Compte rendu

Commission
des affaires sociales

  – Audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et de M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (M. Olivier Véran, rapporteur général)              2

  – Présences en réunion..................................40

 

 

 


Mercredi
10 octobre 2018

Séance de 21 heures 30

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
Présidente,

 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 10 octobre 2018

La séance est ouverte à vingt-et-une heures trente.

(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)

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  La commission procède à l’audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et de M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et discussion générale sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (M. Olivier Véran, rapporteur général).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, nous nous retrouvons pour l’audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et de M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019. Je rappelle que cette audition tient également lieu de discussion générale sur ce projet de loi.

Si nous nous réunissons à cette heure inhabituelle pour une telle audition, c’est qu’il était indispensable que nous entendions les ministres cette semaine. La présentation du texte et les réponses à vos questions me semblaient devoir intervenir avant le dépôt des amendements, et je n’étais pas favorable à la tenue d’une telle réunion demain, qui aurait perturbé l’examen des propositions de loi de l’un des groupes de l’opposition. Nous n’avions donc pas d’autre possibilité.

Je souhaiterais, avant de commencer, faire un point sur les conditions d’examen du PLFSS. Certains d’entre vous m’ont interrogée sur un éventuel report du délai de dépôt des amendements, fixé à vendredi dix-sept heures. Je suis au regret de devoir appliquer le délai prévu par notre Règlement, dans des conditions strictement identiques aux années précédentes, à l’exception remarquable de 2016. La matière est technique, les amendements sont en général nombreux, et doivent en outre fréquemment faire l’objet d’un contrôle de recevabilité au titre de l’article 40. L’instruction sérieuse des amendements par le rapporteur général et leur diffusion dans un délai correct avant la réunion de la commission ne sont donc malheureusement pas compatibles avec un report de délai.

En réalité, le problème ne vient pas du délai de dépôt des amendements, mais de celui qui sépare le dépôt du projet de loi de son examen en séance publique. Je ne peux pas me satisfaire de la réponse qui nous est souvent faite, à savoir que l’avant-projet nous est largement connu et que le temps des consultations obligatoires et de l’examen par le Conseil d’État ne permettent pas de le déposer plus tôt.

Madame la ministre, monsieur le ministre, nous aurons besoin d’une semaine supplémentaire pour examiner les prochains PLFSS, et donc que vous déposiez le projet une semaine plus tôt. Ce qui est possible pour le projet de loi de finances (PLF), ce qui l’a été une fois pour le PLFSS en 2016, devrait devenir la règle à l’avenir. L’Assemblée nationale ne peut plus être la variable d’ajustement d’un calendrier effectivement très contraint. Pas sur un budget supérieur à celui de l’État, et sur des sujets qui intéressent nos concitoyens au quotidien ! (Applaudissements.)

Nous avons donc peu de temps, vous en conviendrez, mes chers collègues. Et pour ne pas en perdre, je donne tout de suite la parole à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes très heureux de vous présenter ce PLFSS pour 2019, même si nous devrions faire mieux l’année prochaine en termes de délais.

Ce deuxième PLFSS du quinquennat reflète l’action du Gouvernement au cours de l’année écoulée. Il s’inscrit donc dans une continuité évidente des choix politiques et économiques faits par le Gouvernement pour libérer l’économie et améliorer le pouvoir d’achat – M. Darmanin y reviendra.

S’agissant des politiques sociales et de santé que j’ai la charge de conduire, ce projet de loi concrétise les orientations fortes que le Président de la République et le Gouvernement ont présentées au cours des derniers mois, et même des quelques dernières semaines.

Je commencerai par évoquer le cadre général budgétaire et financier du PLFSS.

En 2019, pour la première fois depuis dix-huit ans, le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) sont équilibrés. C’est une bonne nouvelle pour nos concitoyens, et je pense notamment aux plus jeunes. Cela veut dire que l’on cesse de creuser la dette et que l’on consolide notre système de sécurité sociale. Pour aller plus loin dans cette direction, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) reprendra, entre 2020 et 2022, 15 des 27 milliards d’euros de dettes de la sécurité sociale encore supportés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Le Gouvernement entend donc réaffirmer l’objectif de faire disparaître l’intégralité de la dette de la sécurité sociale en 2024.

Je souhaitais commencer par ce constat, parce qu’il est au fondement de ce PLFSS et de la conduite des politiques sociales. Le rétablissement des comptes, c’est ce qui nous donne la capacité d’agir, d’être ambitieux dans notre volonté de transformation, et d’envisager sereinement la couverture de nouveaux risques.

Ce PLFSS est porté par une double ambition, qui est d’investir et de protéger : investir pour réorganiser notre système de santé, protéger les plus fragiles, notamment en améliorant le recours aux soins et la réponse aux besoins de santé.

Nous commencerons par investir dans la réorganisation du système de santé. Le 18 septembre, le Président de la République a présenté le plan « Ma santé 2022 ». Je rappelle que l’épine dorsale de ce plan est de mieux organiser, de mieux structurer les soins de proximité, ambulatoires comme hospitaliers, en dépassant précisément ce clivage qui n’est pas pertinent du point de vue du patient.

Nous voulons inscrire le pays dans une perspective stratégique claire, qui permettra de mieux répondre aux attentes des Français sur l’ensemble du territoire : celle de l’exercice en ville regroupé, pluridisciplinaire, organisé à l’échelle d’un territoire pour mieux répondre aux besoins de soins non programmés ; celle des hôpitaux de proximité de professionnels de santé libéraux, qui collaborent étroitement à l’organisation des soins ; celle d’une organisation et de modèles de financement adaptés aux pathologies chroniques, qui privilégient la prévention et facilitent la coordination des soins ; celle d’acteurs de santé, qui mettent les technologies numériques au service d’une démarche de soins plus efficiente. Cette analyse et cette stratégie sont largement partagées par les acteurs de la santé et, je le sais, au sein de votre commission.

C’est une action en profondeur, sur plusieurs années, qui commence dès maintenant. Dans la continuité du PLFSS pour 2018, ce PLFSS contient un certain nombre de dispositions relatives à la prévention. Comme vous le savez, la prévention demeure la pierre angulaire de la politique de santé que je mène.

Ce PLFSS comporte également plusieurs dispositions qui permettront de diversifier les modalités de financement des soins. C’est l’un des principaux leviers de l’action pour opérer la mutation du système de santé. Ainsi, par exemple, la dotation allouée sur des critères de qualité aux établissements de santé va passer de 60 à 300 millions d’euros. Par ailleurs, une rémunération forfaitaire du suivi de certaines maladies chroniques sera mise en place, dans un premier temps dans les établissements de santé pour le diabète et l’insuffisance rénale chronique.

La priorité donnée à la transformation du système de santé se traduit, comme annoncée par le Président de la République, par un effort financier significatif puisqu’en 2019 la progression de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) sera fixée à 2,5 %, soit le taux le plus élevé depuis six ans.

Cet effort exceptionnel sera fait pour investir dans la transformation. Il sera dirigé vers les soins de proximité, vers la création de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), vers le recrutement d’assistants médicaux ou vers l’augmentation du nombre de structures d’exercice regroupé.

Il sera également consacré à la modernisation de notre appareil de soins. Cela concerne l’investissement dans les systèmes de formation, en ambulatoire ou au sein des établissements. Cela concerne aussi les projets de modernisation et de restructuration immobilière. Vous le savez, l’investissement hospitalier s’est nettement réduit au cours des dernières années et un investissement insuffisant porte le risque, à terme, d’une dégradation des conditions d’accueil et de prise en charge des patients. C’est pourquoi, dès cette année, une dotation supplémentaire de 200 millions d’euros sera allouée à l’aide aux projets d’investissement. En quatre ans, environ 3,4 milliards d’euros au total seront consacrés à l’accompagnement de plans, dont un peu moins d’un milliard d’euros à la restructuration et à la modernisation du tissu hospitalier.

Le PLFSS pour 2019 accordera également une place importante à un secteur clé du soin, qui est le médicament, dans la suite de la réunion du Comité stratégique des industries de santé (CSIS) qui s’est tenu au début du mois de juillet 2018. Un certain nombre de dispositions vont faciliter l’accès à des traitements innovants.

Je veux également mentionner mon souhait de poursuivre le développement des médicaments génériques. La responsabilité de l’assurance maladie consiste à rembourser, à efficacité thérapeutique égale, le médicament le moins onéreux. S’il n’y a pas de motif médical à la délivrance du princeps alors qu’il existe un générique moins cher, c’est-à-dire s’il n’y a pas mention, sur l’ordonnance, de « non substituable », il n’y a aucune raison de faire supporter un surcoût à l’assurance maladie. Je propose, dans ce cas, que le princeps soit, à l’avenir, remboursé sur la base du générique.

Dans le même temps où nous entamerons cette réorganisation du système de santé, nous voulons mieux protéger.

Mieux protéger, c’est améliorer l’accès aux soins et répondre plus spécifiquement aux besoins des plus fragiles. À cet égard, le PLFSS comportera quatre dispositions fortes.

Premièrement, il donnera l’assise légale nécessaire au dispositif « 100 % santé », qu’on appelait aussi le « reste à charge zéro », qui a fait l’objet d’accords avec les professionnels des trois secteurs concernés : le dentaire, l’optique et les audioprothèses. Il s’agit d’une réforme ambitieuse de solidarité concrète, qui va changer l’accès de nos concitoyens, notamment les plus âgés, à des équipements de santé indispensables. Je rappelle qu’aujourd’hui, le reste à charge moyen pour une aide auditive est de 850 euros par oreille. À compter de 2021, il sera possible d’accéder à une offre sans reste à charge.

Deuxièmement, nous transformons l’aide à la complémentaire santé (ACS) en une couverture maladie complémentaire contributive. On le sait, le taux de recours actuel à l’ACS ne dépasse pas 35 %, alors que nous sommes à près de quinze ans de mise en œuvre. Nous faisons donc le choix d’un dispositif plus complet dans la protection qu’il offre, et plus favorable aux personnes pour lesquelles le coût des soins est le plus élevé, c’est-à-dire les personnes âgées. Elles pourront, sous les mêmes conditions de ressources que l’ACS, bénéficier d’une couverture pour moins d’un euro par jour.

Avec ces deux réformes, le « 100 % santé » et la transformation de l’ACS, nous contribuerons à renforcer encore ce qui est une particularité affirmée de notre modèle social : le haut niveau de prise en charge collective des dépenses de santé. Je vous rappelle qu’en France, le reste à charge, pour les assurés est le plus faible du monde. Mais nous poursuivons dans ce sens.

Troisièmement, nous renforçons les moyens à disposition des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. Il s’agit de mettre en œuvre la feuille de route que j’avais présentée le 30 mai dernier, notamment en accélérant la convergence tarifaire pour renforcer les moyens des soignants. Pour mémoire, 360 millions d’euros supplémentaires seront engagés sur la période 2019-2021, dont 125 millions d’euros dès 2019. Comme vous le savez, cette feuille de route s’inscrit dans une perspective plus large, puisque j’ai lancé le 1er octobre les travaux de la mission de concertation « Grand âge et autonomie ». Et je m’engage devant vous à déposer un projet de loi d’ici la fin de l’année 2019.

Quatrièmement, le PLFSS met en œuvre les dispositions arrêtées dans le cadre du quatrième plan « Autisme », présenté début avril. Je vous insister plus particulièrement sur la création du « forfait d’intervention précoce », qui va permettre, en dépassant le périmètre habituel des prestations prises en charge par la sécurité sociale, de combler une réelle carence dans la détection et l'intervention précoce auprès des enfants autistes.

Mieux protéger, c’est construire un système de retraite universel et équitable, qui rétablisse la confiance des Français dans la pérennité de leur système de retraite. Le PLFSS ne comporte aucune disposition relative aux retraites, puisque la refonte du système de retraites donnera lieu à un projet de loi ad hoc l’année prochaine. Les concertations que mène le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye se poursuivent. Une réunion de concertation multilatérale avec les partenaires sociaux s’est tenue ce matin. Elle s’est déroulée dans un climat très apaisée. Elle fut l’occasion de préciser les principes sur lesquels devra s’appuyer le système universel.

Mieux protéger enfin, c’est aussi donner la priorité aux plus fragiles. Toutes les prestations évolueront en 2019 et en 2020 d’au moins 0,3 %, mais les minima sociaux évolueront pour leur part comme l’inflation, et certains, comme le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé, bénéficieront de revalorisations exceptionnelles. Le minimum vieillesse aura ainsi été revalorisé de 100 euros, conformément aux engagements du Président de la République, au 1er janvier 2020.

Aider les plus fragiles, c’est aussi le sens de la Stratégie de prévention et de lutte contre la santé, que nous a présentée le 13 septembre dernier le Président de la République et moi-même, et qui donne la priorité aux enfants des familles les plus pauvres. C’est un choix qui irrigue la politique familiale que je conduis. Ainsi la création de 30 000 places de crèches dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) sera-t-elle orientée prioritairement vers les territoires et vers les familles les plus vulnérables.

Pour autant, nous demeurons attentifs à l’évolution des besoins qui ont été exprimés par les familles et leurs représentants. Nous entendons y répondre dans ce PLFSS au travers de trois dispositions particulières : d’une part, l’alignement de la durée du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celle des salariées, et l’amélioration de la couverture maternité des agricultrices, tout en maintenant les spécificités d’exercice professionnel de ces futures mamans ; ensuite, la majoration de 30 % du montant maximum versé aux parents pour la garde de leur enfant handicapé, pour tenir compte des surcoûts de garde ; enfin, et c’est une disposition de bon sens, la prolongation, jusqu’à l’entrée à l’école de l’enfant l’année de ses trois ans, de l’aide à la garde à taux plein, alors qu’elle est aujourd’hui réduite de moitié au troisième anniversaire de l’enfant.

Tels sont, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est, comme vous l’avez compris, un projet pour l’avenir, avec une sécurité sociale équilibrée, en voie de désendettement, et qui investit dans son système de santé et protège mieux les plus fragiles.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Madame la ministre, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je vais essayer d’évoquer les grands chiffres des comptes publics et des comptes sociaux, en expliquant que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, le deuxième du quinquennat, est cohérent et complémentaire avec le projet de loi de finances que j’ai présenté il y a quinze jours avec le ministre de l’économie et des finances.

Comme vous le savez, nos comptes publics se répartissent entre l’État, pour à peu près 30 % de la dépense publique, les collectivités locales pour à peu près 20 % de la dépense publique, et puis le champ social, la sécurité sociale, pour à peu près 50 % de la dépense publique. Évidemment, ceux qui s’intéressent aux comptes publics ne peuvent se désintéresser des comptes sociaux, et les documents budgétaires doivent être complémentaires les uns des autres, ce qui pose des questions à la fois pragmatiques et philosophiques que je vais aborder dans quelques instants.

Ce PLFSS est cohérent.

En raison de l’importance de la maîtrise de la dépense sociale pour les comptes publics, et comme le veut la pratique, nous avons présenté le PLFSS avec Mme Buzyn devant la Commission des comptes de la sécurité sociale. Nous avons pu évoquer le fait que, s’il y avait en 2018 à peu près un milliard de déficit, il n’y aurait « plus », si j’ose dire, que 800 millions d’euros d’excédents l’année prochaine. C’est la première fois depuis dix-huit ans que le trou de la sécurité sociale est résorbé. Mais ce trou résorbé est un trou de déficit : il nous reste une dette sociale importante, de plus de 120 milliards d’euros, qu’il nous faut rembourser. Et le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, s’est engagé à rembourser cette dette pour qu’à l’horizon 2024, il n’y ait plus de dette sociale.

