Compte rendu

Commission spéciale
chargée d’examiner
le projet de loi relatif
à la bioéthique

– Audition de Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste ..........2

 Présences en réunion...................................22

 

 


Jeudi
29 août 2019

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 11

session extraordinaire de 2018-2019

Présidence de
Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente


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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE DEXAMINER
LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Jeudi 29 août 2019

Laudition débute à dix heures quarante.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)

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La commission spéciale procède à laudition de Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste.

Mme la présidente Agnès Firmin Le Bodo. Nous accueillons maintenant Mme Geneviève Delaisi de Parseval qui, comme chacun le sait, est psychanalyste et chercheuse en sciences humaines, spécialiste de bioéthique. Certains ne manqueront pas de signaler que dès le début des années quatre-vingt, vous vous inscriviez dans des problématiques qui restent tout à fait actuelles, par exemple avec votre ouvrage intitulé Lenfant à tout prix. Essai sur la médicalisation du lien de filiation. Plus récemment, en septembre dernier, vous réagissiez dans une tribune de Libération à la publication de lavis du Comité consultatif national déthique (CCNE), en estimant que le véritable enjeu de la révision des lois de bioéthique est de permettre aux adultes conçus par don de gamètes daccéder à la connaissance de celui qui a contribué à sa conception. Cest dailleurs par ce sujet que commence la note préalable que vous avez transmise à la commission, ce dont je vous remercie.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval, psychanalyste. Je suis très honorée d’être entendue par votre commission, surtout à un moment qui est particulier, puisque le projet de loi est très près de devenir une loi, d’ici un mois, si j’ai bien compris. Comme je l’ai dit dans ma note, depuis des dizaines d’années – ce qui me rend peut-être la plus âgée d’entre vous –, j’écoute des sujets humains concernés par la procréation médicalement assistée (PMA). En tout premier lieu, et c’est presque le fil rouge que je ressens en lisant ce projet de loi, je me réjouis de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. Certains disent « l’accès aux origines », mais je préfère que les choses soient claires. Les donneurs étaient totalement anonymes et dans ce projet, ils ne le seront plus du tout, au sens où le donneur donnera en sachant qu’à la majorité de l’enfant conçu grâce à lui, ce dernier pourra avoir accès à son identité complète. Un certain nombre de pays ont déjà adopté ce système, notamment l’Australie, l’État de Victoria, la Suède, etc.

En termes psychanalytiques, un mécanisme très intéressant s’est joué dans les institutions. Au début, dans les vingt premières années des centres d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), il y avait un déni total de la participation d’un donneur de gamètes. À l’époque, j’étais consultante auprès d’un CECOS et nous expliquions aux parents qu’il y avait un don de gamètes, mais que c’était comme un don de sang. C’était quasiment anodin, même si « anodin » est un terme un peu fort. Beaucoup de parents étaient finalement très contents de ce système, la loi avalisant ce déni, puisque comme dans la filiation charnelle, le père était le mari ou le compagnon de la mère.

À la suite de nombreux colloques, discussions, etc., nous sommes passés à une autre phase, que j’appelle la phase de dénégation, qui n’est pas datée exactement. Les CECOS disaient aux parents demandeurs : « Oui, bien sûr, il y a eu un don de gamètes, mais ce n’est pas très important. Cela existe, mais ce n’est pas très important et n’aura pas d’incidence sur l’avenir de l’enfant, votre couple, etc. » A l’appui de cet argument, il était dit : « Le donneur est anonyme pour l’éternité et vous êtes donc protégés contre toute intrusion possible de ce donneur dans votre famille, quand votre enfant aura vingt ou trente ans. » Cela arrangeait un certain nombre de personnes tandis que d’autres commençaient à bouger un peu sur ces positions. Surtout, les enfants conçus ainsi grandissaient, évidemment, et se sont petit à petit constitués en associations, dont la plus importante est PMAnonyme. Vous avez peut-être entendu M. Vincent Brès qui est son président. Il est difficile de donner un nombre, parce que nous ne savons même pas combien d’enfants sont nés d’AMP avec tiers donneur, beaucoup ne sachant pas qu’ils ont été conçus par don anonyme. En tout cas, parmi ceux qui s’expriment, qui sont entre 100, 200 et 300 – il est impossible de donner un chiffre précis –, beaucoup s’expriment largement dans les médias. Vous les avez déjà entendus à la précédente législature, ils demandent à avoir accès à l’identité du donneur à leur majorité, tout en ayant bien compris que le donneur n’est pas un père. Ils ont un père et le donneur fait partie de leur histoire, mais ce n’est pas un père.

Pour vous donner un exemple, j’ai reçu avant-hier un SMS d’un jeune homme qui fait partie de PMAnonyme. Je lui ai téléphoné et il est d’accord pour que je cite son SMS. Il est marié, a un enfant de six ans et comme beaucoup de ces jeunes gens en ce moment, il a fait appel aux tests génétiques, qui font florès depuis environ deux ans. Il a passé deux ans à chercher son géniteur. Il s’est même mis en arrêt de travail, afin de passer ses jours et ses nuits sur Internet. Après moult figures, il m’envoie un SMS : « J’ai trouvé mon donneur de source sûre. » C’est une personne qui a fait des études supérieures, quelqu’un de très bien. Le hasard a fait qu’il est tombé directement sur les enfants de ce donneur (je n’aime pas beaucoup le mot « donneur », mais je m’en expliquerai plus tard, si vous le voulez). Il est tombé sur les enfants de ce monsieur, qui ont à peu près son âge. Ces enfants ont demandé qui il était et il leur a expliqué. Ils lui ont dit : « Nous sommes donc parents. Notre père nous a toujours dit qu’il avait fait des dons. » Cela a tout de suite allégé l’atmosphère. Pour l’instant, il est très prudent. Il m’a dit : « Tout se passe bien, mais je ne bouscule rien. La balle est dans le camp de ce monsieur. » Il connaît son nom, son adresse, mais ne l’a pas encore rencontré. Il a échangé des SMS avec lui. Il a vu ses enfants qui lui ont dit : « Nous nous reverrons plus tard. » Il me dit : « J’aimerais bien vous en parler, mais pour l’instant, tout va bien. »

J’ai suivi beaucoup de personnes dans ce cas et je dois dire que je suis un peu inquiète de ce recours complètement fou aux tests génétiques. En ce moment, un millier de jeunes gens passent leur vie sur Internet à chercher leur donneur. J’ai vérifié auprès de M. Vincent Brès, pour l’instant, une quinzaine de jeunes gens ont trouvé leur donneur et jusqu’à présent, tout se passe bien. En tant que psychanalyste, je me méfie un peu. J’ai peur qu’un jour, les choses ne se passent pas si bien. Cette loi me réjouit vraiment. Ce jeune homme me disait tout à l’heure au téléphone : « Si ce projet de loi passe, nous ne serons plus obligés de passer nos jours et nos nuits sur Internet. Les choses seront claires. » Je me réjouis donc beaucoup de cet article 3 qui permet de révéler des renseignements complets sur cet homme à la majorité de l’enfant.

Un point m’inquiète un peu et ne me semble pas vraiment abordé dans la loi. C’est la question du don d’ovocytes, qui est un peu plus compliqué que le don de sperme. J’ai suivi un certain nombre de patientes qui ont eu des enfants grâce à un don d’ovocytes. Il y en a beaucoup moins que d’enfants nés par un don de sperme, puisque le don d’ovocytes a commencé en 1984 ou 1986. Pour la mère, il est beaucoup plus compliqué de dire qu’elle veut accéder à l’identité de la dame qui a donné son ovocyte, parce qu’elle a été enceinte, que c’est elle la mère. Bien souvent, rien n’est dit à personne. Les voisins, les amis savent qu’ils ont fait des fécondations in vitro (FIV). Un jour, la FIV fonctionne et l’on ne sait pas qu’elle a fonctionné, parce qu’ils sont allés en Espagne ou en République tchéque. C’est un deuxième point dont je me réjouis, à savoir que les patients ne soient plus obligés de dépenser un argent fou et de partir à l’étranger, alors qu’ils pourraient très bien faire cela en France.

J’ai un commentaire sur la version du projet de loi que j’ai lue, sur les articles 4 et 4 bis. Je sais que le 4 bis n’a pas été retenu, mais mon commentaire porte sur le fait de déposer une déclaration anticipée de volonté chez un notaire, si je comprends bien, pour les couples homosexuels, les femmes lesbiennes et les femmes célibataires. Si j’ai bien compris, puisque j’ai appris hier qu’il n’y avait plus de 4 bis, ce ne sera pas exigé pour les couples hétérosexuels. Les hétérosexuels se coulent dans le moule actuel de la filiation charnelle. Je me permets d’espérer que l’article 4 inclura les couples hétérosexuels dans cette déclaration anticipée, au sens où mon expérience beaucoup plus grande de couples hétérosexuels me fait penser que si ces couples qui ont reçu un don le disent à un notaire sous le sceau du secret professionnel, ce sera consigné dans les minutes du notaire. Ce ne sera su par personne, mais petit à petit, au fil des années, cela les aiderait peut-être à dire à leurs enfants devenus adultes – ou à l’âge qu’ils veulent –, qu’ils ont fait appel à un donneur. Je crois que d’un point de vue pédagogique, le fait qu’un notaire ait reçu cette déclaration anticipée de filiation pourrait les aider. Je suppose que ce sera discuté entre vous et avec les députés au mois de septembre.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Merci beaucoup. Les questions sont nombreuses.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Merci pour votre exposé, mais surtout pour le travail que vous conduisez depuis de nombreuses années sur le sujet, travail qui nous éclaire très précisément. Il nous permet d’y voir clair dans une jungle de points de vue de multiples psychanalystes ayant des positions diverses et variées. Il me semble que le vôtre a le mérite d’être adapté à notre temps. J’allais dire que c’est une réflexion moderne qui certes a des bases psychanalytiques historiques, mais qui sait vivre dans le monde d’aujourd’hui, avec les familles d’aujourd’hui, les besoins des enfants d’aujourd’hui. Cela nous permet vraiment de pouvoir légiférer en toute sérénité. Je voudrais donc vraiment vous en remercier.

