi pour ne pas abandonner ce qui est pour moi l’ambition fondamentale du quinquennat si nous voulons préserver la biodiversité.

 

La commission aborde l’amendement CD106 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. La loi de finances pour 2018 a prévu un recentrage du dispositif Pinel sur les zones tendues. Plusieurs d’entre nous avaient prévenu, lors de l’examen de ce texte, que ce recentrage allait poser problème aux territoires ruraux connaissant une forte croissance démographique et une vraie demande de logements. Le ministère de la cohésion des territoires nous avait proposé de lancer une étude et de nous faire des propositions dans le présent budget. Cela n’a pas été fait.

Mon amendement CD106 vise à amorcer une discussion sur ce sujet. Je propose que sur les territoires identifiés comme étant à forte pression, le préfet de région puisse définir des zones éligibles à l’allégement fiscal Pinel, uniquement pour construire du logement collectif, l’objectif n’étant pas de faire de l’étalement urbain mais d’offrir au moins à ces zones des poches de respiration.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le dispositif Pinel a été conçu pour des zones urbaines tendues, strictement définies : ainsi que le souligne notre collègue Joël Giraud dans son rapport sur l’application des mesures fiscales, ce dispositif est extrêmement coûteux pour l’État. Le rapporteur général rappelle qu’en contrepartie de la prolongation de ce dispositif pour quatre ans, la loi de finances pour 2018 a réduit volontairement son champ d’application. Étendre de nouveau le périmètre géographique éligible au dispositif Pinel poserait un problème d’impact budgétaire et de cohérence de la politique menée en ce domaine. Avis défavorable.

M. Alain Perea. J’entends votre argument budgétaire, mais sur le plan de l’aménagement du territoire, le recentrage du dispositif n’est pas cohérent du tout. Continuer, avec une mesure coûteuse, à construire des logements dans des zones prétendument tendues sans accompagner les communes et les territoires qui sont en train de se développer posera à court terme des problèmes et l’on aura alors besoin de trouver des solutions encore plus coûteuses que celle que je propose. Je retire cet amendement pour le retravailler.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je vous remercie de ce retrait. La distorsion entre le coût de ce dispositif et son efficacité est pointée du doigt par le rapport de M. Joël Giraud sur l’application des mesures fiscales. Il faudra clairement que nous réexaminions le dispositif Pinel, y compris dans une approche d’aménagement du territoire.

L’amendement CD106 est retiré.

 

La commission est saisie de l’amendement CD124 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. Cet amendement vise à élargir l’assiette de la taxe sur les logements vacants, pour éviter l’artificialisation des sols. Aujourd’hui, cette taxe n’est applicable que dans les zones où l’urbanisation est continue et réunit 50 000 habitants. Je propose de l’étendre à des espaces urbains plus larges.

Par ailleurs, je propose d’augmenter les pénalités applicables aux logements vacants pendant plus de deux ou trois ans, ce qui permettra de construire de nouveaux logements en zone urbaine dense alors qu’il n’y a pas lieu d’en rajouter.

Je précise que cette taxe ne s’appliquerait pas aux bailleurs sociaux et que ses recettes serviraient à financer l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Il s’agit de répondre à un objectif social avéré.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il faut travailler ce sujet avec le ministère de la cohésion des territoires. Nous auditionnerons d’ailleurs le 9 octobre prochain M. Julien Denormandie au sein de cette commission. Ce sera l’occasion de l’interroger sur les dispositifs qu’il souhaite instaurer pour lutter contre la vacance des logements. À ce stade, il est prématuré d’avancer, d’autant que le sujet n’a pas été étudié avec la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

Mme Nathalie Sarles. Je retire cet amendement en espérant pouvoir en discuter avec M. Julien Denormandie, d’autant que j’ai également proposé des mesures sur la taxe d’aménagement et le versement pour sous-densité en seconde partie du projet de loi de finances.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je note que cet amendement est au cœur des préoccupations de notre commission puisqu’il concerne à la fois l’aménagement du territoire et la lutte contre l’artificialisation des sols, et donc le développement durable.

L’amendement CD124 est retiré.

 

La commission en vient à l’amendement CD103 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. Cet amendement est en lien avec les discussions que nous avons eues précédemment sur les déchets. Pour moi, un café se boit au bar, que l’on soit assis ou au comptoir, dans une vraie tasse. Sous l’influence d’entreprises privées étrangères, notre mode de consommation du café a largement évolué : on se retrouve tous à trimballer en ville, dans le métro ou le bus, des gobelets en carton ou en plastique et à boire des Américanos.

Cet amendement n’a pas pour objet d’interdire cette évolution de la société ; mais je remarque que dans d’autres pays, les gens se promènent avec leur propre thermos. J’étais récemment en Argentine dans le cadre d’une mission parlementaire : tous les parlementaires argentins avaient le leur. Notre objectif est de mettre en évidence que nous nous sommes fait imposer des gobelets par des entreprises privées et qu’il est temps, par l’action politique, d’inverser la tendance. Cet amendement instaure ainsi une petite taxe sur les gobelets, afin d’inciter les gens à se munir de leur thermos…

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’objectif poursuivi est noble : la réduction du volume de déchets produits. Cependant, cet amendement rate sa cible en visant l’aval et non l’amont. C’est de nouveau le consommateur qui se verra mis à contribution.

Nous rêvons tous d’avoir une tasse avec nous. C’est possible en entreprise et cela y est souvent déjà le cas. En revanche, dans les lieux accessibles au public tels que les gares et les aires de stationnement, c’est plus compliqué car ce n’est pas dans les usages. Nous pourrions travailler avec les acteurs économiques à la production de gobelets entièrement recyclables et à la réduction du volume de déchets. Avis défavorable.

M. Alain Perea. Je vais retirer cet amendement, mais je suis étonné que vous considériez qu’il rate sa cible. Ce n’est pas le consommateur qui paiera son gobelet, mais celui qui refusera de faire un effort. On préfère subir qu’agir…

L’amendement CD103 est retiré.

