Compte rendu

Délégation aux droits des femmes
et à l’égalité des chances
entre les hommes et les femmes

 Audition, ouverte à la presse,  de M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement                            2

 

 


Mercredi
2 octobre 2019

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 2

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente


  1 

La séance est ouverte à 18 heures 35.

Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Avant de commencer notre audition, nous devons commencer par procéder à la désignation dun nouveau vice-président de la délégation aux droits des femmes, un poste étant actuellement vacant au sein de notre bureau.

Jai reçu la candidature de M. Gaël Le Bohec.

En labsence dopposition, M. Gaël Le Bohec est proclamé vice-président.

En conséquence, le bureau de la Délégation est ainsi constitué :

 Présidente :

Mme Marie-Pierre Rixain

 Vice-présidents :

Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Valérie Boyer

Mme Fiona Lazaar

M. Gaël Le Bohec

 Secrétaires :

Mme Isabelle Florennes

Mme Sophie Panonacle

*

* *

La Délégation procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargés de la Ville et du Logement.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je suis ravie daccueillir M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, à loccasion du travail mené par la délégation aux droits des femmes en parallèle du Grenelle des violences conjugales lancé le 3 septembre dernier par Marlène Schiappa aux côtés du Premier ministre Édouard Philippe.

Comme je lai dit à vos collègues Mme Nicole Belloubet et M. Christophe Castaner, que nous avons également auditionnés récemment, je tiens à vous remercier pour la rapidité avec laquelle nous avons pu organiser cette audition. Cette rapidité traduit, je le sais, lensemble de la mobilisation du Gouvernement autour de la lutte contre les violences faites aux femmes.

« Quand jentendais le bruit de sa clé dans la serrure au petit matin, je ne savais jamais quel serait mon sort. Virée du lit à coups de pied ? Virée de lappartement avec cinq minutes pour faire mon sac et me retrouver dehors à quatre heures du matin sans sousvêtements, juste le temps denfiler un jean, un sweat, mais surtout sans nulle part où aller ? ». Cétait le témoignage de Camille, 34 ans, le 25 novembre 2014 pour le magazine Elle.

La maison, lappartement, le lieu de lintime, synonyme de sécurité et de protection, deviennent très vite, dans un contexte de violences conjugales, le lieu de tous les dangers, où tout peut arriver dès que lon entend le bruit de la clef dans la serrure.

Déjà au début des années 1970, Erin Pizzey, militante féministe britannique, décrivait dans son livre Crie moins fort, les voisins vont tentendre les femmes et les enfants victimes de violence conjugale comme des prisonniers enfermés dans un château fort. Ces récits nous font aisément comprendre à quel point il est crucial, voire vital, daccompagner une victime prête à la séparation au dépôt de plainte, mais également de sécuriser et dorganiser sa décohabitation avec lauteur des violences.

Ce qui se joue dans le principe même de décohabitation, cest la concrétisation de lautonomie des femmes qui décident de partir et de créer leur « chez elle », ce qui est souvent vécu par lagresseur comme une perte de pouvoir et de contrôle.

Dans ce cadre, rappelons que la loi du 4 avril 2006, voté à lunanimité à lAssemblée nationale et au Sénat, a marqué un véritable changement de paradigme. Les violences conjugales ont alors glissé de la sphère privée, où lagresseur agit impunément, vers un phénomène social, public, où le législateur est intervenu afin de mettre en place un arsenal juridique prévenant et réprimant ces agissements.

Pour ce qui est plus spécifiquement du logement, rappelons la loi du 4 août 2014 qui a fait de lattribution de la jouissance du domicile au conjoint non violent une règle, et non une exception. Toutefois, nous le savons, léviction du conjoint violent reste exceptionnelle, les ordonnances de protection sont accordées avec parcimonie et seulement 60 % dentre elles attribuent la jouissance exclusive du logement au conjoint non violent. Il nous reste à améliorer la coordination des dispositifs de mise à labri et daccès au logement, en développant ainsi quen mettant en œuvre le plus de moyens possible, efficaces, pérennes, susceptibles de sadapter au maximum aux situations hétérogènes vécues par les victimes.

En effet, ce qui est primordial pour que le processus de sortie des violences soit effectif et durable, cest que les victimes disposent dun logement sûr dans la durée, à même de sadapter à leurs besoins et surtout sans rajouter de la violence à la précarité et de la précarité à la violence.

Cest pourquoi, M. le ministre, il me semble que la problématique du logement est au cœur des dispositifs de lutte contre les violences conjugales – un grand nombre des auditions que nous avons pu mener soit avec les associations, soit avec les experts, en témoignent dailleurs.

Cest par le logement que lon crée les conditions de lémancipation dune emprise morale, physique, sociale et parfois économique – par un logement où il ne règne ni langoisse, ni la peur, ni lhorreur.

Aussi, aux côtés du Gouvernement, le Parlement se mobilise, notamment à travers notre Délégation qui remettra à Marlène Schiappa un Livre blanc nourri de recommandations à la hauteur de la gravité de la situation et susceptible doffrir aux femmes des droits effectifs dont elles pourront se saisir afin de séchapper de telles situations.

Cest donc dans la perspective daborder les problématiques des violences conjugales de la manière la plus complète possible que nous avons auditionné, au cours des dernières semaines, Christophe Castaner et Nicole Belloubet, et que nous vous auditionnons aujourdhui.

Sans plus tarder, je vous laisse donc la parole en vous remerciant une nouvelle fois davoir répondu favorablement à notre invitation.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement. Merci à toutes et tous de votre accueil et de la possibilité qui mest donnée de pouvoir travailler avec votre Délégation sur ce sujet extrêmement important de lhébergement durgence et de laccès au logement pour les femmes victimes de violences.

Vos propos ont rappelé à quel point il était important de pouvoir agir avec énormément de force et détermination sur ce sujet qui, depuis la campagne présidentielle de 2017, se trouve au centre de laction du Gouvernement. Non seulement nous en avons fait la grande cause du quinquennat mais, avec Marlène Schiappa et lensemble des membres du Gouvernement, nous avons également annoncé le Grenelle des violences conjugales il y a maintenant quelques semaines.

Les travaux de votre Délégation montrent à quel point la situation reste compliquée. Des drames humains surviennent malheureusement de manière beaucoup trop régulière dans notre pays et il ne faut rien laisser passer, ni dans les mots, ni dans les actes. Quels que soient nos positionnements politiques, nous avons tous le même objectif, celui de pouvoir apporter des solutions concrètes aux femmes victimes de violences.

Dans le portefeuille qui mest confié, il se trouve un sujet particulièrement important, celui de la mise en sécurité des femmes victimes de violences. Comme lexplique très bien la personne dont vous avez cité le récit, quand une femme est chassée de chez elle à quatre heures du matin, elle ne sait où aller. La mise en sécurité est donc absolument nécessaire et, si elle peut être assurée par tous les dispositifs dhébergement durgence, elle va au-delà, sa réalisation pouvant également se faire grâce au lien entre les services de police et ceux proposant un hébergement durgence, les travailleurs sociaux et lensemble des associations et des lieux où une femme ayant été victime de violences peut trouver refuge. Je tiens à parler de mise en sécurité car, à la différence des missions plus traditionnelles des centres dhébergement durgence, il sagit bien de mettre en sécurité des publics à lévidence très différents de ceux qui fréquentent régulièrement ces centres.

