Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur les projets de loi suivants :

–Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité européenne des marchés financiers relatifs au siège de l'Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 1390) (M. Denis Masséglia, rapporteur) ;

–Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au protocole de Carthagène sur la prévention des risques (n° 1391) (Mme Bérengère Poletti, rapporteure) ;

–Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (n° 1566) (M. Claude Goasguen, rapporteur).


Mercredi
20 mars 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 50

session ordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Examen, ouvert à la presse, et vote sur trois projets de lois (n° 1390, n° 1391 et n° 1566).

La séance est ouverte à 9 heures 36.

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Autorité européenne des marchés financiers relatifs au siège de l'Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 1390) (M. Denis Masséglia, rapporteur).

M. Denis Masséglia, rapporteur. Madame la Présidente, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui saisis du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité européenne des marchés financiers relatif au siège de l’Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

Il s’agit d’un accord de siège classique visant à assurer le bon fonctionnement de cet organisme. Ses dispositions sont à la fois analogues à celles des autres accords de siège et conformes au droit de l’Union européenne. Elles n’entraînent aucune conséquence juridique en droit interne et l’installation à Paris de l’AEMF, organisme entièrement financé par l’Union européenne, n’entraîne aucun coût pour l’État.

Le contexte est le suivant. L’Autorité européenne des Marchés financiers fait partie du Système européen de surveillance financière, mis en place à la suite de la crise financière de 2008 par la commission européenne afin de prévenir les risques systémiques risquant de menacer la stabilité des marchés financiers. Le Système européen de surveillance financière, chargé de contribuer à l'élaboration d'un ensemble unique de règles visant à prévenir toute accumulation de risques susceptible de menacer la stabilité du système financier global, comprend notamment le Conseil européen du risque systémique, placé sous la responsabilité de la Banque centrale européenne, l’Autorité bancaire européenne située à Londres, l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, située à Francfort, et l’Autorité européenne des marchés financiers, située à Paris. Cette dernière est chargée de protéger les investisseurs, de promouvoir l’intégrité et la transparence des marchés et de renforcer le système financier en évaluant les risques, en informant les investisseurs, en édictant des normes techniques et en conseillant les institutions européennes dans l’établissement d’un cadre réglementaire uniforme pour les marchés de l’Union.

L’AEMF joue donc principalement un rôle d’harmonisation des règles communautaires relatives aux marchés financiers plutôt qu’un véritable rôle de surveillance, lequel est principalement exercé par les États membres.

L’AEMF emploie 229 agents permanents, dont 66 agents contractuels, 147 agents temporaires et 16 experts nationaux détachés. Une soixantaine de Français y travaillent.

Elle est gouvernée par deux organismes :

- un conseil des superviseurs composé des dirigeants des 28 autorités nationales de régulation de l’Union et de l’espace économique européen, du directeur de la Direction générale de la stabilité financière, des services financiers et de l'Union des marchés des capitaux, des dirigeants de l’Autorité bancaire européenne, de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et d’un représentant du Comité européen du risque systémique ;

- un conseil d’administration, composé de six membres choisis parmi ceux du conseil de surveillance, au sein duquel siège l’AMF.

Son budget pour 2017 s’élève à 42 millions d’euros, les principales contributions provenant des autorités nationales de régulation et de l’Union européenne. La France ne s’est pas engagée à une participation directe au financement de l’Autorité européenne des marchés financiers. Elle n’a pas pris non plus d’engagement quant aux coûts liés à l’installation du siège de l’agence à Paris.

Les dispositions de l’accord sont enfin, à quelques détails près, déjà en vigueur puisque s’applique, en l’absence d’accord de siège et depuis l’installation à Paris de l’AEMF en 2011, le protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne annexé au traité de l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

L’absence d’accord n’a donc jusqu’à présent créé aucune difficulté, mais le règlement européen du 24 novembre 2010, qui crée l’AEMF, prévoyait à son article 74 qu’un accord de siège devait être conclu et approuvé par l’État hôte d’une part, et le conseil d’administration de l’AEMF d’autre part.

Cet accord de siège permet donc de préciser certains points. Il précise ainsi que les privilèges et immunités mentionnés à l’article 11 du protocole sont accordés aux membres du conseil d’administration et du conseil des autorités de surveillance de l’AEMF ainsi qu’à leurs conseillers et experts techniques. Il précise d’autre part le régime des privilèges et immunités accordés aux experts nationaux détachés de l’Autorité et engage le gouvernement français à favoriser le détachement d’experts nationaux français auprès d’elle. En dehors de ces quelques points, dont la négociation a cependant pris cinq ans, l’accord de siège n’entraîne aucune conséquence matérielle.

Il convient cependant d’observer que l’examen de cet accord de siège intervient au moment où la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne devrait en principe avoir lieu, même si cette question fait maintenant l’objet de nombreuses incertitudes.

Or, parmi les conséquences du Brexit figure la perte possible par le Royaume-Uni du « passeport financier », c’est-à-dire la relocalisation de plusieurs milliers d’emplois dans le secteur de la finance vers le continent, emplois que la France s’efforce d’attirer vers sa propre place financière. Autre conséquence, le siège de l’Autorité bancaire européenne, actuellement situé à Londres, doit être transféré à Paris, ce qui permettrait d’envisager un rapprochement, voire une fusion, avec l’AEMF.

La ratification de l’accord que nous examinons n’aura cependant aucune conséquence pratique au regard de ces enjeux. Au regard du souhait français de faire de Paris une place financière européenne alternative à celle de Londres, ce serait en revanche un mauvais signal d’attendre plus longtemps avant de le ratifier. Prévu par un règlement européen adopté en 2010, cet accord a été validé par le conseil d’administration de l’AEMF en janvier 2016, soit cinq ans après l’installation de l’Autorité à Paris. Il a encore fallu sept mois avant qu’il ne soit signé, le 23 août 2016, puis deux ans et demi pour que le calendrier parlementaire permette l’examen auquel nous nous livrons aujourd’hui.

C’est donc plus de huit ans après l’entrée en fonction à Paris de l’AEMF que nous pouvons enfin permettre la ratification d’un accord certes nécessaire, mais d’une portée très limitée et qui s’apparente à une formalité. Afin de ne pas prolonger inutilement ce délai, je vous invite donc à adopter ce texte.

M. Éric Girardin. J’aurais juste souhaité un complément d’informations sur les objectifs de cette AEMF : en termes de sécurisation financière, comment pouvons-nous être assurés de la pertinence de cette autorité pour éviter une nouvelle crise financière ? Nous en connaissons les règles, mais quels sont les grands principes qui permettent de faire face à une crise financière comme celle de 2008 ? Nous savons que les institutions financières, suite à cette crise, ont à peu près renouvelé les comportements pouvant conduire à un même accident industriel.

M. Denis Masséglia, rapporteur. L’AEMF appartient à un groupement de trois autorités européennes spécialisé, l’AES, et elle exerce trois missions pour faire face aux risques.

La première est de protéger les investisseurs en veillant à mieux répondre aux besoins des consommateurs de services financiers et en renforçant leurs droits en tant qu'investisseurs, tout en reconnaissant leurs responsabilités.

