Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition de Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, sur les crédits relatifs aux transports du projet de loi des finances pour 2019 (n° 1255)              2

 Annexe : réponses apportées par écrit par Mme Elisabeth Borne, ministre des transports 26


Mardi 23 octobre 2018

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de Mme Barbara Pompili,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, sur les crédits relatifs aux transports du projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255).

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui nous présentera les grands axes d’action et, bien sûr, le budget de son ministère pour l’année 2019.

Madame la ministre, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation et j’informe mes collègues que vous serez, à votre grand regret, obligée de nous quitter vers dix-huit heures quarante. Cela nous laisse peu de temps et nous allons essayer d’être le plus efficaces possible.

Je vous rappelle le déroulement de notre réunion. Après un propos liminaire de Mme la ministre, les représentants des groupes pourront intervenir pour trois minutes chacun. Ils seront suivis des rapporteurs, pour deux minutes. Puis, après les réponses de Mme la ministre, chaque député qui le souhaite pourra poser une question d’une minute.

Madame la ministre, les crédits consacrés aux transports progressent dans l’ensemble – je vous laisserai le soin de les présenter. Notre analyse du budget des transports s’effectue, bien sûr, sous le prisme de l’urgence climatique et de la nécessaire transition écologique. À cet égard et compte tenu de sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre, le rôle du secteur des transports est central. Nous lui accordons par conséquent une attention toute particulière et devons l’inciter à sa nécessaire transformation systémique. Notre analyse du budget doit aussi être conduite en tenant compte de la prochaine échéance de la loi d’orientation des mobilités (LOM). Ainsi, pourriez-vous nous éclairer sur l’articulation entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 et le futur projet de loi d’orientation des mobilités ? La partie programmatique de la LOM trouve-t-elle une traduction dans le PLF ? Quels seront les moyens de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ? Quelles seront les priorités retenues ? Qu’en est-il de l’idée d’une vignette sur les poids lourds ?

S’agissant du transport routier de marchandises, dont on connaît l’impact environnemental, des mesures d’accompagnement en faveur du verdissement des flottes sont‑elles prévues ? De la même manière, dans une optique de renforcement des modes de transport respectueux de l’environnement, pourriez-vous nous indiquer quels sont les moyens prévus dans le PLF 2019 pour développer notamment le fret ferroviaire ? La question du verdissement des flottes ne concerne évidemment pas les seuls poids lourds. Quels seront les moyens consacrés à l’aide à l’acquisition de véhicules propres ? Sont-ils en progression ? Une extension de cette aide est-elle envisagée ? Enfin, si vous pouviez nous dire quelques mots sur le plan « Vélo », nous serions très intéressés.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Comme vous le savez, le Gouvernement a engagé des réformes structurantes, qui ont vocation à transformer en profondeur notre politique dans ce domaine. Conformément au cap donné par le Président de la République dès juillet 2017, il s’agit d’offrir à nos concitoyens et sur l’ensemble du territoire des solutions de déplacement à la hauteur de leurs attentes et d’inventer des mobilités du XXIe siècle plus intelligentes, plus propres et plus durables.

En effet, les déplacements, qu’ils soient fondés sur des modes traditionnels ou mis en œuvre par de nouvelles solutions, que ce soit pour le transport des voyageurs ou celui des marchandises, doivent absolument intégrer l’urgence environnementale et climatique. Je ne reviendrai pas sur le nouveau pacte ferroviaire, promulgué le 27 juin dernier. Cette réforme porte trois orientations majeures : l’ouverture à la concurrence avec une réforme des droits et garanties pour les cheminots ; la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics incessibles, apte à construire sa propre stratégie ; un programme d’investissements de régénération devant atteindre 3,6 milliards d’euros par an avec une progression supplémentaire de 200 millions d’euros à compter de 2022, qui s’accompagne de la reprise de dette par l’État à hauteur de 35 milliards d’euros en deux temps – en 2020 et en 2022. Je pense que nous pouvons partager le fait qu’il s’agit d’une réforme considérable du secteur ferroviaire.

L’année 2019 marquera la poursuite du travail de transformation du cadre dans lequel s’inscrivent le droit au transport et celui de se déplacer librement – je veux bien entendu parler du projet de loi d’orientation des mobilités que je présenterai prochainement en conseil des ministres. Après un travail d’écoute des acteurs en profondeur pendant les Assises nationales de la mobilité à l’automne dernier, nous sommes maintenant à l’orée de la présentation de ce texte, qui est en cours d’examen au Conseil d’État. C’est un projet qui réforme l’ensemble des modes de transport en refondant les bases de notre politique de mobilité. Il porte l’ambition de moderniser le « droit du transport », et je devrais dire le « droit à la mobilité », en donnant les outils aux acteurs locaux pour tirer le meilleur parti du numérique, des nouvelles mobilités et des innovations pour diffuser de nouvelles solutions de mobilité sur l’ensemble du territoire, pour répondre aux nouveaux besoins de nos concitoyens ainsi qu’à l’exigence de l’urgence environnementale et climatique.

Sans entrer dans le détail, je souhaite évoquer quelques orientations majeures. Le premier objectif vise à sortir des zones blanches de la mobilité – vous savez que 80 % du territoire ne sont pas couverts par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM) –, ce qui passe par une modernisation de la gouvernance par les collectivités, entre la région et le bloc communal, pour assurer, pour tous les territoires, un responsable en termes d’organisation de la mobilité. Les départements joueront aussi un rôle important, à la fois d’ingénierie en appui au bloc communal, de coordination de toutes les mobilités, dans laquelle ils ont bien sûr un rôle important puisqu’ils gèrent le réseau départemental qui peut être le support d’aires de covoiturage et d’aires de mobilité plus généralement, mais aussi au titre de leur rôle de chefs de file dans le domaine de la solidarité, qui est aussi un volet important de la loi.

Le deuxième axe est le « verdissement des mobilités » – j’y reviendrai – avec notamment le plan « Vélo » et le verdissement de toutes les motorisations.

Un troisième axe consiste à tirer parti de l’innovation pour proposer de nouveaux outils et de nouvelles solutions de mobilité, tout d’abord en profitant de la révolution digitale pour développer une information billettique multimodale et proposer des nouvelles solutions comme l’autopartage, le covoiturage, le transport à la demande, le développement des véhicules autonomes ou la route connectée.

Enfin, cette loi a pour ambition de fixer une programmation soutenable de nos infrastructures de transport, qui repose sur quatre principes fondamentaux : sortir des promesses non financées ; s’engager sur des choix clairs ; s’engager sur ce que l’on sait financer ; s’engager de façon démocratique, puisqu’il y aura un débat et un vote au Parlement. Je voudrais saluer à nouveau les travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui ont été très précieux pour nous aider à définir cette programmation. Les échanges que j’ai pu avoir récemment avec les présidents de région et les parlementaires me confortent dans la pertinence des choix que nous souhaitons défendre.

Évidemment, cette politique raisonnée et raisonnable d’investissement ne peut s’exonérer d’un modèle économique cohérent. Disposer d’une programmation soutenable de nos investissements suppose de réfléchir à de nouvelles modalités de ressources. Pour l’année 2019, la hausse du budget du ministère est financée. Mais il faudra prévoir pour 2020 une ressource à hauteur de 500 millions d’euros par an pour assurer l’équilibre de notre programmation. Nous étudions actuellement plusieurs possibilités, dont j’ai déjà eu l’occasion de parler et sur lesquelles nous reviendrons certainement. J’ai engagé la semaine dernière une consultation avec les professionnels du secteur et les acteurs concernés. L’année 2019 s’inscrit pleinement dans la préfiguration de cette nouvelle politique de mobilité. Ce sont ainsi plus de 8 milliards d’euros qui seront investis par l’État dans les transports au niveau national, au travers de différents programmes budgétaires ou des moyens affectés à l’AFITF, en actant les priorités de la programmation retenues par le Gouvernement, avec une amélioration des moyens sur plusieurs axes. Tout d’abord, les ressources du programme 203 augmentent de 2,3 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, soit un montant global de 3,213 milliards d’euros. Ensuite, l’AFITF bénéficiera de près de 230 millions d’euros de recettes affectées supplémentaires, ce qui devrait permettre une augmentation de 10 % de son action opérationnelle. Par ailleurs, nous travaillons actuellement sur la base des propositions remises par M. Gilles Carrez sur les ressources de la Société du Grand Paris (SGP). Un amendement a déjà été voté et d’autres seront proposés à cet effet.

Vous le savez, j’ai eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, la première des priorités est l'entretien et la modernisation des réseaux existants. Le drame de Gênes, le 14 août dernier, nous rappelle l’importance de ce sujet. Alors que le montant dédié à l’entretien et à l’exploitation du réseau routier national s’élevait en moyenne à 670 millions d’euros par an entre 2008 et 2017, il a été porté à 800 millions d’euros dès 2018. L’effort se poursuivra encore dès 2019, puisque nous prévoyons d’augmenter de 50 millions d’euros les moyens consacrés à la route et aux voies fluviales, tandis que, comme je l’ai déjà indiqué, dans le cadre de la réforme ferroviaire, les moyens seront considérablement augmentés sur la régénération ferroviaire – 50 % de plus dans la décennie à venir par rapport à la décennie précédente, je le rappelle.

Concernant l’état du réseau routier national, j’avais commandé un audit sur ce secteur, ainsi que sur le réseau ferroviaire et le réseau fluvial. Cet audit présente plusieurs scénarios, avec un point commun : la nécessité d’un renouveau des méthodes de gestion de notre patrimoine routier et des ouvrages d’art, en y associant des trajectoires financières adaptées.

Nos priorités en matière d’investissements ne s’arrêtent pas à la route et au fer. Je voudrais souligner que la dotation pour le dragage des grands ports maritimes sera augmentée en 2019 de 29 millions d’euros, ce qui permettra de couvrir enfin quasiment en totalité les charges de dragage des ports français et de participer à l’amélioration de leur compétitivité dans une concurrence forte avec les autres ports européens. Je voudrais souligner qu’entre la LFI pour 2017 et le PLF pour 2019, l’augmentation des moyens consacrés au dragage représente 48 millions d’euros. 2019 verra aussi la tenue de nos engagements en matière de renouvellement des rames pour les trains d’équilibre du territoire (TET) au bénéfice direct des usagers quotidiens, avec un effort qui atteindra 450 millions d’euros pour ce programme. 2019 sera également l’année de l’intensification de nos engagements au profit des mobilités actives, notamment avec la mise en œuvre du plan « Vélo » que nous avons présenté fin septembre avec le Premier ministre et le ministre d’État et auquel nous consacrerons 350 millions d’euros dans le cadre d’un plan sur sept ans. Les premiers appels à projets se mettront en place dès 2019 pour accompagner les aménagements cyclables sécurisés et traiter les discontinuités, lesquelles constituent un frein majeur au développement de l’usage du vélo.