Au-delà de la mise en sécurité dans lurgence, pour quelques nuitées, lautre poste du dispositif est constituée par laccès au logement de toutes celles qui, du fait de leur situation conjugale, ont besoin de quitter le foyer, dêtre éloignées de leur conjoint afin de pouvoir continuer leur vie dans un logement pérenne. En parallèle de la politique de mise en sécurité, il doit y avoir également une véritable politique daccès à un logement durable.

Mon ministère est très impliqué dans la poursuite de ces deux objectifs. Vos questions nous donneront certainement loccasion de revenir sur le premier, celui de la mise en sécurité, mais je veux dores et déjà préciser quà lheure actuelle, nous disposons en France dun peu moins de 5 000 places dhébergement durgence destinées à accueillir des personnes victimes de violences, et que ce chiffre va passer à un peu plus de 5 000 places dici la fin de lannée.

Lors du Grenelle des violences faites aux femmes, nous avons annoncé une augmentation du parc dhébergement avec 1 000 places supplémentaires dans le courant de lannée 2020 : 250 places dhébergement durgence et 750 places dans le cadre dune allocation permettant davoir accès à un logement pendant six, huit, dix ou douze mois.

Le deuxième élément que je souhaite évoquer au sujet de la mise à labri est la question de lorganisation territoriale qui se pose notamment au sujet de lidentification des places pouvant être mises à disposition des femmes victimes de violences. Les informations dont nous disposons proviennent de différentes enquêtes organisées par mon ministère, mais un véritable pilotage, portant sur la localisation et loctroi des places, fait encore défaut. Lors du Grenelle, on a annoncé des modifications du dispositif actuel, techniques, mais extrêmement importantes. Les politiques dhébergement durgence sont gérées au niveau local par les services intégrés de laccueil et de lorientation (SIAO), chargés dorienter les publics en fonction des places disponibles. Nous sommes en train de mettre en place un lien direct entre les associations, les forces de sécurité et les SIAO afin que les places disponibles puissent être mieux identifiées en amont.

Un important travail est actuellement effectué par les services de lÉtat, les collectivités locales et les associations afin que laccompagnement des femmes victimes de violences se fasse systématiquement de façon collégiale : nous estimons en effet que cest nécessaire pour avoir la garantie que cet accompagnement soit effectué par des professionnels qui savent trouver les mots et proposer des solutions adaptées à la situation de chaque femme.

Pour ce qui est du deuxième objectif que jévoquais, consistant à renforcer ce quon appelle la politique du logement dabord, cest-à-dire laccès des femmes concernées à un logement de manière durable, afin que la situation à laquelle elles sont confrontées ait le moins dimpact possible sur leur propre vie et celle de leurs enfants qui sont souvent des victimes collatérales, il passe dabord par un accompagnement vers et dans le logement. Pour cela, nous avons travail, notamment avec les bailleurs sociaux, avec lesquels nous avons signé un accord important afin de mettre en place le Fonds national daccompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), et dêtre en mesure daccompagner plus de femmes victimes de violences vers un logement au cours des prochaines années.

Par ailleurs, je lai dit précédemment, sur les 1 000 places supplémentaires qui vont être créées en 2020, 750 correspondront non pas à un hébergement durgence, mais à un logement. Nous avons délibérément fait ce choix car, pour accompagner le mieux possible les femmes concernées, il vaut bien mieux leur procurer un logement, une véritable adresse, plutôt que de leur fournir une simple mise à labri pour quelques jours.

Enfin, nous souhaitons pouvoir identifier plus de logements dans le parc privé et le parc social. Pour ce qui est du second, nous avons signé la semaine dernière un accord très important avec lensemble des familles de bailleurs sociaux – cest un sujet sur lequel je métais engagé au moment du Grenelle –, dans le cadre du congrès de lUnion sociale de lhabitat. Cet accord permet de concilier les actions des bailleurs sociaux, des associations et de lÉtat, afin de mieux identifier les logements du parc social pouvant être fléchés vers des femmes victimes de violences.

Nous avons également pris des mesures importantes en ce qui concerne le parc privé, dans le cadre de discussions avec les bailleurs et les partenaires sociaux, dont je salue limplication – je pense notamment à Action Logement. Désormais, les femmes victimes de violences pourront être éligibles à la garantie Visale, une caution accordée par Action Logement qui permet de couvrir le propriétaire privé contre les risques dimpayés et de garantir la remise en état des biens, donc de le conforter dans la perspective de louer un logement à une femme victime de violences.

Vous le voyez, nous avons une politique très claire, qui repose sur deux objectifs : la mise à labri et laccès au logement, et qui se trouve déjà étayée par des actes très concrets passant par le renforcement des places dhébergement durgence, de laccompagnement et de laccès au logement.

Évidemment, cette politique ne fait sens que si elle est pleinement intégrée à une politique générale de laccompagnement des femmes victimes de violences qui comprend aussi un accompagnement parallèle dans laccès au travail et à un certain nombre daides, ou encore dans la préservation du cadre familial pour les enfants. Nous sommes très attachés à mener en la matière une politique collégiale, interministérielle, mais prenant aussi en compte lensemble des actions effectuées par des associations ou dautres acteurs, par exemple les élus locaux ou les acteurs privés ou publics du secteur du logement.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Merci beaucoup, M. le ministre, pour toutes ces précisions qui mettent bien en évidence les deux aspects principaux de la problématique qui nous intéresse, à savoir la mise en sécurité et laccès au logement.

Avant de céder la parole à mes collègues, jai deux questions à vous poser, lune de portée générale, lautre portant sur un point plus précis.

Nous avons reçu la semaine dernière Mme Marie Cervetti, présidente de lassociation Une femme, un toit (FIT), qui lors de nos échanges a exprimé une inquiétude que je me permets de relayer auprès de vous, afin de pouvoir, je lespère, la rassurer. Elle nous a expliqué que les centres dhébergement et de réinsertion sociale présentaient des problématiques de trois ordres : ils sont souvent mixtes, les publics reçus se caractérisent par une précarité extrême et ces publics ne bénéficient pas forcément dun accompagnement spécialisé, car les accompagnants sociaux ny sont pas aussi nombreux que, par exemple, au sein de lassociation Une femme, un toit. De ce fait, laccompagnement des femmes victimes de violences nest pas du tout le même pour les femmes accueillies par FIT que pour celles nayant pas dautre choix que de lêtre par un centre dhébergement, pas toujours adapté à cette problématique spécifique. Je souhaite donc dabord vous demander comment faire pour accompagner dans lurgence les femmes victimes de violences tout en tenant compte de leurs besoins spécifiques.

Plus précisément, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière les impératifs familiaux de ces femmes sont pris en considération ? Par exemple, lorsquelles ont des enfants, ce qui est souvent le cas, est-il tenu compte de la proximité avec un établissement scolaire pour lattribution dun logement ? Si je vous pose cette question, cest parce que la prise en compte de la problématique globale de la famille peut être déterminante dans la décision de ces femmes de quitter leur domicile.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement. Jai déjà eu loccasion déchanger – notamment avec Mme Cervetti, au cours du Grenelle – sur le sujet constituant votre première question. Si, à lorigine, les centres dhébergement durgence navaient pas lhabitude daccueillir des femmes victimes de violences, un changement très profond sest produit au cours des dernières années en ce qui concerne le public accueilli par ces centres.

Pour vous donner une idée de ce que cela représente dans notre pays, je vous dirai que mon ministère finance chaque soir 146 000 places, soit léquivalent de la population de la ville du Mans, au sein des centres dhébergement durgence. Depuis que je suis ministre, nous en avons pérennisé 14 000 de plus – ce qui représente à peu près autant de places pérennisées en deux ans que toutes celles layant été au cours du quinquennat précédent.

