Compte rendu

Commission d’enquête
sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables,
sur la transparence des financements
et sur l’acceptabilité sociale
des politiques de transition énergétique

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Aurélie Niaudet, adjointe au chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), de Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles, et de M. Didier Potiron et Mme Murielle Potiron, exploitants agricoles              2

 


Mercredi
17 juillet 2019

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 65

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence
de M. Julien Aubert,
Président

 


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L’audition débute à quinze heures vingt-cinq.

M. le président Julien Aubert. Cette audition a pour objet l’impact sanitaire de l’éolien. Nous recevons Mme Murielle Potiron et M. Didier Potiron, exploitants agricoles près du parc éolien de Nozay, en Loire-Atlantique. M. Yves Daniel, député de la sixième circonscription de Loire-Atlantique, assiste en auditeur libre ; s’il veut témoigner, avec l’accord de Mme la rapporteure, nous lui ferons prêter serment.

Nous recevons également deux représentantes de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) : Mme Aurélie Niaudet, adjointe au chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques et Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles. Rappelons que l’ANSES a pour rôle d’assurer la sécurité sanitaire, notamment dans le domaine de l’environnement, d’évaluer les risques sanitaires et d’assurer la protection de la santé et du bien-être des animaux.

Nous allons donner la parole pour un exposé liminaire à M. et Mme Potiron, puis à Mme Niaudet sur les études réalisées et les avis rendus par les instances d’expertise scientifique indépendantes.

Avant d’entamer cette audition, et conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je dois vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je rappelle que ce serment engage votre responsabilité pénale.

(Mme Murielle Potiron, M. Didier Potiron, Mme Aurélie Niaudet et Mme Sarah Aubertie prêtent successivement serment.)

La commission d’enquête ayant pris acte de votre serment, nous allons désormais vous entendre.

M. Didier Potiron. Depuis l’installation d’un parc éolien à proximité de notre installation, nous rencontrons des problèmes de santé humaine et animale.

Concernant les animaux, tout a commencé en septembre 2012 avec les travaux de fondation. En octobre 2012, le troupeau a commencé à ressentir les premières perturbations : baisse de production, problème de qualité du lait, problème de vêlage, animaux stressés.

La première semaine de juillet 2013, la mise sous tension du site éolien a été catastrophique car les vaches ne voulaient plus rentrer dans le bâtiment. Nous avons cherché différentes solutions avec le vétérinaire. Nous avons alors fait la relation avec le site éolien qui venait d’être mis en fonctionnement. J’ai aussitôt appelé le promoteur, ABO Wind, qui nous a dans un premier temps conseillé par téléphone un géobiologue – il s’agit d’un magnétiseur travaillant principalement entre le sol et le vivant ; ce métier est reconnu dans certains pays mais pas en France. Le géobiologue nous a fait parvenir sa réponse en 48 heures : nous avions une faille d’eau sous nos bâtiments, en relation avec le site éolien qui venait de s’installer. Une faille d’eau est une rivière souterraine de trois à cinq mètres de large, située à cinq ou dix mètres de profondeur.

D’après le géobiologue, venu sur place en octobre 2013, le creusement des fondations en 2012 aurait perturbé le sol et dévié des failles d’eau. Nous n’étions absolument pas inquiets car nous n’y connaissions rien, mais nous avons vu le résultat par la suite. Le géobiologue a placé des assiettes de plantes à certains endroits de l’exploitation pour essayer d’améliorer la situation – cela n’a rien de scientifique. La situation s’est légèrement améliorée avant de se détériorer au bout de huit ou dix jours ; le dispositif n’a pas fonctionné. Les promoteurs ont l’habitude d’envoyer des géobiologues sur les exploitations touchées par les perturbations pour tenter de « calmer le jeu ». Nous avons consulté à ce jour une dizaine de géobiologues mais cela n’a rien changé.

En 2014, nous avons commencé à rencontrer des problèmes de santé humaine : grande fatigue, troubles du sommeil. En août 2014, ma femme Murielle a fait une crise d’épilepsie très sérieuse, avec un début d’accident vasculaire cérébral. Lassés de bricoler de mois en mois avec des géobiologues incapables de régler le problème, nous avons donc écrit à la préfecture en août 2014 : les sites éoliens étant des installations classées, l'État est en effet responsable. Une réunion s’est tenue, le 29 novembre 2014, en présence du secrétaire général de la préfecture, M. Emmanuel Aubry, du sous-préfet, des maires concernés, de la chambre d’agriculture, de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), etc. Il y avait vingt-neuf personnes autour de la table.

On nous a alors proposé un contrat GPSE, ou groupe permanent de sécurité électrique : cette association de scientifiques, basée au ministère de l’agriculture, a été créée dans les années 2000 pour régler les problèmes électriques dans les installations agricoles causés par les lignes RTE de 400 000 volts. Notre cas était leur premier dossier impliquant l’éolien. Nous avons accepté parce que nous voulions régler les problèmes dans la transparence ; il n’y avait rien à cacher. Les premières expertises du GPSE ont commencé en janvier 2015 ; nous avons reçu la visite d’une vétérinaire. Les expertises se sont succédé les unes aux autres : expertises électriques sur les deux exploitations concernées, suivi et conduite d’élevage, étude du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), mesures des infrasons et des basses fréquences. Les conclusions, rendues en mai 2016, ont fait état d’une corrélation entre le site éolien et les problèmes rencontrés sur les exploitations.

