Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Table ronde sur la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1393), avec la participation de M. Alain Berthéas, président de la communauté Loire-Forez, membre du conseil d’administration de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), M. Pierre Jarlier, vice-président de l’Association des maires de France (AMF), et M. Philippe Herscu, directeur délégué aux territoires de l’Assemblée des départements de France.              2


Mercredi 19 décembre 2018

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 25

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Vice-Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1393), avec la participation de M. Alain Berthéas, président de la communauté Loire-Forez, membre du conseil d’administration de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), M. Pierre Jarlier, vice-président de l’Association des maires de France (AMF), et M. Philippe Herscu, directeur délégué aux territoires de l’Assemblée des départements de France.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de notre présidente, Mme Barbara Pompili, qui a siégé tard cette nuit dans l’hémicycle, comme certains d’entre vous.

Nous entendons aujourd’hui plusieurs représentants d’associations d’élus locaux, dans le cadre d’une table ronde sur la proposition de création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont notre commission aura à débattre peu après la rentrée prochaine. Nous avons ainsi le plaisir d’accueillir M. Alain Berthéas, président de la communauté Loire-Forez, membre du conseil d’administration de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), M. Pierre Jarlier, vice-président de l’Association des maires de France (AMF), et M. Philippe Herscu, directeur délégué aux territoires de l’Assemblée des départements de France (ADF).

Messieurs, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Cette table ronde fait suite à l’audition, au mois de novembre, de M. Serge Morvan, Commissaire général à l’égalité des territoires, audition qui nous a éclairés sur ce que pourrait être cette future agence du point de vue de l’État. Il nous a cependant semblé indispensable d’entendre les premiers intéressés par cette structure, à savoir les représentants des territoires, car ce sont bien eux qui peuvent le mieux exprimer ce que sont les attentes des élus locaux à l’égard de cette nouvelle agence.

Nous avons compris que certains d’entre eux, notamment les élus des collectivités pas ou peu dotées en ingénierie, ont besoin d’un outil au service des territoires pour les aider à porter leurs projets. C’est d’ailleurs ce qui avait été souhaité par le Président de la République, qui a appelé à un « État facilitateur ».

Messieurs, pourriez-vous, tout d’abord, nous indiquer ce que sont, selon vous, les principaux besoins des territoires et de leurs élus ? Ensuite, comment pensez-vous que la future Agence nationale de la cohésion des territoires pourra répondre, effectivement, à ces attentes ? L’architecture proposée vous paraît-elle gage d’efficacité ? Quelle est votre analyse sur la gouvernance de cette structure ? Avez-vous des observations à formuler sur les moyens dont elle devrait être dotée ? Par ailleurs, devrait-elle, oui ou non, orienter son aide vers des types de projet en particulier ?

Enfin, je note que nous ne partons pas de rien, puisque des départements et des intercommunalités ont déjà créé des structures, notamment de soutien technique et d’ingénierie. En outre, des cabinets d’ingénierie privés proposent leurs services aux élus locaux. La nouvelle agence aura donc à trouver sa place dans cet écosystème et à apporter une plus-value à la situation existante.

Quelle est votre appréciation sur ces points ? Je vous cède la parole.

M. Pierre Jarlier, vice-président de lAssociation des maires de France. Madame la présidente, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette table ronde. Je ne répondrai sans doute pas à toutes vos questions, mais nous aurons, j’en suis certain, l’occasion d’y revenir au cours du débat.

L’Association des maires de France (AMF) est favorable à la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, création qu’avait d’ailleurs proposée, je le rappelle, M. François Baroin. Cette agence devra être tournée en particulier vers les territoires les plus fragiles.

En effet, nos territoires doivent faire face à une situation qui évolue très vite, et les projets, de plus en plus complexes, doivent tenir compte des grands enjeux que sont le développement durable, les questions de mobilité, d’urbanisme, de changement climatique et de transition énergétique notamment. Or tous ne sont pas prêts à répondre à ces grandes préoccupations. Il existe même un réel risque de fracture territoriale : si, d’un côté, les métropoles sont bien organisées pour répondre à ces enjeux, de l’autre, certains territoires, notamment les plus fragiles – des territoires ruraux, des territoires de montagne ou encore des territoires isolés… –, ne sont pas en mesure de relever ces défis, faute d’ingénierie.

Par ailleurs, face à la complexité des projets territoriaux – divers domaines sont concernés, de nouvelles stratégies sont liées aux nouveaux enjeux –, les élus locaux ont besoin d’un interlocuteur unique de l’État, non seulement en matière de contractualisation, mais également de financement.

Or nous sommes aujourd’hui dans une logique totalement surréaliste, puisqu’un élu, dans l’espoir de bénéficier d’un ou de plusieurs financements, est contraint de monter plusieurs dossiers qu’il enverra aux ministères concernés ; par exemple, au ministère en charge du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), à celui en charge de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ou encore au ministère en charge du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). L’organisation même de l’État doit donc évoluer. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à cette agence qui pourrait, à la fois, être l’interlocuteur unique des territoires en matière de contractualisation et fournir aux plus fragiles une ingénierie de qualité.

Je ne préjugerai pas de ce que dira mon collègue de l’Assemblée des communautés de France (AdCF), mais je sais que nous sommes d’accord sur le principe suivant : un territoire, un projet, un contrat. La future agence pourrait être l’outil permettant de résoudre cette équation.

En adoptant, en première lecture, la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, le Sénat a apporté un certain nombre d’améliorations. Mais il est important que cette agence soit une coordination des services de l’État au service des collectivités, et non une réorganisation de ces services. Et surtout, qu’elle soit dotée d’un budget lui permettant, notamment, d’accéder à l’ingénierie territoriale.

Le texte adopté par le Sénat indique que l’agence sera financée par des participations de l’État, mais de quelle façon et à quel niveau ? Sera-t-elle en mesure de répondre aux nouveaux enjeux ?

S’agissant de la gouvernance, nous souhaitons que les élus y soient étroitement associés, en faisant partie intégrante du conseil d’administration. La parité entre les représentants de l’État et ceux des collectivités – de toutes les collectivités – est vivement souhaitée.

Nous insistons également pour que l’agence ne soit pas une entité uniquement nationale qui se déclinerait dans les collectivités. La proximité des services de l’État est indispensable. C’est la raison pour laquelle l’échelle départementale nous paraît être, a minima, l’échelon adéquat. Le FISAC est l’exemple même de ce qui ne fonctionne plus. Par ailleurs, une évolution du profil des préfets, ainsi que des sous-préfets – si ces derniers sont maintenus dans les territoires les plus ruraux –, leur permettrait de devenir les interlocuteurs des collectivités pour les aider à porter leurs projets territoriaux.

Enfin, il me paraît essentiel que des représentants des agences, telles que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou encore l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui sont des interlocuteurs des collectivités, soient également membres du conseil d’administration – ce qui n’est pas prévu dans le texte.

Le Sénat a proposé une alternative à la gouvernance envisagée dans la proposition de loi initiale : un conseil d’administration et un comité de la cohésion territoriale. Nous sommes favorables à la formule la plus simple possible, à savoir un conseil d’administration dans lequel les élus auront toute leur place.

M. Philippe Herscu, directeur délégué aux territoires de lAssemblée des départements de France (ADF). Madame la présidente, mesdames, messieurs, je commencerai ma présentation par un rappel de ce qu’est aujourd’hui l’ingénierie sur le terrain.

Depuis quelques années, les élus des départements assistent, impuissants, à la disparition de l’ingénierie d’État de proximité : les directions départementales de l’équipement (DDE) et les directions départementales de l’agriculture et de la forêt (DDAF) ont été restructurées, et l’assistance technique fournie par les services de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) a disparu, alors même que les besoins des collectivités locales ont continué de croître de manière importante.

En 2010, le rapport du sénateur M. Yves Daudigny chiffrait à 30 000 le nombre de communes et d’intercommunalités ne disposant pas des moyens d’organiser leur propre service d’ingénierie. Depuis, si la carte des intercommunalités a été revue, le nombre de communes a augmenté et les besoins demeurent importants.

Les moyens financiers et humains sont souvent insuffisants pour exercer des compétences qui se complexifient, dans un environnement réglementaire et technique toujours plus pointu. Outre l’urbanisme et les contraintes environnementales, les collectivités doivent tenir compte de l’aménagement numérique, de la dématérialisation, de la gestion des données, mais aussi de l’accessibilité des services et des bâtiments aux handicapés, ainsi que de nombreuses problématiques nouvelles, telles que les risques de submersion marine ou la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs.

Par ailleurs, l’ingénierie privée fait parfois défaut et nécessite un minimum de compétences pour être mobilisée. Les collectivités doivent, en effet, être capables de passer de l’idée au projet et du projet au cahier des charges, de manière à pouvoir mobiliser, lancer un appel d’offres, analyser les offres, etc.

Prenant acte de ce nouveau panorama, départements, communes et intercommunalités se sont souvent regroupés en agences techniques départementales (ATD), en vue de mutualiser leurs outils ; on en compte aujourd’hui plus de cinquante-cinq. Ce sont des agences dans lesquelles les départements sont très actifs, puisqu’ils soutiennent financièrement les nouveaux outils et permettent ainsi de mutualiser l’ingénierie de proximité. Les départements interviennent également en régie ou par le biais de leurs « satellites » : les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), les établissements publics fonciers locaux (EPFL), etc. Enfin, certains départements ont tenté d’élaborer un maillage des ingénieries existantes, en créant, par exemple, une plateforme informatique au service des collectivités, qui leur permet de trouver l’interlocuteur qui pourra répondre à leurs besoins.

