Compte rendu

Commission
des affaires sociales

  – Suite de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale (n° 1297) (M. Olivier Véran, rapporteur général)              2

  – Présences en réunion.................................49

 


Mercredi
17 octobre 2018

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 11

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
Présidente,

 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 17 octobre 2018

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente)

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  La commission poursuit l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (n° 1297) (M. Olivier Véran, rapporteur général).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous reprenons l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019. Ce matin, nous nous sommes arrêtés à l’article 37.

Chapitre II
Renforcer la prévention

Article 37 : Modification du calendrier des examens de santé obligatoires des jeunes de moins de dix-huit ans

La commission examine l’amendement AS159 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article 37 vise à renforcer le suivi de la santé chez les jeunes en permettant que trois des vingt consultations actuellement réalisées avant l’âge de six ans le soient après cet âge ; cela semble insuffisant. L’étalement du suivi médical dans le temps n’a aucun impact réel sur l’augmentation de sa fréquence, qui devrait pourtant être l’objectif poursuivi. C’est pourquoi cet amendement vise à imposer a minima un rendez-vous annuel.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’article 37 vise en effet à modifier l’organisation des examens de santé obligatoires des jeunes dans leur parcours de vie, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2019. Je rappelle que ces examens bénéficient du dispositif de tiers payant.

En précisant que ces examens ont lieu au moins une fois par an entre les âges de six et dix-huit ans sans augmenter le nombre d’examens obligatoires, votre amendement, monsieur Dharréville, aurait pour effet de diminuer le nombre d’examens obligatoires réalisés entre la naissance et l’âge de six ans. Or, il est important de conserver des examens réguliers obligatoires chez les nourrissons et les très jeunes enfants. C’est la raison pour laquelle je vous propose de retirer l’amendement.

M. Pierre Dharréville. Sur vos conseils avisés, je vais le retravailler.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement AS352 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Cet amendement assez simple vise à imposer un examen médical obligatoire dès l’âge de trois ans. Plus l’action est précoce, plus la prévention est efficace et le dépistage utile. Comme chacun sait, l’âge de l’instruction obligatoire a été ramené de six à trois ans. Jusqu’à présent, un examen de médecine scolaire était fixé à l’âge de six ans, puisque c’était l’âge minimum de l’instruction ; avec le passage de cet âge à trois ans, il me semble opportun de fixer cet examen médical le plus tôt possible, comme le recommandent tous les acteurs.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement est satisfait, monsieur le député. Le code de santé publique prévoit qu’un examen est réalisé à l’âge de trois ans et l’article 37 du présent projet de loi n’a pas supprimé cette disposition. Par ailleurs, l’article L. 2112-2 du même code prévoit également que les services de protection maternelle et infantile effectuent un examen médical à l’école maternelle entre les âges de trois et quatre ans.

M. Cyrille Isaac-Sibille. L’objet de l’amendement est de rendre cet examen obligatoire ; le reste, ce ne sont que des mots. Vous savez bien qu’en pratique, 70 % des enfants effectuaient la visite médicale scolaire il y a encore trois ou quatre ans ; aujourd’hui, ils ne sont plus que 40 %… Le but de mon amendement est de rendre cette visite effective. En l’état, elle est fixée à l’âge de six ans car c’était l’âge minimum de l’instruction, mais il faut la rendre obligatoire à trois ans de sorte que 100 % des enfants puissent la réaliser. Ne nous contentons pas de déclarations d’intention : chacun sait que cette visite se fait de moins en moins. Il faut pourtant prendre des mesures fortes de dépistage et de prévention. Je maintiens donc mon amendement qui enverra un signal fort. Cessons de nous satisfaire des mots, et donnons-nous les moyens de permettre à tous les enfants d’effectuer cet examen médical. J’espère que vous donnerez un avis favorable à cet amendement ; s’il est déjà satisfait, satisfaites-le de nouveau !

M. Gilles Lurton. Cet amendement part certes d’une bonne intention, cher collègue, mais tout comme celui que vous avez défendu ce matin, il me semble complètement inopérant en l’état actuel de la médecine scolaire. Ce n’est pas avec un médecin pour douze mille élèves que l’on permettra à tous les enfants de passer une visite médicale par an.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Ne nous contentons pas de mots, dites-vous, monsieur Isaac-Sibille ; mais là, ce sont justement des mots, qui figurent déjà dans la loi, et vous voulez les y répéter. Vous avez parfaitement raison de souligner qu’il est impératif de multiplier les examens de santé recommandés et de garantir en pratique un droit opposable aux examens obligatoires, mais la loi prévoit déjà cette obligation. En pratique, les examens ne sont pas toujours réalisés ; ce n’est pas parce que nous le répéterons une fois de plus dans la loi qu’ils le seront davantage.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Pour qui ces examens sont-ils obligatoires ? Pour les familles ou pour l’État ? L’État s’oblige-t-il à faire en sorte que tous les enfants de trois ans passent une visite médicale ?

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS537 de Mme Stéphanie Rist.

Mme Stéphanie Rist. Cet amendement vise à comptabiliser les examens obligatoires réellement effectués dans un rapport remis au ministre de la santé et présenté devant le Parlement.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je partage tout à fait l’esprit de cet amendement. Il faut en effet renforcer l’information de l’assuré afin de l’inciter à réaliser l’intégralité de ces examens. Le défaut d’information est manifeste : peu nombreux sont ceux – même s’ils sont jeunes parents – qui savent à quel âge les enfants doivent effectuer quels examens. Je serais moi-même incapable de vous le dire sur-le-champ alors que j’ai de jeunes enfants.

Vous proposez également d’améliorer le suivi de la réalisation de ces examens. Là encore vous avez parfaitement raison. La rédaction de votre amendement, cependant, est imprécise. Aujourd’hui, c’est le médecin traitant ou le pédiatre qui inscrivent dans le carnet de santé les examens qui ont été réalisés et qui apposent leur tampon. Votre amendement ne précise pas quels examens seraient comptabilisés, où ils le seraient et par qui, dans quelle base de données, et ainsi de suite. En l’état actuel des choses, cette base de données n’existe pas. Peut-être pourrons-nous demain, grâce au dossier médical partagé (DMP), avoir une vision plus globale des examens réalisés en pratique. Je vous suggère donc de retirer cet amendement, même si j’en partage pleinement l’esprit.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement AS337 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. En cohérence avec l’article 37 qui vise à redéployer les vingt consultations proposées pour les nourrissons et les enfants jusqu’à l’âge de dix-huit ans, et avec la stratégie de transformation du système de santé, et dans le cadre du déploiement du dossier médical partagé (DMP), cet amendement vise à intégrer le carnet de santé renouvelé dans le DMP.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Là encore, je partage pleinement l’esprit de cet amendement car le nouveau carnet de santé a vocation à figurer dans le DMP. Cela étant, le DMP n’est pas encore effectif, même s’il le sera bientôt. De deux choses l’une : soit nous décidons dès aujourd’hui de l’intégration du carnet de santé dans le DMP, même si cette disposition ne sera pas opérationnelle, soit nous nous donnons rendez-vous dans un ou deux ans, lorsque le DMP sera déployé, pour inscrire votre proposition dans le droit. Sur le fond, je suis plutôt favorable à votre amendement, même s’il n’emportera aucune conséquence pour l’instant.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 37 modifié.

Article 38 : Création d’un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives

La commission examine l’amendement AS53 de Mme Laëtitia Romeiro Dias.

Mme Laëtitia Romeiro Dias. L’article 38 prévoit une mesure qui s’ajoute à l’ensemble de celles qu’a déjà adoptées notre majorité, qui fait de la prévention l’une de ses priorités en matière de politique de santé. Le budget de la sécurité sociale pour 2019 dont nous débattons donne de nouveaux moyens grâce au fonds de lutte contre les substances psychoactives. Par cet amendement de précision, je vous propose d’éclairer les missions de ce fonds. Son rôle serait étendu à l’information, à la communication, à l’intervention précoce et à la prise en charge des publics concernés par la consommation de substances psychoactives.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’article 38 transforme le fonds de lutte contre le tabac en fonds de lutte contre l’ensemble des substances psychoactives. Ce fonds est constamment renforcé, année après année, pour assurer la prévention, l’accompagnement et le dépistage. Il est extrêmement utile pour les autorités de santé publique. Il prend désormais une forme nouvelle avec un périmètre élargi.

Vous souhaitez en préciser les missions dans la loi. Tout d’abord, l’article prévoit d’ores et déjà que les destinataires du fonds et les destinations des sommes seront mis à jour et précisés chaque année par arrêté ministériel ; cette précision relève donc plutôt du niveau réglementaire que du niveau législatif. Ensuite, si les missions du fonds sont précisées dans la loi, il sera difficile de les modifier. Or, la lutte contre les addictions pourra revêtir d’autres formes dans un avenir proche ou lointain. Il semble difficile de figer les choses au niveau législatif alors que cette mesure relève du niveau réglementaire. Je vous propose donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement AS505 de Mme Martine Wonner.

Mme Martine Wonner. Cet article tout à fait intéressant vise à créer un fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives. Néanmoins, aucune mention n’y est faite des modalités de financement du fonds. Afin d’éviter que celui-ci devienne un « fonds Théodule » inutile et sans moyens, il semble indispensable de préciser que le décret prévu au cinquième alinéa précisera non seulement les modalités d’application de l’article mais aussi les modalités de financement du fonds.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Le financement du fonds est prévu à l’alinéa premier de l’article : 90 % de ses recettes proviennent des fournisseurs de tabac. Cet amendement étant déjà satisfait, je vous propose de le retirer ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Pierre Door. Je saisis l’occasion de l’examen de cet article pour poser une question au groupe La République en Marche : envisage-t-il dans son programme de légaliser le cannabis comme vient de le faire le Canada ce matin même ?

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article sans modification.

Après l’article 38

La commission examine l’amendement AS531 de M. Thomas Mesnier.

M. Thomas Mesnier. Cet amendement vise à instaurer un dispositif adapté d’évaluation à l’horizon 2020 de l’impact des mesures de lutte contre les addictions qui figurent dans ce texte.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis favorable : la politique de prévention des addictions repose sur un maquis de sources de financement dont l’enchevêtrement est confus. Il serait donc utile de disposer d’un état des lieux global sur cette question.

La commission adopte l’amendement.

Article 39 : Généralisation de l’expérimentation portant sur la vaccination antigrippale par les pharmaciens

La commission est saisie de l’amendement AS165 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement est l’occasion de poser deux questions sur l’article. Les pharmaciens se verront confier des responsabilités jusqu’à présent dévolues aux médecins. La première question porte sur la formation qui leur sera dispensée afin qu’ils puissent pratiquer les actes en question ; à ma connaissance, ils n’y sont pas encore formés. Deuxième question : qu’en sera-t-il des honoraires que perçoivent aujourd’hui les médecins généralistes pour ces actes ?

M. Olivier Véran, rapporteur général. Par cet amendement, monsieur le député, vous souhaitez supprimer l’article qui étend aux pharmaciens le droit de vacciner contre la grippe – extension à laquelle je suis très favorable à titre personnel. Rappelons tout d’abord que la Haute Autorité de santé s’est fixé pour objectif de porter la couverture vaccinale à 75 %, alors qu’elle est encore inférieure à 50 % – en 2016, elle s’élevait à 47 % environ pour les publics visés. Chaque année, près de 10 000 personnes décèdent de la grippe saisonnière, notamment parmi les publics les plus fragiles. Nous adoptons une stratégie des petits pas : tout ce qui permettra d’étendre la couverture vaccinale est bon à prendre. Une expérimentation conduite en 2017 dans deux régions, la Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes, a été étendue à l’Occitanie et aux Hauts-de-France. Sa généralisation permettra de couvrir un plus grand nombre de personnes.

Mme Delphine Bagarry. Je rappelle qu’il s’agit d’une mesure de santé publique qui permet de toucher les personnes non vaccinées par la voie obligatoire du médecin généraliste. C’est faire injure aux pharmaciennes et aux pharmaciens de prétendre qu’ils ne peuvent pas se former à réaliser cette injection. Je suis tout à fait favorable à cet article et je vous proposerai même plus tard un amendement qui va bien au-delà.

M. Jean-Pierre Door. Nous voterons naturellement cet article. La lutte contre le déni de vaccination est fondamentale, monsieur Dharréville, car ce phénomène prend des proportions inquiétantes en France. Par ailleurs, le pharmacien est le dernier rempart de l’accès des soins en milieu rural. Il peut être en mesure de vacciner, au même titre que les infirmières, en l’absence de médecin. Pour élever au maximum le nombre de personnes vaccinées, il faut voter cet article.

M. Pierre Dharréville. Je ne méconnais aucun de ces arguments mais je demande des réponses plus précises aux deux questions que j’ai posées, qui étaient l’objet de l’amendement. Est-il prévu une formation pour que les personnes concernées s’adaptent à cette nouveauté ? Quid des honoraires ?

Mme Charlotte Lecocq. Les pharmaciens ont un rôle très important de proximité avec le public, en particulier en milieu rural. Ils tiennent également un rôle majeur de communication et de prévention auprès du grand public et sont un interlocuteur de confiance qui fait la promotion de la vaccination. Il est donc indispensable de s’appuyer davantage sur eux.

M. Francis Vercamer. Le groupe UAI ne votera pas en faveur de cet amendement car nous soutenons le principe de l’extension aux pharmaciens du droit de vaccination. Nous avions d’ailleurs déposé des amendements – tombés sous le coup de l’article 40 – afin d’étendre ce droit à d’autres professions paramédicales.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Élu de la région Auvergne-Rhône-Alpes, je constate qu’il s’y manifeste une réelle demande des pharmaciens. L’expérimentation est un franc succès. En milieu rural, les pharmacies constituent l’un des derniers maillages existants. Il faut absolument le renforcer. C’est pourquoi notre groupe est très favorable à cet article.

M. Gérard Cherpion. Nous le voterons également. Le pharmacien est un interlocuteur de santé de proximité. En milieu rural, il connaît toute sa clientèle et les problèmes qu’elle rencontre concernant certains médicaments. Il est donc capable non seulement d’effectuer la vaccination mais aussi de fournir des conseils en la matière.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Retirez-vous votre amendement, monsieur Dharréville ?

M. Francis Vercamer. Il le retire !

M. Pierre Dharréville. C’est mon intention depuis le début, mais je ne parviens pas à obtenir de réponse à mes deux questions…

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je vous prie de m’excuser de ne pas y avoir répondu tout à l’heure. L’article 2 du décret de 2017 relatif à l’expérimentation impose la validation d’une formation obligatoire pour les pharmaciens ; ce sera également le cas dans le décret d’application du présent article du PLFSS. Quant au coût, il est loin d’être exorbitant : l’acte coûte 4,50 euros en cas de vaccination par un pharmacien, ou 6,30 euros s’il ne répond pas à une prescription, à quoi s’ajoute un forfait de 100 euros par établissement pour l’ensemble de l’expérimentation. Autrement dit, cette mesure n’a d’autre objectif que la santé publique. La convention devra être renégociée concernant la question des honoraires avant la généralisation du dispositif.

M. Pierre Dharréville. Je vous remercie et je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission passe à l’amendement AS455 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Afin de renforcer la stratégie d’extension de la couverture vaccinale et de pallier les difficultés liées à la démographie médicale, cet amendement d’appel vise à permettre aux pharmaciens d’officines d’effectuer les vaccins de rappel contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite pour les adultes : ces actes nécessitent souvent un aller-retour entre le médecin prescripteur et le pharmacien qui pourrait ainsi être évité.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement me semble satisfait, madame Elimas, car la Haute Autorité de santé ne s’est à ce jour prononcée que sur la vaccination antigrippale. Saisie par le ministère de la santé, elle conduit d’autres travaux sur les questions que vous soulevez, qui pourraient – le cadre de la loi n’étant pas contraignant en la matière – permettre d’étendre l’habilitation des pharmaciens à d’autres types de vaccination que la seule grippe saisonnière.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 39 sans modification.

