Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables,
sur la transparence des financements
et sur l’acceptabilité sociale
des politiques de transition énergétique

– Audition, ouverte à la presse, de M. Fabien Bouglé, lanceur d’alerte, porte-parole du collectif Touche pas à nos îles 2

 


Jeudi
11 juillet 2019

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 56

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence
de Mme Marjolaine Meynier-Millefert,
Rapporteure

 


  1 

Laudition  débute à onze heures.

Mme  Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Bonjour à tous.

Notre seconde audition de la matinée a pour thème la transparence des procédures envisagée du point de vue des enquêtes publiques.

Nous devions recevoir Mme Brigitte Chalopin, présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs, accompagnée de M. Daniel Buisson, trésorier. Mme Chalopin a malheureusement fait savoir ce matin qu’elle ne pouvait se déplacer pour raisons de santé.

Nous auditionnerons donc, seul, M. Fabien Bouglé, lanceur d’alerte, porte-parole du collectif « Touche pas à nos îles ».

Les enquêtes publiques réalisées sous la responsabilité d’un commissaire enquêteur visent à garantir la bonne et complète information du public et à recueillir ses observations en ce qui concerne notamment les projets de centrales éoliennes ainsi que certains projets d’installation d’énergie solaire au sol.

Le commissaire-enquêteur rend compte des observations du public et donne son avis personnel et motivé. Son rôle est donc essentiel.

Association de la loi de 1901, créée en 1986, la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs fédère les compagnies régionales ou départementales des commissaires enquêteurs. En 2005, elle a adopté un code d’éthique et de déontologie rappelant les principes de comportements nécessaires à la bonne organisation d’une consultation publique comme l’indépendance, la neutralité et l’impartialité, l’équité procédurale, la transparence.

Nous retiendrons donc ces principes comme référence de la bonne organisation d’un débat public. La commission nationale du débat public, autorité administrative indépendante, estime d’ailleurs que les valeurs essentielles qui sont autant de principes nécessaires à la bonne organisation du débat public sont l’indépendance, la neutralité, la transparence, l’égalité de traitement, l’argumentation.

M. Fabien Bouglé a relevé à plusieurs reprises des pratiques inappropriées dans les processus d’information, de consultation et de décision en matière d’installation de parcs éoliens. Nous allons lui donner la parole pour un exposé liminaire de 15 minutes maximum, puis les membres de la commission poseront leurs questions.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(M. Fabien Bouglé prête serment.)

M. Fabien Bouglé, lanceur dalerte, porte-parole du collectif Touche pas à nos îles. Madame la rapporteure, je vous remercie de me donner la parole à l’occasion de cette commission d’enquête parlementaire sur les énergies renouvelables.

Je fais le constat déplorable de la politique de la chaise vide de Mme Chalopin, présidente de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs, lesquels sont pourtant des acteurs essentiels dans les questions liées au développement des éoliennes.

C’est par hasard, il y a maintenant dix ans, que j’ai commencé à étudier la question de l’éolien lorsqu’un projet de plusieurs éoliennes a été prévu à 800 mètres de chez moi. En étudiant les dossiers administratifs, j’ai découvert que le projet d’éoliennes qui m’intéressait était entaché de prises illégales d’intérêts. En juillet 2011, le journal Charlie Hebdo dénonçait pour la première fois en France les prises illégales d’intérêts dans l’éolien et rendait publique cette affaire sous la rubrique « Le conflit d’intérêts de la semaine ».

Depuis lors, je suis devenu, malgré moi, spécialiste de la corruption dans l’éolien et des modes de financement de cette source d’électricité, en relation régulière entre 2011 et 2016 avec les conseillers et les magistrats du service central de prévention de la corruption, une structure du ministère de la justice.

Après avoir fait annuler le projet d’éoliennes me concernant, j’ai continué le combat et suis devenu lanceur d’alerte, ce qui m’a amené à rédiger un guide sur les infractions dans le domaine éolien – infractions qui ne sont pas sans lien avec les questions des commissaires enquêteurs que nous abordons aujourd’hui. J’ai été amené à rédiger un guide sur ces infractions et à publier sous différentes formes, sous mon nom ou sous pseudonyme, à l’occasion d’articles ou de consultations officielles, de nombreuses contributions ou publications sur la corruption dans l’éolien, sur les pratiques des commissaires enquêteurs et sur la dénonciation des tarifs de rachat sur-subventionnés de l’éolien terrestre ou côtier.

La question de la corruption et des tarifs de rachat sont au cœur de la notion d’acceptabilité car un tarif de rachat hors norme d’électricité donne aux promoteurs éoliens les marges de manœuvre financières pour créer les conditions, pourrait-on dire, d’acceptation d’un projet éolien, créant une nette opposition entre, d’une part, les populations victimes des éoliennes ; d’autre part, les personnes financièrement intéressées, comme les propriétaires terriens, les élus, les associations locales ou même les commissaires enquêteurs, financièrement rémunérés par les promoteurs éoliens.

C’est une population démunie, rurale ou littorale, qui est confrontée à des rouleaux compresseurs financiers et marketings, soutenus par une administration soumise aux objectifs définis par le Gouvernement.

C’est ainsi que grâce aux retours de la France entière, j’ai pu mettre en lumière trois grands phénomènes qui entachent la filière éolienne dans ses pratiques et participent à la remise en cause de l’acceptabilité sociale de ses machines : la corruption, le financement des associations et les enquêtes publiques – pratiques structurellement favorables à l’éolien et peu respectueuses de la démocratie.

Premier point : la corruption. En juillet 2014, dans son rapport d’activité, le Service central de prévention de la corruption a dénoncé la multiplication des prises illégales d’intérêts dans l’éolien, évoquant un phénomène d’ampleur. On y lit : « Le développement de l’activité éolienne semble s’accompagner de nombreux cas de prises illégales d’intérêts impliquant des élus locaux. » Il ajoute : « Les élus visés sont attirés par les revenus substantiels tirés de l’implantation d’éoliennes sur des terrains leur appartenant et par un régime fiscal favorable. »

Il émettait ensuite une alerte : « Le Service central de prévention de la corruption appelle donc l’attention des pouvoirs publics sur la gravité de ce phénomène et rappelle qu’il est impératif d’empêcher la confusion entre intérêts publics et intérêts personnels des élus. Il existe un risque de développement d’atteinte à la probité beaucoup plus grave, comme celui de la corruption. Ce phénomène a déjà pu être constaté dans certains pays européens, dans lesquels serait impliquée la criminalité organisée. » Le service central de prévention de la corruption faisait ainsi référence à ce qui se passe en Italie et à l’infiltration de la mafia dans le secteur éolien.

Deux ans et demi après, le Service central de prévention de la corruption sera dissous et mes contacts mutés.

Pour rappel, la prise illégale d’intérêts est une infraction commise par un élu qui participe à une délibération alors qu’il est directement ou indirectement intéressé par un projet éolien.

Il va sans dire que si un maire ou un adjoint est intéressé financièrement par un projet de centrale éolienne, il est très difficile pour un opposant de s’exprimer alors que le maire peut prendre des mesures de rétorsion, par exemple, lui refuser un permis de construire. Très rapidement, dans les villages, une omerta s’instaure et les citoyens victimes n’osent parfois plus rien dire face à l’autorité que représentent les élus.

