Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Table ronde sur l’accès aux services publics dans les territoires, avec la participation de Mme Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste, Mme Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation à Pôle emploi, M. Antonin Blanckaert, directeur national retraite de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), Mme Cécile Chaudier, directrice du département d’appui à la relation de service et aux métiers de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), Mme Sandrine Lorne, directrice de la relation clients et du marketing de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques du ministère de l’action et des comptes publics, et M. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole              2


Mercredi 16 janvier 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 27

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de Mme Barbara Pompili,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur l’accès aux services publics dans les territoires, avec la participation de Mme Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste, Mme Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation à Pôle emploi, M. Antonin Blanckaert, directeur national retraite de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), Mme Cécile Chaudier, directrice du département d’appui à la relation de service et aux métiers de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), Mme Sandrine Lorne, directrice de la relation clients et du marketing de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques du ministère de l’action et des comptes publics, et M. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

Mme la présidente Barbara Pompili. Mes chers collègues, c’est avec grand plaisir que je vous retrouve aujourd’hui. Je vous présente mes meilleurs vœux pour l’année 2019, durant laquelle nous serons encore confrontés à de grands défis en matière de développement durable, mais aussi d’aménagement du territoire – deux intérêts essentiels que nous avons tous à cœur de servir, quelles que soient nos couleurs politiques. Je nous souhaite donc du beau travail !

Nous sommes aujourd’hui réunis pour échanger sur les enjeux de l’accès aux services publics dans les territoires. Dans ce cadre, nous avons le plaisir d’accueillir plusieurs représentants de services publics présents sur nos territoires : Mme Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste, qui représente M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques, malheureusement souffrant ; Mme Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation de Pôle emploi ; Mme Cécile Chaudier, directrice du département d’appui à la relation de service et aux métiers de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), accompagnée de Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires ; M. Antonin Blanckaert, directeur national retraite de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) ; Mme Sandrine Lorne, directrice de la relation clients et du marketing de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ; M. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), accompagné de Mme Pascale Goeury-Dehodencq, directrice « métier digitalisation famille et relations de services » ; et M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques du ministère de l’action et des comptes publics.

Mesdames, messieurs, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Nous avons souhaité organiser cette table ronde qui traite d’un sujet particulièrement important pour notre commission, compétente en matière d’aménagement du territoire. Comme vous le savez, la question de l’accès aux services publics est essentielle pour nos concitoyens : l’égalité d’accès à ces services constitue la pierre angulaire de notre modèle social.

Or les territoires sont aujourd’hui confrontés à un double mouvement : d’une part, celui de la métropolisation, qui s’accompagne d’un sentiment diffus, celui du déclassement, voire de l’abandon d’une partie des territoires par les acteurs économiques qui s’en détourneraient au profit d’aires urbaines moteurs de croissance. D’autre part, la réorganisation territoriale de certains services publics peut laisser un goût amer aux territoires victimes de la fermeture de certains sites pourtant considérés comme essentiels par les populations concernées.

Sur ce premier point, pourriez-vous nous faire un bilan du maillage territorial de vos organismes respectifs et nous indiquer quelle est leur politique en termes d’implantation territoriale ?

Perte d’activité et d’attractivité, départ de services publics : le cumul de ces deux phénomènes est désormais bien connu, et il nous faut trouver les voies pour redonner à ces territoires des perspectives d’avenir, sans céder à la facilité qui consisterait à opposer territoires urbains et ruraux, car certains quartiers de la politique de la ville sont autant concernés par cette problématique que certaines zones rurales.

Il est vrai que la ligne de crête est étroite : il faut évidemment rechercher l’efficacité de l’action publique – de ce point de vue, la dématérialisation des démarches administratives constitue indéniablement une avancée. Mais tout le monde n’est pas égal face aux nouvelles technologies ; et encore faut-il que les connexions internet soient satisfaisantes… Dans certains cas, l’accès physique à un service public peut être indispensable ; lorsqu’il est rendu difficile, c’est la question de l’égalité entre territoires qui se pose.

Des solutions existent pourtant. Le développement progressif des maisons de services au public (MSAP) en témoigne, même s’il est peut-être plus lent que ce que nous pourrions souhaiter. Pourriez-vous nous indiquer votre appréciation sur ces structures ? Répondent-elles suffisamment aux attentes des populations ? Le service rendu peut-il être amélioré, et selon quels axes ? Le financement de ces MSAP est-il satisfaisant ? D’autres pistes devraient-elles être explorées pour garantir l’égalité d’accès aux services publics sur les territoires ?

Enfin, notre commission va bientôt avoir à examiner la proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). En tant qu’opérateurs de service public, comment analysez-vous la création de cette nouvelle structure ? Vous semble-t-elle de nature à faciliter la mise en œuvre de projets similaires aux MSAP ou tendant à améliorer l’accès aux services publics sur les territoires ?

Mme Smara Lungu, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires de La Poste. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je représente M. Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales et publiques de La Poste qui, souffrant, n’a pu se rendre aujourd’hui devant votre commission et vous prie de bien vouloir l’en excuser.

Pour ce qui est du maillage territorial de notre groupe et de sa stratégie de présence postale, je commencerai par rappeler que La Poste compte en France plus de 17 000 points de contact, conformément à la contrainte résultant de la mission d’aménagement du territoire qui lui est confiée par la loi. Le groupe La Poste doit également répondre à une obligation d’accessibilité au réseau postal, mesurée chaque année dans tous les départements et partout largement respectée.

Toujours dans le cadre de notre mission d’aménagement du territoire, nous avons mis en place une gouvernance unique exemplaire sous la forme de commissions départementales de présence postale territoriale, qui se réunissent régulièrement pour analyser les projets d’évolution du réseau de La Poste. Ces commissions disposent de moyens spécifiques inscrits dans le contrat de présence postale signé tous les trois ans avec l’Association des maires de France et l’État. Ces moyens, dits « fonds de péréquation territoriale », permettent de réaliser des investissements dans les bureaux de poste et les points de contact où nous assurons une présence en partenariat avec les collectivités territoriales ou les commerçants.

Notre stratégie consiste clairement à maintenir notre présence dans l’ensemble des territoires, ce qui peut passer par une mutualisation lorsque la présence de La Poste seule au sein d’une commune, par exemple, est trop difficile d’un point de vue économique. Depuis une quinzaine d’années, nous concluons donc des partenariats avec les collectivités territoriales, afin de mettre à disposition du public 6 600 agences postales communales (APC), ainsi qu’avec les commerçants – ces 2 500 partenariats revêtent une grande importance dans les territoires ruraux, dans la mesure où ils permettent souvent le maintien du dernier commerce de la commune ; je précise qu’un tiers de ces partenariats sont conclus avec des buralistes.

Par ailleurs, nous avons engagé deux démarches innovantes au cours des deux dernières années. La première est une démarche de mutualisation interne, avec la mise en place de bureaux mutualisés avec l’activité de facteur – dans ce format « facteur-guichetier », le facteur tient un bureau de poste tout en effectuant sa tournée dans un territoire donné. La seconde est celle des maisons de services au public : dans le cadre du partenariat que nous avons conclu avec les collectivités et l’État à partir de la mi-2015, nous avons ainsi déployé près de 500 MSAP en deux ans, notamment dans les territoires ruraux.

Les maisons de services au public constituent une réelle réponse à la problématique du maintien des services – elles permettent même parfois le retour des services publics. Les MSAP postales ne sont pas exemptes de critiques : leur mise en œuvre est encore très récente. Mais nous avons la ferme intention de les faire monter en gamme, notamment en termes de formation du personnel et d’accompagnement des usages au quotidien.

Pour conclure, nous considérons que les maisons de services au public représentent pour demain un enjeu d’inclusion numérique et d’accompagnement de la dématérialisation des procédures administratives, et que ces lieux mériteraient d’être également déployés dans certains territoires encore mal desservis : les petites villes, mais également des villes moyennes – où leur mise en œuvre pourrait se faire dans le prolongement du dispositif « Action cœur de ville » –, sans oublier les 1 300 quartiers de la politique de la ville (QPV) – où l’on trouve encore très peu de maisons de services au public – et les départements d’outre-mer, qui ne comptent actuellement qu’une petite dizaine de MSAP postales et encore moins de MSAP des collectivités.

Mme Firmine Duro, directrice des partenariats et de la territorialisation à Pôle emploi. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’avoir associé Pôle emploi à ce temps d’échange.

Pôle emploi est un réseau de 54 000 agents répartis dans 915 agences de proximité et points relais – ce dernier terme désignant une petite équipe permanente de Pôle emploi, située sur un territoire et rattachée à une agence principale.

Dans le cadre de la convention tripartite qui lie Pôle emploi à l’État et aux partenaires sociaux, nous nous sommes engagés à faire en sorte que 95 % des demandeurs d’emploi soient à moins de trente minutes de trajet d’une agence ou d’un point relais. Cet objectif a toujours été atteint depuis plusieurs années.

Au-delà de la présence physique d’agents sur les territoires, Pôle emploi a également entrepris de développer une offre de services numériques. Ainsi, les demandes d’inscription et d’allocations sont désormais effectuées en ligne, et tous les demandeurs d’emploi qui le souhaitent ont la possibilité d’échanger avec leur conseiller à distance par webcam – sous un format technique proche de celui de Skype. Les usagers bénéficiant de cette pratique, des demandeurs d’emploi se trouvant dans des lieux éloignés – la formule est actuellement testée dans deux maisons de services au public –, ont en général exprimé leur satisfaction, car elle leur permet d’échanger avec leur conseiller sans avoir à se déplacer.

En parallèle du développement de l’offre de services numériques, Pôle emploi travaille également avec ses partenaires, ici présents, sur l’inclusion numérique dont l’enjeu consiste à accompagner les demandeurs d’emploi dans l’utilisation des services que nous mettons à leur disposition. Cette démarche d’accompagnement nous amène tout à la fois à mobiliser dans nos agences nos conseillers et les jeunes effectuant une mission dans le cadre du service civique, mais également à mettre en place des ateliers permettant aux demandeurs d’emploi d’apprendre à utiliser les services numériques et à gagner ainsi en autonomie. Pour ce faire, nous concluons des conventions de coopération et des partenariats avec des structures généralement associatives – souvent en lien avec les collectivités territoriales.

Afin de nous aider à assurer la proximité avec les demandeurs d’emploi et à assurer notre couverture territoriale, il nous a semblé important de travailler sur deux axes. Le premier axe consiste, lorsque c’est nécessaire, à mettre en place avec le concours des collectivités territoriales des permanences où les demandeurs d’emploi peuvent rencontrer ponctuellement un conseiller. Pôle emploi est également le premier financeur des maisons de services au public, et assure la formation de leurs animateurs à son offre de services afin de garantir la bonne information des personnes accueillies. À l’heure actuelle, Pôle emploi est signataire de 1 000 conventions sur les 1 300 maisons de services au public, conclues avec La Poste ou les collectivités territoriales.

Notre décision d’être présents ou non au sein d’une maison de services au public se prend en fonction de deux critères. Le premier consiste à vérifier que la présence de Pôle emploi au sein de telle ou telle MSAP ne serait pas redondante : en d’autres termes, si une MSAP s’installe dans une zone où est déjà implantée une agence de Pôle emploi, il ne nous semble pas pertinent d’y être présents – dans ce cas, nous y renonçons généralement, à moins qu’il s’agisse d’un territoire confronté à des difficultés particulières, où il est utile d’intensifier la présence de Pôle emploi.

Le second critère réside dans l’enjeu particulier que représente, pour une collectivité territoriale, la présence de Pôle emploi au sein d’une maison de services au public sur un territoire donné : un directeur territorial peut alors décider que Pôle emploi sera associé à une MSAP.

Si Pôle emploi assure un maillage territorial en mettant à disposition des demandeurs d’emploi des lieux où ils peuvent être accueillis, il lui semble également important d’accompagner les personnes dans leur mobilité géographique afin de leur permettre de gagner en autonomie dans leurs déplacements ; c’est pourquoi nous souhaitons renforcer nos coopérations en la matière avec les collectivités territoriales. Aujourd’hui, nous participons souvent au cofinancement de solutions de mobilité sur les territoires, destinées à favoriser l’apprentissage des personnes à la mobilité – savoir utiliser les transports en commun, savoir préparer un itinéraire sur internet – ou consistant à mettre en place des moyens matériels.

Enfin, à l’image des coopérations qui existent déjà entre Pôle emploi et les collectivités locales, nous pourrions mettre en place d’autres coopérations avec la future Agence nationale de la cohésion des territoires, à la fois sur le plan national et au niveau des territoires, dans le champ de la politique de la ville, des politiques territoriales et du développement économique.

Mme Cécile Chaudier, directrice du département d’appui à la relation de service et aux métiers de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Le réseau territorial de la branche famille est composé de 101 caisses d’allocations familiales (CAF) présentes dans chacun des départements français, chacune disposant de plusieurs structures d’accueil du public : le siège lui-même, mais également des agences, des antennes et des permanences, dont l’ensemble forme un réseau de près de 1 150 structures d’accueil sur le territoire.

En complément de ces points d’accueil CAF, nous avons conclu depuis 2015 des partenariats d’accueil désignés par deux labels différents. Les premiers sont les « points relais CAF », dont les MSAP, qui assurent une fonction de facilitation administrative et numérique constituant une prise en charge de premier niveau, d’orientation et de détection de situations de fragilité sociale ou d’exclusion numérique pouvant nécessiter une orientation vers une prise en charge plus complète par les CAF elles-mêmes.

Le second type de partenariats d’accueil est celui des « points numériques CAF », structures spécifiquement chargées d’assurer l’accompagnement numérique des allocataires, dans le prolongement des travaux portés par le secrétariat d’État au numérique sur le thème de l’inclusion numérique.

Notre maillage, constitué de 1 150 structures d’accueil CAF et de près de 2 000 partenariats d’accueil sur l’ensemble du territoire, permet de couvrir plus de 80 % des bassins de vie au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

La branche famille a conclu depuis 2015 des partenariats avec les maisons de services au public, et poursuit depuis lors dans cette voie avec volontarisme. Ces partenariats permettent de constituer un réseau qui apporte une valeur ajoutée en ce qu’il vient compléter l’offre de services de la branche famille. Ils permettent de rendre notre offre plus accessible sur l’ensemble du territoire et d’éviter des déplacements aux usagers se trouvant dans des territoires excentrés.