Chapitre III
Améliorer les prises en charge

Article 40 : Prise en charge de l’intervention précoce pour l’autisme et les troubles du neuro-développement

M. Jean-Carles Grelier. Permettez-moi d’intervenir brièvement sur cet article, madame la présidente. J’avais déposé un amendement visant à ajouter aux troubles du neuro-développement les maladies dites « dys- » comme la dyspraxie, la dyslexie ou encore la dyscalculie. Or cet amendement a été jugé irrecevable alors qu’il ne créait aucune charge supplémentaire au-delà de ce qui était prévu, mais parce qu’il a été assimilé à un cavalier. Je regrette qu’il ait été évacué de cette façon, sans y prendre garde. Plus de 80 000 enfants supplémentaires sont concernés par ces troubles du neuro-développement chaque année, et 8 à 12 % d’une classe d’âge. L’exclusion quelque peu arbitraire de cet amendement, sans même que les services de l’Assemblée n’aient pris l’attache de mon cabinet pour envisager comment pallier les éventuelles lacunes de son libellé, est totalement irrespectueuse des familles des enfants concernés et des professionnels qui interviennent dans ce domaine. Je ne jette la pierre à personne sur la façon dont est appréciée la recevabilité des amendements, mais en l’occurrence, il s’agit d’un sujet qui concerne des milliers d’enfants et de familles, sur lequel nous allons bassement faire l’impasse pour des raisons administrativo-juridiques qu’il sera très difficile de justifier auprès des familles en question. Je le regrette très sincèrement.

La commission adopte l’article sans modification.

Article 41 : Accélération de la convergence tarifaire des forfaits soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD)

Mme Monique Iborra. Cet article revient sur la réforme de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) prévue dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, entrée en vigueur en 2016, en accélérant la convergence tarifaire des établissements vers un forfait cible. Plusieurs rapports ont établi les difficultés d’application de cette réforme, qui est source d’inégalités tant entre les citoyens qu’entre les établissements – inégalités qui ont d’ailleurs conduit le Gouvernement à prévoir des compensations financières couvertes par l’État. En juillet, le président de la République a annoncé la présentation à la fin 2019 d’un projet de loi sur le vieillissement et la perte d’autonomie, dans laquelle il sera naturellement question de financement. Je suppose donc que cet article pourra être revu à cette occasion.

La commission adopte l’article sans modification.

Après l’article 41

La commission examine les amendements identiques AS150 de M. Gilles Lurton et AS276 de Mme Isabelle Valentin.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS150 est défendu.

Mme Isabelle Valentin. Cet article additionnel de cohérence, en lien avec les deux articles précédents, vise à faire entrer les structures de la prévention et des soins en addictologie ainsi que les lits halte soins santé et les lits d’accueil médicalisé dans le champ de l’obligation de contractualisation d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) avec l’agence régionale de santé (ARS).

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous souhaitez intégrer des structures de prévention, d’insertion et d’addictologie ainsi que des structures d’accueil médicalisé dans le champ de l’obligation de contractualisation d’un CPOM. La rédaction des articles L.313-12 et L.313-12-2 du code de l’action sociale et des familles permet déjà d’inclure dans le périmètre d’un CPOM – et donc de l’état prévisionnel des recettes et dépenses (EPRD) – les établissements visés par cet amendement sur une base volontaire s’ils sont gérés par un organisme privé ou public qui gère également des établissements médico-sociaux pour personnes âgées et handicapées.

Imposer une contractualisation obligatoire avec les structures de prévention et de soins en addictologie affecterait surtout les petites structures pour lesquelles ces outils ont un intérêt moindre, et alourdirait la charge de travail des ARS qui doivent déjà réussir la généralisation de la contractualisation avec les structures pour personnes âgées et handicapées.

Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle passe aux amendements identiques AS149 de M. Gilles Lurton, AS277 de Mme Isabelle Valentin et AS614 de M. Bernard Perrut.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS149 est défendu.

Mme Isabelle Valentin. L’article 58 de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015 a prévu la généralisation progressive des CPOM dans les EHPAD. Il généralise également de manière immédiate le passage à l’EPRD de ces établissements, déconnectant ainsi CPOM et EPRD pour assouplir le dialogue de gestion entre les autorités de contrôle et de tarification et les gestionnaires, et pour accroître la souplesse de gestion. En sus, les établissements publics ont un EPRD unique dès lors qu’un établissement social et médico-social est sous CPOM. L’amendement AS277 vise à étendre l’EPRD à tous les établissements sociaux et médico-sociaux.

M. Bernard Perrut. L’amendement AS614, identique, est une mesure de cohérence qui permet d’homogénéiser les règles de présentation budgétaire dans l’ensemble des établissements sociaux et médico-sociaux – qu’ils aient ou non conclu un CPOM et qu’ils soient ou non soumis à la tarification à la ressource – et d’assurer une présentation plus lisible et adaptée des budgets de fonctionnement, notamment pour les organismes gestionnaires gérant plusieurs autorisations. La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a prévu une généralisation progressive des contrats d’objectifs et de moyens dans les EHPAD, ainsi qu’une généralisation du passage à l’EPRD. Le but de cet article additionnel consiste à assouplir le dialogue de gestion et à renforcer la souplesse de gestion. Il vise à étendre l’EPRD, pour les gestionnaires qui le souhaitent, à l’ensemble des établissements pour enfants et adultes en situation de handicap ainsi qu’aux structures de prévention et de soins, en addictologie notamment. C’est un point sur lequel nous avons été sollicités et cet amendement me semble avoir tout son sens.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable pour les mêmes raisons qu’aux amendements précédents.

La commission rejette les amendements.

Elle est saisie de l’amendement AS293 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Chacun connaît la situation des EHPAD et leur manque de moyens et de matériel. Une commission d’enquête créée sur ce sujet a rendu un excellent rapport. Les personnes âgées entrent de plus en plus tard dans ces établissements – aux alentours de 83 voire 84 ans en moyenne – et sont affectées par une dizaine de pathologies différentes. Il faut des moyens financiers pour répondre à leurs besoins mais aussi pour leur proposer des activités culturelles et de loisir. Nous proposons donc de créer une commission de suivi chargée de faire le point sur l’évolution de la convergence tarifaire en vue de son ajustement si nécessaire.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Il existe déjà un comité de suivi de la convergence dans les EHPAD, créé en septembre 2017. Il est présidé par le directeur général de la cohésion sociale et associe l’assemblée des départements de France, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), les ARS et les fédérations représentant les organismes gestionnaires d’EHPAD. Par ailleurs, la ministre des solidarités et de la santé a lancé une concertation sur le grand âge et l’autonomie, qui mobilisera notamment les commissaires aux affaires sociales dans les semaines à venir. Votre amendement étant satisfait, je vous propose donc de le retirer.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre IV
Améliorer les conditions de l’accès aux produits de santé

Article 42 : Renforcer l’accès précoce à certains produits de santé innovants, tout en assurant la pérennité du système de prise en charge

La commission examine l’amendement AS155 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet article assouplit les règles régissant l’accès précoce des laboratoires pharmaceutiques à des médicaments innovants. Il réduit par ailleurs l’intervention d’organismes tels que la Haute Autorité de santé ou l’Agence du médicament, qui apportent pourtant des garanties d’indépendance et de sécurité sanitaire. L’opacité des critères de fixation des prix des médicaments est régulièrement pointée du doigt par la Cour des comptes, entre autres, mais aussi par des médecins cancérologues qui ont récemment lancé un appel sur cette question. L’article L. 162‑16‑5‑1‑1 du code de la sécurité sociale prévoit même que les ministres fixent la compensation accordée à l’entreprise titulaire des droits d’exploitation de la spécialité. C’est laisser le champ libre aux laboratoires pharmaceutiques alors qu’ils engrangent chaque année des bénéfices colossaux : Sanofi, en particulier, a réalisé 4,7 milliards d’euros de bénéfices annuels.

C’est un système dangereux qui risque d’entraîner une forte progression du coût des médicaments. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous proposez de supprimer l’article 42 qui, selon vous, assouplit les règles auxquelles sont soumis les laboratoires pharmaceutiques concernant l’accès précoce à des médicaments innovants. Pour moi, il facilite avant tout l’accès de patients atteints de maladies très graves à des médicaments innovants. Un grand nombre de traitements doivent notamment apparaître cette année pour traiter des maladies auto-immunes ou des cancers.

Au fond, en quoi consiste cet article ? Aujourd’hui, après la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), le périmètre de l’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) se fige au médicament employé dans la ou les indications ayant fait ou faisant l’objet de ladite AMM. Or, ce système de délivrance des ATU par médicament et non par indication correspond de moins en moins à la réalité des innovations thérapeutiques. Il se peut en effet qu’un traitement très innovant bénéficiant d’une autorisation accordée pour une indication particulière s’avère en réalité très efficace pour une autre indication, par exemple dans le cas d’une maladie auto-immune, de maladies croisées ou de certains cancers ; il faudrait alors relancer un processus complet. Au contraire, nous proposons une extension nominative du médicament pour élargir le champ des possibles et faciliter l’accès des patients à des traitements innovants.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AS242 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. L’article 42 prévoit effectivement d’ouvrir les extensions d’indications au dispositif de l’ATU, ce qui est une très bonne chose. Cependant, telle qu’elle est rédigée, la mesure est désincitative au dépôt d’extension d’indication. C’est pourquoi mon amendement AS242 vise à ne déclencher l’application des remises prévues à l’article 97 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 que pour les indications ne faisant pas l’objet d’un prix publié au Journal officiel.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement vise à inciter les laboratoires à demander des ATU pour des médicaments disposant déjà d’une AMM en soustrayant du calcul du chiffre d’affaires servant à « déclencher » le versement rétroactif de remises le chiffre d’affaires obtenu au titre des indications sous ATU des médicaments déjà pris en charge dans le droit commun. J’en comprends l’intention mais il présente des difficultés en termes financiers et budgétaires ainsi qu’au regard des engagements pris avec les laboratoires concernant l’évolution des chiffres d’affaires et des marchés. Je vous en propose donc le retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Paul Christophe. La lecture de M. le rapporteur général cerne précisément le sujet. Je retire l’amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AS270 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Jean-Carles Grelier. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, la question des ATU renvoie à celles de la recherche et de l’innovation et concerne des malades souvent atteints de pathologies importantes. En juillet, le Premier ministre a pris l’engagement devant le conseil stratégique des industries de santé (CSIS) d’instaurer un dispositif modifiant les ATU, dispositif qu’il voulait clair, qui devait simplifier les règles et qui devait être libellé en six lignes tout au plus.

Au lieu de cela, le dispositif en question occupe huit pleines pages du PLFSS, illisibles et indigestes, au point que l’on peine même à les lire à Matignon. Le monde du médicament ne s’y retrouve plus. Si l’on voulait être « désincitatif », pour reprendre l’expression de notre collègue M. Christophe, on ne s’y serait pas pris autrement ! Le dispositif législatif actuel correspond exactement à ce que l’on ne veut plus voir dans une loi. Huit pages d’explications pour modifier les ATU alors que le Premier ministre a pris l’engagement d’un texte de six lignes au maximum : convenez que cela ressemble beaucoup à l’ancien monde !

Nicolas Boileau nous a laissé un bel axiome : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». À l’évidence, les mots pour le dire ne sont pas arrivés aisément et ce qui se concevait bien ne s’est pas énoncé clairement ! J’ai donc déposé deux amendements visant à simplifier autant que possible les dispositions de cet article 42 mais si vous pouviez, monsieur le rapporteur général, procéder à l’élagage de tous les éléments superfétatoires de cet article d’ici à la séance, vous enverriez un très bon signal à la recherche française en matière de médicaments, aux chercheurs mais aussi aux patients, qui sont trop souvent en attente de ces ATU.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous avez cité Boileau ; je vous répondrai en citant Voltaire : « le moyen d’ennuyer est de vouloir tout dire ». Avec l’article 42, le moyen de s’ennuyer est de vouloir tout lire ! Je conviens que les huit pages d’explications sont extrêmement complexes et je loue le volontarisme des administrateurs qui se sont lancés dans la confection d’un schéma explicatif – que je vous invite à consulter dans le rapport – visant à les récapituler. Sans doute la mécanique est-elle complexe et technique, mais l’exposé des motifs et les dispositions proposées dans vos amendements ne le sont pas moins.

Si le montant moyen pris en charge par patient au titre d’une ATU est supérieur à 10 000 euros, le laboratoire doit verser une remise rétroactive pour tout produit dont le chiffre d’affaires excède 30 millions d’euros par an. Vous proposez que ces 30 millions ne soient pas considérés pour un médicament précis, mais au titre de chaque indication. Je comprends votre intention : vous souhaitez inciter les laboratoires à demander des ATU pour des médicaments faisant déjà l’objet d’une AMM en renforçant l’attractivité financière du dispositif. Cependant, il est primordial de maintenir la disposition dans son état actuel, telle qu’elle a été négociée et arrêtée par les laboratoires et le Premier ministre lors du CSIS, afin de garantir la soutenabilité financière du système pour l’assurance maladie : le montant de 30 millions d’euros est déjà significatif. Avis défavorable.

Mme Audrey Dufeu Schubert. En effet, plus le cadre est précis et parfois complexe et plus la liberté et l’agilité sont grandes sur le terrain et pour les citoyens. Je retiens de cet article très technique que l’élargissement des ATU au-delà d’indications uniques permettra à un nombre considérable de patients d’accéder à des traitements innovants. Voilà ce qu’est le nouveau monde, Monsieur Grelier : c’est améliorer l’accès à l’innovation.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AS241 de M. Paul Christophe et AS288 de M. Jean-Pierre Door.

M. Paul Christophe. L’ouverture des extensions d’incitations au dispositif ATU s’accompagne de nouvelles modalités de fixation du prix des médicaments sous ATU qui contreviennent au cadre actuellement en vigueur. C’est pourquoi l’amendement AS241 vise à supprimer la compensation fixée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale et de laisser la fixation des prix dans le champ conventionnel.

Par ailleurs, le mécanisme actuel de régulation financière tel qu’il est défini à l’article 97 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 permet d’ores et déjà de limiter la forte augmentation des dépenses de l’assurance maladie liée à l’accès précoce.

M. Jean-Pierre Door. En effet, la France possède un système d’accès précoce aux médicaments qui nous est envié partout dans le monde. Cela étant, la procédure relative aux ATU qui nous est proposée ici est d’une complexité aberrante. Chacun en constate le manque de lisibilité. De surcroît, monsieur le rapporteur général, rien n’est dit de la pluriannualité, alors que la prévisibilité est un point central établi comme tel par le CSIS en juillet. Je regrette cette lacune ; sans doute pourrez-vous y remédier lorsqu’il vous appartiendra de « nettoyer » les sept pages que noircit cet article ! Mon amendement AS288 vise donc à simplifier le dispositif de régulation financière applicable aux extensions d’indication dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Le système d’ATU est plébiscité par l’ensemble des acteurs et remarqué dans le monde. Il n’est cependant pas sans présenter quelques difficultés. Nous avons évoqué le cas du médicament Orkambi destiné aux patients atteints de mucoviscidose : le laboratoire Vertex, qui le fabrique, avait exercé un chantage à l’essai clinique au motif que le prix post-ATU n’était pas suffisant, en dépit du fait que la commission de la transparence lui avait attribué une amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveau IV. Il en est résulté de nombreuses difficultés. À cet égard, nous attendons toujours avec impatience une réforme du financement du médicament permettant d’éviter de se trouver dans des situations très complexes pour tout le monde.

En l’occurrence, nous prônons une extension des ATU pour certaines indications de sorte qu’elles soient accordées sans passer par les rouages habituels et les fourches caudines de l’administration, afin que les patients aient directement accès aux médicaments. Précisons que ce ne sont pas des médicaments dont on ignore tout, puisqu’ils bénéficient déjà d’une AMM pour l’indication principale. L’ensemble des mécanismes retenus – nouveau système d’ATU pour les dispositifs médicaux, système de post-ATU pour des médicaments qui n’ont jamais fait l’objet d’un ATU et extension quasi automatique de l’ATU pour des médicaments faisant l’objet d’une AMM – me paraît déjà répondre aux exigences de la situation ; il me semble excessif de revenir sur les mécanismes de fixation du prix. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Puis elle examine les amendements AS229 et AS230 de M. Philippe Berta.