La deuxième est de garantir le bon fonctionnement des marchés en promouvant l'intégrité, la transparence, l'efficacité et le bon fonctionnement des marchés financiers, ainsi que la présence d'une infrastructure de marché solide.

La troisième est d’assurer la stabilité financière en renforçant le système financier pour lui permettre de résister aux chocs et à l'apparition de déséquilibres financiers.

M. Michel Fanget. Ce système de surveillance financière a été mis en place à la suite de la crise de 2008, il est important de le rappeler. Cette autorité de régulation européenne montre l’importance de la coopération financière dans l’Union européenne. Elle joue un rôle moteur dans l’harmonisation des pratiques de surveillance, ce qui correspond à l’engagement actuel de la France.

Sa présence à Paris renforcera l’importance de la capitale qui pourra rivaliser avec d’autres places financières comme Londres et Francfort et être reconnue comme une place financière de dimension mondiale.

Première agence européenne accueillie sur le territoire français, l’AEMF sera suivie d’autres agences comme l’Agence bancaire européenne, qui devrait s’installer en France à la suite du départ du Royaume-Uni.

Il est donc important de mettre en place les moyens nécessaires à l’accueil des personnes travaillant au sein de ces agences, et il faut saluer les initiatives prises à cet égard par le gouvernement.

Sur le fond, il s’agit d’un accord classique, estimé tout à fait en règle par les rapporteurs du Sénat comme de l’Assemblée nationale. Le Groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite donc de cet accord et votera ce projet.

M. Christian Hutin. Notre groupe n’est pas un groupe ultra-libéral, c’est le moins que l’on puisse dire, et l’aridité et la complexité de ce que vous venez de nous présenter peut rendre difficile la compréhension de votre exposé.

Je vais donc essayer de simplifier les choses : quelles opportunités avons-nous aujourd’hui ? La chance de récupérer l’Autorité bancaire européenne qui est à Londres. Si nous pouvons récupérer le maximum de choses pour notre pays, c’est merveilleux.

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser ce que sont ces privilèges dont parle le rapport ? Sommes-nous au niveau du corps diplomatique ?

La ratification ne nous pose pas de problème si cela peut amener quelque chose à notre pays.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Vous parlez de chance à propos de l’Autorité bancaire européenne. Il s’agit vraiment de chance puisque le vote final, entre Paris et Dublin, avait donné une égalité et a dû être tranché par tirage au sort en faveur de Paris.

Concernant les privilèges, ils sont inhérents à toutes les institutions installées sur le territoire européen. Il y a des privilèges fiscaux, puisque ces personnes travaillent dans un cadre européen. La TVA est également concernée, ainsi que la possibilité d’importer et d’exporter certains biens. Il y a aussi une immunité juridique.

M. Alain David. Je partage l’opinion positive sur ce dossier tout en m’interrogeant sur certains aspects du statut du personnel de cette autorité, en particulier sur le plan indemnitaire. Ce sont des fonctionnaires et non des diplomates, mais leur statut peut paraître très privilégié alors que nous sommes en droit d’attendre des résultats de ce type d’autorités. En 2008, on aurait souhaité un peu plus de rigueur de leur part ainsi qu’un véritable retour sur investissement. Ils n’ont en effet pas été nécessairement très vigilants et n’ont pas déployé une action préventive très convaincante.

M. Denis Masséglia, rapporteur. L’accord qui est présenté est conforme au protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne, qui est la base de l’installation de l’AEMF à Paris. On ne peut pas revenir sur cet accord européen, et il faut voir cela dans une vision globale et non franco-française.

M. Sylvain Waserman. Lors d’une mission sur l’avenir de la zone euro, nous avons rencontré beaucoup d’économistes et beaucoup de sujets relevaient de l’autorité bancaire, comme le backstop, le fonds de résolution unique, et d’autres qui relevaient plus de l’AEMF, comme les hedge funds, dont l’absence de régulation représente d’après ces économistes un risque systémique pour notre économie. Est-ce un sujet que vous avez pu regarder ?

M. Denis Masséglia, rapporteur. Aujourd’hui, l’AEMF a un rôle de conseil et n’a nullement la capacité d’imposer des règles sur ce sujet, ce qui est plutôt le rôle des autorités nationales des pays représentés au sein de cette entité.

M. Jean-Michel Clément. Je n’ai pas de remarque à faire sur le rapport, dont je pense que c’est une formalité, mais j’aurais une question de fond concernant le rôle de cette autorité. Cela fait bientôt dix ans que la crise financière est derrière nous. On sait que quand les choses semblent équilibrées, il y a toujours un élément susceptible de provoquer une crise. Je me demandais s’il serait possible pour notre commission d’essayer d’éclairer notre ami Christian Hutin en auditionnant certains membres de cette Autorité.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Une très bonne idée, que je retiens. Je reviendrai vers vous avec des propositions.

M. Bruno Fuchs. Deux questions. À l’article 19, on prévoit la levée des privilèges et immunités en cas d’abus. Comment mesure-t-on les abus et qui le fait ?

Pourriez-vous nous dire ce qui va se passer au moment du Brexit, puisque une partie des personnels n’aura plus la citoyenneté européenne ?

M. Denis Masséglia, rapporteur. Concernant les abus, c’est l’autorité elle-même qui va les pointer. Concernant la deuxième question, certains Britanniques travaillant au sein de l’AEMF ont déjà demandé la nationalité française.

M. Jean-Paul Lecoq. Je ne m’étais pas penché sur le fond, mais si une audition a lieu, ce sera intéressant. Les personnes qui nous regardent doivent en effet se demander si elles vont à nouveau, un jour, être mises à contribution pour sauver les banques. Les gens savent qu’ils doivent à chaque fois payer doublement l’addition, car les banques se réengraissent sur leur dos.

Ce qui m’importe, c’est le fait d’entendre que parce qu’il y a le Brexit, qui est maintenant décrit comme une chance, après l’avoir été comme une catastrophe. Nous allons ainsi avoir la chance de pouvoir récupérer l’Autorité bancaire européenne. Pourvu qu’il y en ait d’autres.

Mais c’est parce qu’il y a le Brexit que nous allons pouvoir ratifier en urgence cette convention, que nous avons laissé traîner, afin de pouvoir récupérer l’Agence bancaire européenne.

Notre commission devrait être mieux considérée dans son travail sur les traités internationaux. L’AEMF est installée en France depuis neuf ans, et ces privilèges et protection n’existent pas, puisque nous n’avons pas ratifié, mais ils fonctionnent quand même. Et nous ratifions maintenant pour pouvoir récupérer l’Agence bancaire européenne. Travailler ainsi est déplorable.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai jamais dit que nous ratifions maintenant cet accord à cause du Brexit. Cet accord a mis du temps à être mis en œuvre parce qu’il y a eu différentes étapes, dont la plus longue a été la finalisation de quelques points par rapport au protocole n° 7.

Vous parlez par ailleurs de la prochaine crise financière, puis que c’est souvent une question de cycle. Je rappelle que nos banques sont sous le régime de Bâle III, qui est quand même assez restrictif. Il s’agit d’un accord qui vise à définir les fonds propres et à limiter les risques des banques. Je vous invite à regarder ce qui se passe outre-Atlantique, avec la loi Dodd-Frank, actuellement détricotée par le gouvernement américain. Peut-être le sujet serait-il plutôt ce qui se passe ailleurs que chez nous.