En plus du soutien aux mobilités actives et partagées que je viens d’évoquer, il est essentiel d’engager une trajectoire de verdissement pour chacun des modes, sur la base des propositions issues des Assises nationales de la mobilité et des travaux qui ont été engagés par le Gouvernement. Je sais que vous vous êtes engagés, dans le cadre de l’examen du PLF, à soutenir cette thématique au travers de plusieurs amendements : pour les véhicules légers, des dépenses sur le bonus et la prime à la conversion qui augmente de 63 % par rapport à l’an dernier, ainsi que la mise en place d’un barème kilométrique spécifique pour le véhicule électrique ; pour les poids lourds, la prolongation du sur-amortissement jusqu’en 2021, l’extension à l’hydrogène et à l’électricité – comme pour les véhicules utilitaires légers (VUL) de plus de 2,6 tonnes – et le renforcement du sur-amortissement pour les petits poids lourds qui sont ceux qui circulent le plus en ville. Vous avez également voté un amendement sur le suramortissement pour les navires avec des propulsions décarbonées, et sur les branchements à quai, pour le traitement des dioxydes de souffre. Enfin, sur le fluvial et le ferroviaire, ces deux modes en concurrence avec le mode routier qui est moins efficace d’un point de vue environnemental bénéficient d’une exonération totale de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), stabilisée par rapport à l’an dernier contrairement à ce qui a été appliqué pour les autres utilisateurs de gazole non routier. Nous travaillons aussi à une transition accélérée dans l’ensemble de ces secteurs. Je pense notamment à la mission sur l’hydrogène, confiée à votre collègue M. Benoît Simian, mais aussi au dialogue engagé avec les armateurs fluviaux que nous souhaitons encourager à progresser dans le verdissement des flottes.

Je voudrais également évoquer le fret et les besoins du transport de marchandises. Outre les dotations sur le dragage que j’ai mentionnées et les investissements stratégiques portuaires prévus dans les contrats de plan État-régions (CPER), la programmation 2019 prévoit l’augmentation de 10 millions d’euros des aides aux transports combinés pour le développement, notamment, des autoroutes ferroviaires.

Enfin, la mer et l’aérien sont au cœur de ma politique. Vous savez que le Gouvernement souhaite porter une politique maritime ambitieuse, comme cela a été rappelé à l’occasion du comité interministériel de la mer (CIMer) en novembre dernier. Le programme « Affaires maritimes » porte plusieurs objectifs, notamment l’accompagnement des filières économiques dans une transition au service de l’attractivité de notre pays et de la protection de notre environnement marin. Dès lors, le budget du programme 205 dédié à ce domaine est maintenu à 157 millions d’euros qui permettront notamment la poursuite du plan de modernisation des affaires maritimes, avec la réalisation de deux projets en 2019. Il s’agira, en premier lieu, de l’amélioration de nos équipements – comme l’installation d’un nouveau système de gestion des sauvetages pour les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), plus ergonomiques pour ses utilisateurs et donc plus efficace, ou encore l’amélioration des moyens nautiques avec l’acquisition d’un patrouilleur en Méditerranée et le renouvellement d’une vedette pour l’armement des phares et balises. Le deuxième axe est la dématérialisation et le développement de portails pour les marins et les armateurs. Les objectifs de cette dématérialisation sont clairs. Il s’agit de fournir un meilleur service à l’usager, mais aussi de faciliter le travail de nos agents.

Concernant le domaine aérien, les moyens prévus dans le programme « Infrastructures et services de transport » seront augmentés de 10 millions d’euros. Ils permettront notamment de soutenir le développement de liaisons d’aménagement du territoire, qui constituent des solutions de désenclavement de certains territoires, permettant ainsi une alternative rapide et efficace à de grandes infrastructures beaucoup plus coûteuses et longues à réaliser. Par ailleurs, le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » s’inscrit dans un contexte de forte croissance du trafic aérien. Au cours des huit premiers mois de l’année, le nombre de passagers a crû de 4,6 % et les mouvements contrôlés ont progressé de 1,9 %.

Il est impératif d’activer tous les leviers pour augmenter la capacité du ciel français, tout en continuant à assurer la sécurité et la sûreté du transport aérien et à réduire son impact sur l’environnement. Ainsi, les investissements seront portés à 297,5 millions d’euros, en augmentation de 45 millions d’euros, pour dynamiser en particulier les grands projets de navigation aérienne – je pense à 4flight et Datalink notamment.

Le financement de la fin du protocole social qui, je le rappelle, est un outil au service de l’amélioration de la productivité, est assuré. Le schéma d’emplois prévu est appliqué. En 2019, la stratégie de désendettement sera maintenue à hauteur de plus de 71 millions d’euros. Elle conduit, depuis 2015, à un désendettement total du budget annexe de l’aviation civile (BAAC) de plus de 500 millions d’euros.

Comme vous le constatez, 2019 marque la confirmation de notre stratégie de transformation de la politique d’investissement dans les mobilités. C’est un choix de sincérité vis-à-vis de nos concitoyens et des territoires, qui attendent de l’État des engagements réalistes et concrets. Vous constaterez que je mène un combat pour mettre mon action au service d’une nouvelle politique de mobilités, pour contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et à la lutte contre la pollution – qui est un impératif –, tout en assurant les conditions optimales pour développer l’attractivité et la cohésion de nos territoires, c’est-à-dire une politique qui lutte contre l’assignation à résidence, dans tous les territoires, qu’ils soient ruraux, urbains ou périurbains, ou encore qu’il s’agisse de villes moyennes. Et ce, en portant également une ambition inédite pour la mobilité propre, en accompagnant les révolutions du digital et en utilisant les possibilités que propose le développement numérique, pour permettre à nos concitoyens de se déplacer en fonction de leurs besoins.

Je vous remercie. Je vais maintenant pouvoir répondre à vos questions.

M. Matthieu Orphelin. Le secteur des transports émet 10 % de plus de gaz à effet de serre que ce que permet la trajectoire « bas carbone ». Qui plus est, ces émissions, en particulier celles de gaz à effet de serre, sont en hausse alors qu’elles devraient décroître. Cela monte l’intérêt d’agir fortement, comme vous l’avez indiqué. Aussi accueillons-nous avec grand intérêt et enthousiasme le projet de loi d’orientation des mobilités qui arrivera dans quelques semaines. Un tel projet a manqué, depuis vingt ans, pour que l’on puisse enfin passer à cette nouvelle mobilité.

Avec cette loi, on met en avant différents dispositifs dont vous avez parlé, notamment le verdissement des mobilités. Un important travail a été effectué sur le PLF. Je citerai en particulier le suramortissement pour les camionnettes et les VUL, défendu par notre collègue M. Damien Pichereau. Cela permettra d’envoyer les bons signaux en matière de fiscalité incitative. Cette cohérence permettra aussi de sortir de ce que vous avez appelé des promesses non financées sur la programmation des investissements. Faire des choix et les assumer est une nouveauté.

Je vous remercie d’avoir fait référence au rapport que nous avons rédigé au sein du COI, avec des experts et des élus de tout bord politique, dont notre présidente et M. Benoît Simian. Nous sommes ravis d’avoir été utiles. Depuis ce rapport, vous avez mis en œuvre une concertation avec l’ensemble des élus locaux. Quelles évolutions de la programmation avez-vous décidées suite à cette concertation ?

Par ailleurs, vous l’avez redit, la question des moyens est très importante, avec des ressources en hausse pour les programmes de votre ministère de 300 millions d’euros dès 2019. Pour arriver à financer la programmation que vous avez arbitrée, il faut 500 millions d’euros de plus dès 2020. Quelles sont, aujourd’hui, les pistes privilégiées ? Où en sont les discussions avec les différents acteurs ?

Je terminerai avec la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). Vous avez annoncé il y a une dizaine de jours – et j’en parle à côté de notre collègue M. Jean-Luc Fugit – la mise en œuvre de cette démarche avec quinze collectivités. C’est évidemment un pas important, que l’on attendait en France où nous avions un retard significatif par rapport à d’autres pays. Comment envisagez-vous, dans la LOM, l’extension de ces premières démarches à toutes les collectivités de plus de 100 000 habitants ?

Mme Valérie Beauvais. Il m’apparaît important de souligner que les présents crédits doivent poursuivre des objectifs de mobilité et de cohésion sociale entre nos concitoyens, ainsi que d’équilibre de nos territoires. Rappeler ce principe n’est pas anodin. En effet, certains d’entre nous souhaiteraient, dans un monde parfait et idéalisé, que la politique des infrastructures et des transports ne soit qu’une variable d’ajustement de la politique de la transition écologique. Ce faisant, ces mêmes personnes ne sont pas loin de considérer qu’il faut bannir toute forme de véhicules et donc que les infrastructures routières n’ont pas forcément vocation à être entretenues ou développées. Vous l’aurez compris, telle n’est pas l’opinion du groupe Les Républicains, bien au contraire. Nous plaçons la mobilité au cœur des enjeux d’aujourd'hui et de demain – et qui dit mobilité, dit bien évidemment infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, etc.

Madame la ministre, la mission que vous défendez poursuit trois objectifs : l’amélioration de la qualité des infrastructures de transport, l’amélioration de la régulation dans les transports routiers et le développement de la part des modes alternatifs à la route. Si nous partageons lesdits objectifs, en revanche nous ne partageons pas les moyens d’y parvenir. En effet, votre Gouvernement a fait le choix d’une fiscalité écologique qui confirme les fractures territoriales, les injustices sociales et l’augmentation des taxes sur les carburants, qui avaient déjà progressé de 3,7 milliards d’euros en 2018 et qui vont encore augmenter en 2019 de plus de 2 milliards d’euros. Ainsi, sur l’ensemble du quinquennat, le prix du diesel aura augmenté de 31 centimes et celui de l’essence de près de 16 centimes. Cela représente, pour certains de nos concitoyens, jusqu’à 750 euros de taxes supplémentaires. Il s’agit là d’un vrai choc fiscal, sans précédent pour les Français qui doivent utiliser leur voiture au quotidien pour se rendre au travail, mais aussi pour assurer le transport de leurs enfants à l’école ou encore accéder aux services publics. À cette hausse, j’ajouterai la mesure de limitation de la vitesse à 80 kilomètres par heure qui n’a fait qu’accroître la fracture entre les territoires pour un résultat bien loin de celui annoncé – vous avez vu les mauvais chiffres du mois de septembre –, ainsi que le vote, cette nuit en séance, durcissant le malus écologique applicable aux véhicules automobiles.