C’est un point important, qui reviendra tout à l’heure lorsque nous parlerons des échanges entre l’État et la sécurité sociale. En effet, nous avons décidé, suite à un rapport que nous avons remis à Mme la présidente et à M. le rapporteur général, de voir comment on pourrait faire plus simple – il y a encore beaucoup de « tuyauterie » – et plus responsable. Aujourd’hui, malgré la loi Veil, les compensations des exonérations de cotisations ne sont pas toujours intégrales. Par ailleurs, c’est par crédits budgétaires, par fiscalité, parfois par les deux, qu’on a pu compenser, entre l’État et le champ social, les mesures que l’on prenait – positivement ou négativement – sur le champ social.

Donc, la résorption de la dette sociale se poursuit et sera achevée en 2024. On aura également l’occasion de discuter de la dépense publique sociale, et notamment du fait que l’ONDAM a été porté exceptionnellement à 2,5 %, comme l’a dit Mme la ministre – nous avions en effet prévu 2,3 % chaque année pendant le quinquennat. Ce ressaut de 0,2 % fait de l’ONDAM 2019 le plus élevé de ces dix dernières années. Il correspond à 400 millions supplémentaires, destinés à nous permettre d’investir dans le système de santé suite au Plan hôpital. Mais je n’en dirai pas plus, car Mme Buzyn le fera bien mieux que moi.

Le cadre rénové et simplifié des relations entre l’État et la sécurité sociale permet à la fois de poser le principe que nous devons assurer le remboursement de la dette sociale d’ici 2024, bien entendu avec ce retour à l’équilibre ; de faire contribuer la sécurité sociale à la fois à la diminution des impôts et taxes – d’ailleurs, une grande partie de la fiscalité est une fiscalité sociale ; et enfin de clarifier les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale, qui sont devenus très complexes, très opaques et ont malheureusement continué à croître encore cette année. La bascule du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ne nous a pas permis de proposer moins de tuyauterie, mais j’espère que nous pourrons le faire dès le PLFSS 2020, suite au rapport que nous vous avons remis.

Nous devons rendre plus solidaires les relations financières entre l’État et la sécurité sociale. En effet, du point de vue du contribuable, les impôts et les taxes, venant de l’État et de la sécurité sociale, c’est toujours de l’argent qu’on leur prend, en échange duquel ils attendent des services, parfois une meilleure solidarité. De la même façon, les dépenses sociales ou celles de l’État ne sont pas distinguées lorsque nous venons à discuter du déficit, de la dette publique ou de la dépense publique.

Il se pose une question de consentement à l’impôt et de contrôle de la dépense publique, que nous essayons de régler par les propositions que nous allons vous faire, avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, de façon équilibrée, en respectant bien sûr le principe du fonctionnement de la sécurité sociale.

Je voudrais tout de même faire remarquer que dans le PLFSS que nous présentons, 36 milliards de l’État sont transférés à la sécurité sociale, ce qui n’est pas rien. Quand on constate que le déficit de l’État a augmenté de 30 milliards d’euros, avec les 23 milliards du CICE, on s’aperçoit que s’il n’y avait pas ce transfert, cette compensation, le déficit de l’État baisserait fortement. La question des relations entre l’État et la sécurité sociale se pose donc de plus en plus. Nous y reviendrons très certainement à la fois d’un point de vue philosophique et pratique.

Il nous faut aussi tirer les conséquences de ce qu’a souhaité le Président de la République : en mettant en avant la contribution sociale généralisée (CSG) et en supprimant ou en baissant des cotisations, nous nous nous dirigeons de plus en plus d’un système assurantiel, de statuts, à un système universel puisque nous devons répondre à d’autres solidarités. Par exemple, la CSG n’est pas une cotisation, mais bien une contribution, et elle permet de payer autrement un certain nombre de choses qui fonctionnaient jadis par cotisations. Je pense – on l’a évoqué dans d’autres lieux – à l’assurance-chômage ou au fonctionnement des autres branches. Nous y reviendrons également.

Ensuite, comme l’a dit Mme Buzyn, ce PLFSS vient compléter à la fois ce que nous avons fait l’année dernière et ce que nous faisons dans le PLF.

Des mesures en faveur du travail s’adressent aux ménages, aux employés, aux ouvriers et aux salariés : suppression des fameuses cotisations sociales en année pleine, à partir de la fin du mois d’octobre de cette année ; exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, qui rapportera 11 % de pouvoir d’achat par heure supplémentaire faite – majoritairement par des salariés de moins de quarante-cinq ans, majoritairement par des ouvriers et des employés ou salariés en dessous de deux fois le SMIC ; sans oublier des dispositions qui relèvent du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) que vous avez adopté il y a quelques heures, comme le forfait social ou la participation.

D’autres mesures bénéficient aux entreprises, comme la suppression de cotisations patronales suite au basculement du CICE en double compte l’année prochaine. C’est le plus gros effort que nous faisons pour le monde du travail. Je voudrais d’ailleurs rappeler ici à quel point c’est important, non seulement pour les entreprises, mais pour tous les types d’employeurs – par exemple, le monde agricole ne touchait pas le CICE.

Celui-ci bénéficie majoritairement des mesures que nous prenons, et de manière extrêmement importante. Reste la question du dispositif « travailleurs occasionnels-demandeurs d’emplois » (TODE). Le Gouvernement a dit qu’il réfléchirait à sa correction lors du débat parlementaire. Le Premier ministre a reçu les filières et les représentants syndicaux du monde agricoles. On envisage d’une part un étalement de la mesure, et d’autre part un complément pour certaines filières, notamment les viticulteurs, les horticulteurs et les maraîchers, qui ont recours à une main-d’œuvre nombreuse.

Il ne serait pas juste de conserver le système actuel du TODE parce qu’il y a par ailleurs une baisse générale de charges. Chacun comprend qu’un effort très important est déjà fait par la contribution nationale. Mais on ne peut pas négliger des effets de bord sur certaines filières, notamment les plus demandeuses de main-d’œuvre. Nous ferons donc preuve d’ouverture, lors du débat parlementaire, s’agissant des corrections qui pourraient être apportées spécifiquement en faveur de ces filières, comme nous l’ont demandé le Président de la République et le Premier ministre.

Par ailleurs, en transformant le CICE en allègement de charges, nous engageons une réforme structurelle très importante : un double compte de trésorerie pour les entreprises ; zéro charge sur le SMIC, ce qui est historique ; mais aussi « don » de 1,4 milliard d’euros aux employeurs associatifs qui ne bénéficiaient pas du CICE et qui, grâce à l’allègement de charges, vont pouvoir embaucher.

C’est une avancée sociale extrêmement importante qui se trouve réalisée dans PLFSS 2019 et sans laquelle, je vous le rappelle, le déficit public serait de 1,9 %. Ainsi, nous acceptons un point de déficit pour faire ces allègements généraux au profit des salariés, des entreprises et des employeurs.

Le PLFSS est donc cohérent, mais aussi complémentaire avec la sphère État. Nous travaillons de concert avec la ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l’économie et des finances, ne serait-ce que parce que certains crédits « appartiennent » au ministère des solidarités et de la santé – c’est le cas du minimum vieillesse, de la prime d’activité, ou de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Nous y reviendrons.

Nous y avons fait figurer, comme l’a dit Mme la ministre, un certain nombre de promesses présidentielles, notamment la préfiguration du reste à charge zéro, la revalorisation substantielle des minima sociaux, sur lesquels on aura sans doute, là encore, l’occasion de revenir.

Nous avons tenu la promesse du Premier ministre sur la mesure de correction de la CSG pour les 300 000 retraités qui changent de taux d’une année sur l’autre.

Nous avons bien évidemment contenu la dépense sociale. Je rappelle que malgré un ONDAM à 2,5 %, la croissance tendancielle des dépenses devrait être plus importante – autour de 4,5 % me semble-t-il. Nous ferons donc l’année prochaine 5,7 milliards d’euros d’économies sur le champ social : à peu près 1,8 milliard sur le champ de la revalorisation modérée des prestations – 3 milliards en tout mais il y en a une partie sur l’État, et une grande partie sur ce champ social – et à peu près 3,8 milliards sur le champ santé pour lutter contre un tendanciel très dépensier.

Par ailleurs, nous avons prêté attention à certaines questions qui ont été soulevées par les parlementaires, notamment de l’Assemblée.

Je tiens à saluer le travail de Mme Genetet qui a rendu un rapport sur la mobilité internationale des Français. J’imagine que l’on débattra en commission et en séance de la fiscalité appliquée aux Français de l’étranger, notamment pour tirer les conclusions des arrêts de Ruyter. Contrairement à ce qu’on peut entendre, depuis 2015, la France a tiré les conséquences d’un certain nombre de sujets européens. La Cour de Justice européenne n’a pas rendu illégal le fait qu’il y ait un prélèvement social, mais elle a dit qu’il était illégal de l’affecter comme nous le faisions. Nous devrons donc apporter des corrections. Nous aurons d’ailleurs un débat sur ces questions, conformément à la promesse nous avons faite avec Mme Buzyn l’année dernière en séance 

De la même façon, nous suivons le travail de Mme Cloarec-Le Nabour, qui a remis un rapport sur « la juste prestation pour des prestations et un accompagnement plus justes ». Le PLFSS a déjà mis en œuvre une base ressources des allocataires – que permet notamment l’impôt à la source – afin d’éviter des situations inéquitables. Je crois que les sujets auxquels s’intéressent les parlementaires recevront un écho très favorable lors des débats dans votre commission, madame la présidente, monsieur le rapporteur général, ou dans l’hémicycle.

Mesdames et messieurs, j’imagine qu’à cette heure tardive, il vous importe de passer aux questions. Nous essayons de bâtir l’État-providence du XXIe siècle, qui est fondé sur l’universalité et sur la solidarité, quitte à bousculer un peu la façon dont le système a fonctionné jusqu’à présent. Mais évidemment, il n’est pas question de remettre en cause le principe même de solidarité sociale avec ses propres recettes et ses propres dépenses, avec des marges de manœuvre qui permettront demain de faire face au grand défi des retraites qu’a évoqué Mme la ministre, ainsi qu’au vieillissement de la population et à la dépendance, qu’il vous appartient désormais d’objectiver et de financer.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Mes chers collègues, avant de donner la parole au rapporteur général, je vous rappelle les règles de cette soirée, qui ont été actées par le bureau de la commission. Pour notre discussion générale, compte tenu du caractère majeur du texte, le temps de parole des orateurs des groupes est porté à cinq minutes par groupe. En revanche, pour favoriser le dynamisme de nos échanges et l’interactivité, la durée des questions posée par les parlementaires est limité à une minute. J’aimerais que chacun s’y tienne.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Madame la ministre, monsieur le ministre, je ne ferai pas l’article du PLFSS, dont vous avez présenté les grandes lignes bien mieux que je ne pourrais le faire. Et je vous remercie de votre présence en commission des affaires sociales à cette heure déjà tardive.

Je voudrais aborder quatre points avec vous, à commencer par les relations entre l’État et la sécurité sociale. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la sécurité sociale retrouve un équilibre et l’on commence à envisager, pour la première fois depuis vingt ans, une situation excédentaire. Je tiens à rappeler, même si c’est une évidence, que si la sécurité sociale a su se redresser, c’est à la fois le fruit de politiques publiques et des efforts considérables réalisés sur le terrain depuis dix ans par chacune des branches de la sécurité sociale. Je pense aux blouses blanches dans les hôpitaux, à la branche famille, et plus généralement à l’ensemble des acteurs de la protection sociale.

Chaque PLFSS a servi une politique de maîtrise médicalisée, de maîtrise des budgets, de façon à préserver le modèle social, à le conforter, et à réduire un déficit annuel qui a atteint 23 ou 24 milliards d’euros pour une seule année au plus fort de la crise économique.

J’observe qu’il existe aussi, au-delà de la dette de la CADES, une dette résiduelle qu’on appelle la dette de l’ACOSS, qui dépasse 20 milliards d’euros, qui n’était pas jusqu’ici en cours de remboursement, et que nous transférons, avec le PLFSS, pour partie à la CADES.

De son côté, la sécurité sociale participe aux efforts qui sont demandés à la Nation, selon un principe nouveau de non-compensation d’exonérations.

Dans la mesure où il y a eu des coups de pouce dans les deux sens, ce que le Premier Président de la Cour des comptes rappelait tout à l’heure, ne pourrait-on pas envisager à l’avenir, si les excédents persistent, une règle tacite qui permettrait d’utiliser ces excédents au sein du budget de la Nation pour des dispositifs qui servent au social ou à la santé, sans passer nécessairement par le budget de la sécurité sociale ? Si l’on investissait un milliard d’euros de plus dans l’écologie, dans les transports, dans la santé au travail, dans la qualité de vie au travail, cela aurait un impact non négligeable sur la santé et sur le social. Nous pourrions y réfléchir.

J’aimerais maintenant aborder un deuxième point, qui a fait débat en audition, au sein de la majorité, et sans doute aussi au sein des oppositions : les conséquences de la suppression du dispositif TODE dans le milieu agricole, pour les trois professions que vous avez citées, à savoir les maraîchers, les agriculteurs et les viticulteurs. À ce stade, il serait important pour les députés de connaître les mécanismes par lesquels vous envisagez de gommer les effets de la perte occasionnée pour les agriculteurs, afin que nous puissions travailler sur ce point, avant l’examen du texte par notre commission la semaine prochaine.

Je voudrais également aborder la transformation de l’aide à la complémentaire santé (ACS) en une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) contributive. C’est un dispositif dont nous avons rêvé pendant des années et qu’il faut donc saluer. Il devrait permettre de réduire le non-recours aux soins et d’améliorer la couverture sociale des 1,5 million de Français en situation de précarité. Avez-vous envisagé des dispositions garantissant que le coût des mutuelles n’augmentera pas ? Avez-vous réalisé des simulations prenant en compte les mutuelles qui privilégient les contrats collectifs tels qu’ils découlent du dernier accord national interprofessionnel et celles qui sont davantage tournées vers les publics précaires ?

Enfin, dans un rapport publié en 2016, je soulignais que, dans le secteur des urgences, le financement actuel ne favorise pas la mobilisation des établissements sur des projets d’organisation territoriale, dans la mesure où les établissements n’ont aucun intérêt à rediriger les cas les plus légers pour ne conserver aux urgences que les cas les plus lourds, ces derniers étant sous-financés. Il y a quelques mois, notre collègue Thomas Mesnier tirait également la sonnette d’alarme, soulignant dans son rapport sur les soins non programmés que le nombre de passages dans les services d’urgence était passé de 7 millions en 1990 à plus de 20 millions en 2015, les cas graves, représentant environ 10 % des admissions seulement.

Seriez-vous donc favorable, madame la ministre, à une initiative parlementaire qui créerait un forfait de réorientation, versé à l’établissement de santé lorsque les services d’urgence réorientent un patient, en lui organisant un rendez-vous en médecine de ville ou en consultation hospitalière ? La mise en place de ce nouveau financement matérialiserait les efforts des établissements pour organiser le recours au bon niveau de prise en charge, en partenariat avec les acteurs de ville.

M. Thomas Mesnier. Le PLFSS comme le PLF sont bien plus que de simples budgets : ils sont les outils de mise en œuvre de nos politiques publiques. Nous nous penchons ici sur la politique de santé, que vous avez présentée dans la feuille de route « Ma santé 2022 » et qui comporte des engagements forts pour les Français : l’augmentation de l’ONDAM de 2,3 à 2,5 %, soit 400 millions d’euros supplémentaires pour nos hôpitaux, ce qui ne s’était pas vu depuis six ans, en est la première preuve.

