Compte rendu

Mission d’information de
la Conférence des présidents
sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de
la société du XXIe siècle

 

– Audition, ouverte à la presse, de M. Marc de Basquiat, conseil en politiques publiques 2

– Présences en réunion..............................14


Mercredi
18 septembre 2019

Séance de 14 heures 15

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2018-2019

 

Présidence de
M. Stéphane Viry,
Président de la mission d’information
 


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Mission dinformation de la Conférence des présidents sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle

Mercredi 18 septembre 2019

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

(Présidence de M. Stéphane Viry, président de la mission dinformation
de la Conférence des présidents)

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M. le président Stéphane Viry. Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux de réflexion générale sur la politique familiale face aux transformations et aux évolutions de notre société. Depuis quelque temps déjà, nous entendons à cet effet les points de vue de philosophes, de sociologues et d’économistes.

Nous recevons aujourd’hui M. Marc de Basquiat, conseil en politiques publiques, que je remercie pour sa présence.

Nos interrogations portent sur des thèmes majeurs : comment définir la famille aujourd’hui ? Quels objectifs souhaitons-nous atteindre avec notre politique familiale française ? Faut-il faire profondément évoluer cette politique ou nous borner à quelques ajustements ?

Bien entendu, il est trop tôt pour se prononcer à ce stade, mais nous allons en discuter avec vous, Monsieur Basquiat, qui avez particulièrement étudié les effets des mécanismes mis en place par les politiques familiales sur les revenus des familles, notamment en les comparant aux revenus des personnes vivant seules.

Avant de vous entendre pour un propos liminaire, je passe la parole à
Mme la rapporteure.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Merci, Monsieur Basquiat, de votre présence parmi nous.

Le président a défini les contours de la mission d’information qui sont vastes, car il faut aussi répondre aux enjeux démographiques, sociaux et de société. La mission d’information travaille d’ailleurs en parallèle avec d’autres réflexions en cours à l’Assemblée nationale portant sur la PMA (Procréation médicalement assistée) pour toutes, qui ne manquera pas d’avoir des conséquences juridiques et sociétales que nous devons prendre en compte.

Nous nous préparons également à l’examen du PLFSS (Projet de loi de financement de la sécurité sociale) et du PLF (Projet de loi de finances) ; un certain nombre de questions se poseront ainsi à nous, qui porteront sur des avantages fiscaux comme le quotient familial, sur l’évolution des prestations familiales ainsi que celle d’un certain nombre d’aides et de prestations.

Je vous remercie donc par avance des lumières que vous saurez porter sur l’ensemble de ces questions.

M. Marc de Basquiat, conseil en politiques publiques. Merci, monsieur le président, madame la rapporteure, de me donner l’occasion de présenter mes travaux devant la mission d’information. J’ai reçu de votre part neuf questions, au fil desquelles je répondrai en insérant dans mes réponses les éléments que j’avais préparés.

La première question portait sur les grandes évolutions qui ont marqué la structure familiale depuis le début du XXe siècle, plus particulièrement après 1945.

Je relèverai cinq points principaux. Le premier est l’avènement du travail féminin, qui constitue le bouleversement majeur. Le modèle séculaire du père travaillant à l’extérieur pendant que la mère reste au foyer a vécu.

Deuxièmement, depuis l’après-guerre, nous sommes passés du plein-emploi à une précarité, ou à tout le moins à une incertitude professionnelle assez générale, source de tensions diverses entre les familles.

Troisièmement, du fait de l’allongement de la vie, les actifs ont le souci de quatre générations : les enfants, puis les petits-enfants, les grands-parents, puis les parents, ce qui représente une charge importante.

Quatrièmement, les familles nombreuses sont devenues l’exception : non seulement on n’a plus besoin de faire des soldats pour la prochaine guerre, mais la conscience écologique de la finitude de la planète dégrade l’image autrefois valorisée des parents qui accueillent une progéniture nombreuse. Par ailleurs, expliquer qu’il faut les enfants pour payer les retraites de la génération suivante ne constitue pas un argument motivant.

Cinquièmement, l’instabilité des couples, les diverses lois sociétales qui y faisaient référence, fragilise le trio père, mère, enfant. La conséquence de cela est que l’on ne sait plus très bien si l’aide de l’État doit être dirigée vers l’enfant, vers la mère, vers le couple ou vers une réalité plus abstraite comme la parentalité.

La deuxième question portait sur les évolutions que le modèle français de politique familiale a connues.

Depuis l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale, le cœur de la politique familiale est constitué par les caisses d’allocations familiales, avec une intention clairement universelle. Je cite : « Des ordonnances ultérieures procéderont à l’harmonisation desdites législations et pourront étendre le champ d’application de l’organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires et à des risques ou prestations non prévues par les textes en vigueur. » C’était vraiment une intention universelle.

Ce système bismarckien à l’origine ne concernait pas les non-salariés, ce qui a justifié la création quelques semaines plus tard, du système du quotient familial au bénéfice de ceux qui payaient l’impôt sur le revenu. La loi du 22 août 1946 a étendu très largement le périmètre d’application des allocations familiales, le système devenant plus beveridgien, bien que toujours financé par les cotisations sociales, mais sans remettre en cause le quotient familial, assez largement redondant.