Outre le rôle important que jouent les départements dans ces nouvelles organisations, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) leur a confié des missions d’ingénierie pour raison de solidarité territoriale et d’aménagement du territoire. L’article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu’il résulte de la loi du 30 décembre 2017 et dont nous attendons encore le décret d’application, confère aux départements une mission de conseil dans de nombreux domaines – eau, voirie, assainissement, habitat, etc. – envers les collectivités de petite taille disposant de moyens financiers très limités.

Je tiens également à rappeler que, sur le territoire de chaque département, l’État et le département élaborent conjointement le schéma départemental d’amélioration et de l’accessibilité des services au public (SDAASP).

À l’annonce de la proposition de loi portant création de l’ANCT, nous étions quelque peu perplexes. Mais, à la lecture du rapport de M. Serge Morvan, nous avons dégagé un certain nombre de points positifs : un système qui part du terrain au service des élus ; un guichet unique facilitateur ; une agence qui cherche à coordonner les politiques de l’État pour que les décisions n’arrivent pas en ordre dispersé sur les territoires, créant parfois de la casse et des chocs ; une volonté de simplifier les procédures contractuelles pour aboutir à un contrat unique.

Dans un monde bien fait, nous aurions simplifié et unifié les guichets de financement, de manière à supprimer la course d’obstacles au financement, chacun ayant ses règlements, son calendrier et ses dispositifs d’accès à l’aide.

Nous avons également noté une reconnaissance de la pertinence de l’échelon départemental, un échelon de proximité permettant de mutualiser à grande échelle des moyens d’ingénierie – indispensable en temps de crise des finances locales. Tous les territoires ne pourront pas se doter d’un ingénieur en numérique, d’un ingénieur en matière d’eau, etc. Il sera donc nécessaire de mutualiser les moyens, tout en restant proche du terrain, pour suivre les dossiers, bénéficier de la confiance des élus et connaître l’historique des territoires.

Nous avons également relevé le souhait, d’ici à la fin du quinquennat, de recenser plus de 1 000 contrats entre l’État et les collectivités les plus en difficulté. Cependant, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, aucune étude d’impact n’a été réalisée, ce qui laisse place à de nombreuses questions et remarques.

Le président de l’ADF, M. Dominique Bussereau, a reçu M. Serge Morvan. Après avoir souligné les points positifs, il lui a fait part de la nécessité, dans les départements, d’un « sous-préfet développeur de projet auprès du préfet » : une personne qui connaît tout le monde, que tout le monde connaît, et qui peut donc aisément apporter des solutions aux problèmes rencontrés dans les territoires.

L’agence devra tenir compte de la place singulière qu’occupent aujourd’hui les départements et de l’ingénierie départementale, très souvent mutualisée avec celle des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle devra donc travailler, sur le terrain, avec ce qui existe déjà, de manière à ne pas multiplier les guichets ou les dispositifs, ce qui nuirait à la fluidité d’ensemble et à l’accès à l’ingénierie.

Concernant la gouvernance, nous sommes favorables à une forte présence des élus au sein du conseil d’administration et à une présidence assurée par un élu. Néanmoins, nous savons qu’une telle gouvernance ne résout pas toujours les problèmes, puisque le maire de Saint-Étienne a préféré démissionner de la présidence du CEREMA plutôt que d’appliquer les décisions de l’État visant à réduire les effectifs.

Les territoires éligibles aux interventions de l’ANCT devraient être précisés. Nous sommes bien évidemment tous d’accord sur le fait que les territoires les plus en difficulté seront prioritaires, mais il ne suffit pas de le décréter ; l’écrire serait mieux. Par ailleurs, les départements ne doivent pas être automatiquement exclus ; je pense à ceux qui sont déjà en contact avec le préfigurateur de l’ANCT. La Creuse, par exemple, est en demande de développement et a besoin d’ingénierie pour structurer des projets départementaux à grande échelle.

Les périmètres d’intervention devront également être précisés. Certains thèmes sont cités dans le texte qui a été adopté en première lecture par le Sénat, mais il n’est pas précisé s’il s’agit de premier conseil, d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), de maîtrise d’œuvre, etc. Jusqu’où va-t-on ? À quelles conditions financières ?

M. Serge Morvan a indiqué, lors des débats au Sénat, que l’intervention de l’ANCT sera gratuite. Je rappelle cependant que certaines interventions du CEREMA sont payantes. Il nous paraît normal qu’une prestation importante ait un coût et ne donne pas lieu à un droit de tirage illimité.

Nous tenons à souligner l’importance du CEREMA dans ce dispositif, car même si nous arrivons à apporter une ingénierie de proximité, il n’en reste pas moins que les collectivités, dans leur ensemble, ont besoin d’un centre national d’ingénierie de haut niveau pour répondre aux questions qui ne peuvent être résolues localement. Elles ont besoin, par exemple, s’agissant des ponts, d’ingénierie de benchmarking sur les risques, ou encore de benchmarking international, qu’une agence technique départementale ne peut apporter. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous regrettons la baisse progressive des effectifs de cette structure, à laquelle nous tenons.

Le texte adopté par le Sénat mentionne la nécessité d’un comité départemental, présidé par le préfet, pour coordonner et articuler l’offre d’ingénierie. Il nous semble, compte tenu du rôle particulier des départements en matière d’ingénierie, qu’une coprésidence devrait être envisagée avec le président du conseil départemental. Je rappelle que les départements, au niveau national, allouent 1,6 milliard d’euros de subventions aux collectivités locales et aux EPCI, subventions qui complètent l’ingénierie proposée.

Enfin, l’ANCT ne doit surtout pas être une tentative de recentralisation de l’État, ni un doublonnage des guichets existants. Et il serait regrettable que ce projet ne soit qu’un habillage ou une réunion de quelques agences d’État que l’on tenterait de rendre un peu plus opérationnelles.

M. Alain Berthéas, président de la communauté Loire-Forez, membre du conseil dadministration de lAssemblée des communautés de France (AdCF). Madame la présidente, mesdames et messieurs, 80 % de nos adhérents sont favorables à la création de cette agence, même si les présidents d’intercommunalité, notamment, attendent de connaître les principes qui seront mis en œuvre avant de se prononcer définitivement. Car il est important qu’elle soit non pas une agence de plus, mais une entité qui rassemble différentes agences et décline le discours de l’État.

M. Pierre Jarlier l’a dit clairement, la représentation de l’État est aujourd’hui émiettée, éclatée dans différentes agences ; disposer d’une logique pour le développement d’un projet est devenu compliqué. Le besoin d’une agence unique existe donc bel et bien. Elle devra par ailleurs être, non pas un EPIC supplémentaire, mais une administration interministérielle – en gommant autant que faire se peut les aspects administratifs …

Il nous semble important que l’agence fonctionne comme un ensemblier, pour l’ensemble des programmes nationaux, de façon à réduire la pratique des appels à projets, extrêmement néfaste pour la réalité de nos territoires. Que nous soyons à même de changer le mode opératoire et de revenir à une contractualisation refondée nous permettrait de définir les objectifs et les moyens pour les atteindre ; en clair, nous devons être capables de fixer un cadre précis.

D’aucuns considèrent la contractualisation comme « ringarde », sous prétexte qu’elle existait déjà dans les années 1960 et 1970, et estiment que nous devons être plus innovants. Je ne vois pas pourquoi la contractualisation ne pourrait pas être innovante, dès lors que les élus locaux ont la capacité de fixer le cadre dans lequel ils souhaitent travailler et qu’une certaine forme de liberté est laissée aux territoires, notamment dans les réponses à apporter à leurs besoins.

L’AdCF a toujours considéré la Conférence nationale des territoires comme un outil permettant d’établir un diagnostic partagé. Or, à partir du moment où nous sommes capables d’établir un diagnostic partagé et d’élaborer la cartographie des besoins, il est possible de mettre en place une stratégie.

Il me semble, c’est en tout cas ce que j’ai ressenti à la lecture du rapport de M. Serge Morvan, que l’agence pourrait être construite comme un outil au service d’une stratégie territoriale qui rassemble, dans une logique globale, les volontés exprimées aujourd’hui de manière éclatée par les différents ministères.

M. Pierre Jarlier disait tout à l’heure : « un territoire, un projet, un contrat ». Nous le rejoignons, et lorsque je parle de « contractualisation refondée », je pense à des objectifs précis, car si nous parlons beaucoup de politiques publiques, nous oublions régulièrement la réalité du développement économique et de l’emploi.

Le nouveau dispositif d’accompagnement au service des territoires à dimension industrielle, « Territoires d’industrie », est un excellent exemple, puisqu’il s’agit clairement de définir un objectif et les moyens permettant de l’atteindre. C’est de cette façon qu’il conviendra de travailler au sein de l’agence, qui devra faire le lien entre l’État, recomposé au niveau territorial, les régions et les départements. La contractualisation, dans un tel cadre, n’est absolument pas « ringarde », au contraire : elle est positive et permet une vision prospective.

S’agissant de la gouvernance, plusieurs hypothèses ont été avancées. Une gouvernance simple est pour nous souhaitable. Dans son rapport, M. Serge Morvan formule deux propositions : d’une part, un conseil d’administration dans lequel les représentants des territoires et ceux de l’État – des différents ministères – seraient représentés ; d’autre part, un conseil d’administration dans lequel siégeraient uniquement les représentants des ministères, alors qu’une seconde structure regrouperait les élus locaux. La seconde hypothèse nous éloigne de la réactivité. Or le Président de la République souhaite une agence réactive, capable de répondre de manière précise sur un certain nombre de sujets. Un conseil d’administration regroupant les différentes parties prenantes sera donc certainement la solution la plus efficace.