À vous écouter, nous entendons très bien que vous êtes animée par le désir de toujours privilégier l’intérêt prioritaire de l’enfant. Au moment où peut être partiellement mis en tension l’intérêt de l’enfant au regard de l’intérêt des parents ou des tiers donneur – vous dites que le mot ne vous plaît guère, mais il faut nous dire quel mot utiliser à la place –, vous nous conseillez de choisir l’intérêt de l’enfant. C’est effectivement notre devoir de législateur. L’enfant est le plus fragile et c’est lui que nous devons protéger. L’évolution que nous allons engager permettra de donner à ces enfants la réponse à une quête très importante d’accès aux origines. C’est une quête importante pour leur développement psychologique, humain, mais également pour l’accès aux données de santé héréditaires qui leur sont nécessaires pour pouvoir se faire soigner de façon satisfaisante.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je voudrais ajouter un point concernant le jeune homme dont j’ai parlé. Tout à l’heure, il m’a dit quelque chose qui m’a frappée. Avant de me voir, il avait vu un autre psychanalyste. Il ne m’a pas dit son nom, mais il est paraît-il très connu sur la place de Paris. Il lui a exposé son dilemme et le psychanalyste a été formel. Il lui a dit : « Votre père est le donneur. » Je voulais le dire, parce que ce n’est pas le seul qui raisonne ainsi. Vous parlez de la jungle des psychanalystes et il est vrai que c’est une vraie jungle. Il me semble qu’il n’y en a pas beaucoup qui sont aussi formels, mais je voulais le dire. Excusez-moi de vous avoir interrompu.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. Je voulais vous remercier pour votre combat pour la levée de l’anonymat, cette évolution vers une société de transparence qui correspond aux temps modernes, en évitant les dénis, les mensonges. Sans juger ce qui a été fait au début, vous parlez de la phase initiale, où avec le Pr David, le don de sperme, comme le don d’organes, a été calqué sur le don de sang qui était le premier dans l’histoire. Tout a été fait sur ce modèle. Nous nous rendons compte ensuite que chaque modalité de don doit être prise dans sa singularité. Le don de gamètes est effectivement très différent du don de sang et vous avez eu raison de le rappeler.

Je voudrais citer une phrase tirée de l’un de vos écrits : « Nombre détudes font apparaître que le secret de lanonymat engendre souvent chez les enfants de la honte, sans quils comprennent pourquoi. » Cette honte confuse, souvent laissée dans le subconscient, mais qui transparaît, est tout à fait importante. Vous avez cité une anecdote et je voudrais très brièvement en résumer une autre. C’est une personne, que vous avez peut-être rencontrée, qui est maintenue dans l’ignorance du don, mais dont les parents sont d’âges différents, le père étant bien plus âgé que la mère. Cette personne a senti une confusion bien que ses parents s’aimassent beaucoup et qu’elle vécût dans une famille unie. Elle s’est imaginé que son père, âgé, était peut-être devenu impuissant et que la mère désireuse d’avoir un enfant avait trompé son père, avait cherché ailleurs, par voie charnelle, la possibilité de développer une famille et était ensuite revenue dans sa famille, en maintenant l’amour familial. Cet enfant avait en définitive transposé le don dans quelque chose qui était plus difficile à accepter que si on lui avait dit la vérité. Cette forme assez confuse de honte, qui suscite la recherche d’une vérité qu’ils n’arrivent pas à appréhender complètement, existe chez beaucoup d’entre d’eux.

Les chiffres, aussi mauvais, imparfaits, ignorés qu’ils soient suggèrent qu’aujourd’hui, 70 % à 80 % des enfants nés d’un don en France l’ignoreraient. Je le mets entre guillemets, puisqu’aucune statistique n’existe, mais en tout cas, c’est une très grande majorité d’enfants qui n’ont pas été informés de ce don. Ma question est la suivante : puisque nous avons d’un côté l’intérêt de l’enfant, de l’autre côté la réalité d’aujourd’hui qui est l’ignorance, faut-il encourager davantage la révélation de la vérité auprès des enfants ? Aujourd’hui, c’est vrai dans l’état actuel du texte, la déclaration anticipée de volonté ne vaudra que pour les couples de femmes homosexuelles et peut-être plus ou moins pour les femmes seules, mais pas pour la majorité des couples bénéficiant d’un don, c’est-à-dire les couples hétérosexuels. Ne sommes‑nous pas en train d’induire une discrimination négative contre les enfants nés dans un couple hétérosexuel – ce qui est quand même étonnant – qui seront privés d’avoir une chance d’accéder à leurs origines ? L’article 3 ouvrant l’accès aux origines sera voté, je n’en doute pas. Mais pour accéder à ses origines, il faut savoir que l’on est né d’un don. Or, si 80 % l’ignorent, 80 % n’auront pas accès à leurs origines. Vous encouragez nous à militer pour que cela soit étendu à tous, ce qui aurait l’avantage de n’introduire aucune différence, aucune disparité, aucune inégalité entre tous ceux, couples homosexuels, hétérosexuels ou femmes seules, qui recourent à un donneur ?

Je vais terminer par une question que vous-même avez posée dans votre texte. Vous parlez des donneurs « ancien régime ». Chacun comprend que cette expression vise les dons effectués avant la modification prévue par le projet de loi. Vous suggérez qu’il est important et nécessaire que nous nous organisions, pour que ces donneurs soient recontactés, pour que pendant cette phase intermédiaire, nous puissions donner une chance d’ouvrir la possibilité d’une évolution similaire pour les donneurs qui vont avoir leur sperme utilisé dans les jours prochains, comme pour ceux qui ont donné il y a déjà longtemps, et dont sont issus des enfants qui sont déjà nés ou dont vont naître très bientôt d’autres enfants. Évidemment, nous ne pouvons pas établir d’incitation « forte », puisque ces donneurs ont donné selon un contrat différent. Nous le savons pour en avoir interrogé plusieurs, certains parmi eux sont tout à fait d’accord pour ouvrir la possibilité de lever l’anonymat. Cela serait une solution bien plus satisfaisante que des tests génétiques ou des études de généalogie, car elle serait bien plus humaine que lorsque la vérité est découverte de façon indirecte, artificielle. Le contact humain entre les parents et l’enfant, c’est-à-dire les parents disant à l’enfant qu’il est né d’un don, comme le contact humain entre le donneur et l’enfant est sûrement la solution préférable. Vous nous encouragez à solliciter cela et si vous aviez des idées pour faciliter cela, nous vous en serons reconnaissants.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. J’ai envie de répondre « oui » à vos deux questions, mais je vais un peu développer. D’ailleurs, je le dis dans mon papier, j’étais restée sur le choix entre le 4 et le 4 bis et j’étais un peu désolée de voir que le 4 bis avait disparu du dernier texte du 24 juillet. Je crois qu’il n’y a pas de raison de faire une discrimination négative à l’égard des couples hétérosexuels, qui sont évidemment la majorité de ceux qui font appel à une PMA avec tiers donneur. Je connais bien ces couples, ils sont complètement étouffés par le secret. En général, il y a toujours quelqu’un d’extérieur qui sait. La mère a tendance à en parler à sa sœur, etc. Dès que quelqu’un sait, on connaît le secret de Polichinelle. Le fait qu’il y ait pour ces couples là aussi une déclaration anticipée chez le notaire ne les oblige absolument pas à brandir une pancarte : « J’ai fait appel à un don de gamètes. » Le seul fait de dire à ce personnage incontestable et incontesté qu’est un notaire : « Nous avons fait appel à un don de gamètes et nous vous le disons. Nous ne savons pas si nous le dirons ou pas à notre enfant, mais en tout cas, nous vous l’avons dit. » est bien plus léger que de dire : « Maintenant, c’est nous qui décidons. » J’ai vu des parents dont l’enfant est âgé de 25 ans qui me demandaient : « Ne croyez-vous pas qu’il faudrait lui dire ? » Ils ont quelquefois trente ou quarante ans.

Je vais vous donner une petite anecdote, si vous voulez bien. Un couple que je suis depuis quarante ans est venu me voir, il y a quelques années. Ils ont eu deux enfants par le biais des CECOS et m’ont demandé : « Il faut leur dire. Qu’en pensez-vous ? » Nous avons parlé et ils sont revenus quinze jours après, en disant : « Nous avons organisé un petit dîner avec nos enfants, avec une bouteille, en leur disant que nous avions quelque chose à leur dire. » L’un des enfants leur a dit : « Ce n’est pas la peine de nous cacher. Nous le savons, vous allez divorcer. » Sans doute avaient-ils entendu des discussions entre leurs parents. Ceux-ci ont dit la vérité. L’un des enfants s’est jeté dans les bras de son père en disant : « Merci d’avoir fait cela. Merci de nous avoir permis de vivre, d’avoir donné ton accord. Merci de ce geste héroïque. » Ils m’ont dit cela avec leurs mots et c’était très touchant. Dans beaucoup de familles, les enfants se font un roman familial, pensent qu’ils ont été adoptés, qu’ils sont nés d’un inceste ou d’un adultère. Si les parents ont déjà dit à quelqu’un d’important, qui est le notaire : « Nous avons fait appel à un don. Libre à nous de le dire ou pas. », cela change tout. J’espère que la loi ira dans ce sens.