Avant toute décision publique, les promoteurs éoliens signent des promesses de baux emphytéotiques avec les propriétaires terriens qui peuvent être élus. Puis ils s’adressent aux maires pour obtenir un accord sur une étude de faisabilité d’une centrale éolienne sur la commune. Les promoteurs éoliens savent dès le départ que les éoliennes seront implantées sur les terres de tel ou tel élu ou d’un membre de sa famille. Une fois l’élu intéressé, on imagine aisément sa position dans le cadre du projet, en particulier lors de l’enquête publique qui aura lieu dans sa commune.

En quelques années, ce sont plus de 200 plaintes qui ont été déposées et de nombreuses condamnations qui continuent de pleuvoir régulièrement. La plus récente date d’un mois. Il s’agit d’un maire et agriculteur du Pas-de-Calais qui a perçu plus de 400 000 euros de loyer éolien d’une filiale d’Engie et qui a été condamné le 3 juin à 30 000 euros d’amende par la cour d’appel de Douai.

L’une des premières condamnations pour prise illégale d’intérêts a concerné des élus de Laramière : six élus ont été condamnés, dont le maire. Plus tard, une conseillère municipale de Mélagues dans l’Aveyron a été condamnée à la privation de ses droits civiques, civils et familiaux. Son mari, touchait 36 000 euros par an de loyer issu de l’éolien.

Une affaire plus grave reste cependant en suspens : le maire de Lacaune, dans le sud de la France, voulant installer des éoliennes sur ses terres, a, en 2008 et 2009, rencontré, avec son député, des membres du cabinet du ministère de la Défense parce qu’un couloir aérien militaire empêchait l’installation d’éoliennes sur ses terres. Après deux rendez-vous, il a obtenu gain de cause et une dérogation autorisant cette installation proche d’un couloir aérien militaire, alors même que les membres du cabinet du ministre étaient informés que les éoliennes seraient implantées sur les terres du maire. Il a été mis en examen en décembre 2015 pour prise illégale d’intérêts et mis sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction de Castres. À ce jour, il n’a toujours pas été renvoyé devant le tribunal correctionnel.

En décembre 2016, on retiendra la condamnation d’un géomètre expert, maire d’une commune et géomètre du projet d’éoliennes sur sa commune. Malgré cette condamnation, ce dernier figure toujours sur la liste des experts judiciaires de la cour d’appel d’Angers, en contradiction avec l’article 2 du décret de 2004 qui interdit l’exercice de l’expertise judiciaire aux personnes ayant été condamnées pour des atteintes à la probité.

Des poursuites ont été lancées contre un commissaire enquêteur de Côte-d’Or, qui, dans un dossier, avait été prestataire de services d’une filiale de la société qui portait le projet éolien.

Si le procureur a classé sans suite la plainte contre ces commissaires enquêteurs, les victimes souhaitent, à ce jour, se constituer partie civile.

Nous retiendrons également une information importante. En vertu de l’article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale, les personnes assurant une mission de service public, en particulier les commissaires enquêteurs, devraient transmettre au procureur de la République toute information lorsqu’ils ont connaissance de prises illégales d’intérêt. Alors que dans la France entière, des citoyens informent les commissaires enquêteurs que des élus sont personnellement intéressés dans le cadre de projets, les commissaires enquêteurs refusent de transmettre au procureur de la République les informations déposées par la voie des cahiers de doléances.

Outre les prises illégales d’intérêts, nous avons découvert que les promoteurs éoliens finançaient les collectivités locales. La mairie de Noirmoutier a reçu environ 3 000 euros par an au prétexte d’activités culturelles du promoteur éolien et le conseil départemental de Vendée, via la structure du Vendée Globe, a reçu 500 000 euros. Ces deux collectivités ont exprimé leur avis favorable lors de l’enquête publique de Noirmoutier en 2018. Une enquête préliminaire pour corruption a d’ailleurs été ouverte par le procureur des Sables-d’Olonne.

Je finirai sur la question de la corruption en rappelant que, le 8 décembre 2014, le syndicat France Énergie éolienne a écrit une lettre à cinquante députés pour suggérer une réforme de la prise illégale d’intérêts, délit qui était, selon ce syndicat, instrumentalisé par les écologistes anti-éoliens, qualifiés de « militants anti-républicains ». L’Assemblée nationale a refusé de donner suite à cette demande, alors que le délit de prise illégale d’intérêts était en cours de réforme, mais cet épisode a mis au grand jour les méthodes des promoteurs éoliens.

Deuxième point : le financement d’associations. Il est très difficile d’avoir des éléments prouvant que des sommes d’argent transitent entre les promoteurs éoliens et les associations qu’ils financent. C’est par des faisceaux d’indices que nous pouvons voir qu’il existe des partenariats financiers. Je précise qu’il n’est pas juridiquement interdit à un promoteur éolien de financer une association environnementale, mais cela nous paraît particulièrement douteux pour l’objectivité de cette association lorsqu’elle est confrontée à une enquête publique au cours de laquelle elle doit se positionner sur le sujet.

Nous avons découvert qu’il existait des liens financiers entre certains promoteurs éoliens et la Fondation du patrimoine. Un communiqué de presse conjoint du 21 novembre 2011 fait état d’un partenariat financier dans le cadre d’une convention triennale entre la Fondation du patrimoine et la société Éole RES, devenue RES. Nous rappelons que les statuts de la Fondation du patrimoine prévoient dans son objet la sauvegarde des patrimoines architecturaux et paysagers.

L’association de défense de la nature WWF est partenaire du promoteur éolien Boralex. Le site internet de WWF affiche clairement qu’elle a signé un partenariat qui repose sur le développement des énergies renouvelables, en particulier l’éolien.

La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a organisé, en novembre 2017, avec le soutien des syndicats des énergies renouvelables et de France Énergie éolienne, un colloque sur le thème « Éolien et biodiversité ». Il se dit, par ailleurs, que des associations locales de la LPO seraient financées pour participer aux études d’impact des éoliennes sur les oiseaux et pour ramasser les oiseaux morts, à proximité des machines. Même si cela n’est pas interdit, cela explique la timidité de certaines structures dans le cadre des enquêtes publiques. La fédération France nature environnement et ses associations auraient également signé des partenariats de ce type.

J’ajoute que le livre de Thibault Kerlizin, Greenpeace, une ONG à double-fond(s), va même plus loin puisqu’il explique que l’ONG Greenpeace serait particulièrement intéressée au développement des éoliennes, étant elle-même actionnaire d’une société Greenpeace Énergie, propriétaire de centrales éoliennes.

Il est intéressant de noter que, dans le cadre de l’enquête publique concernant le dossier des éoliennes entre Yeu et Noirmoutier, les opposants avaient demandé aux cinq commissaires enquêteurs d’interroger le promoteur éolien afin qu’il fournisse la liste exhaustive des sommes payées par la société Éoliennes en mer des îles d’Yeu et de Noirmoutier (ENYM) aux collectivités locales ainsi qu’aux associations.

Dans le rapport, les commissaires enquêteurs n’ont jamais répondu à cette question. Mme Chalopin, qui est absente aujourd’hui, était membre de cette commission d’enquête. Pour quelles raisons cette commission d’enquête n’a-t-elle pas demandé l’intégralité des subventions versées par le promoteur éolien et pour quelles raisons le préfet refuse-t-il de transmettre le dossier d’accord aux éoliennes à nos avocats ? Aujourd’hui, en contradiction totale avec la convention d’Aarhus et la charte environnementale, le préfet ne fournit pas à nos avocats les éléments sur le dossier. Pourquoi une telle opacité sur ce sujet ?

