Compte rendu

Commission
des affaires européenne
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I. Audition commune avec la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes              3


Mercredi
27 novembre 2019

9 h 30

Compte rendu n° 0113

Présidence de Mme Sabine Thillaye
Présidente,
et de
M. Éric Woerth
Président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire


 

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 27 novembre 2019

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission, et de
M. Éric Woerth, Président de la commission des Finances, de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

 

La séance est ouverte à 9 h 35.

 

I.                  Audition commune avec la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes

M. le Président Éric Woerth. Mes chers collègues, je vous informe que nous avons reçu, en application de l’article 12 de la loi organique relative aux lois de finances, un projet de décret de transfert de crédits. Conformément à l’usage, ces documents sont à votre disposition, au fond de cette salle et auprès du secrétariat de la commission.

Avant d’aborder l’ordre du jour de la réunion de ce jour, je souhaite devancer un certain nombre de questions qui pourraient être posées par des commissaires s’étonnant que l’ordre du jour prévisionnel de notre commission ne comporte pas de réunion ni mercredi prochain 4 décembre ni mercredi suivant 11 décembre. Vous n’êtes pas sans savoir que le projet de loi de finances pour 2020 est en cours d’examen au Sénat. Ces semaines « allégées » doivent nous permettre de préparer au mieux le retour du texte, avec un programme qui sera extrêmement chargé : d’abord une commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale, le mercredi 11 décembre à 17 h 30, puis très certainement un examen en nouvelle lecture le vendredi 13 décembre en commission, puis les lundi 16 et mardi 17 décembre en séance publique. Par ailleurs, je réunirai le bureau de la commission le 4 décembre.

Je suis heureux de recevoir, avec Sabine Thillaye, M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes.

Monsieur le commissaire, votre précédente audition par nos deux commissions remonte au 22 novembre 2018. La Commission européenne a publié, le 7 novembre 2019, ses prévisions économiques d’automne et, plus récemment encore, le 20 novembre, elle a présenté ses avis sur les projets de plan budgétaire des États membres de la zone euro pour 2020. Si plus aucun État n’est en procédure pour déficit excessif, la Commission a néanmoins considéré que huit États membres ont des plans qui présentent un risque de non-respect du pacte de stabilité et de croissance en 2020. Dans quatre cas – la Belgique, l’Espagne et l’Italie et la France –, le risque porte à la fois sur l’écart important à la trajectoire d’ajustement vers l’objectif budgétaire moyen terme et sur l’absence de respect du critère de réduction de la dette.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Monsieur le Président, merci d’accepter ces auditions communes.

Monsieur le commissaire, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd’hui pour le dernier de nos rendez-vous réguliers. Je vous remercie pour votre disponibilité tout au long de votre mandat afin de venir évoquer devant nous les sujets européens.

Pour ce dernier rendez-vous, nous ferons d’abord le point sur l’actualité. La prévision de croissance de la zone euro est à la baisse. Elle est désormais de 1 % du PIB en 2019, 1,2 % en 2020 et 2021, dans un contexte mondial très difficile marqué par l’augmentation des tensions commerciales et les incertitudes politiques.

De quels leviers disposons-nous pour soutenir la croissance au niveau européen ? Le contexte d’instabilité politique qui semble menacer de plus en plus de pays membres ne risque-t-il pas de rendre encore plus difficile une réponse coordonnée ?

Ma deuxième question porte sur le paquet d’automne. La France fait partie des quatre pays dont les projets de budget présentent un risque de non-conformité avec le pacte de stabilité et de croissance tant du point de vue de la trajectoire vers l’objectif de moyen terme que de celui de la réduction de la dette. Quels sont les risques pour notre pays de retomber en procédure pour déficit excessif ?

Il sera intéressant aussi de vous entendre sur le volet fiscalité de votre portefeuille. Au cours de votre mandat, vous avez engagé ou relancé des projets ambitieux en matière de fiscalité des entreprises ou de TVA, avec notamment la relance de l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), la proposition d’introduction du système de TVA définitif et des initiatives en vue de l’imposition des sociétés ayant une présence numérique significative ou la création d’une taxe sur les services numériques.

