Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 

      Examen de la proposition de loi relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires (n° 1331) (Mme Maud Petit, rapporteure)                            2

      Examen de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations (n° 1329) (Mme Sarah El Haïry, rapporteure) .              28

      Informations relatives à la Commission................... 47

 


Mercredi
21 novembre 2018

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 26

session ordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente


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La réunion débute à 9 heures 40.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine la proposition de loi relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires (n° 1331) (Mme Maud Petit, rapporteure).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons le plaisir d’accueillir ce matin dans notre commission Mme Maud Petit, en tant que rapporteure de la proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires.

Mme Maud Petit, rapporteure. Parents, enseignants, éducateurs, mais aussi médecins, magistrats ou élus, nous partageons tous le même intérêt pour l’éducation des enfants, leur développement et leur compréhension des règles de la vie en société. Quoi de plus naturel que cet intérêt lorsque l’on sait que l’éducation conditionne à la fois les liens d’attachement au sein de la famille et le devenir des enfants ?

Nous savons tous, également, qu’éduquer un enfant peut être difficile, surtout lorsque la fatigue, la peur ou l’exaspération face à certains comportements prend le dessus. C’est alors que peut intervenir la violence, cette violence que l’on accepte, que l’on excuse, en la qualifiant d’« éducative » et d’ « ordinaire », et qui n’a pourtant rien à voir avec l’autorité parentale. Or, de quelle violence parlons-nous ? De cette violence de tous les jours, de celle qu’on s’autorise à exprimer seulement dans le cadre familial, de celle dont on ne voit pas qu’elle marque souvent l’enfant pour longtemps.

« Un enfant blessé dans son intégrité ne cesse pas d’aimer ses parents ; il cesse de s’aimer lui-même », disait Jesper Juul. Cette réaction que l’on retrouve chez tant de victimes – reporter la faute sur soi – explique la difficulté à remettre en question sa propre éducation et à modifier son comportement vis-à-vis de ses enfants.

Si toute violence, qu’elle prenne la forme d’une tape, d’une gifle ou de cris, ne constitue pas une forme de maltraitance, il n’en demeure pas moins qu’elle est au mieux inutilement vexatoire et douloureuse et, au pire, contre-productive.

Car si l’interdiction des violences éducatives fait encore parfois débat dans notre société, les études sociales et médicales sur le sujet ne laissent plus place au doute quant à leurs effets en termes de dommages psychologiques et d’acceptation de la violence comme réponse possible face à des difficultés. Mais de façon peut-être plus grave encore, les violences exercées à l’encontre des enfants, sous couvert d’éducation, sont une atteinte au droit de chaque individu à voir son intégrité respectée.

Nous touchons donc au fondement de ce qui nous définit collectivement lorsque nous traitons des violences commises envers les personnes et, a fortiori, lorsqu’elles sont exercées contre les plus fragiles d’entre nous.

C’est pour cette raison que cette proposition de loi est importante. Que prévoit-elle ?

En premier lieu, d’inscrire dans le code civil l’interdiction de recourir aux violences éducatives dans le but de mettre un terme définitif à la possibilité pour les juges de reconnaître un « droit de correction » hérité du XIXe siècle, qui n’a pourtant aucune existence en droit pénal.

Cette interdiction formelle permettra également à la France, régulièrement accusée de violer ses obligations en matière de protection de l’enfance, d’être en conformité avec les traités internationaux et européens – je rappelle, à ce titre, que nous fêterons l’année prochaine les trente ans de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant –et de mettre en valeur les importants moyens que nous y consacrons.

C’est l’objet de l’article premier.

En second lieu, nous souhaitons disposer, par le biais d’un rapport, d’un état des lieux fiable et exhaustif sur les violences éducatives. En effet, les services de l’État ne disposent pas de données statistiques satisfaisantes sur les violences faites aux enfants et d’importants efforts doivent être réalisés pour y remédier, en partenariat avec les départements, dans le cadre du plan interministériel de lutte contre ces violences pour les années 2018-2022.

Ce rapport devra également présenter les mesures d’accompagnement et de soutien à la parentalité, ainsi que de formation des professionnels, qui devront être mises en œuvre pour que l’interdiction que nous introduisons se traduise bien par un changement des comportements, sans nouvelle sanction et sans culpabilisation des parents.

C’est l’objet de l’article 2.

Je vous proposerai également d’adopter des amendements de précision et de coordination, posant notamment un principe général d’interdiction du recours aux violences pour toutes les personnes exerçant une fonction éducative, conformément aux recommandations du Défenseur des droits.

Ces dispositions que nous nous apprêtons à examiner mettront ainsi un terme à la confusion entre autorité et violence, entretenue par notre corpus juridique et par un discours ambiant de minimisation des conséquences de certains actes. Elles permettront également de soutenir les parents, parfois à court de moyens, dans leur rôle d’éducateur, en améliorant leur information sur les aides disponibles.

Je souhaiterai terminer mon propos en saluant le travail inlassable des professionnels de l’enfance et des associations qui militent depuis des années pour faire avancer ce dossier, des services de l’État et des départements qui œuvrent aux côtés des familles pour trouver des solutions respectueuses de l’intérêt de l’enfant, mais également de mes prédécesseurs dans cette fonction de parlementaire, à l’instar de Mme Edwige Antier, qui a déposé les premières propositions de loi sur le sujet il y a déjà huit ans, de Mme Marie‑Anne Chapdelaine, qui a fait adopter un amendement à la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, et de Mme Laurence Rossignol pour ses prises de position au Sénat.

La lutte contre les violences ordinaires n’est donc pas un sujet nouveau, mais les mentalités ont évolué, et désormais c’est une écoute attentive que nous recevons lorsque nous défendons leur abolition.

Il ne tient qu’à nous, mes chers collègues, avec le soutien du Gouvernement, de transformer cette écoute, cette attente, en une loi de protection de l’enfance.

Mme Alice Thourot. La proposition de loi qui est soumise à notre examen aujourd’hui vise à compléter l’article 371-1 du code civil. Elle complète donc la définition de l’autorité parentale en précisant que, parmi les devoirs qui la composent, figure celui de s’abstenir de l’usage des violences éducatives.

Pour le groupe La République en Marche, l’éducation n’est pas la violence. La garde des sceaux l’a dit avec ses propres mots : « L’éducation ne peut reposer sur un droit de correction. » On réaffirme ici la dignité et l’intégrité de l’enfant. Il s’agit aussi de mettre notre droit français en conformité avec le droit international – la France pourra ainsi rejoindre les grands pays européens qui, pour la plupart, ont adopté des lois interdisant les violences faites aux enfants dans un cadre familial.

L’intitulé de la proposition, qui évoque des « violences éducatives ordinaires », suscite d’ailleurs chez moi des interrogations, car il n’y a pas de violences « ordinaires ». Les violences ne sont jamais, ne doivent jamais, être ordinaires.

Cette proposition de loi répond aussi à une demande de notre société, société qui se doit d’être sans violence vis-à-vis de nos enfants.

Il me semble important de rappeler les dispositions de notre droit pénal, qui sont très étoffées en la matière. Elles sanctionnent lourdement les violences exercées contre les enfants : trente ans de réclusion criminelle pour les parents d’un mineur de quinze ans l’ayant soumis à des actes de barbarie ou à des violences ayant entraîné sa mort sans l’intention de la donner ; vingt ans de réclusion criminelle lorsque des « violences habituelles » ont entraîné une infirmité permanente de l’enfant ; cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour des violences contre un mineur de quinze ans ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, ou n’ayant entraîné aucune ITT ; contravention de quatrième classe, dans les cas de violence volontaire n’ayant entraîné aucune ITT.

Sur le plan du droit civil, j’ajouterai que les violences envers un enfant peuvent aussi justifier le retrait de l’autorité parentale par le juge « dès lors qu’ils sont qualifiés de mauvais traitements, mettent en danger la sécurité de l’enfant, la santé ou la moralité de l’enfant », comme le prévoit l’article 378-1 du code civil.

Je soulignerai encore l’existence du premier plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants, annoncé en mars 2017. Je profite aussi de cette intervention pour saluer le travail des magistrats, des policiers et des gendarmes dans ce domaine. Ce travail est difficile, notamment lorsqu’il s’agit pour eux de recueillir la parole de l’enfant dans des conditions compliquées.

Je voudrais toutefois attirer l’attention de mes collègues sur l’obligation de prudence qui s’impose à nous dans la rédaction de l’article concerné ; l’opération n’est pas anodine. Nous devons veiller à ce que cette rédaction ne puisse pas être un moyen, pour des parents en instance de divorce, de jouer avec l’autorité parentale de l’autre parent. Il nous faut donc être particulièrement précautionneux quant à la rédaction que nous allons adopter ce matin, et en séance la semaine prochaine.

Permettez-moi un dernier mot, pour dire que l’interdiction des violences et l’obligation de se soutenir et d’avoir des relations pacifiques et bienveillantes au sein de la famille ne s’appliquent pas seulement aux parents envers leurs enfants, mais aussi aux enfants envers leurs parents. Il faut rappeler que le code civil prévoit que les enfants doivent respect et honneur à leurs parents et qu’il y a des obligations alimentaires qui pèsent sur les enfants à l’égard de leurs parents. Il est donc important d’avoir une approche équilibrée.

M. Jean-Louis Masson. Énième proposition de loi « anti-fessée », celle-ci prévoit de compléter la définition de l’autorité parentale, figurant à l’article 371-1 du code civil, en précisant que les enfants doivent avoir une éducation sans violence, même celle qui est considérée comme « légère », comme les fessées.

Elle inscrit, parmi les devoirs des parents, celui de s’abstenir de l’usage de toute forme de violence, quelle qu’en soit la forme : physique, verbale et psychologique. En revanche, aucune sanction pénale à l’encontre des parents n’est énoncée.

Rappelons que l’article 222-13 du code pénal interdit toute forme de violence physique envers les enfants. Il érige d’ailleurs en circonstance aggravante le jeune âge de la victime. Toutefois, il existe une jurisprudence qui admet un « droit de correction » issu du code civil de 1804.

L’article 2 tend à favoriser le lancement de campagnes de sensibilisation et d’actions d’accompagnement par la remise d’un rapport.

Rappelons que si cette loi a été inscrite à l’ordre du jour, c’est parce qu’un article au projet de loi « Égalité et citoyenneté », visant à compléter le code civil aux mêmes fins, a été censuré par le Conseil constitutionnel en janvier 2017, car il ne présentait pas de lien direct avec le texte. Le Conseil constitutionnel avait été saisi par les sénateurs du groupe Les Républicains.

Je précise que j’ai été le père d’une famille de six enfants. Peut-être quelqu’un dans la salle a-t-il fait mieux ? Si oui, tant mieux ! (Sourires). J’imposais des règles dans leur éducation. Fixer des règles et les faire appliquer est essentiel pour que les enfants deviennent des adultes respectueux de la vie en société. Mes enfants, aujourd’hui, ne manifestent aucune critique, tant s’en faut, à mon endroit.

Vieux serpent de mer, texte d’affichage et de symbole, cette proposition n’ose même pas aller jusqu’à la sanction pénale. Au nom du groupe Les Républicains, je considère qu’il s’agit de temps perdu pour des députés qui se font plaisir sur le sujet.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je tiens tout d’abord à saluer la qualité des travaux de notre rapporteure. Pour nous, il s’agit d’un texte important.

Je commencerai par un tout petit aparté. C’était hier la journée internationale des droits de l’enfant. Je salue l’annonce, par la ministre Agnès Buzyn, de la mise en place d’un plan national pour lutter contre la maltraitance. J’ai bien noté les inquiétudes de ma collègue Thourot sur la manière de rédiger la modification que nous voulons apporter au code civil. Je crois néanmoins qu’il faut que notre droit soit plus protecteur des droits des enfants, même si des devoirs s’imposent également à eux.

Le « droit de correction » est toujours autorisé, ou toléré, dans la sphère familiale, par notre droit et par notre société. Dans notre quotidien, il ne viendrait pourtant à l’idée d’aucun d’entre nous d’en venir aux mains quand nous ne sommes pas d’accord avec quelqu’un et qu’il ne veut pas faire ce qu’on lui demande.

Un coup, ça fait mal, c’est humiliant et, étrangement, le seul cas où il soit autorisé de frapper quelqu’un, c’est lorsqu’il s’agit de ses propres enfants ! Si un professeur, un éducateur, un encadrant de nos enfants, que ce soit une nounou, l’employée d’une crèche, de l’école ou d’un centre de loisirs, frappait et humiliait votre enfant jusqu’à ce qu’il « comprenne », quelle serait votre réaction ?

Les justifications que j’entends le plus souvent sont : « une bonne fessée, voire une bonne raclée, n’a jamais fait de mal à personne, j’en ai reçu et je vais très bien » ; ou encore : « ce sont mes enfants, je fais ce que je veux ». Trouver acceptable de frapper à son tour au motif qu’on a été frappé soi-même relève d’une logique infernale. C’est la meilleure preuve que la violence entraîne la violence : « J’ai été frappé par mes parents, donc je frapperai mes enfants. »

Ne pas frapper un enfant ne signifie pas manquer d’autorité. On peut avoir de l’autorité sur ses enfants sans recourir aux coups ni aux hurlements. Cela n’empêche pas de les éduquer correctement, de leur fixer les limites dont ils ont besoin – je le précise – pour grandir, s’épanouir et devenir des adultes équilibrés.

Frapper, punir durement, hurler après un enfant, est un échec, l’échec d’un parent dans l’incapacité de jouer son rôle d’éducateur bienveillant et protecteur.

Tous les parents, moi la première, perdent leur calme, s’énervent, manquent de patience. Il n’y a rien de plus difficile que d’être un bon parent. Et c’est justement pour aider, pour accompagner les parents, qu’il faut changer les mentalités, faire évoluer notre société. C’est d’ailleurs l’un de nos devoirs de législateur : prendre de la hauteur sur les sujets de société, de façon dépassionnée, dans l’intérêt général.

Encore une fois, il ne s’agit pas de culpabiliser les parents, mais simplement de rappeler ce que la plupart d’entre eux apprennent à leurs enfants : « On ne tape pas, on ne crie pas, on n’est pas méchant avec les autres, on ne se moque pas des autres, il faut être tolérant… »

Il y a d’ailleurs une véritable contradiction entre les principes que nous souhaitons leur inculquer pour le bien-être ensemble et la réalité du quotidien au sein de nombreuses familles où la loi du plus fort est une réalité. On peut d’ailleurs s’étonner, encore une fois, que le seul endroit où la violence est autorisée soit la sphère familiale.

Pour finir, je rappellerai que le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe avait estimé, en 2015, que le droit français n’était pas assez protecteur sur ce sujet et ne respectait pas la Charte sociale européenne. Ma collègue l’a rappelé : nous sommes aujourd’hui observés au niveau européen.

La violence ne doit pas être une réponse éducative. C’est pourquoi mes collègues du Mouvement Démocrate et apparentés et moi-même soutenons ce texte.

Mme Michèle Victory. La violence sur les enfants, qu’elle se manifeste par des gestes, des attitudes ou des paroles, continue à faire beaucoup trop de victimes.

Combien de fois, dans un lieu public, dans un supermarché ou simplement dans la rue, avons-nous été témoins de ces violences « anodines » que des parents font parfois subir à leurs enfants et face auxquelles nous n’osons pas intervenir. Cela « ne nous regarde pas », pensons-nous : manque de courage et mauvaise interprétation du code civil qui font de nous des spectateurs silencieux ou des voisins aveugles.

Nous nous disons que tout cela appartient à la sphère familiale et privée et nous n’intervenons pas car des siècles de discours sur l’« autorité » nous ont fait intégrer que ces gestes, cette maltraitance ordinaire, n’étaient pas de la violence. Ces gestes qui agressent et détruisent quelquefois des êtres humains en devenir ont infusé notre société et ne sont finalement plus remis en question.

D’ailleurs, comme la violence envers les femmes, celle que l’on inflige aux enfants n’est trop souvent que le fruit de siècles de domination du plus fort sur le plus faible. Je souscris ainsi à la citation d’Alice Miller reprise dans votre rapport : « Nous ne pouvons pas nous libérer d’un mal sans l’avoir nommé et jugé comme un mal. » Une fois encore, ce sont les mots que nous mettons sur les choses qui nous aident à prendre conscience et à nous battre.