Le cabinet d’expertise 8.2 France a ensuite été nommé pour réexaminer tous les rapports faits dans le cadre du GPSE, afin d’avoir un avis extérieur : ses conclusions furent identiques. Par la suite, 8.2 France a été nommé par les services de l'État et choisi par l’exploitant du parc pour faire des mesures électriques complémentaires, sans résultat concluant ; il fallait encore approfondir.

Le 28 février 2017, le site éolien a été arrêté en raison d’une panne. J’ai appelé la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) car le site étant sous arrêté préfectoral, tous les travaux devaient lui être signalés. La DREAL n’était pas prévenue ; elle m’a rappelé peu après pour me confirmer qu’il y avait une panne et que la réparation prendrait plusieurs jours. Nous avons donc fait passer un huissier pour constater l’arrêt du site avec sa mise hors tension. La production a repris après quatre jours de panne.

Nous avons confié à un expert les données du robot de traite pendant les quatre jours de panne ; il les a comparées aux quatre jours précédant la panne et aux quatre jours après la reprise de la production. Ses conclusions sont les suivantes : plus 2,7 % de production pendant la panne, moins 42 % de décrochage pendant la traite – les vaches sont beaucoup plus calmes dans la stalle et ne « décrochent » plus –, plus 160 % de passages dans la stalle du robot de traite, ce qui est énorme.

Par la suite, nous avons été convoqués par l’agence régionale de santé (ARS), qui nous a pris pour des guignols. Nous avons été reçus au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, où l’on nous a répondu que nous devrions apprendre à vivre avec les nuisances tant qu’ils n’auraient pas « une pile de dossiers comme ça sur le bureau » : nous étions enchantés !

Un nouvel arrêté a imposé à l’exploitant du parc de procéder à des tests complémentaires, du 3 août 2018 au 3 novembre 2018, portant sur l’équipotentialité, c'est-à-dire la mise à la terre par un fil de cuivre nu reliant les éoliennes entre elles. Il s’agissait de les débrancher les unes après les autres afin de constater une éventuelle modification de comportement des troupeaux. En parallèle, le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) a été désigné pour faire des mesures électriques complémentaires et l’ARS a été mandatée pour refaire des examens médicaux sur les vingt-neuf riverains ayant fait état de problèmes de santé ; nous avons été les premiers reçus par le CHU de Nantes. Un pré-rapport a été remis en préfecture, dont je ne connais pas les résultats.

Pour finir, je donnerai quelques chiffres. La première année, ABO Wind nous a demandé de chiffrer la perte d’exploitation. Selon notre expert-comptable, nous avons subi en treize mois une perte de 93 000 euros. Un mois plus tard, nous avons reçu une lettre d’ABO Wind indiquant qu’ils comprenaient la situation mais que l’on ne pouvait prouver rien scientifiquement : ils ne pouvaient donc rien faire pour nous. Depuis que ces problèmes ont commencé, nous avons perdu 326 animaux, un peu plus de 1 000 kilogrammes par vache en production et la qualité du lait s’est dégradée. C’est très lourd financièrement : 326 animaux sur 350 têtes par an, cela représente pratiquement une année de troupeau.

M. le président Julien Aubert. Je souhaiterais savoir si l’ANSES pense que le cas de M. Potiron est unique ou si elle a connaissance de cas similaires. J’aimerais également connaître sa réaction à l’intervention de nombreux acteurs, dont j’ignorais pour certains l’existence.

Mme Aurélie Niaudet, adjointe au chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). L’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques intervient dans tout le spectre des rayonnements non ionisants ; elle traite ainsi des basses fréquences, des radiofréquences et des rayonnements optiques. Nous sommes également amenés à nous intéresser à d’autres nuisances, dont les nuisances sonores, ainsi qu’à des sujets comme l’impact du climat sur la santé ou encore le travail de nuit.

Le cas de M. et Mme Potiron n’est pas isolé. Plusieurs plaintes de riverains étant remontées auprès des DREAL, le ministère de la transition écologique et le ministère de la santé nous ont saisis pour évaluer les effets potentiels sur la santé des infrasons et des basses fréquences provoqués par les parcs éoliens.

Avant de vous communiquer les résultats, je souhaite dire un mot sur la manière dont nous fonctionnons. La construction de cette étude par l’Agence est assez classique : il s’agit d’un travail collectif mobilisant un grand nombre d’experts. Placée sous l’égide d’un comité d’experts spécialisés, l’étude est dédiée aux effets des agents physiques sur la santé. À la suite d’un appel public à candidatures, un groupe de travail a été nommé, composé de huit experts spécialisés dans le domaine physique et dans le domaine de la santé, avec des épidémiologistes et des spécialistes de la biologie cellulaire. Cette étude d’ampleur a duré plus de trois ans. Le rapport, publié en mars 2017, est assorti d’un avis de l’Agence.

Nos travaux reposent principalement sur la revue de la presse scientifique ; plus de 600 articles ont été analysés. Nous avons également auditionné un certain nombre de parties prenantes – c’est la raison pour laquelle je précise que les cas ne sont pas isolés – et de personnalités compétentes.

Parallèlement, et à la demande explicite de nos ministères de tutelle, nous avons fait réaliser des mesures de l’impact sonore produit par les parcs éoliens. Trois parcs ont ainsi été sélectionnés sur la base de critères précis, le but étant de parvenir à un compromis entre les difficultés métrologiques associées à ces mesures et le calendrier contraint dans lequel il nous a fallu travailler. Nous avons ainsi retenu un parc constitué de très grandes éoliennes – étant très puissantes, elles conduisent théoriquement à des émissions sonores importantes –, un parc à la configuration plutôt classique n’ayant pas fait l’objet de plaintes de riverains, et un parc de configuration classique également, contre lequel des plaintes ont été déposées auprès des DREAL.