M. Jacques Maire. Le sujet est assez ardu. Ce texte ne mérite pas l’excès d’indignité dont l’a frappé notre collègue Lecoq. C’est un texte classique qui valide la nécessité pour la France de se mettre au carré. Nous sommes en compétition en matière d’accueil de sièges.

Il n’y a pas d’ambiguïté sur le fait que le Brexit est une mauvaise chose pour la France et pour l’Europe, mais un proverbe britannique recommande de regarder la bordure d’argent du nuage noir. Le nuage noir est le Brexit et la bordure d’argent, ce sont les petites opportunités qui existent, comme la relocalisation des banques ou de l’ABE. Ne rejetons pas l’opportunité de récupérer ce qui peut être récupéré. Ce n’est pas la même chose d’avoir une autorité bancaire européenne à Dublin ou à Paris, du point de vue macroéconomique, du point de vue de l’emploi et du point de vue de son environnement de marché. Une des meilleures raisons de s’en satisfaire est que les autorités françaises considèrent que c’est un enjeu très important au regard de la nécessité de promouvoir un capitalisme européen plutôt qu’anglo-saxon, plus régulé et plus organisé.

On peut trouver désuète l’existence de ces privilèges et immunités. Il faut cependant séparer le sujet du statut des fonctionnaires, qui est effectivement très avantageux, et qui est un sujet général, non limité à cette agence, du sujet des privilèges et immunités. Ce dernier sujet pose la question du cas de figure dans lequel un État membre peut exercer une pression sur des agents, dans le cadre de l’exercice de leur mandat, à des fins non conformes à l’intérêt européen. Je pense que cette question n’existait pas lorsque l’on a mis en place ces privilèges et qu’elle existe davantage aujourd’hui. Lorsque des agents de l’Union européenne sont en mission d’inspection et de contrôle sur le terrain, dans un environnement corrompu, dans un endroit où l’état de droit n’est pas respecté, ces privilèges peuvent être extrêmement importants. On peut les regretter, il y a peut-être un peu de nettoyage à faire, mais la question se pose aujourd’hui encore plus qu’hier.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Je donnerai simplement quelques chiffres pour aller dans ce sens : avec le Brexit, ce sont 3500 emplois directs et 10 000 à 30 000 emplois indirects qui seraient relocalisés à Paris. Il faut aussi regarder de façon pragmatique ce qui se passe et ne pas laisser notre place aux autres pays de l’Union européenne.

Mme Clémentine Autain. Sur cet accord, un consensus serait possible, mais le problème est qu’il touche à la marge le problème qui est le nôtre d’une économie totalement financiarisée, avec un pouvoir politique, c’est-à-dire du peuple, quasiment nul. Ce que je souhaiterais, c’est que nous n’ayons pas une procédure simplifiée dans l’urgence mais un débat en séance. Et il y aura un débat à l’occasion des élections européennes, car les traités actuels figent dans le marbre la possibilité de faire tout et n’importe quoi. Il nous faut des règlementations et un accord à l’échelle européenne qui nous permettent de contrer véritablement les paradis fiscaux, y compris ceux qui sont à l’intérieur de l’Union et qui nous permettent de traquer le trading à haute fréquence, si on ne peut pas aller chercher dans les filiales de filiales de filiales, car les grands groupes se sont réorganisés afin de pouvoir jouer avec la vie des gens. Ce monde financier a des conséquences concrètes sur la vie des entreprises. Peut-être certains d’entre vous ont-ils vu ce film magnifique « La loi du profit », qui est effrayant parce qu’il montre comment des personnes qui ne voient pas les conséquences concrètes pour les entreprises qui sont sacrifiées, jouent, ferment et détruisent des vies humaines, des industries, et des territoires.

C’est cette logique qui m’inquiète profondément. Quand on lit le rapport, on voit qu’il s’agit d’une agence qui va conseiller, décourager, demander un peu plus de transparence. Mais cela ne fait absolument pas règle, norme, contrainte pour lutter contre ce fléau qui est un fléau international, mais pour lequel il me semble qu’à une échelle européenne, il faut se doter de moyens qui contraignent, et pas simplement qui encouragent ceux qui s’en mettent plein les poches et qui font que des vies se trouvent brisées et que la qualité de vie et le partage de richesse ne sont que de vains mots dans ce monde de dingues.

Je termine simplement sur un point qui n’a pas été soulevé. Les marchés financiers brisent la possibilité du partage de richesse et de la logique de service public, mais sur le plan environnemental, – et cela a été une question forte du week-end –je peux vous dire qu’il ne peut y avoir de prise en considération sérieuse du défi climatique si on ne s’attaque pas à cette logique financière. Tout ce qui va avec cette logique est totalement contradictoire avec les objectifs que nous nous fixons dans les accords internationaux, et contradictoire avec un objectif vital pour l’écosystème et donc pour la vie humaine.

M. Denis Masséglia, rapporteur. J’ai entendu vos arguments qui sont très intéressants et qui appellent effectivement un débat sur la régulation des marchés et sur la place de la finance au sein de l’Europe, du monde et de nos entreprises. Ce n’est simplement pas le sujet de la présentation que j’ai faite. Je ne parle que de l’AEMF, et des règles relatives à son installation sur notre territoire. Le débat auquel vous appelez n’a pas sa place aujourd’hui, mais doit plutôt avoir lieu dans le cadre de la campagne des élections européennes, où chacun pourra mettre en avant sa vision sociétale.

M. Christophe Naegelen. Plusieurs choses m’interrogent. Quand on dit que nous avons eu cette chance grâce à un tirage au sort, je souhaiterais en savoir plus sur les arguments mis en avant par la France pour valoriser son territoire.

Deuxième point, ces fonctionnaires qui travaillent et qui ne sont que des financiers ont-ils un statut diplomatique ? Dire que des financiers ont des privilèges diplomatiques serait une curieuse vision de la justice.

Troisième point, j’aurais voulu avoir plus de précisions sur tous les comités permanents qui gravitent autour de l’AEMF.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Dans mon souvenir, il y avait eu trois tours de scrutin avec une égalité lors du dernier, avec treize voix pour chacun des deux finalistes. En application du règlement, un tirage au sort a alors eu lieu.

M. Denis Masséglia, rapporteur. Attention de ne pas confondre l’AEMF, qui est installée à Paris depuis 2011, et l’ABE qui a été concernée par le tirage au sort. Les deux sujets sont liés par la question de l’attractivité de la place parisienne. Depuis 18 mois, nous travaillons à améliorer l’attractivité de la place parisienne, à travers l’instauration de la flat tax ou de l’uniformisation de l’impôt sur les sociétés de façon à être dans la moyenne européenne. Il y a une vraie stratégie gouvernementale dans ce but.

Concernant le statut, ce sont des fonctionnaires internationaux dont le statut est proche de celui des diplomates. Ils n’ont pas l’immunité diplomatique mais une immunité juridique dans le cadre de leurs fonctions.

M. Christian Hutin. Bernard Madoff était président de l’autorité des marchés aux États-Unis. Imagine-t-on Madoff ayant l’immunité, ce qui n’a pas été le cas aux États-Unis ? Madoff est en prison pour le reste de sa vie.