La principale prestation, les allocations universelles, est longtemps restée un socle stable universel indépendant des ressources des parents. Mais à défaut de leur indexation sur le niveau de salaires, leur poids dans le budget des ménages n’a cessé de diminuer. Ceci explique probablement la création continue de diverses prestations complémentaires conditionnelles, souvent taillées en fonction des capacités budgétaires.

Le plafonnement de l’effet du quotient familial en 1998, qui a baissé en 2013 et 2014, a fortement rogné le bénéfice de la réduction d’impôts pour les plus riches. La modulation des allocations familiales par François Hollande a permis de générer des gains budgétaires rapidement, mais c’est le dernier épisode majeur qui a abouti à créer un tableau assez impressionniste de l’ensemble des prestations et avantages.

On constate que les aides sociales, qui sont dégressives en fonction des revenus, diminuent, alors que des prestations nature fiscale, les avantages fiscaux qui, eux, progressent, sont ensuite plafonnées.

Sur le plan social, comme au niveau fiscal, on commence dès le premier enfant, avec une accélération au troisième enfant. Sur le plan fiscal, le niveau maximum va aux parents isolés. De leur côté, les prestations familiales dégressives commencent au deuxième enfant seulement, alors que les prestations spécifiques sont indépendantes des revenus, ce qui est typiquement le cas de l’ASF (Allocation de soutien familial). Au milieu de cet ensemble, on trouve quelques curiosités ; des choses bizarres et dispersées que je ne détaillerai pas, car nous risquerions de nous y perdre très rapidement.

Ainsi, si j’évoque un tableau impressionniste, c’est que l’ensemble que je viens de retracer est effectivement assez compliqué à expliquer à qui que ce soit.

Toutefois, ce dont il faut avoir conscience et qui est extrêmement important est que la politique familiale aujourd’hui est la conjugaison des quatre dimensions du social, du fiscal, du familial et du spécifique. On ne peut pas analyser la politique familiale actuelle, si on ne fait pas la démarche d’observer comment ces quatre dimensions s’articulent les unes avec les autres ; en oublier une revient à passer à côté du chemin.

La troisième question portait sur le fait de savoir si ces évolutions sont intervenues de manière cohérente et si le modèle de politique familiale s’est suffisamment adapté aux évolutions des structures familiales.

Je répondrai par une expression bien connue : « Pour qui ne dispose que d’un marteau, tous les problèmes ont des têtes de clou. » On a parfois l’impression que l’outil principal de la politique familiale est le rabot avec lequel on fabrique des copeaux, et, qu’avec un peu de colle, on rafistole par-ci, par-là. Il manque une vision d’ensemble claire, consensuelle, et compréhensible par toute la population, ce qui est la moindre des choses en démocratie.

Si un enjeu des prestations monétaires et de rassurer les couples sur le soutien de l’État à leurs projets parentaux, la simplicité des dispositifs légaux est nécessaire ; or ce n’est plus le cas.

La quatrième question consiste à rechercher si la politique familiale, notamment dans sa traduction financière par les prestations diverses et l’allocation familiale, forme aujourd’hui un ensemble cohérent.

La réponse est négative, car les incohérences sont nombreuses et massives. Les aides dont bénéficient les familles monoparentales avec un enfant sont en forte croissance ; il y a toutefois deux niveaux : lorsque les revenus du ménage sont bas, le niveau d’aide est relativement faible, lorsqu’ils sont élevés, l’aide est beaucoup plus forte.

Les foyers monoparentaux aisés sont donc plus aidés que les pauvres, cela est flagrant ; dû au quotient familial et au fait que le plafond du quotient familial pour les ménages monoparentaux est nettement plus élevé que pour les couples.

S’agissant des couples avec un seul enfant, il y a deux mondes : celui des personnes qui bénéficient d’aides sociales comme le RSA (Revenu de solidarité active) et le complément du RSA pour leur enfant, et celui des personnes qui bénéficient d’aides sous forme fiscale avec le quotient familial parce qu’ils ont un enfant lorsqu’ils disposent de revenus élevés. Entre les deux, existe un fossé, car il y a peu ou pas d’aide. Aujourd’hui, avec la revalorisation assez forte de la prime d’activité, ce fossé est un petit peu moins marqué du fait du versement de la prime d’activité, mais demeure tout de même un fossé.

Le deuxième message est que les couples avec un seul enfant sont très peu aidés, particulièrement ceux dont le niveau de revenu est modeste à moyen.

Par ailleurs, les familles nombreuses bénéficient d’un certain nombre d’aides parmi dix dispositifs de soutien monétaire. Ces aides sont de plusieurs sortes : sociales, familiales et dégressives ou fiscales. Quels que soient les dispositifs mis en œuvre, le montant moyen de l’aide servie s’élève en moyenne à 900 euros pour quatre enfants.

Pourquoi faut-il dix dispositifs pour servir 900 euros ? La chose est assez compliquée à comprendre. Ce résultat s’explique par la sédimentation des mesures prises au fil du temps.