Quand les MSAP sont effectivement en mesure de rendre le service auquel elles s’engagent, les partenariats fonctionnent bien et apportent une réelle valeur ajoutée, ce qui nous incite à renforcer notre relation avec un partenaire sur lequel nous savons pouvoir nous appuyer. Cependant, force est de constater certaines limites de ce partenariat : d’une part, la forte hétérogénéité de la qualité du service rendu par les MSAP, particulièrement celles qui sont portées par La Poste ; d’autre part, leur fonctionnement même, qu’il est nécessaire de consolider. Nous appelons donc de nos vœux la mise en place d’une évaluation un peu plus robuste de la qualité du service rendu, mais également d’un reporting des activités des maisons de services au public : pour améliorer le service rendu, nous devons en savoir davantage sur le profil des usagers qui s’y rendent, sur leurs demandes, ainsi que sur leur nombre. Ce besoin d’évaluation s’explique notamment par le fait que le réseau des MSAP doit encore faire ses preuves : à titre d’exemple, le coût unitaire de la visite d’un allocataire dans une CAF est actuellement de 10 euros, et de 40 euros s’il se rend dans une MSAP… De tels chiffres prêtent légitimement à interrogation si l’on veut garantir un certain niveau de performance de notre service.

Pour l’avenir, nous souhaitons voir ce réseau se consolider avant qu’il ne se développe, d’autant que cela représente un investissement important pour les CAF en termes de coordination et d’animation de réseaux. Nous nous interrogeons également sur l’effet « taille critique » des MSAP, en particulier sur la capacité d’un collaborateur de l’une de ces structures à représenter une dizaine d’opérateurs de service public et à avoir une connaissance suffisante d’une offre de services aussi large : en d’autres termes, nous nous demandons où se situe la limite à partir de laquelle la qualité de service ne serait plus vraiment garantie, et avons l’intention de faire preuve d’une vigilance particulière sur ce point.

Une proposition a été formulée auprès des opérateurs nationaux par la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), qui consisterait à s’appuyer sur les structures de la MSA pour proposer la mise en place de nouvelles MSAP. Nous sommes très intéressés par cette perspective, car nous connaissons le professionnalisme des collaborateurs de la MSA et leur capacité à exercer dans une logique de guichet unique.

Je conclurai sur le thème du maillage territorial en insistant sur notre volonté de mener une vraie politique d’accessibilité au sein des territoires, en trouvant un équilibre entre proximité et dématérialisation des services. La branche famille est très investie dans la dématérialisation de son offre en ligne : nous sommes un des premiers opérateurs à avoir fait une large application des travaux sur l’inclusion numérique et, afin de renforcer notre maillage territorial, nous souhaitons aller encore plus loin dans ce domaine en développant nos partenariats de mutualisation avec les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), avec lesquelles nos premières expériences ont été satisfaisantes.

Enfin, comme Pôle emploi, nous souhaitons développer l’offre de services à distance, notamment les rendez-vous à distance qui rencontrent un franc succès auprès de nos publics.

Mme Sandrine Lorne, directrice de la relation clients et du marketing de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, le maillage territorial de la CNAMTS est assez similaire à celui de la CAF, puisqu’il repose sur 106 caisses réparties sur l’ensemble du territoire. Ce maillage est laissé à la responsabilité des directions de caisses, car nous estimons que pour définir un bon niveau de proximité – au moyen de divers partenariats, conclus notamment avec les MSAP –, il est important d’être proche du terrain et de bien connaître les territoires et leur fréquentation. Il comprend quatre types d’accueil, allant des grands sites d’accueil jusqu’à des permanences dynamiques ; dernièrement, nous nous sommes efforcés de rendre plus attractifs nos espaces d’accueil, en les modernisant au moyen d’un grand plan d’investissement.

Notre accueil se fait sur trois niveaux, le premier étant celui de notre offre digitale, qui propose une large palette de services et que nous cherchons à promouvoir. Si le compte Ameli est très utilisé par les usagers – il représente environ 80 % des contacts que nous avons avec eux –, il n’est en rien obligatoire : les usagers qui y recourent le font de façon volontaire. Nous faisons tout pour simplifier la vie de nos assurés en nous appuyant sur le numérique, et de nombreuses démarches peuvent aujourd’hui se faire très simplement en ligne et même à partir d’un téléphone portable, sans avoir à poser une journée de congé ni à se déplacer pour se rendre sur un de nos sites.

Le deuxième niveau d’accueil est celui de l’accompagnement que nous proposons à un assuré qui nous pose une question. Enfin, le troisième niveau est celui de l’offre sur rendez-vous, destinée aux usagers qui ont le plus de difficultés avec le monde administratif, et ayant pour objectif que les personnes concernées ressortent de leur rendez-vous en ayant obtenu des réponses à toutes leurs questions.

Nous voyons les maisons de services au public comme une offre complémentaire de celle fournie par nos trois niveaux d’accueil, en favorisant notamment l’inclusion numérique. Je rejoins Mme Cécile Chaudier pour considérer que l’offre de services des MSAP présente une certaine hétérogénéité en termes de qualité, et que plus le nombre d’opérateurs représentés par le collaborateur chargé de l’accueil est élevé, plus le niveau de qualité de la réponse risque de diminuer – sans parler du fait que le coût de l’accueil en MSAP est toujours plus élevé que dans nos propres structures. Nous sommes, nous aussi, très intéressés par l’offre de la MSA, qui repose sur un réseau similaire au nôtre et possède une bonne connaissance de nos prestations.

Notre stratégie est de type multicanal : nous misons sur le numérique, mais aussi sur la proximité, et cherchons avant tout à offrir à chaque segment de population la meilleure offre possible. Ainsi, un usager très autonome aura la possibilité d’effectuer ses démarches en ligne en quelques clics, sans aucune assistance et à toute heure du jour et de la nuit, tandis que les personnes ayant besoin d’un échange peuvent toujours nous contacter par téléphone ou en se rendant auprès de l’une de nos structures d’accueil.

M. François-Emmanuel Blanc, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Le maillage territorial de la Mutualité sociale agricole est assuré au moyen de trente-cinq caisses pluridépartementales réparties sur le territoire métropolitain et, pour ce qui est de l’outre-mer, de caisses générales de sécurité sociale et d’autres instances spécifiques. Au total, nous proposons plus de 600 points d’accueils spécifiques à la MSA, et sommes présents au sein de près de 800 MSAP.

Le modèle de la MSA est fondé sur trois principes fondamentaux, le premier étant celui de la démocratie. Nous organisons tous les cinq ans l’élection de délégués cantonaux, qui eux-mêmes élisent les conseils d’administration des caisses pluridépartementales – qui, à leur tour, élisent le conseil d’administration de la caisse centrale. Ces 25 000 délégués cantonaux jouent tout à la fois le rôle de vigies et d’ambassadeurs dans les cantons ; ils sont formés et animés pour représenter la MSA au sein du territoire où ils sont présents.

Le deuxième principe est celui de la proximité. Nous sommes nativement, par construction, présents dans les territoires et nous devons y rester. Notre approche est évidemment multicanal, comme tous les services publics aujourd’hui : numérisation bien sûr, services internet. Mais pour nous, numérisation ne veut pas dire déshumanisation : nous souhaitons conserver de « vraies » personnes qui parlent à de « vraies » personnes, en toute proximité, et offrir un accueil sur rendez-vous ainsi qu’un accueil défini selon les territoires capables de mobiliser l’ensemble de nos ressources du guichet unique. C’est notre troisième caractéristique : nous sommes en effet opérateurs du service public de la protection sociale dans son ensemble puisque nous couvrons la famille, la maladie au sens de la politique de santé, la retraite et le recouvrement. Le service de protection sociale apparaît à l’évidence comme un attribut de la personnalité citoyenne des populations auxquelles nous nous adressons. Cette logique de guichet unique nous amène à offrir des services complémentaires, soit en opérant pour le compte d’autres opérateurs de service public – nous travaillons pour quelques CAF avec des plateaux d’accueil téléphonique – soit en proposant des offres de service associatif. Nous avons ainsi dans les territoires 220 services associatifs qui interviennent sur un champ très large, de l’aide à domicile à l’accueil de personnes handicapées, en passant par le conseil aux entreprises, l’aide à la santé, la prévention, avec des services spécifiques comme « Agri’écoute » destinés à répondre aux besoins d’habitants des zones rurales aux prises avec des difficultés personnelles.

Notre politique est clairement de maintenir notre présence, y compris physique, dans tous les territoires, en restant fidèles à notre logique de service global qui va de la petite enfance au grand âge. Nous sommes en fait tout à la fois une fabrique et un outil de cohésion sociale et territoriale, au service de l’État et des autres partenaires.

Avec cette organisation très décentralisée, nous avons une caractéristique forte : la capacité d’innover en réponse aux besoins nouveaux. C’est ainsi que la MSA est à l’origine, par exemple, de la création des maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (MARPA) et des microcrèches en milieu rural où il n’existait pas, jusqu’alors, de réponse adaptée.

S’agissant des maisons de services au public, notre démarche consiste à venir en soutien. Nous pensons qu’il est utile de professionnaliser un certain nombre d’entre elles dans le domaine de la protection sociale. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé de déployer cette année, en partenariat avec les autres branches de la protection sociale, une offre spécifique que l’on appelle « MSAP by MSA » qui permet la professionnalisation de la réponse en matière de protection sociale – c’est un métier un peu compliqué sur lequel je reviendrai peut-être tout à l’heure.

Nous sommes favorables à la future agence. Nous pensons que la caisse centrale a un intérêt à être associée à une sorte de conseil d’orientation au niveau national, mais surtout dans les comités départementaux. Il serait très utile que les préfets s’y adjoignent, et que cela soit inscrit dans la loi ou dans les règlements d’application.

M. Antonin Blanckaert, directeur national retraite à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Le réseau de la CNAV est composé de vingt caisses régionales, de 230 agences et 420 points d’accueil retraite qui ne sont pas nécessairement ouverts tous les jours ; nous sommes présents dans 60 à 70 % des MSAP, autrement dit dans 800 d’entre elles. Cet investissement et ce maillage territorial visent à répondre à nos grands enjeux de relation clients qui rejoignent beaucoup ce qui a été dit par les précédents intervenants. Le principe directeur, celui qui est fixé dans notre convention d’objectifs et de gestion avec l’État, c’est celui d’une présence territoriale respectant le principe « moins de trente minutes du domicile », que nous assurons à 95 % – il reste quelques difficultés dans certaines zones montagneuses et rurales notamment.

Le principe général de notre relation clients, c’est le développement multicanal, avec un principe de libre choix des assurés. Bien évidemment, si nous privilégions certains canaux pour certaines typologies d’assurés, nous restons ouverts à toute possibilité : contact personnalisé, téléphonique ou digital. Il s’agit de trouver un point d’équilibre entre d’une part, le maintien de la présence et l’action de « vitalisation » des territoires, et d’autre part, la nécessité de s’assurer la masse critique de clientèle qui nous permet d’avoir des points d’accueil efficients en termes de fréquentation.

Le cœur de notre activité se concentre sur des publics qui préparent leur passage à la retraite ou qui arrivent à la retraite. À la différence d’autres natures de prestations, cela représente un moment assez charnière qui fait que l’on n’a pas besoin d’une présence territoriale aussi fine que le réseau des CAF notamment, puisque les gens viennent nous voir à un moment particulier de leur vie et non tout au long de leur vie.

S’agissant des MSAP, je partage bien évidemment les appréciations que vous avez entendues. Plusieurs points positifs peuvent être retenus de notre investissement dans les maisons de services au public : premièrement, le renforcement de nos capacités à couvrir les territoires, notamment ceux dans lesquels nous étions peut-être insuffisamment présents ; deuxièmement, l’amélioration de l’accès aux droits, en permettant de mieux faire connaître les offres de services et les démarches nécessaires pour bénéficier des différentes prestations ; troisième point positif, fortement corrélé à l’investissement des collectivités territoriales et au portage par les préfectures, la capacité à renforcer la mise en réseau des services publics sur un territoire donné. Au-delà du modèle des MSAP, c’est toute l’ingénierie de gouvernance associée qui permet de renforcer les passerelles entre les différentes implantations et services publics.

Pour ce qui est des points négatifs, j’en retiendrai quatre : premièrement, les limites en matière de reporting et de suivi des fréquentations et le coût de revient d’une visite : de ce point de vue, le modèle reste à parfaire. Certaines MSAP restent parfois un peu « aveugles » sur le nombre exact d’assurés ou d’usagers venus pour les sujets spécifiques qui nous concernent, dans le cas d’espèce la retraite. Deuxièmement, entre la nécessité de disposer d’agents réellement polyvalents, au fait de l’ensemble des dispositifs, et la complexité inhérente à nos prestations, très spécifiques, l’équilibre n’est pas évident. Il reste donc beaucoup à faire en matière de formation des animateurs et des personnels des MSAP si l’on veut qu’ils soient capables d’aiguiller correctement tous les publics en termes d’accès aux droits. Troisièmement, le modèle de financement lui-même méritera probablement d’être clarifié si l’on veut pérenniser ce dispositif. Quatrièmement, les MSAP ont été conçues dans une logique de guichet plus que de couverture des territoires. Lors des travaux préparatoires avec le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), nous avons beaucoup insisté sur la notion d’itinérance, où les MSAP apparaîtraient moins comme un guichet que comme le point d’ancrage territorial d’un service public capable de se projeter au-devant des territoires. C’est une des manières de répondre au difficile objectif qui consiste à aller au-devant des publics et à investir les territoires tout en tenant compte de la présence parfois relativement faible du nombre de personnes intéressées.

Les deux autres axes de progrès sont l’inclusion numérique et l’aide à la réalisation des démarches. Dans une époque pas si lointaine, il y avait des écrivains publics. La MSAP pourrait aider les populations les plus fragiles à réaliser certaines démarches administratives, au-delà du nécessaire effort de pédagogie qu’appellent les nouveaux dispositifs.

Enfin, je rejoins ce qui a été dit par le directeur général de la Caisse centrale de la MSA pour ce qui touche à la future agence. Nous sommes très intéressés à l’idée d’avoir un interlocuteur et de pouvoir structurer des échanges réguliers aux niveaux national et territorial sur ces sujets.