Quant au fait que la commission qui sera mise en place grâce à vos soins puisse solliciter les donneurs, en leur demandant s’ils seraient d’accord pour révéler leur identité, un peu comme a fait le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP), c’est très bien. J’ai suivi de près les travaux du CNAOP et j’ai même participé, avec Mme Ségolène Royal, à la création du CNAOP en 2002. C’est très bien, parce que certains donneurs diront : « Non, cela ne nous intéresse pas. » et d’autres diront oui. J’ai suivi le travail d’une psychologue au CNAOP, il y a peu de temps. Elle a fait un travail remarquable d’accompagnement, entre la mère qui avait accouché sous X et sa fille de cinquante ans qui était ma patiente. Elle les a fait se rencontrer avec elle une fois et ensuite, elle leur a dit : « Maintenant, vous savez. Vous faites ce que vous voulez de cette vérité. » La suite de l’histoire se passe très bien. Je réponds aussi oui à votre deuxième question.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Merci de vos explications très enrichissantes. Je suis rapporteure de ces fameux articles 3 et 4 sur l’accès aux origines et l’établissement de la filiation. J’ai entendu la préoccupation de mon collègue sur l’extension éventuelle de la déclaration anticipée de volonté (DAV) à l’ensemble des couples ayant recours à un tiers donneur. J’entends le caractère discriminatoire qu’il pourrait y avoir à la réserver aux familles homoparentales. Je redoute que les espoirs mis dans la « DAV pour tous » soient en réalité juridiquement assez inefficaces. Étant donné le droit actuel de la filiation applicable aux familles hétéroparentales, quand bien même un couple hétérosexuel signerait une DAV au moment du consentement devant notaire, ils n’en auraient pas besoin pour reconnaître l’enfant. Il n’y a donc aucune garantie que la DAV soit transcrite dans l’état civil et que l’enfant soit informé. En réalité, une DAV serait très peu efficace en termes d’accès aux origines : seuls les parents qui souhaiteront donner l’information le feront savoir. Sinon, cela restera dans le secret notarié.

Par ailleurs, les couples hétérosexuels doivent déjà consentir au don devant le notaire. Je doute donc – je vous soumets cette question – que la filiation soit un moyen efficace d’informer de leur mode de conception les enfants issus d’une aide médicale à la procréation (AMP) avec tiers donneur. Au-delà de la question de l’identité du donneur, l’enfant est sous la responsabilité de ses parents jusqu’à sa majorité, mais il doit pouvoir s’autonomiser sur le plan médical dès sa « majorité sexuelle ». Je pense à un enfant né d’une AMP avec tiers donneur (peu importe l’orientation sexuelle de ses parents) qui à sa majorité sexuelle voudrait aller chez un gynécologue sans en parler à ses parents et aurait besoin de savoir quels sont ses antécédents médicaux, afin de pouvoir être correctement pris en charge. Nous savons qu’il y a parfois des contre-indications dans la contraception, selon certains héritages génétiques. S’il n’en est pas informé, comment peut-il recevoir le bon traitement, la bonne information ? N’est-il donc pas impératif de permettre cette communication, au moins à ce moment-là ? De quelle façon ? Avec quel type d’interlocuteurs ? Devons-nous le laisser à la discrétion des parents, tout en en réfléchissant à cet impératif ? Cela doit-il passer par la commission prévue par l’article 3 ou par une vigilance accrue du médecin de famille ?

Une autre option en matière de filiation n’avait pas été retenue dans l’avant-projet de loi et je le regrette parce que je trouve que c’est la solution la plus simple. C’est la simple extension du droit commun, ce qui est réclamé par une partie des associations. Il s’agit de dire : « Faites de nous des citoyens comme les autres, des parents comme les autres. Pourquoi ne pourrions-nous pas aller juste reconnaître notre enfant à l’état civil, sans avoir besoin de garantir la filiation par une DAV et en restant sur le consentement au don qui existe déjà ? » Nous pourrions avoir le même consentement au don, la même reconnaissance anténatale, ou postnatale et poser la question des origines en dehors du lien de droit qui se crée entre le parent et l’enfant. Déconnectons la question de l’identité de celle du lien de droit qu’est la filiation. Il est dommage que cette idée, intéressante, ait été évacuée du débat, parce que seules deux autres options ont été présentées au Conseil d’État. Cela permettrait également de voir la filiation sous un angle plus global, sans distinguer procréation avec ou sans tiers donneur, mais en faisant uniquement intervenir une notion d’engendrement. Sans avoir à questionner la vérité biologique, mais simplement sur cette idée d’engendrement, nous pourrions établir une filiation pour tous, indifférenciée selon que l’on naît d’une famille hétéroparentale ou homoparentale, avec tiers donneur ou sans tiers donneur. Est-ce ce plus pertinent pour la société et tous ces enfants de se sentir unifiés dans leur construction sur une filiation qui serait celle de droit commun ? Les techniques d’AMP interrogent certaines familles et la société, alors serait-il pertinent de distinguer des modes d’établissement de la filiation, non sur le fondement des origines, mais sur celui du lien de droit entre ceux issus d’un projet parental formalisé et ceux issus de procréation charnelle ?

J’ai deux autres questions. Lors d’auditions précédentes, nous avons entendu des approches parfois stéréotypées, parfois pas, sur la notion d’altérité dans la construction d’un enfant. Je voulais avoir votre point de vue là-dessus. Quelle altérité l’enfant doit-il percevoir dans sa construction et auprès de qui ? Cette question vaut également pour l’AMP destinée aux mamans solo. Enfin, vous avez dit quelque chose que je trouve intéressant, à savoir que le mot « donneur » ne vous satisfait pas. Quel autre terme nous proposez-vous et pourquoi ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Vos questions sont très difficiles, dans la mesure où je ne suis pas juriste. J’ai l’impression que vous l’êtes. Je rebondis sur la question de l’altérité. Nous ne pouvons pas faire comme si un enfant avait été conçu par les voies habituelles. Là, il y a la participation d’un troisième personnage. Je rends hommage à la loi qui, dès l’article 2, dit que finalement, un enfant est conçu avec trois personnes : les parents et un donneur qui fait partie de l’histoire familiale. Ce donneur n’est pas un fantôme, mais une personne en chair et en os qui a donné pour des raisons que nous ne connaissons pas, mais nous savons au moins qu’il a lui aussi des enfants. En principe, c’est une clause nécessaire. Je ne crois pas que nous puissions dire que les enfants issus du don sont des enfants comme les autres. Ils ont une histoire particulière, dont ils en feront ce qu’ils voudront. Ce n’est pas une histoire qui les stigmatise, mais c’est une histoire particulière.

Je crois que cest une façon peut-être imparfaite de répondre à votre question sur le mot « donneur ». Il y a eu un grand colloque, en 1984, qui sappelait « Génétique, procréation et droit » dont les actes ont été publiés chez Actes Sud. Tous les grands spécialistes de lépoque ont parlé, notamment le doyen Carbonnier. On lui avait demandé : « En droit, comment peut-on qualifier le don de sperme ? » Cétait une question tout à fait étonnante posée à un juriste. Il avait répondu en droit, évidemment. Je ne me souviens pas exactement de ses mots mais sa réponse signifiait : « Le donneur est un donneur dhérédité. Il ne donne pas sa personne, son sourire, son intelligence, son niveau détudes. Il donne son hérédité qui lui vient de plus haut. » Cela mavait énormément marquée et je ne suis sûrement pas la seule. Je men suis servie sur un plan thérapeutique, au moins une fois par mois, pour les patients qui se posent la question : « Au fond, qua donné ce donneur ? Peut-être que cest une personne qui na pas fait détudes, alors que moi, jai fait des études. Peut-être que ce nest pas quelquun de bien. » Ils se posent 36 questions. Je leur dis : « Le donneur a donné quelque chose qui ne lui appartient pas en propre, mais qui vient de ses parents, de ses grands-parents, de ses arrières grands-parents. Il a donné son hérédité, il na pas donné sa personnalité ou son intelligence. » Vous ne pouvez pas savoir à quel point cette phrase thérapeutique soulage nombre de couples. Cest absolument étonnant. Ils ne voient plus le donneur comme une personne qui leur fait face, un rival qui serait mieux ou moins bien queux, mais comme quelquun qui est comme nous tous. Nous sommes des vecteurs, nous transmettons nos tares ou les bonnes choses de notre hérédité, mais nous ne transmettons pas notre intelligence ni notre bêtise.