Les projections, outre la complexité de l’enchevêtrement des aides mises en œuvre, montrent que selon les cas l’aide à l’enfant varie de 0 à 400 euros. L’évolution du niveau de l’aide par enfant en fonction de la composition des familles est erratique et parfaitement irrationnelle ; ce qui est très choquant. J’espère que ma démonstration vous convainc de l’incohérence de ce système.

La cinquième question était ainsi libellée : « Les prestations familiales sont-elles aujourd’hui adaptées ? Ce mode de redistribution vous semble-t-il encore pertinent ? ».

La politique familiale constitue aujourd’hui une composition compliquée d’éléments sociaux, familiaux et spécifiques ; il faudra pourtant faire un choix.

La préconisation la plus évidente me paraît être la juxtaposition des quatre catégories de dispositifs indépendants.

L’objet de la politique fiscale est de prélever en fonction d’une assiette, la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) est un prélèvement sur la consommation, la CSG (Contribution sociale généralisée) pèse sur tous les revenus et l’IS (Impôt sur le revenu) sur les bénéfices des sociétés. Tous ces impôts ont une cohérence et une efficacité, rapportant respectivement 156 milliards d’euros, 100 milliards d’euros ou 26 milliards d’euros.

L’impôt sur le revenu plafonne à 73 milliards d’euros, c’est un impôt extrêmement compliqué, car calculer un impôt en fonction de la composition des familles va à l’encontre de la recherche de la performance fiscale comme de celle de l’équité. Il s’agit donc d’une erreur flagrante.

Le dispositif social consiste en transferts verticaux à l’attention des pauvres, liés à des conditions de ressources.

S’agissant de l’aide familiale, je préconise une allocation unique extrêmement simple : fondée sur le principe qu’un enfant c’est un enfant. La prestation peut éventuellement varier selon l’âge, mais l’idée est la constitution d’un forfait par enfant, qui ne dépende plus de son rang ni de la composition de la famille. Entre 0 et 14 ans, le montant de l’allocation pourrait être de 200 euros, et de 250 euros au-delà ; ce dispositif serait beaucoup plus efficace.

Une quatrième catégorie de prestation serait toutefois nécessaire pour prendre en compte la situation des enfants handicapés, des étudiants ou des parents isolés, par exemple. Ces divers contextes appellent une allocation sur mesure, qu’il faut adapter avec intelligence afin de répondre à la multiplicité des cas. Ces prestations seraient complémentaires, se situant au-dessus du socle de l’allocation familiale, qui devrait être beaucoup plus robuste et systématique.

L’idée principale est de généraliser le « et » à la place du « ou », aujourd’hui, lorsque l’on est pauvre on relève de prestations sociales ; il faut mettre un terme à cela et considérer qu’un enfant est un enfant, et que l’aide qui s’y attache est fixée au montant unique de 200 euros. Si vous êtes étudiant ou pauvre, alors on ajoute une prestation de façon compréhensible ; mais c’est la logique du « et » et non plus du « ou ». Chaque catégorie a ainsi une fonction précise et ne doit pas empiéter sur les autres.

La sixième question était la suivante : « Les avantages fiscaux favorisant les familles, notamment pour la garde d’enfants par exemple, sont-ils un mécanisme pertinent ? Pourraient-ils être améliorés ? »

De façon générale, l’économiste que je suis est réticent aux avantages fiscaux ciblés. Un bon impôt est un impôt productif dont les recettes sont élevées et l’assiette large, limitée par aucune exception. Je préfère la CSG créée par Michel Rocard, qui atteint 100 milliards d’euros, à un impôt sur le revenu biscornu, qui énerve tout un pays et met les gens dans la rue, et dont le produit se limite à 73 milliards d’euros.

Il est plus clair et efficace de verser des aides directes en fonction des besoins spécifiques légitimes en recourant à un processus garantissant l’équité et la traçabilité de la décision, par exemple via un service internet d’institutions telles la CAF (Caisse d’allocations familiales) ou la MSA (Mutualité sociale agricole).

Le seul inconvénient que présente le renoncement à des avantages fiscaux est de faire apparaître un taux d’imposition plus élevé ; ce qui complique la communication gouvernementale, je le conçois aisément. Cette question représente un sujet, mais ne constitue pas le premier souci de l’économiste que je suis.

La septième question était ainsi rédigée : « Faut-il faire évoluer notre modèle de prestations familiales ? Qu’en est-il selon vous plus particulièrement pour les allocations familiales ? Quelles pistes de réforme sont actuellement envisageables en la matière ? »

Je considère qu’il faut revenir au projet d’octobre 1945 : des allocations familiales universelles allouées pour chaque enfant, sans considération de son âge ou de son rang. Alors que les familles avec un seul enfant à charge sont 43 %, il est aberrant qu’elles ne soient aidées que si elles perçoivent des minima sociaux ou si leurs revenus sont élevés et soumis à l’impôt. L’exception française d’absence d’allocation familiale pour le premier enfant doit disparaître.

La prime au troisième enfant, avec le complément familial, et la part entière de quotient familial sont également d’un autre âge. Alors que la conscience de la finitude de la planète se propage, l’État n’a pas à subventionner les familles nombreuses, qui demeurent un choix légitime, mais intime. La quasi-totalité des familles nombreuses commence d’ailleurs avec un, puis deux enfants à charge, et termine de même. Sur le cycle de vie complet, la diminution de la prime au troisième enfant serait en grande partie compensée par son augmentation pour le premier et le deuxième enfant.