Quelle sera la place de l’agence dans l’écosystème ? Aujourd’hui, je l’ai dit, le nombre de décideurs est si important qu’il nous est impossible d’être réactifs. Un élu portant un projet de territoire a affaire à cinq ou six interlocuteurs différents, et doit donc nécessairement constituer cinq ou six dossiers, sensiblement analogues mais présentés de manière différente, ce qui multiplie les risques d’erreurs. Je le répète, la nouvelle agence doit être un ensemblier.

Quelle devra être son organisation ? Un réseau d’acteurs hors les murs ? Une structure unique qui aurait les avantages, mais aussi les inconvénients d’une administration ? La question est posée. Et comment devrons-nous la décliner au niveau départemental et régional ? Si nous souhaitons une articulation des services de l’État recomposé, des régions et des départements, nous devrons être précis et simples dans la mise en œuvre.

Par ailleurs, le rôle des préfets de région et de département devra être également précisé. La coordination me semble importante au niveau régional, avec l’établissement d’un budget. Nous rejoignons l’AMF également sur ce point. Nous avons besoin d’un budget précis, construit et lisible, car l’un des problèmes auxquels les territoires sont confrontés est le manque de lisibilité des politiques publiques, à la fois en matière budgétaire et pour la constitution des dossiers.

Les territoires ont tous un avenir, même si les élus l’expriment différemment. Un président de conseil métropolitain m’a dit un jour : « Si tous les territoires ont un avenir, certains n’ont pas de projet. » Si l’agence joue un rôle d’ensemblier, elle peut aussi jouer un rôle de soutien dans la construction des projets. Tous les territoires ne sont pas égaux dans la réalité de leur développement. Il me paraîtrait donc dommageable que l’agence ne travaille que dans un sens.

Nous parlons beaucoup des territoires ruraux en opposition à un certain nombre de communautés d’agglomération ou de métropoles. L’ANCT devra dépasser ces clivages. Nos territoires vivent les uns avec les autres et, d’une certaine manière, les uns pour les autres. Cependant, avec l’émiettement de l’État et la contractualisation tous azimuts, nous avons des difficultés de zonages. Selon que nous nous adressons à l’agence régionale de santé (ARS) ou à une autre agence, nous ne sommes pas sur les mêmes types de territoires et n’avons donc pas les mêmes logiques géographiques. Nous gagnerons à créer une agence pouvant recadrer tout cet ensemble et articuler, je le répète, les services de l’État, des régions et des départements – urbains et ruraux.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Messieurs, je vous remercie. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

M. Jean-Claude Leclabart. « Je veux un État facilitateur de vos projets, qui doit parler d’une seule voix et d’une voix cohérente dans le montage de vos projets, et que vous n’ayez plus affaire à des guichets, avec chacun sa lecture du sujet. » Ces mots sont ceux prononcés par le Président de la République devant les maires de France réunis à l’Élysée, le mois dernier.

La création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, annoncée par le Président de la République, est la réponse adressée aux représentants des élus qui souhaitent une simplification dans le paysage des opérateurs de l’État au profit des territoires.

De nombreux projets de territoire, portés par les élus locaux, ne parviennent pas à aboutir, malgré leur engagement et leur dévouement. Ce manque d’efficacité, les élus locaux s’en plaignent légitimement, et les préfets, qui sont également confrontés à cette même difficulté, en sont les porte-voix réguliers. C’est pourquoi il est apparu nécessaire, au vu des remontées du terrain, de créer l’ANCT dont l’essence est de permettre à l’État d’agir en partenariat avec les territoires, afin de les aider à développer leur projet.

L’ANCT intégrera l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), l’Agence du numérique et une large partie du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). L’intégration de ces organismes est un choix pragmatique et stratégique qui permettra à l’agence d’être rapidement opérationnelle pour soutenir les projets des collectivités territoriales.

Elle devra conventionner avec les autres opérateurs de l’État, l’ANRU, l’ANAH, l’ADEME, le CEREMA, qui œuvrent dans les domaines de l’aménagement et de la cohésion des territoires, pour fixer les objectifs et les moyens partagés mis en œuvre dans les territoires.

Au plan local, c’est le préfet qui sera le délégué territorial de l’agence, ce qui signifie concrètement que lorsqu’un élu portera un projet, il se tournera vers son préfet ou son sous-préfet. Si toutes les collectivités et leurs élus peuvent solliciter l’appui de l’ANCT, il paraît évident que l’agence déploiera prioritairement son action dans les territoires les plus fragiles, là où les moyens manquent de façon cruelle pour réaliser les projets, et là où les besoins en ingénierie sont les plus criants.

L’ANCT ne jugera pas la pertinence des projets, mais mettra à leur disposition des moyens humains pour les impulser. Elle impliquera l’ensemble des acteurs en amont du projet, chaque territoire ayant ses propres problématiques.

Messieurs, je vous poserai trois questions. D’abord, nous observons, dans la proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat, un prisme très départementaliste. La région ne permettrait-elle pas une meilleure gouvernance, notamment pour les projets qui chevauchent les territoires de deux départements ?

Ensuite, la question des métropoles se pose – elle a d’ailleurs été abordée. Les métropoles auront-elles accès à cette agence, ou doit-on les autoriser à agir hors de leur périmètre pour faire bénéficier les collectivités alentour de leur capacité d’ingénierie et de leur « force de frappe » ?

Enfin, que pensez-vous de la mise en place d’un dispositif d’alerte et de veille au sein de l’agence sur les décisions impactant l’aménagement du territoire, afin de savoir en temps réel ce qui se passe dans les territoires, sachant que beaucoup de décisions sont prises « en silo » ?

M. Jean-Marie Sermier. La France est riche de ses territoires, tout le monde le sait, tout le monde le pense. Les territoires ont construit notre pays, au travers des décennies. Aujourd’hui, si notre pays a un tel statut, c’est sans doute grâce à son activité dans les territoires.

Pourtant, ces territoires se sentent abandonnés. Qu’ils soient ruraux, périurbains, ou qu’ils soient des petites villes, ils ont le sentiment d’être les laissés pour compte de l’État ; chaque parlementaire a pu en faire l’expérience. C’est la raison pour laquelle notre groupe, Les Républicains, a mis en place la « France des territoires » : nous nous rendons sur le terrain pour questionner les élus locaux sur la façon dont ils vivent leur territoire.

Il en ressort qu’aux difficultés rencontrées s’ajoute la fracture de l’ingénierie. Sans capacité à s’organiser, sans capacité à monter des projets et sans ingénierie, certains élus voient passer les appels à projets et les financements – je pense notamment au financement mis en place par le Gouvernement, et qui est plutôt intéressant, au profit de 222 villes moyennes pour redynamiser leur centre-ville – sans jamais pouvoir en bénéficier.

L’ANCT peut être une bonne idée. Mais elle devra être gérée par les territoires, l’État ne venant qu’en appui pour mettre au service des collectivités son savoir-faire, ses personnels, ses techniciens, etc. En aucun cas il ne devra organiser cette agence. Or dans le texte qui nous est proposé, la gouvernance est largement assurée par l’État. Et même si la présidence revient à un élu, nous devons nous assurer qu’il aura la capacité de gouverner.

Par ailleurs, l’agence est trop éloignée des territoires, puisque le rôle du préfet sera non pas de travailler, concrètement, avec les petites collectivités, les EPCI, etc., mais de coordonner l’ensemble des services et des agences.

Nous appelons à ce que cette agence soit déconcentrée et que les élus de terrain, les présidents d’EPCI, les présidents de conseil départemental, les maires de villes importantes, soient actifs en la matière.

Enfin, il sera important d’agréger l’ingénierie des collectivités déjà existante à celles des départements et de l’État.

Je conclurai sur une double question. Avez-vous réfléchi à une gouvernance très locale ? Comment envisagez-vous le financement, y compris le financement d’une structure plus locale ?

Mme Aude Luquet. Messieurs, vous avez indiqué dans vos propos liminaires tout l’intérêt que vous portez à la demande formulée par les élus locaux de création de cette agence. Nous partageons la philosophie de cette proposition de loi. J’ai été moi-même élue locale et directrice générale des services (DGS) d’une intercommunalité en milieu rural, j’ai donc pu appréhender à la fois les problématiques et les obstacles que rencontrent les élus, notamment les élus ruraux.

Au-delà de l’aspect purement financier, les élus sont en demande d’un appui technique et d’ingénierie qui, aujourd’hui, peut faire défaut – notamment dans les collectivités les plus fragiles. Les élus les plus motivés sont parfois découragés.

Consolidée par la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et par la loi NOTRe, la décentralisation a transformé l’État prescripteur en État facilitateur, ce qui a eu pour effet pervers la multiplication des organes. Vous l’avez indiqué, il faut retrouver de la simplicité, en particulier dans les territoires, pour libérer les initiatives locales. La création de l’agence doit permettre de répondre à cette exigence, afin d’accompagner les élus qui, s’ils peuvent parfois manquer de compétences techniques, juridiques ou administratives, ne manquent ni d’idées, ni d’énergie pour mener à bien leurs projets.

Certaines intercommunalités ont même déjà mis en place un certain nombre d’éléments pour répondre aux initiatives locales. Nous comptons énormément sur cette agence pour résorber les inégalités entre les collectivités.