Cependant, la situation reste extrêmement compliquée, dautant que les publics qui étaient traditionnellement accueillis dans ces centres ont beaucoup évolué. Aujourdhui, il y a beaucoup plus de femmes et denfants à la rue quil ny en avait il y a quelques années, ce qui fait que leffort accompli pour renforcer les capacités daccueil doit en partie avoir pour objet de modifier les structures existantes afin quun plus grand nombre de places puissent servir à accueillir des femmes et des enfants.

Il y a un an et demi, en association avec la mairie de Paris, nous avons ouvert un centre daccueil appelé le Bastion de Bercy, qui comprend deux îlots séparés – lun dédié aux personnes seules, lautre aux familles –, et nous devons évidemment faire la même chose pour les femmes victimes de violences. La présidente de lassociation Une femme, un toit se demande si les nouvelles places que nous ouvrons doivent comprendre des centres dédiés exclusivement à laccueil de femmes victimes de violences. Si, en théorie, on a limpression que cest une bonne idée, je dirai que dans la pratique, cest souvent beaucoup plus compliqué quil ny paraît. Premièrement, il existe déjà un grand nombre de centres en France qui constituent un actif sur lequel on peut agir très rapidement pour pouvoir y accueillir des femmes victimes de violences ; deuxièmement, il existe déjà des centres spécialisés dans laccueil de femmes – je pense par exemple à la Cité des femmes dans le 13e arrondissement de Paris ; troisièmement, certains centres ont déjà fait en sorte dadapter leur accueil en faisant intervenir en leur sein des associations spécialisées dans laccueil de certains publics.

Jestime donc que, plutôt que de nous en tenir à une vision où cest soit lun, soit lautre, nous devons faire en sorte que les centres accueillant des femmes victimes de violences, quels quils soient, puissent le faire dans de bonnes conditions, que ce soit grâce à des associations ou grâce à certaines modifications de structure. Pour cela, il faut que le cahier des charges quon publie à chaque fois quon ouvre de nouvelles places, réponde expressément aux demandes légitimes de lassociation Une femme, un toit.

Votre seconde question consiste à savoir comment prendre en compte les impératifs dordre familial des personnes que nous accueillons. La première chose, cest évidemment de ne jamais perdre de vue ces impératifs, en particulier dans le cadre de laccompagnement vers le logement. À la suite des discussions que nous avons eues avec les bailleurs sociaux, nous avons décidé de renforcer significativement laccompagnement dédié à laccès au logement, précisément parce que cet accompagnement doit tenir compte des spécificités liées à la structure familiale des personnes concernées, mais aussi de leur lieu de travail, par exemple. Il faut bien avoir conscience du fait que ces sujets sont compliqués – les traiter nécessite de tenir compte dune multitude de facteurs, notamment de la répartition géographique des logements sociaux – et quil sagit là dune réalité quon ne peut changer du jour au lendemain. De même, quand nous demandons aux partenaires sociaux de nous accompagner dans le processus douverture de la garantie Visale, cest aussi pour faire en sorte de ne pas être tributaires dun seul type de logement, en incluant dans le dispositif le marché du logement privé.

Quand une femme victime de violences est prise en charge, la première des priorités réside dans la mise en sécurité ; cest ensuite le rôle des travailleurs sociaux que de définir le meilleur accompagnement, la meilleure solution pour un logement pérenne et les meilleures pistes pour permettre à la femme concernée de faire évoluer sa situation. Je salue le travail des équipes qui agissent localement dans le cadre du SIAO pour trouver des solutions, mais jai bien conscience du fait que nous avons encore beaucoup de progrès à accomplir dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la prise en compte des spécificités que vous évoquez.

Mme Sonia Krimi. Je commencerai par vous poser une question au nom de ma collègue Laëtitia Romeiro Dias, actuellement retenue dans lhémicycle. Si vous avez évoqué la création de 1 000 places supplémentaires dans le courant de lannée 2020 – 250 places dhébergement durgence et 750 places dans le cadre dune allocation permettant davoir accès à un logement pendant quelques mois –, force est de constater que dans nombre de départements, il ny a en général pas de places. Pouvez-vous nous indiquer comment la répartition des places va seffectuer sur le territoire, et comment chaque département doit procéder : faut-il bloquer un certain quota de places ou avancer sans en tenir compte ?

Jen viens à ma propre question. Létude nationale des coûts (ENC) qui a été mise en place prévoit un barème de dotation des centres dhébergement et de réinsertion, établi selon des critères quantitatifs : est-il prévu de redéfinir ce barème ? Comme jai déjà eu loccasion de le dire dans le cadre de notre Délégation, une femme victime de violences peut avoir besoin dêtre prise en charge à de multiples reprises – nous navons pas à la juger, mais simplement à la mettre à labri et à laccompagner autant de fois quelle le souhaite. Je comprends lintérêt dun barème quantitatif, correspondant au principe selon lequel il convient daider en priorité les structures qui accompagnent le mieux, mais nest-il pas envisageable de recourir à dautres indicateurs, fondés par exemple sur la pertinence des animations et la qualité des réinsertions, avec une évaluation de long terme ? En dautres termes, est-il prévu de revoir les modalités de lENC, et le cas échéant de quelle manière ? Peut-on continuer à accompagner, si possible dans de meilleures conditions, et en tout état de cause sans que laction mise en œuvre au profit des femmes soit conditionnée par des considérations uniquement financières – dont je ne nie cependant pas limportance ?

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je vous remercie, Mme Krimi, de vous faire le relais de Mme Romeiro Dias – que nous saluons, ainsi que tous nos autres collègues également retenus dans lhémicycle pour lexamen du projet de loi bioéthique.

M. Mickaël Nogal. Vous avez souligné, dans votre propos liminaire, la diversité des solutions que vous avez développées au sein du ministère de la Ville et du Logement pour les femmes victimes de violences conjugales. Comme vous lavez dit, la première étape est évidemment la mise en sécurité. Au-delà, je veux souligner linitiative de certains acteurs sur les territoires. Ainsi, dans ma région, lOccitanie, lassociation France Horizon a ouvert en Ariège, dans un village comptant moins de 100 habitants, un établissement ayant vocation à accompagner les femmes qui, souvent après avoir été victimes de violences, se trouvent désormais dans une phase de reconstruction. Cet établissement expérimental, appelé la Maison des cimes, vise non seulement à permettre à des femmes de se reconstruire, mais constitue également le support dune action ayant pour objet de revitaliser des territoires dont les habitants ont tendance à partir vers les grandes villes. Cette solution me paraît donc pertinente à plusieurs égards et jestime quelle devrait donc bénéficier de lappui de votre ministère.

Par ailleurs, jaimerais vous poser une question au sujet du dispositif Visale. Sur ce point, je commencerai par saluer votre travail et celui dAction Logement, car le dispositif qui existe aujourdhui na plus rien à voir avec ce qui a été créé en 2016 : grâce au travail effectué, Visale est aujourdhui un produit mature, de plus en plus connu et salué par tous les acteurs de terrain. Je me réjouis de votre volonté délargir ce dispositif aux femmes victimes de violence, conformément à ce que jappelais de mes vœux dans un rapport portant entre autres sur le logement des femmes victimes de violence et des mères isolées, que jai remis à Marlène Schiappa il y a quelques mois.

Action Logement étant une structure paritaire, et le dispositif Visale ayant été « boosté » ces derniers mois, ce qui fait quil permet désormais à la fois la prise en charge de limpayé et la remise en état du logement, ce qui nétait pas le cas auparavant, dans quel délai envisagez-vous délargir ce dispositif aux femmes victimes de violences – étant précisé que Visale intégrait déjà une garantie peu connue, à savoir une prise en charge des accidents de la vie – par exemple le divorce ou le décès au sein dun couple ?