Dans tous mes écrits, je parle de donneur d’hérédité, mais je sais bien que ce n’est peut-être pas très facile à comprendre. Cependant, je vois que les patients le comprennent cinq sur cinq, si j’ose dire. Je ne pourrais pas très bien répondre à votre question, mais l’intervention du tiers donneur crée une histoire particulière, où l’enfant a été conçu grâce à l’apport de trois personnes, les parents et ce donneur d’hérédité. Ce n’est pas forcément bien compris, mais dans certains de mes écrits, je l’appelle « le cogéniteur ». Il serait trop long de vous expliquer mon point de vue, mais le vrai père qui est le mari ou le compagnon de la mère est également un géniteur. J’ai fait des travaux anthropologiques sur le père de la grossesse. Il a eu des relations sexuelles avec la mère avant la grossesse, attend cet enfant et est également un géniteur. Ce n’est peut-être pas lui qui a donné la « petite graine », mais c’est un géniteur. D’ailleurs, les Américains qui ont travaillé là-dessus ont inventé une expression : « engrossment », le père de la grossesse. Quand cette question vient dans l’entretien avec des couples, le père est soulagé qu’on lui rende sa part, qui n’est pas simplement : « J’ai mis mon nom sur l’acte d’état civil. C’est moi qui ai attendu l’enfant. C’est moi qui ai accepté que ma compagne reçoive un don de sperme. C’est moi qui étais là tout le temps, pendant la grossesse, etc. » Je réponds comme je peux…

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Je vais reformuler ma question sur la base de ce que vous dites. Nous parlons bien du vrai père, celui qui a attendu l’enfant, consenti à l’AMP, participé au processus, etc. Nous parlons de la responsabilité vis-à-vis de l’enfant à venir, de cette notion de responsabilité qui engendre des devoirs et des droits pour le parent et l’enfant. Est-il important de différencier cette responsabilité, selon que l’on a été engendré avec tiers donneur ou pas ? C’est la question finalement posée par la « DAV pour tous » : au nom de l’intervention d’un autre géniteur, d’un cogéniteur, au moment de la procréation, faut-il distinguer un mode spécial d’établissement de la filiation ? La filiation est un lien de droit emportant notamment des conséquences en matière de responsabilité et de transmission de patrimoine, entre un parent et un enfant. Il ne porte pas sur la question des origines. Faudra‑t‑il alors distinguer parmi les enfants issus de couples hétérosexuels ceux nés avec ou sans tiers donneur ? Faut-il parler de l’histoire, de la conception de l’enfant, de la science, de la procréation, de la question des origines, en déconnectant tout cela de la responsabilité au titre du lien de filiation ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Vous parlez de responsabilité et la loi est très claire : le donneur n’a ni droit ni devoir afférent à la paternité. Pour paraphraser Paul Ricœur, c’est une question d’identité narrative. Il n’y a pas aucune responsabilité établie au regard du donneur.

Je me souviens d’une mère qui est allée chez le pédiatre, avec son bébé qui avait de l’eczéma. Le pédiatre étant tenu au secret professionnel, elle lui a dit : « Docteur, mon enfant a été conçu avec un don de sperme. » Le pédiatre a répondu : « Peut-être que l’eczéma vient du côté paternel. », puis il s’est repris sur le « paternel ». La présence du donneur pose tout simplement une question d’information mais pas de responsabilité.

Mme Coralie Dubost, rapporteure. Loin de moi l’envie de provoquer : je veux bien au contraire distinguer ce qui questionné. Je sais que ce n’est pas simple, parce que le débat le confond, mais en droit, le lien de filiation ne vient pas questionner l’origine génétique. Le lien de filiation concrétise la responsabilité des parents envers l’enfant et de l’enfant envers les parents. Y a-t-il lieu d’établir une distinction selon que les enfants sont nés avec tiers donneur ou pas ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je vous réponds très clairement que non.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Voilà une réponse claire. Nous allons laisser la parole à nos collègues. Vous êtes très nombreux à être inscrits.

M. Thibaut Bazin. En réaction à la contribution écrite que vous avez bien voulu nous transmettre, j’ai trois questions. En réponse à l’infertilité sociale, non médicale, et à la souffrance du désir non satisfait d’accueillir un enfant, en quoi la PMA se différencie-t-elle de l’adoption en termes psychanalytiques ? N’y aurait-il pas d’autres formes de fécondité sociale pour les personnes infertiles socialement, afin de s’épanouir ? Enfin, quelle importance auront les mots que nous retiendrons dans le projet de loi en termes psychanalytiques ?

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Je voulais déjà vous remercier pour le partage de vos connaissances multiples. Ensuite, je voudrais revenir sur l’une de vos déclarations au sujet du projet de loi sur le mariage homosexuel en 2013 et de la filiation : vous avanciez que le modèle familial « père, mère, enfant » est une construction culturelle. J’aimerais que vous développiez cette prise de position, en vous appuyant sur vos multiples travaux concernant la parentalité, le droit de la famille, le deuil périnatal, par exemple. Comme j’aborde le sujet du deuil, quels seraient d’après vous les enjeux, si nous devions ouvrir le droit à la PMA post mortem ? Quels seraient les impacts sur les familles, notamment sur l’enfant à venir ? Pourrions-nous craindre des difficultés du développement personnel, toujours d’un point de vue de la psychanalyse ?

J’aimerais aussi que vous apportiez votre éclairage sur la double stigmatisation que va amener la DAV, aussi bien du côté des enfants issus de familles homoparentales que de ceux issus de couples hétérosexuels.

M. Xavier Breton. L’anonymat du don de gamètes est un sujet sensible. Il y a des avantages et des inconvénients à garder cet anonymat ou à vouloir sa levée complète. La réponse n’est pas simple. Des associations souhaitent le lever et vous avez fait référence à PMAnonyme. Vous en êtes d’ailleurs la présidente d’honneur. D’autres associations que nous avons reçues lors la mission d’information souhaitent le maintien de cet anonymat, en disant que la connaissance des origines n’est pas quelque chose d’essentiel et que cela risque de provoquer plus de bouleversements que de bien. Il y a un débat là-dessus.

Je vais vous poser la question sous langle du don. Dans la bioéthique à la française, nous avons de grands principes, comme la gratuité, la liberté du consentement et lanonymat. Nous parlons ici de la levée de lanonymat du don de gamètes, au motif que les gamètes, ce nest pas du sang. Cela va également différencier un peu le don de gamètes du don dorganes, ce qui montre bien que les gamètes sont un élément constitutif de lidentité et quil y a une dimension corporelle dans la filiation et la parenté. Ma question porte également sur le donneur. Aujourdhui, le donneur donne dans une dimension gratuite et désintéressée. À partir du moment où lanonymat sera levé, cette dimension complètement désintéressée disparaîtra, avec un risque que le donneur veuille se valoriser dans le don de gamètes, en étant le cogéniteur dun enfant. Pensez-vous que cela puisse provoquer un changement des profils des donneurs ?

Deuxièmement, en levant l’un des grands principes applicables à tous les dons, que ce soit don du sang, d’organes ou de gamètes, en l’occurrence l’anonymat pour le don de gamètes, n’allons-nous pas lever d’autres principes, notamment le principe de gratuité ? Nous savons fort bien que dans tous les pays où il y a pénurie de gamètes, cela provoque leur marchandisation. Ne risquons-nous pas de fragiliser l’ensemble de notre modèle du don, qui encore une fois est consubstantiel de notre exception française en matière de bioéthique ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je commence par répondre à M. Bazin. Vous demandez s’il n’y a pas d’autre moyen pour un couple infertile de faire le deuil de sa fertilité. J’allais vous répondre un peu naïvement, en vous disant qu’il y a l’adoption. Vous savez comme moi que l’adoption est un parcours semé d’embûches. Des couples ont fait les deux à la fois et ont des enfants adoptés et des enfants nés de dons. Il y a tout de même une différence majeure par rapport à l’enfant, au développement psychique de l’enfant, à savoir que dans l’adoption, il y a une blessure narcissique à vie, celle de l’abandon. Quelles que soient les circonstances de l’adoption, sa mère de naissance l’a remis soit dans un panier, soit à une institution. Elle n’a pas pu le garder. L’enfant ne sait pas pourquoi et ne saura jamais pourquoi. C’est ce à quoi tente de pallier le CNAOP avec beaucoup d’intelligence.

Dans le don de gamètes, il n’y a pas d’abandon. Le donneur donne pour des raisons qui lui sont propres, que j’ai découvertes moi-même en faisant cette recherche sur les donneurs en 1978, au CECOS de Necker. Le donneur tire des bénéfices secondaires de son don. En général, on vérifie seulement que son sperme est bon, mais il n’y a pas d’abandon. Le recours à un don est une façon tout à fait digne et noble, à partir du moment où le donneur est respecté en tant que personne, de pallier la stérilité, sachant que le don d’ovocytes est un sujet compliqué. Je ne sais pas si vous en parlerez pendant votre mission, mais c’est vraiment très compliqué. Ma religion n’est pas faite, si j’ose dire, parce que j’entends des parents dire : « Oui, il est très important de le savoir. » et d’autres « Ce n’est pas du tout important. » Dans l’ensemble, c’est plutôt : « Ce n’est pas du tout important. », mais je n’en ai pas entendu assez. Je ne sais pas si je réponds complètement.

Madame, votre question est très compliquée et elle en contient plusieurs. Vous avez parlé de la procréation post mortem. Il faut distinguer l’insémination post mortem du transfert d’embryon post mortem. Il y a eu un procès sur une insémination post mortem et pour moi, c’est carrément malsain. En revanche, la transplantation post mortem d’un embryon conçu par le couple, dont la malheureuse Maria Pirès a fait les frais... Son mari a eu un accident d’automobile en venant la voir à l’hôpital, alors que l’on venait de lui faire une fécondation in vitro. Il s’est tué et l’équipe médicale a refusé de transférer cet embryon qui était tout ce qui lui restait de son mari. Cet embryon avait été conçu par eux deux. Il y a eu une levée de boucliers et je crois que cela ne se ferait plus maintenant. C’est une bonne chose. À partir du moment où un être vivant a été conçu par les deux parents, je ne vois pas pourquoi sa venue au monde ne serait pas possible, même si la mort est évidemment très dommageable.

