Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner
le projet de loi relatif
à la bioéthique

– Audition du Pr René Frydman, professeur émérite des universités, gynécologue-obstétricien  2

 Présences en réunion...................................17

 

 


Mercredi
28 août 2019

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 8

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente


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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE DEXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Mercredi 28 août 2019

Laudition débute à quinze heures.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)

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La commission spéciale procède à laudition du Pr René Frydman, professeur émérite des universités, gynécologue-obstétricien.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous reprenons le cours de nos auditions en accueillant le Professeur René Frydman. J’avoue avoir quelques scrupules à devoir le présenter à notre commission, tant il occupe une place établie dans l’essor de l’assistance médicale à la procréation, et dans la réflexion sur ces pratiques. Au-delà même d’Amandine, en 1982, vous avez en effet notamment réalisé la première naissance après diagnostic préimplantatoire, et la naissance du premier bébé français issu de maturation in vitro. Vous avez également été amené à faire naître le premier « bébé médicament » en France ou « bébé du double espoir », selon vos propres termes.

Au printemps 2016, vous avez signé une tribune dans Le Monde, avec 130 médecins et biologistes qui reconnaissaient avoir aidé des couples homosexuels à avoir des enfants en infraction avec la loi, et s’engageaient pour que l’AMP soit ouverte à ces mêmes couples. Il semble donc qu’aucun des domaines du projet de loi soumis à notre examen n’échappe à votre activité.

Je rappelle également l’attention toute particulière que vous portez à la prévention de l’infertilité. Vous avez communiqué à la commission une note préalable, et je vous en remercie. Vous avez la parole pour quelques minutes de présentation. Je laisserai ensuite la parole et les questions à mes collègues pour que nous puissions avoir de nombreux échanges.

M. René Frydman, Professeur émérite des universités, gynécologue-obstétricien. Merci de votre invitation, Madame la Présidente. Effectivement, à la lecture – difficile – du projet de loi, j’ai le sentiment qu’une réponse a été donnée à un écrit cosigné par près de 100 médecins et biologistes de la reproduction, confrontés aux demandes de certains couples, de certaines femmes seules. Nous avons émis des vœux qui, je crois, pour la plupart sont exaucés dans le projet de loi avec des limites que je souligne, puisque nous n’étions pas favorables au développement de la GPA – nous pourrons éventuellement y revenir –, bien que ce ne soit pas dans le cadre du projet de loi.

Il y a cependant peut-être quelques manques à mes yeux, donc quelques points d’attention. Il faut revenir à la médecine et à l’offre de soins médicale qui est proposée, quelle que soit l’extension envisagée pour l’assistance médicale à la procréation (AMP). L’important est d’abord d’offrir une technique efficace. Elle l’est moyennement si l’on en juge par les résultats, et le médecin, le scientifique ou le biologiste qui travaille dans ce domaine est plutôt préoccupé par ce point-ci. Je pourrais résumer en disant que nous pouvons étendre l’AMP comme nous voulons, mais encore faut-il l’étendre avec un taux de succès significatif.

Je vais insister sur trois points situés plutôt en amont qu’en aval. La course en avant de la réponse apportée par la technologie est une chose, mais peut-être faut-il se préoccuper de la prévention, c’est-à-dire de l’information, et comme vous le savez, l’âge féminin est redoutable, puisque plus on avance en âge, moins on a de chances de concevoir. Cette information n’est pas assez systématiquement donnée, ce qui aboutit à des demandes de prise en charge beaucoup trop tardives, et avec de mauvais résultats. Or cette information pourrait être faite, comme elle l’est pour le cancer du sein ou le cancer du côlon, quelque chose qui soit modulé par l’Assurance-maladie, et qui avertisse toutes les jeunes femmes de ce risque à un âge déterminé, pas trop tôt et pas trop tard.

Le deuxième point touche à la prévention, aux recherches sur les causes de l’infertilité qui ne sont pas à la hauteur de ce qui est nécessaire. Or nous devrions comprendre pourquoi nous sommes confrontés à une infertilité du couple, aussi bien masculine que féminine, qui semble augmenter au fil des ans – non pas de l’âge mais des années que nous voyons défiler. Je pense que cela rejoint les préoccupations globales sur l’environnement où des réflexions et des recherches sont menées, mais un peu timidement. Il me semble donc qu’un coup de fouet devrait être donné. Sur l’infertilité, j’ai proposé, et je proposerai volontiers qu’il existe un comité permanent et un plan national sur le modèle du plan contre l’Alzheimer ou du plan contre le cancer : un plan contre l’infertilité qui permet d’aborder tous les aspects aussi bien de la recherche que psychologiques, sociologiques, mais qui soit situé essentiellement en amont. Voilà ma préoccupation, que je n’ai pas retrouvée dans le projet de loi. Je sais que ce n’est pas forcément du domaine législatif, mais c’est en tous les cas un vœu qui intervient en amont de tous les problèmes que nous allons revoir dans le détail. Cela me semble indispensable.

Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure. Vous avez évoqué vos inquiétudes sur la fertilité, l’évolution de la fertilité de la femme, la non-connaissance de ses cycles et de leur évolution, et on aborde indirectement la question de l’autoconservation des ovocytes, qui se trouve dans le texte. Quel est votre avis sur l’âge proposé dans le texte pour l’accès à cette autoconservation ? Nous avons entendu, dans d’autres auditions, des personnes disant que l’autoconservation devait être ouverte beaucoup plus tôt – pourquoi pas à partir de 18 ans ? Au regard de votre expérience, pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?

M. René Frydman. Notre discussion porte bien sûr sur l’autoconservation sans problème pathologique. Je crois qu’il est difficile de fixer un âge et qu’il faudrait, d’une façon générale, être un peu plus souple, voire raisonner au cas par cas, que tout soit relevé, documenté ; il n’est pas question de faire tout et n’importe quoi. Il y aura toujours des situations « limite ». On peut donner une tendance générale pour l’autoconservation : ni trop tôt, ni trop tard. Cela ne sert à rien de proposer une autoconservation à une jeune femme qui a tout l’avenir devant elle. Inversement, si l’on autoconserve à quarante ans, cela ne donnera pas grand-chose. Un rapport médical me semble important, et peut-être pourrait-on se contenter de donner une information à un âge fixe – 32 ou 33 ans semble opportun : il faut faire savoir que la fertilité baisse et qu’il y a éventuellement une possibilité d’y faire face, bien que ce ne soit pas la panacée et que ça ne puisse résoudre tous les problèmes. Il faut raisonner au cas par cas. Ainsi, si une jeune fille de 28 ans voit s’installer une endométriose, il y a une dimension pathologique possible mais le diagnostic d’endométriose va être discuté et cela va rendre la situation pas très claire. Une analyse médicale, un entretien et un écrit me semblent donc plus que souhaitables.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’ai plusieurs questions. Tout d’abord, de la petite Louise Brown et Amandine à maintenant, le progrès ne peut qu’impressionner. En l’espace d’une génération, la procréation a fait des avancées considérables, et l’on voit maintenant l’intérêt de l’étendre à toutes les femmes. Il n’empêche qu’il existe aussi des raisons de ne pas être totalement satisfait. L’une de ces raisons vient de ce que l’efficacité des fécondations in vitro ne progresse pas. Est-ce parce qu’il existe des conditions défavorables ou parce que l’on implante des embryons avec des aneuploïdies, alors que l’on pourrait avoir des embryons de meilleure qualité, donc beaucoup moins d’échecs – notamment si l’on développait la recherche sur le développement initial de l’embryon ? J’aimerais avoir votre avis sur ce point.

