Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

 Audition de M. Christophe Aubel, directeur général de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), et M. Olivier Thibault, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).              2


Mercredi 21 novembre 2018

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de Mme Barbara Pompili,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a entendu M. Christophe Aubel, directeur général de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), et M. Olivier Thibault, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir cet après-midi M. Christophe Aubel, directeur général de l’Agence française pour la biodiversité (AFB), et M. Olivier Thibault, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), pour les entendre sur le projet de loi portant création de l’AFB-ONCFS, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement.

Ce projet de loi fera l’objet d’une discussion commune avec le projet de loi organique, déposé auprès de la commission des lois, prévoyant la nomination de la direction générale du nouvel établissement après avis des commissions compétentes des deux assemblées.

Je reviendrai, en préalable, sur les travaux qui ont abouti à la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Il nous a fallu pas moins de deux années et demie de débats parlementaires et des travaux approfondis de préfiguration.

La création de l’AFB, le 1er janvier 2017, a répondu à la criante nécessité de préservation et de restauration de la biodiversité, et par conséquent d’un portage politique et institutionnel affirmé. On connaît la responsabilité majeure de la France, au plan international, qui résulte de la richesse exceptionnelle de notre biodiversité, en particulier ultramarine. Il était indispensable de placer enfin cette problématique sur le même plan que celle de la lutte contre les changements climatiques, qui constitue l’autre pilier de la politique environnementale.

Sur un plan plus général, la biodiversité s’est enfin imposée dans le débat public ; les jeunes générations y sont particulièrement sensibles.

Pourquoi avons-nous souhaité créer l’AFB ? Les opérateurs intervenant dans ce domaine étaient nombreux. Il fallait une instance conçue comme un cœur de réseau immédiatement identifiable. L’AFB a d’ailleurs permis, en seulement deux ans, une montée en puissance de la politique en faveur de la biodiversité.

L’AFB a ainsi intégré en son sein quatre organismes : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), l’Agence des aires marines protégées (AAMP), le groupement d’intérêt public (GIP) Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et l’établissement Parcs nationaux de France (PNF). Elle comporte également une unité mixte de service qui l’unit au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Dès l’origine, l’objectif était bien d’intégrer l’ONCFS au sein de l’AFB. L’office fait partie intégrante de la politique de préservation de la biodiversité, et il est reconnu comme tel. Son intégration au sein de la nouvelle agence n’avait pas, à l’époque, semblé immédiatement possible, ce que les députés avaient regretté. Et l’on doit bien reconnaître que le maintien de l’ONCFS hors du champ de l’AFB n’a pas aidé à mieux identifier les apports indéniables et précieux de l’office en matière de préservation de la biodiversité.

Pourtant, l’office conduit une part importante d’activités non cynégétiques ou mixtes. Pour sa part, l’AFB exerce des missions de police, en particulier de police de l’eau, et la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avait prévu la possibilité pour ces deux opérateurs de collaborer dans le cadre d’unités de travail communes.

Cette évolution, voulue par le législateur à défaut de l’intégration de l’ONCFS au sein de l’AFB, n’a malheureusement pas été mise en œuvre, en dépit d’une expérimentation lancée en 2016. Mais les choses évoluent, le dialogue n’a pas cessé et, aujourd’hui, le Gouvernement est en mesure de nous présenter ce projet de loi. Il convient de s’en féliciter.

Certes, le contexte budgétaire est contraint ; la pression sur les effectifs des opérateurs est bien connue, même si l’AFB en a été préservée lors des deux années qui ont suivi sa création. Les difficultés pour la mise en œuvre concrète des missions de police sont réelles, et on peut espérer que la création du nouvel établissement permettra de donner un nouveau souffle sur le terrain. Les brigades nature constituées à La Réunion ou à Mayotte sont un exemple de travail commun qui fonctionne très bien depuis des années.

Nous devons penser à l’ensemble des personnels et les accompagner dans cette nouvelle transformation.

Messieurs les directeurs généraux, nous souhaitons vous entendre sur les nombreux points évoqués dans le projet de loi, notamment l’impact de la fusion en matière de police, le renforcement des pouvoirs des inspecteurs de l’environnement, les statuts des personnels, la gouvernance avec un conseil d’administration qui sera resserré, les missions du nouvel établissement qui sont beaucoup moins précises dans ce projet de loi que dans la loi pour la reconquête de la biodiversité, la gestion adaptative des espèces, la nouvelle mission confiée à la Fédération nationale des chasseurs et aux fédérations départementales, avec l’obligation de consacrer 5 euros par adhérent à des actions en faveur de la biodiversité, les évolutions prévues concernant les données transmises par les chasseurs et la gestion du fichier national des permis délivrés.

Enfin, plus largement, nous vous attendons sur toutes les observations que vous souhaiteriez porter à notre connaissance.

Monsieur Aubel, je vous cède la parole. Puis nous entendrons M. Thibault.

M. Christophe Aubel, directeur général de l’Agence française pour la biodiversité (AFB). Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à vous préciser que M. Thibault et moi-même travaillons ensemble et que nous avons coordonné nos interventions. Nous pouvons aussi intégrer à ce travail M. Pierre Dubreuil que vous recevrez bientôt, afin que nous puissions réussir ensemble ce beau projet.

Je commencerai mon propos en rappelant quels sont les enjeux du projet de loi.

Je n’ai pas besoin d’entrer dans le détail ni de vous convaincre de la réalité de la chose. Les études qui se suivent se ressemblent : elles montrent un effondrement de la biodiversité. Le rapport Planète vivante du WWF rappelle que 60 % des vertébrés ont disparu entre 1970 et 2014 sur la planète, que 25 % des terres de l’Union européenne sont touchées par l’érosion des sols et qu’un tiers des récifs coralliens de la France ultramarine sont en train de régresser. Si la faune et la flore disparaissent, c’est bien parce que depuis toujours les sociétés humaines ont fondé leur bien-être et leur développement économique sur le socle des services rendus par la nature. Je pense par exemple à la pollinisation, la fourniture de médicaments, le soubassement de nombreux acteurs économiques. Si j’avais le temps, je vous raconterais l’histoire du viaduc de Millau : sans biodiversité, ce viaduc n’existerait pas...

Face à ce constat, il faut modifier l’échelle de l’action. C’est ce qui guide la création d’un nouvel établissement en regroupant l’AFB et l’ONCFS, deux structures que j’ai envie d’appeler des établissements « frères » parce que nous sommes l’un et l’autre déjà engagés sur les questions de préservation de la biodiversité au service des politiques publiques. Le regroupement de ces deux établissements permettra de se doter d’une force de frappe complète qui associe les compétences et les savoir-faire de près de 3 000 agents qui couvrent l’ensemble des milieux marins d’eau douce et terrestres – on sait que l’AFB dans sa configuration actuelle était déséquilibrée en ce qui concerne la biodiversité terrestre, et c’est bien tout l’apport de ce « mariage », si je puis dire, avec l’ONCFS – et l’ensemble des modes d’action de l’un comme de l’autre sur l’ensemble de nos territoires, y compris évidemment les territoires ultramarins.

Pour que ce nouvel établissement puisse relever le défi d’être au service de la société, pour changer l’échelle de l’action, il faut qu’on lui donne un cadre adapté. Tel est bien l’objet de ce projet de loi, qui vise à permettre à l’établissement d’agir par lui-même en s’appuyant sur les compétences de ses agents, mais aussi de mobiliser et de travailler avec l’ensemble des acteurs. Il serait vain de croire qu’un établissement public, aussi puissant soit-il, peut tout régler tout seul avec l’aide des ministères de tutelle. Il faut, certes, qu’il puisse agir par lui-même, mais il faut aussi qu’il soit capable de faire avec les autres, voire de faire faire sans intervenir lui-même. Cela signifie que la loi, mais aussi le décret qui l’accompagnera car tout n’est pas forcément du niveau législatif, doit couvrir l’ensemble des missions de l’AFB et de l’ONCFS : police judiciaire et administrative, accompagnement des acteurs, expertise, connaissance, appui technique à la mise en œuvre des politiques, gestion en direct d’espaces naturels, animation du réseau des gestionnaires d’espaces naturels. Enfin, dans ce panel de missions, il ne faut pas oublier la mobilisation de la société et de nos concitoyens.

Assurer la gouvernance permet d’associer tous les acteurs, car on ne mobilise qu’en coconstruisant. Tous les acteurs, cela signifie toutes les parties prenantes de l’Agence française pour la biodiversité et toutes celles de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage : les collectivités, bien sûr, acteur essentiel du sujet – je pense notamment aux agences régionales de biodiversité dont la dynamique est réelle sur les territoires, mais aussi à l’engagement des communes qui ne cesse d’augmenter, comme celui des départements –, les acteurs économiques qui ont dit et redit leur attachement à un établissement public qui joue un peu le rôle de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le domaine du climat et de l’énergie, les agriculteurs bien sûr, l’État dans toutes ses composantes, les organisations non gouvernementales (ONG) et le monde de la chasse. À titre personnel, je suis convaincu – et je sais que M. Olivier Thibault l’est aussi – que le Grenelle de l’environnement a montré la justesse de tout cela.