Les principaux constats tirés de ces mesures sont les suivants : les éoliennes sont effectivement des sources d’infrasons et de basses fréquences, leur part étant prédominante dans le « spectre d’émission ». Les résultats que nous avons examinés confirment en outre ceux que nous avons trouvés dans la littérature scientifique, à savoir que le profil de l’émission d’un parc éolien se retrouve quel que soit le site sur lequel les mesures sont effectuées ; les puissances sonores sont d’autant plus importantes que le vent est fort. Par ailleurs, à la distance minimale d’éloignement des premiers riverains, qui est de 500 mètres, nous n’observons pas de dépassement des seuils d’audibilité des infrasons.

Sur la question des effets sanitaires, nous avons examiné des données expérimentales et épidémiologiques. Nous avons pu mettre en avant, et c’est assez novateur par rapport aux précédents travaux que l’Agence a pu mener sur ce sujet, des connaissances récemment acquises sur le système cochléovestibulaire, dans l’oreille interne : des effets physiologiques, entraînant des modifications biologiques, se produisent à ce niveau. Ces effets ont été observés dans le cadre d’études menées sur des animaux, avec de forts niveaux d’infrasons et de basses fréquences ; l’extrapolation à l’homme reste à mener.

Autre point important, nous n’avons trouvé que très peu d’études sur les effets des infrasons et basses fréquences sonores sur la santé humaine. Peu d’études expérimentales de qualité sont disponibles. Il existe certes quelques études sur des sources différentes, telles que la ventilation, les pompes à chaleur ou encore le trafic routier, mais nous n’avons pu identifier d’autres effets sanitaires que la gêne auto-déclarée par les personnes faisant l’objet d’une étude expérimentale.

Nous avons relevé un autre point important dans les quelques études expérimentales existantes : le ressenti négatif chez des personnes pensant être exposées aux infrasons et basses fréquences, que nous avons qualifié d’« effet nocebo ». Cela n’exclut absolument pas des symptômes réels chez ces personnes, avec des effets sanitaires associés.

Sur la question épidémiologique, très peu d’études de qualité sont disponibles ; la plupart ont porté sur la partie audible du bruit et non pas sur les infrasons et basses fréquences. Nous n’avons pu mettre en évidence que la gêne liée à la partie audible du spectre de ces éoliennes.

Je rappellerai enfin les recommandations émises par l’Agence sur ce sujet : les éoliennes sont des sources réelles d’infrasons et de basses fréquences mais très peu d’études sont disponibles pour évaluer leurs effets sanitaires. Les quelques éléments existant sur le mécanisme qui pourrait affecter le système cochléovestibulaire doivent encore être approfondis car il ne s’agissait que de pistes au moment où l’étude a été réalisée. En conclusion, les données scientifiques disponibles en 2017 n’étaient pas suffisantes pour mettre en évidence l’existence d’effets sanitaires en lien avec l’exposition aux infrasons et basses fréquences des éoliennes.

Un certain nombre de recommandations ont été formulées : un renforcement des connaissances sur le mécanisme de perception des infrasons et basses fréquences par l’oreille humaine ; la nécessité de mener des études épidémiologiques pour observer d’éventuels effets sanitaires chez les riverains des éoliennes ; et l’information des riverains. Sur ce dernier point, l’Agence a souligné que la santé de la population était conditionnée par son niveau d’information et de participation aux projets d’aménagement dans son environnement proche. Il est ainsi nécessaire d’assurer la visibilité des enquêtes publiques lors de la création de parcs éoliens ; les concertations en amont doivent être bien élaborées ; une documentation conséquente et suffisante doit être mise en disposition, qui pourra contredire les informations parfois très anxiogènes que l’on peut trouver sur ce sujet. En résumé : concertation, information de la population et mesurage en continu, si possible, des sons émis par ces éoliennes.

M. le président Julien Aubert. L’étude de l’ANSES porte uniquement sur les effets sanitaires des sons. Or, monsieur Potiron, vous n’attribuez pas forcément aux sons les problèmes que vous rencontrez avec votre parc éolien.

M. Didier Potiron. Nous cumulons les problèmes aériens et les problèmes au niveau du sol, les nuisances solidiennes.

M. le président Julien Aubert. Vous avez fait réaliser une batterie de tests, mais avez-vous eu affaire à l’ANSES ?

M. Didier Potiron. Non.

M. le président Julien Aubert. C’est ennuyeux car le bien-être animal fait partie des missions de l’Agence : on aurait pu penser que l’ANSES serait présente dans votre affaire.

Mme Aurélie Niaudet. L’ANSES vient d’être saisie conjointement par les ministères de la transition écologique et de la santé pour étudier deux parcs éoliens qui perturberaient deux cheptels dans l’Ouest de la France. Cette saisine étant très récente, l’instruction n’a pas encore débuté.

M. le président Julien Aubert. Le parc éolien qui concerne M. Potiron fait-il partie des cas qui seront étudiés ?

M. Didier Potiron. Il s’agit du site éolien des Quatre Seigneurs.

Mme Aurélie Niaudet. Je n’ai pas leurs noms en tête mais il ne me semble pas que cela soit l’un des parcs retenus.