Je sais que la question de l’insuffisante information délivrée aux jeunes filles (mais aussi aux jeunes garçons) sur les conditions de fertilité vous tient à cœur. Que préconisez-vous et à quel stade ? Comment arriver à rendre la jeune population française enfin consciente de l’horloge biologique assez sévère qui affecte les uns et les autres. Si les garçons sont dans la procrastination, les filles retardent aussi l’âge de la conception. On a donc besoin d’informer les uns et les  autres.

Troisième question : que pensez-vous du don dirigé, c’est-à-dire celui qui résulte des demandeurs qui viennent avec leurs donneurs de gamètes ? Que pensez-vous de l’ouverture aux centres privés du recueil ou du prélèvement de gamètes ? Que pensez-vous du dispositif ROPA, autrement dit la réception des ovocytes par la partenaire ?

M. René Frydman. Ces questions sont effectivement importantes. La première est sans doute la principale, et ramène à ce que j’ai dit dit en introduction à propos de ma préoccupation sur le taux d’échec. Ces 20 % seulement de succès amènent à recommencer sans cesse de nouvelles tentatives. Je ne sais pas si dans votre entourage, vous avez eu connaissance de personnes ayant participé à ce genre de prise en charge médicale, mais c’est vraiment un parcours de combattant, de combattante. C’est difficile, il y a beaucoup d’échecs, et un couple sur deux n’obtient pas le résultat escompté. En 2016, près de 300 000 embryons ont été conçus après fécondation in vitro, et seulement la moitié ont été aptes à être transférés ou à être congelés pour un transfert ultérieur. Parmi ceux transférés, seuls 16,5 % ont donné lieu à une naissance d’enfants, il y a donc une perte énorme.

J’espère que l’ouverture que nous souhaitons sur les possibilités de recherche sera effective avant que soient écoulés les dix ans qui nous séparent de la nouvelle révision de la loi de bioéthique, sinon, nous allons être vraiment bloqués. Le problème médical posé est que 60 % des embryons que nous implantons dans l’utérus ne vont pas se développer, et plus on avance en âge, moins les embryons ont la capacité de se développer. Nous avons donc le sentiment de faire une très mauvaise médecine, de faire une médecine en croisant les doigts, en espérant que cela fonctionne, alors que l’on pourrait avoir de meilleures connaissances, ou en tous cas, chercher à avoir de meilleures connaissances, pour ne pas faire des choses inutiles. Je ne crois pas qu’il soit justifié de dire que si l’on ouvrait un plus large accès au diagnostic préimplantatoire, pour apprécier le potentiel de développement embryonnaire, nous aurions de meilleurs résultats. Si l’on choisit les embryons à haut potentiel, on aura évidemment de meilleurs résultats d’implantation, mais globalement, un embryon à faible potentiel ne va pas être transformé en embryon à haut potentiel. Par contre, ce qui va changer est qu’on va arrêter de faire des gestes inutiles pour l’équipe médicale, mais surtout pour la patiente et le couple qui s’investissent psychologiquement et qui vont avoir encore une fois un échec d’implantation ou une fausse couche. Tout cela pourrait être détecté avant. À l’instar de la plupart des équipes internationales, nous demandons la possibilité d’utiliser le DPI mais pas de le généraliser, car nous savons qu’un certain nombre de couples ont un risque élevé : ceux où les femmes sont âgées – et nous sommes à une moyenne de 37 ou 38 ans –, et ceux où les femmes ont des échecs répétés. Je plaide pour ouvrir une possibilité de recherche sur les embryons qui vont être implantés, afin d’essayer d’éviter des gestes inutiles. Cela va changer le vécu des patientes, mais pas forcément le taux de succès. C’est quand même très important. Il n’y a pas très longtemps, j’ai rencontré un couple jeune qui avait fait plusieurs fécondations in vitro, avec à chaque fois 8 à 10 embryons et un transfert tous les deux mois, sans aucun résultat. Je les ai envoyés à l’étranger, puisque nous ne pouvions pas le faire en France, et il a été démontré que sur les dix embryons obtenus dans la tentative faite à l’étranger, neuf sur dix étaient anormaux. Neuf fois sur dix, on faisait donc l’implantation pour rien. Vous allez dire que l’on va sur l’eugénisme, que l’on est en train de sélectionner les embryons. Je crois qu’il faut être très clair : il ne s’agit pas de détecter telle ou telle caractéristique de l’enfant à venir, mais simplement de ne pas transférer ou congeler des embryons qui n’ont aucun avenir.

Quelles sont les voies de recherche ? Bien sûr, l’analyse chromosomique, parce que la plupart des aneuploïdies (les anomalies chromosomiques) aboutissent à des avortements et à des non-implantations. Mais il y a aussi une perspective de grands progrès dans les 10 prochaines années, car on voit, dans les réunions internationales, une recherche qui se développe pour caractériser le potentiel d’implantation. Il n’est pas question de rechercher d’autres caractéristiques de l’embryon – garçon ou fille, yeux bleus, ou tout autre bêtise. Il s’agit simplement de pouvoir déterminer, dans certains cas, une capacité à implanter ou pas. Puisque cette possibilité suscite l’émotion, je propose qu’une déclaration systématique soit déposée auprès de l’Agence de la biomédecine quand on envisage de faire cet examen et que, sauf motif particulier, il soit réalisé deux mois après. Cela distingue ce processus du deuxième chapitre du projet de loi qui concerne la recherche sans projet parental. Celui-ci concerne autre chose, les lignées cellulaires issues des cellules souche ; c’est donc autre chose.

Il faut peut-être distinguer les modalités, car on sait ce qu’on fait, on peut le justifier, mais on ne bloque pas le système comme il a été bloqué. J’ai vécu les quatre lois de bioéthique depuis 1994, et la dernière révision s’est intéressée à la congélation ovocytaire avec la cryopréservation : on a attendu 2011 pour pouvoir le réaliser en France, parce qu’on disait que c’était de la recherche sur l’embryon. Toute innovation était de la recherche sur l’embryon. À la lecture du projet de loi, j’ai trouvé que les deux aspects de la recherche, c’est-à-dire avec projet parental et sans projet parental, n’étaient pas suffisamment clairs, et qu’il y avait possibilité de confusion. Je rappelle que la loi du 6 août 2013, qui voulait ouvrir un peu la recherche sur les embryons destinés au transfert, n’a pas pu le faire, en raison de la phrase : « Tout embryon ayant bénéficié d’une recherche ne peut être transféré ». C’est la loi de 2013. La recherche sur l’embryon dans le cadre du projet parental, avec un projet de transfert et de grossesse, se voit donc opposer des obstacles qui posent problème. J’ai noté deux articles – les articles L. 2141-3-1 et L. 2151-5 – qui me semblent prêter à confusion et réinstaurer un blocage tel que celui que nous avons vécu avec la cryopréservation et la vitrification. Sur ce premier point clé, je crois être le porte-parole de beaucoup, même si cette recherche n’est pas la panacée et ne résoudra pas tous les problèmes. Nous pouvons offrir à certains couples un examen qui est aujourd’hui basé sur l’examen chromosomique, qui le sera demain sur les mitochondries, après-demain sur le métabolome et la production de protéines des embryons, pour pouvoir distinguer ceux qui, a priori, ont toutes les chances de s’implanter (encore que ce ne soit pas une garantie) de ceux qui n’en ont aucune, et en informer les couples.