Troisième point : les commissaires enquêteurs. Pour rappel, en vertu de l’article L. 123-10 du code de l’environnement, les commissaires enquêteurs se voient octroyer une indemnité à la charge des promoteurs éoliens. Ce sont donc les promoteurs éoliens qui payent les commissaires enquêteurs amenés à donner un avis favorable ou non à un projet.

L’intermédiaire entre le commissaire enquêteur et le promoteur éolien est le président du tribunal administratif, tribunal administratif qui sera chargé de juger le projet éolien lorsqu’il passera devant les tribunaux.

Avant même toute décision d’accord ou de refus d’un parc éolien, trois acteurs clés – le commissaire enquêteur, le promoteur éolien et le tribunal administratif – sont en lien pour la rémunération du commissaire enquêteur, qui ne sera d’ailleurs jamais connue et qui restera opaque, au point de ne jamais être mentionnée dans les rapports d’enquête publique. L’opacité sur la rémunération des commissaires enquêteurs est totale et n’est pas dévoilée dans le cadre des enquêtes publiques.

Nous avons découvert que des formations destinées aux commissaires enquêteurs étaient réalisées par les promoteurs éoliens eux-mêmes. Je dispose de slides de formations et un programme de formation de 2013, organisée avec le concours de tribunaux administratifs et de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), des cours étant dispensés aux commissaires enquêteurs par des promoteurs éoliens pour leur expliquer comment organiser une enquête publique. Cette connivence, pour ne pas dire cette collusion, se traduit sur le terrain par des résultats édifiants.

Pour les éoliennes d’Arromanches, par exemple, l’enquête publique avait démontré une opposition de 67 %. L’avis du commissaire-enquêteur fut favorable. À Noirmoutier, une opposition de 76 % avec une forte mobilisation et plus de 1 700 contributions. L’avis des commissaires enquêteurs fut favorable à l’unanimité.

Pour le terrestre, les exemples sont très nombreux. Je ne dispose pas de listes à vous fournir, mais je peux vous livrer quelques exemples. À Brignac, dans le domaine rural, au nord-ouest du Morbihan, sur 89 contributions, 5 étaient favorables et 84 opposées. L’avis du commissaire-enquêteur était pourtant favorable.

Partout, des témoignages édifiants sont remontés de citoyens, choqués par l’attitude des commissaires enquêteurs, souvent très favorables à l’éolien, dissertant dans les rapports sur la piètre culture écologique et environnementale des participants ou de leur tropisme « not in my back yard ». Le mépris et le dédain de certains commissaires enquêteurs sont souvent ressentis par les citoyens participant sincèrement à ces enquêtes publiques. On est loin de la convention internationale d’Arrhus traduite dans la charte environnementale, en son article 7, qui exige la participation des citoyens aux décisions ayant un impact sur leur environnement. La convention ne demande pas un avis, elle « exige » que le citoyen soit acteur de la décision. Manifestement, par leur attitude, les commissaires enquêteurs prennent en otage la souveraineté populaire issue des valeurs de la République en donnant leur opinion, ce qui est totalement contraire à la convention.

Je finirai cet exposé en rappelant que le 1er mai 2018, Jacques Turpin, commissaire enquêteur du projet de Noirmoutier, dans un mail envoyé par mégarde aux opposants et devenu emblématique, traitait les opposants « de personnes sans scrupule et au QI qui n’est pas celui du géranium. » Il a réagi ainsi après que les opposants se sont offusqués que la permanence des commissaires enquêteurs présentait les affiches, les tracts, les logos commerciaux des promoteurs éoliens et même le registre dématérialisé avec le logo du promoteur éolien. Un commissaire enquêteur devant témoin a confirmé avoir distribué des tracts commerciaux du promoteur éolien.

La présidente de la Compagnie des commissaires enquêteurs, absente aujourd’hui, également commissaire enquêtrice au titre de ce dossier, répondait à tous à ce mail par un simple « Rien de nouveau à l’ouest », oubliant l’article premier des règles de déontologie des commissaires enquêteurs : « Le commissaire enquêteur remplit son rôle dans l’intérêt général avec équité, loyauté, intégrité, dignité et impartialité. » Pour rappel, cette enquête ne sera pas suspendue par le préfet, le commissaire enquêteur ne sera pas radié sur-le-champ et ni le préfet de Vendée ni le président du tribunal administratif de Nantes n’ont procédé à des sanctions administratives de ce fait, et un avis favorable sera donné pour l’enquête publique, avec la signature du commissaire enquêteur insultant. Le député Emmanuel Maquet a d’ailleurs posé une question écrite à ce sujet.

Ma conclusion : les commissaires enquêteurs seraient-ils dans le domaine éolien au-dessus des lois et des intouchables de la République ? Je vous remercie.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Merci à vous de ce propos liminaire.

Nous demanderons à Mme Brigitte Chalopin, citée à plusieurs reprises, de répondre sous forme écrite aux propos que vous avez tenus. Nous lui communiquerons votre intervention ainsi que le lien de l’audition afin qu’elle puisse la visionner et apporter des réponses en différé.

Je vais me faire l’avocat du diable. L’image est bien choisie, vu le portrait que vous décrivez !

Je voudrais savoir et comprendre.

Vous dites que les personnes sont financièrement intéressées au projet. Vous avez cité les élus, les propriétaires et les commissaires enquêteurs.

M. Fabien Bouglé. La loi mentionne les commissaires enquêteurs. Le code de l’environnement prévoit que les commissaires enquêteurs sont payés par les promoteurs éoliens. Ils ont forcément un intérêt.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Sont-ils payés quoi qu’il arrive, qu’ils disent oui ou non ?

M. Fabien Bouglé. Oui.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Est-ce une manière pour l’État de ne pas supporter les coûts sur la base du principe « installateur-payeur » à l’instar du principe « pollueur-payeur », l’ensemble des coûts relatifs au projet étant supportés par le promoteur ? Dans la mesure où ces coûts sont liés à une enquête publique, l’installateur finance les études d’impact sans toutefois les réaliser. Un tiers s’en charge. Ce n’est pas parce qu’il tient le chéquier que pèse une contrainte nécessaire sur les résultats des éléments menés.

M. Fabien Bouglé. Tout à fait. Cependant, dans la mesure où le président du tribunal administratif intervient, qu’il rencontre et échange avec le promoteur éolien, la situation induit de fait une connivence. J’entends bien que les choses sont prévues par la loi pour éviter que l’État acquitte les frais des enquêtes publiques, mais les effets sont pervers car le commissaire enquêteur se trouve de facto et ab initio, dans la situation de connivence avec le promoteur éolien. Tout le monde sait que celui qui détient le carnet de chèques a davantage de pouvoir que le petit citoyen qui donne son avis.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous pensez qu’une proximité se crée parce qu’ils sont amenés à travailler ensemble et à se rencontrer souvent. Une telle situation est susceptible de créer des liens dans le cadre de la projection de projets alors que, par ailleurs, les gens sont généralement en colère. Je peux imaginer qu’il ne soit pas aisé pour les commissaires enquêteurs de se retrouver placés entre le marteau et enclume.