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Je veux me faire le relais de notre collègue Nicole Le Peih, qui na pu être présente aujourdhui, mais qui aurait sans doute souhaité évoquer les initiatives mises en place dans son département, quelle nous a présentées lorsque nous nous sommes rendues dans le Morbihan à loccasion des vingt ans de notre Délégation. Elle évoque en effet régulièrement une proposition consistant à ouvrir des gîtes ruraux aux femmes victimes de violences conjugales. Cette solution de mise à labri temporaire, qui permet à des femmes dêtre accueillies dans des lieux privilégiés où lon va soccuper delles et de leurs enfants, présente un autre intérêt, celui de permettre à certains territoires de maintenir une activité économique, et constitue donc une combinaison très intéressante.

Mme Céline Calvez. La transition avec la question que je souhaite poser est toute trouvée…

M. le ministre, je vous remercie pour votre éclairage ; vous avez bien mis en en exergue le fait que laccès au logement pérenne et durable était une priorité après la mise en sécurité, et la difficulté quil y a, pour des centres qui nétaient pas prévus pour cela, de fournir un accueil de qualité. Après lhébergement dans un centre durgence, les femmes peuvent accéder à un logement durable, où certaines se sentent parfois un peu isolées. Jaimerais savoir si vous avez étudié les pistes, proches de la colocation, correspondant à laccueil dans des centres de transition, où les femmes pourraient se sentir moins isolées – quand une femme a été battue, elle a très souvent ce sentiment – tout en conservant une certaine intimité, le cas échéant avec leurs enfants. Comme vous le voyez, même sil ne sagit pas forcément ici doù gîte rural, mon idée basée sur une forme de colocation – en tout cas, sur un hébergement à la fois durable et collectif – est très proche de celle notre collègue Nicole Le Peih, dont vient de nous parler la présidente.

Mme Annie Chapelier. Ma question sinscrit dans la continuité de tout ce qui vient dêtre proposé. De multiples solutions sont proposées, qui constituent autant de leviers susceptibles de répondre à des situations de nature très diverse – en tout état de cause, il ne saurait y avoir une solution unique à tous les problèmes.

Pour ma part, je souhaite évoquer le logement des auteurs de violences. Lhébergement durgence comprend-il des logements qui seraient dédiés aux auteurs ? Loffre suscitant la demande, il est permis de penser que, si les juges en avaient la possibilité, ils ordonneraient le relogement des auteurs plutôt que celui des victimes. La présidente a souligné que lobligation pour les femmes battues de déménager se doublait souvent dune difficulté supplémentaire, consistant à devoir tenir compte des contraintes géographies liées à la scolarisation de leurs enfants.

Lhébergement des auteurs est déjà pratiqué dans certains pays, notamment au Canada depuis les années 1980 : accompagné dune prise en charge thérapeutique et psychologique des auteurs, il rencontre un grand succès. Évidemment, cette solution ne peut en aucun cas se substituer à lhébergement durgence, car elle ne répond pas à toutes les questions, mais ce dispositif encore embryonnaire en France mériterait sans doute quon lui fasse une place plus importante. Quen pensez-vous ?

Mme Fiona Lazaar. Nous avons adopté cet après-midi en commission des lois une proposition de loi sur les violences conjugales. La délégation aux droits des femmes sest naturellement saisie de ce texte et jai eu lhonneur de présenter hier mon rapport et mes recommandations adoptées par la délégation. Dans ce rapport, jai notamment souhaité mettre en évidence lenjeu essentiel du logement pour mieux protéger les victimes, mais aussi pour permettre leur reconstruction. Cest un point particulièrement crucial et je crois indispensable que le Grenelle des violences conjugales soit loccasion dexpertiser la situation et de construire des solutions sur les principales difficultés dénoncées par les associations de terrain, à savoir le manque de place et le caractère souvent inadapté de lhébergement durgence.

Je tiens à saluer une nouvelle fois lannonce du Gouvernement de créer 1 000 nouvelles places dhébergement et de logement durgence, et je voudrais profiter de votre présence pour souligner limportance de réserver ces places aux femmes victimes de violences et de favoriser le développement de centres dhébergement et de réinsertion sociale qui leur soient dédiés, puisquon sait que les lieux dhébergement mixtes peuvent conduire les victimes à se trouver confrontées à des difficultés sociales extrêmes, ce qui nuit à leur reconstruction.

Je souhaite également vous interroger sur deux points particuliers qui ont appelé mon attention lors de mon travail sur les violences conjugales. Lannée dernière, jai pris connaissance par la presse dun cas qui mavait marquée, celui dune femme battue de 37 ans, expulsée de son logement dans les Hauts-de-Seine à cause de ses cris : le voisinage a déposé plainte en raison des nuisances sonores, ce qui a provoqué son expulsion. Une telle situation est inacceptable et nous devons faire en sorte quelle ne puisse se reproduire. Pouvez-vous nous indiquer les moyens qui vous paraissent envisageables pour agir sur la société, afin que les voisins, plutôt que de porter plainte contre la victime l’accompagnent et lui tendent la main ?

Ma seconde question porte sur les modalités daccès au contingent de logement social des préfectures. Lors de la réunion qui a été organisée en préfecture du Val-dOise durant la semaine de lancement du Grenelle des violences conjugales, une association a témoigné du fait quune femme victime de violences conjugales sétait vu proposer un logement par le préfet dans le cadre du contingent préfecture, mais que le bailleur lui avait refusé ce logement parce quelle était toujours propriétaire, avec son ex-conjoint qui la battait : du fait de sa qualité de propriétaire, elle nétait pas prioritaire pour pouvoir accéder à ce logement. Je ne sais pas sil sagit dun dysfonctionnement ou si ce cas est révélateur dun mode de fonctionnement généralisé mais, en tout état de cause, nous devons faire en sorte déviter que ne surviennent des problèmes de ce type : propriétaires ou non, les femmes battues doivent être protégées.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Avant de vous donner la parole pour répondre à ces questions, M. le ministre, je souhaite que nous nous arrêtions un instant sur la situation des femmes ayant la qualité de copropriétaire du logement avec lauteur des violences. Il sagit dun véritable point de blocage, souvent relevé par les associations, et quon ma également rapporté à plusieurs reprises en circonscription. Sur ce point, les dispositifs actuels sont inadaptés et une solution doit être trouvée pour répondre à ce type de situation.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement. Mme Krimi, vous avez tout dabord évoqué la répartition des places dhébergement durgence. Au moment où je vous parle, 4 900 places dhébergement durgence ont été identifiées, dont 40 % en Île-de-France, 10 % en AuvergneRhône Alpes ; 7 % dans les Hauts-de-France ; 7 % en Occitanie et 7 % en Provence-Alpes-Côte dAzur. Dici à la fin de lannée 2019, nous comptons parvenir à un total de 5 000 à 5 100 places, avec une répartition géographique à peu près identique, et ce, indépendamment des 1 000 places supplémentaires prévues, dont 250 seront dédiées à lhébergement durgence.

Sagissant ensuite de sassurer que les places dhébergement créées seront fléchées vers les femmes victimes de violences, le décompte que jai donné résulte denquêtes visant à disposer dun état des lieux, à un moment précis. Celui-ci établit que notre dispositif permet un tel accueil. Il ne sagit cependant pas de places consolidées, comme un parc que nous aurions dédié aux femmes victimes de violences.