M. Philippe Berta. Ces deux amendements portent sur la même problématique. Je rejoins mes collègues sur la complexité du dispositif de remboursement et de définition du prix des médicaments, qui nécessiterait, selon de nombreux acteurs, d’être lissé et clarifié. Au contraire de ce que j’ai entendu, il est clair aujourd’hui, en particulier dans un domaine qui m’est cher, celui des maladies rares, que la quasi-totalité des acteurs ne sont plus les grands groupes pharmaceutiques, loin s’en faut, mais une multitude de toutes petites entreprises, dont certaines ont même été créées par des parents de patients – Lysogène, par exemple, par Karen Aiach ou pour le syndrome d’Ondine.

Ces entreprises monoproduit sont les pourvoyeuses de l’innovation de demain. Il me paraît essentiel que le prix ne soit pas systématiquement imposé par le ministère, mais qu’il soit bien le fruit d’une négociation et d’une discussion entre lui et cette petite entreprise. Si le prix est insuffisant, vous allez tuer des dizaines et des dizaines de petites entreprises de biotechnologie.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Monsieur le député, il s’agit de propositions issues des travaux du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), qui ont été saluées par l’ensemble des acteurs de la filière pharmaceutique, dans la mesure où elles permettent un accès plus précoce à l’innovation pour les malades. Cela n’a donc rien d’une régression. Au contraire, nous cherchons à amplifier le mouvement pour rendre disponible plus tôt et dans les meilleures conditions l’innovation thérapeutique pour tous les malades.

Les médicaments dont nous parlons ont déjà un prix, puisqu’ils ont reçu une AMM. La procédure d’extension d’indication prévoit que c’est la ministre qui le fixera, en se basant, évidemment, sur celui du médicament dans son AMM, mais aussi du service médical rendu par le même médicament dans la nouvelle indication. Si le service médical rendu est meilleur, le prix sera plus élevé ; sinon, il sera réduit. Il ne faut donc pas bloquer la situation, en restreignant les éléments pris en compte aux références conventionnelles existantes, au risque de perdre notre capacité d’adaptation des prix. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Philippe Berta. Nous ne parlons pas des mêmes médicaments. Vous me parlez de comparatifs. Mais, pour les centaines de médicaments de biothérapie qui sont en train d’être préparés ou qui arrivent déjà sur le marché, ne cherchez pas de comparatifs, puisqu’il n’y en a pas : nous sommes à la pointe ultime de l’innovation.

M. Jean-Pierre Door. J’appuie tout à fait l’amendement de notre collègue. C’est vrai qu’il y a une innovation et une recherche qui se développent sur les maladies rares et engagent de petites et moyennes entreprises. La négociation du prix doit être rapide et le délai d’obtention des ATU raccourci : certaines entreprises vous disent qu’il faut attendre cinq cents ou six cents jours… Le CSIS a d’ailleurs proposé de ramener les délais à cent cinquante ou cent soixante jours.

La commission rejette successivement ces amendements.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS231 de M. Philippe Berta.

La commission est saisie de l’amendement AS271 de M. Jean-Carles Grelier.

M. Jean-Carles Grelier. Je ne vais pas reprendre ma démonstration, madame la présidente : considérons que cet amendement est défendu en l’état. Je ne veux pas insister une nouvelle fois sur la complexité administrative, mais redire, comme l’a très justement expliqué Philippe Berta, qui maîtrise beaucoup mieux que moi ces questions, combien c’est aujourd’hui paralysant et désincitatif pour la recherche.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS515 de Mme Martine Wonner.

Mme Martine Wonner. Dans sa rédaction actuelle, l’article 42 permet aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, selon des modalités prévues par décret, de prendre la décision d’ATU de manière discrétionnaire. Sans revenir sur cette procédure fort utile, justifiée par l’urgence, mais pour se prémunir contre toute influence des organisations pharmaceutiques ou des lobbies, mon amendement vise à ce que le Parlement, dont le rôle constitutionnel est de contrôler l’action du Gouvernement, soit informé, dans un délai rapide de deux semaines, de la décision des ministres.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable. Vous voulez que l’on informe les parlementaires sur les médicaments qui ont bénéficié d’une entrée directe en post‑ATU, alors que les arrêtés ministériels sont déjà systématiquement publiés au Journal officiel et la liste de tous les produits en ATU et post‑ATU disponible sur le site internet du ministère de la santé. Informer les parlementaires par une voie supplémentaire, quand l’information est déjà publique et visible à deux endroits, me semble excessif.

Mme Martine Wonner. Je proposais d’instituer une forme de procédure d’alerte, dans la mesure où les parlementaires ne passent pas leur vie – peut-être à tort – à lire le Journal officiel.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS628 de Mme Josiane Corneloup.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement, qui s’inscrit dans le fameux débat pour savoir si l’homéopathie doit être maintenue dans le régime des remboursements ou non, vise à donner du temps à la concertation pour empêcher le possible déremboursement des médicaments homéopathiques. Alors que Mme la ministre Agnès Buzyn a demandé à la Haute autorité de santé (HAS) de mener une étude sur ce sujet, notre collègue propose de laisser du temps au temps, comme le disait un célèbre Président de la République.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Sans entrer dans le fond du débat sur l’homéopathie, puisque vous ne m’y entraînez pas, la ministre des solidarités et de la santé a effectivement chargé la Haute autorité de santé d’une mission. Au lieu de donner un avis éclairé sur les quelque 1 800 spécialités de l’homéopathie, il lui a été proposé de formuler un avis global sur l’ensemble de l’homéopathie, sans préjuger de son avis. La ministre souhaite pouvoir disposer de cet outil scientifique dès 2019, pas forcément à des fins de déremboursement, puisque le sujet fait débat. Attendre une année supplémentaire ne me semble pas justifié. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS663 du rapporteur général.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Cet amendement vise à préciser le périmètre de la réévaluation de l’homéopathie par la Haute autorité de santé, pour simplifier les procédures.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS24 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Les médicaments homéopathiques représentent une alternative thérapeutique aux soins classiques, encadrée par des professionnels de santé et sécurisée pour les patients. Certains services hospitaliers prescrivent des médicaments homéopathiques à des patients exposés au risque iatrogène pour les grossesses, accouchements, allaitements ou soins de support en oncologie. Les pouvoirs publics doivent être en mesure d’envisager l’ensemble des possibilités, en attendant les conclusions de la Haute autorité de santé, quant à la prise en charge de ces médicaments, à savoir l’admission, mais aussi la modification du taux de prise en charge. Cet amendement vise à permettre de moduler le taux de remboursement, plutôt que d’opérer un déremboursement total du médicament.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous souhaitez modifier l’alinéa 66 afin de préciser que le décret définira les conditions dans lesquelles la prise en charge par l’assurance maladie de ces médicaments homéopathiques peut être admise, modifiée ou refusée. Cette précision ne paraît pas utile. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS662 et de conséquence AS664 du rapporteur général.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement AS492 de M. Adrien Quatennens.

La commission adopte l’article 42 modifié.

Après l’article 42

La commission examine les amendements identiques AS178 de M. Pierre Dharréville et AS548 de M. Joël Aviragnet.

M. Pierre Dharréville. Les investissements réalisés par les industries, notamment en recherche et développement et en production, peuvent être pris en compte dans la définition du prix. Afin d’éviter que le contribuable ne paie deux fois, la première par le biais du financement public de la recherche biomédicale et la deuxième dans un prix final élevé du médicament, remboursé par l’assurance maladie, il convient de prendre en compte, dans la définition du prix, les financements publics qui ont contribué à mettre au point un médicament.

En effet, l’État contribue, directement ou indirectement, très largement au développement des médicaments arrivant sur le marché : par le financement d’un système d’enseignement supérieur d’excellence formant les scientifiques et les chercheurs ; par l’octroi de subventions aux entreprises telles que le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) ou le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) ; par l’investissement dans la recherche publique, le secteur public investissant surtout dans les aspects les plus risqués de la recherche, dont la recherche fondamentale appliquée dans sa phase initiale et le partage des découvertes scientifiques.

L’amendement AS178 vise à compléter les critères de détermination des prix.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS548 est défendu.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Sur le fond, je partage la nécessité de bien tenir compte du coût de la recherche et du développement d’un traitement, au moment de déterminer son prix ; du reste, dans les modalités de détermination des prix, beaucoup de paramètres entrent en ligne de compte. Mais ces amendements rendraient les choses inapplicables en pratique, à moins de compter sur la seule bonne volonté des laboratoires. Par exemple, il est impossible pour le CEPS de connaître le véritable coût de la recherche et du développement d’un médicament, au risque d’introduire des marges d’incertitude qui nuiraient à ses négociations avec les laboratoires, ce qui n’est pas du tout l’objectif de vos amendements. J’en partage l’esprit, mais ils ne sont pas applicables. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Ce sujet mérite un travail, d’autant que vous êtes visiblement sensible à cette question. Nous avons simplement proposé d’ajouter un critère et d’ouvrir la porte à une réflexion sur la prise en compte des investissements publics dans le prix des médicaments. Nous tenons à cette idée et nous n’entendons pas y renoncer. Nous sommes ouverts à toute réflexion qui ferait avancer le sujet.

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS205 de M. Pierre Dharréville et AS549 de M. Joël Aviragnet.

M. Pierre Dharréville. Dans son rapport de septembre 2017 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande de renforcer le dispositif de révision des prix en France. En effet, si les critères de révision des prix des médicaments sont définis par la loi depuis 2017, il n’existe pas d’obligation de révision des prix. La Cour des comptes recommande de les établir à l’issue des cinq années de garantie de prix européen, pour les médicaments les plus innovants ; au bout de trois ans pour les autres médicaments. Notre amendement AS205 vise à déterminer légalement les conditions du déclenchement de la révision des prix : au bout de cinq ans pour les médicaments les plus innovants soumis à la garantie de prix européen ; au bout de trois ans pour les autres, et en cas d’extension d’indication thérapeutique. Il ne m’arrive pas si souvent de reprendre les préconisations de la Cour des comptes. En l’occurrence, elles me semblent tout à fait fondées.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS549 est défendu.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vos amendements visent à ouvrir la révision du prix des médicaments, déjà prévue par la loi. Cette année, par exemple, nous avons demandé à l’industrie pharmaceutique 960 millions d’euros de baisse des prix. L’effort de contribution de l’industrie pharmaceutique à la maîtrise médicalisée dans le budget de la sécurité sociale s’élève à peu près à 45 %, pour une filière qui pèse aux alentours de 15 % seulement. Un réel effort lui est déjà demandé. Il sera d’une certaine manière compensé par l’arrivée massive de traitements innovants sur le marché, qui nous permettra d’assurer le taux plancher de 0,5 % de croissance en régulation prix-volume.

En introduisant la notion de délai, vous allez contraindre le CEPS dans ses missions de réduction des prix. Le laboratoire pourra en effet arguer du fait que le prix de son médicament ayant été arrêté à tel moment, il n’est plus possible d’y toucher pendant tant d’années. Je comprends l’esprit de vos amendements. Mais, en réalité, ils sont déjà plus qu’appliqués dans la pratique et ils risqueraient d’être contre-productifs. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS497 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Malgré le manque de transparence qui caractérise le versement d’aides massives aux entreprises, comme le crédit d’impôt recherche (CIR), nous savons désormais que l’industrie pharmaceutique, en raison de ses activités de recherche et développement, en est l’un des principaux secteurs bénéficiaires, ce qui ne l’empêche pas de détruire des emplois en France, comme le fait allègrement Sanofi, qui a pourtant bénéficié du CIR.

Non seulement le CIR n’a pour l’instant aucun effet significatif sur l’emploi, mais il ne semble pas non plus infléchir, de quelque manière que ce soit, la politique tarifaire pour le moins agressive des industriels vis-à-vis de l’assurance maladie. Or, dans une logique de don et contre-don, il serait tout à fait cohérent que le Comité économique des produits de santé tienne compte de ce que l’État a déjà donné aux industriels, au moment de discuter avec eux des prix de leurs médicaments. Un prix élevé pourrait ainsi être infléchi par le bénéfice d’aides publiques.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS498 de M. Adrien Quatennens.

Mme Caroline Fiat. Les modalités de fixation des prix du médicament échappent, pour une bonne part, aux normes élémentaires de rationalité et placent l’industrie pharmaceutique dans une position très confortable vis-à-vis des États. Tel est le constat réalisé chaque année par les associations de patients et les professionnels de santé les plus inquiets. À elle seule, la dépense du médicament menace les équilibres des systèmes de santé du monde entier. La France est particulièrement exposée et a dû, comme tous les pays européens, faire face au prix délirant du principal traitement contre l’hépatite C : le sofosbuvir, produit par le laboratoire Gilead.

Rendez-vous compte : une cure de trois mois est commercialisée au prix de 28 700 euros en France, alors même qu’une étude a montré que le traitement serait rentable pour Gilead à partir de 62 euros ! C’est ce qu’a révélé l’association AIDS, sans obtenir de réponse convaincante des pouvoirs publics. Selon Médecins du monde, les États européens ont déjà déboursé plus de 8,5 milliards d’euros au profit de Gilead.

Nos systèmes de santé n’ont pas à devenir la vache à lait des laboratoires pharmaceutiques. Il est grand temps de réformer les critères de négociation et de fixation des prix des médicaments. Pour cela, nous proposons d’inclure dans ces critères le coût effectif de la recherche et de la production. Il est parfaitement déraisonnable et irresponsable que l’État ne tienne pas compte d’un fait aussi essentiel dans une négociation tarifaire. Si notre amendement AS498 était adopté, le Comité économique des produits de santé serait tenu de prévenir la survenue de marges délirantes comme pour le sofosbuvir.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette également l’amendement AS494 de M. Adrien Quatennens.

Article 43 : Favoriser le recours aux médicaments génériques et biosimilaires

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement AS158 de M. Pierre Dharréville.

Elle examine ensuite l’amendement AS586 de M. JeanPierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de justifier sur l’ordonnance, par la situation médicale du patient, l’exclusion de la prescription d’un générique. Une telle disposition risque de se heurter au secret médical.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement AS586 propose de supprimer les dispositions de l’article 43 relatif aux génériques hybrides. Leur définition ne tiendrait sans doute pas en huit pages…

M. Jean-Pierre Door. Il ne s’agit pas de cela !

M. Olivier Véran, rapporteur général. C’est pourtant ce qui est écrit dans votre exposé sommaire : « Cet amendement vise à supprimer la disposition relative aux hybrides… » Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Door. Mais non ! « Cette disposition de l’article 43 supprime la mention « non substituable » sous forme manuscrite par le prescripteur, ce qui est logique à l’heure de la prescription médicale électronique. » Vous n’avez pas le même amendement que moi !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Est-ce bien l’amendement AS586, monsieur Door ?

M. Jean-Pierre Door. Pardonnez-moi ! Mon dossier est à l’envers !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Voilà qui explique le dialogue de sourds…

M. Jean-Pierre Door. L’amendement AS586 vise en effet à supprimer la disposition relative aux hybrides, afin d’assurer une concertation pertinente avec l’ensemble des parties prenantes. Cette disposition est tout à fait révélatrice du manque de concertation sur un sujet bien particulier de santé publique. Comment garantir la sécurité de tous les patients ?

M. Olivier Véran, rapporteur général. Les médicaments hybrides ont la couleur et l’odeur du générique, mais n’en sont pas. Ils ont du mal à pénétrer le marché, dans la mesure où ils ne peuvent pas être substitués au médicament de référence. L’article 43 rend possible la substitution par un médicament hybride d’un médicament de référence. Cette substitution, qui reste extrêmement encadrée, ne sera pas automatique comme pour les vrais génériques : les hybrides ne seront pas inclus dans le répertoire des groupes génériques, mais dans un groupe à part. Surtout, il faudra un arrêté, pris après l’avis de l’ANSM, qui définira les cadres dans lesquels la substitution sera possible. La concertation interviendra à toutes les étapes du processus. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS154 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Cet amendement vise à exclure les spécialités administrées par voie inhalée des groupes hybrides pouvant faire l’objet d’une substitution. L’interchangeabilité au niveau des produits inhalés pose encore de nombreuses questions relatives à la sécurité sanitaire, notamment dues à la nécessité d’éducation thérapeutique des patients, compte tenu de la variabilité des mécanismes d’utilisation par voie inhalée. Cet amendement permet en outre de se conformer aux objectifs fixés par le Gouvernement de maintien des investissements sur le territoire français, actés dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS).