La règle de l’unanimité pose toujours problème. Toutefois, quand on voyage dans les États membres de l’Union européenne, on mesure qu’il serait difficile, voire peu réaliste, de remettre en cause cette règle qui nous bloque tout de même sur de nombreux sujets. Nous le constatons dans les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP) lorsqu’est évoquée la mise en place de nouvelles ressources propres.

Parallèlement, les discussions à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur une nouvelle répartition des droits d’imposer entre pays de siège et pays de marché et sur l’idée d’une imposition minimale semblent progresser. Ma question est un peu provocatrice. En matière de fiscalité, serait-il plus facile d’avancer à 130 pays qu’à 28 ? Comment les travaux de l’OCDE s’articulent-ils avec ceux de l’Union européenne ?

M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes. Merci pour cette invitation. C’est un moment un peu émouvant. Non seulement je quitterai la Commission dimanche, et j’espère que la nouvelle Commission sera approuvée dans de très bonnes conditions, ce matin, par le Parlement européen, mais c’est aussi la fin de ma vie politique entamée il y a trente et un an. Prononcer ici ma dernière intervention devant vous, mesdames et messieurs les députés, alors que, élu pour la première fois dans cette assemblée il y a vingt-deux ans, j’ai été votre collègue, est très particulier pour moi. Je remercie le Parlement européen d’avoir donné un mois supplémentaire à la Commission – n’y voyez aucune préférence sur le fond –, ce qui me permet de venir parler devant vous du semestre européen, alors que je n’aurais pas pu le faire autrement.

Être ici devant vous illustre aussi ma volonté, ces cinq dernières années, d’entretenir un dialogue étroit avec les représentations nationales des États membres, notamment avec celle de mon pays, la France. Je considère qu’il est indispensable pour un commissaire d’agir ainsi. La Commission européenne, ce n’est pas une bulle à Bruxelles, ce doit être une institution ouverte aux autres et soucieuse du dialogue avec les États-nations. Je n’ai jamais pensé qu’on pouvait construire l’Europe sans ces nations et qu’on pouvait imposer quoi que ce soit d’en haut sans le contrôle de la représentation démocratique.

Ce dernier échange est aussi pour moi l’occasion d’apprécier les efforts réalisés par la Commission Junker pour redresser et stimuler l’économie européenne. Afin de l’illustrer, je vous présenterai les dernières prévisions économiques de la Commission, que j’ai présentées le 7 novembre, ainsi que les principales conclusions de notre paquet budgétaire d’automne, présentées le 20 novembre, et j’identifierai les défis qui attendent selon moi mon successeur et la prochaine Commission, dont vous aurez forcément non seulement à connaître, mais à traiter.

Tout d’abord, nos prévisions économiques d’automne prouvent que l’économie européenne se porte beaucoup mieux qu’en 2014. Quand on jette un regard sur un tel mandat, on doit toujours se demander dans quelle situation on a trouvé l’Europe et dans quel état on la laisse. Plusieurs points méritent d’être soulignés. Je commencerai par les nouvelles les plus positives, sans pour autant me voiler la face devant les risques.

L’Union européenne connaît en 2019 sa septième année de croissance consécutive. Pour ceux qui sont attachés à la théorie des cycles, c’est tout de même un cycle très long. Ce n’est pas la croissance que nous avons connue dans les années 1950 ou 1960, mais 2017 et 2018 ont tout de même été deux années de croissance exceptionnelle. Cette croissance devrait rester modérée mais positive dans tous les États membres, en 2019, 2020 et 2021. Dans la zone euro, elle devrait atteindre 1,1 % cette année, 1,2 % en 2020 et en 2021. Dans l’Union européenne tout entière, la croissance s’élèverait à 1,4 % pour chacune des années de la prévision. Ce n’est pas exactement de la continuité, car ces prévisions comportent un élément qui n’est pas des plus rassurants. Alors que nous prévoyions pour 2019 une croissance assez plate et anticipions un rebond en 2020, celui-ci ne devrait pas se produire. Nous entrons peut-être dans un régime de croissance longue et faible, ce qui aurait des conséquences sur la capacité de l’Union européenne à réduire le chômage. Nos prévisions aboutissent maintenant à une forme de palier à quelque 7,5 % ou 7,6 % du taux de chômage, sur lequel je reviendrai.