L’avenir des sociétés humaines dépend pour une large part de la qualité de la biodiversité. Dès lors, chacun individuellement et chacun dans son rôle social est concerné. Il faut mobiliser tous les acteurs, donc permettre le dialogue entre tous. Un établissement public comme celui qui sera créé doit aussi servir à rapprocher les points de vue, y compris entre ONG et monde de la chasse qui ont, l’un et l’autre, un lien fort avec la biodiversité et les espaces naturels.

Enfin, la loi et les décrets devront offrir aux agents le cadre de travail qui leur permettra de s’exprimer, car ce sont eux qui, au final, feront la réussite de ce projet. Leurs compétences et leur engagement sont une réalité chez l’un comme chez l’autre ; il faut permettre leur expression.

Ces quelques rappels disent pour nous ce que doit faire le projet de loi. Il a été conçu en ce sens. Le travail parlementaire devra préciser, ici ou là, quelques aspects. Par exemple, il faut mobiliser les acteurs, mais aussi parler au grand public parce que l’on sait que nos concitoyens sont concernés par l’état de la biodiversité et que rien ne se fera sans eux. Peut‑être faut-il aussi élargir un peu les catégories d’acteurs qui sont concernés. Par exemple, s’agissant des milieux marins, des précisions sont sans doute à apporter à la rédaction actuelle du projet de loi, qui pourrait laisser entendre qu’on oublie la biodiversité marine. Ce n’est évidemment pas le cas, mais cela va mieux en le disant.

M. Olivier Thibault, directeur général de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, vous aurez noté que le Gouvernement a été volontairement le plus concis possible dans le projet de loi en ce qui concerne la description des missions du futur établissement. Elle est en effet plus courte que la somme des missions de l’AFB et de l’ONCFS telles qu’elles sont décrites actuellement dans la loi. Le Gouvernement a essayé de séparer ce qui relève du cadre réglementaire et ce qui relève du domaine de la loi, ce qui pose certaines questions sur lesquelles il conviendra que nous soyons tous clairs.

Il a été demandé à l’AFB comme à l’ONCFS de profiter de leur rapprochement pour compléter la « boîte à outils » afin que nos agents puissent avoir les moyens de travailler dans de bonnes conditions. Le projet de loi comprend plusieurs articles relatifs à la police judiciaire, à la police administrative, à l’accès au fichier des permis de chasser, et prévoit de légères modifications en matière de chasse.

La police judiciaire sera évidemment un pilier important, voire fondamental, de ce futur établissement. Lorsque l’on fait la somme des inspecteurs de l’environnement de l’ONCFS et de l’AFB, on aboutit à 1 700 agents en tenue sur un total de 2 700 personnes, ce qui est très important. Ces agents ont très largement évolué au cours des quinze dernières années, puisque nous sommes passés de gardes-pêche d’un côté, de gardes-chasses de l’autre, à des inspecteurs de l’environnement. La dernière grande modification a eu lieu en 2013, avec l’ordonnance qui élargit les compétences des inspecteurs de l’environnement et qui a fait de nos agents une véritable police spécialisée dans le domaine de l’environnement.

Les deux établissements ont réalisé un travail très important de formation, de mise à niveau des agents, si bien que nous sommes aujourd’hui à maturité. On peut cependant se poser un certain nombre de questions relatives à une modification ou à un ajustement. Le projet contient des précisions, et il appartiendra au législateur d’en ajouter d’autres.

S’agissant de la possibilité de procéder à des réquisitions, nous sommes actuellement confrontés à des problèmes très pratiques. Par exemple, si nous avons besoin d’un vétérinaire sur une affaire, il nous faut le demander au procureur, qui réquisitionne un officier de police judiciaire (OPJ), qui lui-même réquisitionnera le vétérinaire. Le projet de loi prévoit qu’on pourra le réquisitionner directement, ce qui constitue une véritable mesure de simplification administrative, très demandée par les gendarmes.

En ce qui concerne la gestion des saisies des animaux et végétaux, là aussi la volonté du Gouvernement est de procéder à une rationalisation. À mon avis, le texte du projet de loi comporte une petite erreur – il est peut-être trop explicite – puisqu’il indique que lorsqu’on capture une espèce protégée, il convient que le procureur prenne une décision écrite et motivée pour nous autoriser à la relâcher, ce qui constitue un non-sens. Par exemple, si vous interpellez quelqu’un qui capture des civelles de manière illégale, vous n’aurez pas le droit de relâcher les civelles vivantes : il faudra les emporter au bureau et attendre que le procureur prenne une décision.

M. Bruno Millienne. On pourra toujours les mettre au congélateur ! (Sourires.)

M. Olivier Thibault. Même chose si vous interpellez une personne qui a capturé une espèce protégée, par exemple un chardonneret ou un pinson : vous n’avez pas le droit de relâcher l’oiseau tout de suite. Il faut donc modifier le texte pour que les inspecteurs de l’environnement puissent relâcher l’oiseau, puis en rendre compte au procureur. C’est, me semble-t-il, une mesure de bon sens.

Si certaines affaires doivent aller devant le juge, ne serait-ce que pour l’exemple, il convient aussi de prévoir des mesures alternatives aux poursuites. Ce sont des mesures de bon sens et de simplification qui permettent de répondre de manière proportionnée dans le cadre défini avec le procureur. Ces mesures de police judiciaire figurent aux articles 2 et 3 du projet de loi.

Le projet de loi comprend une partie relative à la chasse, mais peu de mesures la concernent directement puisque des accords ont été obtenus à la fin du mois d’août. Parmi ces mesures, on trouve notamment la fusion des deux établissements mais aussi, et cela avait été demandé par les chasseurs, la mise en place d’une véritable gestion adaptative de certaines espèces, en commençant par six d’entre elles, avec la volonté d’élargir la liste. Cela constitue une révolution dans la manière de réguler certains oiseaux, alors qu’actuellement c’est tout ou rien : soit la chasse aux oiseaux est ouverte et vous pouvez en tirer autant que vous le voulez, soit elle est fermée et vous ne pouvez rien faire. La gestion adaptative est un système qui mesure la quantité d’oiseaux, son évolution et la reproduction des espèces ; vous définissez un objectif, à savoir combien vous en voulez l’année prochaine, dans cinq ans et dans dix ans, et vous en déduisez combien vous pouvez en prélever. Bien évidemment, il faut ensuite contrôler les quotas avec une boucle récursive qui permet, si on en a prélevé trop, d’en prélever moins ensuite, et inversement, si on en a prélevé moins, d’en prélever davantage. Le monde de la chasse considère qu’un accord est possible entre les associations de protection de la nature, les chasseurs et l’administration sur des objectifs de gestion dans la durée. Je partage cet avis. Mais, une fois qu’on a dit cela, il faut avoir les outils de régulation. Cela passe par le partage d’un certain nombre de fichiers. L’article 3 prévoit ces partages de fichiers, notamment pour les validations de permis et les prélèvements d’oiseaux, ce qui permet une gestion rationnelle et objectivée des espèces concernées. J’en profite pour dire que, pour l’ONCFS, le plus important n’est pas tant de savoir qui gérera le fichier que de permettre que les données soient partagées et qu’elles soient transparentes pour tout le monde.

En ce qui concerne la police administrative, une ordonnance est prévue pour permettre, là aussi, de rationaliser et d’harmoniser différents codes. Par exemple, s’agissant du code rural et du code de l’environnement, étant donné que les mesures de police sanitaire n’ont pas été prises au même moment et qu’elles ont évolué, nous sommes confrontés à des difficultés matérielles qui nous empoisonnent un peu la vie, et que nous proposons de corriger. Un exemple : le code de l’environnement prévoit qu’on peut faire des contrôles dans les parcs animaliers entre sept heures et vingt heures, tandis que le code rural prévoit qu’on peut en faire entre huit heures et vingt et une heures. Si vous êtes encore là à vingt heures trente, ça marche pour un code mais plus pour l’autre ! Cet exemple peut faire sourire, mais cela suffit à faire annuler une procédure, ce qui est très frustrant pour nos agents.

Nous souhaitons également que soit mis en place un cadre juridique pour la gestion des prélèvements à des fins scientifiques. Nous sommes confrontés, par exemple, à un problème en ce qui concerne les analyses génétiques sur les loups pour savoir s’il agit de loups hybrides ou non, et d’où proviennent les loups qui sont dans les parcs animaliers. Lorsque l’on fait un prélèvement, la question se pose de savoir s’il faut le partager, comment, avec qui, si c’est public ou non. Ce sont des éléments matériels qui peuvent être source de fortes pressions. Il est donc normal de préciser ce genre de chose.

S’agissant des modalités de recouvrement des amendes, il faut passer du papier à l’électronique. Ces mesures ne posent pas de problème de principe au Gouvernement. Aussi pourront-elles faire l’objet d’une ordonnance. Nous espérons avoir accès aux textes écrits pour que, le moment venu, on puisse savoir si cela entrera ou non dans le cadre d’une ordonnance.