M. Olivier Véran, rapporteur général. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de souligner qu’il y a parfois des emplois qui sont à la clé, quand une décision de politique de santé publique est prise. Cela n’a pas échappé à la sagacité du Gouvernement, qui prévoit, dans l’exposé des motifs de l’article 43, que, pour les médicaments hybrides inhalés, un travail spécifique sera mené sur les dispositifs médicaux qui leur sont liés. Il n’est donc pas nécessaire de supprimer ces médicaments du texte de loi, puisqu’au travail spécifique répondra un traitement spécifique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS177 de M. Stéphane Viry et AS289 de M. JeanPierre Door.

M. Gérard Cherpion. Votre disposition supprime l’obligation pour le prescripteur de mentionner « non substituable » sous forme manuscrite, ce qui est logique à l’heure de la prescription médicale électronique. Par ailleurs, la prescription en dénomination commune internationale (DCI) doit se généraliser. Cela étant, justifier ce terme peut amener à mettre sur l’ordonnance des éléments qui relèvent du secret professionnel et qui peuvent porter préjudice aussi bien au praticien qu’au porteur de l’ordonnance.

M. Jean-Pierre Door. J’ai présenté cet amendement tout à l’heure, par erreur. Je ne souhaite pas qu’il soit possible de voir sur une ordonnance pour quelles raisons un médicament n’est pas substituable. L’ordonnance appartient au patient et au prescripteur. Si elle se promène, il y a un risque de rupture du secret médical.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Le taux d’apposition de la mention « non substituable » sur les ordonnances, obligatoirement écrite à la main – ce qui était une mesure vexatoire pour les médecins libéraux –, est passé de 1,8 % en 2013 à 8,3 % en 2016. Cette augmentation a un coût pour l’assurance maladie, évalué à 104 millions d’euros par an. Or l’objectif est d’étendre la prescription des génériques. L’article 43 supprime l’obligation d’écrire à la main la mention « non substituable », comme le réclamaient les médecins depuis un moment. Par ailleurs, dans la mesure où il y a de plus en plus de logiciels de prescription, qui sont utilisés par presque tous les médecins aujourd’hui, il sera proposé un thésaurus de quelques possibles aux médecins, qui pourront justifier pourquoi le médicament est non substituable. Les patients auront toujours la possibilité de faire valoir leur refus du générique auprès de leur médecin, qui pourra, en responsabilité, expliquer pourquoi – une allergie à un excipient, par exemple. La justification de la substitution ne me paraît pas totalement aberrante et devrait permettre une meilleure pénétration des génériques dans notre pays. Avis défavorable.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Je ne comprends pas le lien entre la justification de la mention « non substituable » et la rupture du secret médical. Pour moi, cela n’a rien à voir : nous accompagnons l’administration du médicament, sans lever en rien ce secret. Cet argument ne tient pas la route.

M. Gérard Cherpion. Je comprends bien l’argument du rapporteur. Mais, dans ce cas, la justification ne doit pas être d’ordre médical : l’ordonnance ne doit pas révéler de maladie ou de raison médicale profonde, exception faite bien sûr des allergies, par exemple.

M. Jean-Pierre Door. Pour avoir exercé pendant de nombreuses années, je ne vois pas du tout comment un médecin peut faire figurer un diagnostic sur une ordonnance, laquelle risque de disparaître dans des secrétariats ou ailleurs. C’est un secret médical. Du reste, le corps médical est opposé à l’inscription de la raison de la substitution. S’engager à substituer est une bonne chose ; informer et communiquer, dans le système conventionnel, entre les caisses et les médecins, en est une autre. Mais de là à écrire un secret médical sur une ordonnance, c’est dangereux.

M. Pierre Dharréville. J’ai du mal à saisir l’intérêt d’écrire sur l’ordonnance la raison elle-même. Quel est l’objectif poursuivi ?

M. Thomas Mesnier. L’article 43 vise à augmenter la part des génériques dans les prescriptions et à faciliter la substitution pour les pharmaciens. Je ne suis pas d’accord avec votre argument, monsieur Door. Actuellement, les médecins n’ont pas l’interdiction d’inscrire sur une ordonnance le motif de prescription d’un médicament. Il est même assez fréquent d’expliquer que tel médicament est pour le cœur, tel autre pour la tension, tels autres encore pour le sang ou le diabète. Ces indications notées sur l’ordonnance aident souvent les gens à s’y retrouver. Je ne vois donc pas en quoi elles posent un problème.

M. Jean-Pierre Door. Cela n’a rien à voir !

M. Julien Borowczyk. Nous sommes en train de dévier du sujet principal. L’idée n’est pas d’inscrire systématiquement la pathologie dont souffre le patient, mais de justifier la mention « non substituable ». Le secret médical reste préservé, et cela permettra peut-être de prescrire plus de génériques, en mettant certains patients devant la réalité de la prise de générique au lieu du princeps. On aurait même pu aller plus loin, car j’ai peur que l’allergie ne devienne une justification régulière de cette substitution. Il y a là une piste à creuser. La question n’est pas de révéler un secret médical, loin de là, puisqu’il ne s’agit pas d’inscrire le nom de la pathologie dont souffre le patient.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Le traitement inscrit sur l’ordonnance est, en fait, déjà de l’ordre du secret médical et contient des informations que l’on n’a pas envie de divulguer.

M. Jean-Carles Grelier. Chers collègues médecins, lorsque vous serez confrontés à un patient dont il faudra motiver la mention du fait de son illettrisme ou de ses pertes cognitives, qui risquent de lui faire substituer un médicament à un autre, comment allez-vous l’indiquer sans que ce ne soit discriminant ? Faudra-t-il indiquer très clairement qu’il est illettré ou qu’il est dans l’incapacité de lire ? Que ses troubles cognitifs sont tels qu’il risque de prendre un médicament pour un autre ? Comment répondra-t-on à ce type de situation, lorsqu’il faudra justifier la non-substitution ?

La commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS5 de M. Paul Christophe

M. Paul Christophe. Les pharmaciens sont encouragés à substituer les médicaments d’origine par des médicaments génériques, l’objectif étant d’atteindre un taux de substitution de 86 %. En 2015, le taux était de 82,8 %. Ce chiffre n’évolue que très légèrement et semble avoir atteint son plafond. Comme le précise l’étude d’impact, afin d’augmenter le taux de substitution, il aurait pu être envisagé de faire évoluer les dispositions législatives afin d’étendre la mesure « tiers payant contre générique » à toutes les situations, y compris en cas de mention « non substituable ». Puisque le PLFSS pour 2019 a pour ambition de renforcer le recours aux médicaments génériques, mon amendement AS5 vise à circonscrire le dispositif « tiers payant contre générique » aux seuls patients acceptant la substitution par les pharmaciens.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez est compliqué, puisque désormais le non substituable sera justifié médicalement. Priver des patients qui ont une justification médicale sur leur ordonnance du tiers payant, parce qu’ils ne prennent pas le générique, c’est un peu « touchy ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS153 de M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Les produits pour lesquels la substitution est aujourd’hui autorisée ont apporté la preuve, au stade de l’AMM, de leur équivalence thérapeutique : par la bioéquivalence pour les génériques et par la similarité pour les biosimilaires. S’agissant des médicaments hybrides, ces produits doivent seulement fournir des données complémentaires pour obtenir leur AMM, à savoir : les résultats des essais pré-cliniques et cliniques appropriés, déterminés en fonction des différences présentées avec les spécialités de référence. Le principe même d’un droit de substitution pour les hybrides, n’ayant pas fait la preuve de leur équivalence thérapeutique dans le cadre de leur AMM, pourrait nourrir un grief de nature à créer une atteinte au principe de protection de la santé publique.

Le projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de poser les garanties nécessaires à cette substitution, lesquelles pourraient se résumer à l’obligation, pour l’industriel, de produire une étude d’équivalence thérapeutique. Afin de laisser aux acteurs le temps nécessaire pour mener les concertations, l’amendement AS153 propose de reporter d’une année l’entrée en vigueur du statut et du répertoire des médicaments hybrides.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 43 sans modification.

Après l’article 43

La commission examine l’amendement AS502 de Mme Delphine Bagarry.

Mme Delphine Bagarry. À l’instar de ce qui a été fait pour la vaccination anti-grippale, mon amendement vise à faire participer les pharmaciens d’officine à des tâches dévolues jusqu’à présent à d’autres professionnels de santé. Ils devraient ainsi pouvoir dispenser certains médicaments à prescription médicale obligatoire dans le cadre d’un protocole conclu avec le médecin traitant. Cette disposition s’inscrit dans la droite ligne des coopérations recherchées entre les différents professionnels de santé, notamment par le biais des communautés professionnelles territoriales de santé qui devront mailler bientôt le territoire. C’est également une proposition qu’a formulée M. Thomas Mesnier dans son rapport.

En Suisse, cette expérimentation a déjà eu lieu : plusieurs pathologies ont été identifiées, comme la cystite, la conjonctivite ou l’eczéma. Cela va dans le sens d’un accès facilité aux soins pour ces maladies et d’une meilleure coopération entre les professionnels de santé. Je regrette de n’avoir pas pu proposer l’amendement qui généralisait l’expérimentation, puisqu’il a été rejeté au titre de l’article 40, alors même qu’il aurait permis de réaliser des économies dans le domaine de la santé.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’idée est intéressante. Le Gouvernement aura peut-être à cœur de retravailler sur ce sujet, pour être sûr que la proposition d’expérimentation entre dans tous les cadres nécessaires. En l’état, et sous réserve de l’avis de la ministre en séance, avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Titre III
Moduler et adapter les prestations aux besoins

Article 44 : Revalorisation maîtrisée des prestations sociales

La commission est saisie des amendements identiques AS290 de M. Gilles Lurton, AS551 de M. Joël Aviragnet et AS362 de M. Adrien Quatennens.

M. Gilles Lurton. Alors que l’article 44 est le seul du PLFSS qui traite de la politique familiale, nous vous proposons, par l’amendement AS290, de le supprimer. Une fois encore, comme à chaque fois que nous discutons de politique familiale dans tous les PLFSS que nous avons examinés depuis six années, c’est pour casser et détruire une politique familiale qui nous est enviée par tous les pays européens, qui avait fait ses preuves et à laquelle, pour ce qui nous concerne, au groupe Les Républicains, nous sommes profondément attachés. Nous considérons en effet que l’arrivée d’un enfant dans un foyer est une richesse inestimable pour notre pays et pour les parents qui ont le bonheur de l’accueillir.

Cette casse de la politique familiale est d’autant plus incompréhensible que, depuis quatre années, pour la première fois depuis 1945, le taux de natalité diminue de façon continue. En 2017, c’est 50 000 naissances en moins. Avec cet article, pour la première fois, les allocations familiales n’augmenteront que de 0,3 %, loin du montant prévisible de l’inflation, prévu pour avoisiner les 2 %. Pis encore, vous appliquez cette désindexation non seulement aux allocations familiales, mais également aux retraités qui ont pourtant été déjà lourdement frappés par l’augmentation de la contribution sociale généralisée. Cette situation nous est insupportable.

Avec cette mesure, vous nous annoncez 260 millions d’euros d’économies, non compris d’ailleurs dans le plan d’économies de Mme la ministre des solidarités et de la santé. La revalorisation des prestations familiales n’intervenant qu’en avril prochain, ce n’est qu’en 2020 que la mesure produira pleinement son effet et permettra au Gouvernement d’économiser 600 millions d’euros sur le dos des familles. Parce que nous voulons une autre politique familiale, nous proposons de supprimer l’article 44.

Mme Éricka Bareigts. L’amendement AS551 a le même objet. J’ajouterai à ce que vient de dire M. Lurton que cette mesure intervient alors que l’excédent de la branche famille atteindra 1,2 milliard en 2019 et qu’elle affectera le pouvoir d’achat des familles : pour un couple avec trois enfants qui loue son logement et perçoit un revenu égal au SMIC, elle entraînera une perte de 130 euros par an. Parce que cette disposition est inéquitable et injustifiée, nous demandons sa suppression.

Mme Caroline Fiat. Alors que l’augmentation des prix est estimée par la Banque de France à 1,7 % en 2019, le Gouvernement décide de ne revaloriser que de 0,3 % les allocations familiales et les pensions de retraites. Cette désindexation totale de leur revalorisation aura un effet direct et négatif sur le pouvoir d’achat des bénéficiaires, notamment celui des retraités. L’Office français des conjonctures économiques (OFCE) l’a confirmé : sous l’effet conjugué de l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement – y compris la baisse, puis la suppression de la taxe d’habitation –, les retraités perdront en moyenne 200 euros dès 2019 et jusqu’à 400 euros en 2020.

Les députés de La France insoumise s’opposent avec force à cette nouvelle mesure profondément injuste qui frappe durement les Françaises et les Français alors que, dans le même temps, le Gouvernement multiplie les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises. Son choix est clair : il s’agit de demander des efforts importants au plus grand nombre pour cajoler une toute petite minorité. Les mesures fiscales prises depuis l’élection du Président Macron ont ainsi profité avant tout aux 400 000 ménages les plus riches. Elles constituent, selon la Fondation Jean-Jaurès, la baisse d’impôt par contribuable la plus forte jamais réalisée en France et représentent, pour ces ménages, une économie de 10 000 euros par an en moyenne. Pis, selon le Laboratoire sur les inégalités mondiales, les 5 000 Français les plus riches ont économisé en moyenne 253 800 euros.

Pour les députés de La France insoumise, ce n’est pas aux retraités et aux bénéficiaires des allocations familiales de financer l’enrichissement personnel des plus riches. Ils demandent donc, par leur amendement AS362, la suppression de cet article.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’article 44 prévoit une moindre revalorisation, en 2019 et en 2020, de certaines prestations sociales, dont sont exclus les minima sociaux tels que le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation adulte handicapé (AAH) ou l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). C’est le choix qu’a fait le Gouvernement pour maîtriser le déficit de la protection sociale qui, si aucune mesure n’avait été prise, aurait galopé et atteint 3,7 milliards. Ainsi l’équilibre de la branche retraite est maintenu, en attendant la réforme structurelle qui devrait intervenir dans quelques mois.

Je veux rétablir quelques faits. Tout d’abord, aucune pension n’est réduite : elles augmenteront moins que prévu, mais elles augmenteront toutes de 0,3 % l’an prochain. Ensuite, il est vrai, monsieur Lurton, que, l’an prochain, les allocations familiales augmenteront également moins que l’inflation. Mais elles augmenteront de 40 centimes par mois au lieu de 1,40 par mois. L’écart sera ainsi, à la fin de l’année, de 11 euros à 12 euros par famille concernée. Mais, en contrepartie, le Gouvernement créera 30 000 places en crèches, augmentera le complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales – une mère isolée économisera ainsi 70 euros par mois pour la garde de ses enfants – et créera un tiers payant qui évitera l’avance de frais lorsqu’une mère isolée fait appel à une assistante maternelle pour retrouver plus vite le chemin de l’emploi.

Je ne vais pas dresser un inventaire à la Prévert, mais des mesures en faveur des familles – et en faveur des retraités –, il y en a beaucoup dans le PLFSS et dans les textes précédents. Nous mettons en œuvre une forme de redistribution : en témoignent, par exemple, le « reste à charge zéro », qui bénéficiera massivement aux retraités, lesquels n’auront plus à renoncer aux soins pour bien voir, bien manger et bien entendre, la création de la CMU contributive en lieu et place de la complémentaire santé, qui réduira de 30 euros par mois la facture d’un million et demi de personnes, dont un grand nombre de retraités, ou l’exonération de certains d’entre eux de la hausse de la CSG.