M. le président Julien Aubert. D’un côté, nous avons quelqu’un qui, depuis sept ans, essaye de démontrer qu’il y a des effets sanitaires sur les personnes et sur les animaux et, de l’autre, nous avons une administration dont la mission est justement d’étudier les impacts sanitaires sur les humains et les animaux. Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi, face à un problème comme celui-ci, le premier réflexe est d’aller voir un géobiologue. Cela pose question car des experts non reconnus sont intervenus les premiers, deux ans avant les experts liés à un ministère.

Ensuite, pourquoi l’ANSES n’était-elle pas présente lors de la réunion en préfecture ? Était-ce un problème de compétence ? Vous travaillez certes sur saisine mais le cas de M. Potiron a été médiatisé : j’ai croisé le désormais ancien ministre de la transition écologique et ancien député de Loire-Atlantique, qui connaissait le dossier de M. Potiron. Votre autorité de tutelle étant précisément le ministère de la transition écologique, pourquoi cela a-t-il pris autant de temps ?

Par ailleurs, monsieur Potiron, les études que vous avez fait réaliser par d’autres experts ont-elles établi que le problème était bien lié aux sons ? Cela poserait problème puisque l’étude de l’ANSES affirme que les sons n’ont pas forcément un impact quantifiable.

Dernier point, l’ANSES déclare avoir trouvé très peu d’études sur l’homme. On a donc multiplié les éoliennes en faisant des études sur tous les mammifères, sauf l’homme ! On aurait pu penser que des études expérimentales seraient menées en France avant d’installer des éoliennes à 500 mètres. Or on a installé les éoliennes avant de mener des études : le principe de précaution n’a pas été appliqué.

M. Didier Potiron. Lors de la réunion du 29 novembre 2014 à laquelle l’ARS a assisté, nous étions satisfaits puisque nous avions obtenu un rendez-vous au CHU de Nantes. Mais cette consultation a été bâclée : nous avons été pris pour des guignols, des menteurs. En revanche, lors du deuxième rendez-vous, les choses ont été faites sérieusement puisqu’il y a eu une enquête.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, on a recensé vingt-neuf personnes qui ont rencontré des problèmes de santé, sans parler des autres qui ont des problèmes de santé mais qui ne veulent pas faire de démarche.

S’agissant des animaux, les nuisances éoliennes sur les animaux peuvent être aériennes – infrasons, basses fréquences – et solidiennes.

Les nuisances aériennes ont été normalement mesurées dans le cadre du GPSE. Je dis « normalement » parce que c’est le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) qui dépend de l’État qui a été nommé pour faire ces mesures. Les représentants du CEREMA qui sont venus sur les deux exploitations concernées ont posé des micros pendant quarante-huit heures. Mais le rapport indique que les résultats ne sont pas concluants parce qu’il y a tout le temps du bruit chez nous. En fait, les micros ont été posés près du robot de traite qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Nous qui sommes là au quotidien, nous sommes certains qu’il y a des infrasons. Nous sommes incapables de dormir la fenêtre ouverte. Nous avons les symptômes des infrasons.

M. le président Julien Aubert. Quels sont ces symptômes ?

M. Didier Potiron. Maux de tête, troubles du sommeil, acouphènes.

M. le président Julien Aubert. Pourquoi le CEREMA a-t-il été choisi pour faire ces mesures ?

M. Didier Potiron. Comme l’État n’a pas de fonds pour financer le GPSE, il demande à Réseau de transport d’électricité (RTE), à Électricité de France (EDF), à l’exploitant du parc, ou au promoteur de financer les expertises. Mais qui finance choisit. C’est le CEREMA qui a été choisi et validé par les services de l’État.

M. le président Julien Aubert. Je dois avouer ma grande ignorance : je pensais que chacun, au sein de l’État, avait une fonction particulière. Pourquoi, sur un cas comme celui-là, n’a-t-on pas fait appel à l’ANSES ?

Mme Aurélie Niaudet. Les ARS sont les instances qui interviennent en premier lieu au niveau de la région. L’Agence a été clairement identifiée pour ce cas-là puisqu’elle a été saisie. Il s’agit, dans un premier temps, de prendre connaissance des travaux qui ont été cités et qui ont déjà été réalisés. On a parlé du GPSE, d’une école vétérinaire qui a été mandatée pour réaliser certains travaux et des mesures faites par le CEREMA qui est compétent en matière de métrologie physique, compétence que l’ANSES n’a pas du tout. Le CEREMA, qui est un établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’écologie, a documenté autant que possible les niveaux rencontrés aux alentours de ces parcs éoliens, fonds documentaire qui nous a été remis et sur lequel nous allons travailler.

M. le président Julien Aubert. Vous dites avoir collecté les études qui ont été réalisées. Mais M. Potiron nous ayant expliqué que les micros ont été placés à côté des robots de traite qui fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui a quelque part faussé la mesure, il semble difficile de se baser sur de tels rapports.

Comment évaluez-vous la qualité des rapports ? Êtes-vous en contact avec les exploitants pour connaître leurs remarques sur les mesures qui ont été réalisées ?

Mme Aurélie Niaudet. Il m’est difficile de me prononcer sur un dossier qui vient juste d’arriver à l’Agence et qui n’a pas encore été ouvert.