Mme la présidente Barbara Pompili. Il est important que les parlementaires aient aussi accès aux projets de textes réglementaires et d’ordonnances le plus tôt possible, afin de savoir quelles mesures seront d’ordre réglementaire et quelles sont celles dont il est préférable qu’elles figurent dans la loi.

Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, en commençant par les représentants des groupes.

M. Alain Perea. Messieurs les directeurs généraux, la fusion de l’ONCFS et de l’AFB s’inscrit dans le sens de l’histoire, une histoire qui a été imaginée et engagée en grande partie par Mme Barbara Pompili, dont je tiens à souligner ici l’engagement pour la biodiversité.

Nous sommes devant une nouvelle marche, afin de doter notre pays des outils nécessaires, je dirai même indispensables, afin de gérer les enjeux environnementaux, non ceux qui nous attendent mais ceux qui sont déjà présents.

Nous avons deux façons d’aborder cette nouvelle étape : soit nous nous contentons de la considérer comme une question d’organisation interne des services de l’État, soit nous pensons qu’il s’agit d’aller bien au-delà. La première hypothèse peut donner l’apparence d’être plus facile, mais au fond nous savons qu’elle ouvrira d’interminables débats sur des questions qui sont bien plus que de détail, bien trop au-delà de l’objectif initial. C’est la raison pour laquelle je vous engage tous ici, mes chers collègues, ainsi que vous, messieurs les directeurs généraux, avec vos équipes, à être plus ambitieux. En tout cas, tel est l’esprit du groupe majoritaire.

Cette ambition s’articule autour de trois axes.

Premièrement, nous ne devons jamais perdre de vue que notre objectif, notre seul objectif est la biodiversité. Il ne s’agit pas de savoir quelle est la place accordée aux uns ou aux autres. Pour moi, la seule qui vaille, c’est celle de la nature. Aussi notre action doit-elle être guidée non par des rapports de force entre différents groupes de pression, quels qu’ils soient, même si nous devons rester à l’écoute de tous les acteurs de terrain, mais par ce que nous pensons être le meilleur pour l’environnement et pour la sauvegarde de la biodiversité. Nous ne traitons pas un petit sujet. Aussi n’avons-nous pas le droit de l’aborder par la petite porte.

Deuxièmement, nous devons sortir d’une logique qui ferait croire qu’il y a la nature d’un côté, et l’homme de l’autre. Cette erreur fondamentale est à mon sens encore trop ancrée dans l’inconscient collectif. En sortir doit être une mission essentielle de votre action. Nous devons recréer un lien entre l’homme et la nature, lien qui devra se retrouver dans l’ensemble de notre réflexion. Il faut cesser les oppositions stériles entre les urbains et les ruraux, entre les écologistes et les chasseurs, entre les théoriciens et les praticiens, et par extension entre feu l’ONCFS et feu l’AFB. Chaque fois que nous serons dans ce combat, c’est la biodiversité qui sera perdante en fin de compte.

Troisièmement, nous devons trouver un équilibre entre information d’une part, et répression et police d’autre part. L’information passe par l’acquisition des données, la recherche et tous les thèmes que vous connaissez sûrement mieux que moi, mais sur lesquels nous serons vigilants, notamment toutes les questions relatives à la gestion adaptative. Par ce texte, nous voulons donner une nouvelle force, une nouvelle forme à la police de l’environnement que certains nomment déjà police de la ruralité, et sur laquelle je fonde personnellement beaucoup d’espoir.

Après vous avoir fait part des trois axes forts de notre ambition, je souhaiterais savoir quels sont, selon vous, les trois points essentiels pour que l’on réussisse cette réforme.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je vous remercie pour votre engagement personnel sur cette question.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, ni mon collègue M. Jean-Marie Sermier, qui me fait l’honneur de me laisser être le porte-parole du groupe Les Républicains aujourd’hui, ni moi-même n’avons oublié les longues soirées animées sur ce sujet sous la dernière législature.

Messieurs les directeurs généraux, je vous remercie pour vos exposés. Lorsque l’on s’apprête à fusionner deux établissements, il est important d’avoir la photographie de départ précise de ces deux structures. Aussi, je vous poserai quelques questions. Quel est le budget de ces deux structures ? Combien comptent-elles de collaborateurs ? Quel est leur niveau de trésorerie ? Si je pose cette question, c’est parce que le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire s’est engagé, pour 2019, à ce que la trésorerie de l’ONCFS finance la baisse du permis de chasser. Monsieur le directeur général de l’ONCFS, disposez-vous de 21 millions d’euros de trésorerie pour financer la baisse du permis de chasser en 2019, puisque nous sommes tous d’accord pour dire que les agences de l’eau ne peuvent pas encore financer cette somme ?

M. Jean-Yves Bony. Très bonne question !

M. Martial Saddier. Quelle est la composition de vos conseils d’administration respectifs ? Nous avons compris que celui du futur établissement pourrait être restreint à une vingtaine de membres seulement, notamment dans la phase de concertation des agences de l’eau et des comités de bassin.

Notre groupe souhaiterait connaître le volet réglementaire lorsque le texte arrivera en discussion dans l’hémicycle, sinon il risque d’y avoir un peu d’ambiance. Inutile de vous dire que si, à ce stade, nous nous posons des questions – nous arrêterons notre position lorsque nous aurons vu le texte à l’issue du débat en séance publique –, nous veillerons à ce que les comités de bassin et les agences de l’eau soient présents dans la future gouvernance, car ce sont eux qui payent au travers des redevances de l’eau.

Enfin, une fois cette nouvelle structure nationale en « régime de croisière », quel en serait pour vous, messieurs les directeurs généraux, le bon budget ?

Mme Florence Lasserre-David. La biodiversité est un enjeu clé pour réussir à faire de la France le pays de l’excellence environnementale que tous, au sein du groupe du Mouvement démocrate et apparentés, nous appelons de nos vœux. Le travail législatif sur ce sujet a franchi un cap décisif avec l’adoption, en 2016, de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, défendue par notre présidente Mme Barbara Pompili, et qui prévoyait le rapprochement de plusieurs entités œuvrant en faveur de la biodiversité et de la qualité de l’eau. Ce rapprochement s’est traduit par la création de l’Agence française pour la biodiversité, dont les travaux sont devenus incontournables. En donnant naissance à cette structure, la France a suivi la tendance internationale qui prône le regroupement des agences chargées de la protection de la biodiversité.

Cependant, et malgré les réflexions à ce sujet lors de la création de l’agence en 2017, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage est resté en dehors du mouvement de regroupement des opérateurs français de la biodiversité. Or, selon les termes d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur l’avenir des opérateurs de l’eau et de la biodiversité, le fait que le principal organisme public chargé de faire respecter la réglementation environnementale, l’ONCFS, qui dispose de compétences avérées en matière de biodiversité terrestre, soit resté en dehors de l’Agence française pour la biodiversité ne va pas dans le bon sens. En effet, l’office joue un rôle majeur dans la connaissance du gibier et la sauvegarde de l’activité cynégétique. Je considère, au nom du groupe MoDem et apparentés, que le projet du Gouvernement de décloisonner les compétences de l’agence et de l’office est pertinent.

Pouvez-vous nous expliquer, messieurs les directeurs généraux, quelles concertations ont été menées pour aboutir d’un commun accord à la fusion des deux établissements ? Pouvez-vous nous faire part de vos préconisations quant à ce que devrait être le nouvel établissement public, pour que celui-ci continue l’excellent travail de vos deux structures et qu’il porte ainsi le fruit de la réussite ? En un mot, quelles sont, selon vous, les clés du succès du futur établissement ?

Ma deuxième question porte plus spécifiquement sur le contenu du projet de loi portant création de l’AFB-ONCFS. L’article 2 vise à apporter des correctifs à la réforme de 2012 concernant les pouvoirs en matière de police de l’environnement. Dans le cadre de l’étude d’impact, le Gouvernement illustre le besoin de renforcer les pouvoirs d’enquête des agents en s’appuyant sur leur mission de lutte contre les trafics d’espèces protégées. La lecture de cet article a soulevé ma curiosité, et je profite de votre présence aujourd’hui pour poser la question suivante : quelle place la lutte contre les trafics d’espèces protégées occupe-t-elle dans les tâches des agents chargés de la police de l’environnement ? Quelles sont les autres missions qui leur sont confiées et qui nécessitent le renforcement de leurs moyens d’action prévu par l’article 2 du projet de loi ?

M. Guillaume Garot. Je souhaite la bienvenue aux deux directeurs généraux qui sont venus devant notre commission aujourd’hui.

La loi de 2016, brillamment défendue par Mme Barbara Pompili sous l’autorité de Ségolène Royal, a permis la création de l’AFB, qui était elle-même le regroupement de l’ONEMA, du groupement d’intérêt public « Atelier technique des espaces naturels », de l’Agence des aires marines protégées et de l’établissement Parcs nationaux de France. À l’époque, il n’avait pas été prévu de fusion avec l’ONCFS, mais une mutualisation – c’était l’enjeu de la discussion parlementaire. Où en est aujourd’hui cette mutualisation ? Un rapport du CGEDD d’avril 2018 nous explique que les choses n’avancent pas aussi rapidement qu’on pourrait le souhaiter, qu’il y a un manque de cohérence entre les politiques de l’eau, de la biodiversité et de la chasse et que, sur le terrain, la mutualisation des équipes n’est pas achevée, tant s’en faut. Le projet de loi est finalement un accélérateur de cette mutualisation.