 

La commission étudie en discussion commune les amendements CD81, CD85 et CD86 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Ces trois amendements, rédigés avec Mmes Frédérique Tuffnell et Nathalie Sarles, ont trait à la lutte contre l’artificialisation des sols, que beaucoup d’entre nous souhaitent accélérer. J’entends qu’il faille prendre le temps de la concertation, mais on peut envoyer certains signaux sans attendre. Nous avons présenté un tableau dans l’exposé sommaire des deux premiers amendements pour montrer qu’il est beaucoup plus rentable d’investir dans une action d’entreprise pétrolière que dans du foncier rural – terres agricoles, forêts, espaces naturels – car de nombreuses taxes s’additionnent. S’ils veulent que ces terres deviennent rentables, leurs propriétaires doivent les artificialiser.

Pour faire évoluer la situation, nous avons déposé trois amendements, qui vont du plus ambitieux au moins ambitieux : le premier prévoit une exonération totale d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) pour les terrains non bâtis, le deuxième, la taxation des mêmes terrains à l’IFI à seulement 25 % de leur valeur et le troisième, l’exonération totale de l’IFI pour les espaces naturels.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le débat sur l’assiette de l’IFI a eu lieu longuement l’an dernier. Il n’est pas souhaitable de remettre en cause ce dispositif, d’autant que vos amendements ne sont pas véritablement solides sur le plan juridique : les amendements CD81 et CE86 notamment créent un article 976 bis qui s’articule mal avec le droit en vigueur qui exonère déjà d’IFI certains terrains non bâtis, notamment les terrains forestiers, et les terrains agricoles utilisés à des fins professionnelles.

Le sujet est crucial, mais il me paraît difficile de retenir en l’état le dispositif proposé. Je vous demanderai donc de retirer ces amendements, à défaut de quoi j’y serai défavorable.

M. Lionel Causse. Ces amendements mériteraient d’être retravaillés et complétés par des outils juridiques de préemption. Si on exonère d’impôt certains terrains, il faut que la puissance publique puisse les préempter. Nous ne manquons pas d’outils comme le Conservatoire du littoral, et les espaces naturels sensibles. Si l’on veut préserver ces espaces, il faut privilégier une acquisition publique, et non en rester aux seuls dispositifs financiers.

M. Alain Perea. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Il faut que nous menions une réflexion globale sur l’urbanisme. Nous commettrions peut-être une erreur en ne recourant qu’au seul outil financier qui n’apporterait pas toutes les réponses et qui pourrait nous empêcher d’aller plus loin. Il faut édicter des règles qui touchent non seulement à l’investissement mais aussi à la gestion des espaces naturels. Nous avons besoin d’une approche globale.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Je suis d’accord avec MM. Lionel Causse et Alain Perea, d’autant que nous reparlerons un peu plus tard, dans la discussion, d’amendements sur l’artificialisation des sols. Nous ne voterons donc pas ces amendements.

La commission adopte l’amendement CD81. En conséquence, les amendements CD85 et CD86 tombent.

 

Après l’article 16

 

La commission examine l’amendement CD20 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Cet amendement vise à instaurer un ticket-carburant sur le même principe que les tickets-restaurant pour redonner du pouvoir d’achat à tous ceux qui doivent se rendre à leur travail en voiture. Bon nombre de personnes n’ont pas d’alternative à la voiture ou au véhicule individuel. Il en sera ainsi encore pour longtemps, même si l’usage du véhicule individuel est amené à évoluer. Dans les territoires ruraux et périphériques, la voiture reste l’outil numéro un de mobilité pour aller travailler, étudier et se soigner. L’augmentation combinée de la fiscalité et du prix du baril grève le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Ce ticket-carburant a fait l’objet d’un débat dans le cadre d’une niche du groupe Les Républicains, à l’initiative de mon collègue Guillaume Peltier, mais la proposition de loi a été rejetée par la majorité. Peut-être la perspective du plein à 100 euros vous fera-t-elle changer d’avis…

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il ne me paraît pas cohérent de créer un dispositif qui incite à la consommation de carburant alors que nous nous inscrivons dans une autre approche. Il me semble préférable de poursuivre les démarches fondées sur une logique de bonus et de prime à la conversion.

Par ailleurs, nous examinerons une loi d’orientation des mobilités qui sera l’occasion de réfléchir à d’autres dispositifs.

Mme Danielle Brulebois. Cet amendement est une bonne idée. Des entreprises de mon territoire très rural voudraient, pour fidéliser les salariés qui font l’effort de se déplacer de très loin, avoir la possibilité de distribuer ces tickets-carburant. Cela ne coûterait rien à l’État, puisque ces tickets seraient pris en charge par les entreprises. Or, apparemment, elles n’ont pas le droit de le faire.

Mme Sophie Auconie. On ne peut interdire à une entreprise de donner des facilités de déplacement à ses collaborateurs, mais tout cela a un coût et certaines entreprises en milieu rural vivent de plus en plus mal du fait de la conjoncture économique et environnementale.

Le fait de rechercher des moyens de mobilité vertueux n’empêche pas, en attendant de trouver une solution, d’aider celles et ceux qui ont du mal à se déplacer en milieu rural. Ces déplacements sont objectivement difficiles car les trajets sont plus longs en zone rurale qu’en zone urbaine, et sont affectés par toutes les décisions que nous prenons ici même, sans en mesurer forcément les conséquences.

M. Fabrice Brun. Le problème majeur des entreprises en milieu rural est le recrutement de collaborateurs et leur fidélisation. L’avantage apporté par le ticket-carburant s’inscrit dans une logique d’attractivité.

Ce n’est pas parce que vous avez des tickets-restaurant que vous mangerez davantage ; de la même façon, ce n’est pas parce que vous aurez des tickets-carburant que vous consommerez plus de carburant. Pour plus de la moitié des Français, la voiture est le moyen de transport obligatoire, et elle le restera encore malheureusement pour longtemps dans des zones qui ne disposent pas de transports en commun et où l’habitat est diffus. Il faut en tenir compte, à tout le moins de façon transitoire, afin d’accompagner les salariés. Imaginez la situation de quelqu’un qui gagne entre 1 200 et 1 500 euros et qui fait trois ou quatre pleins à 100 euros par mois. Le carburant est devenu une telle charge qu’il me paraît dommage de balayer d’un revers de main une proposition concrète visant à soutenir les gens utilisant leur voiture pour se rendre à leur travail.