M. Fabien Bouglé. Je ne dénonce pas uniquement une connivence financière.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il est important de ne pas parler de connivence financière dans la mesure où l’indemnisation des commissaires enquêteurs, quels que soient les résultats des enquêtes, est encadrée par la loi. Vous devez avoir connaissance de commissaires enquêteurs qui rendent des avis négatifs et qui sont payés de la même façon.

M. Fabien Bouglé. Ils sont payés, quels que soient les résultats, certes, mais ceux qui émettent des avis négatifs sont minoritaires.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dès lors qu’ils sont payés, quels que soient les résultats, aucune pression ne pèse sur leur rémunération et donc sur leur avis.

M. Fabien Bouglé. Nous sommes bien d’accord. Pour autant, pourquoi constate-t-on plus de 90 % d’avis favorables à l’installation d’éoliennes sur les territoires ? Il est bien dommage que la présidente des commissaires enquêteurs soit absente ; elle aurait pu nous le dire ! Ce pourcentage d’avis favorables suppose une connivence. Si elle n’est pas financière, elle est psychologique. Les formations sont organisées institutionnellement par le tribunal administratif et par les DREAL qui rencontrent les commissaires enquêteurs et les promoteurs éoliens avant tout projet de centrale éolienne. Vous imaginez bien que des amitiés ou des alliances se créent avant même une enquête publique. Nous sommes dans un bain institutionnel où le commissaire enquêteur est corseté entre une administration dont l’objectif est l’installation d’éoliennes et des promoteurs éoliens qui exercent une forte pression.

Autant Jacques Turpin n’a pas été radié après avoir insulté des opposants à l’éolien, autant un commissaire enquêteur dans un domaine ne relevant pas de l’éolien a été radié parce qu’il avait émis un avis défavorable à un projet industriel. Cela signifie bien que les commissaires enquêteurs sont aujourd’hui du côté d’une administration qui les met en relation avec les promoteurs éoliens dans le cadre de formations afin qu’ils donnent un avis favorable. C’est à ce point de jonction que pointe la dangerosité tant il est vrai que la convention d’Arrhus, dans son article 7 de la Charte environnementale, ne demande pas un avis aux commissaires enquêteurs, elle dispose que les citoyens, titulaires de la souveraineté populaire et de la souveraineté républicaine, doivent participer à une décision ayant un impact environnemental. Dans le paysage que je vous présente, le commissaire enquêteur, en livrant en permanence des avis favorables, dénie les décisions et les participations des oppositions qui s’expriment partout en France contre les projets de parcs éoliens.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il me semble important de ne pas attaquer l’intégrité des commissaires enquêteurs et de s’appuyer sur une logique structurelle.

Des personnes auditionnées ont relevé ce qu’elles avaient considéré comme une forme de corruption. Une entreprise d’éoliennes est venue présenter le fonctionnement des éoliennes dans les écoles. Cela a été perçu comme une forme de corruption inadmissible dans la mesure où l’on entrait dans les écoles. En tant qu’ancienne enseignante, j’ai expliqué qu’il ne me paraissait pas absurde d’auditionner un professionnel pour comprendre la façon dont il fonctionnait. Il convient de déterminer si la formation n’est constituée que de cela ou si elle est composée de cela et d’autre chose.

M. Fabien Bouglé. Je vous confirme qu’il existe des packs de formation, préparés par les promoteurs éoliens à l’attention du public d’enseignants. C’est le cas à Noirmoutier, une ville que je connais bien. Une position unique est présentée dans une école qui doit normalement assurer la neutralité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il s’agit là de la responsabilité des enseignants qui sont garants de la pédagogie. Un enseignant – et je ne pense pas que l’on puisse douter de l’intégrité des enseignants – peut choisir un kit d’information qu’il juge crédible et qu’il considère comme un apport intéressant pour ses élèves.

M. Fabien Bouglé. Je vais vous faire part d’un exemple dans l’Orne, en Basse-Normandie. Une institutrice de bonne volonté – il ne s’agit nullement de remettre en cause le travail formidable des enseignants – avait, à la demande du promoteur éolien, organisé un concours de dessin parmi les enfants du primaire. Le gagnant devait recevoir une éolienne en plastique. Dans l’école de ce petit village, cela a engendré un chaos entre les enfants des opposants aux éoliennes et les enfants des parents qui avaient des éoliennes sur leurs terres. Le conflit larvé du village s’est reporté sur l’école.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Tous les conflits des adultes se retrouvent dans les écoles.

M. Fabien Bouglé. Que des associations non financièrement intéressées par des promoteurs d’éoliens interviennent dans les écoles pour promouvoir le développement durable est une chose, mais que l’on promeuve une industrie financièrement intéressée, qui a donc des intérêts politiques, économiques et financiers, est contraire au principe de neutralité dans l’enseignement. Les visites de promoteurs éoliens dans les écoles sont nombreuses et régulières. Selon nous, c’est très grave. On ne demande pas aux anti-éoliens de venir présenter leurs arguments dans les écoles.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Avez-vous procédé à des démarches auprès des élus ou des enseignants pour expliquer, sur la base de faits scientifiques opposés, vos arguments ?

M. Fabien Bouglé. Les anti-éoliens n’ont que vingt-quatre heures dans une journée, ils sont très pris au quotidien par les recours et les tâches administratives. Ils consacrent une partie de leur temps bénévolement dans toute la France. Ils croient en la République et en la démocratie.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Encore une fois, je ne suis pas d’accord pour considérer la situation en adoptant ce prisme. On ne peut partir du principe selon lequel il y aurait d’un côté les gentils, de l’autre les méchants. Les personnes qui installent des éoliennes ont des avis différents des vôtres, elles ont envie d’installer des éoliennes parce qu’elles y croient. Des personnes sont fondamentalement engagées, qui pensent que les énergies renouvelables sont importantes et elles sont de bonne foi. Il est important de ne pas s’attaquer à l’intégrité des personnes. Ce n’est pas parce que leur avis diffère du vôtre qu’elles ne croient pas à la France et à l’engagement en faveur de la planète.

M. Fabien Bouglé. Je persiste et signe sur les interventions dans les écoles. Au reste, de nombreux arrêts du Conseil d’État ont porté sur la neutralité dans les écoles où les lobbies ne peuvent intervenir. C’est encore plus grave pour une classe primaire ou un collège. Dans un lycée, c’est un peu différent.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Avez-vous adressé un courrier au rectorat ou au ministère.

M. Fabien Bouglé. Le fait est régulièrement dénoncé dans le cadre des enquêtes publiques. Des lettres ont été envoyées.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Avez-vous engagé une démarche pour alerter, ne serait-ce que le chef d’établissement et avez-vous obtenu des réponses ?

M. Fabien Bouglé. Non. Cela fait dix ans que je combats la corruption dans l’éolien. J’ai écrit à plusieurs ministres, notamment de l’écologie, sans jamais avoir obtenu de réponse. J’ai écrit au ministre de l’écologie pour demander un audit national sur les prises illégales d’intérêts puisque les préfets disposent des délibérations et des implantations d’éoliennes. Les prises illégales d’intérêts sont inscrites dans les dossiers administratifs. Le ministre de l’écologie est donc en mesure de dévoiler aux procureurs de la République les infractions qui figurent dans les dossiers administratifs de la France entière. Pour autant, nous ne recevons jamais de réponse.

Nous avons écrit à des Premiers ministres, à des ministres de l’écologie, nous n’obtenons jamais de réponse, si ce n’est que le Service central de prévention de la corruption a été supprimé et que nos contacts ont été mutés !