Par ailleurs, si, pour les retraités, l’écart par rapport à l’inflation sera, en moyenne, de 17 euros, je rappelle que ceux d’entre eux qui touchent le minimum vieillesse, c’est-à-dire ceux qui sont le plus dans le besoin, bénéficieront d’une augmentation de leur allocation de 30 euros par mois.

On peut discuter, c’est normal, les choix politiques qui sont faits ; mais je tenais à rétablir quelques faits qui m’incitent à vous demander de ne pas adopter ces amendements de suppression.

Mme Caroline Janvier. Nous assumons en effet un choix clair, celui de mieux protéger les publics les plus vulnérables. M. le rapporteur général a cité à ce propos la revalorisation, par paliers, de l’ASPA et de l’AAH, qui représente un effort global de 2 milliards d’euros d’ici à 2022. De plus, les minima sociaux ne sont pas concernés par la non-indexation sur l’inflation, laquelle, je le rappelle, se traduira par une moindre augmentation et non par une baisse. Enfin, en matière de politique familiale, le véritable problème auquel nous devons remédier concerne les familles monoparentales et a trait à la conciliation de la vie personnelle avec la vie professionnelle. C’est pourquoi nous créons des places en crèches et nous travaillons à l’amélioration du dispositif de complément de mode de garde.

Encore une fois, notre choix est de concentrer les efforts budgétaires sur les plus fragiles. Il nous faut être responsables et nous sommes satisfaits, à cet égard, que la Sécurité sociale ne soit plus en déficit.

M. Gilles Lurton. Je maintiens qu’il s’agit bel et bien d’une perte de pouvoir d’achat pour les familles : lorsqu’une prestation n’augmente pas au même rythme que l’inflation, les bénéficiaires subissent une perte financière. Vous nous dites que l’augmentation sera de 40 centimes d’euro par mois au lieu de 1,20 euro. Mais si c’est si peu, pourquoi ne pas maintenir l’indexation ?

J’ajoute que la Commission des comptes de la Sécurité sociale a prévu que la branche famille serait excédentaire de 1,7 milliard d’euros en 2019. Pourquoi, depuis six ans maintenant, cette branche doit-elle toujours payer pour les autres ? L’an dernier, c’est la Prestation d’accueil du jeune enfant qui a trinqué ; cette année, ce sont les allocations familiales et les retraites !

Vous menez, dites-vous, une politique familiale, citant à l’appui de votre démonstration la création de 30 000 places en crèches. Mais je n’ai toujours pas très bien compris, après l’audition de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), si ces 30 000 places seront réparties dans l’ensemble du pays ou concentrées dans les quartiers défavorisés. En tout état de cause, je constate que, sur les 265 000 places en crèches prévues dans la précédente Convention d’objectif et de gestion (COG), 65 000 seulement ont été créées. Je me demande donc combien le seront sur les 30 000 places que vous avez évoquées…

Enfin, moi, je fais la différence entre prestations sociales et prestations familiales. Oui, un plan de lutte contre la pauvreté est nécessaire. Oui, il faut faire en sorte que les familles les plus en difficulté aient davantage de moyens. Mais cela relève de la politique sociale. La politique familiale, quant à elle, a pour objet de compenser les frais liés à l’arrivée d’un enfant dans un foyer. Ainsi les familles qui n’ont pas d’enfants paient pour celles qui en ont. Et, demain, ces enfants paieront les retraites de celles qui n’en ont pas eu. C’est donc un système vertueux. Hélas ! vous êtes en train de le casser.

M. Pierre Dharréville. Notre amendement a dû tomber dans un trou, puisqu’il n’est pas examiné. En tout cas, nous nous associons à ces amendements de suppression. Nous jugeons en effet cette mesure scandaleuse, car elle constitue une attaque directe contre le pouvoir d’achat, notamment celui des retraités. Outre les pensions, vous vous attaquez aux Aides personnalisées au logement (APL), aux allocations familiales… Un tel décrochage par rapport à l’inflation se fera directement ressentir dans les familles les plus populaires. On ne peut pas, d’un côté, tenir de grands discours sur le pouvoir d’achat et, de l’autre, prendre des mesures de ce type. C’est indéfendable ! Qui plus est, alors que la colère des retraités n’est pas encore retombée depuis l’augmentation, il y a dix-huit mois, de la CSG, vous en rajoutez une couche avec cette augmentation indigente de leurs pensions. Les retraités ne demandent pas des mécanismes de rattrapage vaseux ; ils veulent une vraie pension. Encore une fois, cette mesure phare du PLFSS est inacceptable.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur général, vous nous opposez l’affichage de votre volonté d’agir en faveur des publics vulnérables. Soit ! c’est votre choix : vous apportez une réponse à une petite partie de la population, et c’est une bonne chose. Mais vous la faites supporter par la classe moyenne. Les « milieux de cordée » vont ainsi voir leur niveau de vie baisser : vous vous attaquez aux familles, qui ont besoin de joindre les deux bouts, et aux retraités, dont le niveau des pensions ne peut plus progresser.

S’agissant du « reste à charge zéro », si le panier de soins était équivalent, on pourrait estimer qu’il s’agit d’une bonne nouvelle. Mais, en réalité, plusieurs experts le disent, la qualité risque de baisser.

Par ailleurs, notre collègue de la majorité se félicite de la résorption des déficits mais, en réalité, ceux-ci ont été transférés aux établissements – on voit bien quelle est la situation des hôpitaux. Quant au financement des places en crèches, c’est une bonne chose, mais on sait, lorsqu’on en a géré une, qu’une crèche ne peut fonctionner sans une subvention d’équilibre des communes : au final, ce sont elles qui vont, en réalité, soutenir l’effort, au moins pour un tiers – sans parler des investissements.

En résumé, la majorité affiche sa volonté d’aider quelques personnes et elle fait supporter ce choix à une grande partie des classes moyennes. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter !

Mme Caroline Fiat. Certains sont satisfaits que les compteurs soient de nouveau dans le vert, mais à quel prix ? On ne déshabille même plus Paul pour habiller Pierre, mais pour lui filer un tee-shirt… Quitte à déshabiller Paul, autant tout donner au voisin ! En tout cas, la mesure de l’article 44 sera mal comprise par nos concitoyens car, pour beaucoup d’entre eux, les fins de mois commencent dès le cinq du mois. M. Lurton l’a dit, si la différence n’est pas si importante que cela, supprimons cet article !

M. Brahim Hammouche. Nous nous retrouvons dans le raisonnement de Gilles Lurton : de fait, l’inflation rabotera les pensions. Pour ma part, j’ai appris que tout ce qui n’avançait pas reculait. On ne peut donc pas dire que les pensions ne diminueront pas. En outre, les retraités ont déjà été mis en contribution. Oui aux efforts, mais agissons avec tact et mesure. Le groupe MODEM défendra, dans cet esprit, deux amendements qui sont de nature à répondre aux problèmes qui ont été soulevés tout en tenant compte du souci du Gouvernement de maintenir l’équilibre budgétaire.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Monsieur Bazin, vous avez indiqué que, selon des experts, la qualité des produits baisserait dans le cadre du « reste à charge zéro ». Je ne sais pas qui sont ces experts, mais sachez, en tout cas, que la Haute autorité de santé certifiera tous les dispositifs qui seront proposés dans ce cadre.

Plusieurs contrevérités ont été dites. Monsieur Lurton, il n’y a pas de saupoudrage : l’objectif de construire 30 000 places en crèches a été fixé dans le cadre de la COG signée avec la Caisse nationale d’allocations familiales. Du reste, vous avez pu constater, lors des auditions, que les associations étaient vigilantes ; mais elles ne criaient pas au scandale, loin de là. En outre, les collectivités territoriales bénéficieront de bonus pour les berceaux créés dans les quartiers relevant de la politique de la ville ainsi que pour les structures accueillant les enfants de familles défavorisées et celles qui accueillent les enfants en situation de handicap. Enfin, je ne vous dresserai pas la liste des mesures en faveur de la jeunesse du plan « Pauvreté » : petit-déjeuner gratuit à l’école, nouveaux examens de dépistage, mesures d’accompagnement, dédoublement des classes dans les établissements relevant des REP (Réseaux d’éducation prioritaire) et des REP +… Par pitié, ne dites pas que nous ne faisons rien pour les familles, car le Gouvernement fait beaucoup pour elles !

La commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS232 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas la même appréciation que vous des auditions que nous avons réalisées – du moins de certaines d’entre elles. Quant au petit-déjeuner dans les écoles, je vous invite à en parler aux maires pour savoir comment cela va se passer. Mais tel n’est pas l’objet de cet amendement.

Ce qui m’étonne particulièrement dans l’article 44, c’est qu’il est question, à l’alinéa 1, non seulement du montant des prestations mais aussi de celui des « plafonds de ressources ». Qu’est-ce à dire ? Selon moi, cela signifie que l’allocation de rentrée scolaire, par exemple, qui concerne actuellement la moitié des enfants en âge scolaire, n’en concernera plus qu’un tiers en 2024. Il en va de même pour le complément de libre choix du mode de garde : vous nous dites que des efforts sont consentis dans le cadre du plan « Pauvreté », mais beaucoup moins de familles pourront en bénéficier. Je vous propose donc de supprimer les mots « plafonds de ressources », pour éviter que vous ne fassiez encore de sacrées économies sur le dos des familles.

Encore une fois, contrairement à nous, vous assimilez la politique familiale à une politique sociale. C’est la différence entre un pouvoir socialiste et un pouvoir plus libéral attaché à la famille !

M. Olivier Véran, rapporteur général. Avis défavorable. Plus exactement, je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Lurton.

M. Gilles Lurton. Ah non !

M. Olivier Véran, rapporteur général. Attendez ! Je peux vous informer, après avoir interrogé le Gouvernement, que les plafonds de ressources des prestations familiales seront exclus du dispositif. Ainsi, la disposition n’aura, à cet égard, aucune incidence sur les prestations que vous avez citées, notamment l’Allocation de rentrée scolaire.

M. Gilles Lurton. Dans ce cas, il faut accepter mon amendement pour retirer les mots « plafonds de ressources » du texte !

M. Olivier Véran, rapporteur général. Ils sont retirés.

M. Gilles Lurton. Mais enfin, j’ai le texte sous les yeux !

Mme Caroline Fiat. M. le rapporteur général nous dit que le ministère est d’accord avec M. Lurton. Votons donc son amendement : au moins ce sera écrit quelque part. Les paroles s’envolent, les écrits restent !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Ce n’est pas ce qu’a dit le rapporteur général.

M. Thibault Bazin. De l’audace, de l’audace !

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS450 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Avec cet amendement, nous innovons, même s’il s’inscrit dans la lignée des précédents. Comme nous voulons grosso modo davantage de justice sociale, nous vous proposons d’aligner le taux de revalorisation des diverses prestations sur le taux d’inflation prévu, qui est de 1,3 %

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS39 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Cet amendement du MODEM, extrêmement simple, vise à mettre tout le monde d’accord puisqu’il concilie le respect des contraintes d’équilibre budgétaire et une approche de justice sociale. Il s’agit en effet d’exclure de la désindexation les pensions inférieures à 1 361 euros, ce qui correspond au revenu médian des retraités.

M. Olivier Véran, rapporteur général. La Caisse nationale d’assurance vieillesse – que j’ai déjà interrogée à ce sujet, car l’idée avait été émise au sein du groupe majoritaire – m’a répondu que la faisabilité technique d’un tel dispositif était quasi nulle. Il faudrait en effet au moins sept ou huit mois – ce qui nous amènerait presque à la fin de l’année – pour commencer à trouver les indicateurs qui permettraient de moduler les niveaux de revalorisation des pensions. Selon la CNAV, les bugs seraient tels qu’on risquerait de se trouver dans l’incapacité de verser les pensions dans les délais et de manière satisfaisante – ceux qui ont assisté à l’audition pourront vous le confirmer. Par ailleurs, nous faisons déjà une distinction entre l’ASPA et les autres pensions.

Enfin, en 2014, lorsque le gel des pensions de retraite a été décidé, il avait été envisagé de moduler celui-ci en fonction des niveaux de revenus, comme vous le proposez. Or, non seulement les problèmes techniques étaient tels que le Gouvernement a finalement renoncé à la mesure, mais on se heurtait à un risque constitutionnel majeur. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; sinon, avis défavorable.

M. Bruno Fuchs. Je comprends les raisons techniques que vous invoquez. Mais, s’il a été possible d’appliquer la hausse de la CSG de manière différenciée selon le niveau des pensions, on devrait être également en mesure d’appliquer la désindexation de manière différenciée. Je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS40 de M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Il s’agit d’un amendement de repli, puisqu’il vise à limiter l’application de l’article 44 à l’année 2019, quitte à ce que nous en rediscutions l’an prochain. Nous enverrions ainsi à tout le moins un signal aux retraités et aux familles les plus modestes.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’équilibre des différentes branches de la protection sociale et le respect des engagements que nous avons pris, notamment vis-à-vis de l’Europe, dépendent de l’application d’une moindre revalorisation des prestations pendant deux ans. Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Je conteste votre façon de présenter les choses, monsieur le rapporteur général. L’équilibre que vous évoquez a surtout été mis à mal par les multiples exonérations qui ont été accordées et au crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE). L’argent nécessaire pour financer cette mesure existe.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je regrette que M. le rapporteur général invoque les engagements que nous avons pris vis-à-vis de l’Europe dans sa réponse.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 44 sans modification.

Après l’article 44

La commission est saisie de l’amendement AS360 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Dans un pays où le nombre de millionnaires et le montant des dividendes versés aux actionnaires battent chaque année des records, les retraités méritent un repos digne et des pensions décentes. Par cet amendement, nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la fixation d’un plancher des pensions de retraite au niveau du SMIC.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Article 45 : Majoration du montant maximum du complément de libre choix du mode de garde pour les familles ayant un enfant en situation de handicap

La commission adopte l’article 45 sans modification.

La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

Article 46 : Conséquences de l’abaissement de l’instruction obligatoire à trois ans sur les prestations familiales

La commission est saisie des amendements identiques AS100 de M. Alain Ramadier et AS552 de M. Joël Aviragnet.

M. Alain Ramadier. L’amendement AS100 vise à maintenir la logique actuelle, c’est-à-dire à verser l’allocation de rentrée scolaire (ARS) dès le début de la scolarité obligatoire. Toutefois, les dépenses liées à l’entrée à l’école maternelle étant inférieures à ce qu’elles sont lors de l’entrée en primaire, il serait judicieux de créer une nouvelle tranche d’âge, de trois à six ans, et de prévoir pour celle-ci une aide d’un montant inférieur à celui de l’aide versée pour les enfants de six ans et plus.

Mme Éricka Bareigts. Nous nous opposons à l’article 46, car il vise à déconnecter l’allocation de rentrée scolaire de l’âge de la scolarisation obligatoire, qui sera fixé à trois ans dès la prochaine rentrée scolaire. Le Gouvernement évite ainsi de verser cette allocation dès les trois ans de l’enfant. Une telle mesure n’est pas cohérente avec la volonté du Président de la République de concentrer la stratégie de lutte contre la pauvreté sur les enfants, notamment les plus jeunes d’entre eux.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire ne changera pas la donne pour plus de 97 % des familles : actuellement, aucune allocation de rentrée scolaire n’est versée pour les enfants scolarisés à l’école maternelle. On estime en effet que cette allocation n’est nécessaire qu’à partir de l’école élémentaire, où la scolarisation commence à engendrer un certain nombre de coûts. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’article 46 sans modification.

Après l’article 46

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques AS18 de M. Guillaume Chiche et AS292 de M. Gilles Lurton, et l’amendement AS322 de Mme Nathalie Elimas.

M. Guillaume Chiche. La politique familiale française, qui est un pilier de notre société, mobilise plus de 59 milliards d’euros par an. Pour autant, elle n’atteint aucun des objectifs qu’elle se fixe : un enfant sur cinq ainsi que 36 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, le taux de natalité baisse et le taux de non-recours aux prestations existantes demeure une question majeure. Nous avons la conviction que, pour être pleinement efficace et comprise de nos concitoyens, notre politique familiale doit être lisible et cohérente.