Nous sommes en train de créer un tel parc avec le système informatique que jai mentionné. Il faut toutefois pouvoir flécher des places, afin dêtre certain quelles bénéficieront bien aux femmes victimes de violences, et que dautres personnes ne prendront pas leur place dans des hébergements dédiés. Ce système, qui nexistait pas auparavant, est en train dêtre finalisé.

Grâce aux premières réformes que nous avons portées ces dernières années, pour donner un rôle de coordinateur aux plateformes locales, les services intégrés daccueil et dorientation (SIAO) ainsi quà ce système informatique, qui définira où se trouvent les places disponibles et en fournira un pilotage, nous parviendrons à identifier ces hébergements, à les flécher vers les femmes victimes de violences et à nous assurer quils leur seront bien attribués de manière pérenne.

Vous évoquez un troisième élément, celui des coûts. Je vous prie dexcuser le caractère technique de cette précision, mais vous parlez en réalité des tarifs plafonds des centres dhébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui sont, avec les nuitées hôtelières et les centres dhébergement durgence, lune des trois modalités de laccueil en centre dhébergement.

Les nuitées hôtelières, qui ne bénéficient pas de laccompagnement que jévoquais, représentent malheureusement une part trop importante de laccueil en centre dhébergement. Nous réalisons un effort important pour les diminuer. Pour la première fois cette année, nous avons même consacré 5 millions deuros à un accompagnement dans les hôtels, qui permette aux personnes den sortir.

Sagissant des CHRS, nous nous sommes aperçus que les coûts des différentes structures varient de manière très importante. Nous avons donc lancé une réforme de la gestion des CHRS qui fixe des coûts cibles. Pourtant, des spécificités existent et certains de ces centres dépassent les coûts cibles car ils proposent un accompagnement très particulier, que la singularité des publics accueillis rend nécessaire, quel que soit son coût.

En plus davoir fixé des coûts cibles, nous avons fléché des crédits de la stratégie pauvreté – 10 millions deuros en 2019 et 12 millions en 2020 – pour financer laccompagnement spécifique de CHRS qui verraient leur tarif plafond diminuer car ils natteindraient pas le coût cible. Sur ce point, jespère avoir été clair et reste à votre disposition.

Pour répondre aux propos de M. Nogal, que rejoignent ceux de Mme Calvez et de Mme la présidente, je dirai quil faut toujours partir des initiatives territoriales. Si, dans les centres dhébergement, les trois catégories que jévoquais coexistent, le dispositif Logement dabord regroupe des structures très diverses, que lon appelle des logements adaptés.

Il peut sagir de logements très sociaux adaptés comprenant un accompagnement, financés par un prêt locatif aidé dintégration (PLAI) adapté. Lhiver dernier, nous avons signé une convention qui permet de doubler le nombre de PLAI adaptés dans le parc existant.

On y trouve également les pensions de famille, une solution proche de ce que proposait Mme Calvez, avec quelques différences. Jusquà présent réservées à des publics en grande détresse, elles se caractérisent par une vie en communauté, à laquelle les femmes victimes de violences ne peuvent participer immédiatement. Il faut quun accompagnement soit pensé dès le début.

Quant à lintermédiation locative, cest-à-dire au fait pour des personnes seules ou non de disposer dun logement par le truchement dune association locative – elle peut inclure des colocations, le cas échéant –, elle a pour particularité que tout passe par une association. Le propriétaire du parc privé, qui loue son logement à lassociation, en retire un avantage fiscal. Jen appelle à tous les propriétaires qui nous regardent : si vous avez des logements vacants, donnez-en les clés à ces associations pour faire de lintermédiation locative.

Depuis le début du quinquennat, nous avons très nettement renforcé les crédits dans les domaines de lintermédiation locative et des pensions de famille, et nous les augmentons encore de 35 millions deuros dans le budget que nous aurons loccasion de discuter prochainement.

Le goulet détranglement réside aujourdhui dans la quantité de logements que nous arrivons à capter pour les confier aux associations. Jen appelle donc encore une fois à tous les propriétaires républicains qui disposent de logements vacants, pour quils fassent le choix de les confier à une association. Ce dispositif permet de venir en aide et dapporter des solutions concrètes à de nombreuses personnes, tout en étant sans impact financier, ni risque pour le propriétaire, car il prévoit des garanties de paiement des loyers et de remise en état du bien.

M. Nogal a également évoqué la garantie Visale – jai bien vu quil nétait pas nécessaire de convaincre un convaincu. Je souhaiterais cependant rappeler la nécessité de la faire connaître. Je salue à ce titre lénergie que vous mettez à porter ces sujets dans tous les territoires. Vous lavez dit, nous avons profondément revu ce dispositif. Aujourdhui, un propriétaire qui loue un bien avec une garantie Visale est totalement assuré, notamment contre le non-paiement des loyers – trois ans de loyers sont assurés à compter du premier impayé, là où, dans notre pays, si les choses se passent mal, les procédures juridiques durent dix-huit mois en moyenne – et contre la détérioration du bien, par une garantie de remise en état.

Il faut faire connaître cette garantie auprès des propriétaires et des agences immobilières. Pour ces dernières, nous devions aller plus loin. Nous lavons fait, en abordant la question de la rémunération. Aujourdhui, la difficulté que nous rencontrons pour que la garantie Visale connaisse le succès espéré réside dans son déficit de notoriété. Pour autant, nous constatons une augmentation très significative des souscriptions. La dynamique est enclenchée : plus nous ferons connaître le dispositif, mieux il fonctionnera et plus il deviendra une habitude.

Daprès les résultats disponibles, limpact financier de la garantie Visale au sein dAction logement, qui en gère le fonds de garantie, est tout à fait limité. Aujourdhui, contrairement à des idées reçues, le risque dimpayés des moins de 30 ans, à qui cette garantie était initialement réservée, nest pas supérieur au risque pour les plus de 30 ans. Je partage donc votre constat dun vrai déficit de notoriété, quil nous faut résoudre.

Ayant déjà répondu à la question de Mme Calvez, jen viens à celle de Mme Chapelier qui portait sur lhébergement des auteurs de violences. Pour linstant, nous navons pas abordé le sujet sous cet angle. Quelques actions ont été menées en ce sens, qui restent des initiatives territoriales. En 2019, le département de lAisne a par exemple créé dix places dédiées. Cela renvoie à la question de la double peine : non seulement une femme est victime de violences, mais encore, elle subit la violence de devoir quitter son domicile, ce qui sexplique souvent par lurgence de la situation.

Comme la dit Mme Lazaar au sujet de la proposition de loi quelle a évoquée, cela renvoie à la question de léloignement du conjoint. Pour linstant, nous navons pas abordé le problème sous cet angle, ce qui ne signifie pas quil ne faille pas le faire. Au regard de ce que jai dit depuis le début de laudition, vous voyez cependant tout ce quil était nécessaire de réaliser afin de mieux piloter, de mieux identifier, daugmenter, de fluidifier les places, tout en garantissant un meilleur accompagnement. Nous avons donc adopté langle de laccompagnement de la femme victime de violences, non de lauteur des agressions.

En écho au troisième point de votre intervention, Mme Lazaar, cette question renvoie également à laccès au logement. Je souhaiterais dailleurs vous féliciter pour le rapport que vous avez rédigé dans le cadre de cette proposition de loi. Les points que vous soulevez sur le contingent préfectoral, en particulier, ou sur lattribution des logements sont extrêmement importants.