En fait, la construction de votre budget ne permet pas de répondre réellement aux enjeux écologiques, car vous ne souhaitez pas prendre les mesures qui s’imposent à l’encontre des plus gros pollueurs. En effet, où sont les mesures fiscales à l’encontre des transporteurs routiers étrangers qui utilisent nos infrastructures et les dégradent, et qui contribuent à la pollution de nos villes en n’utilisant pas les autoroutes ? Où sont les mesures fiscales à l’encontre des « GAFA » qui font livrer leurs colis par des transporteurs utilisant nos infrastructures tout en échappant à l’impôt sur les sociétés en France ? Où sont, enfin, les mesures fiscales pour soutenir les collectivités qui mettent en œuvre des solutions de transports intermodaux ? Vous venez d’ailleurs de supprimer, je crois, le soutien financier à ces mêmes collectivités qui installent des bornes de recharge électrique sur les voiries. Il est en effet plus simple de transférer des infrastructures aux différentes collectivités, avec les contraintes budgétaires auxquelles elles sont confrontées. Elles n’ont le choix qu’entre s’endetter ou augmenter leur fiscalité.

Madame la ministre, les 50 milliards d’euros de la fiscalité écologique sont ponctionnés sur le dos des Français ! Et il me semble que vous faites fausse route, parce que l’affectation de votre budget semble illisible, disparate et en dépit de toute cohésion.

Un dernier mot sur les privatisations, dont celle du groupe ADP.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci de conclure.

Mme Valérie Beauvais. Je termine ma phrase, si vous le voulez bien. Au-delà de la question des investissements et des infrastructures, ainsi que du transport payé par le contribuable local et les collectivités, quelle sera l’affectation réelle de la somme perçue par l’État ?

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci, chère collègue. Si je vous invite à respecter votre temps de parole, c’est pour éviter que des collègues ne puissent pas poser leurs questions avant le départ de Mme la ministre.

Mme Florence Lasserre-David. Je souhaite, en tout premier lieu, vous assurer du soutien du groupe Mouvement démocrate et apparentés (MoDem) pour mener à bien votre projet de refonte globale de notre politique des transports. Il était temps, car celle-ci repose sur la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) de 1982. Or la société a évolué depuis cette époque et le cadre législatif est largement dépassé. Il n’est plus adapté aux habitudes de déplacement des Français, pas plus qu’il n’est favorable au déploiement des solutions innovantes qui émergent un peu partout sur le territoire. Alors que nous voulons soutenir et encourager cette révolution technologique, qui est aujourd’hui une révolution des usages, nous ne pouvons nous satisfaire du cadre actuel. Le MoDem partage entièrement votre ambition d’une politique dans laquelle personne ni aucun territoire ne sera oublié.

Cette ambition vous distingue des politiques menées pendant des décennies en matière de transport, qui ne s’intéressaient qu’aux grandes infrastructures et à la mise en service de lignes à grande vitesse. Ce changement de paradigme, vous l’opérez au nom de l’égalité et de la solidarité des territoires, au bénéfice de tous les citoyens car, à force de concentrer son attention sur le TGV, la France a délaissé le reste de son réseau, pourtant plus fréquenté. Ainsi, la grande vitesse a attiré 16 % des investissements ces dernières années, alors qu’elle ne représente que 1 % des déplacements.

Aujourd’hui, il est impératif que le secteur des transports bascule vers la mobilité du quotidien. Il est urgent de passer d’une politique de l’équipement à une stratégie des mobilités – stratégie qui doit donner la priorité aux transports du quotidien, à leur entretien, à leur modernisation et à leur diversification. Pour répondre à cette ambition, il faut des moyens – et des moyens suffisants. Or les ressources sont globalement insuffisantes au regard de nos besoins vitaux en la matière, que l’on considère la remise en état des routes nationales, parfois attendue depuis des décennies, ou celle des lignes ferroviaires qui permettent le maillage fin du territoire. Mais quelles sont les recettes disponibles pour réussir la politique de mobilité que nous appelons tous de nos vœux ? Quelles sont les pistes que vous explorez pour assurer l’affectation de ressources suffisantes aux mobilités ?

Sur le sujet de la vignette poids lourds, par exemple, on comprend que le Gouvernement ne veuille pas ressusciter l’écotaxe. Mais pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part des premiers résultats de vos travaux et de vos concertations ?

Dans un autre registre, il semble que vous souhaitiez, dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités, donner un second souffle aux péages urbains. Comment envisagez-vous le déploiement d’un tel dispositif ? Comment avez-vous évalué les recettes qui seraient ainsi générées ?

Sur le volet de la fiscalité, que pensez-vous de la proposition, faite lors des Assises nationales de la mobilité, de supprimer les niches fiscales qui profitent au transport routier et au transport aérien, afin de garantir l’équité fiscale entre les modes de transport ?

Ma dernière question concerne les ressources à trouver pour assurer le financement des infrastructures et des services de transport. Envisagez-vous la mise en place d’un mécanisme incitatif afin que les communes s’emparent du potentiel de la captation de la rente foncière généré par de nouvelles infrastructures de transports collectifs ? Ce dispositif a fait ses preuves à l’étranger, notamment à Montréal. Il existe également en France, mais les élus français semblent hésiter à jouer sur l’assiette de leurs taxes locales d’équipement.

M. Stéphane Demilly. Au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je vous remercie, madame la ministre, pour les trottinettes et le canal Seine-Nord Europe – canal dont vous n’avez pas du tout parlé. C’est un oubli fâcheux, et c’est un oubli qui fâche. Pas un mot sur le plus grand projet d’infrastructure européen des prochaines années, financé à 50 % par l’Union européenne ! Si, comme le disait Molière, le chemin est long du projet à la chose, les habitants de la région Hauts-de-France commencent à trouver ce chemin très long, trop long pour arriver à la concrétisation d’un projet que notre groupe défend ardemment, celui du canal Seine-Nord Europe. Le 19 novembre 1993 à Amiens – il y a vingt-cinq ans, madame la ministre –, le préfet de la région Picardie tenait sa première réunion comme coordonnateur pour un projet déclaré prioritaire. Le 5 avril 2011, à Nesle, le Président de la République de l’époque donnait son feu vert à la phase finale du canal Seine-Nord Europe. En 2012, nouveau Président de la République, nouveau gouvernement, abandon de la procédure de partenariat public-privé. Le 10 juillet 2015, l’Union européenne valide un financement européen de plus de 40 %, passé depuis à 50 %. L’espoir renaît alors sur notre territoire quant à la concrétisation de cette formidable infrastructure. Deux ans plus tard, en juillet 2017, nouveau Président de la République, nouveau gouvernement et nouveau coup dur : une pause dans les grands projets d’infrastructures est annoncée. Finalement, après une très forte mobilisation des élus, acteurs économiques et citoyens, notamment grâce à l’« appel de Péronne » du 15 septembre 2017, que nous avons lancé avec M. Xavier Bertrand, un accord est trouvé quinze jours plus tard, lors d’un déplacement du Président de la République à Amiens, entre les collectivités et l’État pour que le canal se fasse. Il est alors annoncé que la société de projets serait régionalisée et que l’État apporterait sa contribution financière par une taxe nationale à assiette locale. Depuis, nous attendons comme le Saint Graal la LOM censée concrétiser ces annonces et expliciter cette formulation technocratique et floue. C’était il y a plus d’un an, madame la ministre.

Lorsque nous avons eu connaissance de la transmission du texte de la future LOM au Conseil d’État, nous nous sommes empressés de le consulter pour trouver les réponses à nos questions. Si l’on y trouve bien la régionalisation de la société de projet, en revanche, concernant le financement des investissements par l’État – dont le canal Seine-Nord Europe –, nous pouvons lire à l’article 23 ter A que « le rapport annexé à la présente loi est approuvé ». Et lorsque nous regardons ce rapport annexé, nous y trouvons la phrase suivante : « Cette programmation est financée. Elle suppose la mise en place de ressources additionnelles pérennes au profit de l’AFITF à hauteur de 500 millions d’euros par an à partir de 2020 ». Comme disait une personnalité politique bien connue, « quand c'est flou, c’est qu'il y a un loup ». Or ce que demandent nos concitoyens sur ce dossier, c’est de la clarté.

Pouvez-vous ce soir, madame la ministre, nous préciser quelle forme prendront ces ressources nouvelles et nous expliciter la façon dont l’État apportera son soutien financier au projet du canal Seine-Nord Europe ? C’est une question que nous posons depuis longtemps et à laquelle nous n’avons pas de réponse claire. Votre silence de ce soir est très inquiétant. Le Président de la République est attendu dans la Somme début novembre. Vous pouvez compter sur les habitants et les élus des Hauts-de-France pour lui poser la question – à moins que vous n’apportiez la réponse ce soir, ce dont je doute.

M. Christophe Bouillon. Madame la ministre, connaissez-vous le rumex obtusifolius ? C’est une plante. C’est la patience à feuilles obtuses – au sens d’arrondies. Je dis cela parce que de la patience, il nous en a fallu beaucoup depuis un an et l’annonce qui a été faite d’une grande LOM ! Vous semblez, sur ce sujet, nous rassurer en ce qui concerne le calendrier de cette loi tant de fois annoncée et tant attendue.

Je voudrais que vous puissiez nous rassurer également sur d’autres sentiments, notamment celui d’impatience en ce qui concerne « l’après ». Vous l’avez évoqué, il existe trois scénarios, qui ont cette qualité de donner des montants et des calendriers. Quoi qu’il en soit, l’on a le sentiment que le choix opéré du côté du Gouvernement est plutôt le scenario « deux moins », avec un certain nombre d’investissements supplémentaires, certes, mais pas nécessairement à la hauteur de tous les investissements attendus en termes d’infrastructures. Quand serons-nous fixés sur les infrastructures qui seront financées – et à quel niveau de financement ? Au sein de ces infrastructures, quels sont les scénarios envisagés pour mêler à la fois la volonté que vous avez exprimée de traiter l’existant et, en même temps, la création d’infrastructures nouvelles ? Quel choix sera-t-il effectué entre une augmentation possible de la TICPE et la création d’une vignette autoroutière, comme cela a été annoncé ?

Un sentiment de vive inquiétude se fait également jour, dont je voudrais me faire l’écho. Il concerne les conséquences du Brexit sur un certain nombre de ports français. La Normandie accueille 1,8 million de passagers et plus de 170 000 camions. Lorsqu’on entend la Commissaire européenne aux transports, Mme Violeta Bulc, on a de quoi s’inquiéter – et je dois vous dire qu’elle a un peu mis le feu aux poudres en déclarant récemment vouloir imaginer un corridor maritime alternatif au corridor français. Vous imaginez la conséquence que cela pourrait avoir sur les ports français ! Je pense au Havre, à Rouen et à beaucoup d’autres. Nous avons besoin d’être rassurés en la matière. Les transporteurs routiers indiquent que deux minutes de procédure en plus se traduiront par 27 kilomètres de bouchons supplémentaires. Il risque donc d’y avoir un effet d’évitement des ports français.