Le deuxième point que vous avez soulevé est celui de l’information à donner aux jeunes. Cela rejoint le thème de l’information générale sur la gynécologie et la sexualité, même si les cours correspondants ne sont pas faits alors qu’ils sont obligatoires. S’ils étaient au moins réalisés sur la physiologie et la sexualité, nous pourrions glisser une information sur la fertilité. En effet, les jeunes ne sont pas très réceptifs lorsqu’on leur dit de but en blanc qu’ils vont avoir une infertilité à 35 ans. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, mais il faudrait l’inclure dans une démarche globale d’information qui n’est pas réalisée, et cela appelle peut-être à revoir la façon dont on communique avec tous les jeunes, au lycée et au collège, etc., sur le rapport à l’autre. Cela touche aussi à d’autres thématiques comme l’agressivité et le respect de l’autre, particulièrement des jeunes filles.

Après 50 ans, toute personne reçoit une lettre de l’assurance-maladie disant qu’elle peut participer à une campagne de détection du cancer du côlon. De même, on pourrait par une démarche systématique informer toute jeune femme que la fertilité baisse avec l’âge et qu’il est possible de s’en préoccuper avant, par des examens relativement simples, et éventuellement un recours à l’autoconservation si cela apparait nécessaire. Encore une fois, il faut avoir un accompagnement et une discussion, et non pas l’imposer. Il faut donc un dispositif en deux étapes, l’une à un jeune âge qui devrait s’inscrire dans une démarche plus large sur la sécurité la contraception, l’IVG, la grossesse, etc., et l’autre plus ciblée, systématique, vers l’âge auquel on peut se poser la question. Nous ne devrions plus trouver en face de nous des patientes qui nous disent qu’elles ne savaient pas, d’autant qu’il suffit d’acheter n’importe quel journal grand public pour voir que telle actrice de tel âge a réussi.

La troisième question que vous avez posée est celle du don. Au tout début de cette entreprise d’assistance médicale à la procréation, il n’y avait pas de loi, il a fallu attendre 1994. Pendant 12 ans, de 1982 à 1994, nous n’avions pas de loi sur l’anonymat ou le non‑anonymat du don (je parle de la donneuse dirigée ou pas dirigée). J’ai reçu à cette époque un certain nombre de couples qui avaient une donneuse connue d’eux, et en expliquant un peu les modalités, en particulier le croisement que nous avions mis au point, qui respectait l’anonymat, et laissait le libre choix – c’était possible à cette époque, mais je n’ai pas pu le refaire et je ne peux donc pas vous donner d’informations plus récentes –, même si la majorité des couples venaient avec une donneuse connue, ils choisissaient en fait l’anonymat : la donneuse qui les accompagnait allait fournir la banque, et eux recevaient de façon anonyme – mais ils avaient l’autre possibilité. Faut-il supprimer totalement l’anonymat ? C’est une réflexion qui, à mon avis, n’est pas aussi fondamentale que le recrutement des donneurs, et je voudrais insister là-dessus, puisque vous avez ouvert le chapitre du don de gamètes. Comment agir, dans le cadre anonyme ou non anonyme, pour avoir suffisamment de donneurs ? Une des craintes suscitées par la modification de la loi est le risque de pénurie. On parle beaucoup de pénurie et du risque de commercialisation. Premièrement, il faut pouvoir accompagner réellement les donneurs et les donneuses, et je pense que tous les centres, qu’ils soient privés ou publics, devraient pouvoir faire des campagnes d’information quand bon leur semble, quand ils ont l’opportunité de le faire, et non pas être suspendus à une campagne nationale de l’Agence de la biomédecine (ABM), qui est passée inaperçue de la plupart. Elle a un intérêt, mais aussi un défaut, celui d’être loin des patientes qui vont avoir un parcours difficile. Il faut donc un accompagnement de proximité et rester humain. S’il y avait régulièrement, dans les différents centres, des petits stands où l’on pourrait parler du don (surtout avec le changement de la loi) et de ses modalités (anonyme, pas anonyme, accès aux origines ou pas…) – je dis « dans les centres », parce que c’est là qu’il y a une effervescence autour de ce problème –,ce serait un pas en avant. Je parle de l’information, ce qu’on ne peut pas faire aujourd’hui, ce qui n’est pas autorisé. Dans l’hôpital où je travaille, je ne peux pas organiser un accueil pour parler du don ou aller dans une faculté à côté pour parler du don. Normalement, ce n’est pas autorisé. Il faut être très attentif à lutter contre le risque de pénurie et de commercialisation par l’information et l’accompagnement.

Deuxièmement, le projet de loi organise l’accès aux origines. Mon opinion personnelle concerne le donneur ou la donneuse. Je ne remets pas en question le fait qu’un enfant né par AMP puisse, à l’âge de 18 ans, demander à contacter son donneur ou sa donneuse, et que les parents soient libres de dire ou de ne pas dire quel a été son mode de concerption. À ce propos, je n’ai pas bien compris si serait marqué dans l’acte de naissance le mode de conception d’un enfant, indépendamment de la responsabilisation des parents. Si tel est le cas, je trouve très problématique d’enlever aux parents la responsabilité de dire. Cela revient un peu à tatouer sur un enfant son mode de conception – fécondation in vitro ou pas, d’ailleurs. On entre ici dans un domaine qui me semble très dangereux. Je serai donc pour laisser aux parents la liberté de révéler le mode de conception, c’est de leur responsabilité. On peut conseiller, indiquer ce qu’on pense être bien, mais c’est aux parents de le dire ou pas à l’enfant.

Par ailleurs, l’enfant a le droit de demander ou de ne pas demander à connaître ses origines. Le donneur doit accepter d’être contacté si l’enfant le demande, mais à mon sens, il devrait pouvoir 18, 20, 25 ans plus tard, s’écarter de la position qu’il a prise au moment du don. C’est un peu comme les engagements que l’on contracte dans le mariage : après, on a quand même la possibilité de divorcer. Dans le domaine qui nous incombe, c’est surtout une réflexion par rapport au CNAOP. Vous connaissez le CNAOP et le fait qu’un enfant né dans le secret peut demander à la commission de recontacter sa mère. La commission va le faire, mais elle va demander à la mère – si elle peut la contacter – si elle souhaite rester dans l’anonymat ou si elle accepte de rencontrer l’enfant qui le demande. Elle a la liberté de décider. Alors pourquoi, cette liberté serait-elle donnée dans un cas et pas dans l’autre ? Je pense que cela aboutirait, la plupart du temps, à une acceptation de la demande de l’enfant, mais il faut quand même préserver une liberté, parce que la vie change, parce que beaucoup de situations peuvent rendre caduque la volonté initialement exprimée. En tous les cas, c’est mon sentiment. Je suis bien sûr favorable à une ouverture vers les données non identifiantes, mais aussi au-delà, à partir du moment où est offert le maximum de liberté à tous les acteurs d’une pièce de théâtre qui est quand même très particulière parce qu’elle se joue à 20 ans d’écart : l’engagement du donneur au début, l’acceptation des parents de dire ou de ne pas dire le mode de conception, ensuite ce que j’ai évoqué à l’instant.