Ce mal, ce sont les violences éducatives ordinaires, que certains appellent des « gestes d’autorité », mais qui sont en réalité des gestes répétés d’humiliation et de destruction de l’enfant, des gestes qui, sous couvert d’éduquer, ne disent souvent que l’impuissance de l’adulte à assumer son rôle et sa mission.

Certes, les violences intrafamiliales ne tuent pas à chaque fois, mais les spécialistes sont unanimes quant aux dégâts qu’elles occasionnent sur les enfants qui en sont les victimes. Cette violence quotidienne fragilise la construction de futurs adultes, qui perdent toute confiance en eux, toute estime d’eux-mêmes. Cela n’a en fin de compte aucune valeur éducative, nous le savons bien.

Dans le même temps, une évidence s’impose : on ne nait pas parent, on le devient. Le chemin pour construire avec nos enfants une relation saine, enrichissante et respectueuse n’est pas si simple. Un enfant à qui l’on ne parle pas et que l’on enferme dans une violence physique et psychologique toute-puissante ne peut pas grandir. Un enfant à qui l’on ne fixe des limites que par la force et la contrainte est condamné à vivre seul, sans repère qui le structure, qui le rassure, sans autre horizon possible que la peur et le stress permanents.

Nous devons donc renforcer la politique d’accompagnement à la parentalité, offrir davantage de médiation et d’espaces de rencontres et surtout informer, encore et toujours, afin que la lutte contre la violence faite aux enfants et leur souffrance ne soient plus acceptées.

Il faut donc que notre société soit à la hauteur de ses principes, humanistes et républicains et qu’elle affirme par un texte de loi clair sa vision de l’éducation et de la place qu’elle fait à l’enfant.

C’est pour cela que la majorité précédente avait voté un amendement au projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, pour interdire les violences éducatives ordinaires. Cet amendement complétait la définition de l’autorité parentale du code civil, en précisant qu’elle exclut « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».

Mais, suite à la saisine du Conseil constitutionnel par les sénateurs du groupe Les Républicains, cet article avait été annulé au motif que la disposition n’avait pas de lien direct avec les objectifs initiaux de la loi.

Nous voici donc invités à légiférer à nouveau pour qu’une loi civile interdisant les punitions corporelles soit votée. Tout comme en 2016, le groupe Socialistes et apparentés partage l’objectif poursuivi par ce texte, qu’il soutient par conséquent.

Nous pensons néanmoins que la rédaction proposée manque un peu de clarté. C’est pourquoi nous proposons la formulation retenue dans le cadre du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui nous paraît mieux servir les objectifs visés.

M. Bastien Lachaud. Quoi qu’en disent les goguenards sur les réseaux sociaux, ou ceux qui réduiraient les violences dites éducatives à « la fessée », cette proposition de loi est d’utilité publique. Aussi, bien qu’elle émane de la majorité, et comme nous examinons toujours les textes sans sectarisme, le groupe La France insoumise la soutiendra. J’en suis moi-même cosignataire.

Certains points peuvent cependant être précisés, comme nous le verrons en examinant les amendements.

Les violences faites aux enfants n’ont rien de banal ni d’éducatif. La société condamne toute forme de violence physique, verbale, psychologique. Des sanctions pénales sont prévues pour les auteurs de coups, de blessures, mais pas pour celles et ceux qui frappent des enfants, encore moins leurs propres enfants. Ces comportements sont renvoyés à l’intimité de la famille, à la liberté des parents dans le choix de l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants. Mais qu’en est-il de la liberté des enfants d’avoir une éducation sans violence ? Ils n’en ont aucune !

La société a le devoir de protéger les enfants de la violence, comme elle a un devoir de protection envers les plus faibles. Il y a également un impératif de santé publique, car les conséquences d’une éducation violente sur la santé psychologique, le stress, le manque de confiance en soi, sont multiples.

Il ne s’agit pas là, contrairement aux vulgaires caricatures que l’on peut lire ici ou là, de céder à tous les caprices des enfants, de les ériger en enfants-rois auxquels on ne pourrait jamais rien dire et surtout pas « non ». Il s’agit simplement de dire qu’on peut dire « non » à un enfant d’une toute autre manière que par des actes violents.

Contrairement à ce qu’on dit, la violence n’est pas éducative. Si elle éduque, c’est à la violence et à la résolution des conflits par la violence et la douleur. La violence sur les enfants les habitue aux rapports de force et de domination, à craindre celui qui a la force plus qu’à respecter celui qui a raison.

Ces enfants sont éduqués sous l’emprise de rapports de domination, qu’ils peuvent aussi, malheureusement, constater entre leurs parents, et dont ils subissent aussi les conséquences. À mesure qu’ils grandissent, le modèle s’ancre dans leurs esprits. La violence est le terreau de la maltraitance et des violences conjugales : on habitue l’enfant à penser qu’il y a une « bonne » violence, légitime, physique, humiliante, qu’il est normal de se comporter ainsi au sein d’une famille.

Les humiliations récurrentes, les violences psychologiques répétées, les inégalités les plus insidieuses conduisent inévitablement, par leur répétition et par la légitimité de l’autorité dont elles émanent, à former les esprits. Ainsi, les enfants apprennent à être dominés et à vouloir dominer pour sortir de cette situation où ils subissent la violence. On entre dans un cycle infernal, où la violence future répond à la violence présente, où les enfants battus devenus parents sont parfois incapables d’éduquer leurs enfants autrement.

Cette violence domine ensuite les rapports sociaux, à l’école, plus tard au travail, dans la société, dans le couple : toutes les relations sociales sont pourries par l’envie impérieuse de s’imposer pour ne pas subir la violence ou, chez d’autres, par la peur permanente et l’effacement de soi résultant du fait d’avoir été élevé dans la crainte.

Seuls les dominants veulent maintenir les rapports de domination. Leur disparition n’entrainera pas le chaos ni la fin de l’autorité, mais ce qui est premier en république : la liberté pour l’enfant de s’épanouir sans crainte, l’égalité de traitement de tous, sans que l’un domine et l’autre obéisse, et la fraternité. Cela s’apprend tout petit. Et cela ne s’apprend pas par la violence.

Mme Elsa Faucillon. Je crois qu’il s’agit d’un texte important. Je me réjouis et je suis fière d’être cosignataire de cette proposition de loi et de voir qu’elle a peut-être, cette fois, une véritable chance d’aboutir. C’est extrêmement important pour la vision d’une société non violente que porte le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Par l’éducation à la paix, cette proposition de loi tente d’aider à sortir d’une relation de dominé à dominant. En tant que communiste, je considère qu’elle entre pleinement en tout cas dans une vision de la société qui vise l’émancipation et la paix.

Je m’attacherai à défendre l’article 2, mais, sur l’article 1er, nous avons déposé des amendements, car je crois que nous pouvons encore l’améliorer pour être pleinement dans le cadre d’une loi abolitionniste des violences éducatives ordinaires. Il faut notamment en finir avec le « droit de correction ».

La lecture de l’article 2 me permet d’abord de vous dire qu’il n’y a pas de déterminisme social à la violence éducative ordinaire : elle concerne toutes les catégories sociales. En revanche, l’aide à la parentalité, en tant que service public, soutient de moins en moins les classes sociales les plus démunies. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur cette proposition de loi pour développer les services d’aide à la parentalité, mais aussi soutenir les associations qui travaillent dans les quartiers.

Il s’agit non de pointer quiconque du doigt, mais d’aider à sortir de cette situation. Trop souvent, on pointe simplement certaines origines sociales ou culturelles. Cet article 2 nécessitera donc que l’on se dote de moyens importants pour le mettre en œuvre.

M. Paul Molac. Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce texte ne laisse pas indifférent. Des opinions divergentes peuvent s’exprimer, y compris dans les groupes politiques, voire dans les familles car, évidemment, nous avons des conceptions différentes de l’utilisation de ces « violences » – d’autres utiliseront d’autres mots.

Au groupe Libertés et Territoires, certains sont totalement favorables à cette proposition de loi et l’ont signée. Ils estiment que toute violence est à proscrire, au motif qu’elle laisse, comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, un certain nombre de traces psychologiques – chez certains enfants, en tout cas. Selon eux, il serait bienvenu de passer à un autre type d’éducation. On peut le comprendre.

Certains pays, comme la Suède, ont déjà adopté des législations en ce sens. C’est pourquoi certains plaident pour le vote de cette proposition de loi, quand d’autres n’en voient pas l’intérêt. Car on voit bien, dans les différentes prises de parole, qu’on confond ce qui est de la maltraitance avec ce qui vise à stopper certaines pratiques des enfants. À un moment donné, il faut bien leur dire « non » !

Alors, bien sûr, on peut proscrire les violences. Mais il y a forcément une continuité dans l’éducation : si l’on veut changer les mentalités, cela ne peut pas se faire tout de suite. Dans un certain nombre de pays, en particulier d’Afrique, quand les enfants font une bêtise, ils ramassent une raclée…

Je suis père de sept enfants. Ce n’est pas de ma faute si j’ai fait mieux que M. Masson (sourires), encore que je l’aie tout de même fait exprès, mais c’est ainsi. Fort de cette expérience, je puis dire que nous avons déresponsabilisé les parents en leur faisant la morale, de sorte qu’ils ne se sont plus occupés de l’éducation de leurs enfants.

On trouvera toujours des gens bien-pensants qui viendront vous expliquer comment il faut élever vos enfants, voire comment il faut les éduquer. Je le sais pour avoir été enseignant et je pense en particulier à ma femme, institutrice en maternelle : les parents aiment lui expliquer comment il faudrait qu’elle fasse son travail… L’anarchiste que je suis (sourires) s’émeut toujours quand l’État veut nous expliquer un certain nombre de choses, y compris dans notre vie quotidienne.

Notre droit peut et doit s’occuper de la maltraitance. Et il le fait : tout un arsenal juridique existe déjà. Est-il nécessaire d’en rajouter ? Je laisse la réponse à la sagesse de cette assemblée…

Mme Emmanuelle Ménard. Il serait bon que ce débat ne tombe pas dans la caricature. Cette proposition de loi me laisse un sentiment très mitigé, que j’expliquerai en quatre mots : confusion, intrusion, culpabilisation, dénonciation.

On entretient tout d’abord une confusion malsaine : nul n’est favorable, évidemment, aux actes de barbarie et aux violences sur les enfants qui mettent sa santé en danger, qui sont déjà punis par la loi – il n’est donc pas nécessaire de le rappeler. S’agissant de violences physiques, en revanche, tout est dans la frontière qui circonscrit cette notion : la tape sur la main ou sur la couche constitue-t-elle une violence physique ? Imposer à un enfant d’aller au coin après une bêtise, est-ce une violence psychologique ? Certains le vivent sans doute comme une humiliation ; pour d’autres, au contraire, c’est une punition salutaire. Qui en décide ? Est-ce au législateur français de décider qu’aller au coin est humiliant et doit être interdit par le code civil ? Non, c’est au parent de le décider.

D’où la deuxième notion : l’intrusion. Cette proposition de loi part d’un bon sentiment mais, au lieu de la société inclusive que vous prônez sans cesse, vous allez former une société intrusive, ce qui est bien différent. Après nous avoir expliqué comment distinguer entre les fausses et les bonnes informations, voilà qu’on nous explique comment élever et éduquer nos enfants. Sur ce point, je rejoins M. Molac : ce n’est pas à l’État d’expliquer aux parents comment ils doivent élever leurs enfants. Encore une fois, évitons toute confusion : il ne s’agit naturellement pas de légitimer les mauvais traitements et les violences commises à l’égard des enfants. Tout est dans la teneur de la notion de violence et de mauvais traitement : il va de soi que chacun ici s’oppose aux actes de barbarie.

La culpabilisation, ensuite : un parent qui, après une journée de travail, aurait un geste d’énervement ou d’impatience, ou crierait même sur son enfant, tomberait sous le coup de la loi ! De même pour toute punition que certains pourraient juger excessive mais qui, dans certains cas, se révèle utile.

La dénonciation, enfin – et c’est le plus grave. Par cette loi, vous allez inciter des enfants à dénoncer leurs parents après avoir reçu une fessée la veille au soir, chez eux. Il en résultera un climat délétère au sein des familles. Tout cela n’est pas qu’une abstraction ! À preuve, il y a quelques mois, j’ai eu une longue discussion avec une directrice d’école qui avait dans son établissement un petit garçon problématique, au point qu’elle hésitait à avertir les services sociaux : elle pensait, sans en être certaine, qu’il pouvait avoir subi des mauvais traitements. Elle a décidé d’enquêter plus avant et a demandé au garçon – âgé de huit ans – de lui montrer ses cahiers. C’est alors qu’elle a découvert dans un cahier de brouillon qu’il avait en fait tout inventé ! C’est parce que sa belle-mère était enceinte et qu’il craignait que le nouvel enfant ne prenne sa place qu’il avait décidé d’inventer une histoire de toutes pièces et d’accuser ses parents de mauvais traitements ! Cela donne à réfléchir. Avec une telle loi, vous allez inciter certains enfants – ne généralisons pas – à dénoncer leurs parents, parfois à bon escient et parfois à mauvais escient ; le problème est réel.

Mme Maud Petit, rapporteure. Permettez-moi de revenir sur quelques-uns des points qui ont été soulevés. Mme Thourot a évoqué le cas d’un parent qui, dans une procédure de divorce, serait tenté d’utiliser ce texte pour obtenir la garde de son enfant. Nous avons abordé cette hypothèse la semaine dernière avec les juges aux affaires familiales et les juges des enfants que nous avons auditionnés. Il nous a été dit qu’il fallait faire confiance au juge et le laisser apprécier chaque cas afin de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant.

Il s’agit en effet d’une proposition de loi à caractère civil. Comme l’ont rappelé certains de nos collègues, des sanctions pénales existent déjà et sanctionnent les parents et autres personnes qui usent de mauvais traitements à l’égard des enfants. Il est donc inutile d’ajouter une sanction supplémentaire dans ce texte qui a une visée pédagogique.

Puisqu’il existe un ensemble de mesures pénales, quel est l’intérêt de ce texte ? Il sert en premier lieu à nous mettre en conformité avec les recommandations européennes. Les élections européennes approchent et chacun cherchera à faire élire des représentants ; certains, pourtant, prétendent qu’il est inutile d’écouter les recommandations de l’Europe. Non-sens ! Il y a vingt-neuf ans, la France a signé la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous sommes également membres du Conseil de l’Europe et nous avons ratifié la Charte sociale européenne. Nous nous sommes donc clairement engagés à adopter une loi interdisant le recours aux violences éducatives ordinaires. Cela fait donc près de trente ans que la France est hors-la-loi en la matière ! Nous devons nous mettre en conformité avec la réglementation internationale et européenne.

Il y va aussi de l’égalité des droits. Il ne vous viendrait pas à l’idée, madame Ménard, de prétendre que frapper sa femme – même d’une petite tape – pour « lui remettre les idées en place » n’est pas un acte bien grave.

Mme Emmanuelle Ménard. Nul besoin de le dire !

Mme Maud Petit, rapporteure. C’est pourtant mot pour mot ce que l’on entendait dans un micro-trottoir datant de 1970, dont j’ai récemment revu les images. Quarante ans plus tard, il est admis dans les mentalités que l’on ne frappe ni sa compagne, ni son compagnon. Il faut appliquer le même principe aux enfants, qui sont les plus vulnérables d’entre nous. Nous avons réussi à faire progresser les droits des adultes, les droits des animaux. Il est temps désormais de faire progresser les droits des enfants.

Il est vrai, Monsieur Molac, que le changement des mentalités prend du temps ; il va de soi que les choses ne se feront pas du jour au lendemain. Nous pouvons, cependant, déjà constater une évolution. Il y a quelques années, le martinet était encore employé pour corriger des enfants ; aujourd’hui c’est la main, et encore les parents, de plus en plus, ne parlent que de « petites tapes ». Je ne minimise rien, mais il ne s’agit plus que de petites tapes ponctuelles. En réalité, ces parents sont prêts – peut-être sans le savoir – à abandonner ce genre de pratiques éducatives.