Je me permets de faire une toute petite parenthèse sur un travail collectif que j’ai réalisé avec des historiens, sous la direction de M. Daniel Roche, professeur au Collège de France, sur les enfants nés des veuves de la guerre de 1914. Cela paraît loin du sujet, mais comme vous le savez, un grand nombre d’enfants sont nés post mortem, le père étant mort à la guerre. Un livre a été publié : LHistoire des pères et de la paternité. Les historiens ont montré que cette génération d’enfants qui n’ont évidemment jamais connu leur père ne s’est jamais aussi bien portée que toutes les autres générations avant et après. Il n’y a pas eu plus de toxicomanie, etc. Simplement, ils avaient la photo du père qui était à l’époque posée sur la radio et on leur a parlé de ce père qui les avait désirés. La mort est évidemment très triste, mais ce n’est pas ce qui devrait changer les choses, à partir du moment où l’enfant est conçu.

Pouvez-vous me rappeler l’autre question, s’il vous plaît ?

Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon. Vous avez déjà quasiment répondu sur la déclaration anticipée de volonté et la stigmatisation des enfants issus de couples lesbiens.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Oui, c’est une question très importante. Encore une fois, je ne suis pas juriste, mais je crois que la déclaration anticipée laisse les parents complètement libres. Des parents peuvent dire au notaire qu’ils ont fait appel à un donneur et ne jamais en parler à leurs enfants – j’espère que non. Je fais une projection, puisque le dispositif n’existe pas, mais certains parents viennent me dire : « Vous êtes la première personne à qui nous le disons. » J’écoute et plus tard, ils me disent que le fait de l’avoir révélé à quelqu’un qui ne va pas le répéter à la terre entière les aide, les soulage et que probablement, ils parleront à leur enfant. Cela n’oblige en rien et ne discrimine en rien. Certains parents avec qui j’en ai parlé me disent : « On nous traite comme les homosexuels qui feront une déclaration anticipée, parce qu’ils auront lu le projet de loi. » Pour la psychanalyse, il n’y a pas de distinction entre l’homosexualité et l’hétérosexualité : il y a simplement la sexualité. Je leur dis : « Si vous trouvez que vous êtes mis au même rang que les homosexuels, c’est votre problème, ce n’est pas le mien. En tout cas, pour la psychanalyse, ce n’est pas un problème. »

Le don est un sujet qui me passionne particulièrement. J’ai beaucoup écrit sur le don. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, dans le sens où si l’on accède à son identité, le donneur va dire : « Je suis donneur, je suis très généreux. » J’ai revu beaucoup de ces donneurs, parce que la recherche que j’ai faite à l’hôpital Necker consistait à les voir au moment où ils avaient donné, c’est-à-dire quelquefois vingt ans avant et à les revoir vingt ans après. C’était passionnant. Ces hommes disaient que cela avait été un moment très important pour eux, que cela leur avait permis de résoudre des problèmes qu’ils n’avaient pas révélés à l’époque, parce que cela n’intéressait pas le biologiste, notamment qu’ils étaient très sensibles à la question de l’infertilité. Leur mère ou leur sœur avaient fait une fausse couche ou avaient eu un problème de fertilité. Quelquefois, ils se reprochaient même d’avoir contraint une compagne à faire une interruption volontaire de grossesse (IVG). Ils avaient l’impression de réparer quelque chose en donnant. J’ai entendu la même chose chez des donneuses d’ovocytes en Espagne qui avaient fait des IVG et pour elles, donner des ovocytes était également réparer quelque chose. Ce n’était pas quelque chose dont ils étaient fiers. Ils en avaient tiré des bénéfices secondaires pour eux.

Vous vous demandiez si la levée de l’anonymat allait toucher aux principes de bioéthique à la française. Lorsque j’ai fait mes premières recherches dans les pays où les donneurs sont dédommagés, ils l’étaient à hauteur de soixante euros. Je leur demandais : « Qu’allez-vous faire de ces soixante euros ? » Ils me disaient : « Je vais aller au restaurant avec des copains ou m’acheter une chaussure de ski, parce que soixante euros, ce n’est pas suffisant pour acheter la paire. » Ils ne donnaient donc pas pour gagner de l’argent. Je sais que des donneurs actuels se vantent d’avoir donné quarante fois, d’avoir pu construire une maison, etc. Les donneurs que je connais dans le cadre des CECOS sont des gens qui donneraient sans problème gratuitement. Un dédommagement de soixante euros n’est pas leur motivation. Je ne sais pas si je réponds bien votre question.

M. Xavier Breton. Je visais plus la marchandisation des gamètes, leur achat par les receveurs, que le dédommagement. Nous sommes d’accord, ce ne sont pas cinquante ou soixante euros qui sont importants. À partir du moment où l’anonymat est levé, c’est le principe de gratuité qui peut être questionné, avec notamment la possibilité d’acheter des gamètes sur Internet. Allons-nous entrer dans ce système ? C’était le sens de ma question.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Vous savez comme moi que ce marché existe et je crois que la loi va assainir les choses. Cela ne résoudra pas tout, mais en ce moment, le marché sur Internet est effarant. Ce n’est pas nous qui allons stopper cela. La gratuité et l’anonymat sont des principes de protection des personnes. Les choses changent. C’était la déontologie des CECOS en 1972 et nous sommes maintenant en 2019. La société a complètement changé, mais évidemment, je suis contre la marchandisation.

Mme Aurore Bergé. Dans certains de vos écrits, vous avez dit que vous aviez évolué sur la question de l’ouverture à la PMA pour les femmes seules. Il se trouve que nous souhaitons élargir l’AMP aux femmes seules. On fait souvent un parallèle entre un projet parental qui a été conçu initialement par une femme toute seule et la situation des familles monoparentales subies, où le père a été défaillant et est parti pour de multiples raisons. Pourriez-vous revenir sur les raisons qui vous ont fait évoluer personnellement sur l’ouverture de la PMA pour les femmes seules ?

Mme Marie-Pierre Rixain. Hier, le Pr René Frydman a plaidé pour la liberté du donneur de révéler ou non son identité au moment du don et de revenir éventuellement sur son choix initial au moment d’être sollicité pour une levée effective d’anonymat. C’est un point que vous avez évoqué, sur lequel j’avoue évoluer. Or, c’est également la liberté de l’enfant de pouvoir ou non avoir accès à son identité.

Je reviens également sur un point que vous avez souligné tout à lheure, celui de la liberté des parents de révéler ou non à leur enfant le mode de conception. Vous insistez sur le fait que le dire par exemple à un notaire permettrait à des parents de libérer une première parole qui leur permettrait ensuite de le dire à leur enfant. Imaginez-vous quau moment même davoir recours à une PMA, ces couples pourraient être accompagnés, sur le plan psychologique ou psychanalytique, afin de leur permettre plus facilement de révéler ensuite à leur enfant son mode de conception. Peut-on donner aux parents des outils pratiques pour le faire ?

Enfin, je voudrais revenir sur la procréation post mortem. Sur le plan psychanalytique, quelle est la différence entre un enfant dont le père est décédé au cours de la grossesse et un enfant conçu via un don de sperme de son père décédé qui aurait été congelé ? Je ne vois pas tellement la différence entre la conservation du sperme et la possibilité de transférer un embryon. À partir du moment où le père avait signé un accord sur le fait que son sperme pouvait être donné à sa compagne, il était dans un projet parental, un projet de paternité. Sur le plan psychanalytique, quelle est la différence ?

Mme Florence Provendier. Le projet de loi ouvre la possibilité aux enfants nés de PMA daccéder à leur majorité aux informations non identifiantes, ainsi quà lidentité du tiers donneur. Or, plusieurs pays européens tels que les Pays-Bas et lAllemagne ouvrent cette possibilité à lâge de seize ans. Dautres pays comme lAustralie ouvrent cette possibilité avant 18 ans si lenfant est reconnu comme suffisamment mature. En France, lenfant donne librement son consentement dans plusieurs domaines, avant sa majorité, notamment sur la sexualité ou sur des sujets en lien avec un divorce de ses parents. Dans la mesure où le futur adulte se construit tout au long de son adolescence, quel serait selon vous lâge auquel lenfant devrait avoir accès à tout ou partie des informations concernant le donneur, étant entendu que dans la note que vous nous avez transmise en amont de cette audition vous penchez pour la majorité ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je tâche de répondre à la première question sur le fait que j’ai évolué. C’est vrai, j’ai évolué, non sans doute. En termes psy, pour se développer, je crois qu’un enfant a besoin de deux parents. J’ai dit cela il y a très longtemps, en disant que le sexe des parents n’était pas si important que cela, mais que le fait qu’ils soient deux était très important pour moi, psychanalyste. Entre-temps, la société a évolué. N’oublions pas que depuis 1966, le législateur autorise l’adoption pour un célibataire. Finalement, il y avait une espèce d’équation à quatre coins, impossible à résoudre. Je me suis dit : « Puisque la société a évolué et que ces parents peuvent adopter, pourquoi ne pas accepter la PMA pour les femmes célibataires ? » En plus, j’ai rencontré plusieurs associations, notamment Mam’ensolo. Ce sont des femmes très bien, qui ne font pas partie des femmes célibataires en situation précaire sur le plan financier. Ma réponse n’est pas très satisfaisante. Je préfère le couple, un couple femme-femme ou homme-femme, mais je constate qu’un certain nombre de femmes célibataires n’ont pas trouvé le bon partenaire et arrivent à quarante ans. À ma connaissance, cela se passe bien, mais je ne connais pas tout. J’ai donc évolué.