La modulation de la prestation en fonction du revenu compense, grosso modo, le bénéfice fiscal dont bénéficient les familles aisées grâce au quotient familial. Il faudra un jour avoir le courage politique de tirer un trait sur ces deux anomalies, et adopter un forfait unique par enfant.

L’ordre de grandeur actuel est de 200 euros par mois pour chaque enfant jusqu’à l’anniversaire de ses 14 ans, puis de 250 euros à partir de 14 ans.

La huitième question demandait si le coût économique de la politique familiale était aujourd’hui justifié compte tenu de ses objectifs, et si la politique familiale était efficace.

Pour y répondre, il conviendrait tout d’abord de s’accorder sur les critères d’efficacité : s’agit-il du taux de natalité ? À ce titre, l’Allemagne dépense plus que nous pour ses enfants, avec la natalité que nous lui connaissons. Si le taux de natalité constitue le critère, on peut considérer que la politique familiale française est efficace. Si la politique familiale constitue une aide aux parents destinée à les aider à élever correctement leurs enfants afin d’en faire des citoyens actifs et responsables, la réponse est moins évidente.

Dans le beau film de Fabien Marsaud La vie scolaire, on voit des parents responsables et des éducateurs dévoués face aux difficultés sociales des quartiers du « 9-3 ». La tonalité du film est positive, mais celui-ci montre aussi des échecs douloureux. Je trouve que c’est une belle image : voir l’État aider les parents à faire leur travail me semble être un choix gagnant.

Pour ma part, je formulerais ainsi l’objectif principal de la politique familiale : accompagner l’acquisition de l’autonomie des jeunes entre 16 et 25 ans ; faire d’eux des adultes autonomes et responsables. Si tel est notre objectif, la politique familiale actuelle manque de cohérence.

J’ai dressé une liste de dix-sept dispositifs applicables aux jeunes de 16 à 25 ans ; ils dépendent de l’âge et de la condition des intéressés. Ils consistent en allocation de rentrée scolaire, allocation familiale, allocation forfaitaire, allocation de logement, RSA, quotient familial et bourses diverses et variées. Ces dix-sept mécanismes produisent-ils in fine des jeunes autonomes ? Sans doute, mais il serait possible de procéder de manière beaucoup plus explicite.

J’estime que le soutien de l’État aux jeunes de 16 à 25 ans pourrait être entièrement repensé, dans cette seule perspective d’atteindre une autonomie d’adulte responsable. Je remplacerais volontiers les dix-sept dispositifs par un socle forfaitaire de 250 euros par mois versés au jeune, sauf décision contraire des parents jusqu’à l’âge de 18 ans ou du jeune ensuite.

Des compléments indépendants d’autonomisation cumulatifs pourraient venir ensuite ; ils seraient accordés en fonction des ressources du jeune et de ses parents. Une aide au logement autonome serait attribuée afin d’inciter le jeune à sortir de sa famille et à s’installer dans la vie. Un complément financier serait versé en cas de défaillance parentale ; ce qui malheureusement se produit parfois. Les frais de scolarité feraient l’objet d’une prise en charge totale ou partielle, en fonction des moyens de l’intéressé. Pour démarrer dans la vie, une incitation financière à l’activité serait attribuée, car il faut peut-être aider les jeunes de façon plus spécifique que par le SMIC, susceptible de poser des difficultés.

Ce système constituerait une simplification considérable, orientée vers un objectif clair : l’autonomie de nos jeunes adultes.

La neuvième question était la suivante : « Vous défendez l’instauration d’un revenu universel de base : comment celui-ci pourrait s’articuler avec les prestations familiales ? Sa mise en place conduirait-elle à bouleverser la politique familiale française actuelle ? »

Pour répondre, je ferai référence au rapport fait par le député Christophe Sirugue, remis au Premier ministre en avril 2016, intitulé « Repenser les minima sociaux : vers une couverture socle commune », qui a été remarquablement bien accueilli, rencontrant de la part de la gauche comme de la droite un accord quasi unanime sur la pertinence de ses propositions.

Le scénario n° 3 de ce travail proposait la fusion des minima sociaux en une couverture socle commune pouvant être accompagnée de deux compléments. Ce socle ne prévoyait ni forfait logement ni prise en compte des prestations familiales dans la base ressource afin d’éviter les objectifs multiples. Il est en effet indispensable de dissocier totalement la politique familiale de la politique sociale, car leur conjonction est source de beaucoup de difficultés.

Le fait que les mêmes administrations, CAF et MSA, soient chargées de ces dimensions n’est pas gênant ; le problème procède plutôt des interférences entre les dispositifs qui créent une difficulté inextricable ainsi que les situations kafkaïennes du non-recours. Le consentement à l’impôt et aux prestations sociales est également fragilisé par cette complexité, car chacun est susceptible d’être défavorisé par ces systèmes incompréhensibles.