M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques du ministère de l’action et des comptes publics. Le réseau de la direction générale des finances publiques (DGFIP) est présent dans 1 700 à 1 800 communes, réseau qui a évolué dans le passé en réponse à la contrainte, ou à l’objectif, d’améliorer le service : des postes trop petits ne sont pas en situation de satisfaire les usagers, ni d’ailleurs les collectivités territoriales. Je n’insisterai pas trop sur le passé dans la mesure où nous sommes en train de changer totalement de stratégie. Auparavant, nous faisions évoluer notre réseau année après année, sans projection dans le futur, sans anticipation et suivant un modèle un peu binaire qui consistait à fusionner les postes entre eux pour les densifier et atteindre une masse critique plus satisfaisante. À partir de cette année, nous allons avec le ministre M. Gérald Darmanin lancer dans les territoires un vaste débat qui aura pour objectif d’inverser ce phénomène de « métropolisation » en remettant le plus possible de fonctionnaires de la DGFIP en dehors des grandes conurbations urbaines et peut-être même, dans certains départements, en quittant le chef-lieu pour irriguer les territoires ruraux ou périphériques. À l’instar d’ailleurs de ce qui a été beaucoup dit, nous n’opposons absolument pas la présence physique et les progrès que constitue l’offre de services numériques : l’une et l’autre se complètent et même se renforcent mutuellement.

C’est donc un changement complet de méthode, un changement complet d’ingrédients. Parmi les ingrédients, citons la pluriannualité, ce qui donnera lieu dans les territoires avec vous, mesdames et messieurs les élus, mais aussi avec le préfet, les représentants du personnel, les représentants des usagers, à un débat important pour dessiner la cartographie de nos futures implantations sur plusieurs années. L’autre ingrédient consiste à rompre avec la logique historique traditionnelle, en tout cas celle de notre maison qui consistait à planter un drapeau, mais seulement le nôtre, sur un immeuble et d’y faire travailler des fonctionnaires à plein-temps. Qu’on l’appelle maison de services au public, permanence ou itinérance, l’objectif désormais est de projeter totalement le service public dans les territoires avec des modes d’intervention entièrement rénovés. La technologie nous y aide : cela vaut dans la relation avec les usagers comme en interne. Le travail à distance est maintenant beaucoup plus facile qu’autrefois, ce qui fait que l’on peut, a fortiori lorsqu’une série de travaux ne nécessite pas une relation avec l’usager, effectuer des tâches, qui sont réalisées aujourd’hui par des fonctionnaires parisiens ou dans les grandes métropoles, à partir de tel ou tel département lointain. Notre démarche est donc de réinvestir les territoires et de le faire grâce à des fonctionnaires qui pourraient avoir ainsi de meilleures conditions de travail, alors qu’ils vivent actuellement dans des régions où l’immobilier est cher, les transports coûteux et la vie compliquée. Cela permettrait donc, si j’ose m’exprimer ainsi, de joindre l’utile à l’agréable.

Il s’agit aussi de sortir de la logique qui prédomine, à savoir l’accueil des flux au fur et à mesure qu’ils se présentent. En clair, cela consiste à basculer très progressivement mais résolument vers un accueil sur rendez-vous généralisé. Contrairement à la caricature que l’on entend quelquefois, ce n’est pas quelque chose qui se fait au détriment des usagers. Notre expérience – nous recevons chaque année près de 13 millions de personnes dans nos structures – nous montre que bon nombre de personnes se déplacent souvent pour rien, parce qu’elles n’ont rien préparé et n’ont pas apporté les bons documents. Le principe de l’accueil sur rendez-vous ne vise pas du tout à se débarrasser du contact physique ; il s’agit au contraire d’améliorer le service afin que les usagers se déplacent à bon escient et, en même temps, de régler au téléphone toute une série de questions. Toutes nos expérimentations – et les propos que j’ai entendus tout à l’heure le corroborent – montrent que l’accueil sur rendez-vous préparé téléphoniquement évite à des millions de nos concitoyens de se déplacer, de prendre sur leur temps de travail, etc. C’est consubstantiel à l’idée d’une plus grande disponibilité, de la multiplication des points de contact et de l’amélioration du service à l’usager.

Nous sommes donc en train de basculer dans un autre monde, dans une vision stratégique d’implantation de la DGFIP. Le modèle passé, si j’ose dire, a trouvé son point d’aboutissement, il s’épuise en quelque sorte. Il faut donc changer de modèle ; c’est ce qui sera fait en 2019.

Mme la présidente Barbara Pompili. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes auxquels je demande d’être aussi concis qu’efficaces.

Mme Danielle Brulebois. Mesdames, messieurs, merci pour vos interventions qui montrent votre investissement sur ce sujet majeur du maintien et du renforcement des services publics dans les territoires. L’égalité de toutes et tous à leur accès constitue un principe fondamental de la République. Cette égalité est au cœur des attentes de nos concitoyens, comme le montre le mouvement social des gilets jaunes qui pose aussi la question du rapport qualité/prix des services publics.

Vous proposez déjà des réponses de proximité, qu’il s’agisse du service postal, de l’accompagnement des personnes dans la recherche d’un emploi, du versement de prestations financières aux familles, de l’action sociale en direction des retraités, de la santé des individus dans le cadre du travail, ou de la fiscalité. Vous proposez aussi de nouvelles formes de présence, par exemple dans les maisons de services au public. C’est ainsi que 1 200 MSAP ont été créées pour répondre aux besoins des citoyens éloignés des administrations. La Poste n’est pas en reste puisqu’elle accueille 500 maisons de services au public avec les sept opérateurs nationaux ainsi que de nombreux partenaires locaux.

Dans le contexte actuel, quel rôle les MSAP ont-elles joué auprès des bénéficiaires des mesures d’urgence économique et sociale que nous avons votées, comme la hausse de la prime d’activité ou la mise en place du prélèvement à la source, qui touchent une grande majorité de nos concitoyens en milieu rural depuis le 1er janvier 2019 ? Dans chaque département a été élaboré un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public. D’autres initiatives, comme des « camping-cars des services » sillonnant les territoires, voient le jour. Y a-t-il une véritable mise en réseau de tous ces dispositifs ? Êtes-vous beaucoup sollicités par les collectivités, et en particulier les petites communes, pour qu’elles soient intégrées et informées sur tous ces réseaux ?

Simplifier et favoriser l’accès aux services publics, c’est l’objectif du programme « Action publique 2022 » qui prévoit la dématérialisation des démarches administratives. Mais, comme cela a été dit, le développement du numérique fait apparaître de nombreuses inégalités : « l’illectronisme » fait obstacle à la généralisation des démarches en ligne. Comment envisagez-vous l’accompagnement du public pour lutter contre les risques d’exclusion et l’augmentation du non-recours aux droits ? Est-ce en confortant la présence physique et les modalités de l’accueil humain, comme le préconise le Défenseur des droits ?

Vous représentez des services essentiels pour nos concitoyens, à tous les âges de la vie. Vous l’avez déjà fait en partie, mais je vous remercie de nous préciser une nouvelle fois comment vous comptez agir concrètement face à tous ces défis et répondre aux besoins des citoyens et aux fractures et déséquilibres territoriaux.

M. Jean-Marie Sermier. En ce début d’année, au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe Les Républicains je présente tous mes vœux à la présidente et à l’ensemble de ses collaborateurs ainsi qu’à tous les membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. « Aménagement du territoire » : ces mots qui figurent après ceux de « développement durable » n’en sont pas moins importants, et je vous remercie, madame la présidente, d’avoir organisé cette table ronde, l’aménagement du territoire étant un élément sensible, constitutif de notre pays. Nous sommes un vieux pays et nous ne supporterions pas d’avoir, comme dans les États un peu plus récents, des espaces vides entre deux métropoles. Nous avons en effet besoin de territoires bien vivants et qui contribuent à faire la France. D’ailleurs, nous sommes fiers de la France des territoires.

Évidemment, cette rencontre est un peu en écho à la fracture territoriale qui, si elle ne date pas d’aujourd’hui, est très prégnante actuellement, comme nous le rappelle une partie des Français. La France périphérique a un sentiment d’abandon. Cette France périphérique n’est pas que rurale : c’est aussi la France des quartiers, des petites villes, la France ultramarine. On a l’impression en cet instant que tout ce qui ne brille pas sous les ors de la métropole ne trouve pas d’écho dans les responsabilités nationales.

Peut-être sommes-nous arrivés à la fin d’un processus qui a débuté avec la « XXLisation » de l’ensemble de nos structures. Les régions sont devenues énormes, de même que les cantons ruraux, les départements ont perdu des compétences alors que leur géographie n’a pas été modifiée. Quant aux communautés de communes – les « com’com’», comme on dit – à peine étaient-elles constituées qu’elles ont dû s’agrandir une première puis une deuxième fois, et les communes nouvelles font disparaître deux cents ans d’histoire dans un secteur en seulement deux petites délibérations…

Qui plus est, cette perte de repères préoccupante s’accompagne d’une chute de la démographie dans certains territoires. Les résultats de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) publiés hier ont bien montré quelles étaient les difficultés dans les territoires français. Une partie des Français s’en inquiète, particulièrement ceux qui se heurtent à de sérieux problèmes de mobilité. Dans notre pays, c’est un peu comme la notion d’espace-temps en physique quantique… En zone rurale, l’espace est immense alors que le temps n’est pas si différent de la métropole. Trente kilomètres, cela paraît énorme, tandis que trente minutes, cela paraît raisonnable. Il est important de retravailler sur la question de la mobilité et de ne pas accroître les problèmes avec des mesures telles que la limitation de la vitesse à 80 kilomètres/heure ou l’augmentation des taxes sur les carburants qui pèsent sur ceux qui sont loin, mais pas nécessairement en termes de timing.

Pensez-vous que cette fracture des territoires pourra être réduite avec la capacité numérique dont les uns et les autres avez fait état dans vos interventions ?

Mme Aude Luquet. Comme vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire, madame la présidente, la notion de service public est essentielle en France. La défense du service public et la crainte de sa remise en cause sont des thèmes récurrents du débat public.

Pourtant, il est parfois difficile de définir le périmètre de cette notion qui a pu évoluer en fonction du contexte politique, économique et sociologique. Préalablement aux questions qui touchent à l’organisation des services publics, il nous faut collectivement nous interroger sur ce qui les définit et prolonger la réflexion sur ce qui caractérise la notion d’intérêt général. C’est en partant de ces fondements que nous pourrons alors réfléchir aux meilleures solutions pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

Quelle définition donneriez-vous aux notions de service public et d’intérêt général ?

Pour autant, l’enjeu ne doit pas être de trouver comment faire du service public avec moins de financements, mais plutôt de mieux faire du service public avec pour conséquence éventuelle une réduction des coûts pour le contribuable. Les coupes budgétaires ne doivent pas être le préalable à notre réflexion, mais le résultat d’une amélioration de l’efficience de nos services qui doivent répondre à davantage de besoins des habitants.

L’une des premières pistes d’amélioration est le recours au numérique. Celui-ci permet non seulement d’éliminer de la paperasse inutile, mais aussi une plus grande rapidité dans la transmission des différentes informations grâce à un accès et une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.

Mais le numérique ne peut pas être l’unique solution, car la vertu première du service public est de mettre de l’humain là où il y en a de moins en moins, le plus souvent dans les territoires ruraux excentrés. À titre d’exemple, la réponse aux déserts médicaux ne peut pas être seulement celle du déploiement de la télémédecine. Cette solution doit bien évidemment être exploitée pour pallier un manque immédiat, mais elle ne doit être que transitoire car la relation humaine ne pourra jamais être remplacée par une simple interface homme-machine. Comme vous l’avez souligné, les collectivités font preuve d’innovation, de créativité : j’en veux pour preuve la création des maisons de services au public, ainsi que les services publics itinérants. Cependant tout cela reste bien fragile, et nos concitoyens observent avec crainte un éloignement toujours plus prononcé des services. Comment voyez-vous votre métier dans cinq ou dix ans, en lien avec le numérique ?

Le Président de la République vient de dévoiler sa lettre aux Français pour lancer le grand débat national, dont une partie pose le débat sur la place des services publics. Certaines des questions posées sont les suivantes : « Faut-il supprimer certains services publics qui seraient dépassés ou trop chers par rapport à leur utilité ? À l’inverse, voyez-vous des besoins nouveaux de services publics et comment les financer ? » Qu’est-ce que cela vous inspire ?

M. Guy Bricout. Tout d’abord, meilleurs vœux à tous.

Force est de constater que lors de toutes les cérémonies de vœux auxquelles j’ai assisté, un thème est revenu de manière récurrente : le délitement des services publics dans nos territoires ruraux. Les maires nous interpellent sur le fait que nombre de mairies sont aujourd’hui dessaisies de nombre d’attributions – l’établissement des cartes d’identité par exemple.

Ce n’est pas une vue de l’esprit de dire que le compte n’y est plus en matière de services publics, faute de moyens tant humains que financiers, faute d’attractivité, faute aussi d’un maillage de notre territoire, notamment en transports, digne de ce nom. Bon nombre de nos concitoyens se trouvent ainsi de plus en plus isolés ; ce n’est pas un hasard si, dans les cahiers de doléances mis à leur disposition dans les mairies, ils font d’ores et déjà figurer en tête de leurs attentes la nécessité de combler le fossé qui ne cesse de se creuser entre eux et les services publics.

Avant d’aller plus loin, je tiens à nuancer les choses en soulignant que, malgré tout, à l’heure actuelle, certains dispositifs fonctionnent particulièrement bien et permettent de pallier ces fractures. Ainsi en est-il des maisons de services au public, et je me félicite d’ailleurs que la loi de finances pour 2019 préconise leur développement.

Je citerai un autre dispositif mis en place dans le département du Nord, le « relais autonomie », qui passe par les centres communaux d’action sociale (CCAS) et permet à tout citoyen d’avoir accès à l’ensemble de ses dossiers dépendant du conseil départemental, comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ou la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). C’est une initiative particulièrement intéressante et probante pour notre territoire, puisqu’elle évite les déplacements tout en permettant de suivre efficacement les dossiers en cours. J’aimerais savoir ce que vous pensez d’une telle initiative et si chacune des administrations que vous représentez aujourd’hui serait susceptible de développer des structures de proximité de ce type.

À côté des points positifs, je veux maintenant déplorer plusieurs défaillances. Dans mon territoire comme dans bon nombre d’autres hélas, nous voyons se succéder les fermetures de bureaux de poste. La commune de Honnecourt a vu disparaître La Poste alors qu’elle avait acheté un immeuble pour l’installer, et surtout son distributeur de billets : il ne faudrait pas, comme cela est le cas dans certains pays, que les distributeurs de billets disparaissent en zone rurale. De même, les centres des finances publiques ferment, et même si j’ai bien entendu ce que vous avez dit, monsieur Bruno Parent, je suis inquiet pour l’avenir puisque j’ai entendu parler d’un grand centre départemental. J’aimerais bien pouvoir en discuter avec vous.