Ce ralentissement de la croissance européenne est principalement le résultat des tensions commerciales. C’est un phénomène mondial qui freine les économies les plus ouvertes, en particulier l’économie allemande et l’économie italienne, qui sont les deux plus ouvertes, les deux plus puissantes sur le plan industriel.

La deuxième bonne nouvelle, c’est que le taux de chômage atteint son niveau le plus bas depuis les années 2000. Il s’établit à 7,6 % dans la zone euro, contre tout de même 11,5 % en 2014. Je ne prétends pas que seuls de bons emplois ont été créés. On ne peut pas non plus se satisfaire de tels taux de chômage, nous sommes très loin du plein-emploi, mais une très nette amélioration du marché du travail s’est produite au cours de cette dernière mandature, qui devrait se poursuivre en 2019, 2020 et 2021, même si la diminution du chômage devrait décélérer. On continuera à créer des emplois, mais pas en nombre suffisant pour réduire fortement le chômage.

La troisième bonne nouvelle, c’est que la situation budgétaire des États membres s’améliore nettement. J’y reviendrai plus longuement, mais je veux d’ores et déjà souligner que le déficit public moyen dans la zone euro restera sous la barre de 1 % du PIB. Actuellement à 0,8 %, il devrait se situer à 0,9 % ou 1 % les deux années suivantes, alors qu’il avait atteint au plus fort de la crise 6,6 % – Éric Woerth s’en souvient, dans d’autres fonctions. L’effort d’assainissement des finances publiques et de réduction de la dette réalisé presque partout mérite d’être signalé.

Je ne veux pas me cacher devant les nombreux risques qui continuent de peser sur la croissance européenne. Il y a des risques mondiaux, qui sont les tensions commerciales, la situation entre la Chine et les États-Unis et des risques géopolitiques que nous pouvons identifier, notamment dans les zones pétrolières de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Il y a aussi des facteurs de risque externes. Je pense notamment à un ralentissement plus marqué que prévu de l’économie chinoise : même si son taux de croissance restera supérieur à 5 %, beaucoup de choses se produisent dans ce pays qui peuvent avoir un impact sur notre propre croissance.

Mais ne faisons pas comme si les risques étaient uniquement extérieurs. Pour répondre à l’une de vos questions, madame la Présidente, il y a aussi des risques intérieurs. Le premier d’entre eux, celui d’un Brexit désordonné, n’est pas encore totalement exclu. Il ne devrait pas se produire dans les mois qui viennent, quel que soit le résultat des élections britanniques, mais l’issue des négociations reste à surveiller de très près. Vous aurez l’occasion d’en reparler. Un no deal n’est pas un souvenir et reste une menace qu’il convient de conjurer. Nous ne l’avons jamais souhaité et ce serait tout à fait préjudiciable à l’économie britannique et à l’économie européenne.

Le dernier risque que je veux mentionner est la contraction de l’économie européenne, d’abord dans le secteur manufacturier et dans l’industrie. Pour l’instant, les services et la consommation sont préservés, mais on ne peut pas tout à fait exclure une contamination ou une contagion du secteur des services. En ce cas, le ralentissement de l’économie serait plus marqué que celui exprimé par les chiffres que je viens d’indiquer.

Dans ce contexte de ralentissement, l’économie française apparaît particulièrement résiliente, ce dont je me réjouis évidemment. Elle est un peu moins exposée que celle de ses partenaires à l’environnement international. Dès lors, la croissance a maintenu le cap au troisième trimestre, notamment soutenue par l’investissement toujours assez dynamique des entreprises, ce qui est une bonne nouvelle.

Selon nos prévisions d’automne, la croissance s’établirait ainsi à 1,3 % en 2019, 1,2 % en 2020 et 1,3 % en 2021. L’activité française serait principalement portée par la demande intérieure. Plus précisément, la consommation privée augmenterait légèrement, compensant ainsi le ralentissement progressif de l’investissement. À cela s’ajoute le soutien à la croissance que représentent les mesures budgétaires prises à la suite de la crise des gilets jaunes. Elles peuvent avoir un impact sur les finances publiques, elles ont aussi un impact sur la croissance.