Vous m’avez demandé si les centres privés pourraient intervenir dans le recueil des gamètes. Incontestablement il faudrait que tout le monde participe à l’information sur le don. Il existe 100 centres en France, 50 publics, 50 privés, et je ne vois pas pourquoi ils ne le feraient pas. Ensuite, il existe des règles de conduite, et si ells sont respectées, je n’ai pas d’opposition à cette extension, à condition que les centres privés participent à une sorte de service public. Cela étant, on peut aussi faire confiance aux collègues. D’ailleurs, je signale qu’après 30 ans de cadre législatif et 40 ans de pratique effective, il n’y a pas eu de dérives importantes en France à ma connaissance. On peut donc guider et accompagner des pratiques médicales qui sont très encadrées – d’ailleurs l’AMP est une des pratiques médicales les plus encadrées.

Je pense que le don fléché pourrait être autorisé. J’ai constaté que lorsqu’à l’époque on expliquait les différentes possibilités, la plupart des couples se tournaient vers le don non fléché, parce que cela peut créer des tensions au sein de la famille ou d’un groupe d’amis. Le problème de la dette du receveur n’est pas si simple que cela, et il faut bien y réfléchir. Il ne faut peut-être pas l’interdire totalement, mais en tous les cas, déclarer le « pourquoi du comment » de façon très précise.

Le sujet de l’insémination post mortem n’a pas été abordé, mais il revient sur le tapis. Il est heureusement de très faible ampleur ; néanmoins, à partir du moment où l’on accepte qu’une femme seule ait recours au sperme d’un donneur, il me semble difficile de refuser le recours au sperme d’un conjoint qui est décédé ou à des embryons déjà conçus ensemble dans une volonté affichée, et comble de la difficulté, si ce n’est pas accepté, de demander à la veuve ce qu’elle souhaite faire des embryons. Ensuite, elle se retrouve seule et a le droit de recevoir le sperme d’un donneur. Nous sommes face à la quadrature du cercle et là encore, il faut sûrement proposer un accompagnement, mais ni trop tôt, ni trop tard. Il ne s’agit pas de répondre à une douleur que l’on peut comprendre et que l’on a pu voir dans les médias, mais il ne faut pas non plus permettre de prolonger à l’excès le projet parental initial. Il faut peut-être fixer un cadre, une fenêtre pour la prise de décision, qui serait ouverte à condition d’être accompagnée pour tester l’équilibre ou le déséquilibre que cela pourrait entraîner.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Monsieur le Professeur, vous avez déjà répondu par anticipation à certaines de mes questions. Je crois que la moyenne d’âge a été abaissée de 20 ans à l’Assemblée nationale, sous cette législature, et qu’elle est désormais de 42 ans. Or la moitié des personnes sont des femmes. La moitié de l’Assemblée nationale a donc dépassé le stade de l’âge biologique de 37 ans – je vois un peu d’émotion dans la salle et je veux donc juste partager un petit moment de solidarité avec toutes les collègues, de façon transpartisane… Nous sommes pile à la moyenne à partir de laquelle les femmes seraient vues comme âgées, là où ces messieurs sont encore jeunes biologiquement.

Vous avez évoqué l’inscription du mode de conception sur l’acte d’état civil. Ce qui serait indiqué sur l’acte de naissance n’est pas le fait qu’il y ait eu une conception par AMP, mais plutôt une filiation par consentement, ce qui revient à parler d’AMP, puisque c’est le seul mode de filiation par consentement qui existe aujourd’hui. Sinon, ce sont des filiations par vraisemblance biologique ou par adoption. Je ne sais pas si vous considérez ceci comme un tatouage stigmatisant ou pas, mais il est certain que la question posée aujourd’hui concerne l’égalité entre les enfants issus d’une famille homoparentale – qui seraient de facto informés de leur mode de conception, notamment par la déclaration commune anticipée de volonté inscrite à l’état civil – et les enfants nés de familles hétéroparentales, où le secret pourrait être conservé, ce qui ne veut pas dire qu’il le serait forcément. Certains réclament d’établir un parallélisme entre les situations de ces enfants, d’autres réclament le respect de la vie privée des couples et des familles, qui peuvent se ménager le moment où la relation serait révélée ou ne pas la révéler du tout. J’aimerais donc avoir votre avis sur cette question de l’équité entre les enfants face à cette information au regard de l’orientation sexuelle de leur famille.

Par ailleurs, vous avez fait un parallélisme avec l’accouchement dans le secret, quant à la levée de l’anonymat et à la capacité de revenir sur le consentement. Quid des enfants issus d’une AMP dont le donneur qui aurait consenti au départ à révéler son identité maintiendrait son consentement, tandis que pour d’autres il le retirerait ? C’est une question difficile, puisque l’histoire n’est pas la même que celle du cheminement d’un accouchement dans le secret. Préconisez-vous que l’on introduise en plus, ou différemment, le système du pli où des informations seraient données librement par le donneur sur son identité, sur ses motivations, etc. ?

M. René Frydman. Je crois que la situation idéale où tout le monde peut connaître ses origines n’existe pas, avec ou sans fécondation in vitro. Promouvoir un dispositif qui permettrait de répondre à toutes les situations ne me semble pas devoir être retenu, surtout si cela se fait au détriment d’une certaine forme de liberté sur laquelle je vais revenir. En effet, des donneurs décéderont, des donneuses vont venir d’autres pays, et on ne les retrouvera pas. Il y aura donc toujours des enfants qui n’auront pas ce qu’ils souhaitent. L’intérêt est quand même d’offrir au plus grand nombre une forme de transparence, mais il ne faut pas penser que l’on va répondre à toutes les situations. Il existe effectivement une certaine inégalité, et d’ailleurs, vous évoquiez au début l’inégalité hommes-femmes. Effectivement, elle existe et on peut toujours penser qu’il faudrait que les hommes aient également une ménopause à 52 ans. On peut le décréter, mais cela va être difficile à obtenir. L’égalité des droits et des chances est donc difficile à établir, mais le plus grand nombre de libertés me semble préférable, tout le monde étant respecté. Je serai donc plutôt pour le maintien de la liberté, pour les parents, de dire ou pas le mode de conception. Je m’interroge sur l’intérêt que représente l’inscription à l’état civil, qui sera tout de suite décodée. Qu’est-ce qui est informatiquement le plus simple ? Un enfant élevé par deux femmes n’a pas besoin d’un papier pour connaître son mode de conception. Le problème est que pour les dons réalisés au profit de couples hétérosexuels, on aura la même annotation, pour ne pas faire de différence, et on va donc entrer dans une discrimination générale entre les enfants qui sont nés par don et ceux qui ne le sont pas. En tous les cas, un éclairage va être décodé très vite. Je suis sûr qu’à l’école, ce sera très rapide.

Mme Coralie Dubost. Dans le projet de loi, il est prévu que ce soit simplement pour les enfants nés d’une AMP homoparentale, et non pour les autres enfants.

M. René Frydman. Je me demande si c’est vraiment nécessaire. L’enfant ne va pas apprendre qu’il est dans une famille monoparentale ou homoparentale en lisant son livret. Là, par contre, le fait de le marquer est un stigmate qui me gêne.

M. Jacques Marilossian. Dans la note que vous avez transmise en préambule à cette audition, je voudrais retenir deux points que vous avez déjà commentés, mais sur lesquels je voudrais des précisions.

Concernant la recherche sur l’embryon, vous avez rappelé dans votre note que l’interdiction du transfert hors projet parental, résultant de la loi de 2013, avait fini par s’appliquer même aux projets parentaux. À propos du projet de loi, vous dites que les deux articles L. 2141-3-1 et L. 2151-5 manquent de précision. Sans cette précision, cette interdiction reste inapplicable, et vous souhaitez une clarification et une simplification sur ce sujet. Vous distinguez « déclaration de recherche » et « autorisation de recherche ». Pouvez-vous nous expliquer plus en détail les clarifications que vous attendez du texte dans ce domaine ?