Enfin, j’évoquerai un sentiment de perplexité en ce qui concerne la question des péages urbains. Vous savez que, dans le « Grenelle 2 », il y avait déjà l’idée des zones d’actions prioritaires pour l’air (ZAPA). Il y a eu ensuite les zones de restriction de circulation. Un certain nombre d’outils existent, aujourd’hui, qui étaient proposés sous forme d’expérimentation mais n’ont pas été utilisés. Pour quelle raison pensez-vous que les villes ne se sont pas emparées des dispositifs et des outils qu’elles avaient à disposition ?

M. Loïc Prud’homme. La France insoumise étudiera le budget de cette année au travers d’un prisme particulier, celui de l’annonce du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui demande qu’une rupture forte soit actée pour tenir des engagements climatiques supportables. Or le budget que vous présentez est en parfaite continuité avec les politiques que je qualifierais de laxistes sur les exigences de limitation des émissions de carbone, qui avantagent les plus gros pollueurs depuis des années. Vous refusez toujours de mettre fin aux exonérations dont bénéficient les secteurs du transport routier et aérien. C’est pourtant là que se trouvent non seulement une manne financière qui permettrait de financer la transition écologique – au bas mot 3 milliards d’euros pour la seule exonération des transports aériens –, mais aussi un moyen de réorienter l’économie vers des activités moins polluantes comme le ferroviaire, ou vers des mobilités douces comme le vélo.

Justement, parlons du plan « Vélo ». Il n’est finalement pas à la hauteur de l’urgence écologique et climatique que nous vivons, je viens de le rappeler. Pourtant, le vélo est un réel moyen de déplacement urbain, péri-urbain et rural. C’est aussi et surtout une vraie alternative à la voiture, qu’il ne faudrait pas négliger. C’est aussi un moyen de transport non polluant, qui plus est efficace contre la sédentarité.

Le constat de la situation actuelle est alarmant : moins de 2 % des trajets domicile-travail se font à vélo, et 58 % des personnes vivant à moins d’un kilomètre de leur travail s’y rendent en voiture. Je rappelle que le COI avait préconisé un investissement à hauteur de 87,5 millions d’euros par an. Les associations, pour leur part, avaient chiffré le besoin à 200 millions d’euros par an. Nous sommes bien en deçà, puisque vous proposez de consacrer 50 millions d’euros par an pendant sept ans à un fonds « Vélo », soit seulement 7 centimes par habitant et par an. Dans les pays du nord de l’Europe, ce sont 4 euros par habitant et par an. Nous avons vingt ans de retard dans ce domaine, et les propositions du Gouvernement en la matière ne permettent pas de rattraper ce retard et de mettre le vélo à la place qu’il doit prendre aujourd’hui.

Les mêmes problèmes de choix et de priorités se posent concernant le transport de voyageurs et de marchandises. 95 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur du transport sont imputables au mode routier. Pourtant, vous choisissez de maintenir un plan d’investissement de 700 millions d’euros pour les autoroutes et une niche fiscale de 1,1 milliard d’euros pour le transport routier, là où le ferroviaire – fret comme transport de voyageurs – est abandonné au marché et aux logiques financières qui le détruisent. Le report modal vers le ferroviaire est une nécessité absolue, mais vous n’y mettez pas les moyens. Ainsi, au vu des sommes engagées et des choix que vous opérez, le règne de la route a de très beaux jours devant lui, au détriment de la planète !

Je me lasse de poser les mêmes questions, madame la ministre. Quand allez-vous enfin prendre en compte l’urgence climatique dans vos choix politiques ?

M. Hubert Wulfranc. Je ne vais pas revenir sur la fiscalité « verte », si je puis dire, en matière de transition pour la politique des transports, puisque le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a multiplié les propositions – qui, d’ailleurs, je l’observe, sont reprises dans maintes contributions de mes collègues. En revanche, je resterai dans le périmètre du budget et dans la perspective de la loi qui se profile dans quelques mois.

Malgré le signe que vous avez récemment envoyé en annonçant l’abandon du projet d’autoroute Lyon-Saint-Étienne, vous confirmez votre soutien à d’autres nombreux projets d’infrastructure autoroutière ou de contournement autoroutier dans différentes régions de notre pays. Cette dizaine de projets représente à l’heure actuelle environ 2 milliards d’euros d’investissements. Selon nous, loin de résoudre les problèmes de congestion, ces nouveaux projets routiers et autoroutiers aggravent les problèmes, contribuent à l’artificialisation des sols et engendrent une hausse du trafic routier. Certains de ces projets se heurtent d’ailleurs à des résistances légitimes au titre de leurs conséquences négatives sur la santé, sur l’environnement et sur l’aménagement local du territoire. Et pour ce qui est de leur montage économique, ces projets continuent de faire la part belle au privé, avec des projets à péage qui sont autant d’obstacles à la mobilité du quotidien et d’atteintes au pouvoir d’achat. Sans compter que tout l’effort financier qui sera consenti pour ces projets ne le sera pas pour d’autres modes de transport.

La rénovation du réseau routier et du réseau ferré nécessiterait une contribution largement plus avant de l’État, car nous savons les urgences – je ne vais pas y revenir. J’ajoute le fluvial, notamment le fluvial de petit gabarit qui présente un avantage majeur en matière de desserte de certaines de nos régions, et qui mériterait une contribution de l’État nettement plus importante.

Quant au vélo, cela a été dit, l’engagement du Gouvernement se situe bien en deçà des nécessités du moment pour ce mode de déplacement doux.

Encore un mot, si vous le voulez bien, sur les trains de nuit. Vous avez été alertée de décisions relatives à la fin de circulation de voitures tout à fait confortables de trains de nuit à compter de fin 2019. Ces trains ont été perturbés par un sous-investissement massif. Quelles sont, aujourd’hui, vos intentions en matière de rénovation des trains de nuit ?

M. Bertrand Pancher. Il faut le reconnaître, madame la ministre, vous nous avez présenté un bon budget. Cela fait près d’une dizaine d’années que l’on attendait un budget aussi bon dans le domaine du transport. Évidemment, l’on aurait toujours pu rêver davantage. Mais les scénarios du Gouvernement en matière d’investissement sont positifs – plus d’entretien, plus de régénération sur la route, plus pour la mobilité. Les efforts en matière de mobilité active sont également positifs. Ils étaient attendus. Je pense notamment aux déclarations du Premier ministre à Angers, annonçant 50 millions d’euros par an pour le vélo, de bonnes évolutions pour la décarbonation des véhicules – notamment l’augmentation de la prime pour la conversion. On pourrait rêver du modèle danois, avec 10 000 euros de prime pour les véhicules électriques, mais ce sont de premiers et de bons pas. Enfin, sur les infrastructures et services de transport, la reprise de la dette de la SNCF par l’État en deux temps est également à souligner. Cela n’empêche pas que nous avons besoin d’un certain nombre d’éclairages.

Peut-être pourrez-vous nous en dire plus sur quelques questions que nous nous posons, notamment concernant la Société du Grand Paris (SGP), qui nourrit nombre de controverses et d’incertitudes. Continue-t-on sur le même rythme et dans les mêmes conditions ? Quel est le montage financier du Charles-de-Gaulle Express ? Ces travaux seront-ils prêts, notamment pour l’accueil des prochains Jeux olympiques ?

Une autre question concerne les voies d’eau. Vous avez prévu des moyens complémentaires – il était temps, dans ce domaine. Mais ces moyens seront-ils réellement suffisants ? Il faudrait faire en sorte d’au moins colmater les fuites les plus importantes avant d’envisager des travaux plus lourds.

Je reviendrai également sur le Lyon-Turin. Tout le monde sait, madame la ministre, qu’il n’est pas près de se faire dans les conditions actuelles. Des solutions de substitution existent, vous le savez. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les scénarios actuellement à l’étude, qui seront beaucoup moins coûteux, beaucoup plus réalistes et qui permettront de diminuer de façon très importante la pollution – notamment celle liée aux camions dans les Alpes ?

Quant à l’abandon de l’A45 reliant Saint-Étienne et Lyon, existe-t-il un réel projet de substitution ?

Enfin, madame la ministre, nous vous soutenons réellement dans votre combat contre Bercy en faveur de la vignette. Nous pensons que c’est la solution la plus écologique, meilleure que des augmentations de la TICPE – qui sont toujours incertaines – pour financer notre politique de transport. Pourriez-vous nous en dire davantage dans ce domaine ?

Mme Zivka Park, rapporteure pour avis. Les Assises du transport aérien, ouvertes en mars, avaient pour objectif originel de dégager des propositions afin d’améliorer la compétitivité du pavillon français. La clôture de ces assises, d’abord prévue en septembre, a été repoussée au mois d’octobre puis de décembre. La réflexion n’est donc pas encore totalement achevée, et c’est normal. Pour autant, de grandes lignes peuvent probablement être dégagées de cette concertation. Pouvez-vous nous indiquer en quelques mots quelle sera la traduction des résultats de ces assises, aussi bien sur le plan financier que dans le projet de LOM que vous venez d’évoquer ? Pour l’instant, le PLF pour 2019 ainsi que l’avant-projet de loi ne comportent que très peu de mesures relatives au transport aérien. Or, à ma connaissance, après la réforme de la SNCF et après l’examen de la future LOM, il n’y aura pas d’autre vecteur législatif relatif au transport. Au regard des enjeux du secteur du transport aérien, quelle traduction législative peut-on espérer des futures conclusions des Assises du transport aérien ?

Je voudrais aussi connaître votre sentiment, madame la ministre, sur la mise en place de nouvelles procédures d’approche des aéroports plus respectueuse des riverains – comme nous avons pu en voir lors du colloque de Brétigny-sur-Orge –, permettant notamment de diminuer le bruit. La plupart des observateurs, pas seulement dans le monde associatif, mais aussi parmi les acteurs institutionnels comme le groupe ADP, considère que l’adoption de ces mesures, facilitée par les moyens modernes de guidage – comme le nouveau système européen de gestion du trafic aérien (SESAR) – pourraient permettre une réduction appréciable des nuisances sonores. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

Enfin, j’aimerais vous interroger au sujet du dispositif actuel de l’indemnisation des riverains, avec la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Quel est votre avis sur ce sujet ?