Vous avez sûrement compris la différence entre linsémination post mortem et le transfert post mortem dun embryon. Il y a eu un procès célèbre à lépoque, dune femme qui disait « Mais mon mari était tout à fait daccord. » Le fait davoir du sperme ne garantit pas le succès de lAMP. Sinon, toutes les inséminations fonctionneraient. Cest une possibilité denfant, une virtualité denfant. Quand un embryon a été conçu, cela ne va pas non plus forcément fonctionner, mais lembryon est conçu. Il y a une différence entre cette virtualité du sperme tout seul et le fait quun embryon ait été conçu par les deux parents. Je me souviens très bien de cette personne : en discutant avec elle, javais vu que ce qui était important, cétaient surtout ses beaux-parents, qui avaient fait un peu pression sur elle, pour que leur fils mort ait un descendant. Plusieurs personnes lui ont dit : « Vous êtes jeune, vous rencontrerez quelquun. Il est très triste que votre mari soit, mais à 24 ans, vous rencontrerez quelquun. » Elle subissait vraiment la pression de ses beaux-parents. Il y a eu des articles là-dessus. Elle était bien consciente du fait quavoir le sperme de son mari dans une éprouvette noffrait pas une garantie absolue. À la lumière de ce cas, et jen ai vu un ou deux depuis, je crois vraiment que cela na rien à voir avec le transfert dun embryon post mortem. Le travail de deuil est très différent.

Laccompagnement des parents est une question fondamentale et cela concerne toute la loi. La commission que vous allez créer sera extrêmement importante. Les parents sont absolument seuls, ne sont accompagnés à aucun moment. Il y a trente ans, on leur disait : « Vous avez de la chance que la stérilité soit dorigine masculine, parce quil y a linsémination artificielle avec don de sperme (IAD). Monsieur, votre sperme est infertile, mais on met à la place celui dun homme fertile et cest bon. » Cétait dit de manière plus nuancée, mais ils ne sont jamais accompagnés, ou alors ils se font accompagner en payant. La commission devrait mobiliser des psychologues pour accompagner les parents. Je vois limportance de laccompagnement, mais arriver à prendre rendez-vous chez un psy, ce nest pas rien. Beaucoup ne le font pas et se contentent dun système très opératoire, en disant : « Nous avons réglé le problème dun point de vue médical, donc cest bon. » Laccompagnement à tous les niveaux est vraiment fondamental et la France shonorerait de le faire.

En Belgique, je collabore avec l’équipe de FIV de l’hôpital Saint-Pierre, dirigée par le Pr Houvirse, et tous les parents voient quelqu’un. On ne leur demande pas leur avis, on leur dit : « Cela vous embête, mais il faut le faire. » Quelquefois, cela débouche sur quelque chose, mais au moins, ils ont vu quelqu’un et pourront peut-être, dix ans après, en reparler à cette personne ou à une autre.

Je ne sais pas si l’âge précis d’exercice du droit est très important. En général, on dit que c’est quand l’enfant est suffisamment mûr pour entendre cela. Je crois que les adolescents sont très mûrs maintenant. Des parents me demandent s’il faut le dire à six ans, à l’âge de l’entrée en CP. C’est difficile, parce qu’il faut connaître l’enfant. Si les parents sont au clair avec cette identité narrative, pour reprendre l’expression de Paul Ricœur, ils le disent très tôt. D’ailleurs, je vois que les jeunes couples le disent à la naissance. Ils le disent même quand le bébé est dans le ventre de la maman.

Mme Aurore Bergé. À quel âge l’enfant peut-il avoir accès à l’information, étant entendu que dans les couples hétérosexuels, très souvent, il y a un secret ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Il n’y a pas forcément de secret dans les couples hétérosexuels. Les jeunes couples hétérosexuels que je vois maintenant et qui ont 25 ou 26 ans le disent. Je suis même quelquefois un peu troublée par cette espèce de goût de la vérité à tout prix. J’ai vu plusieurs fois un couple qui a fait appel à un double don de gamètes. Le donneur de sperme était danois et la donneuse d’ovocytes était tchèque. Ils l’ont dit tout de suite à leur fille, qui a maintenant huit ans. Je ne sais pas trop ce qu’elle fait de cette information. J’ai envoyé cette jeune personne à une collègue psy, parce que j’ai trouvé que c’était un peu confus dans sa tête. Ma collègue m’a téléphoné. Cette petite fille est arrivée dans son cabinet et son premier geste a été de prendre de la pâte à modeler. Elle a fait quatre petits tas et les a donnés à la psy, en disant : « Voilà, c’est moi. » Elle est jeune et ne va pas mal, même si elle est insupportable. Que fera-t-elle de tout cela plus tard ? Je n’en sais rien, mais peut-être qu’elle ira sur le divan d’un psy, même si ce ne sera pas moi.

Mme Elsa Faucillon. J’avais beaucoup de questions, mais je ne vais en poser qu’une, tout en précisant que ma réflexion n’est pas totalement aboutie sur la question de la levée de l’anonymat. J’essaie de comprendre les ressorts psychologiques de cette recherche d’origines.

Dans le cadre de l’adoption, j’ai le sentiment de bien les comprendre : l’abandon est là et j’arrive à percevoir quels peuvent être ces ressorts. Dans le cadre de l’AMP avec tiers donneurs, je les comprends moins bien. Pourtant, j’ai écouté beaucoup d’enfants devenus grands qui veulent découvrir leurs origines. Je vous demande donc ce que vous constatez. Je le comprends lorsque cela résulte d’un secret découvert. Au bout de 25 ans, quelqu’un découvre qu’il est issu d’une PMA avec un tiers donneur. D’un seul coup, il a envie de savoir, mais quelque part, il a en fait plus envie d’aller chercher ce qui a fait ce secret. La volonté de découvrir les origines résulte-t-elle la plupart du temps d’un parcours fait de secrets ou pas du tout ? Qu’est-ce qui est finalement recherché ? Est-ce vraiment le fait de connaître l’identité de celles et ceux qui ont fait le don ou la recherche se situe-t-elle ailleurs ? Je ne sais pas si j’ai été claire, mais peut-être que c’est le résultat de mes doutes actuels.

Mme Anne-France Brunet. Je suis particulièrement intéressée de vous entendre sur l’insémination post mortem. Comme vous le savez, le projet de loi ne modifie pas l’état du droit. Pourtant, certains, notamment le Conseil d’État, expliquent que l’ouverture de l’AMP aux femmes seules devrait légitimement permettre de l’autoriser en cas de décès du conjoint. J’ai une seule question à vous poser : quel impact substantiel cette situation de deuil pourrait-elle avoir sur l’enfant à naître ?

M. Didier Martin. Je vais prolonger la question de ma collègue sur le père, la filiation et l’accès aux origines. Vous avez cité l’un de vos collègues psychanalyste qui a répondu : « Votre père, c’est le donneur. » Ici, même si nous n’avons pas bougé, cela a dû faire bondir pas mal d’entre nous, si ce n’est tout le monde. À cette question fondamentale : « Qui est mon vrai père ? », la levée de l’anonymat va-t-elle faciliter les choses et donner des éléments de réponse ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Madame la présidente, me donnez-vous une demi-heure pour répondre à ces questions ? (sourires)

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Nous aimerions beaucoup, mais ce n’est pas possible.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Vous vous interrogez sur la nécessité de révéler ou non à l’enfant son mode de conception.

Mme Elsa Faucillon. Je suis assez convaincue qu’il faut lui dire comment il a été conçu. En revanche, donner l’identité du donneur pour aller le rencontrer est différent. La première étape me semble assez essentielle, mais la deuxième m’interroge.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Le fait de le rencontrer n’est pas toujours la demande principale des enfants devenus adultes. Ils veulent savoir qui il est, pourquoi il a donné, s’il a des enfants. Cette recherche des enfants du donneur, qui ont plus ou moins leur âge, est très importante. C’est que les Américains appellent des siblings et dans l’association PMAnonyme, il y a quatre ou cinq jeunes gens qui ont découvert qu’ils étaient frères et sœurs, avec tous les guillemets qui s’imposent. Ils étaient conçus par le même donneur. Il y en a deux qui se sont mariés. Heureusement, ils n’étaient pas conçus par le même donneur, mais quand ils se sont mariés, on leur a dit de faire des tests, etc. Ils ne voulaient même pas faire de test, mais finalement, ils en ont fait et n’étaient pas frère et sœur.

Il ne s’agit pas simplement de connaître un nom. C’est : « J’ai été conçu par le corps d’une troisième personne. La forme de mon nez ou de mes oreilles vient peut-être de cette personne. » C’est un fait, quelqu’un d’autre a participé au projet parental des parents, parce qu’il leur manquait un gamète ou un ovocyte. Si j’avais du temps, je reprendrais l’expression de Paul Ricœur sur l’identité narrative : cela fait partie de leur histoire. Mais ce n’est pas une bombe à retardement. Ça ne l’est que s’il y a secret, comme vous l’avez dit. La plupart des histoires qui se passent mal, parce qu’il y en a quelques-unes, c’est parce que d’un seul coup, le secret éclate, à trente ans.