Mais ce n’est pas parce qu’on nous présente un projet de loi que tous les problèmes sont réglés. Certains aspects, qui ne sont peut-être pas mis en lumière aujourd’hui, méritent en effet qu’on s’y arrête.

Premièrement, qui pilotera la future stratégie nationale de la biodiversité ? Deuxièmement, on a vu apparaître depuis 2016 trois agences régionales de la biodiversité, dont une en Île-de-France. Quel sera le devenir de ces agences après le 1er janvier 2020 ? Troisièmement, de quels moyens pourrez-vous disposer ? Si l’on regarde le budget de l’AFB et celui de l’ONCFS, tels qu’ils sont fixés dans le projet de loi de finances, on ne peut pas dire qu’ils soient à la hausse. Je crois que le second a baissé et que le premier est alimenté par un prélèvement sur les agences de l’eau. Dans ces conditions, comment financer la politique de la biodiversité ?

Mme Sophie Auconie. Messieurs les directeurs généraux, je vous remercie pour vos propos liminaires complémentaires sur ce projet de loi qui vise à renforcer la principale agence œuvrant en faveur de l’environnement et de la biodiversité dans notre pays. C’est une bonne chose, mais nous devons être vigilants.

Comme cela a été dit, l’Agence française pour la biodiversité, qui a été créée en 2016 sous l’égide de qui nous savons, regroupe un certain nombre de structures. Monsieur Christophe Aubel, quel bilan dressez-vous de la fusion de ces organismes ? Quels en ont été à la fois les atouts, les faiblesses, les réussites et les échecs ? Quelles sont les synergies engendrées par la fusion de ces organismes ?

L’AFB, qui compte quelque 1 300 agents, a un budget de 255 millions d’euros, et l’ONCFS, qui emploie 1 700 agents environ, a un budget de 120 millions d’euros. Pourquoi fusionner ces deux agences aujourd’hui alors que cela n’a pas été fait en 2016 ?

De la même manière, est-ce que l’Office national des forêts (ONF), dont l’effectif est de 9 500 personnes et le budget de 850 millions d’euros, a vocation à rejoindre cette agence ? Sinon, quelle sera l’articulation entre l’ONCFS et l’ONF, qui ont un travail commun à mettre en œuvre ?

Pourriez-vous également nous préciser les relations entre la nouvelle AFB-ONCFS et les agences de l’eau ?

S’agissant de la gouvernance, le futur conseil d’administration de cette agence ne comportera plus, contrairement à la situation actuelle, de parlementaires, ce que l’on peut regretter. Pourquoi ? Et qu’en pensez-vous ?

Je me fais ici le porte-voix de mes collègues ultramarins, car leur participation au conseil d’administration de cette agence n’est plus explicitement prévue. C’est un amendement de notre groupe, défendu par notre collègue de Polynésie française Mme Maina Sage, qui avait prévu cette participation, en portant de 39 à 44 membres l’effectif du conseil d’administration. Or, le projet de loi ne prévoit malheureusement qu’une vingtaine de membres pour le nouveau conseil d’administration.

De même, on peut se demander pourquoi le conseil scientifique de l’AFB est supprimé. Pouvez-vous nous rassurer en indiquant que ce sont des oublis qui méritent d’être corrigés ? Nous vous y aiderons.

S’agissant des moyens financiers, à moyens constants, l’AFB-ONCFS disposera d’un budget de 343 millions d’euros. Pouvez-vous nous garantir la pérennité de ces ressources ?

Mme Mathilde Panot. Messieurs les directeurs généraux, je souhaite vous poser quatre questions suite à vos exposés.

Aujourd’hui, l’ONCFS se trouve dans une impasse. Son schéma d’emplois s’établit à moins 39 équivalents temps plein (ETP) en 2019 : c’est un des opérateurs du ministère de la transition écologique et solidaire les plus touchés par les réductions d’effectifs. Alors qu’avait été fixé un minimum de dix agents par département, un poste est supprimé par département tous les deux ans. Cette baisse d’effectifs et de moyens, déjà subie au moment de la création de l’Agence française pour la biodiversité, est-elle en adéquation avec les prérogatives et les missions accrues du nouvel établissement ?

Certes, cette fusion répond à une certaine logique, compte tenu de la proximité des compétences des deux établissements, l’un étant plutôt axé sur la biodiversité terrestre et l’autre sur la biodiversité aquatique. Néanmoins, les fusions d’établissements publics sont des processus extrêmement lourds et chronophages. Deux ans ont été consacrés à la création de l’AFB. Nous craignons que cette opération ne se fasse dans le but plus ou moins avoué de réduire les effectifs et une fois encore, de voir l’État y perdre des compétences pour la défense de l’intérêt général.

Les moyens consacrés à la police de la chasse et à la préservation de la faune sauvage sont en constante diminution depuis plus de dix ans. Dans le PLF 2019, 21 millions d’euros ont été escamotés du budget de l’ONCFS en diminuant les redevances cynégétiques. Par la fusion, il est donc à craindre que des missions régaliennes dans ces deux domaines, police de la chasse et protection de la biodiversité, ne soient transférées à des fédérations de chasseurs par souci d’économie, ce qui serait une inconscience écologique. Ne pensez-vous pas qu’il soit primordial de conserver un contrôle de l’État et une activité de police sur les activités cynégétiques ?

Dernier point que je souhaitais aborder : l’exposé des motifs du projet de loi indique une obligation pour les fédérations départementales de dépenser un montant minimum de 5 euros par chasseur ayant validé un permis de chasser départemental dans l’année, au profit d’actions contribuant directement à la protection de la biodiversité. Auditionné par un rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2019, le 5 octobre 2018, vous aviez, monsieur le directeur général de l’ONCFS, indiqué n’avoir recueilli aucune indication quant aux modalités de gestion de ces recettes, ni quant à l’origine des cofinancements publics – le ratio étant, selon les annonces faites, de 10 euros publics pour les 5 euros par chasseur – ni quant à la nature des actions concrètes que le dispositif est censé financer. En savez-vous davantage aujourd’hui ?

M. Olivier Thibault. En réponse à M. Alain Perea, le premier point nécessaire à la réussite de ce projet qui me vient à l’esprit est d’arriver à maintenir une présence territoriale importante. La force de nos établissements tient à leur présence partout sur les territoires et leur double compétence, technique et de police. Cela suppose d’avoir suffisamment d’agents dans les territoires. Nos deux agences sont dans la situation où elles arrivent en deçà de la masse critique en termes de nombre d’agents par territoire. Il faut que nous arrivions à maintenir suffisamment d’agents dans les territoires.

Ensuite, il faut trouver le bon équilibre entre la police et la mobilisation. Il faut expliquer et convaincre, mais aussi vérifier que ce que nous avons décidé est bien mis en œuvre.

Troisième élément, le futur établissement doit maintenir un lien fort et étroit avec tous les acteurs des territoires. Cela signifie évidemment le monde de la chasse, car nous ne pourrons pas gérer notre biodiversité et la chasse sans un lien étroit avec les chasseurs, mais évidemment aussi les autres acteurs tels que les élus ou les associations de protection de l’environnement.

Autre point : le lien entre le « faire » et le « faire faire ». Nous devons garder des compétences techniques importantes en interne si nous voulons aider et démultiplier le travail avec les autres. Notre modèle ne peut pas reposer uniquement sur le « faire faire », nous ne pouvons pas nous contenter de dire aux autres ce qu’ils doivent faire tandis que nous ne ferions rien. Il y a un équilibre à préserver.

M. Christophe Aubel. Je partage les propos qui viennent d’être tenus. Une autre condition importante pour la réussite du nouvel établissement est de parvenir à changer l’image de la biodiversité dans nos sociétés. Il faut s’élever à la hauteur de l’enjeu climatique, mais aussi rappeler que ce n’est pas seulement une histoire de petites fleurs et de petits oiseaux : ce sont les sociétés humaines qui sont en jeu, car les humains sont en totale interdépendance avec la biodiversité et la résilience de nos territoires. Le nouvel établissement ne doit pas seulement être une structure d’appui technique aux politiques publiques : il doit être « l’ADEME de la biodiversité », qui contribue à sensibiliser la société au sujet. Cela a des implications sur le positionnement de l’établissement : il s’agit de ne pas être simplement « techno », et d’aller nos concitoyens. Vous savez mieux que personne, en tant que politiques, que pour avancer nous avons besoin de l’opinion publique.

M. Olivier Thibault. S’agissant de notre budget et de nos moyens, le budget de l’ONCFS était de 115 millions d’euros en dépenses et en recettes jusqu’à l’année dernière. Près des deux tiers de ce budget venait des redevances payées par les chasseurs au moment de la validation du permis de chasser, soit en tout 73 millions d’euros, à quoi s’ajoutait, jusqu’à l’année dernière, une subvention de 37 millions d’euros pour charges de service public. Cette subvention a été remplacée par une contribution équivalente des agences de l’eau, quelques conventions particulières nous permettant d’arriver au montant de 115 millions d’euros.