Comme je l’ai dit s’agissant des infrasons et des basses fréquences, il est classique d’auditionner les parties prenantes, les personnalités compétentes ou d’autres personnes qui pourraient être utiles à l’expertise. Nous serons amenés, non seulement à avoir un regard critique sur les éléments qui nous ont été remis, mais aussi à rencontrer les différentes personnes concernées.

Vous avez parlé des études sur les animaux et sur l’homme. Nous n’avons pas dit que nous n’avions pas identifié d’impacts des émissions sonores des éoliennes, mais qu’il n’existe pas d’éléments scientifiques suffisants pour attester d’un impact effectif des sons émis par ces éoliennes, ce qui est différent. On a évalué le niveau de preuve disponible de par la littérature scientifique. On ne dit pas qu’il n’y a pas d’impact, mais que les éléments de preuve ne sont pas rassemblés aujourd’hui.

On regarde naturellement les éléments disponibles dans la littérature scientifique. Cela concerne à la fois les études disponibles chez l’homme et chez l’animal. Il y a beaucoup de sujets sur lesquels nous n’avons pas d’études épidémiologiques, donc pas d’études disponibles chez l’homme, mais disponibles chez l’animal. Nous avons naturellement regardé quelles études existaient sur les troupeaux, quels qu’ils soient, et nous les avons rassemblées. C’est ce qu’indique le rapport de 2017. Là aussi, on a fait très peu d’études, et très peu d’études de qualité à la fois sur l’homme et sur l’animal.

M. le président Julien Aubert. Cela pose tout de même un petit problème.

Mme Aurélie Niaudet. De recherche, effectivement.

M. le président Julien Aubert. C’est incroyable, parce que d’habitude le moindre projet fait l’objet d’études préalables – on regarde la population des scarabées, des chauves-souris, etc. Mais là, il n’y a pas de matière scientifique sur l’homme, en tout cas très peu.

Mme Aurélie Niaudet. Très peu, effectivement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Comment ce projet est-il arrivé sur votre territoire ?

M. Didier Potiron. Tout a commencé en 2006. Le promoteur est venu sur l’exploitation nous demander si nous étions d’accord pour mettre une parcelle à disposition afin d’y implanter une éolienne. C’était un avant-projet. Nous avons répondu : pourquoi pas ? À ce moment-là, l’environnement c’était l’avenir. Il y avait déjà eu un avant-projet en 2000-2001 sur le même emplacement qui n’avait pas abouti. Du coup, on n’y croyait pas du tout. Le temps a passé, et honnêtement on ne s’en est pas préoccupé jusqu’en juillet 2012 où il a fallu signer le bail emphytéotique. Ce n’était pas un problème, nous étions favorables à ce projet, et nous avons signé.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Il n’y avait donc pas de difficulté lors du démarrage du projet. Il n’y a pas eu de rejet de ce projet de la part des voisins, pas de problème jusqu’au moment où l’éolienne a été installée sur le terrain. C’est bien cela ?

M. Didier Potiron. Il n’y a eu aucun problème d’implantation, aucun rejet.

Sur les plans, notre habitation est située à 710 mètres des premières éoliennes et les bâtiments d’exploitation sont à 500, 600 mètres environ.

Il faut savoir que les bâtiments d’exploitation ne sont pas considérés comme des bâtiments d’élevage, mais comme des hangars. Les animaux ne comptent pas. On ne tient pas compte de la santé animale par rapport à la proximité des éoliennes.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dans un premier temps, ce qui vous a fait réagir, ce sont les problèmes rencontrés par le troupeau. Quand sont apparus les premiers symptômes ?

M. Didier Potiron. C’est sur les animaux que sont apparus les premiers symptômes. Les animaux étaient stressés, et on a constaté une baisse de la production, un problème de qualité du lait – le taux cellulaire a flambé.

Le temps a passé. Pour notre part, nous avons accumulé une fatigue, mais nous ne nous en sommes pas aperçus car nous avions par ailleurs des soucis dans notre travail que nous voulions régler. Au départ, on ne pensait pas que notre problème venait des éoliennes. C’est lorsque Murielle a fait des crises d’épilepsie qu’on a fait la relation. Ensuite, les géobiologues nous ont expliqué que les failles d’eau passaient non seulement sous les bâtiments d’exploitation mais aussi sous notre maison d’habitation. L’eau véhicule les nuisances. Ce sont les câbles de 20 000 volts qui sont enterrés et qui relient les machines les unes aux autres qui posent problème. Ce sont des champs électromagnétiques. C’est une pollution électrique.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. En fait, vous êtes moins convaincu des infrasons que de la manière dont le sol et l’eau véhiculeraient le sujet.

M. Didier Potiron. Je pense qu’on cumule les deux nuisances.

Par contre, il manque la mesure scientifique des infrasons pour le confirmer. Mais en le vivant au quotidien, on est pratiquement sûrs qu’il y a des infrasons. Il y a des problèmes au niveau du sous-sol, c’est certain. Mais les infrasons cumulent les nuisances.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Aujourd’hui que souhaitez-vous ? Que cette éolienne soit enlevée ?

M. Didier Potiron. Il y a huit éoliennes.

Nous souhaitons l’arrêt du site éolien au nom du principe de précaution. Il est inadmissible de jouer avec la santé humaine et animale. Il y a suffisamment d’expertises aujourd’hui pour dire qu’il y a une corrélation entre les deux.

M. Yves Daniel. Monsieur le président, je souhaiterais pouvoir m’exprimer.

M. le président Julien Aubert. Mon cher collègue, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative aux commissions d’enquête, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Yves Daniel prête serment.)