Mme la présidente Barbara Pompili. Tous les députés ici présents ont conscience de cette question. Vous n’êtes pas, fort heureusement, le seul à avoir constaté que l’automobile était très utilisée aujourd’hui.

M. Fabrice Brun. Il est bon de le rappeler !

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous le rappelons tous et essayons de réfléchir pour faire progresser les choses.

Mme Sophie Auconie. J’entends ce que vous dites, madame la rapporteure pour avis, mais le ministère de l’écologie a un budget de 1 milliard d’euros, on a augmenté la fiscalité environnementale de 7 à 8 milliards d’euros en deux ans et la recherche de moyens pour réduire l’utilisation des voitures émettant du CO2 n’est pas très probante.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Le ticket que vous proposez revient implicitement à subventionner le diesel, or ce n’est pas ce que nous souhaitons. Depuis le début, nous disons trois choses : premièrement, il faut verdir les flottes, et à cette fin nous renchérissons le coût des carburants fossiles ; c’est là l’objectif environnemental, et il est le premier. Deuxièmement, avec la prime à la conversion, nous voulons aider à l’acquisition de véhicules propres : or 80 % des bénéficiaires vivent hors Île-de-France et 70 % des intéressés ne sont pas très aisés puisqu’ils ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu. Troisièmement, M. Matthieu Orphelin présentera plus loin un amendement CD88 dont l’ambition est bien plus grande que ce que vous proposez puisqu’il s’agit d’un forfait « mobilité durable », qui répond justement à ces hausses du prix du carburant touchant les personnes vivant en milieu rural, et, par un mécanisme assez fin, permettra de soutenir leur budget.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 19 : Suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier

 

La commission examine l’amendement CD65 de Mme Sophie Auconie.

Mme Sophie Auconie. L’article 19 du projet de loi de finances pour 2019 supprime le taux réduit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole non routier (GNR).

Je souscris à cette idée, mais cette suppression brutale, décidée sans concertation préalable avec les acteurs concernés, leur est fortement préjudiciable. Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) estime que l’impact direct, pour lui seul, serait de 500 millions d’euros, ce qui représente environ 60 % de la marge des entreprises concernées.

L’activité économique commençait à reprendre quelque peu, or nous risquons d’enrayer ce regain de croissance. Cette mesure devrait donc être appliquée de façon progressive, comme il est d’usage dans le domaine fiscal. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement supprime la fin de l’exonération du gazole non routier. Pour notre part, nous souhaitons renforcer la fiscalité environnementale afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre ; ce que nous assumons parfaitement.

Pour atteindre cet objectif, nous retenons le choix d’une augmentation tendancielle du prix du carbone, qui doit s’appliquer largement. Il s’agit également d’une question d’égalité entre secteurs économiques, l’augmentation du prix du carbone ne devant pas ignorer les secteurs émettant la plus grande part de ces gaz.

L’impact sur les entreprises, auquel nous demeurons attentifs, est certes substantiel, mais il peut être absorbé, au regard des secteurs d’activité concernés.

Mme Sophie Auconie. La question n’est pas de remettre en cause la dynamique de cette mesure, mais simplement de la rendre progressive afin que cette filière ne rencontre pas de difficultés.

La commission rejette cet amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement CD72 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Le kérosène destiné à l’aviation commerciale bénéficie d’une exonération de la TICPE. Au regard du poids toxique que représentent les émissions de ce mode de transport, notre amendement propose de supprimer ce remboursement. Les exemptions de taxes sur les produits énergétiques pour les acteurs de l’aviation commerciale représentaient en 2015 un manque à gagner de 2,8 milliards d’euros selon le ministère de l’environnement, et de plus de 3 milliards en 2018.

L’avion est le moyen de transport le plus polluant. Son impact sur le climat a doublé en vingt ans et pourrait tripler d’ici à 2050. Par ailleurs, la France occupe l’avant-dernière place en termes de recettes issues de la fiscalité environnementale en Europe.

Il nous paraît nécessaire de rétablir la contribution de ce secteur particulièrement polluant à la transition écologique, à hauteur de sa responsabilité dans le changement climatique.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable ; nous avions abordé ce sujet l’an dernier, et il est vrai que taxer le kérosène peut sembler opportun.

Toutefois, cette mesure ne pourrait être efficace qu’au niveau continental ou mondial. À défaut, elle pénaliserait fortement les compagnies françaises et notamment Air France, qui connaît déjà une situation difficile en termes de compétitivité.

Le secteur aérien fait déjà des efforts, avec l’adoption de nouvelles normes d’émission et son inclusion dans le mécanisme des quotas européens d’émissions ; l’échelon pertinent me paraît donc être le niveau européen, voire mondial.

La commission rejette l’amendement.

 

Ensuite, elle étudie l’amendement CD74 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement de repli reprend une proposition formulée par les ONG environnementales. Il tend à instaurer un prélèvement « climat » sur les vols nationaux afin de compenser l’exonération de la TICPE d’ici à 2025.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

Ce dispositif présente plusieurs difficultés : pour commencer, l’exonération de TICPE porte sur tous les vols, pas uniquement sur les vols nationaux. Ce sont d’ailleurs les vols internationaux sur lesquels la concurrence est la plus forte. Ensuite, l’aviation se retrouverait triplement taxée : par le prélèvement climat, par la TICPE qui serait portée à son niveau normal en 2025, date de la fin de l’exonération, et par le système de quotas d’émissions, puisqu’elle est incluse depuis 2012 dans ce mécanisme.

M. Loïc Prud’homme. Il ne s’agit pas de tripler la contribution de l’aviation, mais précisément de compenser cette exonération en attendant l’échéance de 2025.