L’évolution de la tarification à l’activité (T2A) vers un financement de la qualité, transparent et doté d’indicateurs clairs, va dans le bon sens et constitue un levier majeur pour la transformation de l’organisation de notre système de soins.

Grâce au « 100 % santé », ce système d’accès sans frais à l’optique, aux audioprothèses et aux prothèses dentaires, nos concitoyens les plus fragiles pourront accéder à des soins de qualité et, au-delà, accroître leurs chances de s’intégrer dans la société.

Au-delà de « Ma santé 2022 » le PLFSS pour 2019 conforte les actions menées depuis 2017 pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République. Le plan « Pauvreté » dévoilé le 13 septembre dernier marque ainsi la volonté du Gouvernement de faire du budget un outil au service des plus faibles. La fusion entre la CMU-C et l’ACS, doit assurer l’accès aux soins de nos concitoyens les plus démunis, en permettant à la fois d’ouvrir le dispositif à un plus grand nombre et d’en simplifier les procédures.

Le plan « Autisme » et le plan « Grand âge » témoignent également de l’orientation de ce budget vers davantage de protection. Trop de retard a été pris sur l’autisme et la dépendance en France, et ce souci d’y remédier est une nouvelle que nous accueillons plus que positivement. Dans cette perspective, le PLFSS met en place une prise en charge de l’intervention précoce pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement, condition sine qua non pour mettre un terme aux problèmes d’errance de diagnostic et de sur-handicap – le Président de la République a fait du handicap une priorité de son quinquennat.

L’accélération de la convergence tarifaire des forfaits soins en EHPAD va également dans le sens de la protection : agir sur le financement de ces établissements, c’est, plus que jamais, améliorer la qualité des soins et des accompagnements. La dépendance et le grand âge feront l’objet d’évolutions profondes dans les mois à venir, mais le PLFSS constitue d’ores et déjà un premier jalon important. Donner plus de financements et sur un temps plus réduit, c’est donner la possibilité aux établissements de se rénover et de mieux prendre en compte l’évolution des besoins des patients.

Le PLFSS pour 2019, c’est encore plus de simplification pour favoriser le travail – je pense notamment à l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, qui facilitera l’activité des entreprises tout en soutenant et revalorisant le travail.

Ce dispositif est complété par la transformation du CICE et du crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) en exonérations de charges pérennes pour les entreprises et par la suppression des dispositifs d’exonérations ciblées. Sur ce point, le Gouvernement a d’ailleurs su travailler avec les partenaires sociaux, pour arriver à un accord ayant fait l’unanimité sur la compensation de l’aide et de l’accompagnement à domicile.

Une inquiétude persiste néanmoins sur le dispositif TO-DE pour les travailleurs agricoles, puisque plusieurs secteurs d’activité restent perdants malgré les exonérations de charges. Les députés de La République en Marche se félicitent de ce nouveau PLFSS équilibré, qui a vocation à aider les plus faibles tout en valorisant le travail, mais pouvez‑vous, monsieur le ministre, nous préciser les décisions à venir quant au dispositif TO‑DE pour les travailleurs agricoles, sujet de vive inquiétude pour les députés marcheurs ?

Pouvez-vous par ailleurs, madame la ministre, nous donner votre position sur la politique familiale, et notamment sur la prime de naissance, qui est actuellement versée après la naissance des enfants ? Cela avait déjà été un sujet de débat l’an dernier, à la suite du travail mené par nos collègues Guillaume Chiche et Gilles Lurton.

M. Jean-Pierre Door. Ce PLFSS pour 2019 montre des évolutions budgétaires dont on ne peut que se satisfaire. Je voudrais néanmoins vous interroger sur l’incohérence qui existe entre vos propositions et les déclarations au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), à qui le Premier ministre avait garanti, en juillet dernier, une croissance de 0,5 %. Or vous proposez 220 millions d’euros d’économies appuyées sur la promotion du générique, des baisses de prix à hauteur de 960 millions d’euros et le déremboursement de certains médicaments de marque.

Toujours en ce qui concerne le médicament, l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est un dispositif précieux que beaucoup de pays nous envient. Or l’article 42 ne me paraît pas du tout lisible et mérite que nous y revenions.

Concernant ensuite l’échelonnement jusqu’en 2021 du dispositif « 100 % santé » en matière d’optique, de prothèses auditives et dentaires, n’y a-t-il pas un risque de voir augmenter certaines cotisations retraites ? On sait que, sur ce point, les mutuelles sont dans les starting blocks.

Je voudrais enfin évoquer la psychiatrie, qui est en France un problème de santé publique. Lors du lancement de votre plan sur la psychiatrie et la santé mentale, vous promettiez un parcours de soins coordonné avec une offre accessible. Où en êtes-vous de la mise en place de ce plan, de l’organisation des personnels et des services ?

 Ma dernière question sera pour M. Darmanin : Que doit-on penser de la cotisation de 1 % sur les pensions des retraités du privé, qui vient s’ajouter à la CSG, aujourd’hui à 8,3 % ? Cette cotisation date de quarante ans et elle perdure, si bien que les retraités acquittent une cotisation de 9,3 %, contre 8,3 % pour les autres citoyens. Cela constitue à mes yeux une rupture d’égalité.

M. Gilles Lurton. La semaine dernière, le conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales a rendu un avis négatif sur ce PLFSS. Au rang des mesures justifiant cet avis se trouve l’article 44, qui prévoit la sous-indexation des prestations familiales et des plafonds de ressources conditionnant ces prestations à hauteur de 0,3 %, pour une inflation estimée à 1,3 %. Cette sous-indexation est d’autant plus incompréhensible que la commission des comptes de la sécurité sociale prévoyait en septembre un excédent de 1,7 milliard d’euros pour la branche famille en 2019.

Je prendrai deux exemples pour vous démontrer à quel point cette sous-indexation des plafonds est pernicieuse. Premièrement, alors que l’allocation de rentrée scolaire concerne déjà moins de la moitié des enfants d’âge scolaire, elle n’en concernera plus qu’un tiers en 2024, car la survalorisation des ressources va accélérer le processus de sortie d’un grand nombre de familles de l’allocation de rentrée scolaire. Le raisonnement est le même pour les plafonds de ressources du complément de mode de garde, qui vont faire baisser le montant auquel les familles ont droit, selon leur tranche de revenus.

Alors que toute notre politique familiale devrait être orientée vers une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, vous allez accentuer l’écart entre la prestation et le salaire payé à l’assistante maternelle. Cela ne fera qu’augmenter le reste à charge des familles.

 Vous allez me répondre que les salariés verront leur pouvoir d’achat progresser. Cela reste à démontrer mais, en supposant que ce soit vrai, seuls les salariés avec charge d’enfants se verront reprendre ce gain de pouvoir d’achat par des pertes de prestations familiales, loin de la redistribution horizontale à laquelle nous sommes attachés.

Ma question est donc simple : pouvez-vous nous dire combien de familles seront touchées par cette sous-indexation des plafonds de ressources et des prestations familiales ? Quelle économie en attendez-vous, en plus des 260 millions d’euros affichés dans le PLFSS pour 2019 ? Pourquoi ne pas limiter la mesure à la survalorisation des prestations, qui pénalise déjà fortement les familles ? Enfin, je souhaiterais savoir si, bien qu’ayant renoncé à inscrire dans ce PLFSS toute disposition en faveur de la politique familiale, vous seriez encline à accepter cette année que le versement de la prime de naissance se fasse avant la naissance de l’enfant.

Mme Nathalie Elimas. Nous voilà réunis ce soir pour débuter l’examen du PLFSS pour 2019, et même si nous regrettons, nous aussi, la réception tardive de sa version finale, nous tâcherons d’y apporter les modifications qui nous semblent nécessaires, tout en soutenant sa philosophie générale.

En effet, ce texte s’inscrit dans la continuité de la trajectoire présentée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques adoptée l’an dernier. Notre groupe soutient l’objectif du Gouvernement, qui vise à assurer une maîtrise de la dépense, afin de maintenir un équilibre des comptes pérenne, tout en assurant la continuité des ambitions du Président de la République.

Nous ne pouvons que nous réjouir du retour à l’équilibre des comptes du régime général de la sécurité sociale, pour la première fois depuis dix-huit ans. Cela doit nous satisfaire, mais aussi nous encourager à persévérer dans cette voie. En effet, il s’agit de poursuivre les efforts entrepris depuis plusieurs années pour que ces résultats s’inscrivent dans le temps et que l’objectif d’amortissement de la dette de la sécurité sociale d’ici 2024 soit atteint.

En ce qui concerne plus particulièrement la libération de l’économie et le soutien à l’activité, notre groupe se satisfait de la mesure visant à l’exonération des cotisations sociales sur la rémunération des heures supplémentaires ; elle est cohérente avec la suppression des cotisations salariales d’assurance-maladie et d’assurance-chômage que nous avons votée l’an dernier. Toujours en cohérence avec ce que nous avions décidé il y a un an à la même période, le remplacement en 2019 du CICE et du CITS par une exonération renforcée des cotisations sociales nous semble tout à fait approprié dans la conjoncture actuelle. Cependant, nous serons très attentifs à certaines dispositions de l’article qui le met en œuvre, celles notamment relatives aux travailleurs occasionnels. Enfin nous apprécions l’effort consenti sur les modulations d’assujettissement aux différents taux de CSG pour les retraités ; c’est un bon signal qui leur est envoyé.

Sur l’investissement dans la transformation du système de santé, les mesures propres à la refonte de notre système de santé émanent, pour la plupart, du plan « Ma santé 2022 », que nous avons accueilli très favorablement.

Le déploiement du financement au forfait de certaines pathologies chroniques va dans le sens d’une médecine rationnelle et de qualité. Nous suivrons, là encore, son évolution.

En outre, les mesures relatives à l’intensification de la prévention en faveur de la jeunesse ne peuvent que nous satisfaire, puisque notre groupe s’est toujours investi sur cet enjeu considérable. Trop longtemps déconsidérée, la prévention semble revenir en grâce aujourd’hui, et il est désormais indispensable de concrétiser tout cela via un pilotage politique.

Enfin, la refonte de l’hôpital apparaît plus que nécessaire, et nous nous réjouissons de l’effort consenti dans ce PLFSS pour 2019, pour financer des investissements devant servir à améliorer la prise en charge et l’accueil des patients.

Sur la protection des plus vulnérables, nous nous sommes toujours mobilisés pour intensifier l’accompagnement des publics en difficulté. Aussi l’ambition de fournir une complémentaire santé à toutes et à tous par la fusion de la CMU et de l’ACS nous paraît-elle extrêmement positive. Quant à la confirmation du relèvement du minimum vieillesse et de l’allocation adulte handicapé, elle était attendue.

En ce qui concerne la politique familiale, nous souscrivons aux quelques mesures proposées, qu’il s’agisse de l’alignement des congés de maternité ou du coup de pouce spécifique sur le complément du mode de garde. Toutefois le Mouvement Démocrate et apparentés (MODEM) s’est toujours fait le garant d’une politique familiale plus juste et plus ambitieuse. En ce sens, nous vous proposerons des amendements qui nous semblent en totale cohérence avec les ambitions de ce gouvernement, notamment quant au renforcement du socle social que constitue la famille.

Madame la ministre, monsieur le ministre, les députés du MODEM vous soutiendront donc sans réserve mais avec attention, en gardant en tête cet esprit constructif qui anime notre majorité depuis le début de la législature. À ce titre, nous formulerons plusieurs propositions qui, nous l’espérons, sauront vous convaincre.

M. Francis Vercamer. Ce projet de budget surprend parce qu’on peine à lui trouver une ligne directrice claire et qu’il ne donne pas le sentiment de traduire de manière opérationnelle l’ambitieux plan « Ma santé 2022 » exposé par le Président de la République. On a davantage l’impression de se trouver face à un projet de budget d’attente, qui expédie les affaires courantes, et nous déplorons le décalage entre les objectifs affichés dans le plan et leur traduction, somme toute timide, dans ce PLFSS, mais également entre le constat d’un retour à l’équilibre des comptes et l’ampleur des réformes qui restent à accomplir pour mieux organiser notre système de santé et pérenniser cet équilibre.

 Même si on ne peut que se réjouir de discerner un retour à l’équilibre des comptes à l’horizon de l’année prochaine, encore faut-il que cet équilibre ne repose pas uniquement sur les recettes dégagées par le dynamisme de la masse salariale, les hausses de taxes ou des mesures d’économie qui relèvent davantage du traditionnel coup de rabot que de la réforme de structure. Le risque reste grand de retrouver ces déficits au moindre retournement de conjoncture économique ; la Cour des comptes pointe d’ailleurs la situation dégradée de l’assurance maladie comme l’une des principales zones de fragilité de notre protection sociale. Elle ne manque pas de rappeler la nécessité d’apporter des réponses aux causes structurelles des déficits de la sécurité sociale.

La situation financière des hôpitaux est de plus en plus critique. Par un transfert depuis l’assurance-maladie, leur déficit a atteint en 2017 le niveau record de 835 millions d’euros, tandis que la dette des hôpitaux publics se maintient à environ 29,8 milliards d’euros. La progression de l’ONDAM de 2,5 % en 2019 ne permettra pas de répondre au besoin de financement des hôpitaux publics, dont les investissements seront ainsi retardés.

 Dans ce contexte, plusieurs fédérations d’établissements de santé et d’hôpitaux confrontés à une baisse de leur activité ont récemment fait connaître leur souhait d’un moratoire sur la baisse des tarifs : quelle sera donc l’évolution de la politique tarifaire appliquée en 2019, compte tenu de la situation critique de l’hôpital ?

En ce qui concerne les modes de rémunération, le PLFSS prévoit un développement du financement forfaitaire de la prise en charge de certaines maladies chroniques. Cette forfaitisation ne devrait toutefois concerner en 2019 que les établissements de santé, alors que ceux-ci bénéficient déjà de certains mécanismes de forfaitisation, comme les missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (MIGAC). Pourquoi ne pas engager d’emblée une logique de forfaitisation avec l’ensemble des professionnels de santé concernés par ces maladies ?

Quelles dispositions le PLFSS pour 2019 contient-t-il pour donner une impulsion significative à la constitution des communautés professionnelles territoriales de santé destinées à favoriser l’exercice coordonné des professions de santé dans les territoires, pour une meilleure prise en charge des patients ?

Enfin, parmi les inquiétudes formulées par les professionnels de santé, figure celle des prestataires de soins à domicile, qui voient l’effort d’économies qui leur est demandé augmenter de 50 %, soit 150 millions d’euros, ce qui paraît remettre en cause la prise en charge à domicile dans le cadre des pathologies chroniques. Dans quel cadre inscrivez-vous les mesures d’économies prévues dans ce secteur ?

M. Paul Christophe. Madame la ministre, lors du dernier Conseil stratégique des industries de santé, vous aviez fait des annonces très encourageantes qui ne semblent pas être traduites dans le projet de loi proposé.