Tel est l’objet de l’amendement AS18, qui a trait à la prime à la naissance. D’un montant de près de 1 000 euros, cette prime, versée sur critères sociaux, permet de couvrir une partie des dépenses liées à l’arrivée d’un enfant. Or, depuis 2014, elle est versée non plus avant l’accouchement mais le deuxième mois qui suit la naissance, alors que les dépenses ont déjà été effectuées. Ce délai place parfois les familles dans une situation aberrante, puisqu’elles s’endettent auprès de la caisse d’allocations familiales du montant de la prime à la naissance avant l’arrivée de l’enfant, pour le rembourser deux mois après l’accouchement, après le versement de ladite prime. Nous vous proposons donc de rétablir le versement de la prime à la naissance au septième mois de grossesse. Le coût de cette mesure, qui s’élève à 220 millions, est un coût de trésorerie, et non un coût budgétaire. Ni le montant de la prime ni les critères d’attribution ne sont modifiés ; il s’agit simplement d’une normalisation du versement.

Cette mesure répond à un triple enjeu – l’efficacité, la lisibilité et la compréhension du dispositif par les citoyens – et correspond aux objectifs de notre politique familiale et de la stratégie de lutte contre la pauvreté présentée il y a peu par le Président de la République.

M. Gilles Lurton. Par l’amendement AS292, nous proposons également que la prime à la naissance soit versée avant l’accouchement. Nous considérons en effet que c’est avant la naissance que les besoins financiers des parents liés à l’accueil de l’enfant sont les plus importants. Certes, la caisse d’allocations familiales nous a répondu à plusieurs reprises qu’elle pouvait verser des avances aux familles les plus en difficulté. Mais un tel mécanisme n’est pas très délicat pour ces familles, qui doivent, une fois de plus, aller quémander les aides dont elles ont besoin. En outre, il est complexe et ne représente aucun avantage pour le budget de la sécurité sociale. Nous vous proposons donc de revenir à la situation antérieure à 2014.

Depuis cette date, je dépose, sur chaque PLFSS, un amendement analogue qui est unanimement approuvé par les associations familiales et, je crois pouvoir le dire, par tous les partis politiques représentés dans cette assemblée.

Mme Nathalie Elimas. Verser la prime à la naissance avant l’arrivée de l’enfant relève du bon sens, puisque c’est à ce moment-là que les familles en ont le plus besoin pour s’équiper. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement AS322, que cette prime soit versée deux mois avant la naissance.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je rappelle tout d’abord que le report de quatre mois du versement de la prime à la naissance – du septième mois de grossesse au deuxième mois après la naissance – a été décidé en 2014 par le gouvernement précédent, dans le cadre des mesures de redressement des comptes de la branche famille.

Sur le fond, personne ne peut être contre la mesure proposée. Il y a en effet une forme de logique à verser cette prime de 941 euros avant la naissance, pour que les parents puissent effectuer les nombreuses dépenses auxquelles ils doivent faire face pour se préparer à l’arrivée de l’enfant. Néanmoins, en 2014 – je m’en souviens bien –, le report n’avait pas suscité de bronca. Du reste, le rétablissement du versement avant la naissance n’est pas la priorité absolue des différentes structures que nous avons reçues – vous pouvez en attester, monsieur Lurton : c’est nous qui avons évoqué le sujet, et non les associations auditionnées. Par ailleurs, les familles qui en font la demande peuvent obtenir de la caisse d’allocations familiales, qui étudie alors leur dossier, le versement d’une avance. Celles qui sont en difficulté financière peuvent ainsi recevoir la prime à la naissance avant et non après l’accouchement. Cette avance, prévue dans le dispositif de 2014, est une donnée importante.

Enfin, la mesure que vous proposez aurait un coût de trésorerie – uniquement la première année, certes – de 210 millions d’euros, soit 0,1 % de l’ONDAM. Or, nous devons respecter l’équilibre budgétaire et donc, hélas ! faire des choix. Par conséquent, si nous adoptions cette mesure, il nous faudrait récupérer ces 210 millions d’euros d’une manière ou d’une autre, sur l’hôpital ou sur d’autres dépenses du PLFSS. C’est pourquoi, dès lors, je le répète, que les familles qui en font la demande peuvent bénéficier d’un mécanisme de compensation et d’anticipation, je suis au regret de devoir donner un avis fermement défavorable à ces amendements.

M. Gilles Lurton. Je regrette, monsieur le rapporteur général, que vous soyez défavorable à ces amendements. J’espère que nous serons néanmoins suivis et qu’ils seront adoptés, puisque tout le monde se dit d’accord avec nous sur ce sujet.

Je reconnais que l’association familiale auditionnée n’a pas évoqué spontanément ce sujet, puisqu’elle était intéressée par la question de la non-revalorisation des prestations, prévue à l’article 44. Mais les associations sont tellement désespérées de constater que, depuis quatre ans, nous nions l’évidence, qu’elles n’osent plus s’exprimer sur le sujet, de peur de paraître butées. Je sais, pour les avoir auditionnées à de nombreuses reprises avec M. Chiche il y a quelques mois, qu’elles sont très attachées à cette mesure.

M. Pierre Dharréville. Je me souviens que nous avons eu ce débat l’an dernier. Les arguments n’ont pas véritablement changé. Vous nous expliquez, monsieur le rapporteur général, qu’en cas de besoin, les familles peuvent demander un versement anticipé. Mais, nous le savons, le renoncement aux droits est très important, notamment parmi les plus défavorisés, c’est-à-dire ceux qui en ont le plus besoin. Il faut donc s’efforcer de supprimer les obstacles qui les empêchent de faire valoir leurs droits. Au demeurant, une naissance se prépare ; verser cette prime avant l’accouchement paraît donc logique. C’est pourquoi je soutiens ces amendements.

M. Stéphane Viry. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur général : personne ne peut être contre ! Ainsi, vous nous opposez des arguments purement comptables pour justifier le maintien d’une mauvaise décision prise en 2014 qui permet de se faire de la trésorerie sur le dos des familles. Tout le monde l’a dit : une naissance se prépare, elle a un coût. Certaines familles ont besoin d’un coup de pouce. Or, comme l’a dit Pierre Dharréville, toutes n’ont pas forcément le réflexe de solliciter une avance. Ces amendements, qui émanent de différents groupes de notre assemblée, marquent un véritable choix de société, un véritable choix politique. J’ajoute que la situation des comptes sociaux n’est plus, en 2018, ce qu’elle était en 2014. Je plaide donc pour une prise de conscience et une modification du logiciel qui prévalait jusqu’à présent. Il faut envoyer un signal très clair aux familles.

M. Sylvain Maillard. Merci, monsieur le rapporteur général, pour vos explications. Je souhaiterais que vous m’apportiez une précision. Je suis soucieux, vous le savez, de l’argent public. Je ne suis donc pas de ceux qui, par dogmatisme, s’exclament, face à une bonne idée : « Dépensons » ! Il faut réfléchir.

M. Gilles Lurton. Nous aussi, nous réfléchissons !

M. Sylvain Maillard. Vous avez indiqué que le coût de la mesure proposée par nos collègues serait de 210 millions en 2019. Ce coût correspond-il uniquement à un décaissement de quatre mois ?

M. Olivier Véran, rapporteur général. Oui.

M. Sylvain Maillard. Merci pour cette précision.

Mme Caroline Janvier. La majorité serait favorable à ce qu’un effort soit fait sur la question de la prime à la naissance, mais elle est aussi responsable. Les dépenses publiques représentent, vous le savez, 57 % de notre PIB et notre dette équivaut pratiquement à notre production annuelle. La France vient enfin de sortir de la procédure pour déficit excessif. Si nous augmentons la dette, ce sont, soit nos concitoyens, notamment les classes moyennes, soit les générations futures qui devront payer. Nous avons fait le choix, dans le cadre du PLFSS, de privilégier les classes les plus défavorisées, mais la suppression de la taxe d’habitation et des cotisations sociales permettra d’augmenter le pouvoir d’achat des classes moyennes. Encore une fois, nous ne pouvons pas, hélas ! accéder à toutes les demandes, même si elles sont légitimes. Nous pourrons cependant toujours y revenir lors de l’examen des prochains budgets.

M. Guillaume Chiche. Je suis, moi aussi, attaché à l’importance du déficit et aux comptes des différentes branches de la sécurité sociale. Là n’est pas le sujet. On parle d’un effort de trésorerie, non pas d’un effort budgétaire, qui apportera de la cohérence. Les familles dans le besoin sont aujourd’hui obligées de contracter un micro-crédit à la caisse d’allocations familiales pour pouvoir passer le cap de l’accouchement ! Que l’aide soit versée avant ou après l’accouchement ne change rien aux finances de l’État : il s’agit d’un effort de trésorerie de 210 millions d’euros sur une seule année. À un moment où nos concitoyens sont en demande de compréhension de notre fiscalité et ont une certaine défiance à l’égard du consentement à l’impôt, il est de notre responsabilité de rétablir la clarté dans nos politiques publiques. Je vous mets au défi d’expliquer aux Françaises et aux Français les raisons pour lesquelles, de manière tout à fait contre-intuitive, on verse une prime à la naissance après la naissance : je ne pense pas que cela puisse être de bonne logique pour eux.

M. Laurent Pietraszewski. On peut certes appréhender l’amendement sous l’angle financier et insister sur notre sens des responsabilités, dont nous ne pouvons que nous féliciter. Nous sommes tous comptables, en effet, des choix opérés en matière de finances publiques – produit des impôts que nous collectons auprès des particuliers et des entreprises.

Mais il faut également souligner qu’il existe une solution opérationnelle. Je suis allé à la caisse d’allocations familiales de ma circonscription : j’y ai rencontré des assistantes sociales qui, sur le fondement de critères sociaux, sont en mesure de permettre l’avance du versement de certaines prestations. Faut-il instaurer un système généralisé et automatique ? N’est-il pas préférable de conserver un dispositif qui fonctionne et qui prend en compte des critères sociaux pour accorder ou pas une avance ? Dans la mesure où nous n’avons pas les marges de manœuvre financières disponibles, il est bon que les assistantes sociales décident au cas par cas si les aides ont lieu d’être avancées.

M. Gilles Lurton. Je n’ai pas du tout le même point de vue. Un tel dispositif contraint les familles les plus en difficulté à aller réclamer ces avances. En outre, la branche famille sera la seule branche excédentaire – et très largement – en 2019. C’est donc le moment de revenir sur une décision inique qui a permis en 2014 de faire gagner à l’État 210 millions d’euros de trésorerie. Nous proposons de récupérer cette somme aujourd’hui.

Vous invoquez une approche responsable de nos finances publiques. Je vous l’accorde mais nous sommes tout aussi responsables que vous en ce domaine. Quant aux Français, ils ne sont pas totalement irresponsables, budgétairement parlant, quand ils préparent l’arrivée d’un enfant dans leur foyer. Toute famille qui attend un enfant a besoin d’une aide avant la naissance. Cette évidence crève les yeux. S’il pouvait se dégager de ce PLFSS au moins une mesure favorable à la famille, ce devrait être celle-là !

M. Dominique Da Silva. Cet effort de trésorerie n’est pas une mince affaire ! Il s’agit tout de même d’un quart de milliard d’euros. Cela se ferait forcément au détriment d’autres allocations. On n’enlève rien aux familles. En France, on fait quand même beaucoup de choses sur le plan social. Il faut parfois faire des choix et celui-ci est raisonnable.

La commission rejette successivement ces amendements.

Elle en vient à l’amendement AS291 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise à préciser à l’article L. 521-1 du code de la sécurité sociale que les allocations familiales sont universelles. Les mesures prises sous le précédent quinquennat pour moduler ces allocations ont en effet porté un coup à leur universalité.

M. Olivier Véran, rapporteur général général. Cet amendement, tel qu’il est rédigé, ne changerait rien au droit existant : les allocations familiales, bien que modulées en fonction des revenus, sont toujours universelles.

La modulation des allocations familiales en fonction des revenus a permis de remédier au caractère anti-redistributif de la politique familiale en France. Mon avis est défavorable. D’après les enquêtes d’opinion, près de 80 % des Français et 79 % des parents qui ont été touchés par la modulation sont favorables à cette réforme.

M. Gilles Lurton. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission aborde l’amendement AS323 de Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport évaluant les effets d’un rétablissement progressif du quotient familial et de la suppression de la modulation des allocations familiales en fonction des ressources. L’an dernier, nous avions obtenu l’engagement d’une grande concertation sur la politique familiale mais le rapport de MM. Chiche et Lurton a été avorté. Nous souhaitons donc pouvoir revenir sur cette question.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Il est vrai que nous avons été déçus de ne pas pouvoir examiner ni voter ce rapport sur la politique familiale dans le cadre de la mission qui avait été confiée à deux de nos collègues.

Vous voulez obtenir un rapport ciblé sur la modulation des allocations familiales. Ce n’est pas forcément sur ce point-là que les corapporteurs avaient été en désaccord tel que le rapport n’a pas pu être publié. Je ne suis pas sûr qu’il faille demander un nouveau rapport. Si on le fait, le confiera-t-on aux mêmes parlementaires, dans les mêmes conditions, avec les mêmes résultats ? Rejoue-t-on le match de l’année dernière ou dessaisit-on de cette mission les deux corapporteurs qui ont pourtant fait un travail très important et qui n’ont pas pu faire valoir leurs conclusions ? Ce travail sur la politique familiale nous manque mais vu ce qui s’est passé l’année dernière, je ne suis pas certain que ce soit au Parlement de le faire. Avis défavorable.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Maintenez-vous votre amendement, madame Elimas ?

Mme Nathalie Elimas. Oui. Nous pourrions prendre acte de cette volonté en votant notre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS26 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Il s’agit aussi d’adresser une demande de rapport au Gouvernement. En effet, dans le cadre du travail que j’ai accompli avec un autre membre de notre commission et qui a finalement avorté, nous avons été confrontés à une difficulté majeure : celle de ne pouvoir obtenir du Gouvernement, et notamment de l’administration de Bercy, les simulations dont nous aurions eu besoin pour faire différentes propositions en matière d’allocations familiales. Nous avions notamment fait une proposition sur les conséquences de l’intégration des allocations familiales dans le revenu fiscal sous conditions d’un retour à l’universalité totale et de la suppression de la modulation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Nous avons instamment demandé des chiffres au Gouvernement sans jamais pouvoir les obtenir. Je ne dis pas qu’il faut adopter cette mesure mais que pour pouvoir se prononcer sur des propositions issues de ce projet de rapport, nous avons besoin de simulations chiffrées qu’en tant que parlementaires, nous n’avons pas la possibilité d’établir. Il n’est absolument pas normal qu’un gouvernement ne soutienne pas les parlementaires dans ce type de travail en refusant de communiquer des chiffres.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Pour les raisons évoquées précédemment, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 47 : Harmonisation des modalités d’indemnisation du congé de maternité

La commission adopte l’article 47 sans modification.

Après l’article 47

La commission étudie les amendements identiques AS34 de Mme Marie-Pierre Rixain et AS523 de M. Thomas Mesnier.

Mme Marie-Pierre Rixain. Cet amendement vise à permettre aux travailleuses indépendantes de reporter et de moduler, au cours de leur congé maternité, le paiement de leurs cotisations sociales. Le congé maternité est essentiel pour la santé de la mère et de l’enfant. Les femmes travaillant sous le statut indépendant ne sont pas toutes égales face à la maternité. De nombreux facteurs peuvent influer sur leur accès à un congé maternité effectif et à un réel repos maternel durant l’ensemble de la durée du congé maternité : la taille de l’entreprise, le statut social de la cheffe d’entreprise et le secteur d’activité concerné – autant de paramètres qui varient au cas par cas et n’offrent pas toujours le même confort aux femmes pour aborder leur maternité. Cela constitue une iniquité au regard d’une protection sociale pourtant absolument essentielle pour toutes, tant sur le plan physiologique que psychologique, pour créer un réel lien entre la mère et l’enfant. Certaines femmes travailleuses indépendantes sont amenées à consacrer une partie de leurs indemnités journalières aux appels de cotisations sociales durant leur congé maternité. Ces indemnités journalières sont pourtant censées être un revenu de remplacement et ne doivent normalement en aucun cas pallier des problèmes de trésorerie dus à des recouvrements de charges ou de cotisations. En conséquence, certaines travailleuses indépendantes se retrouvent avec un reste à vivre très faible durant leur congé maternité et sont alors dans une situation précaire, source d’angoisse.