Certains collègues demandent comment faire si la fessée est interdite. Je rappelle d’une part qu’il est très réducteur de ramener ce texte à la seule question de la fessée. Ensuite, il existe bien d’autres modes d’éducation de l’enfant : parler avec son enfant, l’écouter, jouer au foot avec sa fille, cuisiner avec son fils, échanger. La fin de la fessée ne signifie pas la fin de l’éducation ! Ne pas éduquer son enfant est aussi une forme de violence. Il faut éduquer l’enfant, être auprès de lui, mais sans ces formes de violences éducatives. Si ces violences sont dites ordinaires, c’est parce qu’elles sont banalisées.

Il n’est aucunement question de culpabiliser les parents, Madame Ménard. Aucun des collègues qui ont signé ce texte et qui souhaitent accompagner le changement des mentalités n’entend stigmatiser les parents. Nous ne sommes pas contre les parents, mais pour l’accompagnement d’une autre forme de parentalité. Il faudra consacrer les moyens nécessaires pour avancer sur ces sujets par des campagnes d’information, par des mesures de formation des professionnels, par une meilleure écoute des parents au sein des associations et des services de l’État. Il existe déjà de nombreux dispositifs mais ils sont parfois méconnus tant l’information est diffuse. Il faut en améliorer la cohérence.

Un dernier mot : n’ayez pas peur de vos enfants ! Vous parlez de dénonciation : s’ils souhaitent vous dénoncer, ils en ont déjà la possibilité aujourd’hui ! Le 119 est un numéro d’appel destiné aux enfants qui subissent des mauvais traitements, mais aussi des parents qui cherchent de l’aide car ils ne savent plus comment faire en cas de fatigue ou face à un enfant difficile. Il est donc déjà possible de « dénoncer », mais il ne faut tout de même pas avoir peur de ses propres enfants ! Votre enfant n’est pas un monstre qui ne veut que votre mal, votre fin, votre éradication ! Il n’est pas votre ennemi. Il faut simplement lui expliquer les choses. Rassurez-vous, chère collègue : il n’y aura pas davantage d’actes de dénonciation après l’adoption de ce texte.

M. Xavier Breton. Dépassons le débat consistant à opposer les « bons » qui seraient contre les violences et les « méchants » qui seraient pour. L’éducation est un sujet crucial qui est au fondement même de la société. C’est un exercice difficile. Rappelons d’abord un principe : les parents sont-ils ou non les premiers éducateurs de leurs enfants ? La réponse ne va pas de soi : nous avions proposé d’inscrire ce principe dans la loi de refondation de l’école défendue par M. Peillon, mais cela nous avait été refusé. Notre conception de la société est celle-ci : ce sont les parents qui sont les premiers éducateurs. L’État doit intervenir quand les parents lui délèguent une tâche d’éducation et d’instruction ou quand ils s’avèrent incapables d’assurer l’éducation de leurs enfants – un cas où l’État, de manière subsidiaire, a en effet l’obligation d’intervenir.

Le problème tient au fait que cette proposition de loi dépasse nettement le cadre de la subsidiarité. D’une part, elle supprime des moyens d’action éducative. L’intention initiale est peut-être bonne mais par quoi remplace-t-on ces moyens ? Rien n’en est dit.

Ensuite, le texte porte sur les droits des enfants mais omet toute réflexion sur leurs devoirs. Or, l’éducation est aussi faite d’exigences. Se contenter d’une simple logique de droits ne permet pas d’établir un cadre éducatif.

Troisième point : l’ingérence de l’État. Mme la rapporteure évoquait un « changement des comportements » : tout est dit ! Vous vous imposez une tâche de rééducation des parents. J’entends parler de « bons parents », de relations entre dominants et dominés, de relations « pacifiques » dans les familles : prenons garde ! Le ras-le-bol fiscal qui s’exprime aujourd’hui repose sur un ras-le-bol plus général de l’ingérence de l’État dans la vie des citoyens, notamment des familles. Méfiez-vous : c’est avec des textes comme celui-ci que la déconnexion s’aggrave et qu’elle s’exprimera de plus en plus fortement !

M. Fabien Di Filippo. Je rappelle que les violences et les maltraitances à l’égard des enfants sont déjà pénalement réprimées. La loi doit-elle désormais dire ce qu’est être un bon parent ? Tous ceux qui le sont devenus savent que rien ne peut vous préparer à la parentalité. C’est au fur et à mesure des années et des expériences que l’on apprend à bien s’occuper d’un enfant.

Ce texte vise à interdire les « moyens d’humiliation tels que la violence physique » – c’est déjà le cas – « et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales ». Vous ouvrez là une sacrée boîte de Pandore ! Avec vous, la technocratie a réponse à tout. Elle nous explique tel un nouvel évangile ce qui est bon et ce qui est mauvais à coups d’acronymes et d’interdictions. Vous avez créé les « VEO » – les violences éducatives ordinaires. Vous reconnaissez vous-même, madame la rapporteure, que leur définition sera laissée à la libre appréciation du juge. Étant donné la porosité du texte tel qu’il est écrit, vous imaginez, en cas de séparation des parents, les débats homériques auxquels il ouvre la voie.

Plus grave encore : quid de l’autorité dans notre société ? Elle ne passe naturellement pas par les coups, mais vous allez beaucoup plus loin avec ce texte. Lorsque l’on contraint physiquement un enfant à aller au coin, le texte s’applique-t-il ? Lorsqu’un enfant reçoit une tape sur la main parce qu’il a voulu toucher une plaque électrique un peu trop chaude, est-ce grave ? Contraindre un enfant à ranger sa chambre ou sa salle de jeux en le prenant par le bras, élever la voix quand il n’écoute pas, tout cela relève-t-il d’actes de violence ? Vous prétendez que notre société est gangrenée par des violences ordinaires mais il existe à mon sens bien d’autres phénomènes auxquels vous pourriez vous attaquer en premier lieu avec plus de force – les kalachnikovs et les armes à feu dans certains quartiers, les règlements de compte, les vols avec violence, les agressions sexuelles. Tous ces phénomènes détruisent beaucoup plus de vies, notamment les vies de très jeunes enfants, que ce que vous appelez l’éducation parentale.

Mme Caroline Abadie. Nous souscrivons naturellement aux principes de non-violence et de non-humiliation qui doivent désormais être inscrits dans le droit. Ce sont des principes éducatifs de grande valeur. Permettez-moi néanmoins de nuancer légèrement votre propos, madame la rapporteure. Je comprends que votre expérience personnelle vous donne tous les outils du bon parent : posé, à l’écoute, dialoguant, bon communicant. Or, chaque être humain ne dispose pas forcément des mêmes outils. Nous ne sommes pas tous préparés à accueillir un enfant. Un enfant se rencontre : mes jumeaux, par exemple, sont très différents l’un de l’autre et je ne les ai pas éduqués de la même manière tant leurs besoins divergent. Je ne suis pas certaine que cette préparation soit à la portée de tous les parents. Il est certes utile d’acquérir ces outils – en achetant des livres et en appliquant ces principes éducatifs – mais encore faut-il être armé pour aller chercher ces outils. Tout le monde ne le fera pas.

En clair, je souscris pleinement aux principes et à la très bonne intention qui inspirent cette proposition de loi, mais j’ajoute que tous les enfants ont besoin d’un cadre, qu’il soit restrictif ou non.

M. Philippe Gosselin. Ce sujet délicat peut vite embraser les réseaux et les interventions. Nous convenons tous des bonnes intentions de la rapporteure et de l’intérêt qu’il y a à réduire les violences au sein des familles, tant pour les couples que pour les enfants. C’est si vrai que le code pénal prévoit déjà un arsenal de mesures permettant de sanctionner, punir et condamner les parents qui iraient trop loin.

Tout est dans ce « trop loin ». Est-ce qu’une tape ou une fessée constituent une violence à ce point insoutenable qu’il faille ici distribuer des bons et mauvais points ? À l’évidence, non. Je me méfie toujours de ces textes qui, sous couvert de bonnes intentions – intentions que nous partageons tous, car il faut condamner les violences commises à l’égard des enfants – s’apparentent à une vulgate consistant à distribuer officiellement des bons et des mauvais points et, en l’occurrence, à stigmatiser les parents qui oseraient donner une tape à leur enfant parce qu’il a touché la plaque électrique, pour reprendre l’exemple cité par M. Di Filippo. Je vous l’avoue franchement : cela m’est déjà arrivé ! Envoyer un enfant au coin : est-ce une violence psychologique telle qu’il en résulterait des perturbations tout au long de la vie ? À l’évidence, non. Je me méfie donc lorsque l’État s’attaque – car c’est bien le cas avec ce texte – à la bonne éducation et contrarie les parents qui, à mon sens, sont les premiers éducateurs. L’État doit fixer des règles générales mais c’est aux parents qu’il appartient de trouver les voies et les moyens de parvenir, dans le respect de la légalité, à la bonne éducation – laquelle varie d’ailleurs selon les familles, leurs références et les points sur lesquels elles insistent. Au sein même d’une famille, les manières de procéder diffèrent selon les enfants, chacun ayant sa personnalité. Il serait bon de respecter aussi les éducateurs que sont les parents.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. J’ai annoncé à mon fils de dix ans que j’ai cosigné une proposition de loi visant à interdire les violences éducatives ordinaires et je lui ai expliqué cette notion. Il s’en est réjoui pour l’un de ses camarades de classe qui, lorsqu’il rentre chez lui avec de mauvaises notes, se fait battre. Si le Parlement adopte ce texte, ce type de violences éducatives et récurrentes ne sera plus toléré.

Nous n’appelons ni à l’idéal ni à la perfection. Il nous est tous arrivé qu’un enfant nous mette hors de nous. Il n’est pas question de culpabiliser les parents.

M. Pierre Morel-À-l’Huissier. Aucune violence contre les enfants n’est acceptable ; nous sommes tous d’accord sur ce point. Cependant, tout dépend de la situation qui existe entre un enfant, son père et sa mère. Ne stigmatisons pas telle ou telle réaction parentale. De nombreuses procédures – notamment pénales – existent, à quoi s’ajoutent les services départementaux, l’aide sociale à l’enfance et le Défenseur des droits.

Si je comprends bien l’orientation de cette proposition de loi, il s’agit de mettre un terme au droit de correction parentale. Le débat est ouvert et je ne risque pas de le clore, tant il est complexe.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CL17 de la rapporteure.

Mme Maud Petit, rapporteure. Cet amendement vise à introduire un principe général d’interdiction du recours aux violences à l’encontre de l’enfant dans le cadre d’une fonction éducative. Il se conforme en ce sens aux recommandations que le Défenseur des droits a formulées dans son avis du 19 novembre 2018 sur la présente proposition de loi, tout en rappelant le droit de l’enfant à une éducation sans violence.

Mme Alice Thourot. Le groupe La République en Marche ne votera pas cet amendement pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la présente proposition de loi s’inscrit dans le cadre précis de l’autorité parentale telle qu’elle est définie à l’article 371-1 du code civil, dont cet amendement s’éloigne quelque peu. En outre, nous n’avons aucun recul, faute du temps nécessaire qui nous aurait permis d’étudier l’élargissement du texte.

J’ajoute que le Défenseur des droits soutenait certes cette proposition mais que le législateur peut parfois se détacher de sa position. Enfin, Mme Jacquier-Laforge a bien rappelé que ce texte ne vise que les parents et leur rapport avec leurs enfants, excluant donc de fait le rapport qu’entretiennent avec l’enfant tous les éducateurs qui interviennent autour de lui – un sujet sur lequel les textes existants sont déjà nombreux. Il est essentiel d’avoir plus de recul pour, le cas échéant, examiner un texte ultérieur. À ce stade, nous voterons contre cet amendement.

M. Bastien Lachaud. Le groupe La France insoumise soutiendra cet amendement, qui reprend un amendement similaire que nous avons déposé à l’article 1er. Il ne s’agit pas de se conformer au seul avis du Défenseur des droits mais aussi aux conventions internationales que la France a signées, notamment la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989, dont l’article 3 élargit au-delà des seuls parents et détenteurs de l’autorité parentale le champ des personnes dont il faut protéger l’enfant.

M. Xavier Breton. La notion de « droit de l’enfant à une éducation sans violence », très générale, exclut toute limite. Il me semble dangereux d’adopter un texte qui repose sur un droit purement théorique et sans lien avec la réalité.

M. Erwan Balanant. Je comprends la difficulté que présente pour le groupe La République en marche cet amendement rédigé tardivement – car nous travaillons toujours dans l’urgence ici.

M. Philippe Gosselin. Sur de tels textes, mieux vaudrait l’éviter !

M. Erwan Balanant. Peut-être pourrions-nous le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique car, comme l’a dit M. Lachaud, c’est un amendement important qui permet de cadrer l’ensemble du dispositif, d’éviter toute stigmatisation des parents et d’envisager les choses sous un angle global – à savoir que la violence à l’égard des enfants n’est pas acceptable. C’est une position que nous partageons tous, quels que soient nos parcours et nos sensibilités.

Mme Elsa Faucillon. Nous soutenons cet amendement qui correspond à des préconisations du Défenseur des droits et vise à mettre la France en conformité avec des conventions qu’elle a signées voire suscitées. En outre, il permet d’éviter toute culpabilisation des parents et d’introduire la notion d’éducation non violente au sens large. Nous nous rapprochons ainsi des 22 autres pays de l’Union européenne qui ont déjà adopté des lois abolitionnistes.

M. Philippe Gosselin. Sous couvert de clarifier les choses, la rédaction proposée est ambiguë, au contraire. Il nous faut prendre davantage de temps pour la corriger. Si la rapporteure, qui nous présente un texte sur lequel elle doit avoir eu le temps de travailler, doute elle-même de sa formulation, voyez où nous en sommes : rien n’est stabilisé. Le souci de vouloir bien faire nous anime tous car à l’évidence, nous condamnons tous fermement la maltraitance, même si nous l’exprimons chacun avec nos mots et nos sensibilités. Pour autant, les notions de violence verbale et de violence psychologique ne sont pas précisément définies. Le fait d’élever la voix constitue-t-il une violence verbale ? Celui de désapprouver une attitude constitue-t-il une violence psychologique ? Nous ouvrons une boîte de Pandore très dangereuse, surtout s’il appartient in fine aux tribunaux de résoudre la question à partir de cas d’espèce – sauf à considérer qu’une jurisprudence imprenable s’imposera sur le sujet. Mieux vaut réécrire le texte dans la plus grande sérénité.

M. Stéphane Peu. Nous soutenons cet amendement qui, à mon sens, a deux vertus. La première est qu’il évite que cette loi ne s’adresse qu’aux parents et lui permet d’englober les relations que la société doit entretenir avec l’enfant, à l’intérieur comme à l’extérieur de la cellule familiale. D’autre part, je constate que l’éducation sans violence n’est plus guère présente aux examens du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, qui sanctionne la formation des animateurs de centres de loisirs et de colonies de vacances. Il m’arrive d’assister à des scènes effarantes dans certains centres de loisirs où, sous prétexte d’autorité, certains ont des comportements qui mélangent tout. Si cette loi avait au moins le mérite d’introduire une part de pédagogie non violente dans ces formations, ce serait déjà bien.

Mme Michèle Victory. Nous soutiendrons également cet amendement qui énonce un principe général. La plupart des éducateurs sont eux aussi des parents, et ce qui est valable pour les uns l’est pour les autres. Pourquoi des éducateurs auraient-ils le droit de faire ce qui leur est interdit avec leurs propres enfants ? Il me semble qu’il est de mauvaise foi de déplacer le débat sur la question de la limite de l’acte : chacun sait de quoi il s’agit lorsque nous évoquons la violence ordinaire. Il serait absurde de relancer cette discussion sur un coin de table : nous savons tous déjà de quoi il retourne. Cet amendement énonce un principe très général qu’il faut continuer de soutenir.

Mme Emmanuelle Ménard. Je mets en garde contre le caractère trop flou de cette proposition de loi et de cet article additionnel. Il vise la « fonction éducative » alors que le texte me semblait avant tout s’adresser aux parents. Son champ est-il donc beaucoup plus général ?

Encore une fois, qu’est-ce que la violence verbale ? Qu’est-ce que l’humiliation ? Où placer le curseur ? Faut-il définir toutes ces notions ? Faut-il dresser une liste des comportements qui entreraient dans telle ou telle case pour éviter que quiconque hausse le ton devant un enfant ne soit pas suspect d’avoir commis une infraction ou un délit à son encontre ?