Ma première question est la suivante : quels besoins les élus, notamment ceux des collectivités les plus fragiles, vous ont-ils fait remonter en termes d’ingénierie ? À titre d’exemple, ne serait-il pas pertinent d’imaginer un support aux collectivités à travers la création d’un service d’agents itinérants en capacité de se rendre dans les communes pour fournir cet appui, notamment au sein des nouvelles intercommunalités, créées à la suite de la loi NOTRe ?

Au niveau du financement, l’agence pourra ainsi mobiliser les ressources dont disposent l’État et ses opérateurs au profit de ceux qui portent localement des projets. L’ANCT résultera de la fusion de trois organismes : l’EPARECA, l’Agence du numérique et le CGET. Nous regrettons cependant que celle-ci ne soit pas plus poussée, avec le regroupement d’autres organismes. Nous comprenons la nécessité de rendre rapidement opérationnelle cette agence, mais cette fusion, à notre sens, ne doit être qu’une première étape qui devrait en appeler d’autres. Il existe en effet 486 opérateurs différents, pour un budget global de 51 milliards d’euros. Nous avons donc encore des efforts de simplification à réaliser.

Ma seconde question est donc la suivante : au sein de ce millefeuille administratif, quelles fusions vous paraissent pertinentes ?

Enfin, s’agissant de la gouvernance, le Sénat a proposé que le conseil d’administration offre une majorité aux élus. Il me semble qu’une nécessité d’équilibre et d’équité de l’ensemble des acteurs, que ce soit au niveau territorial, parlementaire ou de l’État, devrait être envisagée.

M. Guy Bricout. Madame la présidente, mes chers collègues, enfin nous semblons voir le bout du chemin quant à la création, promise, je le rappelle, depuis juillet 2017, de cette agence indispensable à nos territoires, notamment aux plus démunis d’entre eux. Je pense à nos territoires ruraux qui, souvent, malgré nombre d’efforts, restent au bord du chemin, faute d’ingénierie suffisante et de moyens, tant humains que financiers.

Aussi, nous avons réellement besoin que cette nouvelle agence traite de manière efficace, avec une vision d’ensemble, les différents maux dont souffrent notamment nos territoires ruraux : mauvaise couverture numérique, manque d’infrastructures de transport, accès aux soins et aux services publics lacunaires.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter de ce coup d’accélérateur qui a permis l’examen de cette proposition de loi, qui avait été défendue par le groupe UDI, Agir et Indépendants. L’examen de ce texte par le Sénat a, semble-t-il, réellement permis, tant en commission qu’en séance, de faire d’ores et déjà évoluer les contours de l’agence dans le bon sens. Je pense notamment aux amendements ayant permis de renforcer le poids des élus au sein du conseil d’administration et d’acter le fait que l’agence sera dédiée en priorité aux territoires en difficulté, en coordination avec les collectivités.

Mais, pour que cette future agence soit viable, elle devra être construite dans un parfait équilibre entre les dispositifs existants et ses prérogatives. Pour ne prendre qu’un exemple, j’ai participé, en tant qu’élu local, à la mise en place de l’Agence iNord, venue se substituer à l’ancienne Agence technique départementale du département du Nord. Cette agence, au service de toutes les communes et intercommunalités, a vocation à leur apporter toute l’assistance technique nécessaire dans différents domaines – stratégie de développement territorial, aménagement durable, sport, accès aux financements européens… – pour assurer un développement équilibré du territoire.

Quels seraient, selon vous, les garde-fous à mettre en place pour que chacun trouve sa place dans cette future organisation et que les acteurs d’aujourd’hui, qui ont fait preuve de leur efficacité, ne se voient pas appauvris, délestés par l’irruption de la nouvelle agence ?

Ensuite, il conviendra de veiller à un parfait équilibre de sa gouvernance. Pour cela, elle devra compter autant d’élus locaux de secteurs défavorisés que de secteurs favorisés ; quelle est votre position sur cette question ?

Enfin, l’équilibre devra être parfait également dans le choix des actions retenues, face au nombre de demandes qui vont affluer. Comment devrons-nous définir, parmi l’ensemble de nos territoires, ceux qui sont les plus démunis, ceux ayant le plus besoin d’ingénierie, et sur quels critères ? Ne risquons-nous pas de créer des avantages et des incompréhensions ?

M. Hubert Wulfranc. Nous avons affaire à un objet encore assez mal identifié, qui est l’une des conclusions de la lente dégradation du triptyque constitué par la commune – le terme « territoire » remplace trop souvent le mot « commune » –, le département – acteur majeur des solidarités et de la cohésion territoriale – et l’État, entité de cohésion nationale, au profit du triptyque métropole-région-Europe.

Aujourd’hui, les collectivités territoriales, en particulier les communes, sont en difficulté pour renouveler, pérenniser leur encadrement – les facteurs sont largement connus, mais il convient tout de même de rappeler cette situation.

Cette proposition de loi ne fait aucune référence à la filière de la fonction publique, qui est pourtant une vraie problématique s’agissant de la consolidation de l’expertise de nos collectivités territoriales, mais également de la sphère d’élargissement des compétences, qui mériterait d’être examinée au vu des moyens de moins en moins importants qui sont déclinés à l’échelle des collectivités territoriales. Car lorsqu’un élu local est privé d’expertise, c’est toute son autonomie politique qui est remise en cause. Nous touchons là à l’engagement de l’élu auprès de ses électeurs.

Je ne m’étendrai pas sur les départements, dont la situation est bien connue. Les services de l’État et ses opérateurs sont en perte de matière, ce qui prive les élus locaux d’interlocuteurs et de discours national.

Vous avez soulevé un certain nombre d’interrogations. Quid des destinataires ? Nous considérons qu’il y a trop de zonages. La fragilité des territoires est souvent l’objet de manipulations délicates. L’agence devra donc posséder un caractère universel au niveau du territoire national. Par ailleurs, la pérennité de financement devra être établie, faute de quoi les élus ne disposeront pas de moyens de prospective. Bref, les élus communistes considèrent que trop de questions restent problématiques, dans cette proposition de loi.

M. Bertrand Pancher. L’Agence nationale de la cohésion des territoires, c’est bien, mais ce n’est pas ce qui va nous faire grimper aux rideaux ! Je dis « c’est bien », parce que cela fait vingt ans que l’État a abandonné toute politique d’aménagement du territoire : depuis la disparition de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) et le quasi-abandon des politiques de contractualisation. La preuve en est : quand nous appelons une préfecture départementale, plus personne ne s’occupe d’aide au développement et à l’aménagement du territoire.

Le fait que l’État ait la volonté de regrouper ses moyens et de faire en sorte qu’il y ait des interlocuteurs plus proches des territoires est donc une bonne nouvelle. Nous soutiendrons cette proposition de loi, et partageons les réflexions des fédérations d’élus locaux. Mais ce n’est pas, comme je le disais à l’instant, ce qui va nous faire grimper aux rideaux, car malgré la volonté de déconcentrer les services de l’État, l’agence ne bénéficiera pas de moyens supplémentaires. Elle ne pourra donc pas être un puissant outil d’aménagement du territoire.

Pour qu’il soit efficace, ce nouvel outil devra travailler intelligemment avec les élus territoriaux. Des élus que nous devrons aider à mettre en place leurs propres outils, même si, depuis l’abandon des politiques d’aménagement du territoire par l’État, ils se sont pris en main.

Or, il reste beaucoup trop de trous dans la raquette : les petites intercommunalités ne disposent pas des moyens de s’engager dans les politiques d’aménagement du territoire ; les départements ne savent pas toujours – ne nous racontons pas d’histoires – comment travailler avec les régions.

Il serait donc intelligent que nous nous engagions dans une structuration dynamique des territoires, afin qu’ils puissent tous bénéficier d’agences d’attractivité qui soient l’émanation des structures communales, des départements et des régions. Je souhaiterais vous faire réagir sur le sujet suivant : n’aurions-nous pas intérêt à pousser un peu plus loin, c’est-à-dire à obliger, à travers cette proposition de loi, tous les territoires à se « mailler » ?

Enfin, je trouve l’idée de relancer la contractualisation très intelligente. Nous devons nous engager dans cette direction en actant un calendrier de structuration de nos réflexions, notamment par le biais de la contractualisation.

M. Guillaume Garot. Le texte portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires sera bientôt présenté à l’Assemblée nationale, après avoir été discuté et adopté, en première lecture, par le Sénat. L’un des amendements adoptés par les sénateurs vise à cibler l’action de l’ANCT sur les territoires en difficulté, en matière démographique, économique ou d’accès au service public. Le texte qui sera discuté à l’Assemblée est d’autant plus intéressant qu’il s’inscrit dans une logique de décentralisation. Nous devons cependant rester attentifs, le Gouvernement ayant tendance à vouloir recentraliser les missions de la future agence.

S’agissant des ressources de l’agence, messieurs, j’aimerais connaître vos propositions pour doter l’ANCT de ressources suffisantes.

Un amendement du Sénat précise que les prestations de l’agence seront gratuites ; seules celles qui correspondront aux missions industrielles et commerciales de l’EPARECA pourraient être facturées. Quel est votre avis sur cette question ?

Enfin, en ce qui concerne la gouvernance, le Gouvernement a déposé au Sénat un amendement visant à accorder aux représentants de l’État au moins la moitié des sièges du conseil d’administration de la future agence ; quel est votre avis sur cette modification ?

M. Pierre Jarlier. Monsieur Jean-Claude Leclabart, vous avez évoqué la nécessaire souplesse de la future agence. Celle-ci devra être certes nationale, mais véritablement déconcentrée ; l’échelon départemental semble pour cela le plus adapté, car plus proche du terrain – en lien direct avec les intercommunalités.