Dans le budget que nous allons présenter la semaine prochaine, les dépenses sont identiques et nous proposerons, pour les recettes, un prélèvement de 21 millions d’euros sur notre fonds de roulement, puisque la loi de finances prévoit de modifier les redevances acquittées pour les permis de chasser, dont le coût passera de 400 à 200 euros tandis que la contribution nationale sera ramenée de 205 à 45 euros par permis. Ce sont ainsi 21 millions d’euros qui n’iront pas dans les caisses de l’ONCFS.

Notre budget est-il soutenable ? La réponse est « oui » en 2019, comme je l’ai expliqué à votre collègue M. Eric Coquerel lorsque j’ai été auditionné. Notre trésorerie sera de 45 millions d’euros en cette fin d’année, mais – je le précise systématiquement – la trésorerie au 31 décembre n’est pas le chiffre pertinent, puisque la chasse se déroule de juin à juin et que la grande majorité des gens prennent leur permis avant l’ouverture générale, au mois d’août. Les rentrées financières, qui représentent les deux tiers de notre budget, arrivaient donc à partir du mois d’août. Il faut par conséquent que nous tenions au moins jusqu’au mois de juin, en tenant compte de la contribution des agences de l’eau. Ainsi, nous étions à 45 millions d’euros au 31 décembre de l’année dernière, et à 7 millions à la fin juin, sachant que les salaires pèsent 10 millions d’euros par mois. Donc notre budget, avec 45 millions d’euros au mois de décembre, permet juste de tenir.

Cette année, nous avons ces 45 millions d’euros, donc il n’y a pas de problème pour 2019. Nous arriverons en fin d’année avec près de 25 millions d’euros de trésorerie et nous devrons, pour le prochain budget, revoir l’échéance de versement de la subvention pour charges de service public ou les contributions d’autres acteurs. Ce sera à décider dans la prochaine loi de finances. Voilà, en toute transparence, où nous en sommes.

S’agissant du nombre de collaborateurs, j’ai 1 435 ETP sous plafond d’emplois, plus 80 hors plafond, ce qui fait un peu plus de 1 500 ETP, le tout représentant à peu près 1 700 personnes physiques.

La composition du conseil d’administration de l’ONCFS est aujourd’hui de vingt-six membres, dont treize représentants des instances cynégétiques. C’est une particularité importante de cet établissement : son conseil d’administration provient pour moitié du monde cynégétique – fédérations de chasse, associations spécialisées, personnalités qualifiées du monde de la chasse. L’autre moitié du conseil est composée de deux associations de protection de la nature, de quatre représentants de l’État, de trois représentants des collectivités – communes, départements, régions – et de deux représentants des activités socio-économiques – forêts et agriculture.

M. Christophe Aubel. Le budget de l’AFB est conçu différemment. Les recettes proviennent presque exclusivement des contributions des agences de l’eau, quelques autres proviennent des programmes LIFE de la Commission européenne, mais ceux-ci ne représentent que 3 millions d’euros tandis que les agences contribuent à hauteur de 243 millions d’euros par an. S’y ajoutent 41 millions d’euros du volet national du plan « Ecophyto », issus de la redevance pour pollution diffuse.

Il faut avoir en tête que, sur ces 243 millions, 63 millions vont directement aux parcs nationaux, l’AFB ne jouant qu’un rôle de « boîte aux lettres ». Depuis la dernière loi de finances, les parcs nationaux sont financés par la redevance des agences de l’eau. Cette redevance est versée au budget de l’AFB, mais une part, fixée par arrêté, est reversée aux parcs nationaux, et ne fait pas vraiment partie du budget de l’AFB dans la mesure où le conseil d’administration ne peut pas la modifier.

Les 41 millions d’euros du plan « Ecophyto » sont également fléchés vers le volet national « Ecophyto », les fermes DEPHY ou les campagnes de communication sur le sujet. Il ne faut pas confondre cela avec les actions sur le terrain, bien plus importantes.

Restent 220 millions d’euros pour l’AFB, dont la particularité, par rapport à d’autres établissements publics, par exemple l’ONCFS, est de disposer de crédits d’intervention. Nous finançons des projets avec des partenaires, principalement des établissements publics, pour 100 millions d’euros environ par an, dont 30 millions d’euros sont fléchés vers la solidarité interbassins. Ce rôle était précédemment rempli, pour les territoires ultramarins, où il n’y a pas d’agences de l’eau, par l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui s’occupait donc des questions d’assainissement, de protection de la biodiversité dans les zones humides et de qualité de l’eau, et dont nous avons pris la suite.

En résumé, sur 100 millions de crédits d’intervention, 40 millions vont au plan « Ecophyto », 30 millions à la solidarité interbassins, et il reste 30 millions pour tout le reste, c’est-à-dire, avec l’aide de grands opérateurs de l’État, le développement des agences régionales de la biodiversité (ARB), le financement des atlas de biodiversité communale et le lancement de campagnes de communication.

Cela correspond au budget des quatre opérateurs intégrés, la différence étant que tout provient maintenant des agences de l’eau, alors qu’une partie du programme 113 y était initialement également dédiée, ce qui n’est plus le cas depuis la dernière loi de finances. Mais, grosso modo, le budget est resté constant, et c’est avec lui que nous fonctionnerons l’année prochaine. Je précise que nous avons exécuté le budget 2017, première année d’exercice, à 98 %. Nous n’avons pas fait de trésorerie par incapacité à dépenser l’argent ! Le fonds de roulement est aux alentours de 80 millions d’euros, car si l’on veut distribuer 100 millions d’euros par an, il y a un « taux de chute ». Si, par exemple, nous finançons une installation d’assainissement au titre de la solidarité interbassins, l’investissement est pluriannuel. Il y a des autorisations d’engagement, nous engageons donc les sommes et attendons que les travaux avancent et soient terminés. C’est parfois long, il faut comparer cela aux restes à payer qui, eux, sont plutôt de l’ordre de 200 millions d’euros. C’est tout à fait viable, mais il est normal que nous disposions d’une part de cet argent, comme tout un chacun a un peu d’argent d’avance sur son livret de caisse d’épargne.

M. Olivier Thibault. Je m’aperçois que je n’ai pas du tout parlé des dépenses de l’ONCFS. Nous ne sommes pas du tout dans la même situation que l’AFB, car l’ONCFS est fort de ses agents et n’a pas de crédits d’intervention. Notre budget de 115 millions d’euros correspond à 95 millions d’euros de masse salariale et 20 millions d’euros de fonctionnement, soit les voitures, l’essence et les locaux. Nous n’avons pas de crédits d’intervention, ce qui fait que nous avons très peu de marges de manœuvre dans notre budget.

J’ai oublié de préciser que, dans notre conseil d’administration, nous avons deux représentants du personnel, comme à l’AFB.

M. Christophe Aubel. Le conseil d’administration de l’AFB compte quarante-trois personnes. Ce sont, pour près de la moitié, des représentants de l’État, et on arrive à la moitié avec les personnalités qualifiées. Pour l’autre moitié, nous fonctionnons avec un système de collèges, équilibré entre les acteurs économiques – il y a le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) –, les ONG et les collectivités territoriales. Il y a une présidente de comité de bassin, et je pense qu’il est effectivement légitime, au vu de notre budget, que les agences de l’eau et les comités de bassin soient présents. C’est un modèle « Grenelle », équilibré. Précisons que parmi les parties prenantes, notamment les ONG, certaines qui siègent au conseil d’administration de l’office sont aussi membres du conseil d’administration de l’AFB. Les deux conseils ne s’additionnent donc pas, mais se recoupent.

Pour moi, l’enjeu de la gouvernance du nouvel établissement est certes le conseil d’administration, mais pas seulement lui. Il y a toujours beaucoup de gens qui ont envie de siéger dans un conseil d’administration, mais si nous voulons un établissement qui travaille avec l’ensemble des acteurs, il faut un dialogue avec les parties prenantes. Il y a donc des choses à imaginer en termes de fonctionnement et de gouvernance.

M. Olivier Thibault. Nous avons également été interrogés sur la concertation qui a abouti au rapport du CGEDD, lequel a fait un bilan très précis de l’action des différents opérateurs dans le domaine de l’eau et de la biodiversité.

Si nous nous sommes posé la question de la fusion, c’est parce que la mise en place de l’AFB a beaucoup changé le panorama dans le domaine de la biodiversité, et que nous avons vécu un décalage assez fort entre ce qui est perçu des établissements et ce qu’ils font réellement. À la lecture des missions de l’AFB, on réalise qu’elle a un champ de compétences absolument incroyable, avec des agents qui viennent en bonne part du monde professionnel de l’eau et des milieux aquatiques. Et, à l’ONCFS, on nous demandait finalement peu de chose sur des sujets qui constituent en fait notre cœur de métier. Ainsi, à propos du loup, de l’ours, du vison d’Europe et d’un certain nombre d’espèces emblématiques, on s’adressait d’abord à l’AFB, puis la question revenait chez nous.