J’en viens à la situation des finances publiques des États membres de la zone euro. C’est le paquet d’automne que vous évoquiez, Monsieur le Président, et que j’ai présenté la semaine dernière, pour la sixième fois – il aurait dû y en avoir cinq – et la dernière depuis 2014.

De ces cinq années de dialogue budgétaire avec les États membres, je retiens, et j’en suis fier, que le choix politique fait par la Commission Junker a payé. Ce choix est un triptyque. Nous avons souhaité, d’abord, respecter les critères de finances publiques. Cette Commission a eu à cœur que le pacte de stabilité et de croissance soit respecté, ce qui se traduit par la très nette baisse des déficits. Ensuite, nous avons introduit dans le pacte de stabilité et de croissance un élément qui ne figurait pas dans la doctrine de la précédente Commission, à savoir une dose de flexibilité dans l’interprétation des règles qui nous a permis d’éviter qu’un pays quelconque soit sanctionné pendant ces cinq années. J’ai toujours pensé qu’une sanction budgétaire, je ne sais quelle amende ou je ne sais quelle stigmatisation, serait une faillite, un défaut, un problème à la fois pour le pays sanctionné et pour les règles elles-mêmes, qui n’auraient pas convaincu. Je suis très heureux que toutes les situations, parfois délicates, que nous avons rencontrées, concernant l’Espagne, le Portugal, l’Italie à deux reprises, aient été traitées de manière à la fois économique et politique. Cela nous a permis de garder le chemin de la croissance en même temps que de respecter le sérieux budgétaire. Le troisième élément du triptyque est une politique d’investissement dynamique. Vous le savez, dans vos régions, la contribution du plan Junker de 500 milliards d’euros à la croissance a été un très bon encouragement à l’investissement et a contribué au climat plus favorable que j’évoquais.

Dans nos premières prévisions, en 2015, seuls cinq pays avaient présenté des projets de budget conformes. Ils sont aujourd’hui neuf pays dans cette situation. Pour la première fois depuis 2002, pas seulement depuis la crise mais depuis la création de l’euro, plus aucun État membre n’est en situation de déficit excessif. L’Espagne est le dernier pays à en être sorti. Comme je le disais, le déficit de la zone euro devrait rester sous la barre de 1 % en 2020. La dette publique reste trop élevée, mais elle a baissé de dix points depuis 2014 pour s’établir à 85 % du PIB en moyenne en 2020.

Cette évolution témoigne de l’ampleur des efforts engagés par les États membres pour assainir leurs finances publiques dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance ; elle démontre aussi – c’est un message que je veux laisser pour la prochaine Commission et pour vous aussi, mesdames et Messieurs les députés – qu’il est tout à fait possible de réduire un déficit public tout en soutenant la croissance par une lecture flexible et intelligente des règles, afin qu’il n’y ait surtout pas de retour en arrière. Cela a marqué un virage majeur, que je considère comme positif, dans la politique économique de la zone euro.

Quelles sont les principales conclusions de notre analyse ? Il convient de retenir, en effet, que huit États membres présentent toujours un risque de déviation significative. C’est le cas de l’Espagne, du Portugal, de la Belgique, pour lesquels nous nous sommes prononcés « à politiques inchangées », en raison de la situation politique de ces pays. Le Portugal en est maintenant sorti mais il ne l’était pas à l’époque où nous avons arrêté nos compteurs. En Espagne, il n’y a pas encore de gouvernement sorti des urnes et, en Belgique, le gouvernement gère les affaires courantes. C’est aussi le cas en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande. C’est enfin le cas de la France et de l’Italie, sur lesquels j’aimerais me concentrer, parce que ce sont deux très grandes économies de la zone euro.