Est-ce que ces gens bénéficient d’une immunité, mais jusqu’à quel point juridiquement ?

M. Denis Masséglia, rapporteur. Ils n’ont pas l’immunité diplomatique.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1390.

 

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Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur sur la responsabilité et la réparation relatif au protocole de Carthagène sur la prévention des risques (n° 1391) (Mme Bérengère Poletti, rapporteure).

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Mes chers collègues, je vais vous présenter le protocole dit de Nagoya-Kuala Lumpur, signé le 15 octobre 2010, qui porte sur la responsabilité et la réparation des dommages à la biodiversité liés à des mouvements transfrontières d’organismes vivants modifiés (OVM). Pour la clarté du débat, je vais d’emblée vous préciser ce que recouvre cette notion d’OVM – organismes vivants modifiés, car il est vrai que nous sommes plutôt habitués à entendre parler d’OGM. En fait, les OVM sont une sous-catégorie des OGM, qui regroupent les semences, plantes, boutures, animaux, micro-organismes génétiquement modifiés susceptibles de se reproduire et de se disséminer dans l’environnement. En gros, les OVM n’incluent pas les produits à base d’OGM prêts à la consommation, lesquels ne sont plus vivants, et donc, ne présentent pas, en tant que tels, des risques pour la biodiversité. Notre protocole porte donc uniquement sur les OVM, en ce qu’ils peuvent être à l’origine de dommages pour la diversité biologique.

Il y a en réalité une filiation directe entre le protocole que nous examinons aujourd’hui et la convention sur la diversité biologique signée lors du sommet de la Terre de Rio, en 1992. L’article 19 de cette convention abordait sans trop de préjugés les questions relatives aux biotechnologies, évoquant le fait qu’il pourrait être nécessaire de réglementer les mouvements d’OVM pour protéger la biodiversité. Dans les années qui ont suivi, l’essor des biotechnologies s’est accompagné de violentes controverses sur les risques que présentaient leurs applications, notamment dans le domaine des OVM. L’Union européenne – et en son sein, la France – ont finalement opté pour un principe de précaution, c’est-à-dire une démarche de prévention des risques en l’absence de certitudes scientifiques sur les effets des OVM sur l’environnement et la santé.

Attardons-nous un instant sur ces risques, documentés par de nombreuses études. En général, les plantes génétiquement modifiées ont soit une tolérance aux herbicides, soit une résistance aux insectes ravageurs, soit une combinaison des deux. Mais il peut y avoir un revers de la médaille. Les OVM résistants à certains ravageurs peuvent également détruire des populations d’insectes non ciblées, ou encore entraîner le développement d’une résistance chez les insectes ciblés. Par ailleurs, les plantes OVM peuvent, en raison de leurs caractéristiques améliorées, devenir envahissantes dans le milieu où elles sont implantées. La culture des OVM peut aussi induire certaines pratiques agricoles nuisibles à l’environnement, par exemple en favorisant la monoculture.

Ces risques sont soulignés par le protocole de Carthagène, conclu en 2000, qui réglemente les mouvements transfrontières d’OVM en s’appuyant sur une démarche de précaution similaire à celle de l’Union européenne. En substance, un pays doit toujours donner son accord préalable pour l’importation d’OVM et bénéficier dans ce cadre d’une évaluation sur les risques pour la santé et l’environnement. Et les pays en développement doivent bénéficier d’une aide technique à cette fin. Le protocole de Carthagène a été ratifié largement : il compte aujourd’hui 171 États parties, dont certains grands producteurs d’OVM, comme le Brésil (2ème mondial) et l’Inde (5ème mondial). D’autres grands producteurs ne l’ont pourtant pas rejoint, à commencer par les États-Unis, premier producteur mondial, ou encore l’Argentine et le Canada.

Dans le protocole de Carthagène, les parties n’étaient pas parvenues à se mettre d’accord sur un mécanisme de responsabilité et de réparation en cas de dommages liés à des mouvements transfrontières d’OVM. C’était pourtant un complément indispensable en cas d’échec de la démarche de prévention. L’article 27 du protocole prévoyait donc que la négociation devrait se poursuivre sur cette question.

Cela nous mène au protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur, que nous examinons aujourd’hui. Sa négociation a été difficile, car les positions étaient très opposées, entre les pays producteurs et consommateurs d’OVM, qui voulaient réduire au maximum le champ du dommage pris en compte, et les pays soucieux d’éviter une trop grande dissémination. Cette deuxième catégorie rassemble les pays de l’Union européenne, mais aussi les pays en développement, qui n’ont pas les moyens de contrôler cette dissémination.

Finalement, les parties sont parvenues à se mettre d’accord sur un mécanisme de responsabilité administrative en cas de dommage, significatif et prouvé, sur la biodiversité, causé par un mouvement transfrontière d’OVM, qu’il soit légal, non-intentionnel ou illicite. Qu’implique cette responsabilité administrative ? Dans une situation de dommage avéré ou imminent sur leur territoire, les États doivent contraindre les opérateurs – c’est-à-dire toute personne manipulant des OVM – à prévenir les autorités compétentes, à évaluer ce dommage, et à prendre des mesures visant à l’éviter ou à le réparer. Dans certains cas, les autorités du pays peuvent assurer elles-mêmes la réparation du dommage, le cas échéant en recouvrant les coûts auprès des personnes responsables.

Ce mécanisme est incontestablement une avancée car il est contraignant, et s’applique également à des OVM en provenance d’États non parties au protocole. Certains pays, notamment les pays en développement, auraient voulu aller plus loin et prévoir des mécanismes contraignants de garantie financière pour les exploitants confrontés à ces risques, et de responsabilité civile pour organiser la compensation du dommage. Le protocole en prévoit la possibilité sans l’imposer aux parties. La France n’y était pas particulièrement favorable.

Quelle est la situation de notre pays par rapport à ce texte ? Vous ne serez pas surpris d’entendre que la réglementation européenne est assez exigeante dans le domaine des OVM et de la responsabilité environnementale. De ce fait, tous les pays de l’Union ont déjà mis en place, depuis la directive sur la responsabilité environnementale de 2004, un mécanisme pollueur-payeur pour toutes les atteintes à l’environnement. Les dommages liés aux transferts d’OVM en font partie. Ainsi notre législation est entièrement conforme au protocole de Nagoya-Kuala Lumpur, dont les exigences restent moindres.

Quels sont concrètement les enjeux pour notre pays ? En réalité, ils sont limités. La France ne produit plus aucun OVM, à titre commercial depuis 2008 et à titre expérimental depuis 2013. Au sein de l’Union européenne, seule la culture du maïs MON 810 est autorisée, et il n’y a que l’Espagne et le Portugal qui le cultivent, de manière limitée. Ainsi les risques de dommages à la biodiversité liés à des OVM sur notre territoire ne pourraient venir que d’une contamination fortuite via l’Espagne ou via des semences importées. Ce risque est faible mais il n’est pas inexistant. Les services du ministère de l’Agriculture nous ont rapporté la détection récente de semences de colza OVM au sein d’un lot de colza importé d’Argentine. La pollution était faible : de l’ordre de 0,05 % ; mais les parcelles concernées ont toutes été détruites.