Le concept de revenu universel, dont je fais la pédagogie par ailleurs, suit la même démarche intellectuelle que l’allocation familiale unique. Mais concrètement, si l’allocation familiale unique est une prestation familiale pouvant être administrée par les CAF et la MSA, le revenu universel constitue avant tout une réforme de l’impôt sur le revenu ayant plutôt vocation à être administrée par le fisc.

Lundi dernier, nous avons organisé au Sénat un colloque consacré à ce sujet, en commençant par approfondir pendant deux heures la réforme de la politique familiale. Le revenu universel est un projet relativement indépendant, mais complémentaire. Si vous souhaitez en approcher la réalisation concrète, je vous invite à tester ces deux réformes grâce au simulateur disponible à l’adresse internet suivante : https://lemodele.fr/.

M. le président Stéphane Viry. Vous nous avez fait part, M. de Basquiat, d’un triple souhait : celui de l’efficacité de la mesure, celui de la compréhension de celle-ci ainsi que celui de la clarification de la volonté politique de sa mise en œuvre.

Votre proposition pourrait se résumer à cette allocation unique, à partir de laquelle une histoire serait susceptible d’être écrite.

Mme Nathalie Elimas, rapporteure. Merci pour ces propos, qui ont mis en évidence l’absence d’une vision d’ensemble, ce que je partage. Cette mission d’information cherche d’ailleurs, elle aussi, à dégager des perspectives ainsi que des objectifs ambitieux et une cohérence, qui, comme vous l’avez souligné, fait défaut.

Dans le domaine de la simplification, vous avez apporté un certain nombre d’éléments, particulièrement en présentant le dispositif de l’allocation forfaitaire unique ; toutefois, d’autres moyens existent-ils à vos yeux ? Y aurait-il d’autres pistes que nous pourrions explorer ?

Pour favoriser l’autonomie des jeunes de 16 à 25 ans, vous proposez une allocation forfaitaire identique pour tous de l’ordre de 250 euros : comment situez-vous cette allocation au regard du revenu universel ?

M. Marc de Basquiat. Je suis heureux de constater que nous partageons le même objectif ; tendance qui me paraît assez générale. Je salue d’ailleurs M. Gilles Lurton, qui a travaillé à ce sujet et que j’ai eu l’occasion de rencontrer l’année dernière. J’ai conscience que la préoccupation est partagée, mais la difficulté rencontrée réside dans l’extrême sensibilité à la question du monde politique, et peut-être aussi de l’opinion.

On constate une confrontation historique entre les tenants du quotient familial et ceux d’une redistribution devant s’adresser d’abord aux pauvres ; ce qui malheureusement empêche de dégager un consensus. M. Lurton a d’ailleurs été confronté à cette situation assez désagréable, et je forme très fortement le souhait que les travaux de cette mission d’information n’aboutissent pas au même résultat. Je considère que le travail conduit par MM. Gilles Lurton et Guillaume Chiche a été d’une très grande qualité, et je suis très heureux de constater que ces deux députés sont membres de cette mission d’information pour accomplir cet acte II et aller au bout de la démarche.

Le nœud du problème demeure toutefois cette confrontation entre la droite qui défend mordicus le quotient familial, fût-ce en dépit de toute logique économique au prix d’une posture politique, et une gauche qui souhaite plutôt aider les familles pauvres, et considère que les riches n’ont pas besoin d’aide. Tant que nous serons coincés dans ce débat, il sera très compliqué d’avancer ; j’ignore par quel moyen, mais cette opposition doit être dépassée. En effet, le pays est bloqué : les riches surveillent leur feuille d’impôt alors que les pauvres regardent quel est le niveau des aides. Personne n’y comprenant rien parce que le système est incompréhensible, ils acceptent ce qu’on leur donne, car ils ne peuvent pas négocier.

Nous sommes ainsi placés devant un problème de nature politique : si la mission d’information parvient à débloquer la situation, elle aura fait un travail formidable dont je serai le premier promoteur !

S’agissant des jeunes de 16 à 25 ans, il est vrai que certains font la promotion d’un RSA qui commencerait, non plus à 25 ans, mais à 17 ans. Je présente depuis très longtemps le revenu universel sous ses différentes appellations, et j’échange avec beaucoup de gens sur ces questions. Je constate à cette occasion l’inquiétude exprimée par des parents modestes, qui disent : « Si l’on donne 500 euros à mon gamin dès l’âge de 18 ans, je ne le tiens plus. » Il faut donc rester prudent et penser aux parents aux revenus modestes qui ne voient pas d’un bon œil la perspective que leur enfant pourrait percevoir un revenu supérieur au leur.

C’est pourquoi j’évoque un revenu pour l’enfant de 200 euros et un revenu pour le jeune adulte d’un montant de 250 euros, servi jusqu’à l’âge de 25 ans, pouvant être augmenté de mesures plus ponctuelles destinées à accompagner l’autonomie. Il faut cependant rester prudent, et je ne soutiens pas la proposition consistant à donner 500 euros à tout le monde, car les personnes que j’ai rencontrées m’ont convaincu que ce n’était pas la bonne approche.

M. Gilles Lurton. J’ai bien entendu votre propos, Monsieur Basquiat, qui correspond à ce qui a été évoqué devant moi il y a quelques mois. Je m’accorde avec vous pour considérer que le problème du quotient familial bloque quelque peu toutes les solutions.