Je vous entends bien, si vous le souhaitez, nous écrirons au ministre de l’Éducation nationale, mais je crains fort que nous ne recevions une réponse administrative, comme à l’habitude ! J’espère que votre commission d’enquête permettra de faire le jour sur ces pratiques, car, en tout état de cause, il faut régulariser la situation.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. S’agissant précisément des pratiques que vous qualifiez de prises d’intérêts personnels, quelle était la taille des villes ou villages mentionnés parmi les exemples que vous avez cités ?

 M. Fabien Bouglé. La première personne qui a fait l’objet d’une condamnation pour prise illégale d’intérêts dans le cadre d’un parc éolien était un élu de Rânes, un petit village de quelques centaines d’habitants.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le maire était-il lui-même agriculteur ?

M. Fabien Bouglé. La personne condamnée était adjointe au maire et propriétaire de terres.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dans un village composé de peu de personnes, un collectif municipal a décidé d’implanter un projet éolien.

M. Fabien Bouglé. Cela ne se passe pas ainsi. Dans un premier temps, les promoteurs font signer des promesses de baux emphytéotiques à des personnes qu’ils savent être élues.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous empêcheriez donc un élu de mener un projet qui serait autorisé à un autre citoyen ?

M. Fabien Bouglé. Pas du tout.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Si sa prise d’intérêts est connue et que tout est fait dans la transparence, y a-t-il quelque chose d’illégal ?

M. Fabien Bouglé. La prise illégale d’intérêts est un délit pénal qui est poursuivi au titre de l’article 432-12 du code pénal.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Et si l’élu concerné ne participe pas au vote de la délibération ?

M. Fabien Bouglé. La prise illégale d’intérêts tient à la participation de l’élu à la délibération alors qu’il est personnellement intéressé. S’il n’y participe pas, il ne peut être poursuivi. Le problème réside dans le fait que les élus, en particulier ceux qui ont été condamnés, mélangent leur intérêt privé et leur intérêt d’élu, et donc participent aux réunions, ce qui est strictement interdit. Si un élu affiche en toute transparence qu’il est personnellement intéressé et qu’il ne participe pas aux votes, il n’est pas en situation de prise illégale d’intérêts.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Diriez-vous que ces prises illégales d’intérêts sont plus fréquentes dans de petits villages ? Peut-être, le conseil juridique est-il moins important dans un petit village et fait défaut aux élus. C’est ainsi qu’ils peuvent faire preuve d’imprudence mais sans forcément avoir d’intention…

M. Fabien Bouglé. D’intention maligne ? Le maire de Lacaune, accompagné de son député, s’est rendu à Paris pour rencontrer des membres du cabinet du ministre de la Défense et faire changer le couloir aérien militaire. Alors que les membres du cabinet étaient informés que l’élu était personnellement intéressé, ils lui ont donné raison ! Il y a là un problème. Peut-être des élus ne se rendaient-ils pas compte qu’ils commettaient des prises illégales d’intérêts mais, aujourd’hui, les prises illégales d’intérêt continuent d’être alors que les élus sont largement informés qu’ils ne doivent pas participer aux délibérations. Dans les petits villages, le sentiment d’impunité est extrêmement fort. Je citerai l’exemple de Mme Landmaine, la première condamnée, à Argentan. Nous l’avons alertée à cinq reprises dans le cadre de l’enquête publique, en la prévenant qu’elle allait être poursuivie pour prise illégale d’intérêts. Certains élus sont habités d’un sentiment d’impunité tel qu’ils se comportent à l’égard de leurs concitoyens de manière assez étonnante. Ils se sentent intouchables et le jour où ils sont mis en examen, cela leur fait très bizarre. Des condamnations interviennent très régulièrement à ce sujet.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pensez-vous qu’ils ne mesurent pas toujours le risque pris en ne respectant pas les règles déontologiques ?

M. Fabien Bouglé. M. Benoît Onillon, expert géomètre judiciaire, inscrit sur la liste des experts judiciaires, et prestataire de services du promoteur éolien, est maire du village. Il est parfaitement informé. Or, qu’advient-il ? Il est maintenu sur la liste des experts judiciaires, selon moi, de manière totalement illégale – c’est à vérifier mais, en tout cas, le fait est quand même surprenant !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Un expert géomètre, quel qu’il soit, est soumis à des règles déontologiques dans sa pratique. L’expertise qu’il rend est donc la même, qu’il y ait ou non prise illégale d’intérêts. Si les intérêts sont déclarés, cela doit être reçu.

M. Fabien Bouglé. En l’occurrence, les intérêts n’étaient pas déclarés. Les opposants aux projets d’éoliennes ne découvrent qu’au moment de l’autorisation d’exploiter, c’est-à-dire des années après, les prises illégales d’intérêts de certains élus. L’opacité est totale. Nous ne disposons d’aucune information tant que nous ne disposons pas du dossier administratif du préfet qui nous a consultés ; nous n’en disposons qu’une fois l’autorisation d’exploiter délivrée. Ce n’est qu’une fois le dossier administratif en main que l’on a découvert la situation de M. Onillon. Cela met du temps, à tel point que les infractions sont parfois prescrites. Auparavant, le délit était prescrit après trois ans ; aujourd’hui, après six ans. C’est ainsi que de nombreuses personnes impliquées dans des affaires de prise illégale d’intérêts n’ont pas été condamnées.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’entends votre position. Quelles recommandations feriez-vous pour que les situations soient plus transparentes ? Les déclarations d’intérêts devraient-elles intervenir en amont ? S’il est connu et encadré, un intérêt peut être accepté.

M. Fabien Bouglé. Je suis favorable à une publicité dès le début des promesses de baux emphytéotiques. Pourquoi ces informations ne seraient-elles pas rendues publiques par le promoteur éolien ? Au début du projet, intervient ce que l’on appelle la maîtrise foncière. Les promoteurs éoliens demandent aux commerciaux de trouver des terres, lesquels contactent préférentiellement les élus ou les membres de leur famille. Ensuite, la mairie vote une délibération rendant un avis favorable à l’engagement d’une étude de faisabilité de la centrale éolienne sur le territoire du village. À ce moment-là, le promoteur éolien pourrait afficher les promesses de baux emphytéotiques qu’il a signées avec tel ou tel élu.

Dans un village, en Normandie, je crois, le préfet a envoyé une lettre de mise en garde à la mairie car un certain nombre d’élus étaient personnellement intéressés par le projet de centrale éolienne.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Les élus sont de facto intéressés puisque le projet apporte une rémunération à la collectivité.

M. Fabien Bouglé. Lorsque je parle d’intérêt, il s’agit d’un intérêt personnel, l’argent que touche un élu à titre personnel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous évoquez la partie relative à la propriété privée.

M. Fabien Bouglé. Oui. Le préfet a donc relevé que plusieurs élus avaient un intérêt personnel, direct ou indirect. Lorsque lesdits élus ont quitté la salle de délibération, les élus qui restaient ont voté contre le projet. On voit bien que l’acceptabilité du projet change selon que l’on implique ou non les élus intéressés.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Adopteriez-vous la même démarche si un élu local lançait une entreprise sur sa commune ou créait une entreprise sur son territoire ? Cela vous poserait-il le même cas de conscience ?