La commission rejette cet amendement.

 

La commission examine l’amendement CD144 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. S’agissant du transport fluvial, seul est exonéré de TICPE le transport de marchandises, et non le transport de passagers. Par équité modale avec le transport ferroviaire qui bénéficie déjà d’une mesure favorable, et afin de ne pas pénaliser le transport public fluvial de passagers, cet amendement exonère cette activité des droits de TICPE.

La mesure serait compensée par la suppression de l’exonération de TICPE pour le transport maritime de passagers par des compagnies privées et notamment pour les paquebots de croisière qui, rappelons-le, émettent autant de particules fines qu’un million de voitures.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement CD75 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. La France ne tient pas ses objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre. Les émissions de gaz à effet de serre du transport sont supérieures de 10,6 % à l’objectif de 2017, dont un dépassement de 3 % pour le fret routier et le transport de marchandises. L’article 19 est insuffisant et ne propose qu’une petite mesure de 1 milliard d’euros qui épargne le transport routier : pourquoi protéger ce secteur ?

Déjà en 2018, l’impact de la hausse de la composante carbone et du rattrapage entre le gazole et l’essence se répartissait à hauteur de 60 % pour les ménages et 40 % pour les entreprises, principalement les entreprises du secteur tertiaire. Maintenir ces exonérations et dégrèvements ferait à nouveau peser le poids de la transition écologique sur les ménages, alors même qu’un récent rapport de la Cour des comptes européenne estime que l’Union européenne ne protège pas assez la santé des citoyens en matière de pollution de l’air. Pour les ménages, c’est la double peine !

Nous demandons donc qu’il soit mis fin à la niche fiscale dont bénéficie le transport routier de marchandises qui représente un manque à gagner de 1 137 millions d’euros en 2018, selon le Réseau Action Climat.

En présentant cet amendement, je pense particulièrement aux cheminots de la gare de triage d’Hourcade, située dans ma circonscription, qui souffrent de cette concurrence déloyale du transport routier.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous n’ignorez pas que le secteur du transport routier est soumis à une concurrence très forte de la part des autres pays de l’Union européenne. Or une augmentation de la TICPE pèserait presque exclusivement sur les transporteurs français et aggraverait les difficultés du secteur. Avis défavorable.

La commission rejette cet amendement.

 

Elle est ensuite saisie de l’amendement CD76 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que les deux précédents. Le poids de la transition énergétique doit peser en priorité sur les industries les plus émettrices de gaz à effet de serre et non majoritairement sur les particuliers. Nous proposons donc de supprimer les niches fiscales réservées aux industries les plus consommatrices d’énergies fossiles.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous proposez d’augmenter la TICPE applicable aux installations grandes consommatrices d’énergie, qui sont surtout présentes dans l’industrie lourde : l’automobile, la pétrochimie, l’aéronautique, le ciment, etc. Or ces secteurs sont soumis au système européen de quotas d’émissions de gaz à effet de serre – c’est même une condition pour bénéficier de cette exonération de TICPE. Si votre amendement était adopté, les émissions des industries françaises seraient doublement prises en compte, ce qui entraînerait une distorsion de concurrence. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 modifié.

 

Après l’article 19

 

La commission examine l’amendement CD61 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Je veux dénoncer la hausse brutale de 300 % de la TICPE pour le BTP, affaibli par dix années de crise, 2015 et 2016 ayant été les plus difficiles depuis trente ans pour ce secteur. Ne serait-il pas possible d’imaginer un dispositif plus progressif pour des entreprises rencontrant des difficultés et dont les marges sont particulièrement faibles ?

A-t-on seulement mesuré l’impact sur l’emploi ? En Ardèche, le BTP représente un emploi sur dix ; vous comprendrez donc les inquiétudes causées par cette hausse brutale.

Mon argumentation est assez similaire à celle que j’ai développée à propos du ticket carburant. Le plein à 100 euros c’est maintenant ; aussi, afin de lisser les prix à la pompe dans ce cycle d’augmentation du prix du baril, nous proposons un mécanisme de TICPE flottante. En 2010, cette taxe a remplacé la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), et ce ne serait pas la première fois qu’un dispositif de taxe flottante serait adopté pour amortir l’augmentation du prix à la pompe. Le prix du baril s’élevait ce matin à 82 dollars ; où s’arrêtera-t-il ?

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement, qui vise à instaurer une TICPE flottante, entre en contradiction avec l’objectif d’augmentation progressive du prix des carburants que nous poursuivons. Or vous souhaitez maintenir artificiellement ce prix à un niveau très bas.

M. Fabrice Brun. À un prix acceptable.

M. Jean-Yves Bony. Le « très » est de trop !

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. En cas d’augmentation des cours du pétrole, il est nécessaire d’accroître les aides, notamment à la conversion, plutôt que d’absorber artificiellement cette hausse. C’est le sens d’un amendement déposé par M. Orphelin, auquel je vous invite à vous rallier : il poursuit le même objectif que vous, mais d’une tout autre manière.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle se saisit ensuite de l’amendement CD88 de M. Matthieu Orphelin, qui fait l’objet du sous-amendement CD146 de la rapporteure pour avis.

M. Matthieu Orphelin. J’ai bon espoir que nous pourrons nous accorder sur cet amendement très simple.

Nous proposons que, lors des années au cours desquelles le prix du pétrole est élevé, l’État renforce les mesures propres à accompagner les citoyens dans la transition énergétique. Cela pourrait prendre la forme de soutiens supplémentaires pour les ménages actifs des territoires ruraux, particulièrement exposés à la hausse du prix du pétrole. Mais des dispositifs favorisant l’achat de véhicules électriques ou propres pourraient aussi être adoptés ainsi que d’autres actions liées à la transition énergétique, dont le sous-amendement de la rapporteure pour avis élargit utilement l’éventail. Nous devons impérativement maintenir notre trajectoire de fiscalité écologique, qui reste un outil essentiel pour relever le défi climatique. Mais la question de l’acceptation de cette fiscalité ne se pose pas de la même façon suivant que le prix du baril de pétrole dépasse les 80 dollars, ou stagne autour de 40 ou 50 dollars. Et chacun sait que cela est difficile à prévoir.