Nous avons déjà modifié certains éléments. Pour dautres, nous pouvons aller plus loin. Sagissant du logement social, Mme Calvez la dit, certaines modalités étaient impossibles. Jusquà la loi portant évolution du logement, de laménageant et du numérique (ELAN), la colocation, par exemple, était extrêmement compliquée car le bail pouvait être requalifié. Je vous épargne les détails, mais cétait la réalité.

Un second élément modifié par la loi ELAN est peu connu, bien quil soit appliqué : nous avons mis fin à la garantie conjointe et solidaire dune femme victime de violences, une fois que le jugement a été prononcé. Il sagit là dune vraie avancée, même sil faut attendre le jugement, car la femme nest plus solidaire du règlement du loyer avec son conjoint violent. Cela répond donc à votre question, Mme la présidente.

Outre ce qui a déjà été fait, nous navons pas suffisamment avancé sur un autre point, facile à énoncer, mais beaucoup plus compliqué à concrétiser et sur lequel je suis prêt à travailler avec vous. En effet, lorsquune femme est liée par un bail avec son conjoint, elle ne peut pas recevoir dautre logement dans le parc social. Ce point relève très probablement de la loi, cest pourquoi je suis prêt à ce que nous létudions, pour voir jusquoù nous pourrons avancer car si la loi ELAN a déjà conduit à de belles avancées, nous pourrions peut-être aller encore plus loin. Je parle là avec beaucoup de précaution – cela semble facile à dire mais plus compliqué à mettre en place.

Il est certain que, depuis 2010, les femmes victimes de violences sont un public prioritaire daccès au logement social. Je lai dit en signant la convention avec les bailleurs sociaux la semaine dernière, on voit là la différence entre les droits formels et les droits réels car ces femmes sont un public prioritaire, parmi 14 autres publics prioritaires.

La question est donc dorganiser véritablement laccompagnement vers le logement. Cest pourquoi, à cette priorité donnée par la loi, jai préféré signer un accord avec les bailleurs sociaux et les associations, qui met en avant le chemin à suivre pour mieux accompagner les femmes victimes de violences vers un logement, notamment social, en identifiant des places et en améliorant laccompagnement avec les crédits supplémentaires du fonds national daccompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) que jai évoqué.

Enfin, Mme Lazaar, vous avez rapporté un cas aberrant, qui malheureusement existe. Lengagement doit être celui de toute la société : les voisins sont là pour accompagner cette solidarité et composer le 3919, plutôt que le numéro du propriétaire afin de demander dexclure les victimes de violences. Cest un sujet de société et, par là même, daccompagnement, une fois que lassociation ou lÉtat a identifié la difficulté. La réponse ne peut évidemment pas être de se voiler la face et de demander aux personnes de quitter le domicile.

Mme Sophie Panonacle. M. le ministre, vous avez parlé des logements durgence, puis des logements pérennes. Entre les deux, il manque un type de logement, que jappellerai intermédiaire et que nous essayons de mettre en place dans le bassin dArcachon.

Si les nuitées du logement durgence permettent aux femmes victimes de violences dêtre mises en sécurité et le logement pérenne leur permet de redémarrer sur de bonnes bases, on peut se demander où les victimes peuvent être logées entre ces deux solutions, sachant quun logement pérenne ne peut être trouvé immédiatement et quun logement durgence ne peut les accueillir plus de quelques jours.

Avec peut-être un peu davance par rapport à la loi – vous voudrez bien nous en excuser –, nous avons signé une convention de partenariat avec les bailleurs sociaux, en lien avec les associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Lidée est que les bailleurs sengagent à réserver un logement à ces victimes pour six mois. Durant cette période, les associations accompagnent ces dernières, qui ne sont donc pas laissées seules, et délivrent lagrément dintermédiation locative, auquel vous avez fait allusion, qui fonctionne bien. Comme la dit ma collègue Céline Calvez, ce moyen est efficace pour passer du logement durgence à un logement pérenne. Après les six mois, le bailleur social sengage à assurer un logement définitif à ces femmes.

Que pensez-vous de cette solution, dont la difficulté réside dans le financement du logement ? Dans ma circonscription, les associations ne peuvent pas en financer plus dun, ni accompagner plus dune femme car leurs bénévoles ne sont pas assez nombreux. Pourrions-nous bénéficier du FNAVDL pour financer un tel logement ? Je navais pas réfléchi à cette possibilité jusquà présent.

Serait-il par ailleurs possible de bénéficier de lintermédiation locative ainsi que de la garantie Visale pour un logement dans le parc privé ?

M. Guillaume Gouffier-Cha. Tout dabord, je vous remercie, M. le ministre, pour votre engagement sur ce sujet depuis le début de ce quinquennat. Vous avez défini sur cette question une politique claire, qui ne létait peut-être pas jusqualors, alors quil sagit dune réelle priorité. Il importe de le mentionner, tant notre pays est en retard sur cette question du logement pour les femmes victimes de violences. Même si des efforts sont réalisés, limpression persiste que rien nest fait ou que ce qui lest ne suffit pas. En réalité, une politique est définie, beaucoup est fait. Il faut certainement aller encore plus loin mais une direction est déjà prise.

En tant quélu, je souhaiterais apporter un témoignage du terrain. Dans ma circonscription, ce sujet fait partie des souffrances dont jentends le plus parler. Depuis le début de mon mandat, des femmes se rendent à ma permanence pour raconter de réels drames, à la suite dannées de violences, lorsquelles prennent conscience quelles doivent partir, mais quelles ne savent pas où se loger. Ce sont des moments de grand désarroi car malgré des échanges avec les autres élus et les associations, nous narrivons pas à trouver de solution. Pour certaines personnes, cela fait près de deux ans que nous en cherchons, souvent alors que lancien mari a bien organisé son insolvabilité. Après avoir vécu les violences, la femme se retrouve à aller de galère en galère, tout en devant payer les traites de son ex-mari. Ces histoires sont récurrentes.

Dans lesprit de notre discussion, il semble que deux sujets animeront nos travaux futurs dans le cadre de la proposition de loi visant à agir contre les violences faites aux femmes, que nous débattons actuellement, et du Grenelle. En premier lieu, nous devons réfléchir aux mesures que nous pourrions prendre pour procéder, de manière plus radicale, à léloignement rapide de lagresseur, sans attendre des années de procédure.

Deuxième sujet : quelles mesures peuvent être prises pour faire aboutir plus rapidement le dossier de demande daccès au logement social dune personne devant quitter précipitamment son territoire ? En début de semaine, jai reçu une femme, qui avait vécu en Polynésie française ces dix dernières années. Après avoir subi des violences psychologiques, puis physiques, pendant cinq ou six ans, elle a pris la bonne décision, au début de lété, de quitter son mari avant quun drame ne survienne. Elle a alors rejoint sa sœur à Fontenay-sous-Bois. En tant que sage-femme en profession libérale, elle na pas de fiche de paie et rencontre des difficultés pour déposer une demande de logement social. De plus, sur un territoire comme Fontenay-sous-Bois, ville qui fait pourtant des efforts, la durée moyenne dobtention dun logement social est de cinq ans. Cette personne qui a fui son conjoint, avec deux enfants, se retrouve face à un obstacle impossible à franchir dans le parcours du logement.

Mme Bérangère Couillard. M. le ministre, je vous remercie de vos explications et de votre écoute. Ma question rebondit sur les propos de ma collègue, Sophie Panonacle, sagissant notamment des places que les différents territoires réservent aux femmes victimes de violence. Vous en avez dailleurs évoqué la répartition dans lensemble du territoire.