M. Thomas Rudigoz. Comme l’a dit Mme Thourot, pourquoi proposer cet amendement à ce stade alors qu’il aurait pu être préparé bien en amont ? Il élargit considérablement le champ initial du texte ; je n’y suis pas favorable.

Quant aux centres de loisirs, monsieur Peu, je tiens à saluer le professionnalisme de la plupart des animateurs et éducateurs qui y travaillent. Les défaillances sont évidemment possibles, mais il existe déjà des moyens permettant de les dénoncer à la direction de la jeunesse et des sports. Cet amendement ne me semble rien apporter de plus.

Mme Maud Petit, rapporteure. Cet amendement a une valeur pédagogique. Le texte vise à interdire les violences éducatives ordinaires, qui ne concernent pas que les seuls parents mais toute personne qui intervient au contact des enfants.

Certes, des circulaires s’appliquent déjà, mais l’amendement vise à harmoniser l’ensemble de ces textes épars. C’est pourquoi il n’est pas destiné à être inscrit dans tel ou tel code particulier ; c’est plutôt un principe à destination de toute personne entrant en relation avec les enfants afin qu’elle évite de se livrer à ces violences éducatives ordinaires.

Au fil des auditions, les rapporteurs, vous le savez tous, poussent parfois leur réflexion jusqu’à une heure avancée de la nuit avant le passage du texte en commission. C’est une première ébauche. J’ai travaillé tard hier soir avec le Gouvernement, qui soutient cet amendement : la ministre a donné son accord.

En outre, il faut éliminer la notion de droit de correction de notre vocabulaire. Dans les tribunaux, les juges éprouvent parfois des difficultés pour se prononcer sur certaines affaires et déterminer s’il s’agit d’une maltraitance qui doit être réprimée ou d’un acte relevant du droit de correction. Nous devons dépasser tout cela et supprimer définitivement le droit de correction de notre jurisprudence. C’est aussi l’objectif de ce texte.

En attendant, je retire l’amendement afin que nous envisagions une reformulation d’ici à l’examen du texte en séance publique, le 29 novembre.

L’amendement est retiré.

Article 1er (art. 371-1 du code civil) : Interdiction des violences éducatives ordinaires

La Commission examine les amendements identiques CL2 de Mme MarieFrance Lorho et CL15 de Mme Emmanuelle Ménard. 

Mme Marie-France Lorho. Jusqu’où le Parlement s’immiscera-t-il dans la vie des Français ? Plus encore que leurs prédécesseurs socialistes, les députés de cette majorité qui prétend pourtant émaner de la société civile s’invitent dans les foyers pour édicter un ordre moral qu’ils n’ont aucune autorité pour définir, pas plus que les pouvoirs publics n’ont vocation à s’ingérer dans cette société domestique qu’est la famille. Vouloir définir et juger les attributs de l’autorité parentale est condescendant et démagogique : les Français qui donnent la vie ont le discernement nécessaire pour protéger leurs enfants et respecter, ainsi que le garantit le code civil, leur sécurité, leur santé et leur moralité, dans le respect dû à leur personne ; le législateur, lui, n’en a aucun.

Mme Emmanuelle Ménard. On ne peut qu’approuver l’idée que les enfants ont droit à une éducation sans violence ; en revanche, je vous mets de nouveau en garde contre les dérives que peut entraîner cette proposition de loi, dans la mesure où elle ne définit qu’assez confusément les actes qui entrent dans son périmètre. Il est une évidence qu’elle s’applique aux actes de barbarie ou aux violences répétées et régulières qui présentent un risque pour la santé de l’enfant, mais qu’en est-il de la petite tape sur la main ou sur la couche ? Envoyer un enfant au coin ou hausser le ton contre lui parce qu’il fait trop de bruit pour vous entendre relève-t-il, selon vous, d’une forme d’humiliation, de contrainte physique ou morale ?

Ce n’est pas à l’État de dire aux parents comment ils doivent élever et éduquer leurs enfants. Vous ne cessez de répéter qu’il faut expliquer les choses aux Français et faire œuvre de pédagogie, mais les Français sont des adultes, et il faut leur faire confiance : je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’expliquer aux parents qu’il n’est pas bien de frapper violemment leur enfant. Je ne vois donc pas l’intérêt de cette loi.

Mme Maud Petit, rapporteure. Madame Lorho, votre amendement propose de supprimer l’interdiction des violences éducatives au motif qu’il s’agirait d’une ingérence illégitime des pouvoirs publics dans la sphère privée.

Nous avons eu l’occasion d’en discuter lors de l’audition de la rapporteure générale du Conseil de l’Europe, et je tiens à rappeler que les violences éducatives sont déjà réprimées par le code pénal et que seule la jurisprudence a reconnu un « droit de correction », qu’elle applique d’ailleurs de manière changeante et qui nous vaut d’être régulièrement condamnés par les instances européennes et internationales pour non-respect de nos obligations en matière de protection des enfants.

Par ailleurs, si l’on suit votre logique, les violences faites aux femmes seraient aussi une affaire privée. D’ailleurs, le droit de correction des enfants avait pour pendant le droit de correction marital !

Un individu ne doit pas frapper un autre individu, et penser qu’on peut frapper quelqu’un pour son bien défie toute raison. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’enfants, qui ne peuvent pas quitter leur famille. Un parent peut perdre le contrôle de soi par peur, par fatigue ou par reproduction de certains comportements subis. C’est pour cela que l’interdiction doit s’accompagner de campagnes de sensibilisation.

J’ajoute à l’attention de Mme Ménard, qui indique dans son exposé sommaire que les dispositions que nous proposons conduiraient les enfants à dénoncer leurs parents, que je considère pour ma part que la parole de l’enfant victime de violences doit pouvoir être prise en compte, tout comme celle d’une femme victime de violences conjugales.

Par ailleurs, depuis les lois de 2007 et de 2012 sur la protection de l’enfance, l’intérêt de l’enfant prime dans les choix d’intervention des services sociaux ou du juge. Les enfants ne sont pas la propriété de leurs parents, ce sont des individus à part entière, qui doivent être protégés par la société.

Quant à la « petite tape » infligée sur la main ou par-dessus une couche, si vous estimez qu’elle est si anodine, cela signifie que l’on peut très bien s’en passer ; si, en revanche, c’est une tape ou une fessée qui fait mal et que l’enfant pleure, c’est de la violence éducative. Avis défavorable.

Mme Alice Thourot. Je regrette que ni Mme Lorho ni Mme Ménard ne se joignent à nous pour affirmer que l’éducation, ce n’est pas la violence. Si le groupe La République en Marche considère évidemment que nous n’avons pas de leçon à donner aux parents et que nous n’avons pas à nous immiscer dans la vie des familles, je rappelle en revanche que vingt-deux pays, dont la Suède, ont d’ores et déjà intégré dans leur droit des dispositions comme celles qui nous sont proposées. Or il ne me semble pas que la Suède soit particulièrement réputée pour son ingérence dans la vie des familles ou pour la manière dont elle limiterait les libertés individuelles.

Ce que nous souhaitons simplement, c’est affirmer le choix d’une société sans violence envers les enfants. C’est ce que propose ce texte, sur lequel nous voulons aboutir en présentant ensemble une rédaction précise et prudente.

M. Xavier Breton. Il est inutile de multiplier les exemples étrangers dont on a le sentiment qu’ils nourrissent une forme de complexe sur nos choix de société. Nous pouvons être fiers de notre société et de la manière dont nous éduquons nos enfants. À mes yeux, la Suède n’est pas le paradis, et je refuse cette conception ultralibérale d’une société uniquement fondée sur des relations contractuelles, car elle ne correspond pas à notre culture.

La rapporteure entend changer les comportements, mais est-ce le rôle de l’État ou de la loi ? Bornons-nous à engager le débat sur les moyens d’améliorer les relations sociales et évitons cette ingérence dans leur vie privée, qui va finir d’exaspérer nos concitoyens. Je voterai donc ces amendements de suppression.

M. Erwan Balanant. Nous devons lutter contre la violence qui parcourt notre société. Personne ne tolère de voir dans l’espace public deux adultes se gifler ; pourquoi l’autoriserait-on dans la sphère familiale ? Il y a là un travail de sensibilisation et de pédagogie à accomplir.

Les dispositions pénales existent, mais elles ne sont pas appliquées, soit à cause de la jurisprudence, soit parce que ce n’est pas encore entré dans nos mœurs. Cette proposition de loi n’est d’ailleurs pas la première sur le sujet, mais elle prétend proposer un texte compréhensible et acceptable par tous.

Nous devons avancer, car la violence, en particulier celle qui s’exerce sur nos enfants, est insupportable pour chacun d’entre nous.

M. Aurélien Pradié. Il n’y a pas, dans ce débat sur les violences infligées aux enfants, deux camps qui s’affronteraient, celui du bien et celui du mal, d’un côté ceux qui combattraient ces violences, de l’autre ceux qui y seraient favorables.

Je me demande en revanche si nous ne sommes pas en train de glisser vers un rôle qui n’est pas celui des parlementaires. Vous avez tout à l’heure, madame la rapporteure, critiqué le rôle de la jurisprudence. Or les parlementaires doivent respecter la jurisprudence, parce que ce ne sont pas eux qui jugent et que, par définition, la jurisprudence a cette vocation singulière d’adapter la loi dans sa pureté à la situation concrète à laquelle elle s’applique : ce que la loi ne peut pas faire seule, c’est aux magistrats et aux avocats de l’accomplir au sein du tribunal. C’est la jurisprudence qui fait vivre la loi, et on ne peut donc la dénoncer, car elle est en quelque sorte la garante d’un des fondements de notre démocratie, la séparation entre le pouvoir qui est le nôtre et celui des juges.

J’appelle votre attention sur cette tentation grandissante que nous avons de vouloir nous occuper de tout, sachant que le plus grave, dans cette proposition de loi, ce n’est pas son objet, mais le fait qu’elle sera inefficace et ne changera rien. Nous nous serons donné bonne conscience pendant quelques heures mais, demain, la violence existera toujours.

M. Éric Ciotti. Ce débat est-il utile ou est-il futile ? Il me semble que nous sommes en train de dériver vers une législation de communication, car le droit permet d’ores et déjà de protéger les enfants de toute forme de violence.

J’ai présidé pendant neuf ans un département, où j’ai vu l’aide sociale à l’enfance (ASE) assurer, sous l’autorité des magistrats, la protection des enfants. Dans ce département, l’antenne départementale de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes, créée par la loi de 2007 sur la protection de l’enfance, a reçu l’an dernier cinq mille signalements, parmi lesquels plusieurs concernant des cas de violences intrafamiliales, qui ont débouché sur des informations judiciaires et, malheureusement parfois, sur des placements dans des structures d’accueil.

Je ne comprends donc pas l’objet de cette proposition de loi, si ce n’est de se donner bonne conscience et de coller à l’air du temps, en privilégiant la communication – ce qui est un peu la marque de fabrique de l’actuelle majorité – au lieu de traiter le problème des violences faites aux enfants en donnant des moyens aux services départementaux de protection de l’enfance. Je pense en particulier à la question des mineurs isolés, dont la prise en charge demanderait des moyens beaucoup plus importants que ceux dont nous disposons, notamment en termes de structures de placement, lorsqu’il s’agit de mineurs ayant fait l’objet d’un placement judiciaire. Plutôt que de traiter ces cas graves, vous préférez déployer votre pseudo-morale officielle. Je trouve ce débat ridicule.

M. Guillaume Vuilletet. J’ai une certaine admiration pour la capacité d’Éric Ciotti à rapporter la moindre problématique au problème de l’immigration.

Par ailleurs, avec son goût et son sens de la formule, il a demandé si notre débat était utile ou futile. C’est incontestablement un débat utile, mais dont la traduction législative s’avère compliquée.

Certes, la jurisprudence a son rôle à jouer dans le droit, mais lorsqu’une loi est aussi inefficace que celles qui existent déjà sur la question, le rôle du législateur est de la corriger.

Je pense, pour ma part, que l’une des vocations de la loi est de changer les comportements : la loi est la règle commune qui permet aux membres de la société de vivre ensemble et, en ce sens, elle influe nécessairement sur les comportements.

À cet égard, les amendements de Mmes Lorho et Ménard me paraissent extrêmement dangereux, car ils découlent de l’idée que la cellule familiale échappe à la loi, en deçà en tout cas d’un certain seuil de gravité des faits qui s’y déroulent. Cette proposition de loi que nous défendons s’inscrit en faux contre cette idée.

Mme Elsa Faucillon. La jurisprudence permet en effet à la loi de vivre, mais elle montre aussi parfois que la loi a besoin d’être modifiée et améliorée.

Mme Emmanuelle Ménard. Plusieurs des orateurs que nous avons entendus ont établi un parallèle entre un homme qui frappe sa femme et un parent qui donne une tape à son enfant, comparaison qui induit une conception de la femme qui m’étonne beaucoup : il me semble en effet qu’un parent a, vis-à-vis de son enfant, un rôle éducatif, ce qui ne me paraît pas être le cas d’un mari envers son épouse.

Plusieurs d’entre vous se sont également référés aux « bons parents ». J’ignorais que nous étions ici pour attribuer des bons points et décréter qui était un bon parent et qui était un mauvais parent : c’est une dérive totale de notre fonction.

Enfin, madame la rapporteure, reprenant mon exemple, vous avez expliqué qu’on pouvait très bien éviter la tape sur la couche. Vous avez raison, mais cette petite tape suffit parfois pour que l’enfant comprenne les limites à ne pas dépasser. En outre, si ce n’est pas un geste grave, pourquoi l’interdire ? Ce n’est pas notre rôle de dire aux parents s’ils doivent ou non se dispenser de cette petite tape, car ce serait faire fi des circonstances et du contexte dans lequel agit le parent, parfois sous le coup d’un énervement passager. J’y vois, là encore, une dérive malheureuse.

Mme Maud Petit, rapporteure. Vous considérez donc que l’on peut dire aux enfants : « Je t’aime, je te frappe ». Si je me permets ce raccourci, c’est que, de votre côté, vous procédez de même et faites une fixation sur la fessée et les claques. Vous inculquez à votre enfant que, parce que vous l’aimez, parce que vous voulez le protéger, vous le frappez pour le recadrer.

M. Aurélien Pradié. Ne me regardez pas en disant cela ! C’est insupportable ! (Sourires.)

Mme Maud Petit, rapporteure. Comment expliquera-t-on ensuite à cet enfant, devenu adulte, qu’il ne peut user de la même violence envers son conjoint ou sa conjointe ? L’éducation commence dès l’enfance : on ne frappe pas parce qu’on aime, on ne frappe pas pour éduquer.

Pour en revenir ensuite à la jurisprudence, je rappelle qu’il y a aussi la loi, puis, au-dessus, les traités et conventions européens et internationaux. Or la France s’est engagée en signant la Convention internationale des droits de l’enfant et la Charte sociale européenne à proscrire toute forme de violence éducative ordinaire envers les enfants. Sur un strict plan juridique, cette loi civile est donc nécessaire pour mettre la France en conformité avec le droit international.

Enfin, certains ont parlé d’intrusion dans la sphère privée, mais la loi s’applique partout et pour tous, elle ne s’arrête pas au seuil de la maison, elle ne s’arrête pas à la porte des chambres d’enfant.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL18 de la rapporteure et CL14 de Mme Michèle Victory.

Mme Maud Petit, rapporteure. Cet amendement de précision rédactionnelle vise à garantir l’interdiction de toutes les formes de violences éducatives, notamment celles qui sont psychologiques. En cela, il répond à l’amendement que va défendre M. Lachaud.

Mme Michèle Victory. La formulation que nous proposons est un peu différente et vise à interdire tout traitement cruel, dégradant ou humiliant. Il est d’autant plus essentiel à nos yeux que le texte soit le plus clair possible que cet article du code civil est lu lors de la célébration du mariage à la mairie, et qu’il est important que les époux sachent que la loi évolue.

Mme Alice Thourot. Ces amendements font plus que préciser l’article 371-1 du code civil, ils le réécrivent quasiment. Je voudrais donc ici alerter la rapporteure sur le fait que, malgré ses bonnes intentions, sa proposition pourrait avoir certains effets pervers, notamment dans les cas de divorce conflictuel où la question de l’autorité parentale se trouve au cœur des débats.