La mesure que nous proposons est donc bien plus simple que le mécanisme de la TIPP flottante : les années où le prix du pétrole est élevé, l’État renforcera ses dispositifs d’accompagnement. Notre amendement est rédigé de façon à ouvrir le débat sur les modalités d’intervention : prime mobilité-travail au profit des actifs des territoires ruraux, renforcement pour les ménages modestes des dispositifs d’aide à l’achat de véhicules électriques, ou toute autre action envisageable.

Je rappelle enfin que l’augmentation de la trajectoire carbone et le rattrapage des prix respectifs de l’essence et du diesel compte pour moins d’un tiers dans la hausse du prix à la pompe depuis moins d’un an, les deux autres tiers résultants de la hausse du prix du baril – conséquence des désordres internationaux et des positions adoptées par Donald Trump. Et cette hausse est susceptible de s’accélérer, bien qu’il convienne de rester modeste dans les prédictions.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement qui vise à accompagner davantage les Français en cas d’augmentation prolongée des prix du pétrole. Le dispositif est intéressant, même si sa rédaction comporte encore quelques imprécisions qu’il conviendra de corriger pour satisfaire aux exigences du Conseil constitutionnel : beaucoup d’éléments sont renvoyés au domaine réglementaire, particulièrement pour ce qui touche aux modalités de remboursement d’une partie des taxes acquittées.

Mon sous-amendement CD146 vise à étendre ce dispositif, centré sur les seuls achats de véhicules propres, à d’autres actions de transition énergétique visant à réduire les consommations d’énergie, y compris dans les logements. L’idée est de favoriser les investissements réalisés en faveur des économies d’énergie.

M. Fabrice Brun. Je remercie Matthieu Orphelin d’avoir jeté une bouteille à la mer, mais son amendement est tellement global et flou qu’il s’apparente davantage à une déclaration d’intention qu’à un dispositif réellement opérationnel. C’est pourquoi nous n’y sommes pas favorables et préférons faire des propositions concrètes portant sur la TICPE flottante et le ticket-carburant.

Bien entendu, nous soutenons l’évolution des véhicules ainsi que la prime à la conversion ; mais il faut se souvenir que le parc de notre pays représente 33 millions de véhicules particuliers alors que la prime à la conversion n’en concerne que 100 000… Cela signifie que plus de 29 millions de personnes utilisent leur véhicule, et qu’il faut mettre en œuvre des mécanismes d’accompagnement de la hausse du prix du baril, en matière de fiscalité écologique.

Mme la présidente Barbara Pompili. Mais il n’y a pas 29 millions de personnes en difficulté ; nous devons accompagner ceux qui en ont le plus besoin.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Nous soutiendrons cet amendement qui nous paraît proposer une approche adaptée, et pose un certain nombre de questions que nous avons débattues ensemble. La rapporteure pour avis a raison de considérer que certaines mesures restent à préciser ; et un doute demeure effectivement quant à l’efficacité globale du modèle sur le plan macroéconomique, dans la mesure où, sitôt que survient une hausse substantielle – 10 % – du prix du pétrole, l’activité se contracte, et la recette attendue également. Ces sujets techniques devront faire l’objet d’une nouvelle expertise ; en tout état de cause, nous soutiendrons le principe de cette mesure, qui répond notamment aux besoins des territoires.

La commission adopte le sous-amendement CD146 de la rapporteure pour avis.

Puis elle adopte l’amendement CD88 de M. Matthieu Orphelin sous-amendé.

 

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CD122 et CD121 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Ces deux amendements procèdent du même esprit. Ils proposent d’affecter une fraction de TICPE aux collectivités qui ont adopté un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Des compétences leur ont en effet été transférées, mais sans les ressources correspondantes. La mise en œuvre de ces plans nécessite une ingénierie dont ces collectivités ne disposent pas.

Afin de ne pas peser davantage sur le consommateur final, il est plus logique de redistribuer en amont la TICPE, sous peine de réduire ces plans à de simples déclarations d’intention.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cette proposition est intéressante, en ce qu’elle permettrait aux collectivités de mettre en œuvre les objectifs décrits dans leur plan en augmentant la part de TICPE affectée à celles qui auront adopté un PCAET.

Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en considération.

Premièrement, ce prélèvement au profit des collectivités est de nature à diminuer les fonds qui alimenteront les autres actions en faveur de la transition énergétique. Il doit donc être calculé au plus juste.

Deuxièmement, ce transfert ne doit pas constituer un effet d’aubaine pour les collectivités et doit donc être orienté vers la mise en œuvre du plan climat-air-énergie.

Troisièmement, les conditions d’octroi prévues sont tout à la fois trop souples et trop strictes. Trop souples, car dans l’amendement CD122, l’écriture d’un PCAET suffit, ce qui est peu compliqué. Trop strictes, car votre amendement CD121 prévoit un nouveau type de document, le contrat territorial bas carbone, qui serait signé entre l’État et la collectivité. Or ces contrats mettront du temps à être élaborés et la mesure ne pourrait prendre effet au 1er janvier.

Ce dispositif mériterait donc d’être précisé à nouveau sur ces trois aspects ; c’est pourquoi je demande à son auteur de bien vouloir le retirer.

La commission rejette successivement les deux amendements.

 

Elle en vient à l’amendement CD1 de Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Cet amendement vise à corriger une situation apparue à la suite de la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) en 2015, lors de son absorption par la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Les industries électro-intensives du secteur agroalimentaire principalement, l’amidonnerie en particulier, ont alors vu leur facture doubler. Afin de nous mettre au diapason de nos voisins européens, qui offrent des incitations fiscales, mon amendement propose de mettre en place un mécanisme de soutien, par le biais d’un taux réduit, à l’utilisation des installations de cogénération à haut rendement. Ce qui permettrait de valoriser nos entreprises qui produisent leur propre énergie.