Ainsi, nous devons rester prudents et renforcer nos capacités d’évaluation quant aux impacts possibles des OVM. À moyen terme, il semble utile de promouvoir, à l’échelle internationale, la démarche de précaution que nous avons mise en place. Ce protocole y contribue, et c’est pourquoi nous devons le ratifier. Mais n’oublions pas que le principe de précaution suppose une démarche scientifique active pour lever les incertitudes. Certains pays investissement massivement dans la recherche sur les biotechnologies, y voyant notamment le moyen de nourrir la planète face à l’explosion démographique. Cette idée est contestée, mais nous devons nous donner les moyens de contribuer à ce débat sur le plan scientifique.

Pour conclure, la ratification du protocole de Nagoya-Kuala Lumpur ne suppose aucune modification de notre droit interne, et il est en résonance avec nos préoccupations concernant les OVM et la responsabilité environnementale. Le Sénat l’a approuvé en novembre dernier. Je ne vois donc que des bonnes raisons de faire de même.

Mme Laetitia Saint-Paul. Puisque je sais votre compétence en la matière, pouvez-vous nous dire quels sont les plus gros exploitants de produits OVM à travers le monde ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Les plantes OVM ont été cultivées dans 24 pays en 2017, pour une surface de 190 millions d’hectares. Quelques grands producteurs concentrent l’essentiel des surfaces cultivées soit 90 % au total : les États-Unis, qui sont les champions (75 millions d’hectares), le Brésil (50 millions), l’Argentine (24 millions), le Canada, (13 millions) et l’Inde (11 millions). Ajoutons que 85 % des surfaces cultivées d’OVM se situent sur le continent américain. Globalement la superficie d’espaces cultivés OVM tend à s’accroître.

M. Jean-Paul Lecoq. Je pense que c’est une bonne chose d’aborder cette question au sein de notre Commission au moment où la jeunesse de France se mobilise sur la question du climat ; il me semble nécessaire de se mobiliser face aux risques de dissémination des OVM, dont on ne connaît pas les conséquences ultimes. Si la France a interdit dans les années 2007-2012 ces produits, ce n’était pas pour rien. Je salue votre rapport qui arrive quasiment au lendemain du procès de Dijon qui a relaxé les soixante-sept faucheurs volontaires. En France, ils ont joué le rôle de lanceurs d’alertes pour empêcher la propagation des OVM.

Je me pose la question de notre protection face à ce risque dans le cadre des traités commerciaux de nouvelle génération que l’Union Européenne négocie. En réalité, nous ne sommes pas assez protégés. Nous l’avions dit lors des auditions sur le CETA, la Présidente avait d’ailleurs demandé au Ministre Lemoyne des garanties à ce sujet. Je pense que notre pays doit continuer à mettre la pression sur l’Europe.

 Quand j’entends que des cultures d’OVM ont lieu en Espagne ou au Portugal, je me demande comment nous pouvons contrôler les risques de dissémination, alors qu’aucune frontière ne nous sépare. Pour être député d’un port, je sais qu’il faut du personnel pour contrôler les échanges ; or les services douaniers au Havre ont cette préoccupation, mais seul un conteneur sur une centaine est contrôlé. Quid des autres ?

Dans le cadre de ce protocole, je perçois l’obligation de réparation essentiellement comme une mesure dissuasive, car en réalité, qui peut dire comment sera réparée l’entrée du frelon asiatique sur notre territoire ? Qui financera la destruction des nids ? Ce sont des questions qui se posent aujourd’hui dans les petits villages. L’importateur de ces frelons asiatiques va-t-il payer dans ces cas-là pour réparer les préjudices causés ? Je ne le pense pas. Je trouve tout de même votre rapport excellent.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Il est vrai que, concernant le CETA, on nous a expliqué que cette question n’avait pas vraiment pesé, ce qui justifie un certain nombre de réserves de notre part vis-à-vis de ces traités commerciaux, je suis tout à fait d’accord.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Au sujet du contrôle des ports, ajoutons que le problème n’est pas seulement le personnel mais aussi l’harmonisation des règles au niveau européen car, selon les ports, les contrôles ne sont pas les mêmes, les amendes ne sont pas les mêmes. La visite du Président chinois, la question des ports en Italie : ces évènements à venir devraient nous inciter à avancer sur la question de l’harmonisation de ces règles. 

M. Alain David. Je me félicite de l’avancée que représente ce protocole, même si je m’interroge sur sa portée réelle. De grands exportateurs comme les États-Unis, l’Argentine, le Canada, avec qui nous avons un accord de libre-échange, n’ont pas signé ce protocole additionnel : quelle peut donc être sa portée sur le plan global de nos échanges ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. La portée de la ratification de ce protocole est limitée ; en réalité le droit français nous protège déjà. Cette ratification est donc une formalité. La portée de ce protocole renvoie à la communication que nous voulons diriger vers d’autres pays, notamment les pays en développement. Étant donné l’importance dans les échanges des grands pays producteurs d’OVM, il est vrai que le rapport de force ne nous est pas très favorable, mais il ne faut pas renoncer. L’Union Européenne est un territoire protégé dans l’ensemble, si l’on excepte l’Espagne et le Portugal, où cette protection est un peu plus modérée.

M. Christian Hutin. Merci pour la qualité de ce rapport, qui est d’une précision remarquable. Si j’ai bien compris, le Protocole de Carthagène n’était pas suffisant, et c’est le Protocole de Nagoya-Kuala qui nous permet d’aller plus loin. Je voudrais citer Edgar Pizani qui disait : « le paysan pense que le tracteur travaille pour lui, mais c’est en fait lui qui travaille pour payer le tracteur ». C’est en effet un cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons depuis plus de soixante ans : le paysan achète ses semences à une entreprise, qui elle-même a des parts dans la production de tracteurs, qui elle-même à des parts dans le résultat de la récolte, sachant que le paysan achète ses produits de traitement à la même entreprise. Il faudra un jour briser ce cercle vicieux et c’est ce que nous essayons de faire collectivement. Enfin, j’avoue ne pas avoir bien compris la différence entre un OGM et un OVM…

M. Bruno Fuchs. Cet accord a été signé par la France en 2011 ; depuis lors, les champs d’application n’ont-ils pas évolué ? Par ailleurs, je note que, dans le cadre de l’article 6, les Parties peuvent prévoir, dans leur droit interne, les autres exemptions ou mesures d’atténuation qu’elles jugent appropriées. Finalement, si l’on peut déroger aussi facilement à un accord, aussi utile soit-il, n’a-t-il pas une portée finalement extrêmement limitée ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Au sujet de la différence OGM/OVM, les OGM incluent des produits qui n’ont pas de capacité de dissémination. Par exemple, une farine qui contient des OGM ; elle doit obligatoirement faire l’objet d’un étiquetage spécifique, mais elle ne présente aucun risque de dissémination sur le territoire, puisqu’elle n’est pas vivante. À l’inverse, les OVM peuvent se disséminer et ont donc un caractère reproductif.

M. Fuchs, je crois que la position de la France a évolué dans le bon sens, puisqu’en 2013, la France a arrêté les expérimentations d’OVM qui étaient jusqu’alors pratiquées. Elles étaient justifiées par le souci de parvenir, à terme, à  nourrir la planète, du fait de l’explosion démographique en cours. Vous avez parlé des exemptions ; je n’ai, à mon niveau, aucune connaissance d’exemptions ayant été autorisées en France.