Une nouvelle fois, le médicament demeure la variable d’ajustement du budget de l’assurance-maladie et le principal pourvoyeur d’économies, à hauteur d’un milliard d’euros. Ces coupes ne prennent pas en compte la pertinence ou non de la dépense et engendrent de sérieuses difficultés pour le secteur dans son ensemble. Sont aussi bien touchés les laboratoires, les grossistes répartiteurs que les officines. Nous risquons donc de dépasser le point de rupture, avec plusieurs risques : celui de voir les laboratoires cesser d’investir dans  de nouveaux traitements, plus efficaces et innovants, les grossistes répartiteurs réduire leurs livraisons – ce qui touchera en premier lieu les territoires ruraux les plus reculés –, les officines enfin fermer au fur et à mesure, mettant à mal le maillage territorial qu’elles constituent et auquel vous avez dit être profondément attachée.

Ne pensez-vous pas qu’il serait plus pertinent de travailler sur les volumes plutôt que sur les prix ? Je souhaite ainsi connaître vos intentions pour résoudre les problèmes de rupture de stock et d’approvisionnement de médicaments : avec 530 signalements, soit dix fois plus qu’en 2008, l’année 2017 a constitué une année record en la matière. Je souhaite également obtenir quelques précisions sur la suppression du fonds de financement de l’innovation pharmaceutique : comment s’assurer que cette évolution sera sans conséquence sur l’accès aux thérapies innovantes ou sur la dynamique de l’ONDAM ?

En matière d’accès aux ATU, votre projet de loi propose des avancées significatives, mais seront-elles réellement suffisantes pour endiguer les problèmes de délais ? Pour rappel, nous dépassons actuellement les 500 jours entre l’autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un médicament et la décision de tarification et de remboursement, là où la norme européenne est de 180 jours.

Enfin, pouvez-vous préciser les modalités de mise en œuvre des dispositions ayant pour objet d’encourager le recours aux génériques, notamment la suppression de la mention manuscrite « non substituable », dont on a du mal à percevoir le fonctionnement. Aussi, hormis l’augmentation de l’ONDAM de plus de 400 millions d’euros qu’il nous faut souligner, les ambitions exprimées par le Président de la République au sujet de « Ma santé 2022 » ne nous semblent pas clairement lisibles dans ce PLFSS, mais il nous reste de nombreuses heures de débat ensemble pour que vous puissiez nous éclairer et améliorer le texte initial.

M. Joël Aviragnet. Le groupe Socialistes et apparentés se réjouit que le taux de l’ONDAM soit porté à 2,5 %, le taux le plus élevé depuis cinq ans. Toutefois, il y a cinq ans, la croissance était nulle et, au regard des prévisions de croissance et d’inflation, on aurait pu s’attendre à un effort plus important de la part du Gouvernement.

En dépit de bonnes mesures comme l’autorisation faite aux pharmaciens d’effectuer la vaccination antigrippale, l’extension du congé de maternité aux agricultrices et aux indépendantes ou encore le remboursement des médicaments sur la base des génériques, ce PLFSS reste globalement décevant. Rien pour lutter contre la désertification médicale, si ce n’est quelques mesures cosmétiques à la marge. Aucun effort sur les allocations familiales, mais, au contraire, des restrictions budgétaires et donc, contrairement à ce qui est annoncé, une forte baisse du pouvoir d’achat des familles. Rien sur les retraites, même si cela s’explique par la réforme qui a par ailleurs été annoncée. Aucune avancée des droits pour les assurés, alors que le budget de la sécurité sociale revient à l’équilibre et dégage même des excédents. Vous préférez les utiliser pour distribuer des cadeaux aux rentiers ainsi qu’aux entreprises, là où nous attendions de meilleures prises en charge, concernant notamment la petite enfance, et le grand âge

Enfin, le « 100 % santé » est, à vous écouter, une révolution, alors qu’en réalité le dispositif sera financé par les complémentaires – encore faudrait-il que tous les Français en est une.

Permettez-moi donc de vous faire part de ma grande déception à la lecture de ce PLFSS. J’ai d’abord cru pouvoir me réjouir, en découvrant que vous comptiez « protéger les plus vulnérables et faire plus pour ceux qui ont moins », mais il m’a bien fallu constater qu’en réalité vous diminuiez les prestations des retraités et des familles. Sans doute devriez-vous faire moins pour ceux qui ont plus : les plus vulnérables vous en sauraient gré.

Mme Caroline Fiat. Comme vous l’avez précisé, madame la présidente, nous avons reçu le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 cet après-midi à dix-sept heures quarante-huit, c’est-à-dire moins de quatre heures avant cette audition. Comment voulez-vous que nous posions des questions pertinentes sur un projet de loi que nous venons à peine de recevoir, qui compte 58 articles et 177 pages ? Nous devons rendre nos amendements après-demain ; comment voulez-vous que nous lisions l’ensemble du projet de loi, que nous fassions des arbitrages et que nous rédigions nos amendements en moins de quarante-huit heures ? Nous regrettons que notre demande de report ait été refusée, mais nous remercions notre présidente de l’avoir évoquée, et surtout d’avoir exprimé notre point de vue en demandant que, l’an prochain, les choses se déroulent différemment. Je sais, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas responsables et que la faute en incombe surtout à ce remaniement tant attendu…

Le PLFSS que vous nous proposez perpétue la maltraitance institutionnelle. Vous semblez vous satisfaire de ce que le régime général ait retrouvé l’équilibre, mais à quel prix ? Au prix, je le répète d’une forme de maltraitance institutionnelle. Vous n’avez tenu aucun compte du doublement du ratio soignants-résidents recommandé par le rapport que Monique Iborra et moi-même avons rendu sur les EHPAD. Vous nous dites que 360 millions d’euros supplémentaires leur seront consacrés entre 2019 et 2021, dont 125 millions dès 2019 : nous sommes loin des 8 milliards que chiffrait le rapport !

Que comptez-vous faire des 400 millions d’euros d’autorisations de dépenses gelées en début d’année, qui devaient initialement être restituées aux hôpitaux à la fin de l’année ? Allez-vous, par un jeu de passe-passe, les utiliser pour financer le plan Santé, alors que nos hôpitaux en ont cruellement besoin ? À l’hôpital psychiatrique Pinel d’Amiens, les membres du collectif Pinel, en grève depuis cent dix-huit jours, se sont aujourd’hui enchaînés aux entrées de l’ARS pour faire entendre leur détresse : qu’allez-vous leur dire ainsi qu’à tous les personnels en grève dans les hôpitaux de France ?

Vous annoncez quelques centaines de millions d’euros supplémentaires : à peine de quoi compenser l’inflation et bien moins que ce qu’il faudrait pour compenser les précédentes mesures d’austérité et faire face au vieillissement de notre population ainsi qu’à l’augmentation des maladies chroniques. Les économies demandées à l’assurance-maladie, se chiffrent en milliards, mais l’ONDAM n’augmente que de 0,2 point pour atteindre 2,5 %, alors qu’une augmentation de 4 % serait nécessaire.

Les soignants ont besoin d’un soutien pour avoir les moyens de traiter dignement les patients. Quant aux hôpitaux, ils sont paralysés par leurs 30 milliards de dettes.

Pour ce qui est des annonces sur le grand âge et l’autonomie, je m’en réjouis, mais comment ferons-nous avant que le projet de loi soit débattu fin 2019 ? Je voudrais ici avoir une pensée pour le radiologue de l’hôpital de Châteauroux, qui s’est suicidé ce matin, victime d’un burn-out.

M. Pierre Dharréville. Si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, sans doute les différents conseils d’administration des caisses de la sécurité sociale auraient-ils voté en faveur de ce PLFSS ; mais il n’en est rien. Le PLFSS pour 2019 poursuit en effet une politique de compression des dépenses sociales. Ce sont 5,7 milliards d’euros d’économies, dont 3,8 milliards sur les dépenses de santé, qui sont prévus pour atteindre l’équilibre.

Les hôpitaux, exsangues, sont une fois de plus visés. Ils devront réaliser 910 millions d’euros d’économies, après 1,4 milliard d’euros d’économies en 2018. Parallèlement, les pensions de retraite, les aides personnalisées au logement (APL), les allocations familiales sont quasiment gelées, avec une augmentation de 0,3 %, bien inférieure à l’inflation, évaluée à 1,5 %, ce qui constitue une nouvelle attaque contre le pouvoir d’achat de nos concitoyennes et concitoyens

 Dans ces conditions, il paraît presque indécent de se féliciter d’un retour à l’équilibre de la sécurité sociale. En effet, ce retour à l’équilibre est d’abord dû aux sacrifices consentis par les assurés et les établissements de santé depuis une dizaine d’années, et la Fédération hospitalière de France, elle-même, exige un plan d’urgence.

On aurait pu atteindre ce même objectif, en allant chercher de nouvelles recettes et sans raboter les pensions. On aurait pu lutter contre la fraude patronale aux cotisations sociales ou en finir avec les exonérations massives de cotisations sociales. Mais ce n’est pas le choix que vous avez fait. Ce budget organise en effet le sous-financement chronique, l’assèchement de la sécurité sociale. Derrière la belle façade, la démolition continue. Ce PLFSS, comme celui de l’an dernier, sert la baisse du coût du travail au détriment du financement des prestations sociales. Il grève ainsi clairement le pouvoir d’achat des assurés sociaux.

Outre la reconduction des 46 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales, le Gouvernement met en place un cadre financier contraint, en pérennisant de nouveaux allégements de cotisations pour les employeurs, à travers la transformation du CICE en réduction générale de cotisations, pour un montant de 20 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 20 milliards que les entreprises percevront au titre du crédit d’impôt de 2018. De plus, les allégements de cotisations sur les bas salaires sont renforcés, ce qui signifie que les employeurs ne paieront plus aucune cotisation au niveau du SMIC. N’oublions pas pourtant que le vrai salaire est le salaire brut, car c’est celui qui ouvre des droits au chômage et à la retraite.

Mais le pire est encore la fongibilité entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Les exonérations qui ne seront plus compensées représentent un montant de 1,3 milliard en 2019, qui grèvera l’autonomie de la Sécurité sociale. La réforme du système de soins est donc contrainte par un carcan budgétaire qui ne permettra pas de répondre aux besoins en santé ni de lutter contre la désertification médicale.

Alors que la progression naturelle des dépenses de santé et de l’ordre de 4,5 %, vous fixez en effet un ONDAM à 2,5 %, soit une économie de 3,8 milliards d’euros, par rapport au tendanciel. Ce léger desserrement de l’ONDAM profitera peu aux hôpitaux. Pourtant, la crise de l’hôpital et la souffrance des personnels que nous constatons à l’occasion du tour de France des hôpitaux que nous effectuons appellent des moyens nouveaux et l’arrêt des restructurations et des fermetures de services. D’une certaine manière vous laissez penser que le problème de l’hôpital est un problème d’organisation interne, occultant le problème massif de sous-financement.

Nous prenons acte de la remise en cause partielle de la tarification à l’activité, avec l’instauration d’un financement au parcours de soins. C’est l’aboutissement d’un combat que nous menons depuis l’instauration de la T2A en 2004.

Nous pourrions également nous satisfaire de la mise en place du reste à charge zéro. Sur le principe, nous sommes évidemment favorables à garantir des soins de base sur l’optique, le dentaire et l’audioprothèse pour nos concitoyennes et concitoyens, mais nous attendons d’en juger la mise en œuvre concrète. Les complémentaires auront vocation à financer ce dispositif, ce qui se répercutera inévitablement sur les cotisations payées par leurs assurés. Parler de « 100 % santé » est, par ailleurs, un abus de langage, puisque tous les soins ne sont pas concernés et que ces mesures pourraient préfigurer un transfert de la prise en charge de l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires, et donc vers les assurés, ce que nous ne souhaitons pas. Cela aurait pu être une belle idée, mais qui sera détournée pour rentrer dans vos schémas, avec lesquels elle n’est pourtant pas compatible, si on veut l’appliquer réellement. De même, la CMU élargie sera en partie financée via un fonds alimenté par les mutuelles.

Il se trouve, bien sûr, parmi les 58 articles, quelques mesures positives en matière de prestations. Je vous fais confiance pour en faire la publicité, tout comme vous faites aussi la publicité de mesures que je considère négatives. Cela étant, nous considérons globalement ce PLFSS comme un nouveau tour de vis social.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. En ce qui concerne les rapports entre l’État et la sécurité sociale, nous pouvons nous mettre d’accord, monsieur le rapporteur général, sur le fait qu’il n’y a pas de cagnotte sociale, pas plus qu’il n’y avait de cagnotte fiscale lorsque la croissance semblait partie pour durer : avec 2 200 milliards d’euros de dettes, on ne constitue pas de cagnotte fiscale ; avec une dette sociale qui s’élève à 120 ou 125 milliards d’euros on ne constitue pas non plus de cagnotte sociale. Nous visons un apurement à l’horizon 2024, ce qui se rapproche mais reste au-delà du quinquennat du Président de la République et de cette législature.

Nous pouvons éventuellement nous poser la question de savoir ce que nous ferons de nos excédents après 2024, mais encore faut-il y arriver, ce qui n’est pas gagné car certaines économies restent à confirmer et que cela dépend également de la croissance, et donc des recettes. La question mérite sans doute d’être posée, car nous devons anticiper l’avenir, mais elle ne nous paraît pas avoir d’actualité immédiate, notre priorité étant le désendettement, sachant que le jeu des vases communicants des politiques publiques complique parfois la prise de décision dans le champ social.

Comme le montre le rapport Charpy-Dubertret, nous avons voulu essayer à la fois de simplifier la tuyauterie et de responsabiliser les acteurs. Il n’est pas tout à fait normal en effet, comme cela a souvent été pointé par la Cour des comptes que les commandeurs ne soient pas les payeurs et que l’on mise sur des crédits budgétaires pour financer les compensations : lorsqu’on atteint 36 milliards d’euros de compensation, la machine devient folle… Nous souhaitons donc la simplifier.

Si les réformes précédentes ont permis les excédents que nous connaissons aujourd’hui, il ne faut pas oublier le travail quotidien de tous les professionnels de santé et des Français qui grâce à leurs recettes et à leurs non-dépenses, si je puis dire, ont contribué à cet équilibre. Nous n’avons pas la volonté de mettre l’intégralité d’éventuels excédents dans le champ de l’État pour résoudre l’endettement public au sens large.

La règle que nous avons proposée, c’est à la fois une chronique et le chacun pour soi : chacun reste dans son coin, et quand il y a des allégements généraux il y a des compensations, et quand des choix spécifiques sont faits par des champs spécifiques on respecte cette règle. Je crois que nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion du budget. Le PLFSS que nous présentons prévoit 36 milliards d’euros de compensation entre l’État et la sécurité sociale, et 2 milliards qui sont proprement sociaux – forfaits sociaux, mesures de correction de la CSG pour un montant de 300 millions – et ne sont pas compensés.

Plusieurs d’entre vous, quel que soit leur groupe politique, m’ont interrogé sur le dispositif TO‑DE. Comme je vous l’ai dit dans mon propos liminaire, ce ne serait pas responsable de dire que l’allégement général de charges bénéficiera à l’intégralité du monde agricole – plus 60 millions par rapport à aujourd’hui. Il y a donc des spécificités à prendre en compte sur les métiers que vous avez évoqués. Le Premier ministre a évoqué avec les organisations syndicales agricoles une sortie « en sifflet » du dispositif TO‑DE qui n’est peut‑être pas aussi nette que ce que nous présentions jusqu’à présent. Il nous faut sans doute ici ou là jouer sur l’intégralité des mesures que nous pouvons mettre en place. Je vous rappelle que le projet de loi de finances comporte des mesures extrêmement favorables aux agriculteurs, ne serait-ce qu’en ce qui concerne l’épargne ou la fiscalité. Nous vous proposons d’étudier la sortie en sifflet d’un système qui n’est pas structurel ainsi que des mesures structurelles qui relèvent de telle ou telle filière pour leur permettre de faire face à la compétitivité internationale puisque parfois le coût du travail saisonnier peut représenter jusqu’à 70 %, notamment dans l’horticulture et la viticulture.