Après avoir parlé d’équilibre, parlons de la transparence. Nos élus locaux sont de plus en plus confrontés à un réel manque de visibilité sur l’évolution probable des administrations dans leur territoire. Ainsi, ils se trouvent confrontés, quasiment du jour au lendemain, à des problèmes de fermeture. Il importe, selon moi, de les associer à l’évolution de l’administration.

Mme Mathilde Panot. Je suis très heureuse qu’on parle ce matin des services publics qui sont les garants de l’égalité effective des droits et les composants essentiels de toute société solidaire, démocratique et écologique. Lorsqu’on regarde l’outre-mer, les quartiers populaires et les zones rurales, que l’on se plaît souvent à opposer, on voit que les habitants se retrouvent malheureusement face à la même absence de services publics, et que ce sont eux qui en souffrent le plus alors qu’ils en ont le plus besoin.

Nous alertons depuis longtemps sur la nécessité de défendre et de développer ces services publics. N’est-il pas paradoxal de vouloir rendre les services publics plus accessibles quand on supprime des postes de fonctionnaires ? L’exemple parfait de destruction d’un service public est celui de La Poste. En dix ans, 80 000 postes de facteurs ont été supprimés, dont bon nombre ont été remplacés par des salariés sous contrat à durée indéterminée, puis en contrat à durée déterminée, et finalement en travail précaire. En 2005, il y avait 14 000 vrais bureaux de poste, alors qu’aujourd’hui il n’en reste que 7 000 en plein exercice. Et la direction de La Poste prévoit qu’il n’y en ait plus que 3 400 en 2023, avec de surcroît une réorganisation des tournées, ce qui fait qu’il n’y aura plus nécessairement de tournées quotidiennes. On aboutit donc à un service qui est à la fois dégradé pour les citoyens et pour les personnes qui y travaillent. Comment avoir un service public efficace au service de tous et qui garantisse l’égalité avec moins de fonctionnaires ?

Vous avez beaucoup insisté sur la dématérialisation, effectivement utile pour beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes, mais qui ne peut pas remplacer l’implantation locale de services publics ; et surtout, il faut prendre en compte la fracture numérique qui sévit dans beaucoup de nos territoires. Vous parlez de l’accueil sur rendez-vous alors que Pôle emploi, par exemple, supprime de plus en plus d’agences, comme c’est le cas dans ma circonscription. Pourtant, les gens ont besoin d’être accueillis sans rendez-vous sur des questions d’indemnisation, autrement dit particulièrement angoissantes. À vous entendre, l’accueil sur rendez-vous a permis d’améliorer l’efficacité, mais n’est-ce pas aussi une manière de pallier la diminution des fonctionnaires dans les services publics ? Il est important d’assurer un service de qualité au service de l’intérêt général.

M. Hubert Wulfranc. Je tiens tout d’abord, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à vous présenter tous nos vœux.

Avec cette table ronde sur l’accès aux services publics, on est au cœur du débat avec une présence très hétéroclite – entre La Poste et les finances publiques, il y a un monde – et incomplète. Vous allez donc bien évidemment faire l’objet de quelques remarques, parfois désagréables, de ma part (Sourires), qui renvoient à la question majeure posée par ma collègue du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés : qu’entend-on aujourd’hui par services publics ?

Au-delà d’une logique de restriction et de concentration qui se vit au jour le jour sur le territoire, se pose, bien au-delà de la question des moyens, souvent évoquée, la question de la dissolution de la culture publique, de ce qu’est le service public. La culture du service public a largement perdu du terrain, d’abord en raison d’une politique systématique d’attaques et d’atteintes majeures au statut de la fonction publique, qui provoque naturellement une perte de repères chez les agents sur le terrain, particulièrement chez ceux qui sont les plus éloignés des garanties et des enjeux propres au service rendu, face à des usagers exprimant une demande sociale croissante et protéiforme – ce qui renvoie à des questions de méthode, celle de la transition numérique par exemple, mais également à des questions de fond, des problèmes du quotidien.

Si nous auditionnons aujourd’hui les représentants de services très importants au quotidien, techniques mais ô combien légitimes dans la vie des Français, nous n’avons pas ou peu en face de nous des services publics qui engagent l’avenir propre à la personne, l’intégrité physique, morale, sociale de nos administrés : je veux parler de l’emploi, de la santé, de l’éducation ou encore de la sécurité, eux aussi marqués par ce phénomène de retrait. Mais cela exigerait évidemment d’y consacrer beaucoup plus de temps.

Mais surtout, mesdames, messieurs, et ce sera ma conclusion : faites le travail pour lequel vous êtes mandatés. Je découvre dans la revue de presse que je viens de recevoir : « Des facteurs inspectent les gares TER ». Cela fait rire tout le monde… C’est une nouvelle initiative de La Poste. Je leur souhaite bon courage, quand je pense à l’heure à laquelle les élus locaux doivent se lever pour réussir à joindre les services de la SNCF et faire réparer un carreau cassé !

M. Paul-André Colombani. À mon tour, je tiens, au nom du groupe Libertés et Territoires, à vous présenter tous nos vœux et à remercier Mme la présidente pour l’organisation de cet échange qui vient comme en écho à la crise sociale que nous vivons aujourd’hui.

Beaucoup de nos concitoyens ont trop souvent l’impression d’être laissés pour compte, alors que la technostructure avance sans eux. Le discours des représentants des services publics de ce matin ne reflète pas la réalité de ce que je vis au quotidien dans mon territoire. Depuis deux ans, tous les services représentés ici, sans exception, ont reculé dans nos territoires. Par exemple, j’ai reçu, lundi, un courrier d’un jeune retraité qui, depuis plus de vingt et un mois, ne parvient pas à avoir accès à ses droits. C’est bien de préparer un rendez-vous au téléphone ; encore faut-il, comme il me l’explique, que quelqu’un réponde au téléphone !

M. Fabrice Brun. Tapez 1, tapez 8 !

M. Paul-André Colombani. Je pourrais tout aussi bien vous parler de contrôles de sécurité sociale qui ne sont plus effectués dans une partie de mon territoire. Pour bénéficier de ses droits, un malade doit faire six heures de route, sa femme doit l’accompagner et perdre une journée de travail. Voilà ce qu’est devenue la vie dans nos territoires !

Le maillage territorial est une des bases de la République ; la fracture territoriale est une des bases de la crise sociale actuelle. Si l’on n’y répond pas rapidement, on court à la catastrophe. J’espère que le débat national qui s’engage aujourd’hui donnera un début de réponse.

M. Bruno Parent. La question récurrente, très importante aux yeux de tous, est de savoir comment conjurer l’exclusion, notamment du fait de la dématérialisation permise par l’usage du numérique.

Notre point de vue est assez simple et tient en trois points.

Pour commencer, et je crois que nous venons de vous en donner l’image, nous devons associer nos forces pour accompagner nos concitoyens les plus éloignés du numérique ; ce qui implique les collectivités territoriales et bien d’autres structures territoriales qui ne sont pas présentes autour de cette table.

Autre idée propre à la DGFIP, nous pensons que plus nos concitoyens qui peuvent faire une démarche par le biais d’internet le feront, plus nous aurons du temps et de la disponibilité pour faire du sur-mesure au bénéfice de ceux qui, précisément, sont en marge et ont impérativement besoin d’un contact humain.

Troisième ingrédient, la multiplication des points de contact, qui consiste à aller davantage au-devant des besoins des populations plutôt que d’attendre l’usager de manière statique. Cela passe par les maisons de services au public, les permanences en mairie, camping-cars itinérants, pourquoi pas ? Bref, une démarche beaucoup plus proactive pour aller, si j’ose dire, chercher ceux qui ont le plus besoin de services publics, avec un visage humain ; c’est à notre portée, nous semble-t-il.

M. Antonin Blanckaert. Il a été fait référence à la nécessité de mettre en réseau les différents dispositifs de mobilité du service public – on parlait à l’instant de camping-cars. C’est bien évidemment le travail que nous menons quotidiennement, avec la difficulté qui consiste à conjuguer le principe d’égalité et celui de l’adaptation aux réalités territoriales. Encore une fois, le terme est quelque peu barbare, mais le principe de subsidiarité guide très fortement notre action en matière d’implantation territoriale : on pose d’abord les principes, et ensuite, il faut savoir s’adapter aux réalités des territoires parfois très différentes, y compris du point de vue partenarial. On a parlé des relais autonomie du département du Nord ; ce type de dispositif émerge localement, et notre travail en tant que tête de réseau consiste à inciter les acteurs locaux, géographiquement plus proches et plus au fait des réalités locales, à s’y investir. Tel est notre état d’esprit : l’erreur serait de systématiquement labelliser sur le plan national quelque chose qui fonctionnerait très bien dans un territoire, mais peut-être moins bien dans un autre. C’est sur cet équilibre que nous travaillons au quotidien, et il est compliqué d’obtenir des réponses définitives, notamment au niveau national.

La question de l’évolution de nos métiers d’ici à cinq ou dix ans est effectivement posée : le développement du numérique sera évidemment un levier majeur pour améliorer tant la qualité de vie au travail de nos collaborateurs que la réponse aux demandes des usagers. Cela passe par le recours au télétravail et l’utilisation de service tels Skype pour organiser des rendez-vous. Et ce n’est pas uniquement une réponse à la contrainte budgétaire ; c’est également et surtout un moyen de satisfaire un souhait exprimé par nos assurés. Les enquêtes montrent que les usagers du service public ne réclament pas forcément un rendez-vous qui, du fait des amplitudes horaires, les amènera à prendre une demi-journée sur leur temps de travail.

Le réseau de la CNAV pouvant se prévaloir d’une large antériorité dans ce domaine, nous savons que la politique de rendez-vous apporte au client une réelle satisfaction, dans la mesure où il n’est plus tenu de devoir patienter à un accueil pour s’entendre dire que telle ou telle pièce administrative indispensable a été oubliée. Un rendez-vous organisé à l’avance permet de sensibiliser précisément l’assuré sur les pièces à fournir, et à nos équipes de préparer des réponses qualitativement beaucoup plus satisfaisantes. Les chiffres montrent d’ailleurs que la satisfaction de nos assurés est en constante augmentation ces dernières années. Nous ne sommes pas dans une situation où les assurés seraient moins contents du service rendu aujourd’hui qu’ils ne l’étaient hier ; toutes les enquêtes clients tendent à prouver le contraire.

Il peut toujours rester des situations individuelles qu’il nous faudra traiter au quotidien, et je ne nie pas, monsieur Paul-André Colombani, que le cas de ce retraité puisse se produire ; mais à l’échelon national, les résultats montrent une dynamique positive, c’est le sens de nos échanges quotidiens avec l’État.

M. François-Emmanuel Blanc. Pour ce qui concerne notre rôle d’opérateur dans la mise en œuvre des mesures d’urgence, nous avons su faire face, particulièrement pour la prime d’activité, dans des conditions qui ont permis l’activation effective de ces nouvelles dispositions, que ce soit sur le plan informatique ou de l’accueil, et ce malgré une forte augmentation des populations concernées.

S’agissant de l’impact du numérique sur la réponse à la fracture territoriale, nous savons qu’il existe une fracture numérique sociale – le territoire n’est pas à cet égard la variable décisive déterminant la réponse à l’éloignement des services numériques. Cela suppose vraiment une démarche d’accompagnement social et d’inclusion numérique, et nous apportons chacun des services particuliers afin d’aider à l’accès à la citoyenneté numérique.

Une autre dimension est la fracture territoriale numérique : le plan France très haut débit doit rapidement se mettre en œuvre, notamment dans les territoires situés en zones blanches ou à l’écart du haut débit, pour faire accéder leurs populations, comme les autres citoyens de ce pays, à ces services « plus » et assurer une réponse adaptée aux besoins d’une partie au moins de la population.

Aux yeux de la MSA et de son conseil, car nos élus sont très attentifs à cet aspect, le numérique est bienvenu, mais ne saurait se traduire par une perte de la présence physique dans les territoires.

Pour répondre à la question très large de savoir ce que sont le service public et l’intérêt général, et de la conception que nous en avons, je dirais que, pour ce qui est de la protection sociale, nous sommes des acteurs et des opérateurs des droits de l’homme de deuxième ou troisième génération : je veux parler des droits sociaux, qui sont les attributs de la personne, qui contribuent à la construction de la personnalité de chacun et qui permettent de lutter contre le sentiment de relégation, d’éloignement et de désinsertion sociale, voire personnelle. À travers notre plan stratégique « MSA 2025 », nous apportons une réponse très structurée au besoin de mise en œuvre de ces droits de l’homme que sont les droits sociaux.

Cette réponse suppose davantage de démocratie dans notre mode de fonctionnement, une professionnalisation accrue de nos élus dans leur capacité à répondre, dans leur rôle de vigie et d’ambassadeur dans les territoires, davantage de proximité dans toutes les branches de la réponse que nous pouvons apporter, un service enfin encore plus global : dans le domaine de la protection sociale particulièrement, le tout est supérieur à la somme des parties. Nous répondons sur la famille et la santé ; nous répondons directement à des personnes dont nous sommes les partenaires tout au long de la vie, et nous les aidons à travers ce partenariat durable à construire leur identité personnelle et leur citoyenneté grâce à l’activation de ces droits sociaux.

Nous agissons également avec une ingénierie de projet en territoire. En tant qu’outil de la cohésion sociale et territoriale, nous sommes en mesure d’activer le capital social territorial à travers nos interventions d’ingénierie de projet auprès des élus, pour l’accès aux soins, par exemple, par le biais de l’appui que nous pouvons apporter à la construction des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), dans le cadre de la transformation du système de santé, ou aux hôpitaux de proximité afin de mieux articuler leur réponse avec la médecine de ville, dans le cadre des dispositions de la loi de modernisation de notre système de santé. Nous le ferons aussi en partenariat étroit avec les CAF pour la réponse aux besoins de la petite enfance ; nous le faisons en matière de prévention pour les personnes âgées ; c’est pour nous fondamental.

Avons-nous les moyens de répondre à notre mission compte tenu de la baisse des effectifs ? Nous sommes bien évidemment porteurs d’une logique d’efficience : personne dans ce pays n’ignore la situation des finances publiques et nous prenons notre part dans l’effort demandé aux collectivités. Il y a toutefois une limite en deçà de laquelle nous ne pourrons pas descendre si nous souhaitons assurer une proximité territoriale.