Ce décalage créait des frustrations dans les deux établissements, et nous avons bien vu que nous étions complémentaires et avions intérêt à travailler ensemble. Le rapport du CGEDD a été très positif dans certains domaines et a mis en évidence les limites du système dans d’autres. Il a d’abord démontré que les agences de l’eau, l’AFB et l’ONCFS remplissaient bien leurs missions dans le domaine de l’environnement. C’est écrit noir sur blanc, mais il est aussi précisé que les moyens, au regard de l’ambition, ne sont pas suffisants, et qu’il ne serait pas idiot de faire un peu plus d’efforts. C’est en tout cas ce qui est écrit dans le rapport…

M. Christophe Aubel. La façon dont j’ai exposé le budget de l’AFB, en expliquant que sur les 100 millions d’euros de crédits d’intervention, il restait 30 millions pour « tout le reste », laisse apparaître les limites de l’exercice. Il faut se rappeler que l’AFB n’est pas seulement le résultat de la fusion de quatre établissements, mais qu’on lui a confié des missions supplémentaires.

Une autre clé du succès du nouvel établissement sera notre capacité collective à identifier les leviers d’amélioration de la biodiversité. Si l’on considère que la biodiversité est aussi importante que le climat, il faudra bien engager cette réflexion. Il ne s’agit pas seulement de dire qu’il faut un budget plus important, qu’il faut trouver des financements pour la « transition biodiversité », mais de faire le lien entre la biodiversité et l’économie. Cela fait partie des sujets fondamentaux sur lesquels nous devons avancer.

M. Olivier Thibault. Mme Sophie Auconie nous a demandé si le conseil scientifique serait supprimé et pourquoi la présence des élus ultramarins, entre autres, au conseil d’administration, ne figurait pas dans le projet de loi. Le choix du Gouvernement est de n’y faire figurer que ce qui relève explicitement du domaine de la loi, et de renvoyer le reste au règlement.

Je tiens à apporter deux précisions : il y a aussi un conseil scientifique à l’ONCFS et il joue un rôle très important, notamment pour la gestion de la faune sauvage. Il est absolument indispensable qu’une instance scientifique adaptée existe au sein du futur établissement, que cela figure dans la loi ou non, et je suis sûr que nous sommes sur la même longueur d’ondes. Il faudra en étudier le dimensionnement, la taille, mais cela me semble incontournable.

Il en va de même pour la représentation des élus ultramarins ou pour les ARB : ce sont des éléments qui ne relèvent pas du domaine législatif.

Dans ce qui nous a été demandé, et dans la façon dont nous commençons à réfléchir au futur établissement, il n’est pas question de revenir sur les acquis de la loi pour la reconquête de la biodiversité ni sur ceux de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, mais bien de les mettre en œuvre le mieux possible. Il n’y a pas de recul.

M. Christophe Aubel. S’agissant des outre-mer, l’AFB a engagé, depuis sa création, un travail de proximité avec ces territoires. Il est vrai qu’ils sont représentés dans notre conseil d’administration, mais nous avons aussi un délégué pour les outre-mer, qui s’est rendu dans chacun d’eux. Nous sommes en train de signer des conventions avec presque tous les territoires d’outre-mer, et celles qui ne sont pas encore signées le seront d’ici à 2020. C’est un travail qui se poursuivra, car le projet de loi prévoit de reprendre toutes les obligations et les engagements des deux établissements.

Je n’ai pas d’inquiétude quant au fait qu’il y aura effectivement un conseil scientifique, et si l’on peut débattre de ce qui doit figurer ou non dans la loi, le législateur tranchera. L’expérience de l’AFB nous enseigne qu’il faut trouver le juste équilibre, éviter le risque de lacunes dans la loi, qui sont ennuyeuses car elles donnent un signal curieux – il y a ainsi beaucoup d’émoi à propos de l’absence de mention des ARB – mais sans cependant entrer trop dans les détails. C’est cet excès de précision, s’agissant par exemple des conseils d’orientation, qui rend notre fonctionnement assez corseté. Je suis convaincu qu’un établissement public efficace doit être agile et léger. Les grands principes doivent, bien entendu, figurer dans la loi pour poser le cadre et indiquer la direction, mais c’est ensuite au décret qu’il appartient de préciser les choses de manière plus souple. Disposer des deux textes en même temps présente l’intérêt de s’assurer qu’il n’y a pas d’oubli.

M. Olivier Thibault. Enfin, pour répondre à Mme Mathilde Panot, nous avons effectivement un schéma d’emplois contraint. Nous avons compté 42 ETP de moins l’année dernière et 30 ETP de moins cette année. C’est évidemment difficile, et si l’on nous donnait plus de moyens, nous saurions les utiliser, il n’y a pas de doute. Nous considérons que la double compétence, technique et de police, est fondamentale dans notre système. Il faut donc maintenir la police de la chasse, celle de l’environnement et la police sanitaire. Je n’ai pas parlé du sanitaire, mais ce terme est écrit noir sur blanc dans le projet de loi et c’est un sujet qui monte fortement en puissance aujourd’hui. La peste porcine africaine est à nos frontières, la grippe aviaire a été annihilée il y a deux ans, et la prévalence de la tuberculose, de la pestivirose et de nombreuses autres maladies transmissibles à l’homme ou à des animaux domestiques, et pouvant donc mettre en péril des filières agricoles, impose une vraie surveillance de la faune sauvage.

Pour le fonds pour la biodiversité alimenté par les chasseurs, la loi prévoit bien la contribution obligatoire à hauteur de 5 euros par validation de permis, ce qui représente 5 à 5,5 millions d’euros. À ce stade, je n’ai toujours pas connaissance d’arbitrages sur la manière dont tout cela va être mis en œuvre, mais je n’ai pas de doute que cela se fera comme il faut, sur la base de projets.

Mme Sophie Auconie. Et quand absorberez-vous l’ONF ?

M. Olivier Thibault. Ce n’est pas à moi de répondre à cette question : nous avons une convention avec l’ONF et nous travaillons bien avec eux sur un certain nombre de sujets.

L’ONF est en train de se restructurer et se trouve dans une situation qui n’est pas forcément très simple. Nous cherchons des moyens pour coopérer efficacement sur les équilibres entre forêt et gibier, car il y a un grave problème, notamment pour les grands ongulés – sangliers et cervidés –, concernant l’impact des animaux sur la régénération forestière.

S’agissant de l’organisation de la police dans les territoires, ils sont en train de restructurer fortement leur police de l’environnement, qui est recoupée avec la nôtre, pour faire des formations communes. De là à parler de fusion ou de rapprochement, il y a plus qu’un pas, d’autant que nous ne sommes pas rattachés aux mêmes ministères.

M. Christophe Aubel. Vous nous avez interrogés sur les agences de l’eau. Le rapport du CGEDD que nous avons déjà évoqué ne mentionnait pas l’ONF, mais les agences de l’eau. Certaines hypothèses retenaient un scénario différent, dans lequel on faisait un « grand tout » en fusionnant tout le monde, mais il a été écarté. Nous parlons de ces sujets, mais ce n’est pas nous qui prenons les décisions. On voit néanmoins la logique de cette fusion, car il s’agit de deux établissements frères qui ont le même type de missions, chacun dans leur domaine. Les autres établissements dont nous parlons ont d’autres types de missions.

Reste qu’il y a un vrai travail à mener à bien. Nous avons signé une convention avec l’ONF, que nous sommes en train de décliner opérationnellement parce qu’il y a beaucoup de synergies à mettre en place, et c’est le rôle du ministère, avec ses opérateurs, que de jouer de cette complémentarité. Je pense que l’on peut déjà progresser comme cela.

Vous demandiez qui allait piloter la stratégie nationale de la biodiversité. Je me permets de compléter la réponse, car le sujet concerne plus spécialement l’AFB : c’est le ministère qui pilote la stratégie nationale biodiversité (SNB). L’AFB et l’ONCFS apportent déjà leur appui à la stratégie nationale actuelle, mais nous serons en appui de la SNB 3, suite à la convention sur la diversité biologique qui se tiendra en Chine en 2020, qui sera importante et qui sera précédée par un congrès mondial. En attendant, nous avons un plan « Biodiversité » qui est en quelque sorte l’accélérateur de la stratégie nationale actuelle, et pour la mise en œuvre duquel nous venons fortement en appui au ministère.

Nous avons évoqué le futur des ARB. La communication qui a été présentée au conseil des ministres les évoque et je ne suis donc pas inquiet. Faut-il donner un signal dans la loi elle-même ? Au législateur d’en décider.