Madame, vous avez posé une question sur la procréation post mortem. Je dois dire que je n’ai pas très bien compris. Pour les mères célibataires, il n’y a pas de procréation post mortem, puisqu’elles n’ont pas de compagnon.

Mme Anne-France Brunet. Ce sont celles qui viennent de perdre leur conjoint. Cela concerne les femmes seules qui viennent de perdre leur conjoint. Je voulais connaître limpact sur les enfants à naître, cest-à-dire quel impact cette situation de deuil pouvait avoir sur eux.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Tous les enfants vivent le deuil d’un parent de manière évidemment très douloureuse. Il y a eu des travaux sur l’âge auquel les enfants vivent plus douloureusement le deuil, un psychanalyste pédiatre célèbre, Winnicott, disait qu’avant six ans, les enfants arrivaient assez bien à faire le deuil du parent et qu’après six ans, ils faisaient le deuil comme un adulte, de manière très ambivalente. Dans le cas que vous citez, cette mère expliquera à son fils ou à sa fille qu’elle voulait un enfant avec cet homme, son père qui a disparu. Ils feront le deuil ensemble, avec cette spécificité que l’enfant va un peu servir de béquille à la mère pour le reste de sa vie. Pour la mère, l’enfant représentera peut-être le compagnon qu’elle a perdu.

Ce n’est pas facile, ce sont des situations très atypiques, mais heureusement rares. En tant que psychanalyste, je ne vois pas en quoi j’aurais un jugement à porter là-dessus. Je ne crois pas que l’enfant en souffre toute sa vie. Tout est clair. Il fera parler sa mère, lui demandera qui était son père, pourquoi, etc. Nous avons tous connu des deuils et ne sommes pas tous forcément effondrés pour le reste de notre vie, mais là encore, il faut de l’aide.

Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question.

Mme Anne-France Brunet. J’entends que les conséquences pour l’enfant de cette situation très particulière sont identiques à un deuil qui pourrait être plus classique.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Dans tous les congrès, depuis environ trente ans, les orateurs, y compris des députés, des juristes, etc. font le lapsus « le vrai père », entendant par là le donneur. À ce moment-là, tout le monde dit : « Non, il ne faut pas dire cela. Le vrai père est le père social », mais le lapsus en dit long. Au début, je soulignais ce lapsus, mais après tout, jaurais pu en faire un moi aussi. En écoutant au fil des années les enfants devenus adultes conçus par IAD, je vois que bien peu font ce lapsus. Ils disent quelquefois « père biologique ». Évidemment, ils nadoptent pas sans rien dire mon histoire de donneur dhérédité. Ils disent quelquefois « père biologique ». On leur dit que dans « père biologique », il y a « père » et ils répondent : « Mon père, cest mon père », en désignant celui qui les a élevés. Je ne peux pas vous garantir que dans un coin de leur inconscient, il ny ait pas une notion de paternité dans le geste du donneur, puisque dans le geste du donneur lui-même, il y a peut-être un petit bout de paternité. Heureusement, la loi le précise, le père est celui qui a décidé de faire une IAD. Cest le père de la grossesse, comme je lai dit tout à lheure, mais je ne peux pas garantir que ce fantasme de paternité nexiste pas chez lenfant par rapport au donneur et chez le donneur par rapport à lenfant. Cela dépend des personnes.

En tout cas, je ne crois pas que ce soit un fantasme nocif. Je nai jamais vu dadulte né par IAD disant partout : « Je cherche mon père. », sous-entendu le donneur. Cest pour cela que je trouve la réflexion de ce collègue psychanalyste (que je ne connais pas) un peu fort de café.

M. Jacques Marilossian. Madame, vous connaissez l’opposition de certaines organisations à l’ouverture de la PMA à toutes. L’argumentation repose souvent sur un postulat très simple : un enfant, c’est un père et une mère, point. D’après vous, quelles sont les conséquences réelles de l’absence de père pour un enfant qui a deux mamans, voire une seule maman ?

Mme Elsa Faucillon. La déclaration anticipée de volonté permet de régler la question de l’établissement de la filiation pour les couples homoparentaux, ce qui la rend facultative, voire partiellement inopérante pour régler la question de l’accès à l’origine qui concerne aussi les couples hétéroparentaux. Par ailleurs, la PMA avec don de gamètes ne peut pas être niée pour un couple homoparental. C’est sa traduction par une mention sur l’acte de naissance qui aurait le mérite d’assurer l’accès aux origines. Toutefois, du point de vue psychanalytique, pensez-vous que la déclaration de consentement à la PMA devant notaire et l’incitation faite aux parents d’avoir ce dialogue avec l’enfant sont suffisantes ? Il est prévu que l’enfant ayant des doutes sur sa conception puisse interroger l’Agence de la biomédecine. Si nous devons assurer de manière formelle l’accès aux origines en dehors de cette communication préalable par les parents, jugez-vous préférable que cela puisse être fait par une mention sur l’acte de naissance intégral ou éventuellement par une communication à la majorité par l’Agence de la biomédecine ?

M. Philippe Berta, rapporteur. Effectivement, la société avance, mais la science avance encore plus vite. Je voulais revenir sur votre appellation de « donneur d’hérédité » et je vais y adjoindre immédiatement un qualificatif pour parler de « donneur d’hérédité partiel ». Je m’explique : aujourd’hui, nous savons ce qu’est l’hérédité, à savoir la transmission des chromosomes du père, des chromosomes de la mère, du chromosome mitochondrial par la seule mère, la transmission des bactéries dont nous avons parlé ce matin – qui apportent bien plus de gènes que nos propres gènes. Pour la formation basale de ce microbiote, c’est le fait de la mère. Il y a aussi l’épigénétique apportée par ce qu’est notre vie, par ce que nous vivons. Dans ce contexte, je crois qu’il faut bien expliquer au père social, tel que vous l’avez appelé, qu’il est aussi un donneur d’hérédité partiel, puisque par son accompagnement, son acte éducatif, il contribue également à l’hérédité de l’enfant.

M. Brahim Hammouche. Je voudrais revenir sur les enjeux du narcissisme dans la parentalité, lorsque cet enfant paraît enfin, lorsque cet enfant réel vient prendre la place de l’enfant tant attendu et idéalisé, comme l’écrivait d’ailleurs déjà Freud dans La vie sexuelle pour introduire le narcissisme, comme il s’imaginait être jadis son fameux « His majesty, the baby ». Avec cet enfant qui annonce une nouvelle génération et demande une réappropriation narcissique, ce mouvement parfois culpabilisant d’idéalisation et de désidéalisation, comment abordez-vous dans votre pratique clinique cette dialectique du réel, de la finitude et de la transmission de la vie, particulièrement pour ces enfants issus de la PMA ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. Ma question sera beaucoup plus simple et concerne la PMA pour les femmes seules. Il y a un mot que nous prononçons peu : l’amour. Effectivement, un enfant est la réunion de deux gamètes, mais également le résultat d’un amour entre deux personnes. D’un point de vue psychanalytique, un enfant peut-il se construire sans cette notion d’amour entre deux personnes, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles ? Il est très important de dire qu’un enfant n’est pas issu de deux gamètes, mais d’un amour. Comment les femmes isolées conçoivent-elles cela ?

Mme Marie-Tamarelle-Verhaeghe. Ma question sera un peu redondante : les réserves que vous pouviez avoir sur les femmes seules ne remettent absolument pas en cause la capacité d’une femme seule à aimer son enfant, mais interrogent plutôt la construction d’un enfant dans une absence d’altérité, ce qui revient à la question que posait M. Isaac-Sibille. Comme on dit, c’est le classique : « Qui coupe le cordon ? Qui permet la distance à l’égard de la mère ? », que ce soit un amour hétérosexuel ou homosexuel.

M. Bruno Fuchs. Tout à l’heure, vous avez parlé d’une stigmatisation négative qui toucherait les couples hétérosexuels qui ne seraient pas transparents par rapport à leur histoire. Chaque période de la société a sa propre vérité et aujourd’hui, nous sommes dans une vérité de transparence quasi systématique, voire absolue. À vouloir systématiquement rendre transparente l’histoire de chacun, ne craignez-vous pas d’avoir à l’avenir plus de patients dans vos cabinets, du fait de la nécessité de chercher leur histoire ? Peut-être faudrait-il également légiférer sur toutes les femmes qui ont des enfants de façon illégitime et ne le déclarent pas. Nous savons que beaucoup d’enfants ne sont pas légitimes et ne le savent pas. C’est peut-être la vraie population à laquelle la transparence devrait s’adresser. Bien sûr, la fin de mon intervention est une petite provocation…

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Monsieur, je crois que vous étiez le premier. Voulez-vous bien résumer votre question en deux mots ?

M. Jacques Marilossian. On dit qu’un enfant, c’est un père et une mère. Cet argument justifie l’interdiction de la PMA pour toutes. Puisque vous êtes psychanalyste, j’aurais souhaité vous entendre sur cette question, plutôt que sur des arguties juridiques et des déclarations de volonté. Un enfant a-t-il absolument besoin d’un père pour se construire ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je crois avoir en partie répondu à cette question, en disant que pour moi, un enfant a besoin d’un couple de parents. Le fait que ce couple soit composé d’un homme et d’une femme est certainement mieux, parce que c’est classique dans la cour de récréation. En revanche, l’enfant peut parfaitement se développer avec deux femmes, mais il faudrait assortir cette affirmation de beaucoup de nuances.