Selon nos prévisions, le déficit public français atteindrait 3,1 % du PIB en 2019, puis 2,2 % en 2020 et 2021. Sur la base de ces prévisions, conformes à ce que nous attendions et marquant que la France passerait nettement sous les 3 %, résultat de la comptabilisation de la mesure dite de one off sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), la Commission prévoit un effort structurel nul en 2019 et très légèrement positif, de 0,1 point de PIB, en 2020. Dans ces conditions – c’est la lettre du pacte –, la Commission a conclu que le projet de budget français pour 2020 est en risque de non-conformité avec le pacte de stabilité et de croissance par rapport à l’objectif de réduction annuelle de déficit structurel requis par nos règles, fixé à 0,6 %. L’absence d’effort structurel se traduit d’ailleurs par une absence d’amélioration de la trajectoire de la dette publique française dans nos prévisions.

À titre personnel, j’accorde beaucoup moins d’importance au déficit structurel qu’à la réduction de la dette. Si on doit un jour réfléchir à nos règles, il faudra peut-être déplacer le curseur. En tout cas, le problème majeur sur le plan économique et financier c’est le niveau de la dette. J’ai toujours pensé que la dette était l’ennemie de l’économie, car tout euro consacré au remboursement de la dette est un euro perdu pour l’économie et pour la société. C’est la plus stupide et la plus inefficace des dépenses publiques. Contrôler sa dette, c’est aussi se redonner les moyens de produire des biens communs et des biens publics dont nos sociétés ont besoin. Je me permets donc d’insister sur l’importance de réaliser des efforts structurels crédibles et soutenus pour inscrire la dette sur une trajectoire descendante. Il vous reviendra, avec le Gouvernement, de le définir.

La situation de l’Italie est bien différente de celle que je vous présentais l’an passé. Pour mémoire, la Commission avait dû confirmer l’existence d’une non-conformité particulièrement sérieuse aux règles du pacte de stabilité et de croissance, autrement dit rejeter le budget italien, pour la seule fois en cinq ans. La situation est différente, d’abord, parce que la déviation par rapport à l’effort structurel demandé est largement inférieure à celle que nous estimions à la même époque l’année dernière. Elle l’est, ensuite, parce que les plans de réforme du gouvernement italien tiennent globalement compte des recommandations du Conseil. Je ne veux pas porter de jugement politique, car j’ai bien travaillé avec tous les gouvernements italiens, même avec le gouvernement où figurait M. Salvini qui, finalement, dans un dialogue avec la Commission européenne, a corrigé les excès de son avant-projet de budget. Cette fois, le gouvernement est pro-européen : cela se voit à la qualité du travail avec ses partenaires et avec la Commission. Nous avons eu un dialogue très constructif.

Toutefois, la Commission a jugé que le projet de budget pour 2020 présentait aussi un risque de non-conformité avec les obligations du pacte. La principale faiblesse de l’économie italienne, c’est le niveau de sa dette publique. Très supérieure à la dette publique française, elle s’élève à 134,8 % du PIB et risque de monter jusqu’à 137 %. C’est naturellement un obstacle très important à la croissance économique qui stagne en Italie entre 0 % et 0,5 % selon les années. La Commission continuera donc d’accompagner l’Italie pour s’assurer qu’elle réalise les réformes structurelles nécessaires, non seulement pour réduire durablement sa dette publique, mais surtout pour améliorer sa productivité. On ne peut pas tolérer qu’un grand pays comme l’Italie ait durablement une croissance en moyenne d’un point inférieur à celle de la zone euro. Ce n’est bon ni pour l’Italie ni pour la zone euro, et cela creuse les inégalités dans ce pays. C’est le message que j’ai adressé aux autorités italiennes, la semaine dernière lors de mon dernier déplacement, qui était aussi un peu symbolique, à Rome, où j’ai rencontré le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des finances.

Le paquet d’automne comprenait également l’adoption du quatrième rapport de surveillance renforcée de la Grèce. Nous avons deux très bonnes nouvelles pour la Grèce. La première, c’est que la Grèce fait partie des pays conformes aux règles. Voilà un pays qui a connu une crise absolument incroyable, qui a été placé sous assistance financière pendant près de dix ans et qui termine cette période avec un surplus primaire budgétaire de plus de 3,5 % par an, ce dont je me réjouis. J’ajoute que le rapport de surveillance renforcée de la Grèce est positif, ce qui ouvre la voie à un nouveau déboursement d’un montant de 2,5 milliards d’euros qui doit être décidé au prochain Eurogroupe, d’ici quelques jours. C’est un très bon signal du redressement progressif de l’économie grecque.