Néanmoins, je continue, même si je sais que cela n’est pas partagé par tout le monde, à faire la différence entre une politique familiale et une politique sociale. Et je considère que le jour où on aura renoncé à la politique familiale au profit d’une politique sociale, à savoir une distribution d’aides verticale quelle que soit la catégorie de l’enfant, on aura renoncé à toute politique familiale.

Il y a peu un sociologue a déclaré, alors qu’il développait des théories très avancées sur la politique familiale, qu’il y a lieu d’être fier de la politique familiale de notre pays, qui encore aujourd’hui, reste une des meilleures au monde. C’est pourquoi je comprends mal que, d’un côté, on nous dise que cette politique est la meilleure au monde, et, d’un autre côté, qu’il faut l’abandonner au profit d’une politique sociale.

Par ailleurs, je comprendrais parfaitement que l’on envisage l’attribution d’une allocation au premier enfant, c’est même un objectif souhaitable à mes yeux. Toutefois, malgré votre proposition d’allocation unique que j’ai parfaitement comprise, la couverture financière de l’allocation au premier enfant est loin d’être assurée par celle-ci. C’est d’ailleurs le point de blocage que nous avons rencontré pour cette allocation au premier enfant.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Dans bien des domaines en France, nous courrons après la clarification !

Ce que vous proposez présente un intérêt certain, mais, comme vous le soulignez, la mise en œuvre n’est pas aussi simple que l’on pourrait le penser. Pourriez-vous nous indiquer qui, quels organismes, à part vous-même, partagent cette vision simplificatrice consistant notamment à clairement distinguer ce qui ressortit à la politique familiale de ce qui ressortit à la politique sociale. En effet, l’une ne saurait se faire au détriment de l’autre, mais elles représentent deux versants différents.

Disposez-vous par ailleurs d’exemples étrangers proches du modèle que vous proposez ? Cela pourrait nous être utile pour communiquer sur le sujet sans créer d’angoisse chez nos interlocuteurs.

Mme Frédérique Meunier. Votre proposition d’aide verticale dispensée sans prise en compte de paramètres particulier est intéressante, toutefois avez-vous estimé son coût ? Reste-t-elle dans l’enveloppe actuelle avec une répartition différente, que vous considérez comme plus équitable et plus adaptée ?

M. Marc de Basquiat. Je partage le point de vue de M. Lurton qui considère qu’il ne faut absolument pas mélanger politique sociale et politique familiale. En effet, affirmer qu’aider les enfants c’est aider les pauvres est faux. Un enfant est un enfant, un être en devenir, une promesse ; et nous devons soutenir les promesses, qu’elles se trouvent dans le « 9-3 » ou à Versailles ne change rien.

C’est pourquoi je ne vois pas pourquoi il ne faudrait aider que les enfants pauvres. Les riches versent 5,25 % de leur salaire pour financer la politique familiale. Il serait très curieux de dire aux parents des familles riches qu’ils n’ont que le droit de payer sans rien recevoir. Il faut donc distinguer clairement la politique familiale et la politique sociale. C’est le mélange des deux qui a bloqué les propositions de Guillaume Chiche, qui défendait ce principe.

Vous indiquez encore que les sociologues disent que nous pouvons être fiers de notre politique familiale. Cela est vrai dans la mesure où les masses financières mises en jeu en faveur de cette politique sont conséquentes ; il s’agit d’une quarantaine de milliards d’euros.

Il ne s’agit donc pas d’abandonner cette politique, mais de l’isoler des domaines social et fiscal, nous voulons des impôts qui fonctionnent bien et produisent des centaines de milliards d’euros. Il s’agit cependant d’une autre question, qui n’a rien à voir avec les enfants, qui ne paient pas les impôts ; c’est hors sujet. On s’occupe des enfants d’un côté, et de faire rentrer les impôts de l’autre, le social constituant encore un autre sujet.

Viennent ensuite les cas spécifiques : parents isolés, parents en difficulté, handicap, étudiants, logement… Bref, beaucoup de sujets. Il faut trier les questions et mettre un terme à la confusion actuelle. Aujourd’hui, on fait tout à la fois, avec le même outil, le RSA, on fait du social, du familial et du logement, voir du prélèvement avec le taux de 39 %. C’est incompréhensible ; il est donc urgent de dissocier les domaines, et le domaine familial ne doit regarder que les enfants, à l’exception de tout le reste qui doit être traité par ailleurs.

S’agissant du coût de ce que je propose, lorsque j’évoque les montants de 200 et 250 euros, je mets toujours un tilde, car je ne dispose pas des moyens de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) ni de Bercy pour réaliser des projections. Sur la base des montants que je propose, le coût cumulé serait de 2 milliards d’euros. Bien entendu, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), pourrait dire qu’il s’agit en fait de 2,1 ou de 2,5 milliards d’euros.

En tout état de cause, il y a forcément un coût ; l’alternative pourrait consister à dire que l’on ne donne pas 200 euros, mais 195 euros ; on grappillera 5 euros, et des gens seront moins aidés qu’ils ne le sont actuellement. Mais, au regard de la confusion actuelle des divers dispositifs, il est vrai que la mise en œuvre de ce que je propose aura pour effet de faire des gagnants et des perdants ; au moins facialement et temporairement. Notamment parce que ceux qui bénéficient le plus du système aujourd’hui y perdront ; dans l’autre sens, ceux qui perçoivent les aides les plus basses y gagneront.