M. Fabien Bouglé. Cela ne me pose pas de cas de conscience, je me reporte simplement à la jurisprudence. Par exemple, la jurisprudence a condamné pour prise illégale d’intérêts un maire qui avait fait engager sa femme de ménage par la commune. Cela a été considéré comme une prise illégale d’intérêts sur le plan moral car la prise illégale d’intérêts peut être un intérêt financier ou un intérêt moral. La prise illégale d’intérêts est une notion très large. Je vous invite à vous reporter à l’article 432-12 du code pénal.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pour finir, on va encourager les élus à ne plus se présenter ! Si un élu recommande une personne de la commune qu’il connaît à la mairie et que tout cela est parfaitement clair, qu’elle répond aux critères et qu’elle fait bien son travail, cela me paraît incroyable de l’écarter.

M. Fabien Bouglé. Un chef d’entreprise ne peut pas signer de contrats avec la commune dont il est maire.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous admettrez que la personne était femme de ménage avant de travailler chez cet élu. Ce n’est pas parce qu’elle travaille à la mairie qu’elle fait plus ou moins d’heures ou que la mairie lui paye plus d’heures.

M. Fabien Bouglé. Il ne m’appartient pas de porter des jugements de valeur sur la jurisprudence et sur les décisions de justice, mais le constat, c’est que la prise illégale d’intérêts, en l’occurrence de nature morale, est un délit extrêmement large.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Autrement dit, bien des faits peuvent entrer dans le champ de la prise illégale d’intérêts.

Vous avez évoqué l’avis des commissaires enquêteurs. Lors des réunions qui ont été organisées, une majorité de personnes peut être contre le projet. Le commissaire enquêteur donne son avis après avoir entendu l’avis des collectifs et des personnes au cours des réunions qu’il organise. Il complète ce compte rendu des réunions par un avis circonstancié plus large.

M. Fabien Bouglé. Qui est son avis personnel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Oui, mais j’imagine qu’il ne s’agit pas d’un avis au doigt mouillé et qu’il prend en compte des éléments qu’il a constatés sur le terrain.

M. Fabien Bouglé. En général, les commissaires enquêteurs réalisent un audit général de ce qui s’est passé pendant l’enquête publique : la façon dont elle s’est déroulée, la détermination plus ou moins forte des opposants. Une fois rédigées les conclusions, ils livrent des éléments. Souvent d’ailleurs, malgré une forte opposition, ils donnent quelques attendus des motifs. Enfin, ils livrent leur avis.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. À Noirmoutier, combien de personnes étaient-elles présentes à la réunion ?

M. Fabien Bouglé. À Noirmoutier, nous avons relevé 1 700 contributions écrites sur les cahiers de doléances, sur le répertoire et sur les répertoires électroniques, sachant que Noirmoutier compte environ 9 000 habitants l’hiver, auxquels il faut ajouter les habitants de l’Île d’Yeu, dont je ne connais pas le nombre.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Soit près d’un dixième ont écrit pour exprimer leurs inquiétudes. Les neuf dixièmes restants étaient informés du projet.

M. Fabien Bouglé. Tout le monde a été informé par la presse. Nous-mêmes avions envoyé 30 000 ou 40 000 flyers pour informer la population.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous pensez que ce sont les personnes opposées au projet qui entreprennent une démarche.

M. Fabien Bouglé. L’argument de base des promoteurs éoliens est de sauver la planète par les éoliennes. J’imagine que tous les gens veulent sauver la planète ; les sondages des promoteurs éoliens annoncent 80 %, voire 90 % d’acceptabilité des personnes habitant à proximité des parcs éoliens. On pourrait supposer que tout le monde veut des outils qui sauvent le monde et que toute la population va se lever pour dire « Oui, on veut des éoliennes ! », sauf que ce n’est pas ce qui se passe sur le terrain.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Quand elles ont le sentiment qu’un projet va aboutir, les personnes se mobilisent pour exprimer leurs voix contre. Les personnes se mobilisent en réaction contre. En revanche, si elles y sont favorables, elles laissent faire, elles estiment inutile de venir appuyer un projet en cours. Cela répond à la logique de « qui ne dit mot consent » ; auquel cas, le pourcentage que vous avez vous-même évoqué à l’instant de 80/90 % de personnes favorables correspondrait aux 10 % de contre réellement exprimés.

M. Fabien Bouglé. Les anti-éoliens s’insurgent contre des éléments de langage des promoteurs éoliens.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. En l’occurrence il ne s’agit pas d’éléments de langage mais de chiffres que vous livrez.

M. Fabien Bouglé. Les promoteurs éoliens annoncent dans leurs sondages que 80 % à 90 % de la population sont favorables au projet ; sur le terrain, les enquêtes publiques marquent globalement une très forte opposition.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. C’est-à-dire des personnes qui sont présentes aux réunions.

M. Fabien Bouglé. Il ne s’agit pas de réunions, mais de petites permanences, ouvertes trois ou quatre heures. Les commissaires enquêteurs sont à la disposition du public pour éventuellement étudier les dossiers et les personnes déposent leur intervention sur des cahiers de doléances.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je pense que les gens se déplacent quand ils sont inquiets et quand ils sont contre un projet. Ils ne bougent pas quand ils sont d’accord parce qu’ils pensent que le projet progresse.

M. Fabien Bouglé. On vous dit qu’en implantant des éoliennes, on va sauver le monde, que l’on va sauver les hommes de l’apocalypse et que l’on va sauver la planète

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Peut-être que les gens y croient pour de mauvaises raisons, mais ils y croient. Que la conviction soit fondée sur de fausses promesses, admettons ; il n’empêche, en termes d’acceptabilité, que les 90 % des personnes qui ne se sont pas exprimées ont plutôt tendance à croire qu’utiliser les éoliennes va améliorer les choses.

M. Fabien Bouglé. Je ne dis pas que 80 % de la population ne participe pas à l’enquête publique par désintérêt.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Lorsqu’un projet est considéré comme une menace, comme quelque chose de négatif, les gens se déplacent.

M. Fabien Bouglé. Puisque vous êtes législateur, transformons les enquêtes publiques en sondages locaux. Et là on verra. Et je m’inclinerai. Supprimons les commissaires enquêteurs, supprimons les enquêtes publiques et conformons-nous à l’article 7 de la charte environnementale sur la participation du public. Organisons un sondage local, populaire et citoyen, portant sur les zones impactées, organisons cette démocratie environnementale que nous appelons tous de nos vœux. C’est le peuple souverain qui décidera localement. Peut-être constaterons-nous que les 80 % d’opposition qui s’expriment dans les enquêtes publiques correspondent à 80 % d’opposition dans les sondages. Lorsque des élus veulent organiser des sondages sur l’implantation d’éoliennes, les préfets, les en empêchent. Pourquoi ? Je suis très favorable à des sondages populaires.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Comment un préfet pourrait-il empêcher un élu local d’organiser un sondage ?

M. Fabien Bouglé. Certaines mairies ou des élus ont souhaité la mise en place, non pas d’un sondage, mais d’un référendum populaire sur leur commune, que le préfet a empêché. Je retrouverai le dossier correspondant.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Normalement, les élus doivent pouvoir organiser des consultations.