Vous avez aussi évoqué les tests génétiques, et vous le savez, l’eugénisme s’invite alors dans le débat. Pensez-vous que nous devrions tout simplement nous prémunir des risques d’eugénisme en déterminant très précisément ce qui est interdit, ce qui est autorisé, qui établit les conditions de réalisation, et bien sûr, d’utilisation de ces tests, etc. ?

M. Thibault Bazin. Professeur, merci pour ces propos très utiles à notre réflexion. Vous avez évoqué les situations frontières, et en juin, dans les médias, vous vous étiez aussi interrogé sur le remboursement de la PMA pour toutes. Cela conforterait peut-être l’idée d’un droit à l’enfant, alors que vous aviez en même temps alerté sur le fait que certains couples (malgré l’élargissement envisagé de la PMA à toutes les femmes) ne pourraient pas avoir l’enfant qu’ils veulent, en raison de limites biologiques ou morales. Selon vous, quelles devraient être ces limites ? Lesquelles devraient figurer dans la loi, lesquelles devraient rester du ressort du médecin ou de l’équipe, pour faciliter leur rôle et faire face aux désirs individuels ? Pour quelles raisons y a-t-il si peu de transferts d’embryons qui ne font plus l’objet de projets parentaux de la part de ceux qui les ont conçus ? Il me semble que moins de 20 % des embryons proposés au don trouvent des couples prêts à les recevoir. Enfin, si la PMA n’est pas accessible, pourquoi l’adoption ne serait-elle pas considérée comme une réponse au désir d’enfant, surtout si la possibilité de PMA avec double tiers donneur était ouverte ?

M. René Frydman. Je vais tout d’abord répondre sur le point de l’eugénisme. N’oublions pas qu’en France, toute femme enceinte peut faire un examen par une simple prise de sang, qui va lui permettre de connaître le statut chromosomique de l’embryon ou du fœtus qu’elle porte. S’il existait un problème d’eugénisme, ce serait à ce niveau-là, parce que 800 000 personnes par an le font. Plutôt que faire une liste de ce qui est autorisé ou pas, de ce qui va être valable ou pas en matière d’analyse embryonnaire, et de créer pour cela une commission permanente pour analyser toutes les situations individuelles, il vaut mieux contrôler ce qui est fait ; c’est une meilleure solution et personne ne s’y oppose. C’est pour cela que je vous parlais de déclaration, pour savoir pourquoi on fait cet examen, pour le justifier. D’ailleurs dans ma note, j’ai pensé que toutes les acceptations de PMA et, en dehors même de problèmes génétiques, tous les refus de PMA devraient être répertoriés, parce que cela donnerait un cliché de ce qui est fait, et qu’il n’y aurait pas de possibilité de discrimination. En effet, certains ont peur que les demandes de couples homosexuels ne soient pas acceptées ici ou là, ou les demandes de couples ou de personnes âgées. Ce serait donc une bonne chose que chaque fois qu’un centre accepte ou refuse la demande d’un couple ou d’une femme seule, il explique sa décision. S’agissant de la caractérisation de l’embryon (j’ai cité le Canada qui interdit par exemple le diagnostic du sexe), sauf quand est détectée une maladie génétique liée au sexe (mais là, on sort du cadre du tout-venant), on n’a pas à informer les parents du sexe de l’embryon pour qu’il n’y ait pas de tentation d’un choix. Ce n’est d’ailleurs pas ce que l’on va chercher, mais cela va apparaître au moment où l’on fait le caryotype, et c’est souvent fait à l’étranger pour d’autres raisons. C’est une situation qui est claire. Après, c’est quand on saura précisément pourquoi on fait ces examens que l’on pourra faire un bilan et peut-être décider de rétablir des limitations. Faire une liste a priori ne me semble pas judicieux, il faut plutôt déclarer que l’on va faire cette recherche de caractéristiques génétiques, en donner les motifs et avoir des documents qui permettent d’en faire l’évaluation, parce que ce qui se passe trop souvent est qu’on interdit de peur d’évaluer, ou qu’on interdit sans évaluer. Or les outils et la volonté de toutes les institutions, des médecins comme des biologistes, d’évaluer ce que l’on fait, existent réellement. L’existence d’embryons surnuméraires est la conséquence de la loi actuelle. Quand on dit qu’il n’est pas possible de détruire des embryons, même si les couples ne décident rien quant à leur avenir, évidemment, ils s’accumulent, et on déplore ensuite qu’il y ait beaucoup d’embryons dans les cuves. Si, en revanche, nous conduisions les études sur l’embryon dont nous venons de parler, on pourrait espérer pouvoir transférer un seul embryon et éviter les grossesses multiples. Nous ne garderions également que les embryons à haut potentiel d’implantation. Il n’est pas utile de garder les autres, qui n’ont pas de destinée si ce n’est de faire illusion et de créer de toute pièce des difficultés quant à la décision à prendre par rapport à leur devenir. Je crois qu’au bout d’un certain temps, sans manifestation du couple après plusieurs relances, il faut fixer une limite à la conservation des embryons. C’est parfois difficile pour les couples, et 15 à 20 % d’entre eux n’arrivent pas à trancher, d’où l’intérêt de pouvoir leur offrir des embryons ayant toute aptitude à s’implanter, même si le taux de réussite est loin d’atteindre 100 %. Il faut donc expliciter par écrit l’acceptation et le refus de l’AMP, que ce soit transparent vis-à-vis de la l’Agence de la biomédecine, et lever la confusion que vous avez signalée en écrivant un article de loi clair concernant la recherche sur des embryons destinés à être implantés, qui ne doit pas du tout être assimilée à celle qui peut avoir lieu en l’absence de transfert dans les cas où il n’y a pas de projet parental. Il faut bien distinguer les deux, et soumettre la première à déclaration et la seconde à autorisation, parce que dans ce dernier cas, on entre dans des études longues : c’est un travail scientifique qui va s’étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années, pour la mise au point de telle ou telle lignée cellulaire ou la mise au point d’une action thérapeutique. Alors que là, nous parlons d’un diagnostic proposé lorsque le couple est pris en charge, avec son consentement.

Au regard du remboursement, dans la pratique, on explique aux femmes de plus de 42 ans qu’elles doivent être conscientes de la difficulté de la démarche, et que le succès dépend largement de leur parcours personnel. On passe un quart d’heure à expliquer que c’est voué à l’échec, qu’il vaudrait mieux arrêter et peut-être se tourner vers l’adoption, qu’en tous les cas cela ne sert à rien de continuer. On s’entend alors répondre : « Docteur, j’y ai droit, c’est remboursé par la Sécurité sociale, et je vous demande de le faire, même si vous me dites que j’ai 0,01 % de chance de succès ». En effet, cela renforce un peu ce que la société voudrait éviter, c’est-à-dire la notion de droit à l’enfant. Je suis d’accord pour une prise en charge remboursée par la Sécurité sociale jusqu’à 43 ans, pour les deux premières tentatives, si cela n’a pas fonctionné, comme dans la plupart des pays. Ensuite, on peut réfléchir à établir une participation financière, en fonction des cas de figure. En effet, il ne s’agit pas d’écarter quelqu’un qui serait hors du jeu économique, mais aux débuts de l’AMP, beaucoup de couples étaient d’accord pour être soumis à une participation, ce qui renforçait un peu leur position, et l’idée que cette participation financière permette d’alimenter un fonds général pour la recherche était très bien accueillie. Je soumets cela à votre réflexion.