Je me souviens de lun de mes premiers patients élevé par deux femmes homosexuelles. Pendant des années, jai suivi ce petit garçon. Il ma dit que jusquà son entrée au collège, on lui disait : « Pourquoi ce nest jamais ton papa qui vient te chercher à lécole ? » Il disait : « Mon papa habite en Australie. Cest pour cela quil nest pas là. » Il ninvitait jamais ses copains à son goûter danniversaire. Il ma dit quà partir de la sixième ou de la cinquième, il disait : « Mes mères vivent ensemble », ce que tout le monde savait dailleurs.

Nous ne pouvons pas généraliser. C’est mieux qu’il y ait un père et une mère car cela s’inscrit dans une certaine banalité, mais un enfant peut très bien se développer avec deux mères, qui ne sont d’ailleurs pas isolées sur la planète. Elles ont des frères, des sœurs, des pères, des mères. Elles ne vivent pas dans un ghetto. Je réponds peut-être un peu rapidement.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. La question suivante portait sur l’accès aux origines inscrit sur l’acte de naissance.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je suis tout à fait opposée à cela, parce que c’est une vraie stigmatisation. C’est une affaire personnelle et la déclaration anticipée est bien supérieure. Si je peux dire un mot de ma propre histoire, j’ai un gendre qui a été adopté. Il a toujours su qu’il était adopté. Quand il s’est marié avec ma fille, il a demandé son acte intégral d’état civil et a vu la date de l’adoption, mais il savait déjà qu’il avait été adopté. Pour un enfant qui verrait d’un seul coup cela écrit en marge, ce serait une vraie stigmatisation.

(Échanges hors micro)

M. Jacques Marilossian. Le jour où il se mariera. Un enfant de six ans n’accède pas à son acte intégral de naissance.

Mme Marie-Pierre Rixain. Tout à l’heure, j’ai cité le Pr René Frydman et les éléments de liberté qu’il a évoqués.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. J’ai très souvent eu cette discussion avec lui et comme lui, je respecte la liberté. Il n’empêche que si vous donnez du sperme ou un ovocyte et que vous vous engagez à ce que ce soit définitif, vous ne pouvez pas dire : « Je me suis marié après avoir donné et ma femme n’est pas du tout d’accord. C’est ma liberté, je retire mon consentement. » Je ne comprends pas ce raisonnement. Personne n’est obligé de donner, ce n’est pas une question vitale. Si un donneur hésite à donner, parce qu’il se dit qu’après tout, il peut changer d’avis, il vaut mieux qu’il ne donne pas. Je ne suis pas du tout d’accord avec le Pr Frydman là-dessus. Je respecte la liberté, mais une personne donne en sachant que l’enfant demandera peut-être à la rencontrer. Je comprends très bien que l’on puisse douter, mais dans ce cas, on ne donne pas. Je suis en désaccord complet avec lui.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Il y avait une question sur le donneur d’hérédité partiel et le père social.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Monsieur Berta, je suis complètement d’accord avec vous. Effectivement, l’épigénétique est très importante. Comme je l’ai dit avec mes mots sur le père de la grossesse, le père social est également un donneur d’hérédité. Qu’on le prenne au sens propre ou métaphorique, c’est un donneur d’hérédité. D’ailleurs, je veux vous poser une question. On dit que les prostaglandines ont un rôle très important dans le déclenchement de l’accouchement. Ces prostaglandines viennent-elles du sperme du père social ou du donneur ?

M. Philippe Berta. C’est secrété par les cellules de l’utérus. Cela vient de la mère. Un autre élément est essentiel, dont on parle peu, à savoir la fameuse ocytocine, mais nous n’allons pas en parler ici.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. La cinquième question était celle de notre philosophe du jour sur le narcissisme.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. C’est une question difficile. Je ne sais pas si j’en ai compris l’ampleur. Pouvez-vous en dire plus ?

M. Brahim Hammouche. C’est une question sur le narcissisme et les modifications narcissiques liées aux parentalités que nous connaissons, aux parentalités dites simples. Dans le cadre de la PMA, nous avons à faire à une autre forme de parentalité. Qu’en est-il dans votre pratique clinique ? Je résume simplement, avec des mots compréhensibles.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Chez tous les parents que je vois qui sont infertiles ou partiellement infertiles je pense aux femmes qui peuvent porter un enfant mais qui nont pas dovocyte ou à celles qui ont une malformation utérine –, il y a une blessure narcissique difficile à combler. Il est important que ce soit dit. Un certain nombre de parents – cest lexception dans ma pratique clinique – a envie de comprendre davantage ce que cela représente et fait quelques mois ou quelques années de divan. Cest vraiment très marginal.

La plupart de mes interventions sont des consultations thérapeutiques, un peu à la Winnicott, que jai cité tout à lheure. Je vois les parents deux ou trois fois et je leur rends les moyens délaborer eux-mêmes leur solution. Cest une vraie blessure narcissique que de ne pas pouvoir transmettre la vie. Il y a dautres gains narcissiques dans la vie que de se reproduire et les personnes le comprennent très bien, mais cela vaut la peine den parler un peu.

Je ne sais pas si je réponds correctement.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Le sujet était vaste. En deux minutes, c’est compliqué. Les deux dernières questions concernaient l’ouverture de la PMA aux femmes seules.

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je n’ai pas bien compris votre question, monsieur. Était-ce un peu ironique ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. Non, pas du tout. Cela concerne la construction psychologie de l’enfant. A-t-il besoin de savoir qu’il est issu d’un amour ? Y a-t-il une différence entre le fait qu’il soit issu d’une femme seule qui a un projet personnel ou le fait qu’il soit issu d’un amour de deux personnes ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Si je l’avais compris de manière ironique, ce n’est peut-être pas un hasard. L’enfant voit l’amour quand il est élevé par ses parents. Il voit que ses parents l’aiment. Sur le fait que les parents l’aient conçu dans l’amour, je suis un peu sceptique. N’est-ce pas cela ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. À partir du moment où une femme seule désire un enfant seule, sans qu’il y ait d’amour partagé, est-ce qu’il y a une différence par rapport au fait qu’il soit issu d’un amour de deux personnes, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles ? Dans sa construction psychologique, y a-t-il une différence ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. J’avais mal compris. Mon expérience vient surtout de l’adoption, puisque j’ai suivi beaucoup de femmes seules ayant adopté des enfants. Je remarque que ce n’est pas facile pour l’enfant. Il a souvent le sentiment que sa mère l’a adopté afin d’avoir une certaine surface sociale, d’être comme tout le monde. Il pense à la vieillesse de sa mère, en se disant : « Je suis son bâton de vieillesse. » Cela ne se passe pas toujours très bien. Il est difficile de généraliser, parce que c’est vraiment une question de personnes, d’individus. Pour un enfant, il est bien de savoir qu’il n’a pas été désiré par une personne qui voulait juste compléter son centre d’identité sociale. Un enfant est aujourd’hui un must. Aujourd’hui, si l’on n’a pas d’enfant, on est marginal. Je caricature un peu. Je crois que cela demande un travail psychique supplémentaire, d’être élevé par un parent seul, dans les cas rares ou le parent reste seul toute sa vie. Des mères font une PMA et rencontrent quelqu’un plusieurs années après. Quelquefois même, cette personne adopte l’enfant. Le face-à-face, le tête à tête mère-enfant toute la vie, jusqu’à la mort de la mère, c’est difficile.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Il y avait une dernière question de notre collègue Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. Posée autrement, elle portait sur la dictature de la vérité. Vouloir la vérité et la transparence à tout prix ne génère-t-il pas dans certains cas plus de traumatismes que garder les secrets, s’ils sont bien gardés ?

Mme Geneviève Delaisi de Parseval. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je suis contre le terrorisme de la vérité, contre le terrorisme de la transparence. Cela peut être tout à fait contre-productif. J’en reviens à la liberté : nous ne sommes pas obligés de tout dire. D’ailleurs, les parents hétérosexuels qui ont fait des IAD sentent parfois que c’est le moment. Je pense à ceux qui viennent me voir, avec un enfant de 18 ou 20 ans. Ils me disent : « Nous pensons que c’est le moment de lui dire. Qu’en pensez-vous ? » Je suis tout à fait contre le fait d’ouvrir tous les placards, en disant que cela résout tous les problèmes. Je suis entièrement d’accord avec ce que vous suggérez.

Mme la présidente Agnès Firmin-Le Bodo. Madame, chers collègues, il me reste à vous remercier sincèrement pour ces échanges très intéressants. Nous pourrions continuer très longtemps, mais il faut savoir s’arrêter, car une autre audition doit avoir lieu. Merci beaucoup.

 

Laudition sachève à douze heures vingt-cinq.

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Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée dexaminer le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du jeudi 29 août à 10 heures 40

Présents.  M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, Mme Anne-France Brunet, M. Guillaume Chiche, M. Francis Chouat, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, M. Raphaël Gérard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Brahim Hammouche, Mme Marie Lebec, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Danièle Obono, M. Matthieu Orphelin, Mme Bénédicte Pételle, M. Jean-Pierre Pont, Mme Florence Provendier, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, Mme Michèle de Vaucouleurs

Excusés. - Mme Valérie Beauvais, M. Philippe Gosselin

Assistait également à la réunion. - M. Lionel Causse