M. Fabien Bouglé. Eh bien, je n’en suis pas sûr ! C’est à vérifier. Je pense qu’il est nécessaire de multiplier ces référendums populaires et citoyens dans le cadre des implantations d’éoliennes. Nous en aurons alors le cœur net. C’est la seule solution parce que, de toute façon, les promoteurs éoliens avanceront leurs éléments de langage et les écologistes anti-éoliens utiliseront les chiffres de participation dans les enquêtes publiques. Vox populi, vox dei ! Donnons la voix au peuple !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Diriez-vous de la même façon que le principe de démarrage est vicié dès lors qu’une association reçoit des subventions, autrement dit une entreprise finance une association environnementale pour, localement, contrer l’opposition au projet ?

M. Fabien Bouglé. Localement ou nationalement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Des personnes pensent qu’installer des éoliennes est un projet environnemental.

M. Fabien Bouglé. Je respecte les opinions des personnes favorables à l’éolien.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Des personnes peuvent entreprendre une démarche de mécénat auprès d’associations environnementales, convaincues qu’elles défendent la cause environnementale.

M. Fabien Bouglé. Prenons l’exemple de la Ligue de protection des oiseaux.

La Ligue de protection des oiseaux joue un rôle formidable. J’ai rencontré Allain Bougrain-Dubourg à Noirmoutier, nous avons discuté. Il ne savait pas, entre autres, que les échouages de baleines près de la Grande-Bretagne ou en Allemagne étaient dus aux infrasons produits par les éoliennes.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Ces informations sont-elles prouvées et avérées ?

M. Fabien Bouglé. Une étude est en cours aux États-Unis, à Rhode Island. Actuellement, une commission d’enquête est ouverte sur le rôle du premier parc éolien en mer sur les échouages de baleines qui interviennent depuis son installation.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. L’étude est donc en cours et n’a pas encore rendu encore ses conclusions. À ce stade, vous n’en disposez pas.

M. Fabien Bouglé. À ce stade, on relève une coïncidence étroite entre les échouages de baleines et la proximité des éoliennes en mer.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Hypothèses qui sont en cours d’être vérifiées et dont vous validez les résultats de l’enquête avant sa fin !

M. Fabien Bouglé. En tout état de cause, les oiseaux sont les premières victimes des centrales éoliennes. Le tribunal fédéral américain a condamné un promoteur éolien suite à la mort de 150 oiseaux, dont des milans royaux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Combien d’oiseaux s’écrasent-ils contre les fenêtres des maisons ?

M. Fabien Bouglé. Les maisons sont le logis des particuliers, cela n’a rien à voir.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Combien d’oiseaux sont-ils tués par les voitures qui circulent sur les routes ?

M. Fabien Bouglé. Nous parlons de la protection des oiseaux contre des machines industrielles.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Si les ratios sont similaires, on pourrait considérer qu’il faut retirer les vitres de nos maisons et arrêter de rouler en voiture. Il en va de même pour les hérissons.

M. Fabien Bouglé. Référez-vous au rapport que la Ligue de protection des oiseaux a rendu récemment et aux rapports des associations environnementales de protection des oiseaux en Suisse. Depuis l’installation des éoliennes en mer, 60 % des oiseaux maritimes ont disparu de l’Île de Man, en Irlande.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Disparus ? Se sont-ils déplacés ?

M. Fabien Bouglé. Non, ils ont disparu. Disparition ! D’ailleurs, le Conseil national pour la protection de la nature, instance officielle du ministère de la transition écologique et solidaire, a donné un avis défavorable à l’implantation d’une centrale éolienne entre Yeu et Noirmoutier, en raison des impacts très importants qu’elle serait susceptible d’avoir sur les oiseaux migrateurs, en particulier le puffin des Baléares, en danger de disparition mondiale, et qui a donc disparu de l’île de Man.

Le ministre de l’écologie a décidé de supprimer l’avis du Conseil national de la protection de la nature alors qu’il s’agit d’un avis essentiel.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Comment cela « supprimer cet avis » ?

M. Fabien Bouglé. Autorité officielle de la transition écologique et solidaire sur les impacts en termes de biodiversité, le Conseil national de protection de la nature donnait un avis sur l’atteinte aux espèces protégées avant tout projet de centrale éolienne. Depuis qu’il a émis un avis défavorable à plus de onze voix contre deux, le ministre de l’écologie a demandé de supprimer l’avis préalable obligatoire du Conseil national de protection de la nature dans les décisions d’implantation de projets industriels. C’est dire qu’une autorité officielle liée à la biodiversité ne peut plus donner d’avis officiel dans le cadre de projets éoliens. Cela date d’il y a quelques mois. Nous nous insurgeons contre une telle situation, car le Conseil national de protection de la nature avait émis un avis sur le projet de centrale éolienne entre l’île d’Yeu et Noirmoutier et évoquait l’éventualité de la disparition des oiseaux, à l’instar de ce qui se passe sur l’île de Man, selon une étude réalisée récemment.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pour quelles raisons les oiseaux disparaissent-ils ? L’habitat se déplace-t-il ? De fait, l’écosystème local se modifie.

M. Fabien Bouglé. Deux phénomènes sont en jeu. D’une part, les pales des éoliennes tournent très rapidement et tuent les oiseaux qui ne les voient pas. Les milans royaux sont particulièrement menacés. D’autre part, là où il y a des éoliennes, il y a des habitats.

La LPO a indiqué que sa dernière étude n’avait pas porté sur l’impact sur les habitats alors que c’est sans doute l’impact le plus important. On comprend donc que la LPO, qui est financée – encore une fois, ce n’est pas interdit, c’est tout à fait légal – et est en proximité avec les deux syndicats de promoteurs éoliens, a livré une étude sur l’impact des éoliennes sur la survie des oiseaux, qu’elle a minimisé en oubliant d’étudier l’impact sur les habitats, qui est le facteur central de mortalité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’imagine qu’il existe plusieurs financeurs de la LPO.

M. Fabien Bouglé. Oui, mais quand la LPO organise un séminaire sur le thème « Éolien et biodiversité » avec le soutien de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et les promoteurs éoliens, on peut penser que l’influence n’est pas neutre.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le fonctionnement de la LPO est-il indépendant des subventions de l’éolien ? Fonctionnerait-elle sans ?

M. Fabien Bouglé. Nous posons la question : pourquoi la fondation du patrimoine touche-t-elle de l’argent de promoteurs éoliens ?

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Des entreprises essayent d’envoyer un message politique en soutenant une association ; elles espèrent ainsi obtenir une contrepartie en termes d’image. On leur reproche de ne pas aimer les oiseaux. Pour contrecarrer cette affirmation, elles participent à la protection des oiseaux. Ce sont des pratiques historiques et connues.

M. Fabien Bouglé. À l’instar de Total.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Ou de l’entreprise locale qui finance les écoles.

M. Fabien Bouglé. Ce sont des faits que l’on peut dénoncer.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Cela signifie que l’on refuse tout mécénat d’entreprise.

M. Fabien Bouglé. Non.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. On peut se demander si quelque chose est exigé en contrepartie de ces dons. Il y a corruption en cas de contrepartie. Avez-vous la preuve que des contreparties ont été données ?

M. Fabien Bouglé. Les associations qui toucheraient de l’argent de promoteurs éoliens ne sont pas du tout en situation de corruption. Le fait qu’une association reçoive de l’argent n’est pas un délit pénal.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous pensez que l’association serait moins vertueuse ou qu’elle ne saurait pas faire la part des choses entre la subvention qu’elle reçoit et ses missions initiales. La LPO protégerait-elle moins les oiseaux ou pas tous les oiseaux parce qu’elle recevrait de l’argent par ailleurs ?