Demain, d’ici à dix ans, puisque la question nous a été posée, je pense que la numérisation de la société nous aidera à traiter de façon beaucoup plus rapide et avec moins de moyens humains tout le back office de nos services. En revanche, pour le front office territorial, il faut de vraies personnes qui répondent à de vraies gens ; et les check points ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins des populations dans tous les territoires.

Mme Sandrine Lorne. La politique de l’assurance maladie consiste à contribuer à l’inclusion numérique au sein d’un partenariat auquel nous croyons beaucoup.

Nos chiffres montrent que le cliché selon lequel les habitants des territoires ruraux seraient peu portés à se servir du numérique est totalement faux : un réel besoin de services numériques se manifeste partout sur le territoire national. Toutes nos enquêtes montrent que les attentes portent beaucoup plus sur la numérisation rapide d’un service plutôt que sur une multiplication de permanences. Et ce phénomène est loin de ne concerner que les centres urbains : partout sur le territoire, les gens sont de gros utilisateurs du numérique, et particulièrement via le smartphone, ce qui nous permet de considérablement simplifier les démarches. L’assurance maladie ne fait pas du digital pour réduire le personnel, mais pour simplifier une démarche : pour tenir sur un smartphone, cela doit se faire en deux clics et sans produire de document…

À l’avenir, ce qu’attendent les gens, ce n’est pas de se retrouver en rupture de droits ; c’est que les services publics sachent être proactifs et anticiper une rupture de droits, récupérer les données afin que les procédures soient fluides et que nos affiliés n’aient pas à se préoccuper de la continuité de leurs droits et de leurs remboursements. C’est pourquoi, à la CNAMTS, nous croyons beaucoup au concept du « dites-le nous une fois » : il est pénible de devoir continuellement apporter des pièces justificatives alors que nous disposons tous des données nécessaires.

Le meilleur service public pour un affilié de l’assurance maladie est de disposer de tous ses remboursements de façon automatique et d’échanger avec les assurances complémentaires sur le même mode. Une bonne part de nos clients sont à cet égard parfaitement satisfaits : s’ils suivent peut-être tout en mode numérique, c’est qu’ils n’ont ainsi plus rien à faire. C’est pourquoi nous croyons beaucoup à cet avenir qui garantit une totale fluidité.

Nous connaissons certes notre part de réduction de personnels, mais nous n’avons jamais réduit le personnel attaché à la relation clients. Nous l’avons même augmenté, et grâce au numérique, nous avons pu créer de nouveaux métiers d’accompagnement. Nous proposons tout un dispositif d’aide à l’accès aux soins, puisque malheureusement certains territoires manquent de personnel médical ; nous accompagnons aussi les sorties d’hospitalisation. Nous développons la connaissance client, c’est-à-dire le proactif ; nous n’attendons pas d’être sollicités par des gens qui pensent n’avoir plus de droits, mais nous allons vers eux pour régler leur situation et les accompagner de façon très consistante.

Nous croyons donc au très haut débit et au smartphone, car une très forte demande s’exprime partout, et il serait regrettable que certains territoires ne puissent pas accéder aux services modernes qu’ils souhaitent, tout en bénéficiant de l’accueil de proximité qui est complémentaire et très important, et dans lequel l’assurance maladie investit beaucoup.

Mme Cécile Chaudier. Comme à l’assurance maladie, la numérisation pour la branche famille se pratique avant tout dans une logique d’accompagnement des allocataires aux nouveaux usages. Contrairement à certaines idées reçues, les publics, même les bénéficiaires de minima sociaux, que l’on peut considérer comme les plus précaires, utilisent massivement nos démarches en ligne.

Nos dernières enquêtes montrent que 92 % des bénéficiaires de minima sociaux considéraient que nos sites et notre application mobile étaient simples d’utilisation ; ce qui dénote un bon niveau de satisfaction. De fait, nous construisons l’ensemble de nos démarches en ligne avec les usagers : avant même de mettre à disposition une nouvelle démarche en ligne, nous associons les usagers afin de recueillir leurs avis sur la simplicité d’utilisation, la compréhension des termes, la facilité de navigation ou de transmission de pièces dématérialisées. Ce travail préalable nous garantit la qualité et la simplicité de nos services en ligne.

L’idée est de développer la dématérialisation pour tous ceux qui peuvent y accéder facilement, car aujourd’hui, lorsqu’une démarche est disponible en ligne, elle est utilisée par 75 % des usagers. Cela nous permet de personnaliser les modalités d’accueil physique dans les territoires en prenant en compte les situations particulières. Ainsi, l’an dernier, nous avons entrepris de former l’ensemble des accueils de la branche famille à la prise en charge des personnes en situation d’illettrisme. Nous avons travaillé avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) afin de détecter ce type de situation et d’adapter nos modalités d’accueil et d’accompagnement. L’idée est donc de personnaliser aussi la façon dont nous prenons en charge les allocataires en fonction de leur profil et de leur situation. En développant la dématérialisation, nous pouvons ainsi consacrer des moyens supplémentaires à l’accueil.

La prime d’activité a été évoquée ; nous pouvons dire que nous avons été au rendez-vous d’un point de vue technique et d’accompagnement des allocataires pour la mise en œuvre de cette mesure. Nous atteignons aujourd’hui 90 % d’utilisation des services en ligne pour la prime d’activité, ce qui montre que ces démarches fonctionnent bien, sans pour autant se substituer à l’accueil physique.

Une question a d’ailleurs été posée sur le rôle des partenaires d’accueil dans les MSAP pour la prime d’activité. Au même titre que pour l’accueil au sein des CAF, nous avons mis à disposition de l’ensemble des maisons de services au public des supports de questions-réponses afin d’apporter des réponses appropriées aux attentes des usagers.

Enfin, dans le domaine de l’inclusion numérique, nous pratiquons de nombreux partenariats avec des structures telles que Emmaüs Connect et WeTechCare, qui nous permettent d’acquérir de vrais réflexes professionnels pour l’accompagnement. Le conseil d’administration de la CNAF comme sa présidente et l’ensemble des administrateurs, sont particulièrement soucieux de l’équilibre à trouver entre l’ancrage territorial, d’une part, et le développement et l’accompagnement à l’usage du numérique, d’autre part.

Mme Firmine Duro. À Pôle emploi, nous partageons pleinement la conviction que les solutions ne peuvent pas être identiques d’un territoire à l’autre. Les questions d’accès aux services publics ne se jouent pas de la même manière selon que l’on se trouve en Guyane ou ailleurs – je prends cet exemple car c’est un des derniers départements-régions sur lequel j’ai travaillé. Selon que l’on est à Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni ou Maripasoula, les choses ne se passent pas de la même façon.

La question de l’accès aux services publics ne peut pas non plus constituer un sujet examiné et analysé de façon isolée par chacun des opérateurs ; une certaine cohérence ainsi qu’une vision à moyen terme s’imposent.

À Pôle emploi, chaque directeur régional applique un plan immobilier annuel qui permet de déterminer les implantations de nos agences. L’ensemble des décisions que nous prenons chacun de notre côté doit garantir la cohérence en matière de couverture en lieux physiques d’accueil des services publics. Ce besoin est souvent exprimé par les demandeurs d’emploi.

Nous avons retenu le choix de l’accueil sur rendez-vous pour un certain nombre de services. Vous avez évoqué le cas d’une personne rencontrant des difficultés pour toucher son indemnisation ; ce genre de problème provoque nécessairement de l’anxiété, et les intéressés voudraient très vite pouvoir se rendre à Pôle emploi et rencontrer un conseiller. Mais l’expérience a montré que cet entretien devait être préparé. C’est pourquoi nous avons modifié notre organisation : chaque demandeur d’emploi dispose d’un conseiller référent pour l’indemnisation, capable de répondre par téléphone ou par courriel, car il est en possession du contact de l’intéressé qui lui est attribué lors de son inscription à Pôle emploi. Le cas échéant, le rendez-vous est préparé en amont et le demandeur d’emploi sait quels documents il doit apporter pour obtenir une réponse.

Nous constatons par ailleurs que les utilisateurs de nos services présentent des profils très différents. Certains demandent à utiliser les services à distance, car ils ne souhaitent pas se déplacer. L’usage du numérique n’a rien à voir avec le territoire : certaines personnes peuvent être parfaitement à l’aise avec ces services dans des territoires ruraux, tout comme on peut rencontrer dans des villes et zones urbaines des gens qui n’ont pas cette aisance.

Le premier enjeu a été de nous doter d’outils nous permettant d’identifier les personnes rencontrant des difficultés pour utiliser les services numériques afin de les accompagner. Nous aidons les personnes à utiliser l’outil numérique et à devenir autonomes à travers des solutions semblables à celles de la CNAF en recourant à des personnels experts. Mais nous faisons aussi le constat qu’une part de la population concernée ne sera jamais en capacité d’utiliser les services numériques : nous devons donc garantir à ces publics la possibilité de rencontrer un conseiller qui accomplira les démarches avec les intéressés. Ce peut être un conseiller de Pôle emploi, mais nous pensons de plus en plus que, pour les premiers niveaux de service, il doit être possible de faire appel à des acteurs relais pouvant accompagner les personnes dans les territoires.

On ne peut plus continuer à construire des services sans les personnes qui les utiliseront. Nous pensons savoir ce qui est nécessaire aux usagers ; l’expérience a démontré que lorsque nous associons des demandeurs d’emploi et des employeurs à la conception de services, que nous échangeons avec eux sur la manière de les construire et de les mettre à disposition, cela constitue un élément déterminant dans l’utilisation qu’ils en feront. On peut avoir de belles idées, mais il se peut qu’au final le service ne soit pas accessible dans la forme que nous avions pu penser dans nos organisations et nos administrations centrales. Privilégier un temps d’échange, avec des moments de discussion et de test, en prenant l’avis de nos interlocuteurs et en tenant compte des retours permet de proposer des services bien mieux adaptés. Je suis persuadée que si demain il nous faut faire évoluer notre façon de concevoir le service public, nous devrons davantage mettre les utilisateurs au cœur de son ingénierie et de sa construction.

Mme Smara Lungu. Beaucoup de questions posées ont porté sur les services publics. Je rappelle que La Poste est chargée de quatre missions de service public inscrites dans la loi : l’inclusion bancaire, le service universel qui recouvre la distribution sept jours sur sept, la distribution de la presse et la contribution à l’aménagement du territoire.

Faut-il s’interroger, comme nous le faisons depuis une heure et demie, sur l’inclusion numérique et l’accompagnement à son usage ? Je n’ai pas d’avis aujourd’hui. Concernant La Poste, on peut s’appuyer sur le dispositif législatif en vigueur, avec la mission d’aménagement du territoire qui lui est confiée, mais la réponse ne peut venir que du législateur ; nous sommes prêts à y travailler. Rappelons toutefois que, pour l’heure, nos quatre missions de service public sont aujourd’hui sous-compensées : le déficit global annuel atteint environ 60 millions d’euros…

Plusieurs questions ont été posées sur la présence territoriale et l’évolution du réseau postal. Contrairement à presque toutes les postes européennes, la Poste a fait le choix stratégique de conserver un modèle multimétiers qui préserve la présence territoriale, les missions bancaires, le service de proximité, l’itinérance, etc. Or nous devons avant tout faire face à un changement drastique dans les usages, que vous connaissez parfaitement : une utilisation de plus en plus réduite du courrier, qui s’accompagne d’une baisse de la fréquentation de nos points de contact du fait de la dématérialisation des services en général. Du coup, notre stratégie s’oriente vers deux solutions que nous tâchons de mettre en place : pour ce qui est de la présence postale, la mutualisation avec d’autres services ; pour ce qui est de la présence du facteur et la forte réduction du courrier, le développement de nouveaux services, particulièrement dans les territoires ruraux, en lien avec le vieillissement de la population.

D’ores et déjà, La Poste a pris des initiatives qui font sens et sont désormais reconnues, à commencer par le passage de l’épreuve théorique du permis de conduire dans les bureaux de poste. En deux ans, nous avons ainsi accueilli 1,7 million de jeunes que nous ne captions pas auparavant ; c’est une vraie réussite, que je tenais à signaler.

Dans le domaine du dialogue territorial et de la présence postale, je voudrais rappeler qu’un cadre de dialogue territorial a été élaboré, accessible à tous : le contrat de présence postale. Ce cadre est très simple : dans tous les territoires ruraux, dans toutes les communes où il reste un dernier bureau de poste ainsi que dans toutes les communes nouvelles, l’évolution d’un bureau de poste vers un partenariat ne peut se faire qu’avec l’accord formel du maire. Ce cadre de dialogue est rigoureusement respecté. Dans le reste des territoires, globalement constitué par les grandes villes où le maillage postal est très dense et la présence d’autres opérateurs bancaires forte, l’évolution de la présence postale se décide également en consultation avec les maires, sur la base de propositions d’évolution et d’échanges avec l’élu.

Dans le cadre du contrat de présence postale, nous avons établi, au mois de juin dernier, un bilan de ces modalités de dialogue territorial partagé avec le Bureau de l’Association des maires de France (AMF). Ce bilan est positif ; nous conduirons cette année une nouvelle enquête auprès des élus au sujet des modalités de la présence postale.

Je reviens sur la question de l’accès au cash, des distributeurs de billets (DAB) et des services financiers. De fait, dans certains territoires, lorsqu’un bureau de poste est transformé en agence postale communale, le maintien du DAB pose difficulté, pour des raisons de sécurité. Je souhaite néanmoins souligner trois aspects.

Premièrement, dans l’ensemble des points de contact en partenariat au sein des territoires ruraux, agences postales communales ou relais-Poste commerçants, des opérations de dépannage financier sont permises pour les clients de la Banque postale : dans les agences postales communales, cela représente 350 euros par semaine et par personne, 700 euros pour un couple. Ce n’est pas négligeable.

Deuxièmement, pour ce qui est de l’accès au cash, des solutions existent, auxquelles nous devrions peut-être travailler ensemble pour l’avenir. Le « sans-contact » en est une, mais qui ne répond pas aux questions de l’inclusion numérique. Le cashback (remise en argent) peut aussi constituer une réponse qu’il faudrait étudier avec les commerçants, dans les territoires ruraux notamment ; nous sommes prêts à engager cette réflexion dans le cadre des discussions du contrat de présence postale territoriale.

Troisièmement, nous sommes également prêts à un cofinancement des DAB avec les collectivités territoriales.