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Le 14 août dernier, au cœur de l’été, des inquiétudes légitimes de nos concitoyens se sont révélées suite à l’effondrement du pont Morandi de Gênes, en Italie. Dès le début de son mandat, le Président de la République a donné une priorité aux transports du quotidien et à la régénération de l’existant. Vous avez su, dès votre arrivée au Gouvernement, prendre à bras le corps l’ensemble des sujets qui vous incombent en suivant cette priorité, notamment en mettant en place les Assises nationales de la mobilité, grande concertation nationale pour réfléchir à ce que seront les mobilités de demain. Pour ce qui est de l’état de la chaussée, des ouvrages d’art et des équipements du réseau routier national non concédé, vous avez commandé un audit externe réalisé par Nibuxs et IMDM, conduit entre octobre 2017 et février 2018. Cet audit vous a été remis mi-juillet 2018 et vous avez souhaité le publier sur le site internet du ministère pour que nos concitoyens puissent en prendre connaissance en toute transparence.

Le budget pour la régénération du réseau routier national correspond d’une part à des crédits de l’État qui ont augmenté de 4,7 % en autorisations d’engagement (AE) entre 2017 et 2018 et ont reculé de 0,6 % en crédits de paiement (CP) ; d’autre part, à des fonds de concours attendus qui ont quant à eux augmenté de 7,7 % en AE et de 6 % en CP. Au total, les AE consacrées à l’entretien des routes sont passées de 800 millions d’euros en 2018 à 852 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 6,5 %, et les CP de 807 à 834 millions d’euros, soit une hausse de 3,3 %, ce qui traduit nettement la priorité accordée par le Gouvernement à l’entretien et la régénération du patrimoine routier.

Selon les informations que nous avons de votre part, ces moyens seront en progression constante durant le quinquennat, pour atteindre 930 millions d’euros par an en 2023, dans le cadre de la programmation des investissements de transports – qui sera présentée prochainement en Conseil des ministres dans le projet de LOM.

Ainsi, malgré les années successives de réduction budgétaire ayant conduit à la baisse des dépenses d’entretien préventif, ce qui accroît aujourd’hui la « dette grise », je tiens à saluer l’ambition et l’adaptation des ressources budgétaires prévues dans ce PLF et je souhaite vous demander, madame la ministre, comment se matérialiseront dans la LOM les mesures tendant à atteindre l’objectif fixé.

M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Madame la ministre, je veux vous remercier pour votre présence. Plus encore, je veux vous remercier pour les différentes avancées obtenues ces derniers jours en première partie du PLF dans le domaine qui m’intéresse en tant que rapporteur pour avis sur les affaires maritimes.

Mon premier objet de satisfaction est la stabilisation du budget des affaires maritimes – avec deux remarques, tout de même. D’abord, comme je le préconisais déjà l’an passé, il serait nécessaire de rattacher l’action n° 3 du programme 205 au programme 197. Ensuite, je reste attentif à l’évolution des crédits de l’action n° 1. Mon deuxième objet de satisfaction est l’adoption d’un dispositif de suramortissement pour encourager la transition énergétique du transport maritime. Lors de la discussion en séance sur ce dispositif, j’ai fait valoir le fait qu’il serait utile de faire figurer explicitement la propulsion vélique dans le texte. Je n’ai pas été entendu sur ce point, mais vous me permettrez de vous redire ici ma conviction profonde. Si le terme n’apparaît pas aux côtés du gaz naturel liquéfié (GNL) et de l’hydrogène dans le texte, le signal envoyé aux investisseurs et aux armateurs s’en trouvera affaibli. Je serais donc heureux qu’il soit ajouté au cours de la navette.

Nous avons également voté une réforme de l’assiette du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et renforcé les pouvoirs des gestionnaires de ports pour prévenir et sanctionner l’occupation sans titre du domaine public portuaire. La modification de l’assiette du DAFN, votée la nuit dernière, qui conforte le financement du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres et apporte sa part à la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) plaisance – et je salue ici l’effort demandé aux plaisanciers – est une mesure transitoire avant une refonte globale de la taxe. Pourriez-vous nous confirmer l’avènement prochain d’une telle refonte ?

Par ailleurs, la future REP loisirs prévue par la feuille de route pour l’économie circulaire traitera notamment des engins de plage qui n’entrent pas dans le champ de la REP plaisance. Pourriez-vous nous dire à quel mode de financement vous réfléchissez ?

Je voulais également parler de la formation, mais je n’ai plus le temps !

M. Said Ahamada, rapporteur spécial de la commission des finances. Comme vous le savez, chaque année en Europe, 60 000 décès prématurés sont dus aux émissions du transport maritime. Il y a donc véritablement urgence – urgence dont, je le sais, vous avez conscience, vous l’avez dit à plusieurs reprises et le Premier ministre l’a également dit. J’ai fait voter une résolution à l’unanimité à l'Assemblée nationale – je remercie d’ailleurs mes collègues d’avoir bien voulu la voter. Je pense donc qu’il y a une vraie prise de conscience, y compris des professionnels du secteur, quant à l’importance de passer à un mode de propulsion plus écologique. Aujourd’hui, la solution la plus aboutie est le GNL. Demain, ce sera l’hydrogène, mais aujourd’hui c’est le GNL. Il existe deux moyens pour inciter les armateurs à passer au GNL. L’un d’entre eux consiste à proposer un mécanisme de suramortissement, lequel a été voté en première partie du PLF et sous-amendé par le Gouvernement – nous vous en remercions. L’autre moyen consiste à développer l’avitaillement en GNL, mais aussi les bornes électriques. Pour cela, je proposerai en deuxième partie un amendement pour réformer l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), dont le montant est aujourd’hui de l’ordre de 2,7 millions d’euros par an, ce qui est prohibitif pour les petits terminaux – qui représentent 20 % du chiffre d’affaires annuel de ce secteur. Je voudrais connaître votre avis sur cet amendement.

Ensuite, pouvez-vous me confirmer que les fonds de concours de l’AFITF ne peuvent pas servir à financer les infrastructures d’avitaillement en GNL et les bornes électriques à quai ? Cela me semble un peu surprenant et j’aimerais avoir votre avis sur cette question.

Enfin, de manière plus générale, comment l’État peut-il soutenir l’investissement dans les ports maritimes français ?

Mme la présidente Barbara Pompili. Madame la ministre, je vous donne la parole pour répondre aux orateurs des groupes et aux rapporteurs.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Tout d’abord, en réponse à M. Matthieu Orphelin, je tiens à dire que je suis bien consciente que le transport est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et que, malheureusement, on peut constater que les émissions ne se réduisent pas. Au contraire, elles ont augmenté dans les années récentes. Je partage donc pleinement son avis quant à la nécessité d’agir sur tous les plans pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, à la fois en favorisant les mobilités alternatives à la voiture individuelle ou à l’usage individuel de la voiture, et en accompagnant et soutenant le verdissement de toutes les flottes – qu’il s'agisse des voitures, des poids-lourds, du maritime ou de l’aérien. C’est bien le sens de la politique que je mène : soutien au verdissement des flottes ; priorité au traitement des nœuds ferroviaires afin d’accroître la part du ferroviaire autour des grandes agglomérations, aujourd’hui confrontées, sur tout le territoire ou presque, à des embouteillages extrêmement pénibles pour nos concitoyens ; développement des modes alternatifs à la route dans le transport routier. Enfin, le cœur de la LOM vise à permettre à l’ensemble des collectivités, sur l’ensemble du territoire, de se saisir de l’enjeu des mobilités pour proposer à nos concitoyens des alternatives à l’usage individuel de la voiture. C’est l’ensemble de ces mesures qui doit permettre d’accompagner le secteur des transports vers une meilleure prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux.

C’était aussi le sens des propositions présentées par le COI, sur lesquelles la programmation qui vous sera présentée prochainement s’appuie très largement.

J’ai eu l'occasion d’expliquer qu’il y avait cinq grands chantiers prioritaires. Le premier est l’entretien et la régénération de notre réseau routier – compte tenu des enjeux que chacun a en tête, a fortiori depuis la catastrophe de Gênes. Il y a également le renforcement des nœuds ferroviaires autour des grandes agglomérations et le désenclavement routier – pour prendre en compte tous les territoires auxquels on promet depuis des années une amélioration des routes qu’ils ne voient pas venir. Je cite souvent la mise à deux fois deux voies de la RN 164, déjà promise par le général de Gaulle ! J’évoquais aussi avec la présidente du conseil départemental de Lozère le comité interministériel pour l’aménagement du territoire (CIAT) de 1993, au cours duquel le Premier ministre de l’époque, M. Édouard Balladur, avait promis la mise à deux fois deux voies de la RN 88… C’est donc un enjeu majeur que d’être capable de mettre à niveau ces itinéraires et de répondre au sentiment d’enclavement – qui n’est pas qu’un sentiment – que peuvent vivre ces territoires.

J’ajoute le soutien aux mobilités actives et propres, avec un nouvel appel à projets pour les transports en commun en site propre, le plan « Vélo » sur lequel je reviendrai, puisque j’entends que certains le jugent insuffisant, et le financement des modes alternatifs à la route dans le domaine du fret.

La question de la ressource est évidemment un enjeu majeur. La programmation doit être financée.

Je pense qu’il ne fait pas mystère que nous jugeons nécessaire que le transport routier puisse davantage participer au financement des infrastructures. C’est bien le sens des concertations et de la consultation que j’ai engagées avec les acteurs du secteur – et sur lesquelles je pourrai revenir.

S’agissant enfin des zones à faibles émissions, vous avez vu que nous sommes passés, en un an, de deux territoires engagés dans cette mise en place à quinze métropoles ayant pris l’engagement de réduire progressivement l’accès aux véhicules les plus polluants dans des zones qu’elles définissent, et qu’elles auront l’occasion d’adapter. Cela montre quand même le chemin qui a été parcouru depuis un an ! Bien sûr, c’est l’ensemble des territoires qui doit se saisir de ces enjeux de pollution. La LOM prévoira à cette fin que les agglomérations fassent des études sur la mise en place de ces zones à faibles émissions, avec l’accompagnement de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Par ailleurs, je suis convaincue qu’avec le soutien que nous apportons notamment aux VUL et aux petits poids lourds pour le verdissement des flottes, des progrès considérables peuvent être consentis, notamment en termes de logistique urbaine, pour réduire les émissions du secteur, et que les métropoles et les agglomérations sauront se saisir de ces outils.

Je réponds à Mme Valérie Beauvais que le Gouvernement assume une fiscalité écologique qui consiste à baisser les charges sur le travail et à augmenter la fiscalité pour ceux qui polluent. Comme vous le savez, la hausse que les automobilistes peuvent constater aujourd’hui à la pompe est largement indépendante de ce choix fiscal : elle est due, pour 50 % ou 70 %, à l’augmentation du prix du baril. Je suis parfaitement consciente que c’est un sujet de préoccupation, a fortiori pour ceux qui utilisent leur voiture. Mais c’est bien le sens des politiques menées par le Gouvernement, notamment avec la prime à la conversion – je rappelle que, grâce à elle, acheter un véhicule d’occasion plus récent c’est non seulement émettre moins de gaz à effet de serre, moins polluer, mais aussi consommer moins de carburant et donc faire des économies. Je rappelle le succès de cette prime à la conversion, qui bénéficiera à la fin de l’année à 250 000 bénéficiaires, alors que nous en avions envisagé 500 000 sur l’ensemble du quinquennat.