Plus généralement, je suis très fier du parcours de la Grèce. Depuis les moments les plus difficiles de la crise économique, que vous avez aussi connus, Monsieur le Président, elle a conclu avec succès son troisième programme d’assistance financière. Elle a retrouvé sa juste place au sein de la zone euro. Elle poursuit désormais avec sérieux ses efforts pour moderniser son économie. Ce n’est pas fini, beaucoup reste encore à faire pour renouer définitivement avec la croissance, mais je suis aujourd’hui confiant en l’avenir de la Grèce. Sur le plan politique, c’est une des grandes victoires de la Commission et de la France. À toutes les étapes, dans un environnement parfois hostile, la Grèce a pu compter sur le soutien de la France et de la Commission. J’ajoute qu’elle a pu compter sur le soutien de la Banque centrale européenne (BCE) et que les phrases prononcées par Mario Draghi et ses actes, à l’été 2012, ont également joué un très grand rôle.

Le ralentissement de la conjoncture doit pousser la prochaine Commission à accentuer ses efforts pour renforcer l’économie européenne et soutenir la croissance. Je veux laisser trois messages ou identifier trois chantiers prioritaires.

Le premier, c’est qu’on ne peut pas, aujourd’hui, se contenter de la flexibilité. Il faut aller plus loin, et il est temps de réformer nos règles budgétaires pour les rendre plus lisibles, plus simples, moins procycliques, afin de garantir qu’elles soutiennent la croissance tout en favorisant la réduction de la dette. Je plaide pour une réforme systémique qui impliquerait la création d’un véritable budget de la zone euro et celle d’un actif sans risque européen, la révision des règles, tout cela encadré par plus de démocratie, c’est-à-dire une formation en zone euro du Parlement européen et un ministre européen des finances qui serait responsable devant lui. Le temps de faire ce saut est venu. Cela ne signifie pas l’abandon du pacte de stabilité et de croissance, cela signifie l’amender puissamment. Je souhaite que cela figure à l’ordre du jour de la prochaine Commission et des prochains Eurogroupes.

Le deuxième chantier est l’achèvement de l’union économique et monétaire (UEM) pour se préparer sereinement à un retournement de la conjoncture. Nous avons fait quelques progrès, à mes yeux trop limités, au cours de cette mandature. Nous avons progressé concernant l’union bancaire, nous avons renforcé le rôle du mécanisme européen de stabilité, mais, je le répète, nous n’avons toujours pas de vrai budget de la zone euro ni de ministre des finances de la zone euro. On ne peut se contenter de la situation dans laquelle nous sommes. Il faudra aller jusqu’au bout de l’union bancaire. Je pense à la garantie des dépôts. J’ai noté avec satisfaction que le ministre allemand des finances avait ouvert une porte, qu’on pouvait enfin parler avec l’Allemagne de ce qu’on appelle l’EDIS (European Deposit Insurance Scheme), mais c’est encore une porte peu entrouverte et il faudra sans doute aller plus loin. L’union bancaire est bien un projet à trois piliers : la supervision – elle existe –, la résolution – nous progressons – et la garantie des dépôts, exigence très forte pour nos citoyens.

Troisième chantier et troisième message : il faut mieux coordonner les politiques économiques pour qu’elles stimulent la croissance. Mario Draghi a quitté, lui aussi, son mandat, il y a presque un mois, mandat impressionnant pour une personnalité impressionnante. Son dernier message était le suivant : la politique monétaire a beaucoup fait, elle ne peut pas tout faire, elle ne peut plus tout faire. On ne va pas vivre pendant une éternité avec des taux d’intérêt non seulement bas mais négatifs. Il faut donc aussi avoir un levier budgétaire et un levier de réforme. La position de la Commission, que je vous soumets, c’est qu’il faut actionner avec prudence le levier budgétaire. Nous ne plaidons pas pour une relance généralisée – nous ne pensons pas que tous les États soient en situation de le faire –, mais nous plaidons pour une relance coordonnée.