On pourrait effectivement décider de conduire la réforme à budget constant et n’attribuer que 190 euros au lieu de 200 euros ; il serait alors facile de tracer la courbe montrant quels seront les gagnants et quels seront les perdants. Cela relève d’un choix politique, qui nécessite une communication forte, mais il me semble que, dès lors que l’on a une histoire à proposer, il est plus facile de la vendre qu’un brouillard. La réforme d’une partie d’un système incompréhensible ne peut que produire des perdants et des ingrats, car, dans un tel contexte, même les gagnants sont ingrats puisque personne n’y comprend rien.

Il faut une histoire qui fasse rêver les gens, et qu’ils puissent se dire que l’on a trouvé un truc qui fait qu’en France, pour un enfant, c’est tant ; que les parents soient riches ou pauvres. Il résiderait là une force de communication beaucoup plus importante que lorsque l’on annonce la modification d’un paramètre.

Je pense qu’il y a une fatigue de notre pays devant les ajustements paramétriques. Nous avons tous pu échanger avec des « gilets jaunes » : la discussion est impossible, car nous sommes face à un monde d’une complexité telle que l’on n’arrive plus à dialoguer.

C’est pourquoi je propose quelque chose de très simple, susceptible d’emporter une adhésion assez globale.

Par ailleurs, je ne me suis pas livré à la comparaison avec d’autres pays ; il est vrai qu’il existe une grande diversité, et que les divers mécanismes ne se ressemblent pas ; mais rien ne ressemble au système français. Notre quotient familial est pratiqué au Luxembourg, qui constitue une exception. Une étude de benchmarking pourrait être pratiquée ; les pays anglo-saxons, par exemple, recourent plutôt au crédit d’impôt sur un mode forfaitaire.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Je vous ai demandé si d’autres organismes ou structures abondent dans votre sens ou si vous êtes le seul avec votre cabinet de consultation à proposer ce modèle. Vous n’ignorez pas que, par ailleurs, la réforme des retraites est en cours, qui elle aussi implique un effort de clarification.

M. Marc de Basquiat. Je répartirai ces structures et organismes en deux catégories.

J’imagine que vous entendrez l’UNAF (Union nationale des associations familiales), qui voue un certain attachement historique au quotient familial en considérant qu’il constitue la base de la politique familiale ; ce qui me paraît relever d’une vision tournée vers le passé.

L’UNAF et d’autres vous expliqueront que la prime au troisième enfant est très importante, car la France a besoin d’une démographie dynamique. Bien que sympathique, cette conception est, elle aussi passéiste, pour ma part j’ai une famille nombreuse, mais je ne vois pas pourquoi l’État financerait particulièrement mes enfants.

D’autres associations, comme ATD Quart-monde, partagent mon point de vue sur l’individualisation de l’aide, et considèrent qu’il est temps d’adopter un système plus dynamique permettant aux gens d’opérer des choix plus rationnels.

J’imagine qu’au cours de vos travaux vous entendrez des choses extrêmement variées.

Mme Zivka Park. Je partage le constat que vous établissez en évoquant le tableau impressionniste que forme notre système d’aide familiale. Il me semble aussi qu’une aide au premier enfant mériterait d’être instituée, les familles n’ayant qu’un enfant représentant 43 % de l’ensemble.

Toutefois, vos explications ayant été assez techniques, je n’ai pas bien saisi les quatre piliers que vous avez évoqués ; vous avez mentionné le social, le familial et le social, mais je ne vois pas ce qu’englobe ce que vous avez appelé le spécifique.

M. Marc de Basquiat. Il faut effectivement revenir à ce tableau impressionniste que j’ai dépeint, qui montre d’un côté les aides sociales, qui s’adressent globalement aux familles démunies, d’un autre les avantages fiscaux qui profitent aux familles aisées, puis les prestations familiales, qui s’adressent à tout le monde, mais ne sont servies qu’à partir du premier enfant, et enfin le spécifique, qui concerne les parents isolés, les étudiants, etc.

Cette dernière catégorie propose des aides sur mesure, répondant à des cas particuliers pouvant être très nombreux, mais se situant en dehors de la généralité. Je prétends qu’il s’agit de briques qui devraient évoluer vers des prestations sociales délaissant quelque peu la dimension « enfant », des mesures fiscales ignorant cette dimension, des prestations spécifiques visant les cas particuliers, et les aides familiales, qui doivent constituer le cœur du dispositif d’aide à la famille.

Les allocations familiales doivent attribuer une somme égale pour chaque enfant de façon systématique et homogène ; c’est la conception globalisante de l’allocation unique qui n’appelle pas de débat. De ce fait, les autres aspects sont à mes yeux beaucoup plus indépendants de celui-ci.

M. le président Stéphane Viry. Pour filer, monsieur de Basquiat, la métaphore de votre tableau impressionniste, pourriez-vous préciser ce que vous appelez les « curiosités » que vous y placez ?