Depuis le début de mon mandat, jaccompagne lassociation La maison de Simone, créée il y a un peu plus de dix ans, qui met à labri jusquà quatre femmes et neuf enfants pendant plusieurs mois. La présidente et des représentants de lassociation mont rencontrée il y a trois mois pour me faire part de leur souhait daccueillir davantage de femmes. Comment une telle association peut-elle acquérir un nouveau logement ?

Ses membres ont pris rendez-vous avec le bailleur principal de la ville de Pessac, dans ma circonscription, et mont demandé de les accompagner à cet entretien. Quel lien peutil exister entre les places dhébergement prévues en 2020 et celles que les associations souhaitent pour sagrandir ? Il sagit là dun hébergement intermédiaire, avec un accompagnement, pour une durée dépassant parfois six mois, entre les logements durgence et les logements attribués de façon pérenne.

Mme Nadia Hai. M. le ministre, je me joins à mon collègue, Guillaume Gouffier-Cha, pour vous remercier de votre engagement et votre proactivité. Vous avez répondu très rapidement à lappel qui vous a été lancé, notamment en décidant délargir la garantie Visale, un dispositif largement salué, aux femmes victimes de violences. Cette mesure va dans le bon sens. Par ailleurs, on ne peut que saluer les accords que vous avez négociés avec les différents partenaires avec lesquels vous travaillez – lUnion sociale pour lhabitat (USH) ou Action logement.

Vous avez évoqué la création dun fonds, le FNAVDL, pour accompagner les femmes victimes de violences. Qui finance ce fonds ? À combien sélèvent ses crédits ?

Ma deuxième question vise laccueil des femmes et des enfants victimes de violences. Pouvez-vous préciser si le cahier des charges dont vous avez parlé concerne le lieu daccueil de ces familles ?

Ma dernière question porte sur la loi ELAN, notamment les nouveaux critères dattribution des logements et les publics prioritaires, parmi lesquels les femmes victimes de violences conjugales ont rejoint les femmes victimes de violences sexuelles. Avez-vous suffisamment de recul pour tirer les premières conclusions de son application, conclusions que nous souhaiterions connaître, le cas échéant ?

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Madame Le Peih, javais relayé votre proposition concernant les maisons dhôtes, mais peut-être souhaitez-vous lévoquer à nouveau ?

Mme Nicole Le Peih. Sagissant lhébergement des femmes victimes de violences, nous avons analysé le projet en zone rurale – je suis moi-même cheffe dexploitation agricole. La question a été abordée dans les groupes de développement agricole, notamment pour accompagner les femmes, les mettre en sécurité sur un plus long terme, et, surtout, leur réserver ce temps de pause, de sécurité, quelles demandaient pour pouvoir se reconstruire.

Après nous être rendu compte que les logements des propriétaires de gîtes ruraux ou de chambres dhôtes, souvent agriculteurs de métier, restaient disponibles jusquà deux tiers de lannée, nous avons eu lidée détablir une convention avec le conseil départemental ou dautres structures pour mettre à disposition ces biens.

Nous sommes aujourdhui en relation avec le préfet du Morbihan, M. Patrick Faure, pour poursuivre, au moins à titre expérimental, le premier essai réalisé dans le Finistère. Des formations sont déjà dispensées aux agriculteurs et agricultrices souhaitant accompagner des enfants en difficulté. Lidée est détendre ces dispositifs aux femmes victimes de violences.

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement. Mme Panonacle, vous avez évoqué la question du logement intermédiaire, entre lhébergement durgence et le logement pérenne, tout en notant ma volonté dassumer les deux. Un enquête sur les sorties dhébergement durgence de structures qui accueillaient exclusivement des femmes victimes de violences en 2017 a permis détablir que 30 % des séjours duraient moins de huit jours ; 48 % entre huit jours et six mois ; et 21 %, plus de six mois. Vous le savez, bien quil sagisse dun hébergement durgence, vous avez parfois la possibilité de rester plusieurs mois dans un CHRS.

Pendant le Grenelle, jai pris la décision dengager mon ministère dans laction très forte portée par Marlène Schiappa. Avec nos équipes, nous nous sommes demandé quel type dhébergement nous devions choisir pour les 1 000 places que nous nous engageons à fournir très rapidement. Nous avons finalement décidé den consacrer 250 à lhébergement durgence et 750 à lallocation logement temporaire (ALT). Ce dispositif, en apparence technique, vise à donner une aide pour obtenir un logement durant six mois à un an, voire un peu plus.

Il recouvre donc exactement la vision que vous avez indiquée, celle dun accompagnement intermédiaire. Nous avons conscience que laccompagnement prendra davantage de temps que la mise en sécurité, tout en sachant quil est très difficile de passer directement de celle-ci au logement durable. Comment trouver la passerelle vers un logement qui ne soit plus un hébergement ? Cest pour répondre à cette question que nous avons fait ce choix de consacrer 250 places à lhébergement durgence et 750 à lALT, qui, le plus souvent, concerne en fait des logements du parc social.

Sagissant de votre deuxième point, lintermédiation locative est, par essence, un logement temporaire, de douze mois en moyenne, bien quen réalité, ses bénéficiaires y restent plus longtemps. Quant à lhébergement dans les pensions de famille, il nest pas limité dans le temps, ce qui permet dy accueillir des publics différents.

Vous avez aussi évoqué une initiative dans le bassin dArcachon, en vous demandant comment aider les associations à grandir. Nous pourrons en discuter à la suite de cette réunion, avec nos équipes. LALT sera-t-elle indiquée, sagissant de logements sociaux ? Lassociation pourrait-elle recourir à lintermédiation locative ou bénéficier du FNAVDL ? Nous devrons étudier la question, car tout dépend des caractéristiques du projet. Comme je le disais précédemment, il faut évidemment partir des initiatives territoriales.

Enfin, vous avez posé une dernière question sur le lien entre intermédiation locative (IML) et garantie Visale. En réalité, si un propriétaire recourt à lintermédiation locative, il na pas besoin dêtre contre-garanti par ce dispositif car il traite avec une association qui garantit déjà le paiement des loyers et la remise en état éventuelle du bien. Le système de lintermédiation assure donc déjà le propriétaire.

M. Gouffier-Cha, vous avez évoqué la dure réalité du quotidien à laquelle nous sommes tous confrontés, pour vous demander comment accélérer lentrée dans le logement social.

Trois éléments sont nécessaires à mes yeux. Dabord, il faut agir pour passer dun droit formel à un droit réel. Que le public soit prioritaire depuis 2010 ne suffit pas : il faut mettre en œuvre la convention signée la semaine dernière avec les bailleurs sociaux, qui vise à identifier les logements pouvant être mis à disposition et à renforcer laccompagnement.

Deuxièmement, comme je lévoquais pour lALT, il faut donner une réponse de court terme aux difficultés, afin détablir une passerelle vers une situation plus durable.

Enfin, il faut renforcer le fonds daccompagnement. Grâce à laugmentation des financements du FNAVDL, nous nous sommes fixé lobjectif de renforcer le dispositif dau moins 1 000 accompagnements dans les prochaines années.

Pour répondre à Mme Hai, ce fonds, financé par les bailleurs sociaux et qui réalise non pas un accompagnement des femmes victimes de violences mais un accompagnement général vers et dans le logement social, était doté de 30 millions deuros jusquà présent. Ses crédits seront portés à 45 millions deuros, soit une augmentation de 50 %. Les bailleurs sociaux continueront de le financer dans le cadre des éléments de négociation que nous avons discutés à lissue de la clause de revoyure, que certains dentre vous connaissent bien pour avoir participé aux discussions.