S’agissant de l’inclusion numérique, dans le cadre du contrat de présence postale territoriale, nous avons déployé de nombreux équipements, en lien avec les collectivités. La question de l’accompagnement des usagers est majeure. Par ailleurs, la question de la détection des fragilités numériques auprès des citoyens n’a pas été abordée alors qu’elle constitue un réel enjeu : la détection des intéressés suppose un réseau physique et un réseau humain. Lorsque les fragilités sont réelles, il faut pouvoir s’appuyer sur un écosystème susceptible de former les usagers et de permettre aussi le retour à l’emploi dans certains territoires.

Mme la présidente Barbara Pompili. Nous en venons aux questions.

M. Loïc Dombreval. Ma question s’adresse en particulier à la CAF, mais d’autres intervenants pourront également y répondre.

Le non-recours aux prestations auxquelles nos concitoyens ont droit constitue un vrai problème ; en France, on évalue à plus de 10 milliards d’euros les aides sociales diverses qui ne seraient pas attribuées à leurs bénéficiaires parce qu’ils ne les réclament pas.

Dans les territoires ruraux, les personnes se sentent souvent éloignées et, pour certaines, n’ont pas facilement accès aux applications numériques ou même à internet. C’est le cas dans ma circonscription des Alpes-Maritimes, territoire de montagne pour l’essentiel, qui compte plus de soixante communes rurales.

Quelles actions pourraient-elles être menées par vos services, en lien avec les acteurs locaux, afin de sensibiliser les personnes à l’accès à leurs droits et les inciter à réaliser les démarches nécessaires dans la constitution de leur dossier ?

M. Jacques Krabal. Madame la représentante de La Poste, nous avons beaucoup parlé des bureaux de poste en tant que tels, mais je souhaiterais connaître votre réflexion au sujet des suppressions de tournées : qu’en est-il ? Faute d’informations sur mon territoire, je peux vous citer les exemples de Mareuil-en-Dôle et Chaudun…

Au-delà de cet aspect, comment améliorer la relation de travail avec les élus du territoire ainsi que les collaborateurs des députés qui reçoivent un grand nombre de remarques sur l’ensemble des points que vous avez évoqués ? Les temps de réponse à nos questions sont souvent très longs, ce qui entraîne à une perte de confiance, en premier lieu dans le service en tant que tel.

Je veux enfin saluer la qualité des relations avec la MSA et son dispositif qui, sur le plan démocratique, devrait être repris par l’ensemble des opérateurs porteurs du service public en s’appuyant sur des référents locaux.

M. Martial Saddier. En matière de services publics, je considère que c’est au législateur de prendre ses responsabilités : c’est à la loi qu’il revient d’être très claire et de définir les prescriptions, comme nous l’avons fait en 2006 avec La Poste – ce qui n’enlève en rien aux autres. Lorsque le législateur prescrit 17 000 points de présence postale, La Poste s’exécute ; lorsque le législateur définit les services publics que La Poste doit mettre en place, la Poste respecte cette injonction. Mais en même temps qu’il définit le périmètre des services publics, le législateur doit prévoir les moyens financiers correspondants ; c’est ainsi que nous avons inventé le fonds de péréquation. La Poste dispose donc des moyens financiers pour garantir la présence postale. Voilà pour le fond.

Sur la forme, il y a plus désagréable pour les élus locaux que de voir encore supprimer un service public dans un territoire : c’est d’être les derniers informés. Là aussi, il appartient au législateur d’obliger les services publics à mettre les outils en place pour garantir l’information et la transparence, et ne plus découvrir au dernier moment la fermeture ou l’évolution de services publics dans nos territoires.

Mme Patricia Gallerneau. Je souhaite pour ma part redire un mot au sujet des déserts médicaux et de la santé. Un désert médical, c’est une punition pour tout le monde, pour le patient comme pour les médecins, mais aussi pour les élus locaux qui ne peuvent qu’y voir une menace pour la stabilité des territoires.

En octobre 2017, le Gouvernement avait annoncé plusieurs mesures pour remédier à cette situation : le cumul emploi-retraite et le nouveau zonage pour les aides à l’installation, l’encouragement de la télémédecine et la valorisation du rôle des infirmiers. Plus d’un an après, pouvez-vous nous donner votre avis et votre vision sur ces annonces ? Commencent-elles à montrer leur utilité dans la lutte contre les déserts médicaux ?

Pour ce qui est des zones blanches, M. François-Emmanuel Blanc a commencé à nous donner une réponse, mais ce n’est pas forcément que le patient ne peut pas ou ne veut pas ; c’est tout simplement qu’il ne peut pas accéder à internet…

Mme Sophie Auconie. À l’évidence, l’accessibilité des services publics passera à terme par l’accès aux services en ligne. Toutefois, cela a été dit de nombreuses fois, tous les territoires n’ont pas accès à internet et tous les citoyens français ne savent pas l’utiliser ; un moyen reste donc à mettre en œuvre pour y remédier.

C’est pourquoi je propose d’étudier une expérimentation conduite dans le Lot par une communauté de communes et une préfecture : un petit minibus électrique qui se rend au plus près des citoyens, pour tenir des permanences sur les places de mairie, avec accès à tous les services publics du département grâce à son système informatique, apportant ainsi une vraie réponse de proximité à nos citoyens. Cette expérience ne pourrait-elle pas être déclinée dans les autres territoires ?

M. Gabriel Serville. L’examen du projet de loi de programmation pour l’égalité réelle en outre-mer a mis en évidence les écarts de développement majeurs qui perdurent entre les territoires ultramarins et l’Hexagone. Sur la base des carences observées, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a décidé de se saisir de ce sujet, notamment en portant un regard appuyé sur les difficultés d’accès au service public, du fait de l’isolement de certaines parties de ces territoires d’outre-mer.

Dans son analyse, le CESE observe de profondes inégalités dans des domaines aussi variés que l’éducation, la justice ou la santé. En effet, personne n’ignore les carences de l’offre de soins qui font de Mayotte, de la Polynésie française, de Wallis-et-Futuna et de la Guyane les plus grands déserts médicaux de France. De surcroît, la Commission consultative des droits de l’homme et le Défenseur des droits tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur la non-effectivité de l’accès aux services publics et aux droits fondamentaux des citoyens de ces territoires.

Dans la mesure où certaines contraintes liées aux dimensions géographiques nécessitent une approche très différenciée ainsi que des moyens adaptés, qui d’entre vous pourrait nous présenter une ou deux pistes de réflexion ou d’action qui, selon vous, auraient déjà répondu à la pressante préoccupation manifestée par nos concitoyens des outre-mer ?

Mme Bérangère Abba. Lors de l’annonce du maintien de quatre trésoreries en Haute-Marne, dont je me félicite, le ministre de l’action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, a dit vouloir réexaminer de manière globale l’implantation du réseau de la DGFIP afin de mieux tenir compte des objectifs d’aménagement et d’équilibre du territoire.

Les dispositions concrètes envisagées sur ce principe de déconcentration de proximité se précisent, vous l’avez dit : une vision pluriannuelle, notamment dans la cartographie des implantations, une sortie du schéma traditionnel – un bureau, une équipe – pour multiplier les points de contact avec des services itinérants, une densification des maisons de services au public, une nouvelle gestion des flux via un accueil sur rendez-vous préparé téléphoniquement qui assurera des réponses personnalisées et une plus grande disponibilité.

Pouvez-vous nous dire dans quel calendrier nous nous inscrivons, et comment les usagers et les élus peuvent être associés et se saisir de cette réflexion, voire proposer des expérimentations locales ?

Mme Nathalie Sarles. Je souhaiterais simplement signaler à nos interlocuteurs que l’on recense peut-être 1 500 MSAP en France, mais qu’en fait, il n’y en a pas loin de 2 000 dans la mesure où nos permanences parlementaires sont en quelque sorte des maisons de services au public… C’est peut-être un trait d’humour, mais je vous assure que nous passons un temps incroyable à démêler des situations inextricables.

M. François-Emmanuel Blanc et M. Bruno Parent. C’est exact.

Mme Nathalie Sarles. Peut-être serait-il préférable – et là, ce n’est pas de l’humour – que vos services et les différentes institutions travaillent réellement avec les députés, car je vous assure que parfois, nous aussi menons un combat qui s’apparente au parcours du combattant pour aider nos concitoyens. Et je me dis que si le député n’y arrive pas, il y a effectivement quelques chances que le concitoyen n’y arrive pas non plus ; c’est pourquoi je voulais vous alerter sur cette collaboration nécessaire.

Mme la présidente Barbara Pompili. Merci, chère collègue, je « plussoie »… Tant il est vrai que les permanences de députés sont souvent des maisons de services et d’accueil du public où on recueille régulièrement des personnes qui ont rencontré des difficultés avec les services publics ; je relaie donc cet appel de ma collègue ! (Applaudissements.)

M. Fabrice Brun. La situation d’urgence économique et sociale que connaît notre pays appelle des réponses fortes et concrètes. Si la mobilisation citoyenne est partie des campagnes et des petites villes, ce n’est pas un hasard : ces hommes et ces femmes qui ont manifesté, bien souvent pour la première fois de leur vie, ont appuyé là où ça fait mal : sur les fractures territoriales, qu’elles soient médicales, numériques ou économiques. Je vous invite, monsieur le directeur général des finances publiques, à venir avec moi la semaine prochaine dans le canton d’Antraigues, où l’on se bagarre pour avoir le haut débit, mais d’abord pour avoir ne serait-ce qu’une liaison téléphonique fixe de qualité !

Ces fractures concernent aussi, bien évidemment, les services publics, qui déménagent les uns après les autres. Mon premier message – et je pense que nous serons nombreux à le répéter au cours des prochaines semaines et des prochains mois – est donc le suivant : attendez-vous à ce que la France des territoires n’accepte plus son sort. Tout le monde, me semble-t-il, l’a d’ailleurs bien compris. Mon second message est en réalité une question concrète : qu’allez-vous faire, à votre niveau, pour mettre fin au culte des métropoles ? Qu’allez-vous faire pour réaffecter des personnels dans nos territoires ? Car, vous l’aurez compris, je milite, comme de nombreux députés ici présents, pour une organisation décentralisée des services publics, à l’opposé d’une société hyperconnectée et déshumanisée.

M. Jean-François Cesarini. Pour rebondir sur ce qui vient d’être dit, le débat n’est plus entre Paris et la province – ce débat-là avait cours dans les années quatre-vingt –, mais entre les métropoles et le reste du pays, qui ne se limite pas à la ruralité : il y a aussi, effectivement, des villes moyennes. Nous croyons à la décentralisation par le numérique. Le numérique porte en lui une déconcentration économique assez forte.

Vous avez beaucoup parlé de services publics – c’est évidemment le sujet de ce matin –, mais aussi d’accompagnement des entreprises, notamment par La Poste et la MSA. Je pense vraiment que le service au public, qui est tout autant du service public que du service d’accompagnement économique, est important pour nos territoires. On ne pourra pas faire du service public s’il n’y a pas des facteurs économiques de croissance, notamment des gens qui travaillent dans nos territoires. D’où ma question : comment envisagez-vous le développement des tiers-lieux ? Le Gouvernement a annoncé, pour ce faire, la création d’un fonds de 100 millions d’euros, qui sera d’ailleurs intégré dans l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Les tiers-lieux sont aussi des espaces d’accompagnement, où l’on assure le service au public. Grâce à eux, on voit que le numérique n’est pas toujours synonyme de déshumanisation : dans ces endroits, on vient travailler ensemble – c’est le coworking. Comment vous inscrivez-vous dans cette ambition de développer le coworking ? Celui-ci, je le rappelle, se pratique pour moitié en dehors des métropoles. Mais surtout, vos services se parlent-ils dans les territoires ? Je vous le demande car j’ai l’impression que tout ce que vous faites est formidable, mais que vous travaillez beaucoup en silo…

M. Emmanuel Maquet. J’insisterai à mon tour sur un thème qui a déjà été abordé. Mes chers collègues, nous avons tous des permanences parlementaires et nous prenons beaucoup de temps pour recevoir nos concitoyens, les écouter exposer leurs problèmes et les aider, autant que possible, à les résoudre. Les démarches administratives sont, hélas, vues comme complexes et stressantes, voire effrayantes, par beaucoup de Français. Face à ce qu’il faut bien appeler le maquis des services publics, nous, députés, sommes perçus comme des sachants susceptibles de faire avancer les dossiers, ce que nous tentons de faire du mieux possible. Le plus souvent, ce rôle d’auxiliaire de vie publique, qui n’est pas, me semble-t-il, prévu par la Constitution, concerne des dossiers de retraite, de chômage, d’allocations ou encore de fiscalité.

Mesdames et messieurs les directeurs, vous recevez sûrement tous les jours des demandes de notre part visant à faire avancer tel ou tel dossier. Que pensez-vous de l’intervention des parlementaires dans les démarches administratives que doivent accomplir les citoyens ? N’est-elle pas le symptôme d’une incapacité à établir un dialogue simple et direct avec eux ? Que préconisez-vous pour remédier à cette situation ?

Mme Yolaine de Courson. J’entends chez vous tous une véritable volonté de placer l’usager au centre. C’est un monde merveilleux que vous nous dessinez, chacun d’entre vous s’ingéniant d’ailleurs à placer son propre usager au centre, ce qui est une manière de commencer à créer des silos… J’ai entendu aussi le désir d’aller au-devant des gens : le directeur général de la DGFIP a ainsi parlé d’itinérance. À ce propos – et ma question s’adresse à vous tous –, ne pourrait-on pas mettre en œuvre cette idée, associée à celle d’un guichet unique pour les droits, de façon à permettre aux usagers de connaître leurs droits, ce qui n’est pas toujours le cas et explique que l’on aboutisse, comme le soulignait M. Loïc Dombreval, à un non-recours ? Le numérique, ce n’est pas magique : attention, donc !

M. Lionel Causse. Comme l’ont fait nombre de mes collègues, je suis allé, vendredi dernier, à la CAF de mon département, les Landes, pour observer la mise en place des nouvelles mesures, notamment concernant la prime d’activité. J’ai d’ailleurs pu constater la forte mobilisation des agents. Dans la mesure où des renforts ont été mis à la disposition des CAF, je voudrais savoir si la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 allait être modifiée ou pas.

J’ai également une question pour M. le directeur général des finances publiques : une des difficultés que rencontrent nos petites communes rurales est liée aux problèmes de sécurité que pose la circulation des espèces. Avez-vous des solutions pour garantir la sécurité des usagers, mais aussi celle des agents de vos services ?