Je crois qu’en France et en Europe, nous pouvons nous satisfaire de l’avancée que représente cet accord, car nous observons les conséquences de ce qui s’est fait dans d’autres pays. Peut-être devons-nous nous donner les moyens de mieux communiquer, notamment en direction des pays en développement, qui sont la cible d‘un certain nombre d’entreprises exportatrices d’OVM. Les enjeux en termes de pédagogie sur la réglementation européenne me semblent importants.

M. Frédéric Barbier. Je trouve que ce rapport nous donne l’occasion d’avoir un débat tout à fait intéressant. Je trouve qu’hélas, s’agissant des OVM comme du reste, nous nous saisissons trop souvent des sujets a posteriori. Comment parvenir à encadrer dès le début des pratiques, qui peuvent avoir des conséquences globales ?

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. C’est tout le sujet de ce que peut apporter la communauté scientifique au politique, et de la capacité que nous avons à l’écouter. En l’occurrence, je pense qu’en France, nous avons été assez exemplaires, puisque nous avons voté et constitutionnalisé le principe de précaution. Mais nous sommes parfois en opposition avec le monde économique, qui fait face à la concurrence internationale, et revendique de pouvoir disposer de l’ensemble des outils. C’est pour cela que j’avais souhaité auditionner le monde agricole en amont de cette réunion, afin de recueillir leurs perceptions ; cela n’a malheureusement pas pu se faire. Mais nous voyons bien que le débat est là, et pas seulement sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui : nous avons le politique, le monde économique, l’emploi, les alternatives possibles, la compétitivité, et au bout du compte, le politique qui doit décider en s’appuyant sur la communauté scientifique. Au sujet des OVM, je crois que la communauté scientifique est claire : nous savons assez précisément les conséquences que peuvent avoir les OVM, même si nous n’en parlons peut-être pas suffisamment.

Mme Annie Chapelier. Je souhaite vous interroger sur la position du Brésil, qui est l’un des grands producteurs d’OVM, et qui, malgré tout, est partie au protocole de Carthagène. Sous l’impulsion de son Président Bolsonaro, le Brésil va vers une agriculture de plus en plus extensive, en empiétant sur les espaces de forêt amazonienne pour étendre les cultures OVM d’huile de palme et de colza. Récemment, Bolsonaro s’est rendu aux États-Unis pour souligner les points de convergence entre les deux pays. Ne pouvons-nous pas penser que cela pourrait remettre en question l’adhésion du Brésil à ce protocole ? Plus généralement, vous l’avez souligné, l’absence des grands pays producteurs du protocole additionnel de Nagoya-Kuala Lumpur, sans réelle perspective de rapprochement, fragilise d’emblée ce traité. Ne pouvons-nous pas craindre qu’il s’agisse in fine simplement d’un traité conclu entre pays d’accord pour maîtriser les risques de dissémination, avec un impact très réduit sur le terrain ?

M. Michel Herbillon. Je remercie Bérengère Poletti pour son exposé très clair. Vous avez eu raison de rappeler la situation et la législation européenne, qui est contraignante s’agissant des OVM, ainsi que l’attachement de la France à une démarche de précaution qui permet de maîtriser les risques de dissémination. Bien entendu, on peut regretter que l’accord ait un impact limité par l’absence des pays producteurs, mais on peut espérer avoir une capacité d’entraînement vis-à-vis d’autres pays, et il me semble bon de soutenir les pays en développement. Vous avez évoqué la nécessité de renforcer notre capacité d’évaluation des risques associés aux OGM ; est-ce l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui est chargée de cette évaluation ? Avons-nous les moyens nécessaires ?

M. Jean-Michel Clément. J’ai l’impression que nous arrivons encore après la bataille. Depuis longtemps, nous sommes dans un système totalement gangréné par les grands semenciers, au point qu’aujourd’hui, c’est le même qui vend le produit qui fait mal et le remède. On a assisté à des procès retentissants à ce propos en Amérique, et il s’en déroule actuellement un à la Cour d’appel de Lyon, qui concerne l’agriculteur Paul François, lequel a été victime des dérives de ce système. À l’heure où les jeunes sont dans la rue pour manifester pour le climat, nous devons nous poser des questions basiques : que produisons-nous ? Comment ? Avec quelle qualité ? Le protocole de Kuala Lumpur me semble assez déconnecté de cette réalité. Pourtant, si nous n’inversons pas la tendance, nous allons vers la destruction de notre planète.

M. Pierre Cabaré. On nous a dit qu’avec les OGM, il y aurait moins de pesticides, aucun problème de contamination… Nous voyons bien que ce n’était pas vrai : nous utilisons de plus en plus de pesticides, et les mêmes vendent les semences et les pesticides, s’enrichissant ainsi doublement, bientôt triplement peut-être, lorsqu’ils nous vendront les médicaments pour nous guérir des maux dont ils nous auront contaminés. Je partage en cela le point de vue de Jean-Michel Clément. La population ne veut pas des OGM ; ce n’est pas utile pour elle, et c’est elle que les politiques doivent protéger.

Mme Valérie Boyer. Votre rapport nous éclaire sur des enjeux complexes, dont on parle peu. Dans le contexte du Brexit, on nous reproche parfois de signer des accords par-dessus les lignes politiques nationales, dans le silence et la discrétion ; c’est donc une bonne chose que nous puissions débattre du protocole de Nagoya-Kuala Lumpur. J’ai moi aussi l’impression qu’avec cet accord, nous arrivons après la fumée des cierges. Je me demande quelle est notre stratégie face à ces géants des céréales qui vendent à la fois les semences, les herbicides et les médicaments, et achètent des terres agricoles partout dans le monde, sans que les États ne soient consultés. Je crois que c’est un vrai enjeu, un enjeu de société, car aujourd’hui, nos sociétés ne sont pas motivées par le fait de consommer toujours plus, mais plutôt de consommer mieux. Les enjeux de santé publique sont devenus très importants.

Dans le cadre de la campagne pour les élections européennes, ma famille politique demande la mise en place d’un bouclier vert, afin de stopper le dumping écologique et social que nous subissons avec les produits agricoles en provenance de pays tiers de l’Union européenne qui n’ont pas les mêmes normes que nous. Il est important que le consommateur ne soit pas trompé : lorsqu’il mange une pomme importée de Chine, il est évident qu’elle n’a pas été cultivée avec les mêmes standards qu’en France. Ce bouclier vert me semble donc important, en plus de ce que prévoit l’accord que vous nous présentez aujourd’hui.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Le Brésil a ratifié le protocole de Carthagène, mais pas celui de Nagoya-Kuala Lumpur. Le cas du Brésil est intéressant : on a constaté dans ce pays que l’utilisation des pesticides avait connu une évolution trois fois supérieure à celle de la productivité sur les parcelles OVM. La communauté scientifique apporte ainsi des éléments très intéressants sur les risques liés aux OVM. Pour répondre à la question de M. Herbillon, l’ANSES a bien conduit des études sur les OVM, mais elle n’est évidemment pas seule concernée. La communauté scientifique au sens large doit continuer à se saisir de cette question.