Un dernier point, que jévoquais à la fin de mon introduction, me semble essentiel. Une coordination totale est absolument nécessaire entre les différentes équipes qui sont les premières au contact des femmes victimes de violences – les associations, évidemment ; les pouvoirs publics, parfois ; les élus locaux ; la police, à coup sûr.

Il y a quelques jours, javais délocalisé toutes mes équipes à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, pendant une semaine. Nous avons passé la matinée du Grenelle avec les équipes de police du commissariat de la ville, où des travailleurs sociaux réalisent cet accueil des femmes victimes de violences. Parce quils savent trouver les mots justes, ils jouent un rôle essentiel daccompagnement, dans lenceinte même du commissariat. Toute une chaîne a été construite de la sorte, avec, notamment, un point de contact au sein du tribunal – un procureur adjoint, le plus souvent. Cette organisation fluidifie énormément le dispositif.

Cet accompagnement doit être réalisé dès le commissariat, pour convaincre, par exemple de ne pas déposer une simple main courante, mais bien une plainte qui donne accès à dautres droits et permet daboutir très rapidement, sinon à un jugement, du moins à un accompagnement. Cette transversalité est essentielle.

Mme Couillard, vous avez rapporté linitiative de La maison de Simone et le rôle de soutien que pourraient notamment jouer les bailleurs sociaux. Cest le sens de la convention que nous avons signée la semaine dernière. Il faut voir si celle-ci peut trouver à sappliquer, en étudiant les dossiers au cas par cas, en faisant de la dentelle. Cest avec grand plaisir que nous examinerons avec le bailleur social concerné si des locaux peuvent être identifiés, si la charte que nous avons signée peut être mise en application et si le dispositif dallocation logement temporaire (ALT) que nous ouvrons à partir de lannée prochaine peut convenir dans ce cas précis.

Mme Hai, jai déjà en partie répondu à votre question. Je crois beaucoup en lefficacité du FNAVDL, géré par les bailleurs sociaux.

La politique du logement ne fait sens vis-à-vis de certains publics que si laccompagnement est profondément renforcé. Cest toute la valeur ajoutée du système français du logement social que dassurer cet accompagnement. Les bailleurs sociaux en ont parfaitement conscience ; cest même inscrit dans leur ADN !

Lors de nos discussions sur la clause de revoyure, nous avons abordé laccompagnement et nous nous sommes mis daccord pour renforcer le financement du FNAVDL.

Le cahier des charges que jévoquais est celui quon envoie classiquement aux associations lors de louverture de nouvelles places. Les cahiers des charges de ces appels à manifestation indiquent les critères liés aux ouvertures et le financement associé de lÉtat. Nous avons encore beaucoup de progrès à faire dans la définition de ces cahiers. Nous en avons encore discuté lundi dernier, dans le cadre des réunions trimestrielles avec toutes les associations dhébergement durgence et de logement. Le cahier des charges est un élément clé qui définit la qualité et parfois la spécificité de laccueil. Avec louverture de 250 places dhébergement durgence, nous devons nous assurer de son bon calibrage. Cest la responsabilité de mon ministère, notamment de la délégation interministérielle à lhabitat et à laccès au logement (DIHAL).

Avons-nous les premières conclusions relatives aux contingents ? Non, et je me fais malheureusement peu dillusions. Même si jai conscience du caractère tragique de ce que je dis, avec quatorze publics prioritaires – contre treize avant la promulgation de la loi ELAN, puisque nous avons ajouté les femmes victimes de viols –, il sagit trop souvent dun droit formel et non réel… Certes, elles font partie des publics prioritaires mais, malheureusement, il faut parfois des mois, voire des années, pour quelles obtiennent un logement. Cest pourquoi jai signé une convention avec les bailleurs sociaux, afin que ce droit formel devienne réel.

Mme Le Peih, vous avez évoqué lexpérimentation des maisons dhôtes dans le Morbihan. Nous devons effectivement partir des expériences territoriales. Nous devons également vérifier si lintermédiation locative peut être utilisée pour les financer. En effet, lIML implique une durée moyenne de location de 12 à 18 mois. Est-ce compatible avec une maison dhôtes ? Cela nécessiterait de les assimiler à des locations de moyenne durée. Si tel est le cas, ce serait un bon moyen de soutenir leurs projets de développement, en partant de lexpérimentation de votre territoire.

M. Mickaël Nogal. Ma question concerne lintermédiation locative. M. le ministre, dans le rapport « Louer en confiance » que je vous ai remis au mois de juin, je préconisais de revaloriser la prime versée par lAgence nationale de lhabitat (ANAH) aux propriétaires « républicains » – ce sont vos termes – qui décident de sengager dans lintermédiation locative. Cette incitation est la contrepartie de leur engagement. Les propriétaires qui confient leur bien à une association pour quelle le loue bénéficient également dun avantage fiscal. Que pensez-vous de cette proposition ?

Selon les associations, cest la prime, plus que la déduction fiscale, qui entraîne le passage à laction – on le constate également pour la rénovation énergétique. La prime est actuellement de 2 000 euros. Ne pourrait-on envisager de la doubler, voire de la tripler ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement. Lenveloppe allouée aux pensions de famille et à lintermédiation locative est réévaluée de 35 millions deuros dans le projet de loi de finances pour 2020. Il faut juste vérifier que la prime nest pas plafonnée, mais le goulot détranglement est plutôt lié à la disponibilité des logements… En outre, la situation est très variable dun territoire à lautre. Je suis ouvert à toutes les propositions car je souhaite développer lintermédiation locative.

En outre, avant le vote définitif du projet de loi de finances, peut-être serait-il intéressant de réaliser une étude qualitative avec un panel de propriétaires pour comprendre ce qui déclenche leur passage à lacte et ce qui les bloque. Est-ce le fait de louer à une association ? Le simple fait de louer ? Le fait que la prime ne soit pas assez avantageuse ? Il nous faudrait aussi déterminer quel niveau de prime entraîne ce passage à lacte.

Mme la présidente Marie-Pierre Rixain. Vous avez évoqué à plusieurs reprises un thème cher à la délégation aux droits des femmes : passer des droits formels aux droits réels. Les droits des femmes en sont la parfaite illustration. Ils nécessitent des avancées concrètes et lengagement de tous.

Nous avons pu constater à quel point vous êtes engagé pour trouver les solutions concrètes les plus appropriées à la diversité des territoires. Encore une fois, je vous remercie de votre engagement et de la dynamique que vous avez enclenchée. Des lois ont été adoptées ; il faut désormais concrétiser leurs effets au bénéfice des femmes.

Mes chers collègues, nous organisons la semaine prochaine une table ronde avec les professionnels de santé impliqués dans la lutte contre les violences conjugales. Je me réjouis des annonces de la Haute autorité de santé (HAS) qui a publié ce matin des recommandations à destination des professionnels de santé afin de permettre un repérage plus systématique des violences. Les 16 et 23 octobre prochains, la Délégation organisera par ailleurs deux déplacements, lun auprès de la plateforme de signalement de Guyancourt, lautre auprès de celle du 3919.

 

Laudition sachève à 20 heures.


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Céline Calvez, Mme Annie Chapelier, Mme Bérangère Couillard, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Nadia Hai, Mme Sonia Krimi, Mme Fiona Lazaar, Mme Nicole Le Peih, M. Mickaël Nogal, Mme Sophie Panonacle, Mme Marie-Pierre Rixain

Excusés. - Mme Sophie Auconie, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Cécile Muschotti, Mme Isabelle Rauch