Mme Valérie Lacroute. Madame Smara Lungu, vous avez rappelé une des quatre missions de service public de La Poste : l’aménagement et le développement du territoire. Vous avez, à ce titre, évoqué le soutien de La Poste au dynamisme des villes moyennes et fait allusion au programme Action cœur de ville, dont l’objectif est de redynamiser les centres-villes en y implantant de nouveau, par exemple, des services publics. Pour faciliter et accélérer ce mouvement, La Poste envisage-t-elle d’être non plus propriétaire mais locataire de ses locaux ? Dans ma circonscription – à Nemours, commune dont j’ai été maire –, j’ai un dossier en attente concernant une opération de ce type. Pouvez-vous donc nous préciser la stratégie immobilière de La Poste au niveau national et, plus spécifiquement, dans les 222 villes qui ont été retenues dans le dispositif Action cœur de ville ?

M. Vincent Thiébaut. Ma question est très simple et rejoint un peu ce qu’ont dit mes collègues. En 2015, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a confié aux départements l’élaboration des schémas d’accessibilité des services au public. Je voudrais savoir quel a été, pour vous, l’impact de cette décision, et ce que vous pensez de sa mise en œuvre.

Par ailleurs, pour avoir rencontré, dans mon département – en particulier dans le pays d’Alsace du Nord – différents acteurs, à Pôle emploi ou dans le domaine de la santé, j’ai constaté que la bonne démarche consiste à travailler au niveau des bassins de vie, d’emploi et de consommation. Des initiatives en ce sens existent, et j’ai vu de très belles choses – je félicite d’ailleurs Pôle emploi. Ne faudrait-il pas, au niveau législatif, s’appuyer un peu plus sur les pôles d’équilibre territorial et rural (PETR), qui pourraient être le bon périmètre pour la mise en œuvre de l’accès aux services publics ?

Enfin, soit dit entre parenthèses, à propos de fracture numérique, j’ai l’impression qu’on oublie que 15 % de la population a, aujourd’hui encore, du mal à lire et à écrire…

M. Jean-Pierre Vigier. Pour éviter la fracture territoriale entre les villes et les campagnes, il est indispensable – vous l’avez toutes et tous clairement dit – de maintenir un maillage territorial de nos services publics, notamment en milieu rural. Je pense que les MSAP sont une bonne solution pour à la fois mutualiser ces services et surtout apporter un lien social à la population. Encore faut-il qu’un projet soit pensé et construit pour chaque MSAP entre les différents organismes, afin que les services fournis soient complémentaires et de qualité et qu’ils garantissent la proximité. Et surtout que les effectifs soient suffisants. Enfin, il faut bien évidemment – et je rejoins l’analyse de mon collègue M. Fabrice Brun – que la couverture numérique soit de bonne qualité, avec du haut débit sur l’ensemble du territoire, pour permettre tout simplement, on l’oublie trop souvent alors que c’est important en milieu rural, d’accéder aux applications des différents organismes.

M. Olivier Falorni. Dans notre vieille et belle République française, nos concitoyens sont attachés par-dessus tout à l’égalité. On le voit à travers le mouvement des gilets jaunes : à tort ou à raison, et souvent à raison, ils ont le sentiment que l’égalité d’accès aux services publics régresse. Je confirme ce qu’ont dit certains collègues : nos permanences parlementaires se transforment souvent en maisons de services au public. Je le dis à nos invités, sur le ton de la plaisanterie même si le sujet est assez sérieux : dépêchez-vous de vous organiser, car la diminution du nombre de parlementaires va faire que, bientôt, nos permanences ou bien n’existeront plus, ou bien ne pourront plus assumer cette mission.

Madame Firmine Duro, vous avez indiqué qu’il fallait placer les utilisateurs au cœur du système, les associer à travers des expérimentations. Je trouve cela intéressant. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Mme Véronique Riotton. Ma question porte sur la médecine, et plus particulièrement sur la pénurie de médecins généralistes. Parmi les propositions qui sont faites pour développer la télémédecine, on trouve beaucoup de dispositifs qui visent à rapprocher le patient de son médecin traitant. Or on voit bien que les besoins sont beaucoup plus larges. Ma question est donc très concrète : pour généraliser la télémédecine, ne serait-il pas plus intelligent de dépasser la dimension du médecin traitant ? Quelles sont vos propositions ? Pourrait-on envisager, par exemple, de se passer de consultation pour un renouvellement d’ordonnance ?

Mme Pascale Boyer. Les fermetures de petites gares dans les territoires ruraux posent problème aux usagers, car elles les éloignent d’autant plus de l’accès à la mobilité. Ces fermetures posent également problème quand la ligne est à voie unique, dans la mesure où c’est là que se trouvent les voies d’évitement qui permettent le croisement des trains. Ce qui revient à dire que plus il y a de gares fermées, moins les trains peuvent se croiser, et moins il y aura de trafic… Garder les petites gares ouvertes permettrait de conserver un service de mobilité de qualité et de proximité, mais pourrait être aussi un moyen de maintenir l’accès à d’autres services publics. Ces bâtiments, considérés pour la plupart comme « patrimoine rural », ne pourraient-ils pas être utilisés pour mutualiser les moyens techniques et humains ?

M. Bruno Parent. Je répondrai volontiers à trois questions.

La première concerne la notion de « déconcentration de proximité », que j’ai évoquée tout à l’heure et qui a été rappelée par la suite. Pour le dire autrement, il s’agit de bâtir un nouveau réseau pour la DGFIP. Vous m’avez interrogé sur les modalités et le calendrier. Nous avons l’ambition d’entamer ce travail en 2019. Pour résumer, la démarche pourrait prendre la forme suivante : le directeur départemental imagine ce que pourrait être le nouveau réseau dans son emprise, avec des alternatives, et soumet ce projet à une très vaste consultation. Il est consubstantiel à la démarche que les élus locaux – même s’ils ne sont pas les seuls – soient étroitement associés. On peut imaginer que le plan qui sortira de cette consultation ne soit pas le même qu’au départ : ce serait même le signe d’une véritable consultation, ayant eu des effets. On ne peut pas non plus exclure – on peut même souhaiter qu’ils le fassent – que les élus locaux, par leurs réflexions propres, apportent une contribution au renforcement de l’attractivité des territoires. Je rappelle en effet que nous parlons des différentes fonctions publiques et que les fonctionnaires ne sont pas mutés d’office. Là où nous souhaitons des points de contact supplémentaires, une proximité plus grande avec les usagers, il faut des fonctionnaires, et donc que ceux-ci acceptent de venir ; ce qui veut dire que l’attractivité, pour eux aussi, doit être au cœur de la démarche. L’État prendra ses responsabilités, bien sûr, mais les élus locaux, pour ce qui relève des leurs, pourraient apporter quelque chose.

Monsieur Fabrice Brun nous a demandé ce que nous allions faire pour que les métropoles ne soient pas l’objet d’une forme de culte.

M. Fabrice Brun. Ce qu’elles sont !

M. Bruno Parent. Dans la démarche de déconcentration de proximité que je viens de rappeler, il y a la partie concernant les départements, avec la consultation dont je parlais, mais aussi – c’est une sorte de joker – l’idée de réintroduire dans les territoires des tâches exercées dans les métropoles, ce qui suppose également d’y affecter les agents. L’ambition de la DGFIP, dans les années qui viennent, est d’avoir moins de fonctionnaires dans les métropoles – en proportion, bien sûr –, pour à la fois renforcer les territoires et, pourquoi ne pas le redire, permettre à un certain nombre de serviteurs du service public d’avoir de meilleures conditions de vie et de travail. Les deux objectifs se rejoignent, et c’est bien notre ambition.

La troisième question – je remercie M. Lionel Causse de l’avoir posée – porte sur la sécurité, et plus précisément sur les risques que prennent les fonctionnaires en maniant du numéraire. C’est vrai, nos trésoreries font de temps en temps l’objet de braquages. Le transport de fonds n’est pas une affaire aisée. Bien sûr, pour ce faire, il y a les transporteurs de fonds, mais nous le faisons aussi nous-mêmes, ce qui implique un certain nombre de risques. L’ambition est très claire : progressivement, et tout en tenant compte, évidemment, des besoins des usagers, nous souhaitons sortir le numéraire des caisses publiques de la DGFIP. Un texte a été adopté en ce sens. Un appel d’offres a été lancé pour trouver un réseau – par exemple un réseau bancaire, mais les buralistes pourraient être eux aussi intéressés par une disposition de cette nature – en mesure de se substituer à nous pour manipuler le numéraire, de sorte que le service à l’usager soit toujours de bonne qualité. Dans l’hypothèse où un réseau bancaire ou de buralistes assumerait cette mission, il devrait forcément disposer d’un maillage serré, garantissant la proximité, tout en nous permettant de cocher l’autre case, c’està-dire la sortie du numéraire – pour les raisons que vous avez dites, c’est-à-dire ayant trait à la sécurité, mais aussi, force est de le reconnaître, au coût, car manier du numéraire coûte cher : il faut sécuriser les caisses et adopter toute une série de dispositifs. Les deux objectifs – service à l’usager et plus grande sécurité pour les agents – se combinent. Je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet.

Mme Cécile Chaudier. Concernant le non-recours aux prestations familiales, la branche famille a déjà mis en place des dispositifs pour aller au-devant des publics. Je pense notamment au « rendez-vous des droits » proposé à des allocataires et qui a pour but de passer en revue avec eux l’ensemble de leur situation et, ce faisant, de vérifier s’il n’y a pas certains droits qu’ils pourraient faire valoir – ces droits peuvent être liés à la branche famille ou à la branche maladie, mais aussi relever d’autres services publics. Nous avons engagé ces travaux il y a plus de deux ans ; nous allons les poursuivre et les développer dans les années à venir. Ils ont aussi vocation à limiter les effets que vous souligniez, à savoir le fonctionnement en silo des services publics : l’objectif est vraiment de travailler sur des parcours coordonnés, au niveau local, entre les différents services publics. Le rendez-vous des droits en est une bonne illustration.

Dans le même ordre d’idées, nous avons conduit, l’année dernière, des expérimentations en matière de data mining pour l’accès aux droits. Nous cherchons, dans nos bases d’allocataires, quels sont ceux qui, au regard de leur profil, nous paraissent à même de prétendre à des prestations qu’ils n’ont pas encore demandées. Nous les contactons ensuite pour leur proposer de le vérifier avec eux. Or l’expérience montre que certains usagers, quand bien même ils ont été informés qu’ils peuvent faire valoir un droit et que nous leur avons expliqué comment le faire, ne souhaitent pas engager la démarche. Nous travaillons à l’identification des causes de ce non-recours. Les usagers ont-ils l’impression d’être stigmatisés par certaines prestations ? Il faut pouvoir lever ces préventions, y compris au moment de l’accueil, dans la façon dont nous promouvons ces droits. Nous travaillons sur le sujet.

Pour lutter contre le non-recours, nous nous appuyons aussi beaucoup, évidemment, sur notre réseau de partenaires d’accueil, de manière à détecter les situations de fragilité – sociale ou autre – et à les prendre en charge. C’est aussi la raison pour laquelle nous comptons beaucoup sur la diversité des partenariats qui sont structurés par les CAF, lesquels sont très divers et vont bien au-delà des MSAP : cela va du centre communal d’action sociale aux structures de la petite enfance – et bien d’autres encore, notamment dans le domaine de l’action sociale.

Enfin, il y a les initiatives, auxquelles je faisais référence tout à l’heure, que nous souhaitons promouvoir et développer, pour assurer un accueil plus coordonné entre les différents services publics. Dans le Jura, à Belfort ou encore dans le Gard, nous avons développé des points d’accueil conjoint avec la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui permettent, par exemple, une prise en charge coordonnée et simultanée pour le revenu de solidarité active (RSA) et la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire.

La question de l’accès aux droits amène à travailler non seulement sur la connaissance de ces droits, mais aussi sur la simplicité d’usage et donc les démarches. Sur ce point, je me permets d’insister une fois encore sur le fait que nous allons au-devant des publics pour les aider à se familiariser avec les démarches administratives. C’est le cas dans les Alpes-Maritimes et dans bien d’autres départements : les CAF proposent aux personnes qu’elles ont détectées, au moment de l’accueil, comme étant a priori peu à l’aise avec le numérique, des ateliers collectifs de formation aux démarches en ligne auprès de notre organisme. Cela peut être fait aussi en partenariat avec d’autres structures : dans le Nord, par exemple, à la médiathèque de Maubeuge, sont proposés à des bénéficiaires du RSA des ateliers collectifs pour se former à l’accomplissement des démarches. Autant d’initiatives que nous mettons en place pour lutter contre le non-recours.

Monsieur Lionel Causse a soulevé la question des moyens alloués à la branche famille dans le cadre de l’évolution de la prime d’activité et de la renégociation de ces moyens, définis dans la convention d’objectifs et de gestion pour la période 2018-2022. À court terme, nous avons débloqué un renfort temporaire auprès de l’ensemble des CAF : 185 CDD, répartis sur l’ensemble du territoire. S’agissant de la clause de revoyure éventuelle pour nous attribuer des moyens plus pérennes au regard des impacts de cette évolution, notre présidente est très sensible au sujet. Elle a prévu de rencontrer prochainement notre ministre de tutelle et les administrations centrales concernées pour évoquer une renégociation des moyens de la branche.

Mme Firmine Duro. Monsieur Jean-François Cesarini, Pôle emploi a effectivement, dans le cadre de ses actions dans les territoires, développé au sein de certaines agences des espaces du type tiers lieu, afin de permettre, par exemple, à des demandeurs d’emploi souhaitant créer leur entreprise de bénéficier d’un espace où ils peuvent travailler tranquillement sur leur projet. Nous sommes en phase de test depuis environ un an. Nous avons également ouvert ces espaces à nos partenaires : certaines structures viennent ainsi dans nos agences et sont accessibles aux demandeurs d’emploi. S’agissant de création d’entreprise, une de nos agences accueille une structure du type « La Boutique de gestion ». Les demandeurs d’emploi qui se présentent à l’agence y ont accès sans nécessairement avoir pris rendez-vous au préalable. L’agence de Parentis-en-Borne a, quant à elle, accordé un espace au service du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine en charge de la formation, ce qui permet à cette collectivité d’organiser un accueil de proximité afin de présenter son offre de formation.

Nous expérimentons donc des dispositifs permettant aux demandeurs d’emploi, à nos partenaires et même aux employeurs de se rencontrer. Cela nous permet d’identifier de nouveaux services ou de nouveaux projets sur lesquels il est possible de travailler ensemble. Les partenaires voient effectivement quels nouveaux services ils peuvent proposer, ce qu’ils peuvent apporter de nouveau dans la manière de travailler avec les demandeurs d’emploi. Cela crée également une forme de relation plus naturelle, plus fluide entre les différents partenaires, ce qui permet quelquefois d’avancer un peu plus vite pour un certain nombre d’actions communes.