M. Yves Daniel. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de participer à cette audition car je suis de près ce qui se passe sur le parc éolien des Quatre Seigneurs, situé dans ma circonscription. Il n’y a pas que ce parc dans ma circonscription qui fait l’objet de demandes de la part de riverains et plus particulièrement d’exploitants agricoles. Nous savons que les animaux sont cinq fois plus électrosensibles que les humains et que les normes européennes ou nationales en vigueur prennent davantage en compte l’humain que l’animal. On a besoin, me semble-t-il, de faire des recherches sur les animaux.

En tant que député de cette circonscription, je suis de plus en plus sollicité dans la mesure où cette affaire se médiatise. Il faut que l’ensemble des acteurs, les scientifiques et les professionnels, prennent au sérieux ce qui se passe. Comme l’a dit tout à l’heure la représentante de l’ANSES, il n’y a pas de preuve scientifique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de causalité définie entre le parc et ce qui se passe. Il me semble que la science n’est pas suffisamment avancée pour prendre en compte toutes les questions relatives aux ultrasons, aux ondes électromagnétiques, aux champs telluriques et à l’électrostatique.

Si je me suis intéressé plus particulièrement à ce dossier, c’est parce que dans ma propre exploitation nous avons été concernés, il y a quarante ans environ, par les effets des ondes électromagnétiques – que l’on appelait à l’époque de l’électricité statique dans le sol – sur les animaux. Après avoir travaillé avec les vétérinaires et l’école vétérinaire, on n’avait pas d’explication scientifique. Du coup, on a fait appel à un radiesthésiste qui nous a aidés à comprendre ce qu’il se passait dans le sol. En fait, il y a des failles provoquées par la roche et l’eau, ce qui produit naturellement dans le sol des champs électromagnétiques. Ce n’est pas une science, mais quelque chose de connu par les radiesthésistes, par les sourciers auxquels on s’adressait autrefois pour qu’ils détectent la présence d’eau dans le sol. On est face aujourd’hui à cette difficulté de non-réponse scientifique, mais c’est une réalité qui est liée à ce phénomène.

Dès lors que l’on installe un parc éolien avec plusieurs éoliennes, il arrive qu’une ou deux éoliennes soient posées sur une faille. Le courant électromagnétique véhiculé par l’eau en particulier vient porter préjudice à la santé des animaux ou des humains. On a vécu l’expérience dans une commune de mon département où un parc éolien a été construit. Une association a travaillé avec les géobiologues et la municipalité pour demander que deux éoliennes soient déplacées. Ces éoliennes ont donc été déplacées avant la construction du parc, le permis de construire ayant été modifié. Cela montre bien qu’il faut être très attentif au positionnement des éoliennes.

Ce n’est pas la géologie qui permet de définir l’emplacement des éoliennes, mais la géobiologie. Or aujourd’hui, comme la géobiologie n’est pas une science, elle n’est pas reconnue. Je me suis battu, lors de la précédente législature, au travers d’amendements, pour faire reconnaître la géobiologie. Je pense qu’il y a une vraie faille – sans faire de jeu de mots – dans notre système législatif. Lorsque nous construisons des parcs éoliens, il faudrait pouvoir demander l’avis des géobiologues ou de groupes de géobiologues pour décider du positionnement définitif des éoliennes. S’agissant du parc des Quatre Seigneurs, les géobiologues sont capables de dire quelle éolienne pose problème et quelle éolienne il faudrait déplacer, bien que cette discipline ne soit pas scientifique. Cela ne veut pas dire qu’il faut déplacer tout un parc, mais peut-être déplacer ou supprimer des éoliennes. Finalement, on voit bien toute la difficulté de l’exercice.

J’ai travaillé avec le ministère de l’environnement et les services de l’État du département de Loire-Atlantique. Il y a une vraie prise de conscience de l’ANSES, de l’ARS, de la profession agricole, de tous les acteurs, y compris des constructeurs et exploitants d’éoliennes, sauf que la loi ne nous permet pas d’imposer l’avis des géobiologues pour éviter ce genre d’erreur.

C’est une vraie question de principe de précaution et de santé publique qui se pose à nous aujourd’hui. Dans le cadre du financement global et de l’économie financière des éoliennes en France, voire en Europe, je pense qu’on devrait intégrer la prise en compte des nuisances et des préjudices causés.

Monsieur Potiron, vous avez dit tout à l’heure que vous aviez estimé le préjudice sur une année. Quand il s’agit d’élevage, certains éléments sont bien évidemment chiffrables, mais d’autres ne le sont pas : c’est le cas de la santé humaine notamment. Il nous appartient donc de faire évoluer la législation pour éviter de remettre en cause le développement de l’éolien, et de manière générale des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables ont des impacts positifs mais également parfois des impacts négatifs qu’il faut prendre en compte.

Telles sont, monsieur le président, madame la rapporteure, les précisions importantes que je souhaitais vous apporter modestement.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je vous remercie, cher collègue, pour ce témoignage.

Quel est le parcours des personnes qui mènent des études à l’ANSES ?

Mme Aurélie Niaudet. Les parcours sont variés. Effectivement, comme c’est une agence d’expertises scientifiques, les personnes qui y travaillent ont pour l’essentiel un profil scientifique. Ce sont des ingénieurs ou des docteurs en sciences. Au sein de mon unité, ce sont principalement ces deux profils qui sont rassemblés. Il y a aussi des épidémiologistes et des médecins – mais ils sont plus rares.