M. Fabien Bouglé. Peut se poser un problème d’objectivité et de neutralité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il serait intéressant d’envoyer cet extrait de l’audition à la Ligue de protection des oiseaux pour savoir si elle peut se justifier.

M. Fabien Bouglé. Vous pouvez également demander à WWF, à Greenpeace, également promoteur éolien dans certains pays. Selon nous, il y a une connivence qui, si elle n’est pas illégale, peut avoir des conséquences en mésestimant ou en sous-estimant des impacts réels.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. À entendre votre argumentaire, je pense que vous êtes fondamentalement convaincu que les éoliennes ont des impacts négatifs sur l’environnement. C’est ainsi que, pour vous, une association ou quelque partie prenante que ce soit qui est convaincue que l’éolien est pro-environnement serait de mauvaise foi chaque fois qu’elle agit puisque vous partez du présupposé que l’éolien s’inscrit fondamentalement contre l’environnement.

M. Fabien Bouglé. Non, je dis qu’une association qui a pour vocation de défendre l’environnement ou de protéger les oiseaux doit être en situation de neutralité et d’objectivité absolues par rapport à des entreprises et des industries susceptibles d’avoir un impact sur l’objet de leur association. Quand on reçoit de l’argent, on perd en objectivité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Encore une fois, tout dépend de la capacité à différencier un don sans contrepartie d’un don induisant une forme de retour sur investissement. Si un fabricant automobile faisait un don à une association en faveur de la de sécurité routière, trouveriez-vous qu’il y a conflit d’intérêts ?

M. Fabien Bouglé. J’y serais favorable pour une association ou une fondation qui ferait de la recherche scientifique visant à diminuer les risques d’accidents de la route. En revanche, s’agissant d’une association qui dénoncerait la pollution des voitures ou les impacts de la pollution des véhicules, je serais opposé à un don. Si un fabricant automobile finance une association dont l’objet est de dénoncer la pollution, il est évident que cela peut poser problème.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. N’importe quelle entreprise est confrontée, à un moment ou à un autre, à des points qui soulèvent problème. Elle peut commanditer une recherche pour déterminer si telle pratique est susceptible d’avoir telle ou telle conséquence. Elle paiera des chercheurs pour qu’ils déterminent les effets dans un domaine précis. Considérez-vous que cela revient à piloter la recherche ?

M. Fabien Bouglé. Non, s’agissant de recherche, cela ne me dérange pas. Mais une association indépendante et objective de défense des écosystèmes doit conserver une certaine distance. Par exemple, la Fondation du patrimoine, dont l’objet est la défense et la sauvegarde des patrimoines architecturaux et paysagers, ne peut pas recevoir de l’argent d’un promoteur éolien.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous partez du principe que l’éolien est une attaque au patrimoine.

M. Fabien Bouglé. Je ne suis pas activiste de la défense des patrimoines architecturaux, mais beaucoup de personnes se battent, par exemple, lorsque le Mont Saint-Michel ou des cimetières militaires sont impactés par l’éolien. On m’a averti que des menhirs classés monuments historiques seront impactés par des éoliennes en Bretagne. Lorsque l’implantation d’éoliennes peut avoir des conséquences sur le patrimoine architectural, il est grave qu’une fondation de défense de ce patrimoine se fasse financer par des promoteurs éoliens. Oui c’est grave, c’est une atteinte à l’indépendance de cette structure d’intérêt général.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Et si ses financeurs sont connus, si leurs recherches et leurs travaux et leurs avis restent indépendants ?

M. Fabien Bouglé. Je le redis une nouvelle fois, soyons transparents ! Que les associations environnementales nous disent officiellement combien elles touchent de tel ou tel promoteur éolien. La transparence de ces associations sera alors totale. Les particuliers, membres de ces associations, pourront tirer les conséquences de l’utilisation de leurs deniers par ces associations. Si la transparence préside au financement, le problème ne se pose pas. Créons de la transparence !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Selon vous, les prises illégales d’intérêts que vous avez dénoncées seraient réglées par plus de transparence.

M. Fabien Bouglé. Bien sûr, ce qui est caché est douteux.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il est intéressant de noter que, à travers votre prisme, ce qui est caché est douteux. Ce n’est pas parce que l’information n’est pas promue de manière extrêmement visible que les faits sont douteux.

M. Fabien Bouglé. Nous sommes dans une haute assemblée qui a mis en place un système de transparence des intérêts des députés.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’y suis favorable.

M. Fabien Bouglé. On apprend que le ministre de la transition écologique adore les bons plats et les bons vins aux frais de la princesse, et il nous donne des leçons d’écologisme en permanence et veut nous imposer des éoliennes !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le propos est déplacé.

M. Fabien Bouglé. Si vous voulez !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Ce n’est pas parce que vous n’avez pas connaissance d’une information que celle-ci n’est pas disponible à la demande et ce n’est pas parce que cette information n’est pas disponible a priori et qu’il faut la rechercher que c’est douteux et qu’il y a volonté de cacher et de nuire. Votre démarche passe par un prisme, sans doute lié à des faits que vous avez pu constater et qui se sont accumulés. Encore une fois, je pense que Mme Chalopin pourra apporter des éléments complémentaires. Mais il me semble que votre argumentaire passe par un prisme et la volonté de nuisance …

M. Fabien Bouglé. Non pas de nuisance, mais il existe un intérêt global, un halo d’intérêt qui combine intérêt des élus, intérêt de certaines associations et intérêt d’une administration ou des commissaires enquêteurs qui forme un tout, en opposition avec la population qui est contre un projet.

J’illustrerai mon propos d’un exemple très intéressant. Dans le cadre d’un colloque, organisé il y a une dizaine d’années en Espagne, une association environnementale a dévoilé la mort de six millions d’oiseaux – une hécatombe –, également en Inde, aux États-Unis, où des études ont été réalisées. Depuis quelques années, cette association est financée par un grand électricien éolien espagnol. Depuis, cette association qui milite pour la préservation des oiseaux n’est plus à l’avant-garde du combat de la préservation des oiseaux face à l’éolien. On constate une mise en cause forte du degré d’engagement de ces associations lorsqu’elles reçoivent des financements. C’est un constat. Pourquoi n’entendons-nous plus parler de cette association qui, à l’origine, marquait une volonté forte de défendre les oiseaux à partir du moment où cet électricien espagnol a accordé ses financements ? C’est ce que nous dénonçons. Cela atténue le poids de ces associations.

Je loue le travail de la LPO qui réalise un travail formidable. Cela dit, je suis persuadé que la LPO serait bien plus ferme sur la question de l’éolien si elle n’était pas associée, sous différentes formes, aux syndicats de promotion de l’éolien.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. J’entends votre argumentaire. Vous pensez indirectement que cette association s’est vendue.

M. Fabien Bouglé. Je ne dirai pas cela, le propos limite, mais, en tout cas, je dirai qu’elle est influencée.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je vous remercie de ce débat extrêmement intéressant sur la déontologie. Ce débat sur la prise illégale d’intérêts est en permanence d’actualité.

J’ai essayé de permettre une forme de débat contradictoire. Je vous remercie de vos réponses.

M. Fabien Bouglé. Je vous en remercie infiniment, madame la présidente !

 

Laudition sachève à douze heures quinze.

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

 

 

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 9 h 05

 

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Vincent Thiébaut

 

Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Christophe Bouillon