Comme je le disais tout à l’heure, la réglementation française et européenne en matière d’OVM et d’indemnisation des dommages liés aux OVM est plus exigeante que celle imposée par le protocole de Nagoya-Kuala Lumpur. La ratification de ce protocole aura donc des effets limités en France ; mais le fait de ratifier nous place en capacité de porter un message au sein de la communauté internationale, et de venir en soutien des pays en développement qui, nous l’avons vu, sont assez vulnérables face à la dissémination des OVM.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Merci beaucoup pour ces éléments. Pour conclure, je souhaite insister sur la question des semences, qui me semble très importante. Je crois que c’est une aberration d’avoir interdit aux agriculteurs africains la fabrication et la production de leurs propres semences. Il serait temps de revenir sur cette situation.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 1391.

 

Examen, ouvert à la presse, et vote sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (n° 1566) (M. Claude Goasguen, rapporteur).

M. Claude Goasguen, rapporteur. Nous sommes saisis de deux nouveaux accords sur les services aériens avec le Tchad et l’Angola. Notre commission se trouve ici en terrain connu. Il y a un mois seulement, nous avons examiné trois conventions similaires avec l’Ouzbékistan, le Kazakhstan et la Côte d’Ivoire et le rapporteur, Guy Teissier, avait souligné le caractère singulier de ces conventions qui tendent à se multiplier.  

Reprenons tout de même les choses depuis le début. Les accords bilatéraux sur les services aériens sont des accords par lesquels chaque partie reconnaît aux transporteurs de l’autre partie des droits aériens sur son territoire. Pour exercer ces droits, les transporteurs sont soumis à une habilitation qui leur impose de respecter un certain nombre de conditions et d’obligations.

Une convention formelle de ce type n’est pas indispensable pour établir des liaisons aériennes entre deux pays : des accords beaucoup moins formels sont possibles. Ce type de convention a pour objet principal de donner un cadre juridique stable et fiable qui favorise le développement du trafic aérien.

Tous les accords aériens récemment conclus se ressemblent. Leurs clauses sont très proches, parfois au mot près. Les pays se réfèrent à une convention modèle établie par l’organisation de l’aviation civile internationale – l’OACI –  dont sont membres la France, le Tchad et l’Angola.

On oublie parfois de le dire : le droit européen tend à réguler de plus en plus l’aviation civile internationale. L’Union européenne négocie des accords aériens opposables à tous les États membres : pensons par exemple à l’accord « Ciel Ouvert » avec les États-Unis. L’Europe produit également des normes qui encadrent les accords bilatéraux négociés par les États membres avec des pays tiers.

Quelles sont les règles, internationales ou européennes, qui figurent presque toujours dans ces accords aériens ? Schématiquement, on peut en distinguer deux types : d’une part, des règles économiques, afin d’assurer la concurrence la plus libre possible entre les transporteurs aériens et, d’autre part, des règles en matière de sécurité et de sûreté, qui sont assez drastiques puisqu’il s’agit de l’aviation civile.

Les accords aériens sur lesquels nous devons aujourd’hui nous prononcer concernent deux pays : le Tchad et l’Angola. Ces accords visent à affermir et à rénover un cadre juridique devenu obsolète – ce qui n’empêchait pas les liaisons aériennes – compte tenu de l’évolution du droit européen et des pratiques du secteur. 

Quelles que soient les discussions que nous pourrons avoir sur la vitalité de la relation bilatérale entre la France et ces deux pays, force est de reconnaître que le Tchad et l’Angola ne sont pas des partenaires majeurs sur le plan des relations aériennes. Air France est aujourd’hui la seule compagnie à assurer des vols directs vers ces deux pays, à raison de trois vols hebdomadaires. Cela représente 40 000 passagers annuels pour le Tchad et 60 000 passagers annuels pour l’Angola. Bien peu si on rapporte ces chiffres aux 140 millions de passagers internationaux qui empruntent chaque année les aéroports français… 

Pour autant, la France a intérêt à renforcer ses relations aériennes avec ces deux pays qui incarnent deux réalités différentes. Avec le Tchad, le trafic opéré par Air France tend à décroître, sous l’effet des crises économiques, politiques et militaires qui ont frappé ce pays et de la concurrence exercée par plusieurs compagnies comme la Royal Air Maroc (RAM) ou Turkish Airlines. En revanche, avec l’Angola, le trafic opéré par Air France a augmenté de 25 % en 2017 suite à l’augmentation des fréquences de vol. En conséquence, l’accord avec le Tchad vise à redresser le trafic aérien direct vers ce pays quand l’accord avec l’Angola vise à amplifier l’augmentation du trafic observée ces dernières années.

Je n’entrerai pas dans le détail des dispositions de ces deux accords qui reprennent l’essentiel des dispositions de l’OACI et de l’Union européenne. Je pointerai néanmoins une différence qui existe entre les deux conventions. L’accord avec le Tchad prévoit une disposition qui régit l’imposition des revenus des transporteurs aériens. Cette clause vise spécifiquement à éviter la double-imposition des revenus d’Air France sur les résultats de sa ligne directe entre Paris et N’Djamena. Selon l’administration, le même risque de double-imposition n’existe pas avec l’Angola.

Enfin, je terminerai mon propos liminaire pour m’associer au regret formulé par Guy Teissier lors de l’examen des trois accords aériens le mois dernier. Les accords avec le Tchad et l’Angola prévoient, comme d’habitude, une exemption fiscale générale sur l’équipement normal des aéronefs, et notamment sur le carburant. Cette exemption est tout à fait conforme à notre législation puisque, en droit français, le kérosène est exempté de TICPE et la TVA n’est d’ailleurs pas applicable aux billets internationaux. 

Cette situation pose une question politique dans le contexte actuel, marqué par une plus grande exigence de justice fiscale et le souci d’accélérer la transition énergétique. Quand on sait la part du trafic aérien dans les émissions de gaz à effet de serre et quand on sait que ce mode de transport bénéficie à une catégorie sociale particulière, on peut se demander s’il est bien légitime que nos conventions internationales fassent perdurer cette situation. On peut regretter, à tout le moins, que cette question ne soit pas suffisamment prise en compte au niveau international.

Je voudrais conclure par dire un mot sur l’Angola, qui est un pays que peu de gens connaissent en France. Les relations qui nous lient avec l’Angola sont en croissance. Ce pays est une ancienne colonie portugaise et la France dispose de relations plus nourries avec les anciennes colonies portugaises. C’est un pays doté d’une très grande richesse économique, grâce à la pisciculture et aux métaux en particulier. L’Angola a néanmoins beaucoup souffert de sa très longue guerre civile, dans laquelle de nombreux pays étrangers sont intervenus. C’est un pays qui a été « massacré » par les guerres postcoloniales.

Il y a quelques années, j’ai été chargé de contrôler, sous l’égide de l’ONU, les élections en Angola. À ma connaissance, il s’agit de la seule élection qui n’ait jamais débouché sur un résultat électoral. Le résultat a bien eu lieu une semaine plus tard : 120 000 morts du fait de la lutte entre les parties. Il faut espérer que ce pays mette fin à l’instabilité qui lui a fait beaucoup de mal. Bien qu’il ne s’agisse que d’un accord sur les services aériens, je me félicite que la France développe ses relations avec l’Angola. 