Cet amendement vise donc à permettre aux travailleuses indépendantes d’obtenir un report systématique des délais de paiement de leurs cotisations sociales afin que les indemnités journalières soient véritablement un revenu de remplacement et que ces femmes n’aient plus à subir la pression financière qui peut parfois peser sur elles.

M. Thomas Mesnier. L’amendement AS523 est défendu.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je salue tout d’abord le travail remarquable que vous avez fait sur ces questions, madame Rixain. Vous soulignez que si dans le droit, la mesure que vous portez est globalement satisfaite, elle n’est pas suffisamment connue. Surtout, vous proposez le paiement des cotisations à compter de la fin du congé maternité par fractions annuelles sur une période de cinq ans maximum. C’est un dispositif particulièrement avantageux qui pourrait permettre aux travailleuses indépendantes de prendre un congé maternité pendant une période suffisamment longue, ce qu’elles ne font pas aujourd’hui – comme vous l’avez mentionné. Avis favorable.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques AS35 de Mme Marie-Pierre Rixain et AS524 de M. Thomas Mesnier.

Mme Marie-Pierre Rixain. Cet amendement vise à informer les travailleuses indépendantes enceintes de leurs droits au report des cotisations sociales.

M. Thomas Mesnier. L’amendement AS524 est défendu.

Suivant l’avis favorable du rapporteur général, la commission adopte ces amendements.

Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques AS37 de Mme Marie-Pierre Rixain et AS528 de M. Thomas Mesnier et les amendements identiques AS42 de Mme Marie-Pierre Rixain et AS529 de M. Thomas Mesnier.

Mme Marie-Pierre Rixain. Les amendements AS37 et AS528 visent, eux aussi, à protéger le congé maternité des travailleuses indépendantes. Comme je le soulignais, ce congé est essentiel pour la santé de la mère et de l’enfant.

De nombreuses études internationales attestent de l’intérêt du congé de maternité, tant avant qu’après l’accouchement. Le congé prénatal permet une disponibilité physique et mentale de la future mère pour préparer la naissance. Le congé post-natal est nécessaire tant sur le plan physiologique – pour éviter la fatigue post-partum et les risques d’involution de l’utérus – que psychologique. C’est en effet une période privilégiée permettant d’établir le lien d’attachement entre la mère et l’enfant, et d’installer un allaitement maternel.

Pour que les femmes travailleuses indépendantes s’arrêtent véritablement huit semaines – période de congé maternité minimale incompressible –, et pour éviter que la pression économique ne les amène à reprendre totalement leur activité avant la fin de la période légale qui sera portée à 112 jours de congés, il est nécessaire de mettre en œuvre une approche souple et pragmatique, adaptée à la réalité des contraintes que les femmes rencontrent dans le cadre de leur activité.

Aussi, ces amendements visent à autoriser une reprise progressive et plafonnée de l’activité afin de concilier les enjeux de santé publique inhérents au congé maternité et les contraintes économiques liées au statut des travailleuses indépendantes. Il ne s’agit évidemment en aucun cas de remettre en cause la période de repos maternel, incompressible et obligatoire, de huit semaines. Nombre de travailleuses indépendantes sont obligées de maintenir une activité pendant leur congé maternité pour faire face aux contraintes qui s’imposent à elles. Notre proposition s’inspire de celles du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA).

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous faites le constat que les travailleuses indépendantes, pour ne pas perdre leur clientèle ou leur activité, sont contraintes de reprendre cette activité en dehors des clous et donc de toute protection. C’est le principe de réalité qui préside à ces amendements. Vous proposez en outre d’instaurer des garde-fous importants, le premier d’entre eux étant que la période de huit semaines d’arrêt complet soit incompressible. Vous proposez ensuite, pendant un mois, un jour de reprise par semaine, et pendant le mois suivant, un à deux jours de travail par semaine pour éviter que la pression économique contraigne les travailleuses indépendantes à reprendre totalement leur activité avant la fin du congé maternité. Face à votre constat, il est difficile d’être contre de telles mesures mais il est absolument exclu d’étendre un tel dispositif aux salariés – qui ne subissent pas une telle pression économique. Je le précise car cette inquiétude m’a été relayée. Avis favorable.

Mme Marie-Pierre Rixain. Les amendements AS42 et AS529 visent à compléter les précédents en prévoyant, pour les femmes qui souhaiteraient bénéficier du dispositif, un report d’une partie de leur congé maternité à l’issue des 112 jours. Je vous confirme, monsieur le rapporteur général, que cette mesure ne saurait avoir d’effet de propagation sur le salariat. Au Danemark, par exemple, cette mesure a été mise en place pour les travailleuses indépendantes et ne concerne que ces dernières. Les équivalents-journées d’indemnités journalières non prises pourront être reportées à la fin du congé légal de 112 jours. Nous proposons une expérimentation à l’issue de laquelle un bilan pourra être rendu, via un rapport d’évaluation.

.M. Olivier Véran, rapporteur général. Ces deux amendements deviendront sans objet si nous adoptons les amendements identiques AS37 et AS528, auxquels je suis favorable.

La commission adopte les amendements identiques AS37 et AS528.

En conséquence, les amendements AS42 et AS529 deviennent sans objet.

La commission étudie l’amendement AS596 de Mme Caroline Janvier.

Mme Caroline Janvier. Le recours effectif au congé de paternité est essentiel à l’égalité entre les femmes et les hommes mais aussi à la protection de l’enfant et de la mère. On sait combien la présence du père auprès de l’enfant pendant les premiers jours et les premiers mois est indispensable.

En septembre dernier, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a produit un rapport pour évaluer le dispositif : il montre que le recours au congé de paternité, qui concerne sept pères sur dix, stagne depuis 2003. L’IGAS a fait plusieurs propositions pour améliorer la situation. Certaines nécessitent des financements et nous ne pourrons donc les mettre en œuvre pour les raisons évoquées précédemment. Il en est une ayant peu d’incidence qui concerne les demandeurs d’emploi puisque le taux de recours au congé de paternité chez les demandeurs d’emploi n’est que de 13 %, contre 80 % pour les personnes en CDI et 88 % pour les fonctionnaires. Cette mesure vise à faire en sorte que les chômeurs n’aient pas à faire de démarche active de recherche d’emploi pendant ce congé, ce qui est le cas actuellement alors qu’aucune obligation ne pèse sur les salarié. Elle tend également à faire en sorte que la durée du congé ne soit pas comptabilisée dans la durée d’indemnisation du chômage. Ces deux dispositions permettraient d’augmenter le taux de recours au congé de paternité.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Si l’amendement a été déclaré recevable au titre de l’article 40 de la Constitution, c’est qu’il est déjà satisfait par le droit en vigueur. Les demandeurs d’emploi peuvent en effet bénéficier d’un congé de paternité indemnisé, en vertu du décret 2002-1324 du 4 novembre 2002 relatif à l’application du congé paternité aux demandeurs d’emploi.

S’agissant de la question de savoir s’ils peuvent suspendre leur recherche d’emploi pendant cette période, une instruction de Pôle emploi du 24 novembre 2011 relative à la procédure de radiation de la liste des demandeurs d’emploi le prévoit.

Il nous a fallu du temps pour trouver cette réponse, ce qui signifie qu’il y a un manque d’information sur ces dispositions. Sans doute faut-il donc renforcer cette information mais il n’est pas nécessaire de modifier le droit. Je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Article 48 : Mesures en faveur des travailleurs indépendants : convergence des règles en matière de prestations en espèces vers le régime général             

La commission adopte l’article 48 sans modification.

Article 49 : Amélioration du recouvrement de diverses sommes par les organismes de sécurité sociale

La commission est saisie des amendements identiques AS102 de M. Alain Ramadier, AS142 de Mme Carole Grandjean, AS151 de M. Gilles Lurton, AS176 de M. Stéphane Viry, AS208 de M. Pierre Dharréville, AS275 de Mme Isabelle Valentin, AS440 de M. Brahim Hammouche et AS558 de M. Joël Aviragnet.

M. Alain Ramadier. En permettant le recouvrement des prestations versées à tort par la retenue possible sur l’ensemble des prestations et minima sociaux dont la personne est bénéficiaire, le dispositif prévu à cet article vide les prestations sociales de leur contenu. L’ensemble des prestations versées ont des finalités et des modalités de calcul différentes et sont le résultat de mécanismes différents. Si nous ne pouvons qu’être favorables à un meilleur recouvrement des prestations versées à tort, il importe de ne pas menacer l’équilibre précaire de certaines familles et donc de veiller au respect du principe d’insaisissabilité des prestations sociales.

J’exprimerai aussi une inquiétude : qui qualifiera la fraude générant une majoration de 50 % de l’aide reçue à tort ? Votre texte manque de précision sur ce point.

Pour toutes ces raisons, je demande la suppression de l’article 49.

Mme Carole Grandjean. L’amendement AS142 est défendu.

M. Gilles Lurton. L’amendement AS151 l’est aussi.

M. Stéphane Viry. L’amendement AS176 également.

M. Pierre Dharréville. Les prestations en espèce de l’assurance maladie sont des revenus pour lesquels les personnes ont cotisé et qui viennent remplacer des revenus du travail à la suite de la survenue d’un risque. Les minima sociaux garantissent des ressources minimales de subsistance aux personnes ayant des faibles revenus. À cet effet, la loi a d’ailleurs prévu qu’un certain nombre d’entre eux soient insaisissables – je pense à l’allocation pour adulte handicapé (AAH) et à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – ou partiellement saisissables selon un barème encadré.

Or, l’article 49 vient remettre en cause ces principes en permettant de récupérer des indus de prestations sur toutes les autres prestations sans distinction, y compris les minima sociaux et des prestations en espèces de l’assurance maladie. Cet article fragilisant les personnes ayant des faibles revenus, nous en demandons la suppression.

Mme Isabelle Valentin. L’article 49, qui a tout de même soixante-seize alinéas, est contraire à l’esprit de la loi puisqu’il fragilise des personnes ayant de faibles revenus.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement AS440 est défendu.

M. Joël Aviragnet. Je voudrais exprimer mon inquiétude concernant les répercussions que peut avoir ce type de mesure sur l’éducation et le soin des enfants dans les familles qui sont déjà en grande difficulté.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Tous ces amendements de suppression procèdent d’un malentendu sur le dispositif de l’article. La retenue fongible existe déjà pour les prestations versées par la branche famille. Lorsque des prestations sont versées indûment à des allocataires, elles peuvent, avec l’accord de l’allocataire, être récupérées en interbranches de la protection sociale pour éviter l’envoi d’un huissier. Si l’allocataire qui doit rembourser l’indu ne souhaite pas le faire, le prélèvement n’est pas effectué. Cela se fait sur la base du volontariat. Je vous propose donc de retirer vos amendements sans quoi j’y serai défavorable.

M. Joël Aviragnet. Je ne comprends pas l’utilité de ce type d’article.

La commission rejette ces amendements.

Elle étudie l’amendement AS469 de M. Brahim Hammouche.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il s’agit de surseoir à l’application de la mesure permettant le recouvrement des prestations versées à tort par la retenue possible sur l’ensemble des prestations et minima sociaux dont la personne est bénéficiaire et de la reporter après l’entrée en vigueur du revenu universel d’activité.

M. Olivier Véran, rapporteur général. C’est grâce à cet article que nous pourrons faire tout le travail de réflexion sur les systèmes d’information qui permettra justement d’envisager l’instauration du revenu universel d’activité.

En outre, l’ensemble des pensions et des prestations maladie sont également concernées. Je vous propose de retirer votre amendement sans quoi j’y serai défavorable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Comme c’est un amendement de mon collègue M. Brahim Hammouche, je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 49 sans modification.

Après l’article 49

La commission aborde l’amendement AS127 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Le présent amendement vise à inscrire dans la loi une proposition issue du dernier rapport du Défenseur des droits paru le 7 septembre 2017 sur la fraude aux prestations sociales. Ce rapport met en lumière les carences dans la définition de la fraude et les dérives de cette lutte – suspension d’une prestation avant le jugement, ciblage des suspects, non-prise en compte des oublis et des erreurs non intentionnelle – au mépris des droits des usagers. Afin d’éviter les abus, nous proposons de mieux définir la fraude en prenant en compte l’intention frauduleuse.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement est totalement satisfait par le droit depuis l’adoption de la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC). Je m’en suis même assuré en entretien avec le Défenseur des droits. Nous sommes convenus de nous assurer, chacun de notre côté, que cette nouvelle disposition serait bien appliquée. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. Alain Bruneel. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Article 50 : Modernisation de la délivrance des prestations sociales

La commission est saisie de l’amendement AS233 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Durant l’été 2017, le Gouvernement a réduit de 5 euros les APL pour les familles les plus pauvres. Sous prétexte de simplification, l’objectif de cet article est de réaliser un milliard d’euros d’économie sur le dos des plus pauvres. Certains bénéficiaires verront donc progresser la part de leur budget consacrée au logement. Qui plus est, la déclaration tous les trois mois sur le site de la CAF amplifiera les inégalités d’accès aux droits, puisque tous les bénéficiaires n’ont pas accès à internet. Telles sont les raisons de la demande de suppression de l’article.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous soulevez la question du montant des APL qui a occupé les débats parlementaires dans le cadre de l’examen du PLF pour 2018, mais ce n’est pas du tout l’objet de l’article 50.

L’objet de cet article est de créer une super-base de données qui permettra de verser les allocations sociales aux bénéficiaires en fonction de leurs besoins, contemporains de leur demande, et non plus des besoins qui étaient les leurs un ou deux ans auparavant. Ainsi, un étudiant percevra les APL l’année où il étudiera, et non plus deux ans plus tard. Cette base de données est une condition sine qua non du versement social unique, lequel a été salué unanimement par l’ensemble des associations comme une avancée, dans le cadre du plan pauvreté. Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Pierre Dharréville. Je vais étudier les choses de plus près.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 50 sans modification.

Après l’article 50

La commission l’amendement AS128 de M. Pierre Dharréville.

M. Alain Bruneel. Cet amendement vise à mobiliser ces outils de lutte contre la fraude, notamment le répertoire national commun de la protection sociale, au service de la diminution du non-recours aux droits sociaux.

Si de nombreux outils, comme les échanges d’informations entre administrations ou le renforcement des sanctions contre les allocataires, ont été mis en place pour détecter et sanctionner la fraude sociale, peu a été fait pour lutter contre le non-recours aux droits – 30 % des bénéficiaires potentiels du RSA, par exemple, ne le demandent pas.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Votre amendement est déjà satisfait par l’adoption de l’article 50, qui confie, pour la première fois, aux organismes de sécurité sociale une nouvelle mission de lutte contre le non-recours aux prestations sociales. Je vous suggère de le retirer.

M. Alain Bruneel. En attendant d’étudier plus avant l’article 50, je vous fais confiance et retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission en vient à l’amendement AS645 de Mme Éricka Bareigts.

Mme Éricka Bareigts. Il semble important d’améliorer la transparence concernant le fléchage et la répartition des crédits du fonds d’intervention régional – FIR – : les instances de démocratie en santé que sont les conférences régionales de santé et de l’autonomie doivent être consultées et informées chaque année par les ARS quant à l’utilisation des crédits du FIR, selon les principes de bonne gouvernance.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je partage votre volonté de transparence, mais votre amendement est satisfait : l’article L. 1432-2 du code de la santé publique dispose qu’une fois par an, le directeur général de l’ARS rend compte à la conférence régionale de la santé et de l’autonomie de la mise en œuvre de la politique régionale de santé, dont la gestion du FIR fait évidemment partie. Je vous propose de retirer cet amendement.