Le coût de ce taux réduit est estimé à 5,8 millions d’euros par an compte tenu de la part des cogénérations qui ne sont pas à haut rendement, des pratiques de nombreux industriels qui injectent la totalité de leur production dans le réseau, du démantèlement récent de cogénérations et de la limitation de cette réduction aux industries électro-intensives.

L’adoption de cet amendement serait un signal fort pour les entreprises soumises à une concurrence internationale assez vive.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le sujet soulevé est important et concerne des cas identifiés sur le territoire national.

Toutefois, cet amendement présente plusieurs difficultés : il présente tout d’abord un risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant l’impôt, car il distingue la situation de production sur place de celle de production par un tiers ; par ailleurs, les entreprises grandes consommatrices d’énergie bénéficient déjà d’aides importantes en matière énergétique, dont le montant total s’élève à 1,8 milliard d’euros.

Je demande donc son retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette cet amendement.

 

Ensuite, elle se saisit des amendements identiques CD95 de M. Damien Pichereau et CD133 de M. Jean-Baptiste Djebbari.

M. Damien Pichereau. Il y a deux semaines, j’ai eu l’occasion de vous présenter mon rapport de mission sur les véhicules utilitaires légers, qui proposait, à l’instar de ce qui existe déjà pour les poids lourds, une mesure de suramortissement pour l’achat de véhicules utilitaires légers motorisés au gaz naturel, à l’hydrogène, à l’électricité ou à tout autre carburant alternatif ; l’objectif était de « verdir » le parc de ces véhicules,

Le coût de ces véhicules, supérieur de 30 % à 50 % à celui des véhicules fonctionnant à l’essence ou au gazole, dissuade les professionnels de les acquérir. Or ce surcoût est en partie dû au faible nombre de véhicules vendus annuellement. Ce dispositif de suramortissement de 20 % pour les véhicules de plus de 2,6 tonnes a pour objet de « booster » les ventes afin de réduire cet écart et de faire en sorte que l’acquisition d’un véhicule utilitaire léger à carburant alternatif devienne viable et rentable à court terme.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Ces amendements ont été fort bien défendus par M. Damien Pichereau ; nous souhaitons qu’ils soient adoptés.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cette mesure de bon sens.

La commission adopte les amendements.

 

Puis elle en vient à l’examen de l’amendement CD93 de M. Damien Pichereau.

M. Damien Pichereau. Dans les trajets professionnels et domicile-travail, les véhicules électriques constituent des leviers de développement majeurs. Mais ils souffrent d’un désavantage fiscal pour le remboursement des indemnités kilométriques ainsi que pour le calcul des avantages en nature.

C’est pourquoi cet amendement propose de modifier le barème d’indemnisation des indemnités kilométriques afin de favoriser l’utilisation des véhicules électriques. Un taux différencié serait fixé en fonction du type de motorisation dans le barème officiel d’indemnisation kilométrique fixé par arrêté. Le mode de calcul de l’indemnisation kilométrique résultant de l’utilisation de véhicules électriques sera ainsi plus attractif pour les salariés.

Le Gouvernement est par ailleurs incité à adopter les dispositions réglementaires nécessaires afin de créer des taux différenciés pour le calcul de l’avantage en nature résultant de la mise à disposition de véhicules de fonction aux salariés selon qu’ils soient électriques ou thermiques. Actuellement, un véhicule électrique étant plus cher, les avantages en nature sont plus élevés pour un véhicule électrique et les salariés se retrouvent désavantagés.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis favorable à cette mesure également de bon sens.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle étudie ensuite l’amendement CD78 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Après l’effondrement du viaduc autoroutier de Gênes, le Gouvernement a lancé une étude de l’état des ponts en France. On savait déjà que sur les 12 000 ponts que compte le réseau, un tiers nécessite des réparations. Une première liste a été rendue publique le 26 septembre 2018.

Sur une liste de 42 ouvrages gérés par l’État et 122 « confiés » aux sociétés privées, 21 ponts sont classés en catégorie 3. Leur structure est « altérée » et nécessite des travaux de réparation « sans caractère d’urgence ». Sur ces 21 ouvrages, 7 appartiennent au réseau non concédé, 14 au réseau concédé.

Afin de procéder au plus vite aux travaux nécessaires, nous proposons de relever la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes de 7,32 euros à 9,32 euros pour 1 000 kilomètres parcourus – je ne suis du reste pas certain que les services fiscaux soient en mesure de vérifier le nombre de kilomètres parcourus sur lesquels cette taxe est assise.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

Toutes les augmentations de la fiscalité pesant sur les sociétés d’autoroute sont répercutées sur les tarifs des péages acquittés par les usagers. Vous proposez par ailleurs un relèvement du plafond d’affectation d’une partie de la taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), ce qui ne peut que résulter d’une disposition de la loi de finances et non d’un décret.

La commission rejette cet amendement.

 

Elle en vient à l’amendement CD80 de Mme Mathilde Panot.

 

M. Loïc Prud’homme. L’article 1011 bis du code général des impôts institue un bonus-malus sur les véhicules polluants. Cette taxe est due pour les véhicules de tourisme définis à l’article 1010 du code général des impôts. Aux termes de l’article 1010, sont considérés comme véhicules de tourisme les voitures particulières ainsi que les véhicules à usages multiples qui, tout en étant classés en catégorie N1, sont destinés au transport de voyageurs et de leurs bagages ou de leurs biens.

Les pick-up appartiennent censément à la catégorie N1. Cependant, l’instruction administrative en date du 7 octobre 2015 précise injustement que si le véhicule est équipé d’une plate-forme arrière ne transportant pas les voyageurs et les marchandises dans un compartiment unique, il n’est pas soumis à la taxe sur les véhicules de sociétés. Il est également exempté de malus écologique, alors même que les véhicules apparentés de type 4X4 y sont soumis.