Les magistrats que vous avez auditionnés ont insisté sur le fait que c’était au juge d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Sans remettre en cause ce pouvoir d’appréciation souverain, il me semble que c’est à nous, législateur, de faire en sorte qu’il puisse s’appuyer sur une loi rédigée avec clarté et précision.

Le groupe La République en Marche soutient donc votre proposition de loi mais considère que sa rédaction doit être retravaillée. C’est pourquoi nous voterons votre amendement mais vous demandons, en contrepartie, d’accepter de retravailler la rédaction de l’article premier, en prévision de la séance.

M. Sébastien Huyghe. Outre l’ineptie de ce texte qui a été abondamment dénoncée par mes collègues, j’observe que, bien qu’il ne comporte que deux articles de quatre lignes chacun, la rapporteure doit encore défendre des amendements rédactionnels, qui démontrent son impréparation.

Sur le fond, il semble que non seulement on veuille interdire la violence physique, c’est-à-dire les tapes sur la main ou sur la couche, mais également la violence verbale ou psychologique. Cela signifie que l’on va désormais empêcher les parents d’élever la voix contre leur enfant, puisque cela pourra être qualifié de violence verbale, tout comme on va les empêcher de les priver de telle ou telle chose pour les punir d’avoir fait une bêtise, car cela pourrait être assimilé à de la violence psychologique. Si cette proposition de loi est adoptée, faudra-t-il ne plus rien dire aux enfants pour les élever ? Je ne vois pas comment on pourra faire autrement, si le texte est appliqué à la lettre.

M. Bastien Lachaud. Je vais soutenir l’amendement de la rapporteure qui satisfait en effet l’amendement CL11 que nous avions déposé pour remplacer la référence aux souffrances morales par la référence à la violence psychologique, estimant qu’il est beaucoup plus difficile de qualifier la souffrance que la violence, et que cela permet en quelque sorte d’inverser la charge de la preuve.

J’ajoute que cet amendement rédactionnel ne démontre pas l’impréparation du texte mais, au contraire, la volonté de la rapporteure de parvenir à une rédaction consensuelle, tout en étant la plus précise possible. C’est le rôle du Parlement que d’améliorer les textes de loi par la délibération collective.

Je regrette, cela étant, que l’adoption de l’amendement CL18 fasse tomber notre amendement CL9, qui visait à élargir le champ des personnes ciblées aux grands-parents et beaux-parents qui, sans être dotés de l’autorité parentale, jouent un rôle dans l’éducation de l’enfant. Mais nous en reparlerons lors de la discussion en séance publique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je m’étonne du malaise que provoquent ces dispositions, car il ne s’agit nullement de mettre en cause qui que ce soit.

En ce qui concerne la finalisation du texte, chacun sait comment s’élabore une proposition de loi, dont la rédaction s’enrichit grâce aux auditions qui sont menées mais également grâce à notre travail collectif et aux modifications proposées par les uns et les autres. Il s’agit de parvenir au texte le plus abouti possible, afin que les magistrats puissent en faire le meilleur usage.

Mme Elsa Faucillon. La violence physique, verbale ou psychologique est aujourd’hui interdite entre adultes. Néanmoins il y a toujours une gradation dans la violence, et les services sociaux ou la justice disposent d’outils pour évaluer le degré de violence. Il est ainsi évident qu’un parent qui s’oppose à son enfant ne va pas se retrouver devant les tribunaux parce qu’il aura élevé la voix.

En tant que cosignataire de cette proposition de loi, je n’ai pas l’impression de prescrire tel ou tel type d’éducation. Il y a mille manières d’être parent, et nous avons tous connu ces séjours entre amis perturbés par les divergences des uns et des autres sur l’éducation des enfants. C’est un sujet extrêmement sensible, et chacun a sa manière de faire. Il ne s’agit donc pas de prescrire un modèle d’éducation. En revanche, nous pensons que cette loi peut être un point d’appui, une aide à la parentalité, qui permette d’en finir avec les violences éducatives ordinaires.

Mme Maud Petit, rapporteure. Je voudrais dire à mes collègues de droite qu’il ne s’agit pas d’impréparation mais de concertation, car les textes que nous proposons sont retravaillés et réécrits jusqu’au dernier moment. La proposition de loi que nous examinons a été rédigée en concertation avec des magistrats, après avis du Défenseur des droits et en collaboration avec le Gouvernement, jusque tard dans la nuit. C’est le texte le plus conciliant que nous puissions vous soumettre.

La Commission adopte l’amendement CL18.

L’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CL14 de Mme Michèle Victory, CL7 de Mme Elsa Faucillon, CL9 de M. Bastien Lachaud, CL5 de Mme Marie-France Lorho, CL8 de Mme Elsa Faucillon, CL11 de M Bastien Lachaud et CL6 de Mme Géraldine Bannier tombent.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL12 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’amendement CL12 vise à accompagner les familles dans cette démarche d’éducation sans violence physique ou psychologique. Les violences éducatives ordinaires touchent aujourd’hui 85 % des enfants et peuvent avoir des conséquences terribles. Il est donc important d’informer les familles.

Mme Maud Petit, rapporteure. Vous proposez d’inscrire parmi les missions de la politique familiale celle d’informer les familles sur les violences éducatives ordinaires. Je soutiens pleinement votre objectif, et c’est d’ailleurs tout l’objet de l’article 2 : seules des campagnes d’information efficaces pourront, avec le support de la loi, faire changer les comportements.

Cela étant, je suis défavorable à l’inscription de cette nouvelle mission à l’article L. 112-2 du code de l’action sociale et des familles, car les autres missions d’information de la politique familiale ne se résument pas aux violences éducatives ordinaires.

La ministre pourra toutefois nous apporter des précisions sur les campagnes en cours et les efforts supplémentaires à réaliser en termes d’information. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL13 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Comme le Défenseur des droits le recommande, nous souhaitons interdire le droit de correction, qui fait obstacle à l’application du code pénal pour certaines personnes et à certaines conditions.

Mme Maud Petit, rapporteure. Je comprends votre démarche, mais je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, car il est satisfait par l’article 1er que nous venons d’adopter, qui pose l’interdiction de toute violence exercée envers les enfants dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale. En outre, il n’est pas possible, formellement, d’interdire l’exercice d’un droit qui n’a pas d’existence juridique dans nos textes.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CL10 de M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. L’article du code civil que modifie l’article 1er de la proposition de loi est lu à haute voix par l’officier d’état-civil lors des mariages. Mais, aujourd’hui, de nombreuses naissances ont lieu avant ou hors mariage. En conséquence, nous souhaitons que l’interdiction des violences éducatives ordinaires soit mentionnée dans le carnet de santé de l’enfant, dans un souci de pédagogie.

Mme Maud Petit, rapporteure. Nous sommes d’accord sur le fond. Le carnet de santé contient des informations importantes à destination des parents et devrait être complété. Dans le même ordre d’idées, depuis peu, les parents sont alertés sur le syndrome du bébé secoué. Je m’engage à demander des précisions à la ministre sur ce point d’ici la séance.

Toutefois, le contenu du carnet de santé ne relevant pas de la loi, mais du domaine réglementaire, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement pour le redéposer en séance, afin que la ministre puisse présenter les évolutions envisagées.

M. Bastien Lachaud. Je vais le retirer, mais nous en reparlerons en séance.

L’amendement est retiré.

Article 2 : Demande de rapport au Gouvernement sur les mesures de sensibilisation à mettre en œuvre à destination des parents

La Commission examine les amendements identiques CL3 de Mme MarieFrance Lorho et CL16 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Marie-France Lorho. Après les stages de citoyenneté proposés dans le projet de loi de programmation et de réforme de la justice, les « formations à la parentalité » ! Assurément, elles seront dispensées par des officines triées sur le volet par un gouvernement soucieux de transmettre sa vision de la famille aux parents français…

Les Français n’ont pas attendu nos lois pour devenir parents ! La parentalité est naturelle et n’a nul besoin d’être soumise à des formations ou des stages. En précisant le caractère facultatif de ces formations, vous transformez le Parlement en régisseur des familles françaises. La parentalité n’est pas une construction sociale, sur laquelle le législateur bénéficie d’un pouvoir décisionnaire. Elle est naturelle. C’est pourquoi nous vous demandons de supprimer l’article 2.

Mme Emmanuelle Ménard. Le Gouvernement, de son propre aveu, n’est pas adepte des rapports. Or, cet article propose qu’il remette au Parlement, douze mois après la promulgation de la loi, un rapport évaluant les besoins et moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de sensibilisation, de soutien, d’accompagnement et de formation à la parentalité à destination des futurs parents. De quoi s’agit-il ? De réaliser une campagne de communication et de publicité pour rappeler que les mauvais traitements ou les traitements violents envers les enfants sont interdits ! Un rapport est inutile et la campagne pourrait être lancée sans attendre, ce qui nous ferait gagner douze mois et de l’argent…

Mme Maud Petit, rapporteure. Nous n’allons pas refaire le débat mais, sans l’accompagnement de l’interdiction des violences éducatives ordinaires par des mesures d’information et de sensibilisation, les comportements ne changeront pas, ou pas assez vite. Ce rapport nous permettra de faire le point sur les initiatives existantes et sur les pistes envisagées pour les renforcer.

Mon amendement CL19, qui viendra en discussion ensuite, précise toutefois la rédaction de l’article 2 afin que le Gouvernement rende ce rapport au plus tard le 1er septembre 2019.

M. Éric Diard. Je souhaite que, lors de la discussion dans l’hémicycle, Mme la rapporteure nous donne une estimation du coût de ces formations et, plus largement, de la campagne de prévention envisagée par le Gouvernement. Nous nous sommes beaucoup interrogés sur l’intérêt de ce dispositif ; il serait intéressant que nous en connaissions le coût pour l’État, donc pour les contribuables.

Mme Géraldine Bannier. Je devais défendre un amendement à l’article 1er, mais il est tombé. Je suis déçue et souhaite pouvoir le défendre en séance – à moins qu’il puisse être intégré à la rédaction de la proposition de loi –, car il disposait que l’absence de tout cadre éducatif constitue une forme de violence ordinaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous pourrez redéposer votre amendement pour la séance.

Mme Maud Petit, rapporteure. Je suis défavorable à ces amendements. Une demande de rapport ne coûte rien mais, si vous le souhaitez, vous pouvez demander à la ministre le coût de ces campagnes de sensibilisation.

La Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement CL19 de la rapporteure.

Mme Maud Petit, rapporteure. Cet amendement consiste, d’une part, à apporter des précisions rédactionnelles et, d’autre part, à ramener le délai de présentation du rapport sur les violences éducatives demandé au Gouvernement au 1er septembre 2019.

Alors que nous célébrerons en 2019 les trente ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, il est important que la représentation nationale puisse disposer d’une information fiable sur le recours à ces violences en France et les moyens mis en œuvre en vue de sensibiliser les parents aux conséquences de ces comportements sur le développement de leurs enfants.

M. Arnaud Viala. Nous sommes un certain nombre à être surpris que le Gouvernement ait fait connaître son avis favorable à cette demande de rapport, car nous nous heurtons le plus souvent, lorsque nous en demandons, à un avis défavorable au motif qu’il n’a pas le temps de les rédiger… Votre amendement évoque la nécessité d’une évaluation des besoins et des moyens, mais nous devons également disposer d’une estimation des coûts, afin que la représentation nationale puisse s’exprimer sur les moyens financiers alloués à cet objectif.

M. Pierre Morel-À-l’Huissier. Ce rapport n’est-il pas redondant avec celui que rédige chaque année le Défenseur des droits – qui intègre désormais le Défenseur des enfants – sur la situation des enfants au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant ?

Dans ce cas, l’amendement est inutile.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL1 de Mme Marie-France Lorho tombe.

La Commission adopte ensuite l’article 2 modifié.

Titre

La Commission examine l’amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.

Mme Marie-France Lorho. Le titre même de cette proposition de loi soulève la question de l’immixtion permanente du législateur dans la vie des familles françaises : ce sont désormais les députés qui dicteront aux parents le mode d’éducation de leur enfant ! La République n’est pas propriétaire des enfants français. Elle n’est pas non plus un pilier de vertu morale pouvant s’ériger légitimement en dispensateur de points de bonne conduite.

Le titre de la proposition de loi est paradoxal : vous réfutez le caractère éducatif de ce que vous tenez pour des conduites violentes, mais vous utilisez l’adjectif « éducatif » dans le titre de la proposition de loi… Le terme « ordinaire », quant à lui ne reflète que la qualification de la fréquence des sanctions prononcées à l’égard des enfants, prérogative qui doit rester parentale. C’est l’absence de légitimité de la sanction qui doit être condamnée, pas sa fréquence. C’est pourquoi je propose de remplacer la mention « ordinaires » par celle d’« illégitimes ».

Mme Maud Petit, rapporteure. Il n’y a pas de violences « légitimes » et de violences « illégitimes » ; il n’y a que des violences, a fortiori lorsqu’elles sont exercées sur un enfant.

M. Julien Dive. Les Républicains voteront contre ce texte. Il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants, d’un côté les « réacs » et de l’autre les progressistes, d’un côté les initiés et de l’autre les amateurs. Ironie de l’histoire : quel ancien candidat à la présidentielle avait giflé un enfant dans la rue en 2002 ? C’était un certain François Bayrou… (Exclamations.) Or c’est le MoDem, son parti, qui est à l’origine cette proposition de loi !

Au-delà de ses conséquences de court terme, cette gifle avait surtout fait émerger dans le débat public la question de l’autorité parentale et de son affaiblissement. Madame la rapporteure, cette proposition de loi alimente l’affaiblissement de l’autorité parentale !

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Soyons clairs et précis : l’enfant giflé par François Bayrou n’était pas le sien. (Exclamations.) La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui concerne les violences éducatives ordinaires ! Quand nous sommes hors de nous, nos réactions peuvent être inappropriées, mais ce n’est pas le sujet ! (Interruptions.)

Je comprends que vous souhaitiez « faire le buzz » ; là n’est pas notre objectif. Vous parlez d’autorité, mais vous ne m’écoutez pas ! J’en finirai donc là car il nous faut avancer…

Mme Maud Petit, rapporteure. Je ferai une remarque en forme de clin d’œil. Savez-vous, mes chers collègues, ce qu’il est advenu de cet enfant ? Malheureusement, il est devenu délinquant… En conclusion, au MoDem, nous avons testé la gifle et cela ne marche pas. C’est pourquoi nous souhaitons l’interdire !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte la proposition de loi modifiée.

*

* *

La Commission examine la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations (n° 1329) (Mme Sarah El Haïry, rapporteure).

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Madame la présidente, mes chers collègues, je suis très heureuse de vous présenter cette proposition de loi qui souhaite donner au tissu associatif les moyens de se développer. Quelle que soit notre appartenance politique, nous partageons cette ambition. Le secteur associatif est très dynamique dans notre pays, et nous pouvons en être fiers : 1,3 million d’associations, plus de 70 000 créations par an, 14 millions de bénévoles et quasiment 2 millions d’emplois.

Mais, pour fonctionner, ce secteur a besoin de financements, et la réduction des financements publics oblige les associations à se tourner vers la générosité du secteur privé –particuliers ou entreprises. Le Gouvernement, vous le savez, est très attentif à la vitalité du monde associatif. Il a lancé en novembre 2017 une grande concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur, qui s’est traduite en mai dernier par la remise d’un rapport du Mouvement associatif au Premier ministre, comprenant cinquante-neuf propositions. Le Gouvernement devrait annoncer dans les prochains jours les orientations qu’il retient.

Notre proposition de loi reprend quatre propositions qui font l’objet d’un grand consensus dans le monde associatif – et qui, je l’espère, feront également consensus au sein de notre Commission. Elles figurent dans le rapport de mars 2014 du Haut Conseil à la vie associative (HCVA) concernant le financement privé des associations, ainsi que dans le rapport du Mouvement associatif rendu en mai dernier. Elles figuraient aussi, pour deux d’entre elles, dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, avant d’être censurées en tant que cavaliers législatifs par le Conseil constitutionnel. Elles ne sont donc pas particulièrement nouvelles, mais sont indispensables pour faciliter le développement du tissu associatif et sont attendues avec impatience.