Mme Annie Genevard. Ma première question porte sur la pratique du double DPI. Cette pratique d’abord autorisée à titre expérimental a été pérennisée en 2011. Aujourd’hui, elle semble tomber en désuétude, car plus aucune équipe française ne la pratiquerait. En outre, le développement des banques de sang de cordon devrait conduire à réduire son utilité. Ne pensez-vous pas que dans ces conditions, il conviendrait d’abroger les dispositions qui la prévoient ?

Ma deuxième question porte sur la congélation des embryons conçus dans le cadre de l’AMP. En 1994, la conservation des embryons avait été autorisée, car si l’on savait conserver les spermatozoïdes, il n’était pas possible de conserver les ovocytes. Désormais, la technique de vitrification des ovocytes est maîtrisée, et l’on peut s’interroger sur l’utilité de la congélation des embryons. Ne conviendrait-il pas d’y renoncer puisqu’il suffirait de conserver les gamètes du couple et de les utiliser selon les besoins, pour concevoir à chaque fois un seul embryon qui serait transféré ?

M. Maxime Minot. Je voudrais revenir sur le don dirigé de gamètes. Certains disent craindre le risque de commercialisation et de monétarisation des dons de gamètes. Or, le don dirigé est déjà organisé dans le cadre du don d’organes. Je prends l’exemple de quelqu’un qui est soigné pour une grave insuffisance rénale, qui ne peut être durablement compensée par les techniques thérapeutiques classiques, et qui est dans l’attente d’un don de rein. Cette attente peut être longue, parfois trop longue, parce qu’il faut qu’un rein d’un donneur décédé compatible soit disponible. Depuis la réforme de la loi de bioéthique de 2004, l’article L. 1231‑1 du code de la santé publique permet de prélever un organe sur une personne vivante, qui doit être le père ou la mère du receveur, ou un autre proche par dérogation.

La réforme de la loi de la bioéthique de 2011 est même allée plus loin en ouvrant la possibilité de devenir donneur à toute personne apportant la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur. On peut donc recevoir un rein d’un membre de sa famille ou d’une personne avec qui l’on est engagé dans une relation affective durable, à condition bien sûr que le don ne se fasse sans aucune contrepartie – c’est garanti par la loi. Le don dirigé de gamètes ne serait en rien différent. Si les législateurs restent attachés à ce principe, la loi devrait garantir qu’à l’instar du don d’organes et du don de gamètes tel qu’il est prévu aujourd’hui, qu’il soit fait ou non par un proche, il resterait un acte sans aucune contrepartie. Quel est votre avis sur le don dirigé de gamètes ?

Mme Marie-Pierre Rixain. Je souhaiterais revenir sur l’âge biologique des femmes. Assurément, l’âge social et l’âge biologique des femmes se distendent au fur et à mesure des années, rejoignant peut-être celui des hommes, et la question du projet de maternité se pose parfois pour les femmes de manière douloureuse. Je souhaiterais donc avoir votre avis en tant que professionnel, qu’expert, sur une question qui a d’ailleurs été relevée ce matin par des associations. Peut-on allonger la durée pendant laquelle il est possible pour des femmes d’avoir recours à la PMA ? Comment la barrière de 43 ans est-elle fixée ? Est-elle basée sur des éléments objectifs ? J’imagine que ce sont des moyennes de probabilité. Cet âge évolue-t-il dans le temps ? J’entends également votre proposition quant au remboursement par la Sécurité sociale, et ce matin, des associations nous indiquaient que certains praticiens refusaient à des couples, à des femmes, l’accès à la PMA parfois dès 42 ans, en indiquant que ce n’était pas forcément réalisable et que le projet de naissance allait être fort difficile. Il faut bien sûr réaffirmer qu’il s’agit d’un droit pour les femmes, cependant nous imaginons bien la difficulté pour un certain nombre de femmes et de couples d’être confrontés à ce projet de maternité. La barrière de 43 ans qui est aujourd’hui établie peut-elle évoluer ?

M. René Frydman. Tout d’abord, il n’est pas utile de prévoir la suppression du double DPI. On a développé cette technique parce qu’il n’y a pas d’autre alternative lorsqu’on ne trouve pas de cellules souches histocompatibles. Il y a donc une seule façon de guérir l’enfant porteur d’une maladie sanguine : obtenir non une naissance aléatoire, mais une naissance permettant de recueillir du sang du cordon ciblé. C’était aussi une époque où le sang de cordon était disponible en bien moins grandes quantités qu’aujourd’hui, or cette contrainte devient moins drastique qu’auparavant. Évidemment, il peut toujours y avoir un cas où l’on ne va pas trouver de donneur histocompatible. Je pense qu’on peut donc laisser les choses évoluer toutes seules, sans prendre de décision qui pourrait empêcher de prendre en charge un patient qui n’aurait pas de cellules souches compatibles.

Faut-il favoriser la congélation ovocytaire ? Assurément. Je pense qu’on est désormais bien loin de l’interdiction de la précédente loi de bioéthique. Là encore, nous évoquons une technique qui apparait favorable à la réussite de l’AMP, mais tout dépend de la femme à qui on a affaire (on va revenir sur l’âge). En effet, certaines conservations ovocytaires donnent de très bons résultats à un âge relativement jeune, mais sont moins performantes avec l’avancée en âge. On peut donc favoriser la congélation ovocytaire, ce qui éviterait de créer des embryons surnuméraires, sauf s’ils étaient analysés, puisque cela permettrait de connaître leur potentiel d’implantation. Je n’y suis pas du tout opposé, au contraire, mais il faut encore travailler sur les techniques de congélation pour aboutir vraiment à des résultats identiques à ceux de la congélation d’embryons : les résultats de la congélation d’embryons restent meilleurs que ceux de la congélation ovocytaire, sauf chez les femmes jeunes, d’où l’intérêt de faire cette congélation chez les femmes qui ont un cancer, etc.

Le don dirigé en matière de greffe d’organes est dû à une pénurie, qui fait que l’on se tourne vers la seule solution disponible, en s’appuyant sur la volonté de réagir au sein d’une famille à une situation très grave. Je pense que nous ne sommes pas dans cette situation pour ce qui concerne le don de gamètes. Finalement, sur la base de l’expérience que j’ai eue, le don dirigé de gamètes permettra d’éviter des tensions psychologiques et, éventuellement, des pratiques financières douteuses. Nous ferons mieux respecter le principe d’égalité en offrant quelque chose qui est contrôlé, avec la levée de l’anonymat que nous avons évoquée tout à l’heure. Encore une fois, le don dirigé est d’abord une réponse à une pénurie. Or, pour les gamètes, nous ne sommes pas dans cette situation. D’abord, il faudrait démontrer qu’il y a pénurie, et par ailleurs je pense que nous avons les moyens de combattre cette pénurie, parce que certains CECOS ont une politique active de recrutement, et d’autres pas. Nous n’allons pas les citer ici pour en faire un tableau d’honneur, mais ceux qui développent des liens avec la patientèle recrutent des donneurs, alors que ceux qui ne développent pas de tels liens ne recrutent pas suffisamment. Je ne dis pas que c’est simple, mais encore faut-il se donner les moyens, et c’est pour cela que j’insiste là-dessus.