Pour en revenir à l’exemple que je citais tout à l’heure, sur la manière dont on associe les demandeurs d’emploi et les employeurs à la conception des services dans nos agences, nous expérimentons depuis quelques années la possibilité pour un directeur d’agence d’inviter ses partenaires, les demandeurs d’emploi et les entreprises à discuter sur ce qu’il leur semblerait nécessaire d’améliorer dans le territoire couvert par l’agence. Dans cette discussion, peut émerger le besoin de développer des services ayant trait à la mobilité géographique, ou encore de promouvoir davantage les offres d’emploi situées sur le territoire – car les gens cherchent en priorité un travail à proximité de leur lieu de résidence.

Il s’agit donc d’organiser conjointement des opérations. Dans une agence, par exemple, les demandeurs d’emploi ont souhaité travailler sur la question des aides à la mobilité offertes par Pôle emploi. Ils nous ont dit : « Vous nous proposez des aides à la mobilité géographique ; c’est bien, mais, dans notre territoire, il n’y a pas de transports publics. Même si nous touchons ces aides financières, nous ne pouvons donc pas les utiliser. » Nous allons donc expérimenter, dans cette agence, en partenariat avec la communauté de communes, un service de covoiturage, soutenu financièrement par Pôle emploi.

Avoir ces temps de discussion, d’échange, permet de travailler à la fois sur le contenu de l’offre de services et sur la manière dont elle est mise à disposition. Nous avons eu, par exemple, des échanges sur les services que nous avions mis en place. Les bénéficiaires nous ont dit : « Nous ne les connaissons pas et, de toute façon, la manière dont vous communiquez dessus n’est pas compréhensible pour nous. » D’où l’intérêt, et c’est vraiment l’une des orientations des discussions en cours sur la prochaine convention tripartite, d’associer davantage les gens qui utilisent les services, notamment pour ce qui touche à la manière de communiquer.

Par ailleurs, nous pensons de plus en plus, à Pôle emploi, que la question de la coopération avec les partenaires doit s’inscrire non pas simplement au niveau régional, mais au niveau du bassin d’emploi, comme vous l’avez souligné, monsieur Vincent Thiébaut, à partir de l’exemple de votre territoire. Nos directeurs d’agence développent de plus en plus des coopérations avec les intercommunalités. Je mets de côté la question de savoir qui, de l’État ou des collectivités, doit exercer cette compétence : je parle des personnes, de la « vraie vie ». Or les questions ayant trait à l’emploi doivent être également appréhendées dans le cadre des territoires. L’organisation de Pôle emploi lui permet, tout en étant un opérateur national, de construire des réponses adaptées aux situations dans les territoires. En Guyane, nous sommes ainsi en train de conduire, avec le directeur régional, une réflexion à laquelle les partenaires sont associés, visant à rendre accessibles les services numériques. Nous nous demandons quelle stratégie doit être développée et quels outils Pôle emploi doit créer à moyen terme pour mettre à disposition ces services.

Certaines réalités ne peuvent être prises en compte efficacement au niveau national. Pour nous, il est important et même déterminant de construire des solutions avec les élus au niveau local, au niveau du bassin d’emploi. Cette pratique est pertinente pour les territoires ruraux, bien sûr, mais également dans d’autres territoires. J’en veux pour preuve le dispositif « Territoire terre d’envol », en Seine-Saint-Denis : nous travaillons sur un plan d’action visant à faire en sorte que les offres d’emploi existant dans un territoire bénéficient aux demandeurs qui y résident. On se rend compte que cela nécessite d’engager une discussion sur le terrain.

Vous avez eu l’impression que nos services travaillaient en silo. Or il y a des sujets sur lesquels nous travaillons en étroite coopération, même si nous ne l’avons peut-être pas suffisamment explicité. Sur la question de l’inclusion numérique, par exemple, nous travaillons ensemble pour déterminer les actions que nous pourrions expérimenter conjointement afin d’accompagner les usagers. Ne nous faisons pas d’illusions : un demandeur d’emploi est aussi un allocataire, il connaît la CAF et la caisse primaire d’assurance maladie. Autrement dit, nous avons le même public. Nous savons nous mettre ensemble et cofinancer des expérimentations pour construire un service. L’objectif est de faire en sorte que travailler sur l’inclusion numérique, ce ne soit pas uniquement travailler sur l’offre de services de Pôle emploi, par exemple : il faut travailler également sur la manière dont l’usager utilise les services de la CAF. Au total, l’usager doit devenir autonome pour l’ensemble des services.

M. François-Emmanuel Blanc. Je reviens d’un mot sur l’accès aux droits, tout en précisant que la MSA partage les méthodes de la CAF. J’ajoute que, du fait de dispositions d’ordre technique, une partie de nos ressortissants ne veulent pas bénéficier des prestations. C’est le cas pour le minimum vieillesse : aussi surprenant que cela puisse paraître, un certain nombre de personnes qui ont été détectées et que nous sollicitons dans le cadre des entretiens relatifs aux droits refusent de toucher cette prestation par crainte de la récupération sur la succession. D’autres craignent d’être stigmatisées si elles demandent à bénéficier d’une prestation comme la CMU, ou encore à toucher une pension de réversion. Le travail d’accompagnement vers les droits passe donc, bien évidemment, par un dialogue, pour sortir de situations de blocage qui sont quasiment d’ordre psychologique. Et il est difficile d’avoir une réponse univoque pour l’ensemble des sujets.

Je répondrai ensuite, si vous me le permettez, à la question portant sur le rôle du Parlement en matière de définition des services publics. Pour ma part, je m’en remets totalement à la sagesse du Parlement : s’il décidait de définir le nombre d’antennes ou de lieux de présence du service public de la protection sociale dans nos territoires, nous respecterions intégralement, bien entendu, ces dispositions.

En ce qui concerne l’impact des mesures prises pour lutter contre la désertification médicale et faciliter l’accès aux soins dans les territoires, observe-t-on une évolution de la situation ? Je crois que oui. Il est vrai que l’ingénierie de ces dispositions est très complexe et très lourde : elle engage de multiples acteurs dans les territoires. Depuis le lancement du Pacte territoire santé, il y a quelques années, on a observé la création d’un nombre important de maisons de santé pluriprofessionnelles, ainsi que le démarrage des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et le développement de l’accompagnement. Comme vous le savez, la négociation conventionnelle nationale a commencé hier avec les représentants des professionnels de santé pour fixer les conditions de rémunération de l’intégration dans les CPTS. De la même manière, les négociations sur les assistants médicaux, pour accompagner et libérer du temps médical en proximité, sont en cours.

Les choses avancent donc. Les dispositions du projet de loi qui sera soumis prochainement au Parlement, à la suite des annonces faites au mois de septembre par le Président de la République, notamment au sujet du numerus clausus, porteront elles aussi leurs fruits au bout d’un certain temps. Encore une fois, je crois pouvoir le dire, grâce à l’ingénierie que nous apportons aux professionnels de santé pour les épauler dans la création des CPTS ou des maisons de santé, nous observons une plus forte appétence pour l’exercice coordonné. C’est une très bonne chose, car c’est là un des facteurs identifiés comme permettant d’améliorer le recours aux soins.

En ce qui concerne le culte des métropoles, ou plutôt l’abandon de ce culte, et le maintien de notre présence dans les territoires ruraux, comme je l’ai dit tout à l’heure, cette implantation est inscrite dans notre ADN. Nous sommes par définition implantés dans ces territoires, et vous pouvez compter sur la MSA, mesdames et messieurs les députés, pour consolider encore plus notre implantation territoriale, comme nous l’avons fait à l’occasion de la dernière négociation de notre convention d’objectifs et de gestion. Il y a quelques années, nous avions des caisses départementales ; désormais, nous avons des caisses pluridépartementales, mais nous n’avons pas voulu entrer dans une logique de caisses régionales. Nous avons, au contraire, développé un programme de mutualisation de proximité nous permettant, précisément, de rester en toute proximité territoriale et d’améliorer l’efficience de nos caisses. Un certain nombre de moyens ont été mutualisés, mais les caisses restent résolument présentes dans les territoires, sans parler, bien sûr, de l’attachement fort et marqué à l’animation des élus que sont nos délégués cantonaux – j’y reviens une fois encore. Les prochaines élections, qui auront lieu en janvier 2020, seront l’illustration de notre détermination à faire vivre ce corps exceptionnel d’ambassadeurs et de vigies dans les territoires, notamment les territoires ruraux.

En ce qui concerne le recours à vos services, au titre de votre mission d’accompagnement des personnes, vous êtes très sollicités, nous le savons, dans vos permanences parlementaires – comme le sont également les maires. Il est vrai que, dans nos actions, nous devons veiller à ce que les relations avec l’ensemble des élus et des partenaires territoriaux continuent à s’améliorer. Cela vaut aussi pour les relations avec le Médiateur de la République qui intervient régulièrement auprès de nous pour régler un certain nombre de situations. Nos médiateurs, dans les caisses, ont le même rôle. Il y a encore, en la matière, des possibilités d’améliorer les choses.

Un mot, pour conclure, sur l’itinérance, notamment au moyen des bus de services. L’idée n’est pas tout à fait nouvelle ; il en existe déjà dans plusieurs endroits. Ce sont, par exemple, les bus prévention santé – la MSA en a quelques-uns. Nous avons également mené une expérimentation en Corse, en partenariat avec les collectivités. Je veux aussi insister sur notre proximité territoriale au cœur des entreprises : même si ce n’est pas le propre de la MSA, nous accompagnons les entreprises agricoles et les exploitants. Nous exerçons des fonctions de médecine du travail pour le compte de nos bénéficiaires. À ce titre, nous avons des contacts de proximité dans les entreprises et dans les exploitations avec nos ressortissants. De la même manière, les « préventeurs », qui interviennent au sein des entreprises, ont un rôle déterminant pour assurer la proximité avec nos adhérents.

Mme Smara Lungu. Pour ma part, je m’efforcerai de répondre à toutes les questions concernant La Poste.

S’agissant des difficultés que vous rencontrez au niveau local, nous avons un réseau de délégations régionales : dans chaque département, il existe des délégués aux relations territoriales. Si vous n’avez pas leurs coordonnées, je vous propose d’en transmettre la liste au secrétariat de la commission.

S’agissant de la suppression des tournées, je souhaite simplement vous rappeler que la réorganisation des tournées intervient dans un contexte marqué par l’évolution des usages – j’en parlais dans mon propos liminaire –, avec cette différence que, si le courrier arrivait pour le tri sur les plateformes à six heures, les colis, eux, arrivent à partir de neuf heures du matin, ce qui décale le début de la journée. Nous savons que, dans certains territoires, ces réorganisations ne sont pas sans poser des difficultés. Nous nous tenons à votre disposition ; je vous propose que nous en parlions à l’issue de l’audition.

S’agissant des départements d’outre-mer, je voudrais signaler que, dans le cadre du contrat de présence postale territoriale et du fonds de péréquation territoriale, tous les ans, près de 6,5 millions d’euros y sont investis au titre de l’aménagement du territoire. Si vous le souhaitez, je peux vous envoyer des éléments détaillés sur ces dépenses qui sont consacrées notamment à la rénovation de nos espaces, ou encore aux nombreuses actions de médiation, d’inclusion sociale et d’inclusion numérique, mais aussi à la sécurisation de nos espaces dans certains territoires. Dans l’ensemble des départements d’outre-mer, nous avons 260 bureaux de poste.

Sur les questions de mobilité, soulevées par plusieurs d’entre vous, notamment Mme Yolaine de Courson, nous avons effectivement engagé une réflexion, en lien avec le travail que fait le facteur six jours sur sept. Nous souhaiterions être en mesure de déployer prochainement des équipes mobiles qui viendraient appuyer les maisons de services au public de La Poste. Nous pensons que ces équipes ont une réelle utilité, notamment dans les territoires de montagne, qui sont organisés en vallées – or il est difficile de desservir plusieurs vallées au moyen d’un même point de contact physique. Nous partageons donc votre préoccupation.

En ce qui concerne la stratégie de Poste Immo et les travaux menés dans le cadre du projet Action cœur de ville, nos délégations régionales travaillent bien entendu en lien étroit avec les maires. Concrètement, nous sommes en mesure de mettre en œuvre plusieurs stratégies. La première consiste à moderniser nos locaux lorsque nous sommes propriétaires, mais également à rationaliser les surfaces dans le cas de locaux qui sont plus grands que ce que requiert désormais l’activité. Si la collectivité a conçu un projet, nous en discutons bien entendu et nous essayons de trouver des solutions qui conviennent aux élus, tout en étant adaptées à notre présence. Nous avons aussi engagé une réflexion pour adapter l’usage de certaines surfaces immobilières dans plusieurs villes faisant partie du dispositif Action cœur de ville. Nous développons également des projets de résidences seniors non médicalisées, qui présentent un réel intérêt pour certaines collectivités.

Enfin, pour répondre à la question de M. Jean-François Cesarini sur les tiers-lieux, je voudrais exprimer notre souhait de travailler sur le sujet. Par exemple, nous participons au contrat de réciprocité entre Toulouse Métropole et le pays Portes de Gascogne, qui mène une réflexion sur l’articulation entre les territoires ruraux et périurbains et la métropole. Dans ce cadre, nous avons lancé des initiatives expérimentales de tiers-lieux, que nous sommes en train de déployer.

Mme la présidente Barbara Pompili. Mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup d’avoir répondu à toutes les questions des parlementaires. Le sujet est très large : nous pourrions y consacrer bien plus qu’une longue réunion. Nous n’hésiterons pas à vous recontacter au besoin : les contacts ont été pris. Nous reviendrons évidemment sur cette question essentielle de l’aménagement des territoires et de l’accès aux services publics au cours de réunions ultérieures, notamment quand nous travaillerons sur la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

 

Réunion du mercredi 16 janvier 2019 à 9 h 30

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, M. Jean-Yves Bony, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Paul-André Colombani, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Jean-Luc Fugit, Mme Patricia Gallerneau, Mme Laurence Gayte, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, M. Gérard Menuel, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Sébastien Nadot, M. Matthieu Orphelin, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Zivka Park, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

 

Excusés. - Mme Valérie Beauvais, M. Christian Jacob, M. Serge Letchimy, Mme Sandra Marsaud, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, Mme Sophie Panonacle, M. Alain Perea, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

 

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Valérie Lacroute, M. Philippe Vigier