Nous n’avons pas deux ans d’existence. Si, au moment où la loi a été votée, et où a été évoquée l’idée que les régions et l’AFB pouvaient créer des ARB, on avait annoncé que trois seraient créées en moins de deux ans et que des conventions de préfiguration seraient signées en si peu de temps avec presque toutes les régions, rares auraient été ceux qui y auraient cru. Je suis ravi de cette évolution, et l’idée qui a présidé à la création de ces ARB n’était surtout pas de dire qu’une partie s’imposerait à l’autre ou lui transférerait ses missions ou ses charges. L’idée est de se retrouver autour de la table, de créer des synergies entre les acteurs, et ce qui est en train de se passer dans les territoires avec les ARB me semble exemplaire. Quand je vois, dans les ARB qui existent ou celles qui sont sur le point d’être créées, que les départements, un certain nombre de métropoles, l’État par l’intermédiaire de l’AFB et des DREAL, les agences de l’eau et l’ONCFS dans un certain nombre de territoires, se regroupent pour définir des priorités et créer des synergies afin d’atteindre ces objectifs, je pense que nous sommes en train de franchir une étape importante pour répondre aux enjeux de la biodiversité.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous aurons en effet à déterminer ce qui sera écrit dans la loi et ce qui sera laissé au règlement. C’est une question de portage politique, et je rejoins totalement M. Alain Perea lorsqu’il demande si nous voulons, par cette loi, proposer aux gens un dispositif plutôt technique ou un vrai mouvement pour défendre avec eux la biodiversité dans les territoires. C’est à nous qu’il reviendra de faire ce travail collectif.

Mme Frédérique Tuffnell. Je me félicite de la fusion prochaine entre l’AFB et l’ONCFS, même si elle est appelée à se réaliser dans un calendrier contraint.

Nous sommes conscients de l’intérêt d’une rédaction législative sobre et, en effet, la précision du contenu des missions et de la gouvernance sera d’ordre réglementaire. Mais certains aspects, dont ceux que vous avez cités, ne semblent pas garantis par le décret. S’agissant par exemple de l’abandon de toute référence dans le projet de loi à l’obligation de conventionnement entre les régions et l’établissement aux fins de mettre en place les déclinaisons territoriales de l’agence, souhaitez-vous que la loi votée reprenne expressément ce point ?

M. Jean-Marie Sermier. Une des missions de la future agence sera, comme vous l’avez rappelé les uns et les autres, la mobilisation de la société civile. Il faut expliquer et convaincre avez-vous dit, monsieur Thibault.

Aujourd’hui, l’AFB et l’ONCFS assurent des actions d’expertise et de conseil auprès des collectivités, et même auprès des élus, comme vous l’avez précisé, notamment dans les communes. Quels liens envisagez-vous entre la nouvelle agence et les communes, qui sont les lieux de démocratie les plus proches du terrain et qui peuvent relayer un message intéressant sur la biodiversité ?

M. Bruno Millienne. Je voudrais revenir sur les ARB, car le sujet me préoccupe un peu. À voir les budgets de vos deux agences, on peut s’imaginer que, compte tenu du travail qu’il y aura à faire, les moyens ne seront pas suffisants pour tout assurer. Et l’apport des ARB est important en région, puisqu’en dehors du soutien que nous donne l’AFB – j’en suis conscient car je préside une ARB – on arrive ainsi à faire intervenir des acteurs complémentaires.

Je suis d’avis de reprendre l’article de la loi sur la biodiversité relatif à la création des ARB afin qu’il figure dans la future loi, car des agences sont créées, et nous arrivons en outre à avoir des partenaires qui ne sont pas seulement institutionnels, mais aussi privés. Au sein de l’ARB d’Île-de-France, le collège des entreprises fonctionne très bien et abonde grandement le budget de l’ARB, ce qui permet de vous aider encore plus.

M. Paul-André Colombani. Est-ce que nos territoires, grâce à ce projet de loi, auront un peu plus de pouvoir ? Une question récurrente est celle des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, notamment en Corse. Il semblerait normal que les territoires puissent obtenir cette compétence. La biodiversité serait sans doute un peu mieux protégée, car on ne chasse pas forcément aux mêmes dates en Corse, en Bretagne ou dans les Alpes.

M. Lionel Causse. Je voulais revenir sur les ARB, mais elles ont déjà fait l’objet de plusieurs interventions. Quelle dynamique l’AFB envisage-t-elle pour mettre en place des ARB dans nos territoires ? Que pensez-vous de la constitution de collectifs régionaux qui permettraient de centraliser les données en matière de biodiversité, comme cela se fait en Nouvelle Aquitaine ? Mieux vaut nouer des partenariats que de créer de nouvelles structures : nous avons vu, en Nouvelle-Aquitaine, que des subventions destinées à des associations travaillant sur le territoire ont été déviées vers l’ARB.

M. Jean-Yves Bony. J’associe à cette question notre collègue M. Emmanuel Maquet, qui a dû nous quitter.

La création d’une agence commune de la biodiversité et de la chasse semble être un signal fort pour les chasseurs, ainsi pleinement reconnus comme des acteurs importants de la biodiversité. Cela dit, les deux structures connaissent des situations budgétaires compliquées. L’AFB – l’étude d’impact du projet de loi insiste sur ce point – dispose de moyens limités ne lui permettant pas de mobiliser des effectifs proportionnés à ses missions, tandis que l’ONCFS doit faire face à la baisse des redevances cynégétiques.

Ma question est donc double : messieurs les directeurs généraux, partagez-vous cette vision de la réforme comme une reconnaissance des chasseurs en tant qu’acteurs de la biodiversité ? Et êtes-vous optimistes quant à la capacité de la nouvelle agence, plus grosse donc plus forte, à peser davantage dans les négociations budgétaires futures avec ses partenaires ?

M. Yannick Haury. Messieurs les directeurs généraux, merci pour toutes les informations que vous nous avez apportées.

Ma question est complémentaire à celles qui ont déjà été posées sur les ARB et porte sur la nécessité d’assurer un maillage territorial cohérent et équilibré. Le projet de loi, en effet, n’évoque pas la dynamique de création de ces agences régionales. De même, le principe de conventionnement avec les collectivités territoriales est à peine évoqué dans l’exposé des motifs. Comment entendez-vous assurer vos missions en garantissant un juste maillage territorial dans le cadre du futur établissement ?

M. Vincent Descoeur. S’agissant des moyens alloués au nouvel établissement, j’ai entendu vos réponses, mais le prélèvement sur les fonds de roulement ne saurait se répéter, comme vous l’avez vous-même indiqué. De fait, la question reste entière.

En termes de calendrier, la jeune agence pour la biodiversité, qui avait déjà beaucoup à faire pour intégrer les personnels et fusionner les budgets des quatre établissements, sera-t-elle en situation, deux ans seulement après sa création, d’accueillir l’ONCFS ? En un mot, pourra-t-elle se consacrer pleinement à cette mission ?

Enfin, comment se traduira cette fusion sur le terrain en termes d’implantations, de répartition des moyens humains et de relations avec les fédérations départementales des chasseurs ? Ces dernières s’interrogent.

M. Christophe Aubel. Je commence par répondre sur les ARB. Je crois beaucoup à cette dynamique qui permet de démultiplier les moyens d’action, les actions elles-mêmes, et qui crée des synergies et permet d’entraîner l’ensemble des acteurs. Une ARB n’est pas un tête à tête entre la région et l’établissement public AFB : elle associe tout le monde.

Ce que nous avons décidé de faire n’est pas forcément de créer une structure. Certaines régions ont décidé de créer un établissement public de coopération environnementale (EPCE), d’autres – je pense à l’Île-de-France – ont choisi de faire évoluer un modèle qui existait, d’autres encore ont constitué un collectif sans créer de structure spécifique. Mais, assez vite, les gens s’interrogent sur l’opportunité de créer quelque chose de souple, sans modèle imposé.

Pour cela, il n’est pas obligatoire que la loi le prévoie. À titre personnel, j’ai tendance à penser que le signal politique est important : c’est une manière de donner du sens. Mais je suis d’avis que les dispositions écrites ne soient pas trop détaillées, afin de ne pas fermer la possibilité de faire du sur-mesure, en fonction de ce que veulent les territoires. Le terme de « délégation territoriale » est ambigu et n’est donc peut-être pas le meilleur, car un certain nombre de personnes pensent que l’un va déléguer ses missions à l’autre, alors que ce n’est pas le cas. Nous nous souvenons des débats sur ce point, je n’insiste pas. En tout cas, les ARB ont vocation à associer tout le monde, et le législateur tranchera.

Les ARB doivent aller vers les communes qui font des choses par elles-mêmes. Depuis que l’AFB existe, elle a lancé le dispositif des atlas de la biodiversité communale. Précisons qu’il ne s’agit surtout pas de faire un inventaire scientifique – qu’en ferait le maire ? – mais de recenser les enjeux de biodiversité en lien avec la réalité du territoire. Ces atlas sont élaborés par des bureaux d’études ou autres, qui apportent la connaissance scientifique, tout en associant les populations et les acteurs : des fédérations ou des associations de chasseurs, ainsi que des agriculteurs y contribuent. Le résultat est un outil qui permet à la commune de prendre en compte ces données, par exemple pour faire un plan local d’urbanisme (PLU). Des communes en Alsace abritaient quelques espèces emblématiques, qui étaient là parce qu’un agriculteur y faisait de l’élevage extensif, et elles ont décidé d’aider cet agriculteur en circuit court pour permettre le maintien de cette biodiversité.