En ce qui concerne l’âge biologique, 43 ans est l’âge maximal du remboursement de la Sécurité sociale. Cela ne correspond pas à une limitation de la pratique médicale. J’ai toujours retenu que la loi permet de pratiquer une AMP jusqu’à l’âge limite naturel de la procréation. Le législateur s’était un peu protégé en disant 47 ans et trois mois. La femme peut donc faire une PMA, mais ne sera pas remboursée. Il y a d’une part les données statistiques qui montrent qu’il y a très peu de résultats, et l’âge intervient, mais à l’intérieur d’une tranche d’âge, cela n’exclut pas le fait de faire une analyse personnelle. Je dis souvent aux patientes que je vais regarder l’âge de leurs ovaires, sur la base de données biologiques. Si elles n’ont que 41 ans mais un âge ovarien de 45 ans, ou vice versa, il va en être tenu compte. Donc 43 ans pour la Sécurité sociale, et 48 ou 49 ans pour la limite médicale, parce qu’on ne veut pas rentrer dans des grossesses dites ultra tardives.

Mme Aurore Bergé. Je voudrais revenir sur la question des diagnostics, et notamment le DPI que vous avez largement évoqué. Vous êtes revenu sur les échecs d’implantation de certains embryons, vraisemblablement nombreux, qui conduiraient à des fausses couches. Je pense que tout le monde ici est d’accord pour dire qu’il est souhaitable d’éviter à un couple des souffrances inutiles, notamment l’épreuve d’une fausse couche. Il faut aller plus loin dans la réflexion. Est-on capable aujourd’hui, si l’on étend le champ du DPI dans le cadre de la PMA, de ne pas l’ouvrir en population générale ? Il existera forcément une demande extrêmement puissante pour une telle ouverture. D’autre part, où placerait-on le curseur ? Où est-il souhaitable d’aller ? On voit bien jusqu’où il est possible d’aller aujourd’hui et quelles seraient les évolutions futures, mais jusqu’où il est souhaitable d’aller en matière de dépistage de maladies, au-delà de la question des fausses couches ? Cette question est d’autant plus forte que nous vivons dans une société que l’on souhaite de plus en plus inclusive.

M. Bruno Fuchs. Monsieur le professeur, je suis ravi de vous retrouver dans cette enceinte. Vous vous êtes exprimé longuement et très précisément sur un grand nombre de sujets abordés dans la loi. Je voudrais revenir sur deux de ces questionnements. Le premier porte sur la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. J’ai senti une réserve dans votre expression. Je souhaiterais vous la voir préciser, au vu de votre longue expérience, donc du comportement et de la psychologie des patients que vous avez eus à traiter. Le fait de lever l’anonymat ne va-t-il pas limiter le nombre de dons, d’hommes ou de femmes qui souhaitent juste donner, faire un don de gamètes pour en faire profiter des couples infertiles, mais qui ne souhaitent pas entrer dans une histoire complète avec les enfants qui naîtront de ces dons ? À l’inverse, les projets d’enfant ne risquent-ils pas d’être freinés, en levant l’anonymat, par l’arrivée d’une tierce personne, alors qu’aujourd’hui, le couple vit avec cet embryon généré sans lien direct avec le donneur ?

Mon second point porte sur le double don de gamètes, sur lequel vous vous êtes moins exprimé. J’ai cru comprendre qu’il y avait une efficacité accrue de cette technique, qui n’est pas autorisée aujourd’hui.

Mme Elsa Faucillon. Ma question, très brève, concerne le contexte dans lequel se discute ce projet plutôt que le contenu de ses articles. J’aimerais que vous puissiez nous dire, si vous le connaissez, le nombre de PMA pratiquées dans des unités d’hôpitaux publics ou dans des centres publics, donc remboursées quasiment intégralement par la Sécurité sociale, ainsi que le nombre de PMA pratiquées par la médecine privée libérale. Il serait intéressant de connaître le coût que cela représente aujourd’hui dans le secteur privé, ainsi que la proportion des PMA qui y sont pratiquées. Il me semble que vous étiez signataire d’une tribune disant à quel point les unités de procréation médicale assistée dans les hôpitaux publics étaient en crise, ou en tout cas, n’étaient pas à la hauteur de la situation actuelle.

M. René Frydman. En ce qui concerne les limites qui pourraient être posées au diagnostic préimplantatoire, l’objectif est de déterminer les embryons sur lesquels il n’est pas utile d’intervenir et de donner un espoir, puisque nous avons la possibilité de savoir s’ils ont ou pas le potentiel de se développer et d’évoluer vers la grossesse et la naissance. Encore une fois, si j’ai bien compris votre question, on peut très bien décider aujourd’hui, en fonction des connaissances, de faire ces examens. Nous n’allons pas entrer dans le détail de l’étude des mitochondries, mais il existe un grand nombre de possibilités sur lesquelles travaillent nos collègues étrangers pour essayer d’apprécier de façon robuste cette potentialité de développement. Il ne s’agit pas d’analyser les caractéristiques de l’embryon afin de le choisir selon qu’il aurait telle ou telle capacité. C’est pour cela que je dis que ce test devrait être soumis à une simple déclaration. On sait ce qu’on recherche, on peut regarder ce qui a été recherché et on peut éventuellement évaluer si cette faculté peut être maintenue ou pas. Voilà comment je vois les choses, et cela me paraît bien préférable à ce système où il faudrait déterminer à l’avance ce que l’on peut faire ou pas. Les choses risquent de changer brutalement, dans peu de temps, si certaines recherches faites à l’étranger aboutissent à ce que l’on puisse effectivement apprécier convenablement le potentiel d’implantation.

En ce qui concerne la levée de l’anonymat, quand un couple vient dans le cadre d’un don, la première chose que je dis est de prendre le temps de la réflexion ; encore faut-il être accompagné, avoir quelqu’un de formé à cela et pouvant renvoyer aux éléments fondamentaux, pour ne pas regretter la démarche ou être perturbés par telle ou telle de ses étapes. Il faut bien parler de ce que sont la génétique et l’épigénétique, et on revient alors à cette question complexe : savoir qui accouche, qui est la mère, qui est le père génétique, qui est le père social, etc. C’est une histoire différente pour chacun. À ce stade, proposer l’AMP dépend aussi de ce qu’il s’est passé avant : si c’est suite à dix échecs consécutifs, ce n’est pas la même chose qu’une prise en charge directe parce qu’on estime qu’il n’y a pas d’autre alternative. Je persiste donc à penser qu’il faut donner une liberté maximale aux trois acteurs : la liberté des parents de dire, la liberté de l’enfant de demander à connaître son donneur et la liberté du donneur, qui a accepté d’être contacté, de suivre ce contact ou pas. C’est le maximum de liberté, me semble-t-il.

Le double don n’est effectivement pas abordé, mais il me semble devoir l’être, parce que beaucoup de femmes qui ont une perturbation de leur ovulation et qui sont seules, vont être autorisées à faire une PMA. D’autres femmes ayant également un trouble biologique vont rester sans possibilité. Le double don pose un problème qui mérite un accompagnement. Je prendrai l’exemple de nos camarades belges qui refusent 15 à 20 % des demandes d’AMP. Ils refusent quand ils sentent que le projet n’est pas équilibré. Dans tous les cas un peu difficiles, y compris en matière de double don, je suis très favorable à ce que l’on s’inscrive dans un protocole, dans une transparence qui donne du recul et permette une évaluation ultérieure, plutôt que prendre des décisions abruptes et décider, a priori, de ce qu’il faut faire ou pas. Le double don appelle un engagement et tout le monde ne peut pas l’accepter.