M. Francis Vercamer. Cela figure bien dans la loi, mais ce n’est pas appliqué !

Mme Éricka Bareigts. Je vais donc réfléchir à une autre approche. Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Titre IV
Dotations et objectifs de dépense des branches et des organismes
concourant au financement des régimes obligatoires

Article 51 : Dotation de l’assurance-maladie au FMESSP, à l’ONIAM, et de la CNSA aux ARS

La commission adopte l’article 51 sans modification.

Après l’article 51

La commission examine l’amendement AS94 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

M. Paul Christophe. L’amendement est défendu

M. Olivier Véran, rapporteur général. Je vous propose de le retirer, dans la mesure où le fonds existe et que sa dotation est portée de 450 millions à 650 millions d’euros.

L’amendement est retiré.

Chapitre V

Dispositions relatives aux dépenses de la branche maladie

Article 52 : Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

La commission adopte l’article 52 sans modification.

Article 53 : ONDAM et sous-ONDAM

La commission examine les amendements identiques AS112 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS632 de M. Pierre Dharréville.

M. Paul Christophe. La nouvelle convention médicale conclue en 2016 se traduit par des augmentations importantes des charges. Cette évolution est en cohérence avec le virage ambulatoire annoncé, mais il reste à s’assurer que ces dépenses nouvelles auront des effets restructurants, réorganisateurs, qu’elles limiteront les hospitalisations évitables, et ne se cantonneront pas à de simples mais très coûteux effets de revenus additionnels.

De ce point de vue, il manque encore un dispositif prudentiel sur la médecine de ville, à la hauteur de la sur-exécution de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – de 2016, de 2017, de 2018 déjà annoncée, et à prévoir par construction pour 2019. C’est la raison pour laquelle cet amendement propose un partage plus équilibré de l’effort.

M. Pierre Dharréville. L’ONDAM, fixé à 2,5 % en 2019, paraît largement en-deçà des besoins de financement du service public hospitalier et manque singulièrement d’ambition pour couvrir les besoins en santé de nos concitoyens.

Cet amendement propose une nouvelle répartition de l’ONDAM en faveur des hôpitaux, de la prise en charge de la dépendance et du handicap. Il n’y a pas lieu que les efforts qui ne sont pas demandés à la médecine de ville soient consentis en totalité par les établissements de santé publique.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Même avis que celui émis hier sur les amendements à l’article 6. Vous souhaitez rétrocéder 600 millions d’euros de l’ONDAM soins de ville vers les autres sous-objectifs. Cela me semble d’autant plus contestable de le faire à cet article que celui-ci témoigne d’une plus forte hausse des dépenses des établissements de santé que des soins de ville – 2,7 % contre 2,2 %. Par ailleurs, l’expérimentation d’une réserve prudentielle de 120 millions d’euros sur la ville est prévue pour la première fois cette année. Avis défavorable.

M. Alain Bruneel. Il faut quand même reconnaître que la situation dans les hôpitaux et dans les EHPAD est dramatique. L’augmentation, prévue à 2,3 %, est finalement de 2,5 % mais tout le monde sait que la croissance tendancielle est de 4,5 %. L’économie de 3,6 milliards demandée aux établissements de santé n’est pas négligeable. Nous demandons qu’une réflexion soit menée, car le budget des hôpitaux, même en augmentation, reste insuffisant au regard des besoins en matériels et en personnels.

La commission rejette ces amendements.

La commission examine les amendements identiques AS170 de M. Stéphane Viry et AS570 de M. Joël Aviragnet.

M. Stéphane Viry. Le financement de la recherche et de l’innovation au sein des établissements publics de santé est actuellement confronté à des difficultés, voire à de véritables impasses de financement. Les montants des crédits fléchés n’ont parfois pas évolué depuis des années, voire ont été ponctionnés par des gels devenus définitifs. Cela empêche toute lisibilité et sérénité pour des missions nécessitant pourtant des projections sur le moyen et long terme.

Afin d’éviter que ces crédits fléchés ne servent de variable d’ajustement de l’ONDAM, il est proposé qu’ils fassent l’objet d’un financement sanctuarisé, à travers un sous-objectif spécifique de l’ONDAM.

M. Joël Aviragnet. L’amendement est défendu.

M. Olivier Véran, rapporteur général. L’intention est louable, mais je ne pense pas que l’existence d’un sous-objectif permette de sanctuariser quoi que ce soit. C’est d’ailleurs ce qui a été souvent reproché aux gouvernements successifs. Avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite l’article 53 sans modification.

Après l’article 53

La commission examine l’amendement AS339 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. La mise en place d’une réserve prudentielle dans le secteur hospitalier a permis de faire respecter l’ONDAM, mais un tel système n’existe pas pour la médecine libérale. L’objet de cet amendement est d’équilibrer les efforts, comme nous y a d’ailleurs invités la Cour des comptes en demandant « une mise à contribution de l’ensemble des secteurs de l’offre de soins (…) afin d’en assurer le respect, y compris les soins de ville qui en ont été à ce jour exemptés pour l’essentiel. ».

M. Olivier Véran, rapporteur général. Nous avons évoqué cette question avec le Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui était auditionné la semaine dernière. Tout le monde, ou presque, souhaite que l’ONDAM de ville soit respecté, au même titre que l’ONDAM hospitalier, mais c’est en pratique très compliqué. Une enveloppe fermée pour l’activité des médecins libéraux supposerait une valeur variable de l’acte de la consultation : cela nous ramène à un débat vieux d’un quart de siècle, et qui s’est mal terminé. Je ne pense pas qu’il soit dans l’intention du Gouvernement d’emprunter cette voie.

En revanche, des outils de maîtrise médicalisée permettent de progresser de façon manifeste et, pour la première fois, une réserve prudentielle de 120 millions d’euros pour les soins de ville sera expérimentée en 2019. Même prudente, c’est une avancée. Je vous invite donc à retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 54 : Dotations au FIVA, au FCAATA et transfert au titre de la sous-déclaration AT-MP

La commission adopte l’article 54 sans modification.

Après l’article 54

La commission est saisie de deux amendements identiques AS117 de M. Pierre Dharréville et AS561 de M. Joël Aviragnet.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement reprend une recommandation du rapport d’information parlementaire n° 4487 de février 2017 sur l’épuisement professionnel, ou burn out, des députés Yves Censi et Gérard Sebaoun.

Il est proposé que la commission chargée d’apprécier la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles évalue également le coût des pathologies psychiques liées au travail, actuellement supporté par l’assurance maladie. Il est temps d’avancer sur cette question importante !

M. Joël Aviragnet. Chaque année, la branche accidents du travail et maladies professionnelles – AT-MP – reverse une somme importante à la branche maladie pour tenir compte de la sous-déclaration des accidents du travail des maladies professionnelles. Nous souhaitons donc qu’il soit tenu compte du burn out dans le coût des maladies psychiques liées au travail, actuellement supporté par l’assurance maladie.

M. Olivier Véran, rapporteur général. La réponse à cette question dépend entièrement de la reconnaissance du burn out en accidents du travail et maladies professionnelles. Sans préjuger du débat que nous aurons par la suite, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette ces amendements.

Avant l’article 55

La commission est saisie de de l’amendement AS211 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Cet amendement s’inspire d’une proposition du rapport parlementaire « Maladies professionnelles dans l’industrie : mieux connaître, mieux reconnaître, mieux prévenir », reprise par M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes lors de son audition le 9 octobre.

Il s’agit de relever les taux de cotisations auprès de la branche AT-MP des entreprises présentant une sinistralité anormalement élevée. Cette tarification des risques professionnels permettrait de dégager des fonds pour la réparation, l’évaluation et la prévention des risques professionnels, participerait à la promotion de la santé au travail et aurait des vertus préventives.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Les taux de cotisations des entreprises de plus de 20 salariés varient déjà en fonction de leur niveau de sinistralité. Pour les entreprises de 20 à 150 salariés, la part individuelle du taux mixte qui leur est applicable – celle qui est directement liée à la sinistralité – a été augmentée pour atteindre un plancher de 10 %. Pour les entreprises de plus de 150 salariés, le taux de cotisations, dit « taux individuel », prend en compte l’intégralité des coûts moyens des accidents du travail et maladies professionnelles survenus dans l’établissement.

Quant aux entreprises de moins de 20 salariés, au taux collectif, elles pourront bénéficier d’une prime liée à la diminution du risque dès 2022 si elles mettent en place des mesures de prévention.

Mais il est vrai que la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles doit être davantage développée dans les entreprises. Ce sera l’un des objectifs du futur projet de loi sur la santé au travail, qui fera suite aux excellents travaux de notre collègue Charlotte Lecocq et qui devrait être examiné en 2019. Avis défavorable.

Mme Charlotte Lecocq. Sur le fond, je partage l’idée d’accentuer cette sorte de « malus » appliqué aux entreprises qui ne seraient pas engagées dans une démarche de prévention et dont les taux de sinistralité seraient élevés. Cela fait partie des recommandations de mon rapport sur la « Santé au travail ».

Toutefois, une concertation avec les partenaires sociaux s’ouvrira fin octobre, et elle devrait déboucher sur le projet de loi qui sera présenté en 2019. Il serait dommage d’en préempter les conclusions et de ne pas laisser aux partenaires sociaux le temps de la négociation.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je souligne que cette discussion fait aussi écho aux travaux de la commission d’enquête présidée par Julien Borowczyk et dont le rapporteur était Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Merci, madame la présidente. La variation des taux entre les entreprises en fonction de leur politique de prévention, mais surtout de la sinistralité avérée, est insuffisante. Plusieurs cas ont été rapportés à la commission d’enquête et j’ai en tête l’exemple d’une association qui défend la santé au travail, dont le taux n’était pas très différent de celui appliqué à la grande multinationale voisine, alors que leurs taux de sinistralité respectifs étaient incomparables. Il faut franchement avancer sur cette question !

Cet amendement ne réglera pas tous les problèmes, mais le dispositif proposé permettrait de placer la barre à un niveau satisfaisant et serait plus équitable pour les entreprises qui ne déclarent pas d’accident – même si on sait qu’il existe une sous-déclaration des accidents du travail. Enfin, les ressources ainsi dégagées financeraient utilement les politiques en faveur de la santé au travail. Il faut, dans ce domaine, des engagements forts.

M. Francis Vercamer. Madame Lecocq, on nous a dit la même chose des dispositions qui seront dans « Ma santé 2022 » : on ne peut rejeter un amendement au motif qu’un projet de loi arrivera prochainement en discussion ! Et demain, lorsque le même amendement sera présenté au projet de loi, on rétorquera à son auteur qu’il relève davantage du PLFSS…

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS577 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Cet amendement vise à introduire la notion de conditions de travail délétères, au point d’altérer la santé physique ou mentale d’un travailleur, dans le processus d’élaboration des maladies à caractère professionnel, en particulier le burn out.

La reconnaissance de maladies avérées comme maladie à caractère professionnel est possible : elle relève d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qui examine le dossier et rend un avis qui s’impose à la caisse. Cette voie de reconnaissance est particulièrement ardue et soumise à un taux d’invalidité partielle permanente particulièrement élevé, de 25 % minimum.

Il convient donc de réfléchir rapidement à la révision de ce barème indicatif, qui ne correspond plus à la réalité de ces nouvelles pathologies liées à la souffrance au travail, et qui empêche quasiment toute mesure et toute reconnaissance réelle de celles-ci.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Les évolutions du dispositif de reconnaissance des maladies professionnelles par la voie complémentaire ont permis d’améliorer la prise en charge des affections psychiques. La possibilité de voir une pathologie psychique reconnue comme étant d’origine professionnelle est désormais inscrite à l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, le décret du 7 juin 2016 relatif à l’amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles a permis d’accélérer le traitement des dossiers de demande de reconnaissance.

L’amélioration du dispositif s’est traduite par une augmentation du nombre de pathologies psychiques reconnues comme des maladies professionnelles : de moins d’une centaine en 2011, elles sont passées à plus de 900 en 2017. Dans ce contexte, je ne peux donner un avis favorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 55 : Objectifs de dépenses de la branche AT-MP

La commission examine l’amendement AS474 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Les plans de santé au travail ont permis une mobilisation de l’ensemble des acteurs autour des enjeux de la prévention des risques professionnels et de la qualité de vie au travail. L’excellent rapport de Charlotte Lecocq remis en août 2018 affiche comme objectif de faire de la France l’un des pays européens les plus performants et innovants en matière de prévention dans le domaine de la santé au travail.

En adoptant cet amendement, qui prévoit que les objectifs de dépenses de la branche AT-MP comprennent un sous-objectif de prévention pour la santé dans les entreprises, nous nous donnerons les moyens de cette ambition.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Comme je l’ai déjà expliqué, la création d’un sous-objectif n’est pas une garantie de moyens. La branche consacre déjà une part importante de ses moyens à la prévention : le réseau des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail – CARSAT – compte 2 000 salariés et 3,3 milliards d’euros ont été dépensés en 2016. Par ailleurs, un travail de concertation sur la santé au travail sera bientôt engagé avec les partenaires sociaux. Je ne peux donc pas donner un avis favorable sur cet amendement.

M. Francis Vercamer. Plutôt que de siphonner les excédents de la branche AT-MP pour équilibrer les autres branches, il vaudrait mieux prévoir un sous-objectif, conformément aux recommandations du rapport de Charlotte Lecocq.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS476 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement de repli prévoit que le Gouvernement remet un rapport sur cette question.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 55 sans modification.

Avant l’article 56

La commission est saisie de l’amendement AS50 de M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Puis la commission examine l’amendement AS168 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Pour alimenter, certes prématurément, nos futurs débats sur la réforme des retraites, je souhaite présenter cet amendement qui repose sur un constat : l’application aux fonctionnaires de la même règle qu’aux salariés du privé – les 25 meilleures années, à la limite du plafond de la Sécurité sociale, sont prises en compte dans le calcul de la retraite – est rejetée au motif que les relevés de carrière ne seraient pas disponibles. La modification du mode de calcul de la retraite des fonctionnaires serait donc caduque.

Cependant, la loi Le Pors du 13 juillet 1983, socle légal du statut des fonctionnaires, impose aux administrations de conserver dans le dossier du fonctionnaire toutes les pièces relatives à sa situation administrative, et ce pendant quatre-vingt-dix ans. Rien, selon moi, ne s’oppose donc à un alignement du calcul de la retraite des fonctionnaires sur celui des salariés du privé.

M. Olivier Véran, rapporteur général. Vous souhaitez anticiper la réforme des retraites ! L’écart entre les 6 derniers mois, pour la fonction publique, et les 25 meilleures années, pour le régime général, n’aura plus de sens dans un système où le point remplacera l’annuité. Compte tenu des prochains débats, qui mobiliseront particulièrement cette commission, vous imaginez bien que je ne puis donner qu’un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement AS267 de Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

M. Adrien Taquet. Nous sommes en direct et, avant que ce débat ne se termine, je voudrais rassurer les familles qui sont probablement devant leur écran : il a été dit, lors de l’examen de l’article 40, que les troubles dys étaient exclus de la stratégie nationale pour l’autisme. J’aimerais rectifier cette information. J’ai participé à l’élaboration de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles neuro-développementaux, à laquelle la Fédération française des dys a été associée. Les dys étant des troubles neuro-développementaux, le forfait « diagnotic précoce » leur sera bien appliqué.

Article 56 : Objectifs de dépenses de la branche vieillesse

La commission adopte l’article sans modification.

Article 57 : Objectif de dépenses de la branche famille

La commission adopte l’article sans modification.

Article 58 : Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires en 2019

La commission adopte l’article sans modification.

La commission adopte enfin l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 octobre 2018 à 16 heures 20

Présents. – M. Joël Aviragnet, Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, M. Belkhir Belhaddad, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Alain Bruneel, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Albane Gaillot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, M. Brahim Hammouche, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Fiona Lazaar, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, M. Bernard Perrut, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, M. Adrien Taquet, Mme Élisabeth Toutut-Picard, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner

Excusés. - Mme Michèle Peyron, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer

Assistaient également à la réunion. - M. Thibault Bazin, M. Philippe Berta, M. Bruno Fuchs, Mme Marie-Pierre Rixain