Concernant les territoires qui bénéficieront, en priorité, de l’appui de l’agence, il ne me semble pas bon d’opposer le rural et l’urbain ; certains quartiers périurbains sont eux aussi en très grande difficulté. C’est pourquoi nous sommes favorables à la disposition, amendée par le Sénat, donnant la priorité aux territoires les plus fragiles, qu’ils soient périurbains ou ruraux.

Nous pouvons cependant nous interroger quant à l’éligibilité des métropoles à ce dispositif : même si elles sont dotées de moyens importants en ingénierie, il convient de ne pas les exclure d’emblée. Mais, bien entendu, les territoires les plus fragiles devront être prioritaires.

L’agence pourrait également avoir pour mission de faire remonter à l’ensemble des structures de l’État nos préoccupations. Un suivi serait alors nécessaire, car faire remontrer les problèmes, c’est bien, mais apporter des solutions, c’est mieux.

Monsieur Jean-Marie Sermier, s’agissant de la gouvernance locale, je vous ferai à peu près la même réponse que dans mon propos liminaire : le relais de l’agence doit se faire au plus près du terrain. En d’autres termes, le préfet – voire le sous-préfet – est selon nous l’interlocuteur idéal, proche du terrain et des élus.

Vous nous demandez ensuite comment devrait être financée l’agence. J’ai bien un élément de réflexion à vous soumettre, mais il appartient à l’État de répondre à cette question. Certains territoires possèdent une puissante dynamique économique et démographique, ainsi qu’une capacité d’intervention très forte. À partir de ce constat, nous devons nous poser la question de la juste répartition des richesses sur le territoire national et sans doute nous faudra-t-il aussi, à un moment donné, nous poser celle de la solidarité territoriale pour financer l’ingénierie nécessaire aux territoires qui ont le plus besoin de soutien.

Je vous rappelle la proposition de l’Association des petites villes de France : prélever 1 % des recettes de fonctionnement des métropoles pour le redistribuer aux territoires les plus fragiles. Je ne sais pas s’il s’agit de la bonne solution, mais c’est une voie intéressante – et surtout nécessaire.

Madame Aude Luquet, l’idée selon laquelle l’agence pourrait mettre des agents à la disposition des territoires, en complémentarité des agents départementaux – qui apportent déjà un certain nombre de services – est une idée intéressante. Que l’agence puisse apporter de l’ingénierie aux collectivités sur des sujets non traités par les agences départementales est effectivement une voie à explorer, d’autant que des outils existent. Je pense au CEREMA, qui dispose d’une ingénierie de premier ordre – vous avez d’ailleurs fait référence à sa capacité d’expertise sur de nombreux sujets – et qui travaille déjà beaucoup avec les départements.

En revanche, nous sommes très prudents quant à l’idée de fusionner d’autres agences de l’État au sein de l’ANCT. Pourquoi ? Parce qu’il a fallu quatre ans au CEREMA pour s’organiser. Or les territoires pour lesquels le risque de fracture territoriale est important ont besoin d’un outil opérationnel rapidement. Par ailleurs, l’objectif de l’agence n’est pas de restructurer les services de l’État, mais bien d’être un outil au service des collectivités, d’autant que l’ANAH, l’ANRU et l’ADEME remplissent leurs missions de façon très satisfaisante. Donc, ne bouleversons pas tout, fédérons des outils au sein de l’ANCT et laissons-la travailler sur le terrain.

Monsieur Guy Bricout, vous avez évoqué la question des inégalités territoriales et souligné le fait que l’agence ne devrait pas travailler au détriment d’agences existantes. C’est là toute la difficulté de l’exercice : trouver le bon équilibre entre l’ingénierie proposée par les agences départementales, qui offrent un vrai service de proximité, et celle de la future agence, qui devra venir en complémentarité.

Enfin, monsieur Bertrand Pancher, vous avez raison, ce n’est pas l’ANCT qui réglera la question de l’absence de politique d’aménagement du territoire. L’organisation territoriale a changé ; dorénavant, ce sont les collectivités qui assurent les différentes compétences de l’aménagement du territoire. Or elles ne sont pas toutes en mesure d’assumer ces nouvelles responsabilités. C’est pourquoi la solidarité de l’État devra être organisée de façon à éviter la fracture territoriale.

L’ANCT devra s’assurer, comme vous l’avez dit, qu’il ne reste pas de « trous dans la raquette », sans quoi nous verrons des métropoles relever les défis qui se présentent en matière de développement durable, de mobilité, de changement climatique, de transition énergétique, alors que les autres territoires ne seront pas en capacité de mener ces politiques.

M. Philippe Herscu. Monsieur Jean-Claude Leclabart, l’échelle départementale ne sera pas un frein aux projets inter-départementaux. J’ai longtemps travaillé en Seine-et-Marne, qui finance une partie du parc naturel du Gâtinais, à cheval sur l’Essonne et la Seine-et-Marne. Les deux départements travaillent ensemble, avec la région concernée et l’État. C’est également le cas pour les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux (PETR).

L’intérêt de l’échelle départementale est sa proximité, notamment depuis la réforme territoriale et le passage à treize régions ; une ingénierie trop éloignée du terrain serait inefficace.

Concernant la mutualisation de l’ingénierie des métropoles, je ne connais pas d’exemple probant. Les agents des métropoles ont déjà un travail à accomplir, de sorte que, s’ils interviennent dans un territoire, ce sera de façon marginale. Peut-être faut-il néanmoins étudier cette idée, mais si une marge de manœuvre existait, elle aurait certainement déjà été identifiée. Par ailleurs, si je me réfère aux agences techniques, il est plus sain que les élus puissent participer à la décision de mutualiser certains outils, pour ne pas dépendre de services qu’ils ne maîtrisent pas.

J’ai évoqué la gouvernance locale dans ma présentation liminaire, en soulignant le rôle du conseil départemental. L’idée selon laquelle il appartiendrait au préfet de rationaliser l’offre et la demande présentes dans le territoire est une bonne idée, sachant que beaucoup a déjà été fait pour repérer les acteurs et les mettre en réseau. Une coprésidence du comité départemental, assurée par le préfet et le président du conseil départemental, est une bonne solution.

S’agissant des besoins en ingénierie des territoires les plus fragiles, nous en avons relevé plusieurs : l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour passer de l’idée au projet, puis passer commande ; la capacité de mesurer les impacts financiers d’un projet, de chiffrer son impact sur le budget communal ou intercommunal ; celle d’identifier les sources de financement mobilisables – ingénierie financière. Mais il y a aussi un besoin d’ingénierie en matière de patrimoine : les routes, la gestion de l’eau, les réseaux, le numérique, les bâtiments à entretenir ou à construire, l’urbanisme… Les autorisations et droits sont parfois complexes, ce qui multiplie les risques de contentieux, pour lesquels les collectivités auront besoin de conseils très pointus.

Par ailleurs, le principe de subsidiarité devra s’appliquer, et une solution trouvée par une collectivité ne devra pas être dupliquée purement et simplement. Il faudra rechercher la complémentarité et éviter à tout prix de multiplier les guichets.

Opposer les territoires favorisés aux territoires fragiles n’est pas la bonne façon de définir les territoires éligibles à l’ANCT ; la question est plus subtile que cela, une métropole pouvant avoir plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). L’échelle géographique sur laquelle le territoire sera considéré est donc très importante : selon l’échelle choisie, nous pourrons conclure soit que la commune est favorisée, soit que le quartier est en très grande difficulté.

Par ailleurs, il est important de rappeler que les territoires ne bénéficieront des aides de l’ANCT que s’ils le demandent. Gardons-nous, dès lors, de visions dogmatiques et de critères trop rigides.

Enfin, il est difficile de répondre à la question relative au financement de l’agence. Il conviendrait pour cela de travailler sur l’ensemble du modèle économique. A priori, l’ANCT restera une agence d’État ; nous lui laissons donc cette responsabilité.

L’AdCF n’est pas favorable à d’autres fusions d’agences nationales entre elles. De même, nous ne sommes pas non plus, a priori, favorables à la démultiplication des agences, qui aboutit inévitablement à un émiettement de la présence de l’État, à un manque de visibilité : big n’est pas toujours beautiful. Il convient donc parfois de se garder de bousculer ce qui fonctionne bien. Par exemple, les élus départementaux sont satisfaits de l’Agence du numérique, qui répond correctement à leurs besoins. M. Pierre Jarlier a cité l’exemple du CEREMA, dont l’organisation a pris beaucoup de temps. Or nous souhaitons créer, non pas une nouvelle crise, mais de la stabilité. Il convient donc de mutualiser avec finesse, sachant que des conventions de partenariat peuvent parfois faire l’affaire, dès lors qu’une volonté politique de travailler ensemble existe.

M. Alain Berthéas. Je rebondirai, tout d’abord, sur les propos de M. Bertrand Pancher et l’obligation des territoires à se « mailler ». Pour se faire, nous devons appliquer une logique de réorganisation de nos territoires. La loi NOTRe a créé de nouvelles communautés et, comme vient de l’indiquer M. Philippe Herscu, big ne veut pas forcément dire beautiful ; d’ailleurs la formule couramment employée par les Anglo-Saxons est plutôt small is beautiful. En revanche, nous devons jouer sur les complémentarités, les réalités et les différences territoriales.