Il convient de supprimer ces niches fiscales, dont l’exonération de malus écologique qui représente à elle seule un manque à gagner de 200 millions d’euros par an pour l’État et se traduit dans les faits par un marché en plein essor par un effet d’aubaine totalement climaticide.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je souscris totalement à la démarche proposée par cet amendement. Avis favorable.

M. Matthieu Orphelin. Cela va vraiment dans le bon sens, car aussi incroyable que cela puisse paraître, 20 000 pick-up sont vendus chaque année en France, contre 30 000 véhicules électriques…

M. Damien Pichereau. Vous serez peut-être étonnés, mais je suis plutôt favorable à votre amendement. À un petit problème près : il faudrait traiter le cas particulier des exploitants forestiers, qui n’ont d’autres choix que d’utiliser ce type de véhicule. Ils seront taxés sans disposer d’aucune solution de repli. Ils utilisent actuellement ces pick-up comme utilitaires ; les 4X4 n’étant pas considérés comme des utilitaires, ils paieront un malus…

M. Loïc Prud’homme. Monsieur Damien Pichereau, beaucoup d’utilisations sont spécifiques. Vous avez raison, le 4X4 est parfois la seule option, notamment en zone de montagne, et pourtant, leurs utilisateurs ne bénéficient pas d’une telle exonération. Mais nous pouvons peut-être nous pencher sur ces usages particuliers.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je vous invite à le faire d’ici la séance publique.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 22

 

La commission examine l’amendement CD114 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. Malgré l’heure un peu tardive, je vous emmène quelques minutes en Corse. Avec Mme la préfète, il y a quelques jours, nous avons reçu M. Ciccolini, maire d’une commune de montagne, Cozzano, qui se bat en faveur des énergies renouvelables. Il a installé une centrale hydroélectrique sur sa commune. La fiscalité n’étant pas du tout adaptée, il se trouve dans une situation quelque peu ubuesque. La Corse, comme d’autres territoires ultramarins, est une région non interconnectée, où l’électricité est plus chère à produire. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) met donc en place des mécanismes de compensation afin que le consommateur corse paie son électricité au même tarif que celui de la région lyonnaise. Mais, dans les autres territoires ultramarins non interconnectés, comme en Guadeloupe, les centrales hydroélectriques qui bénéficient d’une zone franche ne sont donc pas soumises à l’impôt sur les sociétés.

En Corse, l’électricité est essentiellement produite à partir de fioul lourd. En conséquence, plus on allégera la fiscalité sur les énergies propres, plus la CRE fera des économies. En supprimant l’impôt sur les sociétés pour favoriser la production d’énergie propre dans les zones contraintes ou de montagne, nous aurons moins besoin de recourir au fioul.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à exonérer les barrages et centrales hydroélectriques corses d’impôt sur les sociétés. Mon avis sera défavorable pour trois raisons : premièrement, les zones non interconnectées, comme la Corse, mais aussi les départements et régions d’outre-mer, bénéficient déjà de la solidarité nationale, puisque la péréquation permet à tous les consommateurs, ménages comme entreprises, de payer l’électricité au même prix qu’ailleurs, alors que les coûts de production sont en moyenne six fois plus élevés.

Deuxièmement, il s’agirait d’une entorse au principe d’égalité qui vaudrait très certainement une censure du Conseil constitutionnel, dans la mesure où ce dispositif serait spécifique à la Corse et n’existerait pas dans les départements d’outre-mer. Il faudrait peut-être travailler sur ce point avec les territoires concernés.

Troisièmement, les énergies renouvelables bénéficient déjà d’aides de droit commun.

M. Paul-André Colombani. Je me suis peut-être mal expliqué : actuellement, la CRE subventionne beaucoup la production d’électricité en Corse, essentiellement issue du fioul. La production hydroélectrique est beaucoup moins chère. Donc, si, à terme, la production hydroélectrique augmentait, l’État gagnerait de l’argent. En clair, pour le moment, il vaut mieux produire en Corse de l’électricité avec du fioul que de se battre pour les énergies propres…

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Sur le fond, j’entends tout à fait vos arguments et les difficultés environnementales et économiques du dispositif. Mais votre amendement pose tout simplement des problèmes d’ordre juridique, notamment d’entorse au principe d’égalité. Peut-être conviendra-t-il de le retravailler d’ici à la séance publique avec l’outre-mer, afin de le consolider. Je vous demanderai de bien vouloir le retirer.

L’amendement est retiré.

 

Elle en vient à l’amendement CD77 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Étant donné l’heure avancée, l’appel de mon estomac et surtout de mon agenda, je me contenterai de soumettre cet amendement à votre bon sens – vous allez le voter – et considérer qu’il est défendu.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Pour tout vous dire, je suis ennuyée… J’avais rédigé un amendement sur le même sujet et j’ai finalement choisi de le retirer pour différentes raisons. Je m’en remettrai à votre sagesse, mais je préférerais que vous le retiriez pour que nous l’examinions en séance, si vous souhaitez une réponse du ministre sur le sujet.

Je pense tout comme vous que les transports publics urbains réguliers de voyageurs devraient bénéficier d’une TVA à 5,5 %, au même titre que d’autres services de première nécessité. Mais le financement de la mesure pose problème, d’autant que votre amendement est gagé sur une hausse de la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes…

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 28

 

La commission examine les amendements CD67 et CD70 de M. Matthieu Orphelin ainsi que les amendements, en discussion commune, CD68 de M. Matthieu Orphelin et CD132 de M. Jean-Baptiste Djebbari.

M. Matthieu Orphelin. Les amendements CD67, CD70 et CD68 concernent la lutte conte l’artificialisation des sols, dans la logique globale dont nous avons déjà parlé. Il s’agit d’aménager la taxe sur les surfaces commerciales qui date de 1972 et n’intègre aucun critère de développement durable. Nous vous proposons donc trois amendements : le premier amendement, CD67, vise à taxer davantage les surfaces commerciales situées un peu partout en périphérie, qui consomment et artificialisent du foncier en dehors des centres-villes et centres bourgs, et à moins taxer les commerces situés dans les centres-villes et centres bourgs. L’objectif est double : il s’agit de lutter contre l’artificialisation des sols et de favoriser les commerces de centre bourg et de centre-ville.