Aujourd’hui, je ne connais pas encore totalement les arbitrages que souhaite faire le Premier ministre, mais nous aurons l’occasion de discuter dans l’hémicycle du dispositif TO‑DE, qui représente environ 300 millions, et de trouver un compromis, sur proposition soit du Parlement, soit du Gouvernement, le Gouvernement ayant la volonté de ne pas faire comme s’il n’y avait pas d’allégement de charges tout en comprenant que certains métiers et filières ont davantage de difficultés que d’autres. Je suis sûr que nous parviendrons à trouver, avec Mme Buzyn et le ministre de l’agriculture, un chemin qui nous permettra de respecter le travail du monde agricole.

Monsieur Door, vous m’interrogez sur la suppression de 1 % de la cotisation sur les retraites complémentaires, donc sur les retraités les moins modestes, qui représente environ un milliard d’euros. Je vous rappelle que le taux de CSG pour les retraités est inférieur d’un point à celui des actifs. Nous n’avons fait qu’augmenter un taux réduit qui reste inférieur à celui des actifs. Si nous supprimions ce pourcentage, il faudrait d’abord trouver un milliard, ce qui n’est pas si évident. Vous qui êtes un fin connaisseur de ces questions et responsable par ailleurs, je suis sûr que vous pouvez nous présenter un amendement qui trouve un gage sérieux d’un montant d’un milliard. Si un gouvernement, quel qu’il soit, devait un jour se poser la question de la fiscalité sociale pour les retraités, je ne suis pas certain qu’il serait juste de supprimer ce pourcentage. Je ne suis donc pas tout à fait sûr que ce soit le chemin que prendrait ce Gouvernement ni les gouvernements en général, indépendamment du fait que cela coûte un milliard.

Je suis assez étonné de la prise de position de M. Door et de M. Lurton sur la question des prestations familiales et sur la revalorisation modérée des prestations sociales. J’ai écouté avec attention M. Wauquiez – rassurez-vous, monsieur Door, « M. Wauquiez », ce n’est pas une insulte, ce n’est pas grave – qui a fait une conférence de presse hier. Il a dit notamment que les fonctionnaires devraient travailler 39 heures payées 35 !

M. Thibault Bazin. Vous n’étiez pas en conseil des ministres ?

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. J’ai regardé le replay ! Dès que M. Wauquiez s’exprime, j’écoute ce qu’il dit et c’est normal puisque c’est le chef de l’opposition. Je me suis demandé s’il souhaitait augmenter le SMIC de 20 %, mais finalement ce n’est pas ce qu’il a proposé.

Dans le champ social, il propose de plafonner toutes les prestations sociales à 75 % du SMIC, ce qui veut dire bloquer toutes les prestations sociales, prestations familiales comprises, à 880 euros. C’est tout le contraire de ce que nous faisons puisque nous augmentons les prestations sociales, notamment le minimum vieillesse et l’AAH. En fait, le programme du parti politique auquel vous appartenez revient à baisser l’AAH, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), ou les prestations familiales si elles représentent plus de 75 % du SMIC quand on les additionne. C’est un point intéressant que je n’ai pas entendu dans vos propos, c’est dommage. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir.

M. Wauquiez propose également que les ressortissants étrangers doivent attendre trois ans avant d’avoir accès aux prestations sociales. Là encore, vous n’avez pas repris sa proposition, ce qui ne m’étonne pas car cela doit vous gêner. C’est effectivement une façon d’avoir des recettes supplémentaires, mais ce n’est pas tout à fait ce que disait le parti politique auquel nous avons appartenu il y a encore quelques mois. Il y a là un changement dans la façon d’imaginer le champ social. Pour notre part, nous avons fait un choix différent en attendant la grande réforme des retraites évoquée par Agnès Buzyn. Nous sommes par ailleurs responsables, ce qui nous différencie sans doute des prises de position de l’aile gauche, si vous me permettez cette expression rapide et sans condescendance, et nous pensons qu’il faut tenir la dépense sociale, que la réforme des retraites est très importante et que la légère revalorisation des prestations – minimum vieillesse, AAH, prime d’activité – touche les retraites et les prestations familiales. Ce sont les économies qui permettent de tenir effectivement la redistribution que nous souhaitons par ailleurs.

L’option alternative, celle que vous avez proposée par l’intermédiaire du chef de votre parti, n’est manifestement pas celle que nous défendons. C’est dommage de ne pas l’avoir dit.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Véran, vous m’avez posé la question de la CMU contributive et du coût pour les mutuelles. Je tiens à vous rassurer : les organismes complémentaires qui couvriront les assurés – ex-système ACS – seront remboursés intégralement des frais de santé pris en charge pour la CMU dans la limite d’un forfait. En offrant cette CMU contributive, elles ne prennent aucun risque d’avoir des contrats déficitaires, d’autant qu’elles percevront un forfait de gestion. Le coût global pour les finances publiques de cette réforme est estimé à 200 millions d’euros à l’horizon 2022 et sera effectivement financé par le fonds CMU-C.

Vous proposez un forfait de réorientation qui bénéficierait aux établissements de santé qui réorienteraient les patients pris en charge aux urgences. Je vous confirme l’intention du Gouvernement de proposer une mesure incitative à la bonne orientation des flux d’urgence par la création d’un forfait de réorientation qui pourrait être pris en charge totalement par l’assurance maladie. Je serai donc favorable à toute initiative de votre part en ce sens.

Monsieur Mesnier, vous m’interrogez sur la position du Gouvernement en ce qui concerne la prime de naissance. C’est un gouvernement précédent qui avait décalé la prime de naissance, prime qui, depuis le 1er janvier 2015, est versée après la naissance de l’enfant. Nous savons que ce n’est pas très logique, mais revenir sur ce décalage coûterait 200 millions d’euros à la branche famille pour 2019. Ce n’est pas une priorité identifiée cette année par le Gouvernement. La politique familiale privilégie par ailleurs le soutien aux familles les plus modestes et les plus fragiles. J’y reviendrai lorsque j’aborderai la stratégie pauvreté qui couvre en particulier des besoins des enfants les plus défavorisés.

Monsieur Door, vous m’interrogez sur la politique du médicament du Gouvernement. Le PLFSS pour 2019 permet de concrétiser plusieurs engagements que nous avions pris dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) au mois de juillet dernier. Nous mettons en place un dispositif de régulation plus simple et plus prévisible face aux évolutions du budget du médicament, nous permettons l’accès plus rapide aux thérapeutiques les plus innovantes à travers l’élargissement du dispositif des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) aux nouvelles indications, mais effectivement nous prônons aussi des économies. Au vu de la dynamique de dépenses des médicaments aujourd’hui dans notre pays, ces économies n’obèrent pas la capacité à tenir nos engagements, à savoir une croissance du secteur de 0,5 %. Avec les économies prévues, les engagements du CSIS seront tenus.

L’article 42 est particulièrement complexe pour tenir compte des remarques des industriels. C’est un article qui permet la régulation de la dépense sur des ATU données pour les extensions d’indication d’AMM. En pratique, il s’agit d’éviter que nous soyons obligés de payer en ATU le prix le plus fort qui est celui obtenu par l’AMM initiale, mais ce mécanisme garantit aux industriels que si le prix fixé in fine pour la nouvelle indication est supérieur au prix que nous avons payé pour l’ATU de cohorte, il y aura un reversement. La complexité de l’article 42 traduit en fait différents engagements que nous avons pris vis-à-vis des industriels. Cela explique la rédaction que vous trouvez illisible.

Vous craignez que le dispositif « 100 % santé » n’entraîne une augmentation des complémentaires santés. Vous le savez, il s’agit d’une réforme majeure pour beaucoup de Français et un effort très important que nous avons demandé à l’ensemble des filières. En fait, cet effort porte à la fois sur le budget de l’assurance maladie et sur les professionnels de l’ensemble de la chaîne de valeur. Je rappelle que le dispositif « 100 % santé » représente 750 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour le budget de l’assurance maladie. C’est donc loin d’être un transfert de charges en direction des complémentaires santé. La sécurité sociale va réinvestir sur l’ensemble de ces secteurs, avec un étalement dans le temps pour que ce soit absorbable, d’où une réforme qui débute en 2019, s’étale en 2020 et sera en pleine puissance, c’est-à-dire avec un reste à charge de zéro à partir du 1er janvier 2021. Cela passe par la modération du prix des lunettes ou des audioprothèses. Nous avons obtenu par exemple une réduction du coût des audioprothèses de 200 euros dès le mois de janvier 2019, ce qui permettra une réduction du reste à charge de 850 à 650 euros par oreille.

Le secteur psychiatrique est complètement inclus dans le plan « Ma santé 2022 » et doit faire l’objet d’un réinvestissement. Il sera donc intégré dans les investissements hospitaliers, mais le problème de la psychiatrie aujourd’hui est loin d’être un problème budgétaire ; il est beaucoup plus complexe. Il est lié à un manque de professionnels formés, de psychiatres qui souhaitent s’installer dans les hôpitaux psychiatriques, à un déficit majeur de pédopsychiatres, discipline qui a été abandonnée. Cela impose de recréer des postes, de former de nouveaux internes. Nous allons travailler sur le terrain avec les professionnels à l’organisation du parcours de soins en santé mentale, comme je m’y suis engagée dans la feuille de route. Tout cela ne nécessite pas un budget dans le cadre du PLFSS, ce qui ne veut pas dire que la feuille de route ne sera pas tenue. J’ai par exemple pris un engagement en ce qui concerne l’ouverture des pratiques avancées infirmières à la psychiatrie en 2019, autrement dit des infirmières de pratiques avancées pourront se former en master de psychiatrie.

Monsieur Lurton, comme l’a dit M. le ministre, nous faisons des choix en matière de pensions de retraite et de politique de la famille. S’agissant des prestations familiales, la priorité est clairement donnée aux familles les plus pauvres, dans le cadre notamment de la stratégie pauvreté, avec toutes les mesures en faveur des allocations de garde d’enfants, la mixité sociale dans les crèches qui feront l’objet de bonus, la création de places de crèche dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui font également l’objet de bonus, le parcours santé des 0-6 ans, les petits-déjeuners à l’école, l’extension des forfaits sociaux dans les cantines à toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Cet investissement majeur dans la petite enfance et en direction des familles les plus pauvres est inscrit, non dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais dans le projet de loi de finances. Pour le seul ministère des solidarités, ce sont 175 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à la petite enfance et aux familles dans le cadre du plan « Pauvreté ».

Madame Elimas, je crois avoir déjà répondu en partie à votre question sur la politique familiale. Un mot sur les moyens alloués à la prévention, sujet qui vous tient à cœur. Un effort considérable est consenti en faveur de la prévention. Quinze mesures du plan « Priorité prévention » figurent dans le PLFSS, pour un montant global de près de 40 millions d’euros : remboursement dans les conditions de droit commun des substituts nicotiniques, amélioration de la couverture vaccinale, « pass préservatif », création de consultations dédiées à la prévention pour les adolescents, nouvelle répartition des consultations pour les jeunes jusqu’à 18 ans.

Monsieur Vercamer, vous dites que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne traduit pas l’ambition du plan « Ma santé 2022 ». Je ne sais pas quoi vous répondre. Nous finançons la création de 1 000 communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), la création de 1 000 postes par an d’assistants médicaux, la création de postes d’assistants salariés qui iront travailler dans les déserts médicaux, nous investissons dans les hôpitaux de proximité pour transformer l’offre de soins de proximité, nous investissons 200 millions d’euros supplémentaires par rapport à ce qui était déjà prévu dans les établissements de santé, nous finançons la tarification à la qualité – le fonds passe de 60 à 300 millions d’euros pour les établissements de santé –, nous tarifons forfaitairement certaines pathologies chroniques comme le diabète et l’insuffisance rénale chronique. Vous seriez donc bien le seul en France à ne pas croire à ce plan auquel adhèrent l’ensemble des organisations syndicales, des fédérations hospitalières, et la Cour des comptes. Mais peut-être ne l’avez-vous pas lu suffisamment.

Un effort supplémentaire de 150 millions d’euros est consenti en direction de l’aide à domicile et porte sur les dispositifs médicaux. Vous savez que la régulation sur les dispositifs médicaux est actuellement assez faible. Nous avons voulu éviter d’en passer par une régulation comme sur le champ des médicaments, c’est-à-dire un reversement automatique après dépassement d’un certain seuil de dépenses. Nous allons travailler sur des baisses de prix dans la liste des prestations et produits remboursables (LPPR). C’est cette traduction sur la baisse des prix qui figure dans les 150 millions d’euros d’économies, sachant que la dynamique de dépenses sur les dispositifs médicaux est extrêmement importante.

Monsieur Christophe, vous considérez que les médicaments sont la variable d’ajustement. La dynamique est très importante, et le moins que l’on puisse dire est que les prescriptions ne sont pas toujours justifiées. Aussi ne serait-il pas honteux que les patients sortent des cabinets médicaux avec des prescriptions un peu plus légères. Des mesures très fortes vont être prises en faveur des médicaments génériques. Tous les types de régulation sont les bienvenus. En tant que ministre, je sais fort bien que certains médicaments sont des rentes de situation et qu’il faut agir sur ce point, ce qui permettra de dégager des marges de manœuvre pour payer l’innovation. On ne peut pas, d’un côté, accepter que de nouveaux médicaments arrivent sur le marché avec des prix qui vont de 300 000 à 400 000 euros par patient et par an, et, de l’autre, ne pas dégager des marges de manœuvre tarifaires sur des médicaments de rente.

Des parlementaires viennent de nous rendre un rapport sur le problème des ruptures de distribution sur lequel nous nous appuierons pour proposer des mesures, et nous verrons s’il est possible d’améliorer le plan de gestion des pénuries par les laboratoires. Comme vous le savez, les raisons de ces ruptures de distribution sont extrêmement variables. Aussi nous faut-il agir sur plusieurs leviers.

Vous dites que les délais d’accès aux médicaments sont plus longs en France qu’ailleurs. Non. Ils sont plus longs sur le papier, c’est-à-dire que le délai entre l’évaluation des médicaments par la Haute Autorité de santé (HAS) et la fixation du prix par le Comité économique des produits de santé (CEPS) est effectivement supérieur à la médiane européenne. Toutefois, pour les médicaments innovants ce délai est compensé par le mécanisme des ATU qui nous est envié partout dans le monde et qui permet aux patients de ne pas avoir de retard dans la prise en charge liée à ce délai de fixation du prix et d’accéder au médicament parfois un an ou un an et demi avant son autorisation de mise sur le marché. J’ajoute que si nous n’avions pas une certaine liberté en ce qui concerne les délais de fixation du prix, nous ne serions pas en mesure de négocier. Nous sommes attentifs à ce que les délais réglementaires soient tenus, mais dans certains cas cela traduit la difficulté à se mettre d’accord sur un prix.