L’article 1er vise à inscrire dans la loi la possibilité pour les associations de conserver un excédent budgétaire – dans la limite du raisonnable – correspondant au reliquat d’une subvention non dépensée, afin de financer leur développement. Actuellement, les subventions sont toujours calculées au plus juste et les éventuels reliquats, même lorsqu’ils résultent de la bonne gestion de l’association, sont généralement repris par les autorités publiques qui les ont versés. En l’état actuel du droit, rien n’interdit aux associations de réaliser des excédents, à condition qu’ils ne donnent pas lieu à un partage entre leurs membres, mais soient réinvestis dans leur activité. En conséquence, les associations éprouvent beaucoup de difficultés à constituer des fonds propres. Nous proposons donc d’inscrire dans la loi la notion d’« excédent raisonnable », actuellement présente dans une simple circulaire du Premier ministre.

L’article 2 a pour objet de permettre aux associations d’un même réseau de s’accorder des prêts entre elles, sur le modèle du prêt interentreprises. Par définition, cette mesure ne devrait concerner que de petites sommes, par exemple au moment de la création de l’association locale d’un réseau existant. Cette activité de prêt devra demeurer accessoire, afin que l’objectif non lucratif et la mission d’utilité publique de l’association ou de la fondation restent prioritaires.

L’article 3 permettra l’affectation au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) du produit des comptes bancaires en déshérence des associations, gérés par la Caisse des dépôts et des consignations (CDC). Depuis 2014, la CDC centralise, conserve et restitue les sommes issues des comptes inactifs et des contrats d’assurance-vie non réglés. Elle gère à ce titre plus de huit millions de comptes, représentant 5 milliards d’euros. Et si elles ne sont pas réclamées à l’issue de trente années d’inactivité, les sommes sont reversées au budget de l’État : 70 millions d’euros l’ont ainsi été en 2016 et 50 millions en 2017. Nous proposons donc d’identifier les comptes appartenant à des associations et de les reverser, à l’issue de la prescription trentenaire, au FDVA. C’est le sens de l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure, la rédaction actuelle de l’article 3 n’étant pas satisfaisante.

L’article 4 permettra à l’État de confier à des associations reconnues d’intérêt général la gestion des biens immeubles dont il est devenu propriétaire à l’occasion d’une instance pénale. Les procédures de saisies des biens immeubles mal acquis – par crime ou délinquance – sont mises en œuvre par l’Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Cet article prévoit que les modalités pratiques de cette mise à disposition des immeubles fassent l’objet d’une convention, pour déterminer notamment les obligations incombant à l’utilisateur en matière d’entretien ou d’aménagement de l’immeuble.

Lors de son audition, la directrice générale de l’AGRASC a fait état de la diversité des immeubles gérés par l’agence sur l’ensemble du territoire national, dont certains pourraient parfaitement correspondre aux besoins du monde associatif, alors que les revenus issus de leur revente sont versés au budget général de l’État.

L’article 5 demande au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de douze mois, un état des lieux de la fiscalité liée aux dons. Il s’agit en effet d’un sujet complexe, qui a fait l’objet de nombreuses propositions du monde associatif ces dernières années. Il importe que le Parlement dispose d’un bilan exhaustif, afin de pouvoir se prononcer sereinement, dans un sens favorable à une véritable philanthropie à la française.

Les amendements que je vous proposerai visent à clarifier certaines rédactions de la proposition de loi.

M. Fabien Matras. Le monde associatif est un acteur majeur de la vie des territoires. Les associations contribuent à leur vie économique, culturelle, patrimoniale et écologique et œuvrent en faveur de la solidarité, sur le plan local ou national.

Composé de plus de 1,3 million d’entités, de 14 millions de bénévoles, employant deux millions de salariés et générant un volume financier de 110 milliards d’euros, le secteur associatif est un acteur économique et social majeur. Les pouvoirs publics sont depuis toujours partenaires des associations. Ils leur versent des subventions, reconnaissant ainsi leur qualité d’intervenant essentiel dans la mise en œuvre des politiques publiques sur le territoire national.

Néanmoins, ces dernières années, la réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a mis en péril le monde associatif, victime par ricochet de la diminution des moyens financiers des collectivités. Même si, depuis deux ans maintenant, nous avons mis un terme à ces baisses, et même si les associations se sont tournées vers des financements privés, peu d’entre elles ont retrouvé les marges de manœuvre budgétaire qui étaient les leurs par le passé. Il devient donc nécessaire de mener une politique plus affirmée de soutien au monde associatif. La proposition de loi s’inscrit dans cette dynamique, constituant une étape nécessaire de la réforme d’ampleur que le secrétaire d’État Gabriel Attal présentera la semaine prochaine.

La trésorerie des associations est un enjeu important, leurs fonds propres étant généralement faibles, ce qui constitue un frein à leur capacité à innover dans la mise en œuvre d’actions ou de projets. En ce sens, l’article 1er constitue une avancée nécessaire ; il permettra aux associations de préserver d’une année sur l’autre d’éventuels excédents et de les capitaliser en vue d’un développement futur.

Dans la même optique, l’article 2 vient répondre aux besoins de financement des associations : les structures qui appartiennent au même réseau pourront se financer entre elles. La solidarité inter-associative pourra fonctionner, palliant la frilosité du milieu bancaire lorsqu’il s’agit d’effectuer des prêts aux associations.

La capacité des associations à innover passe aussi par un renforcement de la politique d’accompagnement des pouvoirs publics, via une augmentation des aides financières. L’article 3 constitue une opportunité pour les associations. Il ne s’agit pas ici de demander un effort aux collectivités territoriales, mais simplement de faciliter le reversement au FDVA des sommes présentes sur les comptes inactifs des associations gérés par la CDC. C’est un cercle vertueux : l’argent du monde associatif reviendra aux associations.

Enfin, pour mener leurs actions, de nombreuses associations ont également besoin d’immobilier. Les immeubles occupés par les associations sont le plus souvent mis à disposition par les collectivités lorsque ces dernières le peuvent. L’article 4 de la proposition de loi autorise la mise à disposition par l’AGRASC des immeubles saisis suite à une décision pénale. Cette disposition est vertueuse, tant pour les associations, qui auront ainsi accès à de nouveaux biens, que pour l’État, puisque l’entretien des locaux sera assuré par les associations.

Enfin, l’article 5 vise à demander au Gouvernement un état des lieux de la fiscalité liée aux dons, rendu indispensable par les récentes modifications évoquées par la rapporteure.

M. Julien Dive. Madame El Haïry, je vous remercie d’avoir déposé cette proposition de loi. C’est un sujet qui vous tient à cœur ; nous avons d’ailleurs dialogué à ce propos la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, puisque je défendais, comme d’autres collègues, des amendements visant à soutenir les associations.

Nous avions compris que leur trésorerie allait faire l’objet d’une proposition de loi. Si je voulais faire du mauvais esprit, je dirais « après la suppression de la réserve parlementaire, il était temps ! » Mais n’enfonçons pas le clou…

Nous souhaitons tous accompagner nos associations locales. Vous avez rappelé les chiffres, ils sont éloquents : elles sont très présentes dans les territoires et tissent le maillage de notre cohésion sociale. Très souvent, elles pallient l’absence de l’État et de l’administration. Elles peuvent également constituer des leviers économiques, font vivre le tissu économique local, les artisans et les commerçants locaux. Elles animent la vie de nos territoires et des quartiers de nos villes. Nous mettons leur action en valeur, par exemple par l’attribution de bourses au bénévolat, comme c’était le cas dans ma ville, Saint-Quentin, ce week-end. Ces événements permettent de solliciter des personnes qui souhaitent s’engager – retraités ou jeunes majeurs.

La législation a beaucoup évolué. En 2016, lors des débats sur le projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté – Régis Juanico s’en souvient probablement – le bénévolat a été sécurisé pour les mineurs. Il y a quelques mois, Sylvain Waserman a présenté une proposition de loi améliorant la protection des dirigeants associatifs. Ce sujet suscite l’engouement ; il fait consensus. Nous débattrons probablement de certains points, mais les membres du groupe Les Républicains sont heureux de participer à ce travail.

Je reviens sur la suppression de la réserve parlementaire. Elle est en partie palliée par les crédits du FDVA, mais nous constatons certains dysfonctionnements dans l’information transmise aux associations, comme je le soulignais la semaine dernière dans l’hémicycle. Les porteurs de projets associatifs nous font part de lourdeurs administratives. Simplifions les démarches pour mieux accompagner les structures associatives ! Pourquoi ne pas réfléchir à un dossier unique de demande de subvention ? Actuellement, chaque niveau d’administration – commune, département, région, État – demande un dossier séparé et, qui plus est, jamais au même moment…

 Nous devons faciliter la vie de nos associations, mais aussi les rassurer et les accompagner, d’autant qu’il devient complexe pour elles d’obtenir des financements publics. Ainsi, dans mon département, l’Aisne, le président a dû réduire les subventions attribuées aux associations pour payer le douzième mois du revenu de solidarité active (RSA). Pourquoi ne pas réfléchir à une forme de péréquation avec le FDVA ?

Je le redis, le groupe Les Républicains participera constructivement et avec beaucoup d’entrain à ce débat.

M. Erwan Balanant. Je salue l’intervention de mon collègue Julien Dive et son soutien. Effectivement, la vie associative est le terreau de notre démocratie. Beaucoup de personnalités politiques ont commencé leur vie politique et citoyenne dans une association. La loi de 1901 est originale, on l’oublie souvent. Peu de pays disposent d’une telle structure associative. Je la considère comme la dernière grande avancée démocratique après le suffrage universel.

La vie associative crée du lien social dans les territoires. Elle permet à des personnes de se rencontrer – ainsi, des parents emmènent leur enfant au football, sympathisent, puis s’organisent pour covoiturer. Les associations contribuent donc à la cohésion de notre pays. Elles sont multiples : associations sportives, mais aussi associations d’insertion ou associations d’aide – comme le réseau d’aide à domicile en milieu rural (ADMR), important dans la structuration de nos villes et de nos campagnes. Enfin, les associations d’éducation populaire sont complémentaires de l’éducation nationale et de l’éducation parentale – je dis cela pour faire le lien avec la proposition de loi que nous venons d’examiner.

Il nous faut les aider et trouver des solutions face aux changements et à l’évolution de leur financement. C’est pourquoi le groupe MoDem a souhaité faire de la vie associative le fil rouge de ses journées réservées. Plutôt qu’une proposition de loi globale, nous avons pris le parti d’avancer à petits pas : la proposition de loi défendue par Sylvain Waserman concernait la responsabilité des présidents d’associations. Aujourd’hui, Sarah El Haïry, habituellement commissaire aux finances, grande connaisseuse du monde de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, se penche sur le financement des associations. Les qualités de la rapporteure vont nous permettre d’avancer sur ce sujet.

Le financement de la vie associative est en effet une question cruciale. Si le bénévolat joue un rôle important dans les associations, celles-ci doivent aussi disposer d’une trésorerie pour développer des projets et une activité et, éventuellement, pouvoir emprunter.

Vous avez évoqué la réserve parlementaire : si les associations avaient dû attendre son existence pour agir, il n’y aurait plus de vie associative depuis longtemps ! La masse globale des subventions publiques est en effet sans commune mesure avec cette réserve, ce qui ne veut pas dire que sa suppression soit sans conséquences. L’amendement de M. Juanico proposant que les parlementaires soient associés à certaines structures mérite réflexion : depuis la fin du cumul des mandats, nous ne sommes pas toujours assez impliqués dans la vie nos territoires et la vie associative peut être une façon pour nous de continuer à l’être.

Le groupe MoDem soutiendra ce texte avec enthousiasme.

M. Régis Juanico. Une proposition de loi soutenant la vie associative est toujours la bienvenue, même si on la souhaiterait plus ambitieuse. J’appelle de mes vœux le consensus le plus large possible des groupes politiques sur l’essentiel des articles de ce texte. J’ai bien compris que la politique du Mouvement Démocrate était celle des petits pas (Sourires), mais nous aimerions que le Gouvernement exprime une ambition afin que la vie associative ne soit plus l’angle mort des politiques publiques dans notre pays. Il y a des attentes considérables dans le monde associatif et, plus encore, un malaise au sein des associations de taille moyenne : de nombreux bénévoles responsables finissent par baisser les bras parce qu’ils estiment ne plus être soutenus. Erwan Balanant a raison de parler du « terreau » de la démocratie que représente la vie associative.

Je voudrais vous alerter, mes chers collègues, sur deux points.

Le premier concerne l’emploi associatif. Le nombre des contrats aidés a diminué de 80 % entre 2016 et 2019 et, sur les 3,5 milliards d’euros d’économies réalisées par le Gouvernement, plusieurs milliards touchent la vie associative. L’association Recherches et Solidarités nous indique qu’en 2017, pour la première fois, le nombre de créations d’emplois associatifs comme celui des créations d’associations ont stagné. De plus, 25 000 associations des secteurs sportif, culturel et médicosocial, qui étaient en très grande difficulté, ont dû mettre la clef sous la porte. Cette situation doit nous alerter, car les chiffres de 2018 risquent d’être encore plus mauvais.

Le second point a trait à la générosité publique. Une étude de France Générosités fait état d’un tassement du nombre de donateurs aux associations d’intérêt général. Des associations, par ailleurs, appellent notre attention sur la baisse importante des dons des personnes physiques. Les donateurs sont en effet affectés par les réformes fiscales appliquées depuis un an, notamment par la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui a réduit le nombre de contribuables éligibles à certains dispositifs. Ces réformes fiscales se traduisent, pour certaines fondations et associations, par une baisse pouvant atteindre 60 % ou 70 % de leurs ressources financières par rapport à l’année précédente. Citons aussi la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) et des charges pesant sur les retraités et l’annonce du prélèvement à la source – dispositif qui ne changera pas grand-chose aux dons des personnes physiques, mais dont les modalités d’application peuvent inquiéter.

Ce contexte doit nous mobiliser dans les prochaines semaines. Ce n’est pas un rapport du Gouvernement qu’il faudrait demander – comme vous le faites, madame la rapporteure, à l’article 5 – mais bien un rapport du Parlement, dans le cadre d’une mission d’évaluation et de contrôle (MEC).

Nous portons une appréciation positive sur les quatre autres articles, et en particulier sur les deux dispositions relatives aux comptes inactifs et aux biens mal acquis qui avaient été censurées injustement par le Conseil constitutionnel dans la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Nous voterons donc en faveur de la proposition de loi.

M. Pierre Morel-À-l’Huissier. Je me félicite de cette proposition de loi tant le secteur associatif est fondamental dans notre pays. Je salue la possibilité offerte aux associations de conserver un excédent, dans la limite du raisonnable, et de s’accorder des prêts entre elles au sein d’un même réseau, tout comme la faculté d’affecter le produit de certains comptes bancaires au Fonds de développement de la vie associative.

Je regrette cependant que la proposition de loi ne soit assortie d’aucune étude d’impact. Il eût été intéressant de savoir ce qu’il en était réellement de la situation financière des associations, d’autant que le texte ne distingue pas entre grosses et petites associations, ni entre associations qui emploient du personnel et associations qui n’en emploient pas. Nous avions déposé, au cours des années antérieures, plusieurs propositions de loi sur la situation des bénévoles, prévoyant l’octroi de trimestres de retraite supplémentaires, mais ces propositions n’ont jamais abouti.

Le dispositif des dons aux associations pour frais engagés par les bénévoles n’est pas forcément bien connu, malgré son utilité. La suppression progressive des contrats aidés pose d’importants problèmes aux petites associations. Quant à la réserve parlementaire, que j’ai connue pendant seize ans, elle représentait des montants non négligeables, pouvant aller jusqu’à 250 000 euros par an, et aidait de nombreuses structures. Le FDVA, qui lui succède, est géré par les préfets de région après avis des préfets de départementales – c’est dire la difficulté qu’a parfois l’État à faire des choix. Enfin, il serait justifié que les parlementaires aient leur mot à dire sur la représentativité de telle ou telle association.

Encore une fois, cette proposition de loi est intéressante mais elle aurait nécessité une étude d’impact.

Mme Danièle Obono. Nous saluons, nous aussi, l’initiative du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés. L’examen de cette proposition de loi est l’occasion de débattre au sein du Parlement du rôle fondamental – sur le plan social, culturel et politique au sens large – des associations dans la construction du lien social. Celles-ci rendent service au quotidien à des millions de citoyens et de citoyennes, notamment dans les quartiers populaires où beaucoup de services publics ne sont plus assurés.