Nous parlons beaucoup d’intercommunalités, de communes qui se regroupent – et, dans ce groupement, du bloc local. Il serait grand temps de parler d’« inter-territorialités » et de définir leurs complémentarités. Et au-delà de la mutualisation, de déterminer l’intérêt, pour les territoires, de travailler les uns avec les autres.

Lors de leur constitution, l’idée était que les métropoles allaient irriguer les territoires voisins. Il est aujourd’hui aisé d’expliquer à un président de conseil métropolitain, qui a tendance à vouloir récupérer un certain nombre de choses, qu’il n’a rien à gagner à « assécher » les territoires voisins, car il risque au contraire de tuer la capacité des collectivités à participer à l’aménagement du territoire. Le maillage des territoires doit nous amener à nous poser la question des relations entre eux, de leur complémentarité et, au-delà, de leur contribution aux équipements.

La notion de bassin de vie, au sens strict de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), est trop administrative et correspond assez peu aux réalités géographiques des territoires. En revanche, quand nous étudions l’articulation entre les bassins de vie et les bassins d’emploi, nous constatons que nous sommes bien dans une inter-territorialité ; les bassins d’emploi se développent sur plusieurs territoires et sont alimentés par plusieurs bassins de vie. Il me semble que c’est à cette échelle, qui tient compte de la réalité du territoire, que nous devons mener nos réflexions ; c’est dans ce sens que la contractualisation doit être étudiée.

De nombreuses questions relatives à la gouvernance ont été posées, alors que je m’attendais à être questionné sur l’organisation de l’agence car, en voulant arrêter dès à présent la gouvernance, nous répondons à la question du « comment » avant d’avoir défini le « quoi » et le « pourquoi ». Quel est l’objectif de l’agence ? Pourquoi devons-nous la créer ? Que va-t-elle devoir mettre en œuvre ? Lorsque nous aurons répondu à toutes ces questions et défini une stratégie opérationnelle, la gouvernance adéquate s’imposera naturellement.

Les trois fédérations d’élus présentes aujourd’hui se rejoignent sur le fait que cette gouvernance devra être équilibrée et que les acteurs locaux devront être représentés : non pas pour imposer des points de vue, mais pour que la discussion soit la plus large possible et que la définition des solutions mises en œuvre puisse satisfaire les différentes parties prenantes.

Je rejoins les propos de M. Pierre Jarlier relatifs à la fusion des différentes structures. Il est extrêmement compliqué de réaliser des fusions, et ce pour de nombreuses raisons. Au-delà de la fusion, nous devons nous interroger sur les bienfaits d’un réseau d’acteurs hors les murs, par opposition à une structure fixe, unique.

L’intérêt du réseau d’acteurs, quand il est envisagé au sens d’une fédération, c’est qu’il peut être rapidement opérationnel et qu’il est très réactif. Je pense aux agences d’urbanisme que nous citons rarement – le rapport de M. Serge Morvan ne les cite que deux fois ; il en existe quarante-neuf sur l’ensemble du territoire.

Enfin, tout le monde évoque la mutualisation en termes d’économies à court terme, ce qui est une grave erreur. La mutualisation permet la rationalisation de l’utilisation des moyens, à moyen et long termes, et non pas forcément à réaliser une économie à court terme.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Je vous remercie, messieurs. Vous pourrez compléter et préciser un certain nombre de points après les questions que vont maintenant vous poser nos autres collègues. Je demande aux uns et aux autres d’être concis…

M. Jean-François Cesarini. Chacun de vous l’a dit, l’ANCT a vocation à accompagner les territoires selon leurs propres spécificités, et non à uniformiser les dossiers pour répondre aux appels à projets.

Ensuite, vous avez rappelé l’équation : un territoire, un projet, un contrat. Nous sommes tous d’accord sur ce point. En revanche, il convient de définir ce que sont un projet et un territoire. Pensez-vous que chaque ville ira frapper à la porte de l’agence pour obtenir un nouveau gymnase ? Que chaque département ira lui demander des financements pour son nouveau rond-point ? Ne pensez-vous pas, au contraire, que c’est non pas le territoire qui fait le projet, mais le projet qui délimite le territoire – sur les bassins de vie, les bassins d’emploi ?

Qui est à l’œuvre ? Les PETR ? Les pays ? Les syndicats mixtes ouverts ? En clair, les projets peuvent déboucher sur des infrastructures, mais l’infrastructure elle-même n’est pas un projet. Ce n’est pas parce qu’une collectivité construit un théâtre qu’elle a une politique culturelle.

M. Martial Saddier. Je voudrais tout d’abord saluer nos invités, et en particulier mon ancien collègue de l’AMF.

Ce texte aura au moins le mérite de faire apparaître devant l’Assemblée nationale le malaise profond qui existe entre les territoires. Plus les temps de déplacement entre les territoires et les métropoles sont longs, plus le malaise est profond.

À ce profond malaise, le Gouvernement répond par une agence nationale, composée d’hommes et des femmes qui se réuniront dans un bureau à Paris pour répondre au malaise de territoires très éloignés. Permettez-moi de vous faire part de mon scepticisme…

Oui, des questions se posent sur la gouvernance, car c’est le Parlement, à travers une loi, qui la déterminera. Et c’est la gouvernance qui, in fine, validera les projets des territoires. Nous avons donc, c’est vrai, de grandes inquiétudes quant à la gouvernance de cette nouvelle agence.

La question des moyens est également importante, car je ne sais pas, mes chers collègues, si vous vous êtes rendus dernièrement dans les préfectures, mais elles sont vides, à force d’avoir été ponctionnées par l’échelon régional, de sorte que, si l’on attribue le rôle d’interlocuteur au préfet, des moyens devront nécessairement lui être alloués.

Mme Sophie Auconie. Je vous remercie, messieurs, pour vos présentations très intéressantes. Je salue en particulier M. Pierre Jarlier, que je suis ravie de retrouver ici.

L’ANCT aura trois défis à relever, relatifs aux moyens, aux hommes et à la tyrannie administrative. Si elle y parvient, elle aura réussi à améliorer les conditions de vie de nos collectivités locales.

De moins en moins de maires de petites communes, de communes rurales, envisagent de se représenter aux prochaines élections ; il s’agit là d’un vrai sujet. Allez-vous parvenir à réenchanter le rêve des collectivités ?

Ces maires disposent par ailleurs de moins en moins de moyens. Nous avons découvert, avec Mme Yolaine de Courson, que seulement 1,7 % des aides du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) étaient versées et que seulement 7 % étaient engagées en projets. Dans les deux ou trois ans qui restent d’ici la fin de la programmation en cours, allez-vous enfin régler ce problème ?

Enfin, la tyrannie administrative asphyxie nos collectivités locales. En résumé : allez-vous participer au millefeuille territorial ou allez-vous le réduire ?

M. Didier Martin. Cette table ronde nous permet d’entendre trois principaux acteurs des territoires, mais d’autres sont absents, je pense en particulier à France urbaine et à Régions de France, qui ont formulé des propositions.

Messieurs, que pensez-vous de la proposition de France urbaine relative à un mécénat de compétences ? Il est vrai que les compétences sont multiples – vous les avez tous illustrées dans vos propos Les métropoles sont dotées d’agences de développement et d’attractivité, d’agences d’urbanisme ; il conviendrait avant tout de mutualiser l’existant.

Enfin, très concrètement, comment voyez-vous s’établir la cohésion entre les territoires à travers cette agence qui devra être facilitatrice, simplificatrice et mobiliser les moyens existants à périmètre constant ?

M. Jean-Yves Bony. Il était important, messieurs, de vous recevoir pour connaître le ressenti des territoires et des élus locaux, concernant la création de cette agence. Je vous remercie donc de votre présence. Je salue en particulier le maire de Saint-Flour, M. Pierre Jarlier.

La réussite de l’agence passera par la prise en compte de l’existant, mais aussi par une définition claire de la gouvernance. Ne pensez-vous pas que le risque majeur, à terme, ne soit une reprise en main de l’État des décisions d’investissement de nos collectivités ?

M. Pierre Jarlier. S’agissant de l’échelle pertinente d’un projet, monsieur Jean-François Cesarini, nous sommes entièrement d’accord : nous ne parlons pas ici de projet diffus, mais de projet territorial. À savoir, d’un diagnostic, d’objectifs communs partagés, de projets reconnus comme prioritaires sur un territoire donné et d’une contractualisation.

Monsieur Martial Saddier, il est évidemment nécessaire que des moyens territoriaux soient mis en place. L’ANCT devra être déclinée sur le terrain, avec un relais important de l’État, notamment au sein des sous-préfectures et des préfectures – alors même que, comme vous l’avez rappelé, elles sont vides – de sorte que, parallèlement à la création de l’agence, un redéploiement des services de l’État sur le territoire sera nécessaire pour accompagner le développement local.

Madame Sophie Auconie, la cohérence entre les fonds européens et les fonds de l’État est une question majeure qui se posera tant que nous n’arriverons pas à mieux les coordonner à partir d’un projet. Peut-être devrons-nous, pour la prochaine programmation des fonds européens, envisager de nous « accrocher » à des projets territoriaux – en lien avec l’État – pour pouvoir en bénéficier et les consommer. Aujourd’hui, nous n’arrivons pas, et c’est une catastrophe, à consommer les crédits européens qui nous sont alloués, alors même que nous manquons de financements d’État pour aménager le territoire ! L’agence pourrait être un outil efficace pour coordonner ces fonds.