M. Jean-Paul Lecoq. J’ai été ébloui par votre propos concernant le kérosène : nous ne nous serions pas attendus à ce que cela vienne de votre famille politique ! Mais je trouve cela très bien de soulever cette question qui me semble essentielle, bien que ce ne soit pas le fond de cet accord aérien. Je pense néanmoins que nous ne devons pas en rester là ; nous ne pouvons pas nous contenter de faire de belles observations, elles doivent avoir une traduction concrète, par exemple sous la forme d’une proposition de loi.

Je suis néanmoins un peu mal à l’aise à l’idée de conclure un accord aérien avec le Tchad, pas tellement dans le domaine civil, mais plutôt dans le domaine militaire. En effet, je ne comprends toujours pas pourquoi notre armée est intervenue en bombardant une colonne d’opposants à Idriss Deby qui, certes, venait de Libye, mais qui étaient des opposants internes ! Nos services secrets doivent bien avoir quelques explications à nous fournir à ce sujet. Je saisis donc l’occasion de cet accord aérien pour dire haut et fort que nous devons arrêter de soutenir le Tchad, qui est l’une des pires dictatures au monde. Le Président de la République a affirmé, à Ouagadougou, sa volonté d’en finir avec « la politique hideuse de la Françafrique ». Voici la preuve que ce projet reste pleinement d’actualité... Je pense que notre commission doit prendre position sur cette question.

M. Bruno Fuchs. Je constate que l’article 17 de la convention avec le Tchad prévoit un engagement en faveur de la protection de l’environnement, ce que je trouve très bien, alors que la convention avec l’Angola ne comporte aucune clause de ce type. Au moment où des millions de personnes dans le monde entier se mobilisent pour l’environnement, je trouve cette particularité assez malvenue. C’est en plus assez étrange qu’il y ait cette différence, alors que les deux conventions font l’objet d’un projet de loi unique. Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur cette question ?

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Pour prolonger ce qu’a dit Jean-Paul Lecoq, je pense qu’il va falloir mettre fin à cette règle d’exemption de taxation financière des transports aériens. J’avais déjà exprimé cette position lorsque nous avons examiné les accords aériens rapportés par Guy Teissier. Je pense que c’est un combat de longue haleine, car il faut parvenir à mettre d’accord les 191 membres de l’OACI. Mais nous ne devons pas renoncer pour autant ; je crois au contraire que notre Commission doit faire preuve de volontarisme, en répétant régulièrement ce message.

Mme Clémentine Autain. Je profite de cette occasion pour saluer le travail des lanceurs d’alerte, ces acteurs de la société civile qui nous ont interpellés sur les dangers d’un certain nombre d’activités humaines pour l’environnement et la santé publique. Quand M. Lecoq disait sa surprise vis-à-vis de votre prise de position sur le kérosène, M. le rapporteur, c’est bien parce que votre famille politique n’a longtemps pas pris la mesure de ces enjeux, ni accompagné les mouvements de la société civile qui jouaient un rôle d’alerte à cet égard.

Je pense notamment à la question de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, qui est liée aux défis environnementaux que pose l’aviation civile. Sur le territoire de ma circonscription, le projet d’extension du terminal 4 de l’aéroport de Roissy, qui vise à accroître le trafic aérien, pose aussi problème à cet égard.

Nous devons d’abord nous demander comment nous pouvons améliorer les choses au sol. Il est évident que les avions ne voleront pas avec de l’énergie éolienne, mais lorsqu’ils sont au sol, nous pouvons étudier des alternatives. Il n’est pas question de remettre en cause le développement de l’aviation civile : la capacité à se déplacer partout dans le monde me semble être un progrès évident. Je crois tout de même qu’il y a un problème avec le prix du train : il ne me semble pas normal qu’il soit bien moins cher de faire Paris-Nice ou Paris-Nantes en avion qu’en train. Pour conclure, je crois que nous pouvons nous réjouir lorsque, comme aujourd’hui, de bonnes idées font leur chemin parmi l’ensemble des forces politiques.

M. Claude Goasguen, rapporteur. Le problème me semble à la fois politique et social. Politique, car il faut reconnaître que les États n’ont pas toujours été très courageux dans ce domaine. Jacques Chirac avait été l’un des premiers à soulever ce problème, sans pour autant que ses déclarations ne soient vraiment suivies d’effets, j’en conviens. Le problème est aussi social : les gens qui prennent l’avion sont un public bien particulier, pas forcément représentatif de la moyenne des personnes qui utilisent les transports en commun. On pourrait donc voir émerger l’idée que le sacrifice doit être partagé. Mais, globalement, je crois que nous sommes sur le bon chemin. C’est déjà bien qu’un pays comme le nôtre soit décidé à agir, même s’il y a toujours un certain délai entre la mobilisation de l’opinion publique et l’adoption de mesures réglementaires adaptées. Je crois néanmoins que nous pouvons parvenir à un accord à l’échelle internationale.

L’article 17 de la convention avec le Tchad fait partie de ces clauses qui ne sont pas obligatoires dans le cadre des accords aériens, mais dépendent du contexte de la discussion entre États et des positions que défendent les compagnies aériennes. Manifestement, le Tchad a eu une approche plus souple à cet égard que l’Angola. Nous pourrions demander aux négociateurs de tels accords de demander systématiquement l’insertion d’une clause similaire à celle qui figure à l’article 17 de l’accord avec le Tchad.  

M. Bruno Fuchs. Mais pouvons-nous voter en faveur d’un accord de cette nature qui n’intègre pas de volet environnemental, alors que l’environnement est actuellement une priorité absolue dans le cadre de toute négociation internationale ? Comment pouvons-nous cautionner ce type de propositions ?

M. Claude Goasguen. Nous pourrions en effet demander que ce type de clauses soit systématiquement inclus dans les accords que nous négocions. Mais je ne voudrais pas que l’absence d’une telle clause retarde la ratification de l’accord avec l’Angola, car je connais les besoins auxquels ce pays doit répondre.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Cette demande figurera clairement au compte rendu de nos débats de ce matin.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 1566.

 

La séance est levée à 11 heures 20.

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Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Ramlati Ali, M. Pieyre-Alexandre Anglade, Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Valérie Boyer, M. Pascal Brindeau, M. Pierre Cabaré, Mme Annie Chapelier, M. Jean-Michel Clément, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Laurence Dumont, M. Pierre-Henri Dumont, M. Michel Fanget, M. Bruno Fuchs, Mme Anne Genetet, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Michel Herbillon, M. Christian Hutin, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, M. Jérôme Lambert, M. Jean Lassalle, M. Pascal Lavergne, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Marine Le Pen, M. Jacques Maire, Mme Jacqueline Maquet, M. Denis Masséglia, Mme Monica Michel, M. Christophe Naegelen, Mme Delphine O, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. Bernard Reynès, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Lénaïck Adam, M. Moetai Brotherson, Mme Mireille Clapot, M. Olivier Dassault, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Bruno Joncour, M. Mansour Kamardine, Mme Amélia Lakrafi, Mme Nicole Le Peih, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Hugues Renson, Mme Michèle Tabarot, Mme Valérie Thomas, Mme Nicole Trisse