En ce qui concerne l’intervention des établissements de santés privés, il y a quasiment autant de centres publics que de centres privés d’AMP. En France, le coût de l’AMP est d’environ 3 500 euros, mais dans les centres privés, les honoraires libéraux s’y ajoutent. C’est une information que les couples doivent avoir, mais quel que soit le centre, ils vont être remboursés de la partie prise en charge par la sécurité sociale. Il n’y a pas forcément de dépassement d’honoraires, en tout cas il n’est pas forcément très élevé. Aux États-Unis, ce serait 15 000 euros. L’Espagne est devenue une plateforme commerciale, où tous les excès s’observent en matière de coût de la prise en charge médicale, et il est vraiment temps qu’on puisse s’occuper de nos patientes en France, plutôt que de les laisser aller dans un endroit qui est à mon sens condamnable au regard de ces pratiques commerciales. Si vous y faites tel examen, cela vous coûtera 6 000 euros, tel autre examen, 8 000 ou 15 000 euros. La pression est telle que l’on n’est pas dans le libre consentement, dans la libre information et dans l’accompagnement.

Mme Monique Limon. Vous avez en partie répondu à la question que je souhaitais vous poser, mais votre position sur le fait que les parents doivent rester libres de dire ou ne pas dire le mode de conception m’a marquée. J’aurais voulu, au regard de votre longue expérience, que vous puissiez mieux expliciter pourquoi. En effet, nous avons auditionné des personnes concernées par l’AMP ; quasiment toutes nous disent qu’elles ont besoin de savoir d’où elles viennent pour pouvoir se construire au mieux. Qu’est-ce qui vous fait prendre une position allant à rebours de ce besoin ?

M. René Frydman. Il existe des associations qui se sont fait connaître sur cette revendication de levée d’anonymat – qui aboutit, d’une certaine façon –, mais beaucoup d’autres enfants sont nés de cette façon et ne demandent rien. Or, ceux-là, on les entend moins. La première chose consiste donc déjà à prendre acte du fait que ce n’est pas parce qu’ils sont nés par AMP qu’automatiquement les enfants vont engager cette démarche. Certains vont le faire, on peut les comprendre, et c’est bien qu’ils puissent le faire, mais ce n’est pas non plus une démarche obligatoire. Il faut laisser la liberté aux enfants, quel que soit leur mode de conception, de vouloir remonter ou pas à leur géniteur. Certains considèrent qu’ils ont un papa et une maman, que la biologie est une chose, mais que la réalité en est une autre. D’autres voudraient aller vers une rencontre. Je suppose que vous avez vu le film Starbuck montrant un donneur ayant 530 enfants, dont 142 qui veulent le connaître. Évidemment, tout est possible, mais dans ce film, seuls 142 veulent le connaître. L’anonymat qui a été imposé ne me semblait pas une bonne chose ; le non-anonymat imposé ne m’en semble pas une non plus. On peut discuter, informer, accompagner, mais il me semble important que chacun puisse avoir sa liberté. En effet, si vous acceptez que l’anonymat disparaisse dans le cadre de la PMA avec don, vous n’êtes pas sans savoir que 15 % des enfants pris en population générale n’ont pas forcément l’origine qui était attendue. Je ne souhaite donc pas que nous allions vers un fichage des origines, mais vers une possibilité de connaître ses origines.

M. Hervé Saulignac. Vous avez abordé un grand nombre de sujets. Je vais revenir sur deux d’entre eux car je souhaiterais aller un peu plus loin, si tant est qu’il soit possible de le faire. Premier sujet : l’accès à l’autoconservation des gamètes quand il n’y a pas de problème pathologique. Vous nous avez dit : « pas trop tôt, pas trop tard ». Nous pouvons comprendre « pas trop tôt » pour éviter une autoconservation que je qualifierais de « confort », et qui ne me semble pas souhaitable ; par contre, une limite « pas trop tard » m’interroge beaucoup plus, d’autant que dans votre propos, vous avez insisté sur la baisse de fertilité avec l’âge. Ne faut-il pas aborder le sujet par le prisme de la durée laissée à une femme pour concevoir un enfant ? L’âge de 32 ans ne laisse-t-il pas trop peu de temps compte tenu de la baisse de fertilité avec l’âge ?

Ma deuxième question porte sur la connaissance des origines. Je partage votre point de vue sur le fait qu’il faudrait qu’un donneur reconfirme, en quelque sorte, son acceptation de lever l’anonymat, et le cas échéant, puisse revenir sur la décision qu’il avait pu prendre au moment du don. Dans ces conditions, ne pensez-vous pas qu’il n’y ait plus lieu de déclarer son approbation à la levée de l’anonymat au moment du don, et que le donneur soit simplement informé du fait qu’il peut être amené, à un moment ou à un autre, dès lors que l’enfant a 18 ans et qu’il souhaite le faire, à lever cet anonymat ? Il aura évidemment toute liberté d’y donner une suite favorable ou pas.

M. René Frydman. Concernant la dernière question, je pense qu’il doit accepter de donner son identité. Il la donne quand il va au CECOS, mais là, il la donne en sachant qu’il pourra éventuellement revenir sur cette acceptation, et que cette identité est enregistrée quelque part. Il me semble indispensable qu’il affirme au début du processus qu’il accepte d’être recontacté. Maintenant, s’il décède ou s’il est absent, il ne sera pas recontacté.

Si l’on autoconserve ses ovocytes à 32 ans, on garde sa fertilité de 32 ans, même si les embryons qui en résultent sont conçus et transférés à 40 ans. L’âge de 32 ans correspond donc à un potentiel de fertilité.

Concernant la durée de conservation, nous allons coller à ce qui existe dans la loi, c’est-à-dire qu’on peut faire une PMA jusqu’à 48 ans, sans dire que c’est 48 ans, mais en retenant la notion d’âge naturel de la procréation. Je crois que toute implantation d’embryons ou utilisation d’ovocytes doit se faire dans ce cadre-là et ne doit pas intervenir au-delà de cet âge. En effet, une grossesse, au-delà de cet âge, est incontestablement à risque, alors qu’elle ne l’est pas pour les femmes plus jeunes, sauf s’il y a des antécédents particuliers. La seule expérience que nous voyons revenir des jeunes femmes qui sont allées à l’étranger pour conserver leurs ovocytes est qu’un certain nombre sont enceintes naturellement. D’autres ont utilisé leurs ovocytes dans les trois, quatre ou cinq ans qui ont suivi leur congélation, mais il faut encore attendre un peu pour voir apparaître quelques cas particuliers. Je pense que la limite générale, parce qu’il y a un risque médical, se situe à l’âge naturel de la procréation, c’est-à-dire grosso modo autour de 48 ans, sûrement avant 50 ans.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Merci Professeur d’avoir répondu aux questions que nous nous posons ! Nous continuons à travailler pour faire évoluer le texte.

 

 

 

 

L’audition s’achève à seize heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du mercredi 28 août à 15 heures

Présents.  M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Xavier Breton, Mme Anne-France Brunet, M. Pierre Cabaré, M. Guillaume Chiche, M. Francis Chouat, Mme Bérangère Couillard, M. Marc Delatte, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Marie Lebec, Mme Monique Limon, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, M. Maxime Minot, Mme Bénédicte Pételle, Mme Claire Pitollat, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, M. Pierre-Alain Raphan, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, Mme Michèle de Vaucouleurs

Excusés. - Mme Valérie Beauvais, M. Philippe Gosselin