Concernant le mécénat de compétences, je suis d’accord avec ce qui a été dit : la mutualisation avec les agences d’urbanisme est capitale. Mais attention, car lorsque l’on regarde la carte de ces agences, on s’aperçoit que, comme l’a dit M. Bertrand Pancher, il y a des « trous dans la raquette ». La question de l’organisation territoriale des agences d’urbanisme se posera donc. Une cohérence, une complémentarité devra être trouvée avec l’ANCT.

Enfin, il existe en effet un risque de recentralisation. Nous devrons veiller à ce que les collectivités puissent continuer à choisir les projets territoriaux qu’elles souhaitent mener et que l’État les soutienne sans se substituer aux territoires pour les choix stratégiques.

M. Alain Berthéas. Concernant les projets territoriaux, je le répète, nous devons à tout prix éviter l’émiettement.

Nous travaillons, aujourd’hui, sur des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ou des PETR ; il existe beaucoup trop de zonages. Il est donc indispensable, dans le cadre du maillage du territoire, de définir le territoire pertinent, de façon que le projet ait une logique.

Concernant les relais, moi qui suis élu d’une ville de sous-préfecture, je vous rejoins : j’aime beaucoup le sous-préfet, mais je ne sais pas à quoi il pourrait me servir, car il n’a plus de services ! En réalité, c’est lui qui s’appuie, pour un certain nombre de sujets, sur les services de l’agglomération Loire-Forez. Cela ne me dérange pas, mais il faudrait l’officialiser…

S’agissant des fonds européens, je suis entièrement d’accord avec les propos de M. Pierre Jarlier. La multiplicité des contrats complexifie leur utilisation. Une cohérence est nécessaire.

Enfin, quand nous évoquons, à l’AdCF, l’assise territoriale, c’est bien parce que nous souhaitons éviter une recentralisation et sortir de toutes les crises que nous connaissons actuellement. Il faut, nous dit-on, refonder la République ; eh bien, posons un certain nombre de questions claires à ce sujet.

M. Philippe Herscu. Concernant léchelle des projets, certaines thématiques se traitent à léchelle communale pour lunique raison que la compétence est communale – bâtiment à entretenir, petite enfance, etc. Mais dautres sujets, tels que la politique de lhabitat ou le tourisme, se traitent à léchelle dun territoire plus large. Il existe des outils pour cela : syndicats, pays, intercommunalités, etc. Lingénierie de lagence devra sadapter à lexistant.

S’agissant du mécénat de compétences, des choses intéressantes commencent à émerger. Le Val-d’Oise a élaboré une plate-forme informatique visant à repérer les compétences présentes sur son territoire et à orienter les élus vers l’interlocuteur susceptible d’apporter une solution à leur problème – le CAUE, l’agence départementale d’information sur le logement (ADIL), l’agence d’urbanisme… Et si personne n’est compétent, quelqu’un, au conseil général, prendra le relais dans la recherche d’une solution.

Dans l’Orne, on s’est aperçu que, pour les questions relatives à l’habitat, certaines intercommunalités étaient très performantes. Elles font donc partie de l’agence technique départementale, et se mettent au service de ceux qui ont besoin de leurs compétences en la matière.

D’autres départements ont tenté de repérer les compétences de chacun avant de créer une structure. Mais c’est plus difficile dans ce sens.

Enfin, pour ce qui concerne le risque de reprise en main par l’État, il me semble que, depuis la décentralisation, les collectivités sont incontournables. La gouvernance sera un garde-fou pour définir une politique équilibrée, avec l’État. Le rapport de M. Serge Morvan prévoit une commission chargée de lancer l’alerte en cas de décisions nationales potentiellement délétères pour les territoires.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Nous en venons à la dernière série de questions.

M. Jean-Luc Fugit. Les territoires sont souvent soumis à plusieurs plans et schémas dont les réglementations et les calendriers sont différents ; je pense au SCoT, au plan local d’urbanisme (PLU), au plan de déplacements urbains (PDU), au plan de protection de l’atmosphère (PPA), au plan d’exposition du bruit (PEB), au plan climat-air-énergie territorial (PCAET) ou encore au schéma régional climat-air-énergie (SRCAE).

La compatibilité entre ces réglementations est parfaitement opaque pour beaucoup de citoyens, élus ou non. Les périmètres et les calendriers diffèrent et ne permettent pas une synergie des actions préconisées et financées dans chaque plan. Une approche globale intégrant une stratégie énergétique, par exemple, comme élément fort et fédérateur, me semble souhaitable pour ne pas disperser nos efforts.

À l’occasion de la création de cette nouvelle agence, ne devrions-nous pas proposer aux territoires de mettre en place une véritable politique de coordination et de simplification des différents plans à mettre en œuvre dans les différents domaines ?

M. Vincent Descoeur. À l’occasion des auditions conduites pour ce projet de création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires, j’ai régulièrement interrogé nos interlocuteurs sur l’articulation de cette nouvelle agence et des agences départementales d’ingénierie. Plus de la moitié des départements en ont créé une, très souvent sur la base de la mutualisation de compétences. Elles sont devenues, au fil des ans, des interlocuteurs incontournables des collectivités dans des domaines variés, tels que le numérique, l’eau, l’assainissement ou la voirie.

Je voudrais profiter de la présence du représentant de l’ADF pour recueillir son avis sur cette question et savoir si l’ADF a été associée, en amont, pour évoquer très concrètement cette articulation et éviter ainsi des doublons.

Enfin, je partage les interrogations de M. Pierre Jarlier et de mon collègue M. Martial Saddier sur les moyens budgétaires et humains dont disposera l’agence, tout en privilégiant le cadre départemental.

Mme Yolaine de Courson. La proposition de loi indique que l’action de l’ANCT ciblera prioritairement les territoires caractérisés par des difficultés en matière démographique, économique ou d’accès au service public. Que pensez-vous de ces critères ?

Par ailleurs, les projets qui seront soutenus auront pour objet le maintien des services publics, la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, la transition écologique, la lutte contre le changement climatique, la pollution des sols, l’accès aux soins et aux transports et le numérique. Qu’en pensez-vous ?

Ces deux listes sont-elles suffisantes ou, au contraire, sont-elles inutiles ?

Enfin, au-delà de l’ingénierie de projet départemental, n’est-il pas nécessaire d’avoir une ingénierie plus en « amont », de type benchmarking ou prospectif ?

Mme Nathalie Bassire. L’une des missions essentielles de l’ANCT, inscrite à l’article 2 de la proposition de loi, est d’impulser, d’animer, d’accompagner les projets et les initiatives numériques développés par différents acteurs.

Concernant le numérique, l’outre-mer possède une spécificité évidente : le surcoût de l’internet grand public, qui est au-delà du raisonnable et ce, sans justification technique. À La Réunion, l’abonnement coûte en moyenne 30 % de plus qu’en métropole. Dans ces conditions, pensez-vous que cette mission de l’ANCT pourra s’exercer, sans entrave, en outre-mer ?

Je note la volonté présidentielle de rassembler, pour une meilleure mutualisation, tout ce qui a trait à la cohésion des territoires, dans un souci de simplification notamment. Mais pouvons-nous être sûrs que toutes les agences concernées par une mission de cohésion des territoires signeront la convention ? Je rappelle qu’elles n’y seront pas obligées… Et selon quel schéma supérieur ? Si j’entends bien que la fusion peut être problématique, une agence nationale unique, aux missions partagées par d’autres agences, risque de faire perdurer les pesanteurs et les lourdeurs administratives.

M. Alain Perea. Je vous remercie, messieurs, pour vos réponses claires et engagées. Je tiens tout particulièrement à saluer l’intervention de M. Alain Berthéas sur la nécessité de définir véritablement ce que nous allons mettre dans cette agence avant de passer des heures à débattre de la composition de son conseil d’administration. J’espère que certains de nos collègues vous auront entendu, monsieur…

L’aménagement du territoire a été organisé, en France, selon des logiques d’entraînement, Paris devant entraîner les autres territoires. Puis, avec les lois Chevènement, ce sont les villes-centres qui ont été supposées entraîner tous les territoires, notamment ruraux. Or, nous nous sommes rendu compte que cela ne fonctionnait pas, pour différentes raisons. Nous avons ensuite testé une logique de concurrence-solidarité, selon laquelle nous mettions les territoires en concurrence – un peu comme dans les entreprises privées – pour ensuite appliquer une politique de solidarité.

Nous tentons, depuis dix-huit mois, de parler de cohésion des territoires. Or vous n’avez pas beaucoup prononcé ce mot lors de vos interventions. Quelle est votre définition, comment envisagez-vous cette cohésion des territoires ?

M. Vincent Thiébaut. Nous parlons beaucoup de moyens, d’enveloppes, d’agences, de coordination pour accompagner les territoires dans la réalisation de leurs projets. Mais comment les accompagner dans l’idée même de définir ce qu’est un projet et la thématique d’un projet ? En effet, les territoires ne sont pas égaux, je pense même que certains territoires « s’ignorent », c’est-à-dire qu’ils ne sont pas en mesure d’identifier la thématique qui pourrait être mise en avant dans le cadre d’un projet de redynamisation. Je rejoins là M. Jean-François Cesarini : il faut que le projet puisse dépasser les frontières d’un EPCI ou même d’un département.

M. Fabrice Brun. S’agissant du grand débat souhaité par le Président de la République, se pose une première question sur la forme, afin qu’il ne vire pas au grand déballage, mais aussi, et surtout, sur le fond : est-ce le rôle des maires de récupérer la « patate chaude », alors qu’ils sont méprisés depuis des mois, ainsi que l’a montré le dernier congrès national des maires ?