Notre collègue Régis Juanico a souligné la difficulté qu’ont les associations à garantir la pérennité de leur action du fait du gel des emplois aidés. C’est un des premiers problèmes qui m’aient été rapportés par certaines associations des 18e et 19e arrondissements de Paris. Plus globalement, notre débat soulève les questions de la santé financière des associations et du modèle économique sur lequel elles sont fondées.

Nous sommes favorables à cette proposition de loi et avons déposé plusieurs amendements pour renforcer la démarche engagée.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je voudrais à mon tour saluer le travail de la rapporteure et de l’ensemble des personnes ayant contribué à l’élaboration de cette proposition de loi. Je souhaite également revenir sur l’importance du mouvement associatif. Les associations sont un moyen majeur de créer du lien social et de la cohésion territoriale. Dans une société marquée par des rapports interpersonnels de plus en plus violents, par une précarité grandissante et par un manque d’engagement dans la vie citoyenne, les associations sont fondamentales pour la démocratie : c’est en leur sein qu’on apprend le chemin de la responsabilisation individuelle et collective et qu’on peut réaliser son avenir plutôt que de déléguer sa responsabilité aux élus. Toute association, qu’elle ait une visée sociale, culturelle ou d’insertion, est confrontée aux réalités et aux spécificités locales : elle est donc un creuset de propositions et d’innovations qui doivent servir la fabrique de la loi, des règlements et des propositions économiques, sociales et culturelles. Quand on pense que, dans un pays comme la Roumanie, la dictature de Nicolae Ceauşescu a détruit les rouages démocratiques au point qu’il n’y a aucun réflexe naturel à créer des associations, on se rend compte de la chance que l’on a en France et de la nécessité de ne pas laisser ce thème de côté.

Nous soutiendrons cette proposition de loi, qui va dans le bon sens même si elle n’est qu’un petit pas, comme nous avons soutenu avec force l’amélioration du crédit d’impôt « mécénat » pour les TPE-PME, qui aura un effet de levier pour les associations.

À l’instar de Régis Juanico, je relèverai certains faits. On a assisté, en 2017-2018, à une baisse des créations d’emplois et des créations d’associations et à une augmentation des liquidations d’associations, le tout dans un contexte général de découragement et d’usure des bénévoles. Quiconque ici a été membre d’une association a pu constater la nécessité de tenir dans la durée face aux contraintes financières de la vie associative. Les associations ont souffert pour de multiples raisons, dont la suppression des contrats aidés.

C’est pourquoi les articles 1er, 2 et 3 de cette proposition de loi sont absolument essentiels. Les questions d’excédent et de bénéfice raisonnable sont très importantes dans la vie quotidienne des associations : alors que ces dernières ont besoin d’être rassurées quant à la pérennité de leurs moyens, elles se sont heurtées jusqu’ici à une incompréhension des administrations de l’État et des régions en la matière. De même, la possibilité pour les associations de s’accorder des prêts au sein d’un même réseau est une innovation très intéressante. Nous sommes, bien sûr, favorables aussi à la possibilité d’affecter au FDVA le produit des comptes bancaires en déshérence, de même qu’à l’idée, inspirée du modèle italien, de confier à des associations d’intérêt général la gestion d’immeubles saisis lors de procédures pénales.

Simplement, cette logique des petits pas pourrait déboucher sur une loi-cadre plus générale, vu le contexte de désengagement de la vie publique dans lequel nous nous trouvons. Je soulèverai aussi, comme cela a été fait par un membre du groupe Les Républicains, la question de l’articulation entre ce texte et la proposition de loi de notre collègue Sylvain Waserman sur l’engagement associatif.

Enfin, nous avons déposé quelques amendements pour enrichir le texte et nous soulignons, encore une fois, le caractère très positif de ce petit pas.

M. Alain Tourret. Si cette proposition de loi est incontestablement un bon texte, je voudrais relever certains problèmes rencontrés par les associations.

Premièrement, la réserve parlementaire était utile. Je le dis d’autant plus que j’appartiens à un groupe qui a proposé sa suppression – on n’est pas toujours suivi dans ses conseils… (Sourires.)

Deuxièmement, les comptables des petites associations demandent actuellement à celles-ci de leur verser la somme de 200 euros pour préparer la mise en application du prélèvement à la source. Cela va à l’encontre de toutes les déclarations du Président de la République, c’est pourquoi je suis intervenu auprès du directeur des services fiscaux. 200 euros, ce n’est pas rien pour une association.

Troisièmement, nous n’avons pas fini de voir les conséquences de la réforme de l’ISF sur les ressources des associations. La suppression de la partie « actions, obligations, portefeuille » de l’ISF remet en cause la possibilité pour les contribuables de faire des dons pour diminuer l’assiette de leur impôt.

Enfin, j’ai créé et présidé l’association « Peindre en Normandie » qui a pour vocation d’acheter des tableaux impressionnistes. Cette grande association est propriétaire de 150 toiles, dont certaines de Claude Monet. Fort de cette expérience associative, je voudrais soulever deux autres problèmes. D’une part, la notion de contrôle n’apparaît guère dans cette proposition de loi : comment, dans les associations, contrôler la vente des actifs et la réception des legs ? D’autre part, vous proposez de rendre possibles les prêts entre associations, ce qui risque d’entraîner certaines d’entre elles dans une situation de désastre financier si l’argent qu’elles prêtent ne leur est pas remboursé. Bref, les contrôles doivent être systématiques si l’on veut améliorer la trésorerie des associations.

M. Rémy Rebeyrotte. Je voudrais tempérer la vision que certains d’entre nous pourraient avoir, en rappelant qu’à partir de janvier les associations bénéficieront de la baisse des charges patronales alors qu’elles ne bénéficiaient évidemment pas du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Cela représente quand même une manne financière de plusieurs millions d’euros.

Il reste que, depuis des années, on a de plus en plus de mal à trouver des personnes acceptant de prendre des responsabilités associatives. Par ailleurs, on peut se demander en quoi le numérique va transformer la vie associative et l’engagement associatif. Enfin, on a reparlé des emplois aidés. Or, dans ma circonscription, les questions qui me sont posées à ce sujet sont d’une toute autre nature que celles qui ont été soulevées ici. Elles me sont adressées par des personnes ayant bénéficié des premiers types d’emplois aidés comme les contrats emploi solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC). Ces personnes, qui ne savaient pas qu’elles ne cotisaient pas pour leur retraite et qui atteignent aujourd’hui l’âge de cette retraite, se retrouvent dans des difficultés énormes car elles vont toucher une pension tout à fait indécente au regard du travail qu’elles ont accompli. Plusieurs d’entre nous, en tant que présidents d’association, avons embauché des personnes en contrat aidé au bénéfice de nos structures, mais je crains que certaines de ces personnes n’en paient le prix au moment d’accéder à la retraite.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Je suis ravie de cette unanimité – dont je ne doutais pas une seconde – et partage plusieurs de vos constats.

La mise en place du FDVA a effectivement posé des problèmes de calendrier, et le dispositif doit être amélioré de sorte que nos territoires soient traités à égalité. C’est la première année que ce fonds est mis en œuvre. À nous de renforcer l’accès à l’information.

Il est possible d’apporter des réponses à la baisse des dons, par exemple en élargissant l’assiette, en relevant le taux de la déduction d’impôt de 66 % à 70 % ou encore en portant le plafond de cette déduction de 20 % du revenu à 25 % ou 30 %. L’article 5, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement, nous donnera la base nécessaire pour aller plus loin en matière de fiscalité du mécénat et du don. Tout cela devrait rassurer notre collègue Pierre Morel-À-L’Huissier.

Quant à la diversité des associations sur nos territoires, elle est nécessaire. Celles-ci répondent à des problématiques de société telles que l’éducation populaire, la solidarité entre les territoires, le sport ou encore l’esprit national qui nous unit – je pense là aux associations d’anciens combattants et aux associations mémorielles.

Nous sommes collectivement en phase. Ce texte n’est qu’un petit pas mais, comme le dit l’adage, « qui veut voyager loin ménage sa monture ». Il faut que nous avancions lentement mais sûrement en suivant le bon axe. Nous alimentons aujourd’hui le sentiment que quand l’Assemblée nationale est saisie d’une question d’intérêt général, nous savons collectivement y répondre. C’est pourquoi je me félicite que nos collègues Julien Dive, Danièle Obono, Fabien Matras, Erwan Balanant et Jean-Félix Acquaviva aient souligné l’importance et la particularité des associations sur nos territoires.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er (art. 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations) : Permettre aux associations de conserver un excédent raisonnable

La Commission examine l’amendement CL16 de la rapporteure.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Lors de nos auditions est apparue la question du contrôle et de l’évaluation, également soulevée par notre collègue Alain Tourret. Cet amendement y répond tout en satisfaisant un excellent amendement déposé par le groupe La France insoumise sur les associations à but non lucratif. L’adoption de mon amendement fera tomber l’amendement CL1. Je tiens donc à souligner que j’aurais été favorable à ce dernier.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL1 de M. Ugo Bernalicis tombe.

Article 2 (art. L. 511-7-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Permettre aux associations de procéder à des prêts au sein d’un même réseau

La Commission étudie l’amendement CL14 de M. Michel Fanget.

M. Philippe Latombe. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.

Mme Sarah El Haïry. Je vous demanderai de le retirer car il est satisfait.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CL2 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Aux termes de l’article 2, « dès lors qu’existent entre elles des relations croisées, fréquentes et régulières ainsi qu’une stratégie commune définie par l’une d’entre elles », les associations ou fondations reconnues d’utilité publique peuvent tenir une trésorerie commune. Les modalités de la définition de cette « stratégie commune » nous paraissent ouvrir la voie à la mise sous tutelle de nombreuses associations par de grandes fondations dotées de moyens financiers importants. Nous proposons donc de prévenir ce risque en précisant que la stratégie commune doit être définie démocratiquement, selon le principe : « Un organisme, un droit de vote ».

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Avis défavorable. De fait, les associations ne peuvent avoir une trésorerie commune. Je comprends votre crainte, madame Obono – je suis moi-même particulièrement attachée au fonctionnement démocratique des associations –, mais elle n’est pas fondée. En outre, votre amendement risquerait de nuire à l’objectif de l’article 2, qui est de faciliter les liens que les associations peuvent tisser entre elles.

M. Fabien Matras. Le groupe La République en Marche est également opposé à cet amendement. J’entends la crainte de Mme Obono, mais je rappelle que, pour être reconnue d’utilité publique, une fondation ou une association doit fonctionner de manière démocratique. Il me semble donc que l’amendement CL2 est satisfait par le droit actuel.

Mme Danièle Obono. Notre objectif est de rééquilibrer les relations qui peuvent exister entre une très grande fondation, comme celles qui sont citées dans l’exposé sommaire, et une petite association, en renforçant le principe d’égalité dans la prise de décision. Nous maintenons donc l’amendement et nous lançons un appel à la vigilance.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements CL3 de M. Ugo Bernalicis et CL4 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Ces amendements ont pour objet de remédier aux difficultés bancaires des associations. Nous proposons en effet que soit expérimentée, soit la minoration de moitié – c’est l’objet de l’amendement CL3 –, soit la suppression – c’est l’objet de l’amendement CL4 – des frais bancaires des associations relevant du b de l’article 200 du code général des impôts et des organismes ayant pour objet la protection de l’environnement. Dans les deux cas, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) serait chargée de vérifier que les établissements ne répercutent pas cette minoration sur les autres clients et pourrait prendre, le cas échéant, des sanctions adaptées.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE). Il s’agit, en l’espèce, d’offrir aux associations la possibilité de s’accorder des prêts, notamment dans les cas où les établissements bancaires leur refusent tout accompagnement.

M. Fabien Matras. Le groupe La République en Marche est également défavorable à ces amendements, qui porteraient atteinte à la liberté contractuelle dans la mesure où les taux des frais bancaires sont fixés dans le contrat qui lie la banque à son client.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 2 sans modification.

Article 3 (art. L. 312-20 du code monétaire et financier) Affecter le produit des comptes bancaires en déshérence des associations au Fonds pour le développement de la vie associative

La Commission est saisie de l’amendement CL19 de la rapporteure.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Cet amendement tend à réécrire l’article 3, car son alinéa 5, relatif à l’affectation au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) des avoirs détenus sur les comptes inactifs, relève de la loi de finances. Nous proposons donc un dispositif alternatif qui nous permettra d’aboutir au même résultat. Il est en effet prévu que, dans le rapport qu’elle remet chaque année au Parlement sur la gestion des comptes bancaires inactifs, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) fasse état des sommes qui auront été reversées au FDVA. Ainsi, nous pourrons vérifier si l’État verse, ou non, ces sommes au Fonds. Nous pourrons aller plus loin dans un second temps, en créant un fléchage automatique dans le cadre d’un projet de loi de finances.

Il s’agit donc, ici, d’un premier pas : grâce à cet amendement, les banques devront identifier les comptes des associations et nous pourrons connaître, chaque année, le montant des sommes qui doivent être affectées au FDVA.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’adoption de cet amendement ferait tomber les amendements CL15 et CL5. J’invite donc ceux de leurs auteurs qui le souhaitent à prendre la parole avant la mise aux voix.

M. Philippe Latombe. Nous approuvons l’amendement de Mme la rapporteure ; nous aurions donc, en tout état de cause, retiré le CL15.

Mme Danièle Obono. L’amendement CL5 est un amendement d’appel. Il vise à abonder le FDVA par le produit d’une taxe additionnelle dont devraient s’acquitter les entreprises qui auraient été condamnées pour fraude fiscale, corruption et atteinte à l’environnement ainsi que pour des infractions à la législation sanitaire.

M. Julien Dive. Je profite de l’examen de cet amendement pour évoquer le second volet du FDVA. Celui-ci est destiné au financement du fonctionnement et des projets innovants des associations. Or, la défunte réserve parlementaire, qu’il remplace, permettait de financer également des investissements : un défibrillateur cardiaque pour une salle des fêtes ou un tatami pour un club de judo, par exemple. Peut-être pourrions-nous étendre le second volet du FDVA au financement d’investissements, en prévoyant éventuellement un plafonnement afin d’éviter les excès.

M. Régis Juanico. Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à la réécriture de l’article 3, puisqu’il s’agit de tenir compte du monopole des lois de finances en matière fiscale. Toutefois, je souhaite rappeler l’enjeu de cette disposition, qui consiste à permettre à l’État d’affecter au FDVA le produit des comptes bancaires en déshérence des associations. Actuellement, on recense 2,4 millions de comptes bancaires d’associations, pour seulement 1,3 million d’associations actives. Le nombre des comptes inactifs est donc de plus d’un million. J’ignore le montant exact des sommes qui y sont déposées, mais peu importe : elles représentent en tout état de cause plusieurs dizaines de millions d’euros qui pourraient, dans le cadre de la « loi Eckert », revenir au FDVA via la Caisse des dépôts et consignations. Je souhaiterais donc, madame la rapporteure, que vous nous indiquiez, d’une part, quels sont les obstacles techniques à l’identification des comptes des personnes morales – ne nous oppose-t-on pas des arguties à des fins dilatoires ? – et, d’autre part, quels sont les montants qui pourraient être récupérés par ce moyen.

M. Rémy Rebeyrotte. Je rejoins M. Juanico. Il faudrait inventer un dispositif qui permette que les moyens d’une association, dès qu’il a été constaté qu’elle n’avait plus de vie véritable, puissent bénéficier à d’autres associations œuvrant dans le même secteur. C’est du reste ce qui est prévu dans les statuts de la loi de 1901. Encore faut-il que les membres de l’association prennent le soin de la dissoudre et de transférer ses fonds vers une structure équivalente. Or, bien souvent, les choses restent en l’état. C’est dommage, car ces comptes dormants abritent des dizaines de millions qui pourraient être utiles à la vie associative.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Monsieur Dive, vous avez raison. Je me rappelle de nos débats lors de la création du FDVA : dans l’esprit du ministre, le financement pouvait concerner l’investissement comme le fonctionnement. Je m’en souviens car j’avais proposé le financement du drapeau d’une association d’anciens combattants ; or, il se trouve qu’une telle dépense est considérée comme un investissement. Cette question mérite que nous y réfléchissions.