Nous aurons beau, cependant, être plus forts dans les territoires, nous ne pourrons pas travailler avec l’ensemble des communes de France. Nous passerons donc par les têtes de réseau, les centres de ressources que nous pourrons développer, les contacts sur le terrain : quand mes agents font des réflexions sur les cours d’eau et sur l’assainissement, ils échangent avec les communes, et il faut que cela se poursuive. Il est évident que si l’on ne mobilise pas les communes, on n’arrivera pas à mobiliser la société.

M. Olivier Thibault. Le lien avec les élus locaux me semble aussi un point fondamental. Au-delà des aspects techniques, se posent des questions opérationnelles. Aujourd’hui, tous les élus locaux, notamment dans les territoires ruraux, connaissent des conflits d’usage et ont besoin d’aide pour les gérer. Il peut s’agir de la circulation de véhicules à moteur en milieu naturel, qui pose de nombreux problèmes sur les sentiers de randonnée, ou de la gestion d’un certain nombre de dépôts sauvages, qui est également source de difficultés. La faune sauvage qui pénètre en ville en crée d’autres encore, qui requièrent un appui technique : les sangliers qui entrent dans les maisons et viennent faire les poubelles sont une réalité dans un certain nombre de départements, notamment dans le sud – sans parler des renards. Il y a aussi des problèmes sanitaires, pour lesquels nous avons mis en place avec les chasseurs le réseau SAGIR, extraordinaire outil coopératif qui permet de prendre très vite la mesure des problèmes sanitaires, et donc d’y réagir sans retard. Ce sont autant d’exemples de liens entre le futur établissement et les acteurs locaux.

Se posent également des problèmes de gestion des dégâts. Dégâts agricoles, pour lesquels le maire se retrouve en général assez vite en prise directe avec les exploitants. Dégâts dans les forêts, avec des problèmes de régénération. Sur tous ces sujets, qui sont des sujets du quotidien mais qui ne sont pas de petits sujets, le maire est le premier interlocuteur au niveau local et a besoin d’un soutien, soit en termes de police, soit sur le plan technique ; l’établissement est là pour ça. Cette présence territoriale, ce lien avec le territoire, sont quelque chose d’essentiel pour la biodiversité, mais aussi de manière plus générale.

M. Christophe Aubel. Il est important d’avoir en tête que lorsque l’idée d’une agence est née, en 2007, au fil des débats du Grenelle de l’environnement, ce ne sont pas les ONG qui l’ont lancée, mais les élus des communes, qui expliquaient qu’ils s’adressaient à l’ADEME pour des problèmes de déchets ou de climat, aux chambres d’agriculture pour des problèmes agricoles, mais qu’ils n’avaient pas d’interlocuteur pour les questions de biodiversité. Les autres acteurs qui demandaient cette agence étaient les acteurs économiques, pour les mêmes raisons et avec la même référence.

Il a été demandé si la jeune AFB était en mesure d’accueillir l’ONCFS. Je précise d’abord qu’il ne s’agit pas de l’« accueillir », mais de construire ensemble un nouvel établissement. Nous avons vraiment envie, et c’est important, de co-construire cet établissement. Nous savons aussi que ce sont les agents qui feront sa réussite et qu’il faudra par conséquent tenir compte d’eux, leur offrir le cadre de travail qui convient et trouver la façon de les entraîner dans cette dynamique. À l’AFB, ils ont déjà vécu une fusion, et voici qu’on leur parle d’une deuxième fusion ; ils devront gérer cela, mais nous sommes tous dans un état d’esprit de co-construction et même si l’organisation est jeune, elle est capable de le faire. L’expérience de la précédente fusion peut même être un avantage, car nous savons quelles sont les choses que nous avons réussies et celles que nous avons ratées. Nous n’allons retenir que ce que nous avons réussi, et essayer de rectifier ce que nous n’avons pas réussi. Donc, oui, nous sommes capables de le faire, et même si c’est un chantier immense, je reste convaincu que le jeu en vaut la chandelle.

Mme la présidente Barbara Pompili. Ma dernière question est contenue dans ce que vous venez de dire : voyez-vous d’ores et déjà des obstacles qu’il faudra franchir pour réussir correctement la fusion ? Que nous faut-il anticiper et prévoir dans la loi pour que cette fusion se passe bien ?

M. Olivier Thibault. La chose qui me semble la plus importante est de garder le lien avec l’ensemble des partenaires et d’éviter de tomber dans les clichés un peu faciles de la revanche des écologistes contre les chasseurs, comme on l’entend parfois.

Vous demandez si nous pensons que les chasseurs jouent un rôle important pour la biodiversité : j’en suis absolument convaincu. Quand on essaie de prendre un peu de recul, on se rend compte que les associations de protection de la nature et les chasseurs sont, pour 80 % ou 90 %, les défenseurs des milieux qui permettent la biodiversité. Ils n’en font pas tout à fait le même usage, mais, aujourd’hui, les menaces pour la biodiversité sont dues en général à des problèmes de milieu : le drainage, le retournement des prairies, la fin du bocage, une exploitation agricole différente de celle qui existait auparavant, l’artificialisation et l’urbanisation, l’utilisation parfois excessive de produits phytosanitaires. Or, chasseurs et associations de protection de la nature se retrouvent en grande partie pour lutter contre ces phénomènes.

Les zones humides, par exemple, sont un sujet essentiel. Beaucoup de zones humides n’existent aujourd’hui que parce qu’on y chasse et le jour où il n’y aura plus de chasse, elles seront drainées, on y fera autre chose et ce sera une perte pour la biodiversité. Je peux vous donner d’autres exemples de milieux où, si vous arrêtez la chasse, le territoire cesse d’être utilisé et perd son utilité. Il y aura certes toujours des caricatures et des contre-exemples, mais je pense que cette utilisation partagée du territoire est essentielle et qu’elle concerne aussi bien les chasseurs que les associations de protection de la nature.

Je peux vous donner un autre exemple issu de mon expérience lorsque j’étais en poste en Savoie : la protection des galliformes des montagnes et des tétras-lyres. Dans certains endroits, il n’y a de tétras-lyres que parce que des chasseurs assurent l’entretien des zones intermédiaires entre les alpages – avec de la déprise parce qu’il y a de moins en moins de moutons et de brebis dans ces alpages – et la forêt. Si vous perdez ces zones de transition, vous perdez l’habitat favorable à ces galliformes et l’espèce disparaît de la région. C’est aussi grâce à ceux qui vont défricher, regarder, mesurer, que ces espèces perdurent. Il en va de même partout ; il peut toujours y avoir des extrémistes dans un sens ou un autre, mais le partage du territoire et le lien entre les acteurs est important. Il faut que le futur établissement puisse travailler avec tout le monde, c’est une clé essentielle de la réussite du projet.

M. Christophe Aubel. Je suis entièrement d’accord, et je pense qu’il y a une conséquence à en tirer à propos du texte de loi. Sans entrer dans le débat sur le nombre de membres du conseil d’administration, il est essentiel que la répartition et les équilibres se fassent sur le modèle de collèges dans lesquels personne n’ait la majorité à soi seul. Je reste convaincu, depuis le Grenelle de l’environnement, que lorsque personne ne peut décider tout seul dans une instance, cela oblige ses membres à discuter, et qu’ils finissent toujours par trouver une solution. C’est une traduction concrète des propos de M. Olivier Thibault…

Autre élément : il faut toujours garder la finalité en tête, comme l’a dit en début de séance M. Alain Perea. Nous avons besoin de cette agence car la biodiversité est indispensable aux sociétés humaines et il faut créer l’outil qui permette de la protéger. Le projet de loi doit fixer le cadre, les grands principes, sans pour autant céder à tous ceux – et ils seront nombreux, de tous les côtés – qui proposeront des amendements verrouillant les choses et rendant le futur établissement ingouvernable, ou en tout cas lourd à gouverner.

Mme la présidente Barbara Pompili. Le message est bien passé : nous veillerons à bien fixer les symboles et les objectifs, sans entrer trop précisément dans les questions d’organisation.

M. Christophe Aubel. Je pense moins aux parlementaires eux-mêmes qu’aux intervenants extérieurs qui vous demanderont de préciser certaines choses…

Mme la présidente Barbara Pompili. Les parlementaires seront vigilants. Merci pour ces éclairages, messieurs.

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 21 novembre 2018 à 17 heures

 

Présents. - Mme Sophie Auconie, M. Jean-Yves Bony, Mme Pascale Boyer, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Patricia Gallerneau, M. Guillaume Garot, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Bruno Millienne, Mme Mathilde Panot, M. Alain Perea, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Jean-Marie Sermier, Mme Frédérique Tuffnell, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - M. Christophe Arend, Mme Nathalie Bassire, M. Christophe Bouillon, Mme Danielle Brulebois, M. Christian Jacob, Mme Sandrine Le Feur, M. David Lorion, Mme Sophie Panonacle, M. Loïc Prud'homme, Mme Laurianne Rossi, M. Gabriel Serville, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, M. Hubert Wulfranc