Les représentants de l’État dans les territoires sont les préfets, les sous-préfets et l’administration déconcentrée. Ne serait-ce pas davantage leur rôle d’organiser ce grand débat avec les Français, prévu au début de l’année prochaine ?

Je souhaiterais connaître votre avis d’élus locaux sur ce sujet – je me rends bien compte du caractère sensible de ma question.

M. Pierre Jarlier. La position de l’AMF est claire : il appartient à l’État de mener cette grande concertation, et aux collectivités, si elles le souhaitent, de s’y associer. Et non pas l’inverse : à chacun ses responsabilités. Par ailleurs, il ne faut pas que certains élus locaux se substituent aux élus directement concernés par les grandes préoccupations soulevées.

Monsieur Jean-Luc Fugit, vous avez rappelé le nombre important de plans et de schémas. Il convient en effet de les limiter, ainsi que le nombre de contrats ; tout cela devient ingérable. Nous avons besoin d’un schéma intégrateur adapté à chaque territoire, pour éviter de multiplier les frais d’ingénierie, difficilement mobilisables.

Il est par ailleurs important d’optimiser les moyens et non de les opposer. Les agences départementales assurent un vrai service de proximité, notamment en faveur des communes. L’ANCT devra apporter une ingénierie d’un autre niveau et mettre en musique les projets territoriaux avec des compétences dont ne disposent pas forcément les agences départementales.

Madame Yolaine de Courson, il me paraît difficile d’établir une liste des critères de fragilité, car chaque territoire a, par définition, sa propre fragilité : celle du Cantal ne sera pas la même que celle des secteurs périurbains. En revanche, il est tout à fait possible d’afficher les grands sujets transversaux, tels que l’accès au numérique, l’accès aux soins ou l’accès aux services, qui concourent à assurer l’égalité des territoires. Car le sujet, au-delà de la cohésion, c’est bien celui de l’égalité des territoires, égalité qui est inscrite dans la loi NOTRe, dans le cadre des compétences des régions – qui doivent en être les garantes.

Concernant l’Agence du numérique, qui fonctionne très bien, est-il indispensable de la fondre dans l’ANCT ? Je n’ai pas la réponse. Je n’ai pas eu l’occasion de l’utiliser, mais il me semble important que certains territoires puissent continuer à bénéficier de l’efficacité de cet outil.

Madame Nathalie Bassire, je suis d’accord avec vous, il convient de s’interroger sur les spécificités des sujets touchant l’outre-mer – j’ai eu l’occasion d’y travailler lorsque j’étais parlementaire – et d’y apporter des réponses tout autant spécifiques.

Monsieur Alain Perea, ma définition de la cohésion des territoires est la capacité, pour un territoire, à bénéficier des mêmes chances que le territoire voisin et à faire vivre sa population dans de bonnes conditions de proximité de services, de développement et de qualité de vie.

Pour déterminer l’échelle d’un projet, l’agence devra faire preuve de souplesse. Pour certains projets, le pays sera la bonne échelle, et pour d’autres, ce sera l’EPCI, le PETR...

Enfin, concernant la gratuité de l’ingénierie, ne nous mentons pas : une ingénierie de qualité ne peut être gratuite. Son coût nous sera donc imputé. C’est la raison pour laquelle l’une des vocations de l’agence sera de faire en sorte que l’ingénierie soit accessible à tous et que son coût soit adapté à la capacité de financement de chacun. Car tous les territoires en ont besoin, surtout les plus fragiles. Et, je le répète, ils auront besoin d’une expertise à la fois fine et forte pour faire face aux grands défis qu’ils ont à relever.

M. Alain Berthéas. L’AdCF a produit, au mois de juillet, un document – analyses et propositions – concernant la cohésion territoriale. Nous l’avons intitulé « Cohésion territoriale : la nécessité d’une vision, le temps d’une nouvelle ambition. » Nous ne devons pas occulter la réalité des différences et des diversités de nos territoires.

Quand nous parlons de cohésion, il est indispensable de parler également de coproduction ; il convient d’associer les élus locaux et l’ensemble des acteurs du territoire de façon à pourvoir répondre aux enjeux territoriaux, d’aujourd’hui et de demain. Lorsque nous parlons de cohésion, il est indispensable d’avoir une vision la plus globale et la plus prospective possible.

Mme Nathalie Bassire a évoqué le problème du numérique à La Réunion. Je serais bien incapable d’y apporter une réponse, mais qui pouvait prévoir, il y a dix ans, cette accélération du temps lié au numérique ? Une accélération touchant tous les acteurs, qu’ils soient économiques, institutionnels ou des particuliers. Nous devons tenir compte de cette réalité : le numérique est l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas de cohésion sur les territoires. Certaines communautés rurales ou « rurbaines » – puisque nous inventons de nouveaux mots – doivent payer elles-mêmes leur accès au numérique. Il s’agit bien d’une forme de non-cohésion.

Par ailleurs, l’État devra être en capacité de définir les grandes priorités de l’action publique dans les territoires. Et l’ANCT pourrait, non seulement être un outil de pilotage de ces politiques territoriales, mais également travailler sur la notion de cohérence et de cohésion.

Enfin, s’agissant du grand débat, je ne peux que me joindre aux propos de M. Pierre Jarlier, sur la forme comme sur le fond. Nous devrons cependant nous poser un certain nombre de questions et les assises territoriales pourraient nous permettre de trouver quelques réponses en matière d’organisation républicaine territoriale.

S’agissant des cibles prioritaires, madame Yolaine de Courson, je vous donnerai non pas la position de l’AdCF mais la mienne. Je suis toujours gêné lorsqu’une telle liste est établie sans qu’un diagnostic précis ait été réalisé au préalable et sans que l’ensemble du territoire ait été consulté.

Nous devons, tout d’abord, définir une vision globale, ensuite les besoins et, enfin, lister les cibles prioritaires. Sinon, nous risquons d’agir par rapport à des ressentis ou parce que certains parlent plus fort que d’autres.

Enfin, quant à l’ingénierie, je suis partisan d’une mise en réseau afin de faire collaborer l’ensemble des compétences. Certaines existent déjà dans bon nombre de nos territoires, il nous reste à identifier celles qui nous manquent et à mettre en œuvre les solutions pour boucher les trous de la raquette...

M. Jean-François Cesarini. Je suis ravi que nous soyons d’accord sur le fait que le projet n’est pas l’infrastructure. Mais il ne doit pas non plus être uniquement public ; l’agence devra accompagner des projets publics comme privés.

Enfin, nous devons bien comprendre que les élus disposeront d’une double ingénierie : l’ingénierie du territoire, qui devra travailler avec les associations et les entreprises, et celle de l’agence qui viendra en appui, en accompagnement, et non pas pour se substituer aux territoires.

M. Philipe Herscu. Monsieur Vincent Descœur, nous avons reçu M. Serge Morvan et lui avons rappelé l’importance des agences départementales, dont il est d’ailleurs conscient ; M. Serge Morvan est en effet un ancien DGS de département, qui a lui-même créé une agence départementale. Il nous a donc garanti qu’il ne s’agira pas de doublonner les agences et que l’ANCT interviendra à un autre niveau ou sur des territoires dépourvus d’agence départementale – en application du principe de subsidiarité.

Le nombre très important de schémas et de plans est l’un des serpents de mer de l’aménagement du territoire. Certains problèmes sont récurrents : la diversité des échelles d’intervention, la diversité des temps d’intervention – entre le temps des contrats, le temps des mandats, le temps du quinquennat… Mais nous devons faire avec cette réalité.

En ce qui concerne la définition des critères et des secteurs d’intervention, il conviendrait en effet de ne pas être trop précis, sinon nous courrons le risque d’en oublier – et certains pourraient dire « ce n’est pas dans la loi, donc nous n’intervenons pas ». Il convient donc d’être prudents, de donner de grandes orientations et de spécifier qu’il s’agit de priorités qui n’excluent aucun territoire ni domaine d’intervention.

S’agissant de la notion de cohésion du territoire, il est vrai que nous sommes passés de la notion d’aménagement du territoire à celle de solidarité des territoires et, enfin, à la notion de cohésion des territoires, dont la définition est de s’assurer qu’aucun territoire ne chute ni ne soit oublié. C’est d’ailleurs ce que j’ai retenu du discours de M. Serge Morvan : l’ANCT interviendra dans les lieux et les domaines où aucune solution n’aura été trouvée – ce qui est une vision moins ambitieuse que l’aménagement du territoire par la DATAR.

Enfin, reste un facteur décisif : la capacité à définir un porteur de projet, capable de fédérer tous les acteurs. Nous avons besoin, à la fois d’un territoire de projet, d’un porteur de projet et d’une ingénierie.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente. Messieurs, je vous remercie infiniment pour vos réponses argumentées et complètes, et pour le temps que vous nous avez consacré.

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 9 h 40

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, Mme Valérie Beauvais, Mme Gisèle Biémouret, M. Jean-Yves Bony, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, Mme Patricia Gallerneau, Mme Laurence Gayte, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Bertrand Pancher, M. Alain Perea, M. Damien Pichereau, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, Mme Michèle Victory, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - M. Christophe Arend, Mme Pascale Boyer, M. Stéphane Buchou, M. Stéphane Demilly, M. Bruno Duvergé, M. Christian Jacob, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Zivka Park, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Poudroux, M. Loïc Prud’homme, Mme Véronique Riotton

 

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Marie Fiévet, M. Guillaume Garot, M. Loïc Kervran, M. Didier Martin, M. Jérôme Nury, M. Vincent Rolland, M. Stéphane Trompille, M. Jean-Luc Warsmann