Nous savons que la proportion de mentions « non substituable » sur les ordonnances est passé de 2 % à 9 % en six ans. L’objectif est donc d’agir sur les 9 % d’ordonnances sur lesquelles les praticiens ont écrit cette mention, ce taux étant bien supérieur en France à ce qu’il est dans les autres pays européens, ce qui pourrait signifier que les patients français sont beaucoup plus allergiques aux médicaments génériques que ceux des autres pays du monde. Nous pensons, pour notre part, que l’usage de cette mention n’est pas toujours justifié. Aussi avons-nous prévu que le médecin puisse écrire la mention « non substituable » de façon automatisée afin de ne pas se créer une tâche administrative supplémentaire, mais qu’il doive justifier sa décision. Nous allons négocier avec les médecins et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) les critères médicaux de non-substitution, de façon que des malades ne disent pas qu’ils sont allergiques à la totalité des médicaments génériques, ce qui n’existe pas, comme peuvent le dire ceux qui, comme moi, connaissent un peu l’usage des médicaments.

Monsieur Aviragnet, vous prétendez que rien n’est fait pour lutter contre les déserts médicaux et que la totalité du plan « Ma santé 2022 » est dans le PLFSS. Je ne sais pas quoi vous répondre si ce n’est vous rappeler quelles mesures nous prenons : création de CPTS, de postes d’assistants médicaux pour donner du temps médical aux médecins, investissements dans les hôpitaux de santé, dans les maisons de santé...

Vous me dites qu’il n’y a rien sur la petite enfance et le grand âge. Je pense vous avoir déjà répondu. Nous nous adressons particulièrement aux enfants des familles défavorisées, soit dans le PLFSS, soit dans le PLF, par le plan de lutte contre la pauvreté. Enfin, vous me dites que le reste à charge est financé par les complémentaires santé. Je vous rappelle que 755 millions d’euros issus de l’assurance maladie serviront à financer le reste à charge zéro.

Madame Fiat, vous regrettez que le régime général soit équilibré. Pour ma part, je mets un point d’honneur à ne pas vivre sur le dos de mes enfants et à ne pas leur laisser de dettes. Effectivement, on peut continuer à dépenser toujours plus et faire en sorte que des enfants se retrouvent avec une dette absolument ingérable, mais dépenser plus ne permet pas toujours d’améliorer la situation.

Certes, les hôpitaux psychiatriques rencontrent des problèmes, mais ce ne sont pas uniquement des problèmes financiers. Tout miser sur les investissements nous conduirait à la catastrophe. L’hôpital Pinel d’Amiens dont vous avez parlé ne peut pas recruter de psychiatres pour différentes raisons que je ne détaillerai pas ici. Nous devrons recentrer les ressources et travailler à une meilleure utilisation des plateaux techniques de haute technicité, car il y a actuellement une trop forte dispersion de l’offre technique. Les hôpitaux de proximité vont se concentrer sur les besoins de proximité – médecine polyvalente, soins palliatifs, soins gériatriques – et nous allons graduer les soins progressivement de façon à concentrer les financements sur des plateaux techniques performants où les praticiens interviendront pour des hôpitaux généraux, voire pour des CHU, pour l’offre de très haute technicité ou de recours, comme les transplantations.

Si nous savons que mettre toujours plus de moyens ne fonctionne pas, il n’en demeure pas moins que 3,4 milliards d’euros vont accompagner le plan « Ma santé 2022 », dont près d’un milliard sera dédié à l’investissement immobilier. Nous sommes donc bien au rendez-vous des besoins avec un plan parfaitement équilibré et salué par l’ensemble des acteurs comme étant un modèle de ce qu’il faut faire.

Monsieur Dharréville, vous parlez de la compression des dépenses sociales. Non : les dépenses sociales augmentent tous les ans, mais elles ne sauraient représenter la totalité du PIB d’un pays. Nous sommes donc obligés d’avoir une forme de régulation de ces dépenses, de façon à ne pas endetter notre pays, à ne pas endetter la sécurité sociale et à ne pas laisser cette dette à nos enfants. Il s’agit donc d’un budget raisonnable qui fixe des priorités en faveur des plus vulnérables, d’un meilleur accès aux soins et des solidarités. Nous sommes fidèles à la politique de ce gouvernement, c’est-à-dire à la rigueur budgétaire, en tout cas à la responsabilité budgétaire, à des financements dédiés aux politiques publiques que nous assumons, et qui font l’objet de choix assumés.

Vous avez dit que la crise des hôpitaux était liée à un problème d’organisation interne. Non, c’est un problème d’organisation externe. Et c’est bien parce que nous pensons qu’elle est due à la mauvaise ou l’insuffisante organisation des soins de ville que nous avons élaboré ce plan « Ma santé 2022 ». Le problème des hôpitaux est dû à la répartition de l’offre et à une mauvaise structuration de la gradation de l’offre au sein des établissements hospitaliers. Je pense donc que ce plan est totalement raisonnable.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous rappelle que chaque orateur dispose d’une minute pour poser sa question et qu’il y a vingt-huit questions. J’invite donc chacun à respecter son temps de parole.

Mme Claire Pitollat. Je confirme que je partage les avancées saluées par mon collègue Thomas Mesnier.

Mon intervention concerne le financement des hôpitaux qui ne doit pas être strictement lié aux soins. La tendance à la baisse des tarifs à l’activité se fait au détriment des provisions d’investissement et d’innovation des hôpitaux. Au cours d’un cycle de visites de l’ensemble des sites de l’Assistance publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM), j’ai pu constater un paradoxe : les modes de financement ont été réformés et rationalisés, mais l’effort demandé est tel que cette rationalisation conduit les établissements à délaisser les plans d’investissement. Il en résulte un vieillissement des établissements qui devient à terme dangereux pour la sécurité et la qualité des soins, là où des provisions sanctuarisées auraient permis de préserver les structures via des coûts maîtrisés.

Nombre d’établissements sont réduits à demander de lourds crédits exceptionnels, notamment via le Comité interministériel de performance et de la modernisation de l’offre de soins (COPERMO) au motif de l’urgence de sécurité des soins. Au-delà de ces crédits exceptionnels supplémentaires, que prévoyez-vous pour permettre aux hôpitaux d’établir leur plan de financement sans avoir à choisir entre les besoins immédiats et la sécurité des soins sur le long terme ?

Mme Isabelle Valentin. Nous ne pouvons que nous féliciter du retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Profitons de cette embellie pour réformer en profondeur le système de santé.

Je souhaiterais vous interpeller sur deux points.

Le premier point concerne les crèches. Lors de la présentation du plan pauvreté il y a trois semaines, le Président de la République et vous-même avez annoncé la mise en place de 30 000 places de crèches, essentiellement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Quid des territoires ruraux, grands oubliés de ce plan, pauvreté, quid des maisons d’assistantes maternelles (MAM), essentielles dans nos territoires ruraux ?

Le second point porte sur le vieillissement. L’article 41 du PLFSS propose d’accélérer la convergence des forfaits de soins des EHPAD. Cet article n’est qu’un cautère sur une jambe de bois. Cela ne permettra en rien de résoudre la crise profonde à laquelle est confronté le secteur de l’aide aux personnes âgées dépendantes – EHPAD, maintien à domicile, maisons « Senior », accueil familial. Il y a une insuffisance de places et une insuffisance de personnel, un double problème profondément ancrée depuis longtemps. Vous annoncez 18 millions d’euros à partager…

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous demande de poser votre question.

Mme Isabelle Valentin. Comment comptez-vous aborder la prise en compte du vieillissement aujourd’hui et quelles sont les perspectives pour la société de demain ?

Mme Martine Wonner. L’année dernière, nous avons eu une avancée extraordinaire, au sens premier du terme, concernant les expérimentations d’innovation de santé via l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale. C’est une vraie victoire pour les professionnels de santé dans les territoires. L’article 29 du PLFSS que vous nous présentez aujourd’hui propose d’élargir le périmètre de cette dérogation pour y intégrer des projets plus ambitieux encore sur le plan de l’innovation organisationnelle. Pouvez-vous nous donner des exemples de dossiers que vous comptez sélectionner pour l’année 2019 privilégiant plus particulièrement l’innovation ?

M. Belkhir Belhaddad. Si la mise en place des parcours de soins avec un financement au forfait commencera par l’insuffisance cardiaque et l’ostéoporose, ils seront étendus aux principales maladies chroniques à la fin de l’année 2019. D’après les estimations de l’Association nationale des élus en charge du sport (ANDES), la généralisation de la pratique d’activités physiques à des fins thérapeutiques pourrait notamment générer pour la sécurité sociale une économie de plus de 10 milliards d’euros. Je sais, madame la ministre, que vous êtes très sensible à la prescription de cette activité parce qu’elle est innovante, et à ses bienfaits. Dans quelle mesure cette prescription d’activités physiques à des fins thérapeutiques peut-elle entrer dans la définition du parcours de soins et sa tarification au forfait ?

M. Alain Ramadier. Viser un reste à charge zéro semble répondre à une réalité sociale douloureuse et répandue. Cependant, il faut en mesurer toutes les conséquences, notamment en termes de hausse des remboursements par les mutuelles et les complémentaires, ce qui risque de générer une croissance des cotisations pour les assurés.

Madame la ministre, avez-vous mesuré ce risque et/ou négocié avec les mutuelles ? Quel sera l’impact sur la production de l’industrie lunetière française ? N'allons-nous pas institutionnaliser un système à deux vitesses alors que le modèle français consiste à garantir l’égalité de tous face à la qualité des soins ?

M. Dominique Da Silva. Dans l’exposé sommaire de l’article 7 relatif à l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires, il est indiqué que, pour un salarié du secteur privé, la mesure permettra un gain de pouvoir d’achat équivalent à 11,3 % de la rémunération brute perçue au titre de chaque heure supplémentaire, soit environ 200 euros par an en moyenne.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous détailler les modes de calcul utilisés dans cet exemple mis en avant ? Pourriez-vous nous indiquer si des moyens seront mis en œuvre pour vérifier l’effectivité de ce gain de pouvoir d’achat, un an après l’entrée en vigueur de cette mesure le 1er septembre 2019, par exemple au travers d’une étude d’impact ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame Pitollat, vous me demandez quels seront les accompagnements pour les établissements de santé en difficulté ? Les crédits mobilisés au sein de l’ONDAM permettront d’accompagner la structuration des soins dans les territoires, en ville ou à l’hôpital, à hauteur de près de 1,6 milliard d’euros : communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), assistants médicaux, aide aux hôpitaux de proximité. Nous allons mettre 500 millions d’euros pour la transformation numérique en ville et à l’hôpital. Nous allons faire évoluer les métiers et les formations. Nous allons développer l’investissement hospitalier en ajoutant 920 millions d’euros aux investissements déjà votés et engagés par l’intermédiaire du Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO). C’est un investissement non négligeable.

Pour certains hôpitaux, la baisse de la part de la tarification à l'activité (T2A) va permettre une revalorisation de l’activité d’une façon différente. Des hôpitaux comme celui de Marseille pourraient avoir intérêt à diversifier leur organisation pour qu’elle tienne compte de leur double casquette : CHU, c'est-à-dire soins de recours, et hôpital de proximité. Dans le cas de Marseille, le CHU joue ce rôle d’hôpital de proximité pour les quartiers nord de la ville. Ces établissements pourraient peut-être bénéficier ainsi des financements prévus pour les hôpitaux de proximité.

Madame Valentin, vous posez la question des mesures pour les personnes âgées, du vieillissement, des EHPAD. La feuille de route que j'avais présentée le 30 mai est totalement intégrée dans le PLFSS. L'accélération de la convergence tarifaire permet d'engager 360 millions d'euros en cinq ans et non plus en sept ans, dont 125 millions d'euros dès 2019 pour les postes d'infirmières et d'aides-soignantes. Aucun établissement ne verra ses dotations diminuer puisque nous avions dégagé une enveloppe de 18 millions d'euros supplémentaires pour compenser les pertes des établissements défavorisés par la convergence tarifaire pour les deux années à venir. Nous consacrons 50 millions d'euros à l'amélioration de l'accompagnement des services d'aide à domicile, 10 millions d'euros supplémentaires à la création de postes d'infirmières de nuit, 30 millions d'euros aux plans de prévention en EHPAD qui vont être pilotés par les agences régionales de santé (ARS), et enfin 15 millions d'euros au développement d'une offre d'hébergement temporaire pour les sorties d'hôpital au sein des EHPAD. Ces mesures sont prises en attendant les résultats de la grande concertation et du projet de loi prévu pour 2019 qui devrait permettre d'aboutir à un financement plus pérenne du modèle que nous souhaiterons mettre en œuvre pour les personnes âgées

Madame Wonner, vous me demandez ce que l’on a fait de l'article 51. Au bout de huit mois, le bilan montre qu'il y a quatre-vingt-deux lettres d'intention sur des projets à l'initiative des acteurs en santé et sept cahiers des charges correspondant à des projets finalisés. Cinquante-quatre porteurs de projets ont été choisis pour co-construire l'expérimentation nationale de trois modèles d'organisation et de financement : financement à l'épisode de soins en chirurgie pour les prothèses de hanches et de genoux ; incitation financière à la prise en charge partagée entre professionnels de santé sur un territoire ; paiement en équipe de professionnels de santé en ville. Le cahier des charges doit être co-construit d'ici à la fin de 2018 pour un début d'expérimentation en 2019. Ce volet d'expérimentation extrêmement large est piloté notamment par Jean-Marc Aubert, le directeur de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), qui est à la tête d'une mission ad hoc pour transformer les modes de financement. Le PLFSS pour 2019 contient les premières mesures issues de cette réflexion.

Monsieur Belhaddad, vous évoquiez l'insuffisance cardiaque et l'ostéoporose, deux modèles de tarification forfaitaire sur lesquels nous travaillons avec la DREES et qui ne sont pas encore inscrits dans PLFSS pour 2019. Ils seront probablement mis en œuvre en 2020. L'idée est évidemment d'utiliser ces modèles forfaitaires pour intégrer toutes les actions de prévention, notamment l'activité physique adaptée. C'est vraiment le but de ces modèles : intégrer complètement ces actes de prévention dans le forfait du parcours de soins.

Monsieur Ramadier, vous craignez que le reste à charge zéro ne se traduise par une hausse des assurances complémentaires. Lors des négociations, nous avons été extrêmement vigilants pour éviter une telle augmentation. Un comité de suivi réunit les acteurs de la réforme tous les six mois. Il vérifiera que ce qui a été acté dans la négociation sera bien appliqué, notamment en ce qui concerne le prix des lunettes ou des audioprothèses. Il veillera à ce que les complémentaires intègrent le reste à charge zéro dans leur budget habituel.

Quelles seront les conséquences pour la production de l’industrie lunetière française ? Avec le ministère en charge de l'industrie, nous avons énormément travaillé sur ce secteur à cause des lunetiers du Jura. La grande majorité d'entre eux produisent plutôt des lunettes haut de gamme destinées surtout à l'exportation. Ces lunettes haut de gamme ne sont pas du tout intégrées dans le reste à charge zéro – qui n’est pas du tout obligatoire – et elles resteront évidemment accessibles en offre libre. Ces mesures ont été élaborées avec l'ensemble du secteur, y compris la filière de production française.

Monsieur Da Silva, je vais laisser Gérald Darmanin répondre à votre question sur la hausse de pouvoir d’achat liée à l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et complémentaires.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le député, notre calcul est fondé sur une moyenne d’heures supplémentaires constatée : 109 heures par an. Le gain de pouvoir d’achat – environ 11 % par heure supplémentaire – se lira sur la feuille de paie à partir de la fin du mois de septembre 2019. La mesure coûtera aux alentours de 400 millions d'euros par mois, un peu moins en juillet et août, en raison des vacances. Quelles seront les conséquences en termes de création d’emplois ? Il faudra sans doute attendre la fin de l'année 2020 pour faire le bilan. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement vous fournira tous les éléments nécessaires pour évaluer ce dispositif.