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles à l’ANSES. Pour mener ce genre de travaux qui peuvent durer quelques jours, s’il s’agit d’une saisine en urgence, ou quelques années comme cela a été le cas pour les travaux présentés précédemment, on s’appuie sur un large réseau d’experts extérieurs à l’Agence.

Notre Agence compte 1 400 agents, dont 85 % sont des scientifiques qui travaillent dans les différentes unités, par exemple celle-ci. On étudie différents types de risques. On mobilise aussi 850 experts hors agence, dont le profil est très large : biologistes, toxicologues, vétérinaires, etc. Selon les unités et les thématiques, on fait appel à tel ou tel profil.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Le rapport que vous avez présenté indique que vous pouvez reconnaître une part de symptômes réels dans les situations, mais pas de corrélation claire entre les impacts éoliens et ce que vous observez. Est-ce cela ?

Mme Aurélie Niaudet. Oui, c’est la conclusion générale de l’expertise. Elle a montré qu’il n’existait pas d’arguments scientifiques suffisants en faveur de l’existence d’effets sanitaires en lien avec l’exposition aux infrasons. Comme vous le soulignez, il ne nous a pas été possible de faire le lien entre l’exposition et la survenue de ces effets. Ce qui a été mis en évidence dans les études expérimentales, que l’on appelle en double aveugle, c’est que des ressentis négatifs ont pu être observés chez des personnes qui pensaient être exposées aux infrasons. C’est ce qu’on a qualifié d’effet nocebo.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’effet nocebo ?

Mme Aurélie Niaudet. Ce sont des effets ressentis réels chez des personnes qui pensent être exposées aux infrasons, sans pour autant que l’exposition ait précédé l’effet.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Dans votre rapport, vous avez établi, à ce stade des connaissances dont vous disposez avec l’ensemble des scientifiques qui ont travaillé sur ce sujet, que vous ne parvenez pas à faire de lien entre les deux. Je suppose que vous avez envisagé des hypothèses alternatives, que vous imaginez qu’il y a autre chose. Est-ce la conviction des gens que c’est nocif qui crée la nocivité ?

Mme Aurélie Niaudet. Comme nous l’avons dit, il n’y a pas suffisamment de preuves pour faire le lien. Par ailleurs, des pistes de mécanismes physiologiques ont été observées au niveau du système cochléo-vestibulaire. C’est la voie alternative qui a été envisagée, ou plutôt la piste à creuser pour savoir s’il se passait quelque chose chez ces personnes pour lesquelles on observe des symptômes au niveau de l’oreille interne.

Il faut savoir que ces mécanismes, qui sont des déséquilibres ioniques au niveau de l’oreille interne ou une modification de la perception du son audible, conduiraient à des symptômes comme des vertiges, des nausées ou des vomissements, parce qu’on est face à une perturbation du système vestibulaire. Ces symptômes ne sont pas en général rapportés par les riverains. C’est plutôt cette piste que nous avons été amenés à souligner, et pour laquelle nous avons recommandé des études complémentaires.

M. Yves Daniel. À l’issue des investigations et des recherches qui ont été faites sur le parc des Quatre Seigneurs, on s’est dit que le risque d’un effet nocebo peut interpeller en ce qui concerne les humains. Mais les animaux ne trichent pas, et le robot de traite ne triche pas non plus.

M. le président Julien Aubert. Ce que vous dites, c’est qu’il ne peut pas y avoir d’effet nocebo sur les animaux.

M. Yves Daniel. Effectivement, il ne peut pas y avoir d’effet nocebo sur les animaux ni sur le matériel de traite. Cela se traduit par un impact sur l’immunité, en particulier des animaux qui sont plus sensibles. Il est intéressant de prendre en compte cet élément-là parce qu’en travaillant avec le professeur du CHU de Nantes, avec l’ANSES et l’École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l’alimentation de Nantes-Atlantique, l’Oniris, on peut mettre en parallèle les deux. J’espère que cela sera de nature à nous permettre de faire avancer la science, ou en tout cas les explications scientifiques.

M. le président Julien Aubert. Il y a quelque chose qui me surprend parce que je suis un peu cartésien.

Je résume ce que j’ai compris : on déploie des éoliennes sur le territoire, sans avoir fait nécessairement d’études préliminaires massives en ce qui concerne les répercussions sur l’humain. Lorsque des problèmes surviennent, les promoteurs des éoliennes ont d’abord recours à des géobiologues qui n’ont pas un statut scientifique, la géobiologie n’étant pas reconnue comme une science à part entière, ou à des radiesthésistes dont je considère que c’est plutôt un art divinatoire.

Je ne comprends pas que, dans un pays aussi scientifique que le nôtre, il y ait d’un côté toutes sortes de professions qui sont parfois controversées et qui trouvent des résultats, et de l’autre des sciences établies qui ne trouvent pas forcément de corrélation.

Cela me pose un problème : soit il n’y a rien et, dans ce cas, cela veut dire que toute une série de charlatans profitent du désarroi des gens, ce qui soulève une question d’ordre et de santé publics ; soit il y a quelque chose, auquel cas il faut se demander pourquoi le rôle de ceux qui réussissent à identifier les problèmes n’est pas reconnu et ce que font les autorités sanitaires, qui ne trouvent pas de résultats. Dans la mesure où ce cas n’est pas unique et alors que l’on ne cesse de mettre en avant le principe de précaution, il est surprenant de constater qu’aucune agence de l’État n’est capable de proposer un rapport sur la question. Comment expliquez-vous cette dichotomie entre les résultats obtenus par les sciences établies et ceux des sciences alternatives ? Faites-vous appel à des géobiologues dans vos études ?