J’ai eu l’occasion de le dire, les moyens de soutien permettant aux particuliers d’adopter des véhicules plus propres augmentent de 63 % dans le cadre du budget 2019. Par ailleurs, tout ce que j’évoquais de la politique visant à permettre aux collectivités de se saisir des enjeux de mobilité et de proposer des alternatives à l’usage individuel de la voiture va dans ce sens. L’accompagnement du covoiturage a son importance également. Un chef d’entreprise m’indiquait hier que ses salariés se rendent compte de l’intérêt du covoiturage, tant en termes de pouvoir d’achat que pour la planète. Ces signaux sont peut-être, j’en suis consciente, difficilement visibles pour nos concitoyens, mais nous les accompagnons vers des alternatives à l’usage individuel de la voiture.

S’agissant de la participation des transporteurs étrangers, je me réjouis de votre soutien, mais il ne vous aura sans doute pas échappé que nous ne pourrons pas mettre en place une contribution des transporteurs étrangers qui ne concernerait pas les transporteurs français. C’est le sens des discussions que nous avons engagées. Comme j’ai eu l’occasion de le dire aux représentants des organisations professionnelles concernées, quand on voit que le remboursement de la TICPE est amené à passer de 700 millions d’euros à 2,7 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat, il paraît plus que jamais raisonnable de demander au secteur du transport routier de participer au financement des infrastructures. Les chiffres montrent d’ailleurs que si les usagers de la route, quels qu’ils soient, couvrent les coûts internes de l’infrastructure, ils ne couvrent pas ses coûts externes, loin de là. C’est le sens des discussions que j’ai engagées, et je me réjouis de pouvoir compter sur votre soutien.

S’agissant du raccordement, le Gouvernement soutient plus que jamais le déploiement des infrastructures de recharge. Je souligne que la LOM permettra de porter à 75 % la prise en charge par le réseau de distribution des coûts de raccordement. Au moment où nous souhaitons promouvoir des modes moins polluants, en particulier les véhicules électriques, nous soutiendrons évidemment le développement des infrastructures de recharge.

J’ai évoqué, madame Florence Lasserre-David, les pistes en matière de ressources. J’ajouterai que le transport aérien relève d’un cadre international et que la taxation du kérosène n’est pas autorisée dans ce cadre. En revanche, le secteur s’est engagé à maîtriser et à réduire ses émissions de gaz à effet de serre – c’est le sens de l’accord conclu dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) en vue d’une réduction de la consommation et d’un passage progressif aux biocarburants. Le mécanisme repose davantage sur des incitations et sur des échanges de quotas d’émission que sur la taxation, mais il faudra bien, in fine, avoir réduit de 50 % les émissions du secteur à l’horizon 2050. Tel est bien le sens de la stratégie nationale en faveur des biocarburants pour l’aérien que M. François de Rugy et moi souhaitons développer.

S’agissant du péage urbain, ce que nous proposerons de faire dans la LOM n’est pas de l’instaurer : la possibilité existe depuis le Grenelle de l’environnement. Mais les dispositions actuelles limitent sans doute à l’excès la durée d’expérimentation, limitée à trois ans : pour mettre en place un péage urbain, il faut une certaine durée, ce qui suppose d’investir dans des dispositifs. Le dispositif lui-même, en revanche, est très peu encadré : rien n’est dit de la concertation à mettre en place, ni de la nécessité de proposer des modes alternatifs tels que, par exemple, des transports en commun, ni des taux-plafonds qui pourraient être appliqués, ni des modalités de contrôle. C’est pourquoi la LOM encadrera ce qui est un outil parmi d’autres à disposition des collectivités. Je me garderai bien d’émettre un point de vue général, car il y aura autant de solutions que de situations locales. S’il s’agit d’une zone limitée dans laquelle des alternatives existent, le péage urbain peut être une solution, mais il existe d’autres outils, comme les zones à faibles émissions ; à un moment donné, les deux pourront se rejoindre. Ce que nous voulons, c’est mettre à la disposition des collectivités – sur ce sujet comme sur d’autres – des outils opérationnels, encadrés, proportionnés, avec toutes les garanties que la concertation sera bien menée et que les citoyens disposeront bien d’alternatives.

Monsieur Stéphane Demilly, je n’ai mentionné aucun grand projet. N’y voyez donc pas un manque d'intérêt pour le canal Seine-Nord Europe, sujet sur lequel vous savez que nous avons avancé. Vous avez vu que le Président de la République a annoncé une régionalisation de la société de projet. L’État a par ailleurs confirmé son engagement à hauteur d’un milliard d’euros par un emprunt à long terme de la société de projet, dont les annuités sont à rembourser par des taxes nationales à assiette locale. Vous savez que nous dialoguons sur ce sujet avec le président du conseil régional des Hauts-de-France. Ces dispositions fiscales n’ont pas à être dans la LOM, mais la perspective du déplacement du Président de la République peut procurer l’occasion d’aboutir rapidement sur des propositions précises. En tout cas, ce projet est clairement cité dans la programmation des infrastructures, et la régionalisation de la société de projet est également prévue.

Je me réjouis, monsieur Christophe Bouillon, de l’impatience avec laquelle vous attendez le texte de la LOM, et je la partage. Si sa mise au point a pris un certain temps, c’est d’abord parce qu’il a fait l’objet d’une concertation très approfondie, ensuite parce que les sujets ne sont pas simples – ce qui explique d’ailleurs qu’il n’y ait jamais eu de programmation des infrastructures. Les questions de gouvernance des collectivités ne sont pas non plus un sujet simple, pas davantage que celle des dispositifs de contrôle et de sanction liés à la mise en place des zones à faibles émissions. Il fallait donc prendre le temps nécessaire ; c’est ce qui a été fait, et le texte est en cours d’examen au Conseil d’État.

S’agissant de l’impact du Brexit sur les ports français, vous avez mentionné la proposition de la Commission européenne. J’y ai réagi dès le lendemain, en plein mois d’août, pour dire qu’elle n’était pas acceptable, et j’ai eu l'occasion de le redire à la Commissaire. Nous échangeons régulièrement, depuis, sur le sujet. Naturellement, les ports français devront trouver toute leur place dans les nouveaux flux qui se mettront en place à l’issue du Brexit, dans des conditions différentes selon qu’il y aura ou non un accord sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.

Je souligne que, comme j’ai eu l’occasion de l’écrire aux différents acteurs concernés, j’ai obtenu que soient réservés 65 millions d’euros sur les derniers crédits disponibles pour l’interconnexion des ports qui ne sont pas encore dans le réseau transeuropéen. J’invite donc tous les porteurs de projet à préparer des projets pour répondre à l’appel qui sera lancé.

Je pense avoir répondu sur le péage urbain. Le dispositif était à la fois trop limité dans le temps et insuffisamment encadré, me semble-t-il, pour donner des garanties à nos concitoyens.

Par ailleurs, je crains de ne pas avoir exactement la même lecture de notre politique que M. Loïc Prud’homme. Je n’ai pas l’impression que cette politique soit dans la continuité de ce que nous avions fait jusqu’à présent ou de ce qu’avaient fait mes prédécesseurs. Nous avons pris un engagement très fort en faveur du fret ferroviaire, outre l’augmentation de 50 % des crédits consacrés à la régénération du réseau. Si celle-ci avait démarré plus tôt, les choses seraient plus simples. Je pense que nos concitoyens qui prennent le train le voient. Nos entreprises qui ne peuvent pas utiliser le fret ferroviaire parce que les réseaux se sont dégradés le voient aussi. Nous avons engagé la nécessaire augmentation des crédits destinés à la régénération du réseau, mais, malheureusement, on ne modifie pas les choses du jour au lendemain. C’est aussi tout le sens de la politique que nous menons pour favoriser concrètement le fret ferroviaire, que ce soit en matière de péages, qui devraient augmenter de 10 %, ou d’aide au transport combiné.

J’ai bien noté que le plan « Vélo » semblait insuffisant à beaucoup, mais cela me rassure de savoir que les associations jugent que l’effort consenti est sans précédent, que jamais un plan aussi global n’avait été présenté et que jamais l’État ne s’était autant engagé en faveur du vélo. Jusqu’à présent, l’État considérait en effet que ce n’était pas son affaire. Aujourd’hui, nous prenons le sujet à bras le corps, au moyen d’un ensemble de mesures. Vous avez mentionné les 50 millions d’euros par an, mais vous oubliez les 500 millions d’euros annuels de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Les collectivités n’attendent pas de l’État qu’il se substitue à elles pour réaliser des itinéraires cyclables, mais qu’il les accompagne ponctuellement quand il convient de lever des discontinuités.

M. Hubert Wulfranc m’a interpellée sur les trains de nuit. J’ai eu l’occasion, après avoir fait un voyage très agréable dans l’un des trains de nuit qui circulent encore sur le territoire, d’annoncer que nous allions renouveler la convention entre l’État et la SNCF pour ces trains de nuit. Par ailleurs, nous allons engager leur modernisation. Un montant de 30 millions d’euros y sera consacré, à la fois pour leur modernisation technique et pour l’ajout d’un certain nombre d’éléments de confort indispensables, comme la pose de prises électriques, la modernisation des toilettes ou la rénovation des couchettes. Les travaux démarreront dès l’an prochain.

Je remercie M. Bertrand Pancher pour son commentaire général sur le budget et répondrai d’abord à sa question sur le Grand Paris. Nous avons souhaité – c’était le sens des annonces du Premier ministre – fixer un calendrier réaliste à la mise en œuvre de ce projet d’une ampleur considérable, qui est le plus grand chantier d’Europe. Je n’ai aucun doute sur son utilité : il permettra de mailler la banlieue, qui a été la grande oubliée des plans d’aménagement des années 1970, et de soutenir un redéveloppement urbain qui sera bénéfique non seulement aux habitants, mais aussi aux entreprises et, au-delà, à tout le pays. Il faut, pour ces chantiers d’une grande complexité, des calendriers crédibles, et c’est le sens des annonces faites par le Premier ministre. Nous réfléchissons à la question des ressources, avec la volonté de ne pas endetter à perpétuité la Société du Grand Paris. Des amendements au PLF pourraient être déposés, s’inspirant des pistes intéressantes avancées par M. Gilles Carrez.

Par ailleurs, nous comptons bien tous que le CDG Express soit mis en service pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La déclaration d’utilité publique (DUP) a été validée récemment par le Conseil d’État.