Quand le gouvernement précédent a abrogé les avantages sociaux et fiscaux, visant les heures supplémentaires, créés par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), il a conservé la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés. Nous avons gardé cette exonération pour les entreprises de moins de 20 salariés et nous avons supprimé les cotisations sociales pour tous les salariés et employés qui font des heures supplémentaires. Nous n’avons pas opté pour une défiscalisation parce que nous lui préférons une baisse intégrale des cotisations qui est plus profitable aux salariés. Nous avons gardé les charges patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de 20 salariés pour deux raisons : ces entreprises bénéficient d’allégement de charges dans le cadre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ; nous ne voulons pas créer un effet d'aubaine nuisant à l'emploi. Le Parlement aura l’occasion d'évaluer ce dispositif.

M. Bernard Perrut. Les relations financières entre l'État et la sécurité sociale sont complexes. La diversification du financement de la sécurité sociale et les allégements de cotisations compensée par l'État nuisent à la lisibilité et à la prévisibilité.

Madame la ministre, monsieur le ministre, êtes-vous favorables à ce que nous ayons un examen conjoint des recettes de l'État et de la sécurité sociale à l’avenir ? La Cour des comptes le demande depuis plusieurs années puisque l'autonomie des finances sociales et le modèle – les cotisations considérées comme des recettes et les prestations comme des dépenses – n’ont plus de justification.

Vous avez confirmé que vous allez demander 150 millions d'euros d'économies au secteur de la prestation de santé à domicile, qui a déjà consenti d'importants efforts au cours des dernières années. Quelle catégorie de patients va-t-elle être affectée ? Est-ce que ce seront les personnes âgées et les personnes handicapées ? Je voulais vous faire part de mon inquiétude.

M. Jean-Louis Touraine. Je souhaiterais intervenir sur trois points.

Tout d’abord, je voudrais dire que je suis tout à fait d'accord pour que les traitements ne soient pris en charge qu’au montant correspondant au prix des médicaments génériques. J'imagine que vous allez déterminer les traitements – comme les anti-épileptiques – ou les pathologies qui justifient des dérogations.

Ensuite, je constate que l'insuffisance rénale chronique sera enfin prise en charge par un forfait comme cela est programmé depuis quelques années. Merci de nous préciser que dans ce cadre-là, vous corrigerez les erreurs d'un système qui a favorisé la dialyse au détriment de la transplantation, laquelle est pourtant un traitement beaucoup plus satisfaisant pour les patients et nettement moins cher.

Enfin, je souhaite évoquer l'utilité qu'il y aurait à prévoir une proposition systématique – sans être obligatoire – de vaccination contre le virus du papillome humain – human papillomavirus (HPV) – chez toutes les filles et les garçons âgés de onze à quatorze ans. La couverture n’est que de 20 % dans notre pays alors qu'elle dépasse 70 % en Australie et en Suède, ce qui conduit progressivement à l'éradication du cancer du col de l'utérus.

Mme Fadila Khattabi. En circonscription, j'ai eu l'occasion de me rendre au CHU de Dijon où j'ai pu rencontrer le professeur Cottin, spécialiste renommé en cardiologie. Il estime que l'ultra-spécialisation dans les parcours de formation en médecine serait, du moins en partie, la cause d'une réduction de l'offre de prise en charge des patients, tout particulièrement dans les hôpitaux publics. Ne pensez-vous pas qu'un spécialiste est avant tout un médecin ? Quelles mesures du PLFSS pour 2019 vont dans le sens de l’amélioration de l'offre de soins ?

M. Brahim Hammouche. J'ai apprécié votre volonté de trouver un juste équilibre entre la nécessité d’investir pour transformer notre système de santé et celle de répondre notamment aux plus vulnérables et aux plus fragiles de notre société. Il est vertueux de vouloir à la fois redresser nos comptes sociaux et continuer à investir dans ce système de santé qu'il faut transformer en raison, notamment, de l'explosion des maladies chroniques. Vous avez pris les cas du diabète et de l'insuffisance rénale chronique, des maladies qui sont d'ailleurs souvent liées.

En ce qui concerne les nouveaux métiers, vous proposez de multiplier les infirmiers de pratique avancée (IPA). Ne pourrait-on pas étendre ce type de pratique à d'autres disciplines, comme l’orthophonie ou l’orthoptie ?

Mme Stéphanie Rist. Madame la ministre, nous connaissons votre engagement en faveur de la prévention dont vous voulez faire la priorité de la politique de santé. Ce PLFSS pour 2019 traduit cette ambition : augmentation des moyens consacrés à la prévention, notamment par le biais de l’élargissement des compétences des pharmaciens ; lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives ; développement des actions de prévention à destination des enfants et des jeunes.

Il est prévu d'améliorer le suivi des enfants et adolescents à des âges clefs afin de permettre le repérage et la prise en charge précoce mais aussi d'ancrer les bonnes pratiques en matière de santé. Ce PLFSS prévoit ainsi de redéployer les vingt examens obligatoires qui sont actuellement tous réalisés avant l’âge de six ans, afin de couvrir l'adolescence. Pour ces examens, qui sont effectivement indispensables, est-il prévu un suivi et une évaluation afin de s'assurer qu'ils sont réalisés à un âge où il peut exister une perte du suivi ?

M. Jean-Philippe Nilor. La situation sanitaire dans les outre-mer est tellement critique que les deux minutes, dont nous ne disposons même plus pour intervenir, ne suffiraient pas à la décrire. J’ai trois questions à vous poser.

Madame la ministre, pour répondre au manque chronique de médecins et à la désertification médicale qui affecte plus terriblement encore nos territoires d'outre-mer, êtes-vous prête à alléger les formalités de recrutement de médecins étrangers de haute qualité, sous condition de diplôme, de maîtrise de la langue et d'expertise ?

Madame la ministre et monsieur le ministre, au titre d'une légitime réparation expérimentale des scandales d'empoisonnement de nos corps, notamment au chlordécone, êtes-vous prêts à mener une vraie politique de sport-thérapie fondée sur le remboursement par la sécurité sociale de la pratique du sport pour les victimes d'affections de longue durée (ALD) ?

Monsieur le ministre, pour régulariser la situation inacceptable des retraités agricoles outre-mer, dont la pension culmine péniblement à 350 euros, êtes-vous prêt à aligner leur régime sur celui dont bénéficient les agriculteurs métropolitains, c'est-à-dire à porter ce montant à 75 % du SMIC ?

Mme Annie Vidal. Madame la ministre, l'article 29 du PLFSS prévoit d'amplifier la portée du dispositif d'innovation du système de santé prévu à l'article 51 de la loi de finances de 2018. Les dispositions ouvertes en 2018 portaient essentiellement sur la promotion des modes de financements innovants. Comme vous nous l'avez dit, les expériences de terrain témoignent de la dynamique engagée et de la mobilisation des pouvoirs publics et des acteurs de santé.

Dans le même esprit, et afin d’appliquer le plan de transformation de notre système de santé, cet article prévoit de permettre « aux praticiens hospitaliers qui le souhaitent d'exercer leur activité libérale hors les murs, dans le cadre d'une activité mixte ville-hôpital. » Cette mesure suscite une grande attente de la part des professionnels et des usagers ainsi que de nombreuses questions. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des précisions quant à sa déclinaison ?

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Perrut, sur la prestation de l’aide à domicile, je répondrai comme tout à l'heure : en fait, il s'agit essentiellement d'un effort sur les prix de la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), c'est-à-dire des dispositifs médicaux utilisés dans le cadre des soins à domicile. Ces dispositifs médicaux ont une dynamique d'évolution des prix extrêmement importante et il nous a semblé légitime de réguler le secteur. Nous voulons le faire non pas par un reversement systématique comme pour les médicaments au-delà d'un certain seuil de dépenses, mais plutôt au moyen d’une régulation par la négociation. Nous espérons bien pouvoir faire ces 150 millions d'euros d'économies mais il ne s'agit pas d'économies sur les malades.

Monsieur Touraine, vous évoquez la dérogation pour les médicaments non substituables et le remboursement des génériques par pathologie. Nous n’abordons pas le sujet de cette manière, préférant établir une dérogation liée à des critères tels que des allergies caractérisées. Des négociations sont en cours entre l'ANSM et les professionnels, visant à mieux réguler cet usage important de médicaments non substituables sur les ordonnances.

Vous demandez si la forfaitisation en matière d'insuffisance rénale chronique permettra un rééquilibrage vers plus de transplantations et moins de dialyses. À ce stade, je ne sais pas exactement ce qui sera décidé par la mission qui travaille sur la forfaitisation mais l'idée est que les forfaits permettent une meilleure prise en charge en termes de qualité et de pertinence. Si besoin est, le rééquilibrage fera partie des critères du forfait qui sera mis en place.

S’agissant du vaccin anti-HPV, vous avez raison. Le cancer du col de l'utérus est si évitable qu’il est le seul cancer qui pourrait être totalement éradiqué. Or on dénombre plus de 3 500 cas par an et plus de 1 500 décès. La France est une très mauvaise élève en termes de vaccination. C’est pourquoi j’ai saisi l’an dernier la Haute Autorité de santé (HAS) pour voir s'il était envisageable d'élargir la vaccination aux garçons, comme cela se fait en Australie ou dans les pays anglo-saxons, ce qui a permis une nette diminution de la prévalence du virus dans la population. J'attends la réponse. Je tirerai d’autant plus les conclusions qui s'imposent que des cancers du canal anal ou des cancers ORL liés au HPV touchent les garçons. L’élargissement de la vaccination aux garçons serait donc logique.

Madame Khattabi, vous dites qu'il y a probablement un excès de spécialistes. En tout cas, il est clair que nous manquons de médecins généralistes : quasiment tous les territoires français sont sous-dotés en généralistes. Un rattrapage est déjà en cours puisque le nombre de postes d'internes de médecine générale augmente beaucoup depuis plusieurs années. Tous ces postes ne sont pas pourvus mais nous visons bien un rééquilibrage entre spécialistes et généralistes.

Monsieur Hammouche, vous me demandez si nous allons élargir le champ des pratiques avancées qui existent surtout pour les pathologies chroniques, la coordination et les ALD au sens large. Je souhaite étendre ces pratiques à la psychiatrie en 2019, pour qu’il y ait des infirmiers de pratique avancée dans les hôpitaux psychiatriques. Leur absence s’y fait cruellement sentir, notamment en raison du manque de médecins et du fait que la plupart des infirmiers ne sont pas spécialisés.

Madame Rist, vous m’interrogez sur le suivi des enfants. Tout d'abord, je voulais vous remercier pour votre aide concernant le parcours des enfants âgés de zéro à six ans. Vous travaillez avec l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour nous aider à améliorer l’offre de soins pour ces enfants. Nous voulons renforcer le suivi de leur santé en prévoyant plusieurs examens espacés et en nous assurant que la totalité des enfants auront passé l'examen obligatoire des six ans avant l'entrée au cours préparatoire (CP). Cet examen obligatoire n'est pas toujours réalisé. Il faudra certainement faire participer d’autres médecins que les médecins scolaires, voire pratiquer des délégations d'une partie de l'évaluation à d'autres professionnels. Nous comptons sur votre rapport pour nous aider à avancer.

Monsieur Nilor, nous avons trois procédures d'intégration de médecins étrangers venant de pays hors de l’Union européenne. Ce système est assez ouvert mais il exige que les candidats démontrent une certaine compétence. Quand ils n'obtiennent pas de statut en France, cela signifie qu’ils ont raté un examen de passage sur les compétences, ou qu’ils n’ont pas, au cours de leur exercice professionnel, montré qu'ils étaient capables de rejoindre le système. En tous les cas, nous veillons très attentivement à ne pas perdre de chances en termes d'intégration de médecins qui pourraient participer à l’offre de soins. L’intégration ne peut se faire au prix d'une perte de qualité de la médecine donnée à nos concitoyens. Nous n’avons pas l’intention d’en arriver à une situation où la qualité des soins dans les zones sous-dotées serait inférieure à celles des autres zones. Sous réserve de cet équilibre, nous sommes favorables à des dispositions qui intègrent des médecins étrangers.

Vous m’interrogez aussi sur le remboursement de l'activité physique dans le cadre des ALD. C'est totalement la philosophie de la réforme de la tarification. Nous n’allons pas créer une consultation ou un acte « sport » financé par la sécurité sociale, ce qui entraînerait des dérives considérables. En revanche, que l’activité physique soit intégrée à la prise en charge des patients en ALD dans le cadre d'un forfait, cela me semble relever d’une bonne pratique parce que c'est de la prévention utile.

Je laisserai Gérald Darmanin répondre à votre question sur les retraités agricoles outre-mer.

En ce qui concerne l'article 51, madame Vidal, vous m'avez demandé des précisions sur l'exercice mixte ville-hôpital. À ce stade, je ne peux pas vous apporter de précisions sur des mesures qui sont en cours d'élaboration. Dans le plan « Ma santé 2022 », nous avons fixé les grands principes de la réforme et, à présent, nous élaborons des mesures qui seront mises en œuvre en janvier 2019. Disons que ce sera une liberté d'exercice mixte. Nous ne voulons pas trop encadrer afin que cela ne soit pas rédhibitoire pour les professionnels.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur Perrut, je suis personnellement favorable à l’idée de rapprocher l’examen des textes financiers, par souci de cohérence globale, même si l’État, la sécurité sociale et les collectivités locales gardent leur spécificité. La question des textes financiers – obéissant aussi à des règles institutionnelles et organiques – se posera dans le cadre de la réforme institutionnelle qui devrait revenir en débat vers le mois de janvier. On pourrait aussi, comme le Sénat l’a proposé, parler des recettes qui, même si elles ne doivent pas être fondues dans un grand tout, peuvent être regardées en miroir. J’en ai d’autant plus conscience que je suis les débats sur le PLF et le PLFSS qui s'entremêlent à l'Assemblée et au Sénat. Pour les parlementaires, il est sans doute compliqué de suivre les deux projets, qui ont pourtant des répercussions l’un sur l’autre. Sur le principe, je suis plutôt favorable à ce qui peut renforcer la cohérence sans remettre en cause la séparation des textes financiers.

Monsieur Nilor, on ne peut que s'émouvoir du montant très faible des retraites agricoles outre-mer, dû à plusieurs raisons et, en premier lieu, au niveau peu élevé des cotisations. À l’occasion de l’examen d’une récente proposition de loi, Mme la ministre des solidarités et de la santé a eu l’occasion de dire que c’est dans le cadre de la réforme des retraites que nous pourrons faire ce rattrapage s’il doit y en avoir un. Je vous encourage grandement à rencontrer Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites. Les cas que vous citez existent et plongent dans la grande pauvreté une partie de la population d’un territoire où, en outre, le coût de la vie est plus élevé qu'ailleurs. Nous n’allons peut-être pas lancer ici le débat sur certains sujets qui sont spécifiques aux outre-mer et qui méritent d’être évoqués avec M. Delevoye et Mme Girardin dans le cadre de la réforme des retraites. Ces sujets, qui ne sont malheureusement pas nouveaux, ne sont pas oubliés par le Gouvernement.

M. Thierry Michels. Le PLFSS pour 2019 met en avant, à juste titre, l’innovation numérique et technologique au service de la transformation du système de santé. La généralisation du dossier médical partagé (DMP) doit en effet permettre d'éviter des examens redondants, d’exploiter des gisements de données disponibles, de mieux prévenir et soigner.