M. Marc de Basquiat. Mon Dieu ! Vous êtes un homme très courageux ! (Sourires.)

Il existe dix aides destinées aux familles de quatre enfants, au sein desquelles figure la prime de Noël, la prime de fin d’année (PFA), qui dépend du nombre et de l’âge des enfants. À cela s’ajoute le soutien du RSA lié aux enfants, calculé en fonction de la déduction d’une partie du quotient familial, au point que ce complément attribué au titre du RSA peut être négatif ; dans ce cas cette prestation produit un effet négatif sur les ressources liées à l’enfant.

C’est un exemple pris parmi d’autres calculs aboutissant à des résultats absolument aberrants.

Mme Pascale Boyer. Sans vouloir opposer encore une fois les territoires ruraux aux territoires urbains, on constate que les familles situées dans des zones ultra-rurales, dont plusieurs enfants ont parfois besoin de partir au même moment, rencontrent des difficultés, ou doivent parfois renoncer, à les envoyer étudier dans les métropoles parce qu’il n’y a pas de pôle universitaire proche.

J’entends bien que cela pourrait plus relever de la politique sociale, mais je constate que dans ma circonscription d’élection des familles n’envoient pas leurs enfants faire des études supérieures ou entrer en apprentissage, notamment pour des raisons de transport ou d’hébergement, mais aussi par manque de moyens, malgré les bourses existantes.

C’est pourquoi je ne suis pas hostile au principe d’une allocation unique, mais à la condition qu’elle soit modulée en fonction des territoires.

M. Thibault Bazin. Je ne partage pas votre avis sur tous les sujets que vous évoquez, mais votre message a le mérite d’être cohérent avec la conviction qui est la vôtre.

Le prérapport sur les fraudes sociales, de Mmes Carole Grandjean, députée, et Nathalie Goulet, sénatrice, remis au début du mois au Premier ministre montre que des familles ont parfois bénéficié de prestations pleines dans plusieurs pays différents.

Je peux citer un exemple dans la commune de Lunéville où des familles ont perçu jusqu’à 6 000 euros au titre de divers types de prestations sociales ; pour vingt-deux familles, l’ensemble a représenté un million d’euros.

Il est certes possible de rendre la politique familiale plus efficace, mais on constate que des abus sont possibles. L’attribution de forfaits automatiques ne risque-t-elle pas d’être source de dérive s’il n’y a pas d’examen au cas par cas de la situation de chaque famille ?

Par ailleurs, la fiscalité attachée aux déchets peut produire des effets sur les familles, notamment celles qui sont séparées, car elle peut prévoir le versement de prestations à taux plein attaché aux enfants perçu par les deux parents.

Enfin, les enfants handicapés peuvent nécessiter des poids de déchets plus importants ; dans le cadre d’un forfait, et à l’heure où l’on parle de rassembler les prestations servies, comment prendre en compte les difficultés particulières nécessitant un peu plus d’aide ?

M. Marc de Basquiat. La situation des enfants vivant en zones rurales pose une question clé. Elle donne un très bon exemple de la zone spécifique dont le traitement ne me semble pas tant relever du traitement social que de ce que j’appelle précisément le spécifique.

Il me semblerait intéressant que les territoires puissent disposer de moyens propres à financer des solutions adaptées à leur réalité, comme la situation des jeunes rencontrant des difficultés pour accéder aux pôles universitaires que vous avez évoqués. Je ne pense pas que la réponse puisse ressortir à l’échelon national, mais à l’échelon local le plus proche de la situation.

S’agissant des fraudes évoquées par M. Bazin, je considère que plus le système est simple, plus il est facile de le contrôler. En effet, lorsqu’il est incompréhensible, il faut dépêcher sur le terrain des personnes titulaires d’un bac +14, seules à même de résoudre le problème.

La solution à laquelle je pense est très simple : forfait individuel de 200 ou 250 euros par enfant selon l’âge pour tout le monde, où que l’on soit sur le territoire national. Dans un tel système, si un indu est perçu, cela est très visible ; c’est pourquoi j’estime que la simplicité des mécanismes mis en œuvre constitue une alliée dans la lutte contre la fraude.

J’imagine par ailleurs que vous faites allusion à la taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères incitative (TEOMI), dont je ne suis pas spécialiste. Il est toutefois certain qu’elle relève de ces domaines dans lesquels les politiques doivent être plus ajustées afin de prendre en compte les exceptions. Il s’agit là aussi d’une dimension additionnelle ne pouvant être prise en compte par le forfait.

M. le président Stéphane Viry. Merci, Monsieur Basquiat ; en quelque sorte, vous nous proposez une autre réforme systémique en plus de celle des retraites qui va nous occuper pendant quelques mois ! (Sourires)

 

 

 

 

La séance sachève à quinze heures quinze.

 

 

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Membres présents ou excusés

Mission dinformation de la Conférence des présidents sur l’adaptation de la politique familiale française aux défis de la société du XXIe siècle

Présents. - M. Thibault Bazin, Mme Pascale Boyer, Mme Nathalie Elimas, M. Gilles Lurton, M. Denis Masséglia, Mme Frédérique Meunier, Mme Zivka Park, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Stéphane Viry

Excusé. - M. Olivier Gaillard