J’en viens aux questions de Mme Zivka Park sur le transport aérien. Je voudrais souligner qu’un travail très important a été effectué, qui couvre tous les sujets – la performance économique, l’impact sur les territoires, le développement durable, l’accessibilité des aéroports et les enjeux sociaux. Je ne vais pas détailler les propositions qui ont été préparées à l’occasion de ces assises, et dont certaines relèvent uniquement du ministère des transports, tandis que d’autres nécessitent des discussions interministérielles. Il n’a échappé à personne que la gouvernance d’Air France a connu une certaine vacance au cours des derniers mois, et il est essentiel que je puisse dialoguer avec le nouveau dirigeant d’Air France-KLM sur la performance du transport aérien en France. Cela justifie à mes yeux que l’on décale un peu la clôture des assises.

Je confirme à M. Damien Pichereau que les très importants enjeux de la régénération du réseau routier seront au cœur de la programmation, avec notamment la perspective de passer à 850 millions d’euros d’ici à la fin du quinquennat et à 930 millions d’euros sur le prochain quinquennat. Nous avons absolument besoin de ces investissements si nous voulons permettre aux utilisateurs de la route de disposer d’un réseau de qualité.

Je salue, monsieur Jimmy Pahun, les amendements qui ont été adoptés sur le verdissement des navires. Je pense que l’on pourra peut-être ajouter la propulsion vélique. En tout cas, il me semble très important d’inclure le transport maritime dans ces enjeux de transition énergétique, car cela n’avait pas été le cas jusqu’à présent. Une étape très importante a ainsi été franchie.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci, madame la ministre. Malheureusement, nous n’aurons pas le temps de poser toutes les questions et d’entendre toutes vos réponses. Je propose à ceux de nos collègues qui ont déjà obtenu réponse à leurs questions de se désinscrire, afin que les autres puissent poser les leurs. Mme la ministre va rester pour les écouter et s’engage à vous répondre par écrit dans les plus brefs délais.

Mme Sophie Panonacle. Je me réjouis, ainsi que M. Yannick Haury, de l’action conjointe du Gouvernement et des parlementaires, qui permet d’inciter, dans le cadre du PLF, les compagnies maritimes à s’engager résolument dans la transition énergétique et écologique. En effet, le mécanisme de suramortissement fiscal qui a été adopté favorisera les technologies moins émettrices de CO2. Toutefois, je regrette que l’instauration d’un mécanisme fiscal avantageux pour le GNL et le bio GNL ait été différée.

Je me félicite également de l’augmentation des crédits pour le dragage des ports. Mais attention au coût de la redevance d’archéologie préventive (RAP), qui pourrait venir diminuer voire annuler ce gain.

Par ailleurs, nous devons rester vigilants et appréhender la transversalité des enjeux de l’économie de la mer. La TICPE à taux réduit sur le gazole non routier a été abandonnée, et c’est une bonne chose. Mais l’absence d’accompagnement des industries de la manutention portuaire dans l’utilisation de carburants moins polluants risque de pénaliser la compétitivité des ports français. Les pistes d’action pour progresser vers un transport maritime décarboné sont nombreuses.

Nous sommes à vos côtés, madame la ministre, pour obtenir de l’Organisation maritime internationale (OMI) la limitation de la vitesse des vraquiers, mais pensez-vous qu’il serait possible d’élargir cette mesure à d’autres catégories de navires ?

M. Jean-Marie Sermier. Nous sommes tous d’accord sur l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique, mais, pour réduire les émissions de CO2, il existe deux solutions : la punition ou l’encouragement. Vous avez choisi la première, parce que vous avez choisi de faire porter l’effort sur des gens qui n’ont pas forcément la possibilité de choisir. Je pense, par exemple, aux entreprises des travaux publics – il n’existe pas de pelleteuse électrique. Je pense à ceux qui n’ont pas les moyens de changer leur voiture, y compris avec la prime. L’encouragement aurait consisté à prôner des solutions alternatives portées par le Gouvernement d’une façon massive. Je pense notamment aux voitures à hydrogène. En Chine, elles connaissent un vrai développement. Demain, pourquoi le Gouvernement ne ferait-il pas l’effort de proposer à ceux qui ont besoin de leur véhicule pour travailler parce qu’ils sont en zone rurale des solutions « hydrogène » au même prix que les véhicules conventionnels actuels ?

Mme Aude Luquet. Madame la ministre, j’ai entendu votre ambition d’inventer les mobilités du XXIe siècle. Pour y parvenir, il est aussi nécessaire de garantir la liberté d’aller et de venir pour tous, y compris et surtout pour les personnes à mobilité réduite. Même si des fonds sont alloués à l’AFITF pour la mise aux normes des infrastructures, se pose encore la question de l’accessibilité aux transports, notamment dans les gares. Pour illustrer mes propos, je prendrai l’exemple de la gare de Melun : 40 000 voyageurs par jour, une accessibilité sans cesse reportée à cinq, voire à dix ans. Quels moyens votre ministère compte-t-il engager pour rattraper le retard accumulé en matière d’accessibilité et pour que la mobilité pour tous devienne une réalité ?

M. Guy Bricout. J’avais l’intention d’intervenir sur le canal Seine-Nord Europe, mais comme mon collègue M. Stéphane Demilly l’a fait, je me désinscris.

Mme Bérangère Abba. Le budget « Transports » du PLF 2019 est la traduction des priorités indiquées par le Président de la République, que vous avez su parfaitement défendre et je vous en remercie. Il atteint quasiment 7 milliards d’euros, en hausse de 5 %. Ces moyens et la LOM qui se profile engagent réellement le pays dans une nouvelle manière de penser et d’organiser les mobilités, conforme aux besoins et aux évolutions des déplacements de nos concitoyens.

Le quotidien n’est évidemment pas le même selon que l’on vit dans un département rural ou en milieu urbain. Je sais que vous n’ignorez pas les inquiétudes de ceux qui, chaque jour, dans ces territoires, doivent trouver des réponses à l’isolement ou à des besoins de mobilité d’ordre professionnel. Pouvez-vous nous redire de quels leviers nous disposons en réponse à ces situations et besoins spécifiques ?

Ensuite, si le budget « Transports » du PLF comporte notamment une augmentation des investissements de 300 millions d’euros, certains crédits inscrits au budget du ministère de l’intérieur sont également consacrés aux transports, comme la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Pouvez-vous nous exposer comment s’articulent vos échanges avec les élus des territoires et comment les collectivités territoriales y sont associées ?

M. Vincent Descœur. Madame la ministre, à l’occasion du débat sur le pacte ferroviaire, de nombreux députés vous ont interrogée sur l'avenir des petites lignes dans la perspective de leur ouverture à la concurrence – cela en raison de l’état souvent alarmant de ce réseau, qui impose des ralentissements ou des interruptions de trafic de longue durée qui ne sont pas compatibles avec l’exploitation commerciale de ces lignes. C’est le cas de la ligne Aurillac-Brive qui, faute d’investissements très lourds, est menacée de fermeture à l’horizon 2021-2022 et voit d’ores et déjà programmée la fermeture de ses guichets. Vous avez évoqué, à l’occasion de ce débat, un rapport visant à établir un diagnostic du réseau secondaire et une hiérarchisation de ces lignes. Aussi aimerais-je savoir quel est l’état d’avancement de ce travail et quelles ressources vous comptez mobiliser dès 2019 et les années suivantes pour la remise en état de ce réseau dit secondaire – mais qui n’est pas secondaire pour tous.

M. Jean-Marc Zulesi. Nous le savons, la mobilité est face à une véritable révolution. Carburant, énergies renouvelables, systèmes connectés, data : les outils de cette métamorphose sont déjà là. L’enjeu-clé, pour que cette révolution soit durable, consiste à accompagner l’évolution des comportements, notamment vers un usage multimodal des solutions de transport afin d’optimiser les ressources de mobilité. Quelles sont les priorités budgétaires du Gouvernement pour soutenir une mobilité multimodale innovante et ambitieuse ?

M. Emmanuel Maquet. Nos ports sont nos fenêtres commerciales vers le monde. Pourtant, ils sont devancés par les grands ports néerlandais, allemands, belges ou espagnols. Nous sommes bien sûr collectivement responsables, parce que nous avons sous-investi dans ces infrastructures. La moitié des conteneurs dont la France a besoin passe par les Pays-Bas ou la Belgique, ce qui n’est pas sans incidence sur le déficit de notre balance commerciale. Je souhaite vous interroger sur l’un des moyens d’y remédier, à savoir le développement du transport fluvial pour les conteneurs qui arrivent au Havre. D’après le « bleu » budgétaire, seulement 2 % des marchandises transportées en France le sont par voie fluviale. Et pour cause : le port du Havre n’est pas équipé de la fameuse chatière permettant une connexion directe à la Seine. Cet équipement améliorerait drastiquement la desserte fluviale du port, mais il n’est actuellement qu’à l’état de projet. L’État participera-t-il à ce projet ? Si oui, sur quels crédits et à quelle hauteur ?

M. Jean-Luc Fugit. L’hydrogène est un gaz dont les propriétés offrent des atouts énergétiques qui deviendront, selon moi, indispensables à la transition écologique à condition que cet hydrogène soit produit à partir de l’électrolyse de l’eau utilisant une source d’électricité renouvelable. Même si l’hydrogène n’est pas la solution unique, c’est une solution qui permet de répondre simultanément à trois enjeux : la réduction des émissions de CO2, l’amélioration de la qualité de l’air et la transition énergétique. Le 1er juin dernier, le ministre d’État a présenté un plan de déploiement de l’hydrogène dit « vert » pour l’industrie, la mobilité et l’énergie – un plan doté au total de 5 millions d’euros. Je souhaiterais que vous nous précisiez deux points sur le volet mobilité de ce plan. Quelle sera la part de ces 5 millions dédiée au volet mobilité ? Quelles seront les mesures pour accompagner le déploiement de flottes territoriales de véhicules à hydrogène – camions, véhicules utilitaires, bus, mais aussi pour d’autres modes tels que les bateaux et, enfin, dans le domaine ferroviaire où les Allemands semblent avoir pris un temps d’avance ?

M. Jean-François Cesarini. Vous avez parlé tout à l’heure, à la fin de votre exposé, des chances qu’offre le numérique. Nous pensons effectivement qu’il permettra une déconcentration de l’économie en rendant plus floue la distinction entre domicile, transport et travail. Le télétravail a été favorisé par les ordonnances, comme vous le savez, et le ministre M.  Julien Denormandie a annoncé 110 millions d’euros pour des « tiers lieux », c’est-à-dire des lieux où l’on travaille en commun, comme les espaces de coworking ou les Fab-Lab. Quel retour d'expérience tirez-vous des implantations de tiers lieux dans les gares en Île-de-France et en Nouvelle-Aquitaine ? Quel budget prévoyez-vous pour la transformation des gares dans de petites villes ou des villes moyennes, qui pourrait justifier le maintien de petites lignes ? Comment penser une époque où la voiture autonome deviendra un bureau mobile, ainsi que le fait que l’on n’ira plus au travail et que l’infrastructure de transport sera le bureau lui-même ?