Monsieur Juanico, la loi dite Eckert prévoit bien qu’il est possible de distinguer les structures selon qu’elles sont ou non associatives. Mais, comme la distinction n’est pas obligatoire, aucune banque ne mentionne cette information lorsqu’elle transfère le compte à la CDC. Or, si nous voulons mettre en œuvre un fléchage vers le FDVA, cette information est nécessaire. C’est le seul obstacle mentionné par la Caisse. Il faut donc que nous rendions l’information obligatoire ; c’est ce que je vous propose. Quant au montant des fonds, son estimation est très variable. On connaît la somme globale – 50 millions – qui a été versée cette année et on sait que les avoirs s’élèvent en moyenne, tous comptes confondus, à 680 euros. Mais le plus important – c’est l’esprit de cette disposition – est que nous posions le principe d’un transfert, quelle que soit la somme.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 3 est ainsi rédigé.

Les amendements CL15 de M. Michel Fanget et CL5 de M. Ugo Bernalicis tombent.

Après l’article 3

La Commission est saisie de l’amendement CL10 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Je ne reviendrai pas sur les conditions de fonctionnement du FDVA lors de sa première année d’existence, car nous en avons déjà longuement discuté dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2019. En l’espèce, nous proposons, par l’amendement CL10, que les parlementaires dont les circonscriptions sont situées dans la région soient membres de droit du collège départemental consultatif de la commission régionale du FDVA. Je rappelle que tel est déjà le cas pour la commission d’attribution de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), même si le nombre des parlementaires qui y siègent est limité à quatre.

Ces derniers peuvent faire bénéficier la commission de leur ancrage territorial et jouer un rôle de facilitateur auprès des associations, qui ont eu beaucoup de mal à être parfaitement « dans les clous » des cahiers des charges élaborés en préfecture. Je ne vois pas pourquoi les élus locaux pourraient siéger dans cette instance, et pas les parlementaires.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. M. Juanico ne sera pas étonné : avis défavorable. Sans doute faut-il faire évoluer le FDVA, mais la présence de parlementaires serait contraire aux dispositions que nous avons votées dans la loi rétablissant la confiance dans la vie politique.

M. Fabien Matras. Quels que soient les arguments utilisés, qui peuvent être entendus, une telle disposition serait contraire à ce que nous avons voté l’été dernier. Le groupe La République en Marche y est donc également défavorable.

M. Julien Dive. Pardonnez-moi, madame la rapporteure, mais votre argument ne tient pas, puisque des parlementaires siègent actuellement dans les commissions DETR, lesquelles attribuent des financements pour des projets communaux. J’ajoute que, dans la commission du FDVA, ils siégeraient parmi les élus locaux et les services de l’État notamment, ce qui n’était pas le cas dans le cadre de la réserve parlementaire, même si celle-ci était soumise à une procédure très transparente.

La proposition de M. Juanico est donc de bon sens. Dans les faits, les responsables d’associations viennent nous voir dans nos permanences. Auparavant, ils nous demandaient de les aider à boucler le financement d’un projet – il est même arrivé, depuis la suppression de la réserve parlementaire, que je fasse, et je ne suis sans doute pas le seul, des dons personnels à une association. Désormais, ils souhaitent qu’on les aide à remplir les dossiers du FDVA. Dans ce domaine, plus que le sous-préfet, puisque cette question relève de la compétence du préfet, le parlementaire est le référent dans sa circonscription. Il peut donc jouer un rôle important, sans pour autant influencer la décision de la commission. Du reste, il arrive que le préfet adresse au député – c’est mon cas – la liste des projets de sa circonscription qui ont été retenus par la commission du FDVA. Allons donc au bout des choses, en permettant au parlementaire d’être aux côtés du préfet, qui, souvent, ne connaît pas les associations.

Mme Emmanuelle Ménard. Je soutiens l’amendement CL10. D’abord parce que, le FDVA remplaçant la réserve parlementaire, il me semble logique que les députés puissent être associés à l’examen des dossiers soumis à la commission. Ensuite parce que c’est bien souvent le député qui informe les associations de l’existence de ce fonds, de sorte que celles-ci le sollicitent fréquemment pour qu’il les aide à remplir les dossiers ou leur indiquer l’état d’avancement de la procédure. Lorsque vous entretenez des relations cordiales avec le préfet et le sous-préfet, les choses se passent bien, mais ce n’est pas toujours le cas. Que le député soit associé de près au traitement des dossiers ne peut être que bénéfique.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous soutiendrons également l’amendement CL10, qui nous semble de bon sens. Le parallélisme des formes doit être respecté : nous participons, en tant que députés, à la commission DETR, qui arbitre en opportunité, donc de manière politique, en fonction de la qualité des projets ; il paraît donc logique que nous siégions au sein de la commission du FDVA, qui plus est dans un organe consultatif.

J’observe que, par petits pas, on donne beaucoup de pouvoir politique au préfet. De fait, leur décision d’aider telle ou telle association n’est pas seulement juridique ou administrative ; elle est politique, puisqu’elle relève de l’opportunité. Moi, cela me dérange. En démocratie, l’élu du peuple est un garant, quelle que soit la commission concernée. Encore une fois, l’amendement CL10 est modéré, puisqu’il ne prévoit qu’un avis consultatif. Qu’on prive l’élu du peuple, qui concourt à la fabrique de la loi, de la possibilité de donner un tel avis, c’est tout de même fort de café !

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je soutiens également cet amendement, qui me semble de bon aloi. Qui connaît le mieux les associations d’un territoire ? Certainement pas le préfet, qui ne reste pas en poste plus de deux ans et demi, ni la Direction de la population, qui n’a pas souvent l’occasion de se rendre sur le terrain. Nous, nous connaissons, et les associations et leurs administrateurs : nous savons s’ils sont sérieux ou non. Il est donc très important que nous puissions donner un avis sur l’affectation des subventions.

M. Philippe Latombe. Nous avons déjà débattu de ce sujet à l’été 2017. Il n’est pas question de revenir sur ces dispositions : actuellement, sur le terrain, le dispositif fonctionne bien, même en notre absence.

Mme Emmanuelle Ménard. Non !

M. Philippe Latombe. Si. Par ailleurs, s’agissant de la DETR, la commission dans laquelle siègent les parlementaires rend un avis consultatif. Nous avons décidé, il y a quelques mois, que ces derniers ne participeraient pas à la commission du FDVA. Il n’y a pas de raison de revenir sur notre décision. Je voterai donc contre l’amendement.

M. Paul Molac. Cher collègue, l’avis de la commission DETR n’est pas simplement consultatif, et les parlementaires qui y siègent disposent du droit de vote dans les mêmes conditions que les autres membres. La commission se prononce sur la base des critères retenus par le préfet, mais peut également décider d’en imposer d’autres, et c’est bien à eux qu’il revient de valider la répartition des sommes attribuées au titre de la DETR – alors que les élus sont simplement informés des sommes attribuées au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

Le fait de redonner des pouvoirs aux préfets en matière d’attribution des subventions locales a sans doute contribué au mécontentement des associations, en raison des maladresses commises par certains préfets ayant tendance à empiéter sur les compétences des élus locaux – qui, comme nous, tirent leur légitimité de leur élection au suffrage universel.

Pour ma part, je voterai donc en faveur de l’amendement présenté par notre collègue Régis Juanico.

Mme Laurence Dumont. Il serait incohérent, de la part de la majorité, de refuser que les parlementaires siègent au sein du collège départemental de la commission régionale du FDVA, qui n’a qu’un rôle consultatif, alors qu’elle les a récemment intégrés à la commission DETR, qui dispose d’un vrai pouvoir de décision.

M. Rémy Rebeyrotte. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), adoptée sous la précédente législature, a consacré un véritable retour en force des préfets en donnant à ceux-ci le pouvoir d’intervenir dans les décisions revenant jusqu’alors aux élus locaux : quand j’entends dire que la majorité actuelle est recentralisatrice, il me semble que certains ont la mémoire courte !

Mme Laurence Dumont. Le rapporteur de cette loi était Olivier Dussopt !

M. Rémy Rebeyrotte. Par ailleurs, il me semble que l’on ne peut que se féliciter de voir que l’annonce de la création d’un fonds dédié à la vie associative, faite lors de la suppression de la réserve parlementaire – un dispositif qui, quoi qu’on en dise, s’apparentait tout de même au fait du prince –, se concrétise aujourd’hui, ce qui laisse espérer que ce fonds pourra être mobilisé dès le premier semestre 2019. Certaines modifications peuvent éventuellement être apportées au FDVA, mais sachons au moins reconnaître que les choses évoluent au bénéfice de la vie associative sur nos territoires.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Je comprends que l’on puisse se poser des questions sur le calendrier de mise en place, le fonctionnement et la gouvernance du FDVA, ainsi que le parallélisme que l’on peut établir à son sujet avec la DETR, et je suggère que l’on ouvre le débat en séance publique sur tous ces points. En tout état de cause, les disparités objectives existant entre les territoires justifient que l’on procède à un état des lieux.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4 (art. 706-160 du code de procédure pénale) : Confier à des associations d’intérêt général la gestion d’immeubles saisis lors de procédures pénales

La Commission examine l’amendement CL13 de M. Michel Fanget.

M. Philippe Latombe. Cet amendement vise à permettre aux fondations reconnues d’utilité publique de bénéficier, au même titre que les associations reconnues d’utilité publique, du dispositif de mise à disposition pour des finalités sociales de biens immobiliers confisqués.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Pour des raisons de forme, je vous suggère de retirer cet amendement.

M. Philippe Latombe. Cette proposition très simple revient en fait à se demander ce qui justifie que les fondations, dont la forme est très proche de celle des associations, ne bénéficient pas du même dispositif qu’elles.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Je ne conteste pas le bien-fondé de cette proposition, mais sa rédaction poserait un problème de coordination avec la suite de l’alinéa, qui fait référence à la loi de 1901 et au droit alsacien et mosellan.

M. Philippe Latombe. Nous le retirons et nous efforcerons de le modifier d’ici à la séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL18 de la rapporteure.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Afin d’éviter les effets d’aubaine, cet amendement vise à restreindre la mise à disposition des biens immobiliers confisqués à des fins de réutilisation sociales aux seules associations déclarées ou inscrites depuis au moins trois ans et dont l’ensemble des activités sont celles visées en matière de dons. En effet, il paraît opportun de circonscrire la mesure aux associations plutôt que de l’appliquer à toutes les entreprises agréées d’utilité sociale, qui peuvent distribuer des bénéfices.

M. Laurent Saint-Martin. Notre amendement CL9 sera satisfait par celui de la rapporteure.

M. Philippe Latombe. Notre amendement CL12 le sera également.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL9 et CL12 tombent.

La Commission adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Rapport du Gouvernement sur l’état des lieux de la fiscalité liée aux dons

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CL17 de la rapporteure.

Elle examine l’amendement CL6 de Mme Danièle Obono.

Mme Danièle Obono. Par cet amendement, nous souhaitons que la demande de rapport formulée par cette proposition de loi puisse aussi aborder le vrai sujet de fond qu’est la prise en charge par le secteur associatif de certains services publics locaux et nationaux.

En effet, dans une logique de coupes budgétaires marquées par l’austérité, et à un moment où le Gouvernement semble vouloir s’affranchir des règles de la fonction publique pour leur préférer celles, plus flexibles, du privé, de nombreux services publics, tant locaux que nationaux, ont été confiés à des associations, et d’anciens emplois de fonctionnaires ou d’agents publics se sont, de fait, trouvés transférés à des structures associatives – embauchant selon le code du travail et n’étant pas soumises aux mêmes règles comptables que les services de l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

J’en veux pour preuve la place prise par les associations dans la mise en œuvre du service public, entérinée dès 2010 par une circulaire du Premier ministre, et qui va de pair avec l’austérité budgétaire imposée aux collectivités territoriales : désormais, les activités culturelles ou sportives ne sont plus assurées par les communes en régie, mais par des associations dédiées.

De nombreuses associations ont fait valoir que ce qui constitue un véritable transfert de compétences remet en question le sens même de leur action, notamment aux yeux des usagers du service public. S’il est souhaitable que les associations se développent, il convient de rechercher l’équilibre et la complémentarité entre leurs missions et celles relevant du service public, auxquelles elles n’ont pas vocation à se substituer.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Pour intéressante qu’elle soit, cette proposition me paraît très éloignée du texte, c’est pourquoi j’y suis défavorable.

M. Fabien Matras. Effectivement, nous pourrions envisager d’engager une réflexion sur la question soulevée par cet amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement CL11 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. L’amendement CL11 vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’opportunité d’affecter les dépôts et avoirs des comptes inactifs des associations sur un compte d’affectation spéciale au bénéfice du Fonds pour le développement de la vie associative. Nous le retirons en commission, dans la mesure où il a surtout pour objet de permettre que s’engage une discussion en séance avec le ministre sur la question évoquée.

L’amendement est retiré.

Article 6 : Gage de recevabilité financière

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

Après l’article 6

La Commission examine l’amendement CL7 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Le seuil maximal d’exonération des principaux impôts commerciaux pour les associations s’élève, depuis le début des années 2000, à 62 250 euros du montant des recettes d’exploitation des activités lucratives.

Ce seuil mérite, à notre sens, d’être réévalué en tenant compte notamment de l’inflation.

Par ailleurs, selon le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), ce seuil ne tient pas compte de la différence de situation entre les associations constituées sous forme fédérale et celles constituées sous forme d’une structure centralisée, dans la mesure où seule la personnalité morale est prise en compte.

Afin de supprimer ce qui constitue une différence de traitement, une limite en pourcentage de l’ensemble des ressources de l’association concernée – 3 % par exemple – pourrait être instaurée. C’est l’objet de cet amendement ayant pour finalité d’améliorer le financement des associations.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. Je comprends la motivation de cet amendement mais, compte tenu du fait que nous avons voté à l’article 5 l’établissement d’un rapport portant sur l’ensemble de la fiscalité associative, il me semble opportun que nous attendions d’en avoir pris connaissance avant de nous prononcer sur les questions particulières qui sont ici évoquées. Dans l’immédiat, je vous suggère donc de retirer cet amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CL8 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Le lancement de campagnes est l’un des moyens offerts aux associations pour développer leurs ressources privées. Si ces campagnes doivent faire l'objet d'une déclaration administrative, il n’est prévu aucun récépissé ni aucune mesure de publicité. Le donateur potentiel n’a donc aucun moyen de vérifier le respect des obligations déclaratives des associations qui le sollicitent.

Afin de sécuriser les campagnes d’appel aux dons, on peut envisager un récépissé de dépôt de déclaration de campagne et une publication sur le site de la direction de l’information légale et administrative (DILA). Ces mesures seraient de nature à renforcer la confiance des potentiels donateurs.

Mme Sarah El Haïry, rapporteure. La nécessité de sécuriser le donateur est essentielle pour renforcer le lien de confiance qui unit celui-ci aux associations. Cependant, l’amendement présenté aurait pour conséquence d’alourdir excessivement la procédure, la délivrance d’un récépissé nécessitant actuellement un délai beaucoup trop long. En attendant que ce récépissé puisse être émis au plus près du terrain, c’est-à-dire au niveau départemental, je vous invite à retirer votre amendement.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je le retire, mais la question sera réabordée en séance.

L’amendement CL8 est retiré.

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, la proposition de loi que nous venons d’adopter sera examinée en séance publique le jeudi 29 novembre.

Compte tenu de l’heure, l’examen des pétitions auquel devait procéder M. Christophe Euzet est reporté à la semaine prochaine – ce dont je vous prie de m’excuser, cher collègue.

 

La réunion s’achève à 13 heures 10.

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Informations relatives à la Commission

 

La Commission a désigné :

– M. Christophe Euzet rapporteur sur la proposition de loi organique, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination du directeur général de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1394), et rapporteur pour avis sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (n° 1393) ;

– M. Thomas Rudigoz rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France (n° 1392).

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Sarah El Haïry, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme Maud Petit, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier

 

Excusés. - Mme Laetitia Avia, Mme Huguette Bello, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Michel Mis, Mme Maina Sage

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Géraldine Bannier, M. Vincent Bru, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Laurence Dumont, Mme Elsa Faucillon, Mme Isabelle Florennes, M. Régis Juanico, M. Bastien Lachaud, M. Laurent Saint-Martin, Mme Michèle Victory