Le deuxième amendement, CD70, majore la taxe existante pour les grandes surfaces commerciales de 1 000 à 2 500 mètres carrés, la taxe actuellement payée étant clairement insuffisante.

Le troisième amendement, CD68, inclut les espaces de stockage et logistiques non ouverts au public dans le calcul de la taxe sur les surfaces commerciales. De nouveaux projets d’espaces de stockage et logistiques se développent partout en France. Il est incroyable que ces surfaces ne soient pas soumises à taxation.

M. Jean-Baptiste Djebbari. Mon amendement CD132 poursuit le même objectif que l’amendement CD68. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, il s’agit de discuter des meilleurs mécanismes possibles pour lutter contre l’artificialisation des sols.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. La lutte contre l’artificialisation nécessitera un dispositif complet et cohérent, dans le cadre de la concertation que j’évoquais tout à l’heure, dont nous ne disposons pas encore. Modifier les règles relatives à l’aménagement commercial est une des pistes de réflexion figurant dans le Plan biodiversité, dont l’action 12 prévoit de moderniser le cadre réglementaire et la gouvernance relatifs à l’aménagement commercial dans l’objectif de limiter l’artificialisation des sols. Néanmoins, les surfaces commerciales ne sont pas le premier enjeu : l’habitat individuel et les routes constituent le premier gisement sur lequel il conviendra de travailler.

Par ailleurs, il n’est pas souhaitable de taxer indifféremment toute une catégorie de constructions sans avoir préalablement évalué l’impact et la pertinence que peuvent avoir certains équipements.

Je demande donc le retrait de l’amendement CD67 au profit d’un travail collectif sur ce sujet.

Je demande également le retrait des amendements CD68 et CD132. Le stockage et la logistique sont effectivement exclus de la base taxable, mais introduire dans l’assiette de la taxe les seuls entrepôts servant au e-commerce peut susciter l’interrogation. Pourquoi ne pas taxer tous les établissements de stockage ? Que faire pour les bâtiments qui pourraient, le cas échéant, servir d’entrepôt pour un commerce physique et pour un site de commerce en ligne ? Autant de questions qu’il nous faudrait résoudre avant d’avancer sur le sujet.

M. Jean-Luc Fugit. Nous retirons l’amendement CD132.

L’amendement CD132 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements CD67, CD70 et CD68.

 

Article 32 : Modification des recettes des comptes d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » et « Transition énergétique »

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 sans modification.

 

Article 33 : Modification du barème du malus automobile (compte d’affection spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres »)

La commission est saisie, en discussion commune, de l’amendement CD96 de M. Damien Pichereau et de l’amendement CD138 de la rapporteure pour avis.

M. Damien Pichereau. Mon amendement CD96 vise à modifier le barème du malus, actuellement calculé en fonction des seules émissions de CO2. Or si une motorisation diesel relâche moins de dioxyde de carbone, elle est également à l’origine de l’émission d’oxydes d’azote, les NOx, et de particules en suspension, notamment de particules très fines, celles qui se fixent le plus dans le corps humain et qui sont donc les plus nocives pour la santé publique.

Avec l’actuel barème, un véhicule diesel est toujours avantagé à l’acquisition, ce qui est contraire aux engagements français pris dans le cadre de la politique mise en œuvre contre le changement climatique et le respect des accords de Paris.

J’ajoute que cet amendement répond à un souci de cohérence : dans la mesure où l’on vise à rapprocher la fiscalité de l’essence et du gazole sur l’utilisation, il faut en faire autant sur l’acquisition.

Il rétablit une certaine équité en appliquant une taxe additionnelle dès lors que le véhicule diesel dépasse les 98 grammes de CO2 par kilomètre. Cet écart de 20 % permet d’harmoniser la fiscalité à l’acquisition, dans la mesure où les véhicules diesel émettent en moyenne 20 % de moins de CO2 que les véhicules essence à puissance égale.

Pour avoir été commercial dans l’automobile, je sais que l’on va m’opposer notamment l’argument de la baisse du pouvoir d’achat. Dire que le diesel est plus rentable aujourd’hui que l’essence est une hérésie. Les Français font en moyenne moins de 15 000 kilomètres par an. Or pour rentabiliser un véhicule gazole par rapport à un véhicule essence, il faut rouler entre 150 000 et 160 000 kilomètres, cette distance tendant à augmenter vu que le prix du gazole se rapproche de celui de l’essence. De plus, les véhicules diesel sont plus chers à l’achat et le coût de leur entretien est également plus élevé alors qu’ils ne sont pas plus fiables. Aujourd’hui, le consommateur n’a donc aucun intérêt à acheter un véhicule diesel d’un point de vue économique. L’argument socio-économique ne tient donc pas.

Cet amendement marquera une véritable avancée ; ce sera également un message fort à l’adresse des constructeurs automobiles qui doivent accélérer leur évolution. L’Europe va-t-elle trop, assez ou pas assez vite ? On ne sait pas. En tout cas, les parlementaires français ont l’occasion d’envoyer un signal.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Mon amendement participait de la même philosophie puisqu’il proposait de durcir le barème du malus automobile en prévoyant un tarif de départ non de 50 euros, mais de 100 euros. Mais j’émets un avis de sagesse sur l’amendement de M. Damien Pichereau qui poursuit le même objectif et rétablit une certaine équité en appliquant une taxe additionnelle dès lors que le véhicule diesel émet plus de 98 grammes de CO2 par kilomètre.

La commission adopte l’amendement CD96.

En conséquence, l’amendement CD138 tombe.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 modifié.

 

 

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9 h 35

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, Mme Patricia Gallerneau, M. Guillaume Garot, Mme Laurence Gayte, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Geneviève Levy, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Poudroux, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Christophe Bouillon, M. Stéphane Demilly, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. David Lorion, M. Bruno Millienne, M. Jimmy Pahun, M. Gabriel Serville, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Bénédicte Peyrol