Mme Aurélie Niaudet. Sur la question des études préalables, peut‑être y a‑t‑il eu des modifications dans l’organisation de l’installation des parcs éoliens que je n’ai pas en tête, mais en 2017 il existait deux procédures en amont de l’installation, une procédure de déclaration simple et une procédure d’autorisation, qui différaient en fonction de la puissance totale du parc. Dans une procédure d’autorisation, plusieurs éléments sont à fournir : étude d’impact, étude de danger et enquête publique.

Quant à la dichotomie observée, la science disponible aujourd’hui ne nous permet pas de conclure sur les effets réels observés à la suite des émissions sonores des parcs éoliens. Le contexte est très complexe, puisqu’il y a plusieurs sujets de tension, que nous avons mis en avant dans notre rapport – économiques, politiques, énergétiques et sanitaires –, et plusieurs espaces décisionnels.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Monsieur Potiron, quel était le taux de mortalité dans votre troupeau avant l’installation du parc éolien ? L’avez‑vous vu augmenter, depuis son installation ?

M. Didier Potiron. Sur un effectif tel que le nôtre, le nombre acceptable d’animaux morts se situe entre dix et quinze dans l’année, pour plusieurs raisons. Actuellement, ce sont entre cinquante et soixante bêtes qui meurent. Nous ne maîtrisons plus rien. Il n’y a plus d’immunité.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Les vétérinaires ont‑ils procédé à des autopsies ?

M. Didier Potiron. Il y a bien eu des autopsies. Pour certains animaux, aucune raison n’a été trouvée : ce sont des morts subites sans explication. D’autres ont été victimes de problèmes respiratoires, des problèmes courants, si ce n’est que leur système immunitaire étant affaibli, le traitement n’a pu venir à bout de l’infection.

Mme Aurélie Niaudet. Je voulais rectifier un point. Comme je vous l’ai dit, nous avons été saisis très récemment pour travailler sur des anomalies observées dans deux cheptels. Le parc éolien des Quatre Seigneurs, qui a été cité, doit bien faire l’objet d’investigations sur la base des études déjà produites.

M. Didier Potiron. Nous ne sommes pas vraiment d’accord, puisque cela fait quand même sept ans que cela dure, dont au moins cinq d’expertises scientifiques. On va encore nous demander de travailler tous les jours sur le site, qui est pollué, et faire des expertises à n’en plus finir, sans résultat.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Espérons que ce ne soit pas sans résultat et que des preuves puissent être apportées. Vous contribuez à améliorer la situation de l’ensemble des gens qui rencontrent le même problème que vous.

M. Didier Potiron. Croyez‑moi, nous n’en pouvons plus de vivre cela au quotidien : voir les animaux souffrir et mourir, ne pas dormir plus de cinq heures par nuit… Ça suffit !

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je comprends bien…

Madame Niaudet, vous nous avez dit que vous travailliez aussi sur l’impact du climat sur la santé. Pensez‑vous que vous disposez, à ce sujet, d’éléments utiles à porter à notre connaissance, dans le cadre de cette commission d’enquête qui s’intéresse aux coûts globaux de la transition énergétique ? Si rien ne vous vient immédiatement à l’esprit, vous pourrez aussi nous faire parvenir des documents dans un deuxième temps.

Mme Aurélie Niaudet. Il s’agissait d’une saisine de l’ensemble de nos ministères de tutelle, comprenant le ministère du travail, pour évaluer les impacts du changement climatique sur la santé des travailleurs, dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). L’un des objectifs était d’améliorer la gestion et la prévention du risque en milieu professionnel. Un travail a été mené pour identifier les principaux risques professionnels induits par le changement climatique. Je pourrai vous fournir ce rapport, si cela vous intéresse.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Je pense que cela pourra nous être utile, surtout si les risques sont chiffrés.

M. Yves Daniel. Comme je vous le disais plus tôt, je suis de plus en plus sollicité, notamment par téléphone, par les exploitants d’autres départements. Il existe des parcs qui ne posent pas le moindre problème, mais ceux où il y a des problèmes se trouvent dans des régions où la nature de la roche et la présence d’eau provoquent des champs électromagnétiques basse tension. Je souhaiterais que les acteurs scientifiques et les géobiologues se parlent et s’acceptent les uns les autres, parce que c’est ensemble que les réponses sont à trouver. Nous ne pouvons pas laisser les personnes et les animaux dans une telle souffrance. Les animaux, je le répète, ne mentent pas, ils ne trichent pas. Il me paraît essentiel de prendre en compte cet élément pour poursuivre les investigations et trouver des solutions, afin que les énergies renouvelables se développent correctement et efficacement.

M. le président Julien Aubert. Je vous remercie, monsieur et madame Potiron, pour votre témoignage. Si, heureusement, tous les parcs éoliens ne rencontrent pas les mêmes problèmes, vous nous avez permis de comprendre les difficultés auxquelles un exploitant agricole peut être confronté, du fait de la complexité des responsabilités et de l’état de la science.

Mesdames, merci pour votre présence, qui a permis de montrer comment les organismes français se positionnent par rapport au sujet.

 

L’audition s’achève à seize heures trentecinq.

 

 

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Membres présents ou excusés

 

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

 

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 15 h 25

 

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

 

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Laure de La Raudière