En ce mois d'octobre, j'ai en tête le travail remarquable effectué par les hôpitaux universitaires de Strasbourg, grâce à l'exploitation des données de dépistage et de traitement du cancer du sein, disponibles depuis 1989 en Alsace, qui se traduit par des avancées spectaculaires dans la prise en charge des patientes et dans la prévention de la maladie. Dans un autre domaine, je pense à l'association Yvoir qui permet à des non-voyants de se déplacer en autonomie avec une canne GPS connectée.

De telles initiatives doivent être soutenues, stimulées et diffusées sur l'ensemble du territoire. Pourriez-vous, madame la ministre, préciser votre stratégie en matière d'innovation numérique et d'intelligence artificielle au service de la santé ?

Mme Laëtitia Romeiro Dias. Madame la ministre, mon intervention portera sur la prévention. Vous avez déjà eu le courage d'étendre l'obligation vaccinale à onze vaccins ou encore de mettre en place le service sanitaire. Le PLFSS que nous nous apprêtons à examiner contient des mesures qui vont plus loin.

J'aimerais avoir quelques précisions concernant la création d'un fonds de lutte contre les substances psychoactives. N'est-il pas envisageable d'élargir les compétences de ce fonds à d'autres addictions, par exemple à l’addiction au jeu dont souffrent environ 200 000 personnes en France ?

D’un point de vue organisationnel, les actes de prévention restent le pré carré des médecins au travers notamment des rémunérations spécifiques sur objectifs de santé publique. Ne pourrait-on pas envisager d'intégrer les actes de prévention dans les négociations conventionnelles avec d'autres acteurs de santé tels que les infirmiers qui sont des relais de proximité et de suivi intéressants ?

Mme Éricka Bareigts. Le problème de la consommation abusive d'alcool me tient à cœur. Je sais, madame la ministre, qu’il en va de même pour vous. Nous avons fait, samedi dernier à La Réunion, une première marche blanche réunissant quatre députés sur sept, le monde associatif, le monde médical, le président du conseil départemental, les représentants la région, des maires. Nous sommes mobilisés et nous voulons passer à l'étape supérieure, au nom de la prévention et de la protection de nos familles. Je vous proposerai des modifications fiscales sur les rhums produits et consommés dans les outre-mer, et singulièrement à La Réunion. Pensez-vous que cette proposition soit juste et nécessaire ?

Mme Carole Grandjean. Le 6 avril 2018, le Gouvernement a annoncé sa stratégie nationale pour l'autisme pour laquelle des lignes budgétaires sont prévues à l’article 40 du présent PLFSS. La stratégie nationale pour l'autisme a su prendre en compte les enjeux de diagnostic et d'intervention précoces : repérage précoce par les professionnels ; initiation d'une prise en charge rapide et d'un parcours de soins précoce, rationnel, sécurisé, et fluide ; aide financière pour les familles quand ce parcours nécessite de recourir à une offre libérale non conventionnée.

Quelque 400 millions d'euros sont prévus pour la mise en œuvre de cette stratégie nationale, dont 60 millions d'euros qui devraient être accordés dans le cadre du PLFSS pour 2019. Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer plus particulièrement ces orientations nouvelles sur le repérage, les interventions précoces et le diagnostic des personnes atteintes de troubles du spectre autistique ? Pouvez-vous nous assurer que l'État investira bien le reste des 400 millions d'euros au cours des années suivantes afin de réussir sa stratégie ? Cette réussite ne peut plus attendre.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Madame la ministre, monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet annexe qui s’inscrit néanmoins dans le cadre budgétaire global, puisqu’il s’agit de l’article 27 du PLF, qui prévoit, pour la Guyane et Mayotte, une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA).

Cette recentralisation est bienvenue pour les collectivités concernées et conforme aux engagements du Président de la République. Toutefois, lorsque l’on examine cette mesure dans le détail, on constate que le Gouvernement en profite pour modifier les conditions permettant de bénéficier du RSA. Le dispositif prévoit en effet de porter de cinq à quinze ans la durée de résidence préalable en Guyane pour les étrangers et d’introduire une condition similaire d’une durée de cinq ans pour bénéficier du RSA majoré.

Pouvez-vous nous indiquer le nombre des personnes étrangères vivant en Guyane qui seraient ainsi exclus du bénéfice du RSA ? Selon l’étude d’impact, elles seraient au nombre de 380, mais cela ne semble pas réaliste compte tenu de la dynamique migratoire dans ce département. Cette mesure vous paraît-elle juste et solidaire ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Madame la ministre, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale renforce, comme l’avait annoncé le Gouvernement, les moyens alloués aux EHPAD et au maintien des personnes âgées à domicile. Il prévoit notamment d’affecter 50 millions d’euros au financement de la transformation des services d’aide à domicile. Pourriez-vous nous préciser selon quels critères et quelles modalités ces fonds seront affectés et les directives que votre ministère donnera aux agences régionales de santé en la matière ? Est-il prévu de prendre en compte les besoins des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) renforcés ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser le calendrier de la montée en puissance des moyens alloués à l’emploi d’infirmières de nuit dans les EHPAD ? Le dossier de presse fait état de 10 millions d’euros. Confirmez-vous ce chiffre ? Si tel est le cas, leur nombre demeure trop insuffisant pour que la mesure prenne tout son sens.

Mme Delphine Bagarry. Madame la ministre, la CMU-C sera automatiquement accordée aux bénéficiaires du RSA. Pourquoi ne pas étendre cette automaticité aux bénéficiaires de l’AAH et de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), qui sont soumises à conditions de ressources ?

Par ailleurs, les postes d’assistants médicaux seront-ils financés via l’article 29 ?

Enfin, vous vous êtes déclarée favorable à la vaccination des garçons contre le HPV. Ne pourrait-on étendre également aux garçons mineurs la prise en charge à 100 % de la première consultation de contraception ? Une telle mesure irait dans le sens de l’égalité entre les femmes et les hommes et, surtout, aiderait ces garçons à prendre conscience du partage de la responsabilité lors d’une grossesse non désirée.

Mme Geneviève Levy. Madame la ministre, ma question est simple : estimez-vous que nous faisons assez pour protéger nos personnes âgées dépendantes ? Ces dernières semaines, des reportages réalisés au cœur de différents EHPAD ont mis en lumière la situation critique de ces établissements : les personnels, en sous-effectifs, sont épuisés et à bout de nerfs, ce qui a des répercussions directes sur les pensionnaires de ces établissements. Où est la dignité d’une personne qui est à peine lavée et changée et qui n’interagit plus avec personne, faute d’attention ?

Vous indiquez que le PLFSS « concrétise la priorité donnée au renforcement des moyens des EHPAD, comme le Gouvernement s’y est engagé ». Or, les chiffres qui nous ont été communiqués ne nous incitent pas à l’optimisme. L’effort consenti par le Gouvernement se limite en effet à une enveloppe de 18 millions d’euros, partagée entre tous les EHPAD du territoire, pour qu’aucun établissement ne voie ses dotations diminuer. En somme, on évite le pire en 2019, mais on « acte » une situation ultra-critique.

Mme Catherine Fabre. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quelle place doivent, selon vous, occuper les psychologues dans la stratégie de prévention ? On voit, dans le PLFSS pour 2019, qu’ils ont tout leur rôle à jouer dans le diagnostic précoce des troubles dont peuvent souffrir les enfants. Mais, que ce soit notamment dans les crèches, dans le milieu du travail – pour limiter, par exemple, les risques de burn-out – ou, à l’adolescence, pour prévenir les comportements addictifs, la prise en charge de l’accès préventif à un psychologue permettrait d’éviter des problèmes plus graves.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur Michels, le dossier médical partagé (DMP), dont l’expérimentation a déjà permis l’ouverture d’un million de dossiers, se déploiera à compter du mois de novembre 2018 sur l’ensemble du territoire. Surtout, nous allons travailler sur le thème « Numérique et santé », notamment en développant l’espace numérique personnel prévu dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ». Cet espace, dont le DMP est l’un des éléments, permettra d’avoir accès à des services en ligne. Une mission sera créée au sein du ministère afin d’accompagner cette transition.

Par ailleurs, le rapport Villani a identifié la locomotion et la santé comme les deux secteurs clés dans lesquels l’intelligence artificielle peut, grâce à nos acquis, se développer en France. Ainsi, dans le domaine de la santé, la centralisation des données de santé au sein du Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIRAM) permet de disposer de bases de données considérables. Le Health Data Hub, dont la création a été annoncée par le Président de la République, a vocation à rassembler dans un même espace la totalité des dépenses de santé financées par l’assurance maladie, qu’il s’agisse de dépenses hospitalières ou de ville – un rapport consacré à ce sujet me sera remis vendredi. Une telle structuration permettra à des start-up françaises intervenant dans le domaine de l’intelligence artificielle de se développer, elle facilitera également le travail de chercheurs et permettra à la France d’être un leader mondial dans le domaine des données de santé et de l’intelligence artificielle en santé.

Madame Romeiro Dias, le PLFSS renforce les moyens de la lutte contre les addictions aux substances psychoactives, puisque le budget du fonds « Addictions » sera doublé. Mais nous prenons en compte d’autres formes d’addictions, notamment l’addiction aux écrans. Celle-ci fait l’objet d’une action que je mène avec les médecins de la petite enfance et ; dans le cadre de l’école, d’un travail conjoint avec Jean-Michel Blanquer. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) lancera une campagne d’information destinée à alerter les parents sur les risques que présente l’utilisation abusive des écrans. Je participerai à une conférence de presse consacrée à ce sujet, fin octobre. Au-delà du fonds « Addictions », qui concerne les substances psychoactives – alcool, tabac, cannabis... –, le plan de prévention comporte donc des actions contre d’autres types d’addictions.

Les actes de prévention pourraient-ils inclure des actes réalisés par des infirmiers ou d’autres professionnels de santé ? Je crois que la prévention ne doit pas faire l’objet d’un acte ; elle doit être intégrée dans la pratique quotidienne des professionnels. Ainsi, j’ai déjà demandé aux pharmaciens de s’investir dans ce domaine et nous étendons la capacité de vaccination des infirmières. Encore une fois, la prévention ne correspond pas à un acte supplémentaire. Elle doit être beaucoup mieux intégrée dans les actes médicaux ou paramédicaux, quels qu’ils soient, car la bonne médecine doit être préventive avant d’être curative.

Madame Bareigts, il est vrai qu’il existe, dans les outre-mer, des problèmes spécifiques liés à la consommation de rhum. Cependant, la lutte contre le syndrome d’alcoolisation fœtale, qui est d’ores et déjà une priorité du Gouvernement, à laquelle nous consacrons beaucoup d’énergie, concerne tout autant la métropole que La Réunion. Faut-il augmenter les taxes ? J’ignore quelle mesure vous souhaitez proposer dans le cadre de l’examen du PLFSS. En tout cas, je ne suis évidemment pas fermée à ce type de dispositions, mais je ne voudrais pas que les habitants des territoires d’outre-mer aient le sentiment de faire l’objet de mesures discriminantes. Si des mesures sont prises contre l’addiction à l’alcool, je veillerai donc à ce qu’elles concernent l’ensemble des Français.

Madame Grandjean, le forfait de prise en charge précoce de l’autisme est activable par n’importe quel professionnel de santé qui repère un trouble du neurodéveloppement, qu’il s’agisse d’un médecin généraliste, d’un pédiatre ou d’un médecin de PMI. Il est donné à une équipe multiprofessionnelle et permet de couvrir des actes qui ne sont actuellement pas pris en charge : orthophonie, psychomotricité… Par ailleurs, au-delà des 400 millions d’euros consacrés à la stratégie, l’investissement et la réorganisation du système bénéficieront de financements propres et des financements particuliers sont prévus pour l’offre de proximité, qu’elle soit libérale ou hospitalière.

Madame Vainqueur-Christophe, nous travaillons effectivement à une recentralisation du RSA en Guyane. Cette recentralisation, qui a été discutée avec les collectivités locales, devrait être prête pour le premier semestre de 2019 – je ne peux pas être plus précise car cette mesure est assez complexe à mettre en œuvre. L’État reprendra donc le financement du RSA. Il est vrai que le critère de la durée de séjour sur le territoire, qui devra être de cinq ans, est strict, mais il vise à éviter les problèmes que nous rencontrons aux frontières de la Guyane, dont la porosité explique la non-soutenabilité des dépenses de RSA pour le département.

Madame de Vaucouleurs, les 150 millions d’euros d’économies sur l’aide à domicile ne concerne pas les personnes, mais les dispositifs médicaux utilisés dans les soins à domicile. L’effort porte donc sur les prix de ces dispositifs, qui figurent dans la Liste des produits et prestations remboursés (LPPR), en raison de leur dynamique.

Madame Bagarry, le renouvellement de la CMU-C est déjà automatisé pour les bénéficiaires de l’ASPA ; il s’agit donc d’étendre le dispositif au RSA. S’agissant de l’AAH, la situation est un peu différente car les allocataires peuvent percevoir d’autres revenus.

Par ailleurs, l’article 29 ne vise pas les assistants médicaux, qui seront financés par des crédits de l’assurance maladie dans le cadre de la négociation conventionnelle avec les médecins libéraux.

Enfin – je vous remercie de m’avoir posé la question –, nous avons décidé, dans le cadre du plan « Priorité prévention », d’étendre la prise en charge de la première consultation de contraception, qui ne concerne actuellement que les jeunes filles, aux garçons afin d’améliorer l’éducation à la sexualité et à la contraception au sens large.

Madame Levy, nous avons dressé, dans la feuille de route consacrée aux EHPAD, la liste d’un grand nombre de moyens d’urgence destinés à ces établissements dans les deux ans qui viennent, en attendant la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, prévue pour la fin 2019. Les mesures que nous avons prises couvrent ainsi le temps de la négociation et de la concertation. Ensuite, nous irons vers un dispositif plus pérenne qui sera fondé sur un nouveau modèle de prise en charge. Nous pensons en effet que les EHPAD ne sont pas le seul et unique modèle de prise en charge de nos aînés. Des étapes intermédiaires ou d’autres types de résidences seniors ou de plateformes de services doivent pouvoir être proposés. Nous définirons également, dans le projet de loi, le mode de financement de ces services. En effet, la question de la gouvernance du financement, notamment les trois étages de la fusée – la partie soins, que finance l’État, la partie hébergement, que financent les personnes, et la partie dépendance, que financent les départements – va être rediscutée dans le cadre de la concertation en cours. Je ne suis donc pas certaine que le modèle tarifaire actuel persistera.

Madame Fabre, une prise en charge par des psychologues est déjà possible dans quelques situations particulières. En tout cas, à chaque fois qu’une consultation de psychologue est nécessaire lors d’une prise en charge, elle doit pouvoir être réalisée dans le cadre d’un forfait global. Là encore, nous ne transférerons pas à l’assurance maladie la prise en charge des actes de psychologues car, vous le savez aussi bien que moi, ce ne serait pas soutenable pour elle. En revanche, lorsqu’un besoin est identifié et qu’un acte de psychologue est nécessaire pour y répondre, cet acte entrera, si cela est possible, dans un forfait de parcours de soins.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je remercie les ministres.

 

La séance est levée à zéro heure dix

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 10 octobre 2018 à 21 heures 30

Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Carole Grandjean, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, M. Adrien Taquet, M. Jean-Louis Touraine, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. - Mme Gisèle Biémouret, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Michèle Peyron, M. Adrien Quatennens, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, M. Thibault Bazin, Mme Danielle Brulebois, M. Alain Bruneel, Mme Geneviève Levy, Mme Zivka Park, Mme Hélène Vainqueur-Christophe, Mme Isabelle Valentin