M. Martial Saddier. Madame la ministre, vous êtes venue en Haute-Savoie il y a un an, plus particulièrement dans la vallée de l’Arve, parler de la qualité de l’air et de la modernisation de la voie ferrée. Vous avez fait forte impression. Vous avez même laissé une très bonne impression, madame la ministre. Jusque-là, cela va. C’est maintenant que cela se complique ! Une année après votre visite, et à quelques semaines du démarrage de l’enquête publique sur le plan de protection de l’atmosphère (PPA) n° 2, qui débutera le 10 décembre, SNCF Réseau vient de nous annoncer, la main sur le cœur, que les travaux de modernisation de la voie ferrée de la vallée de l’Arve démarreraient en 2027. À titre personnel, je trouve cela tout simplement inacceptable ! Ma question est simple, madame la ministre : qu’en pensez-vous ?

Mme Sophie Auconie. Cet été, le premier train à hydrogène au monde – mon collègue en a parlé – a été lancé sur le réseau ferré allemand, avec des performances similaires à des locomotives diesel, mais écologiquement beaucoup plus responsable puisqu’il n’a pas rejeté de CO2 mais uniquement de l’eau. Sa locomotive, encore à l’état de prototype, est propulsée par une pile à combustible. Elle atteint la vitesse de 140 kilomètres par heure, comme le diesel, et peut parcourir 1 000 kilomètres avec un plein. Elle présente donc les mêmes performances. L’Allemagne a déjà commandé 64 trains à hydrogène pour son secteur ferroviaire. À l’heure où la région Centre-Val-de-Loire, dont dépend ma circonscription, annonce le lancement de travaux d’urgence sur la ligne Tours-Loches – je vous en parle à chaque fois que nous nous voyons – au cœur de ma circonscription, une très belle circonscription, avec le remplacement de 10 500 traverses de voies ferrées financé entièrement pour un montant de 3,8 millions d’euros, il est temps que nous travaillions ensemble. Je voudrais que le prototype de train à l’hydrogène puisse être installé dans ma circonscription.

Mme Laurence Maillard-Méhaignerie. Ma question porte sur les trains d’équilibre du territoire (TET) – qui ne concernent pas la Bretagne ; elle est donc d’intérêt national. Le transfert de ces lignes aux régions intervient dans le cadre d’une convention. Or il semble que la convention entre l’État et SNCF Mobilités soit en cours de renégociation avec, pour conséquence, une partie du transfert du soutien financier accordé à SNCF Mobilités aux régions. Pouvez-vous nous indiquer si ce changement aura un impact sur le montant global du soutien financier qu’apporte l’État aux lignes TET tel qu’il est actuellement prévu par le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » ?

Par ailleurs, comment le transfert du matériel roulant et l’investissement de l’État en faveur de son renouvellement seront-ils gérés ?

M. Jean-Pierre Vigier. Madame la ministre, vous l’avez dit, pour développer les territoires ruraux, il faut prévoir leur désenclavement routier. Vous êtes venue inaugurer il y a quelques mois le contournement de la ville du Puy-en-Velay, en Haute-Loire, et je vous en remercie. Ce contournement était indispensable. Mais maintenant, il est nécessaire, dans le prolongement de cette opération, de réaliser le contournement du village des Baraques, sur la commune de Cussac-sur-Loire. La traversée de ce village est très dangereuse. Pouvez-vous inscrire le plus rapidement possible les crédits nécessaires au lancement des études concernant le contournement du village des Baraques ?

Mme Nathalie Sarles. La part modale du transport fluvial de marchandises est en légère baisse depuis plusieurs années. Pour autant, le PLF ne tombe pas dans le fatalisme. L’objectif de légère hausse y est toujours affiché, avec un objectif-cible de 2,2 % en 2020. Le budget de fonctionnement accordé aux voies navigables est maintenu, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Cela étant, l’absence de budget d’investissement ne permettra pas d’effectuer les travaux d’entretien nécessaires. Le risque est donc de voir le taux de disponibilité du réseau s’éroder peu à peu. Aussi voulais-je vous interroger sur l’objectif de maintien voire de hausse de la navigation fluviale face à cette absence d’investissement. Est-ce le point de départ de la mise en application du rapport de M. Philippe Duron, qui préconisait la dénavigation de 2 000 kilomètres de voies navigables ? Si certaines voies peuvent être raisonnablement abandonnées, j’en profite pour vous alerter sur les coûts très importants qui seraient nécessaires pour les remettre dans le système de navigation, une fois mises à l’écart du réseau navigable.

M. Fabrice Brun. On évoque souvent la mobilité en zone rurale sous l’angle de la contrainte – et je ne suis pas le dernier à le faire, quand on parle de 80 kilomètres par heure, d’augmentation des prix à la pompe ou de modernisation de la RN 102. Vous devez commencer à le savoir, c’est la seule route nationale dans un département qui présente la particularité de ne posséder ni train de voyageurs, ni aéroport, ni autoroute. Mais cette situation unique en France ne nous empêche pas d’innover. Dans quelques semaines, nous ouvrons les portes de la Maison de la mobilité à Aubenas, avec le soutien de l’État et de la région – billettique multimodale, interconnexion de voies douces, développement des véhicules électriques… toute la panoplie des mobilités nouvelles est présente. Venez nous voir en Ardèche, madame la ministre. Nous n’avons pas de train, mais nous avons des idées ! Je voudrais doubler cette invitation d’une question sur l’avenir des routes constituées à 100 % d’éléments recyclés. Elles sont aujourd’hui au stade de prototype et sont amenées à se développer pour réduire les émissions de CO2.

Mme Véronique Riotton. Je reviens sur la question du fret ferroviaire. Après le vote du nouveau pacte ferroviaire et avec la LOM à venir, les leviers d’action en faveur du fret ferroviaire sont nombreux. Vous avez témoigné de quelques-uns d’entre eux. L’enjeu du report modal est extrêmement important pour nos territoires souvent congestionnés – je vais évidemment parler de la Haute-Savoie. Mais c’est surtout important pour la transition énergétique. Vous nous avez présenté des aides au transport combiné pour le fret de 10 millions d’euros. Cela m’interroge, car ces projets sont très gourmands en infrastructures. Pourriez-vous préciser quelles sont ces aides combinées, et indiquer quelles sont les incitations pour le report modal de la route vers le train en ce qui concerne le transport de marchandises ?

M. Arnaud Viala. Les Français ne sont pas tous égaux face à la transition énergétique et à l’évolution des mobilités. Il est donc nécessaire d’achever l’équipement des territoires qui le nécessitent en matière routière. Vous avez évoqué la question de la RN 88 dans sa traversée de la Lozère. Pour ma part, je vais vous parler de sa traversée de l’Aveyron. Ma question est relativement simple. Les collectivités territoriales sont prêtes à cofinancer avec l’État l’achèvement de l’amélioration de cet itinéraire. Y aura-t-il une prolongation de l’actuel contrat de plan État-région (CPER), ou un nouveau CPER ? La LOM n’y répond pas complètement. Quel sera le cadre contractuel dans lequel cette opération pourra se réaliser ?

M. Lionel Causse. Madame la ministre, vous avez fait de la mobilité du quotidien une priorité, voire votre priorité. Je soutiens complètement cette volonté, car elle répond aux attentes de la population. Mais elle dépend souvent des choix politiques opérés par les collectivités territoriales, quand on parle de TER, de bus urbains ou interurbains, de réalisation d’aires de covoiturage ou d’infrastructures. Quels sont les moyens et quelles sont les incitations que vous pourrez mettre en place pour accompagner et impulser une dynamique sur ces territoires, en particulier concernant les CPER ? Nous savons qu’il existe un enjeu essentiel en matière d’aménagement du territoire, avec les régions et l’Europe.

M. Jean-Luc Reitzer. La région Grand-Est et trois cantons suisses ont signé un protocole d’accord pour la réalisation de la liaison ferroviaire de l’Euro-Airport Bâle-Mulhouse-Fribourg. Nos voisins suisses sont prêts à investir et à le faire en France. La France, quant à elle, préconise d’attendre les conclusions d’une énième étude socio-économique. L’aéroport de Bâle-Mulhouse génère 20 000 emplois. Il accueillera cette année 8 millions de passagers. Je pense qu’une nouvelle étude n’est pas nécessaire pour acter cette réalité. Et à quelques kilomètres de l’Euro-Airport, se trouve également la plus importante plateforme douanière internationale routière, conçue en 1989 pour 300 poids lourds et qui en accueille 3 000 à l’heure actuelle. Normalement, le contrat de plan avait prévu le démarrage des travaux de cette plateforme. Ces travaux vont-ils démarrer ?

Par ailleurs, le Gouvernement accordera-t-il bien le caractère prioritaire à la liaison ferroviaire de l’Euro-Airport – ce que nous attendons tous en Alsace, comme nos voisins suisses ?

M. Benoît Simian, rapporteur spécial de la commission des finances. En tant que rapporteur spécial, je salue l’augmentation des crédits du programme 203. Vous l’avez dit, madame la ministre, dégager des ressources pour financer les grands projets ressortait d’un certain nombre des propositions que nous avions exprimées dans le cadre du COI. Je vous ai entendue tout à l’heure parler de la Société du Grand Paris et des pistes de financement proposées par M. Gilles Carrez. Que pensez-vous de cette solution pour poursuivre un certain nombre de grands projets en province ?

Pour répondre à d’autres questions, ce matin se tenaient des ateliers sur l’hydrogène et la SNCF a annoncé qu’elle était favorable à des avenants au contrat pour les rames automotrices Régiolis. Cela répondra donc à un certain nombre de questions que j’ai entendues, puisque vous m’avez missionné sur ce sujet.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci beaucoup, chers collègues. Madame la ministre, merci d’avoir écouté toutes ces questions. Je sais que vous êtes déçue de ne pas pouvoir y répondre directement, mais nous attendons vos réponses par écrit.

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Annexe : réponses apportées par écrit par Mme Elisabeth Borne, ministre des transports


Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17 h 15

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Sophie Auconie, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Fabrice Brun, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, Mme Patricia Gallerneau, Mme Laurence Gayte, M. Yannick Haury, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, Mme Sophie Panonacle, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - M. Christophe Arend, Mme Nathalie Bassire, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, Mme Stéphanie Kerbarh, M. David Lorion, M. Gérard Menuel, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Laurianne Rossi, M. Gabriel Serville, Mme Frédérique Tuffnell, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

 

Assistaient également à la réunion. - M. Saïd Ahamada, M. Jean-Luc Reitzer, M. Benoit Simian, M. Arnaud Viala, M. Jean-Pierre Vigier