Autrement dit, des pays doivent continuer à réduire leur dette – c’est le cas de l’Italie, surtout, et dans une moindre mesure, de la France –, tandis que des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas disposent de marges de manœuvre considérables, à la fois en termes de finances publiques et de commerce extérieur, de nature à leur permettre de relancer l’investissement. Ces deux nations ont commencé à le faire, mais c’est encore très insuffisant. Je suis persuadé que s’il advenait un ralentissement supérieur, nous verrions ce changement en Allemagne. Je note, et vous le connaissez, madame la Présidente, qu’un document conjoint de la fédération de l’industrie allemande (BDI) et de la confédération allemande des syndicats (DGB) – on n’imagine pas cela en France – a plaidé pour que le gouvernement lâche la bride sur l’investissement. Au-delà du consensus extérieur à l’Allemagne, il commence à en apparaître un à l’intérieur, de la part des acteurs économiques et sociaux.

Je dirai enfin quelques mots de l’agenda fiscal, sur lequel vous m’interrogiez, Madame la Présidente. Je suis particulièrement fier du travail accompli dans ce domaine. Ce n’était pas acquis. Quand on m’a confié le portefeuille fiscal, j’étais on ne peut plus sceptique, tant c’était une matière aride où l’Europe avait montré son impuissance du fait de la règle de l’unanimité. Mais il s’est produit une révolution de la transparence, dont je parlais hier à l’OCDE. Le G20 s’est mêlé de l’affaire, dès 2009, à Londres. On a créé le forum global sur la transparence, dont on célébrait hier le dixième anniversaire à l’OCDE. Il y a eu les mesures BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l’OCDE. Il y a eu des scandales, le rôle majeur joué par des journalistes, et l’opinion européenne a pesé sur les États. La Commission – c’est le rôle que je veux me reconnaître et nous reconnaître –, a su habilement en jouer et prendre à chaque fois des initiatives. Pour moi, c’est simple : un scandale, une directive. Je savais qu’à ce moment-là, il serait très difficile à un État membre ciblé ou concerné de s’abriter derrière l’unanimité dans le secret pour bloquer les choses. Au total, j’ai fait adopter vingt propositions fiscales en cinq ans, dont la moitié contre la fraude et l’évasion fiscale, soit plus que ces vingt dernières années, non seulement en quantité mais surtout en qualité et en substance.

Mais tout n’est pas fait, loin de là. Je ne voudrais surtout pas que la Commission et le monde relâchent les efforts en la matière, que ces cinq années restent comme une parenthèse enchantée, qu’on retombe dans ce qu’on appelle à Bruxelles le business as usual, qu’on devienne plan-plan et qu’on s’arrête. Pour continuer, madame la Présidente, il faudra bien lever le verrou de l’unanimité.

Fier de ce que j’ai fait, je suis aussi lucide sur ce qui n’a pas été fait. Je n’ai pas pu faire adopter une réforme ambitieuse de la TVA. La fraude à la TVA représente 150 milliards d’euros, dont 50 milliards pour la seule fraude transfrontalière. Je n’ai pas pu faire adopter l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. Je n’ai pas pu faire adopter, de peu, les deux directives sur le numérique que nous proposions. Pourquoi ? Unanimité ! Tant qu’on maintiendra ce système où le veto d’un seul paralyse la volonté générale de tous les autres, on n’avancera pas sur les réformes structurelles. Si la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est devenue un sujet de consensus sur lequel nous pouvons avancer avec l’unanimité, pour le reste, on ne peut pas et il faudra y remédier.

J’évoquerai maintenant deux dossiers que je considère comme prioritaires pour le prochain mandat.

En premier lieu, le G20 a chargé l’OCDE de mener des discussions entre 130 pays afin de moderniser les règles fiscales internationales en vue d’atteindre deux objectifs : l’imposition des activités du numérique et l’introduction d’un taux d’imposition minimal des entreprises. Les travaux progressent à un rythme soutenu. Le G7 et le G20 ont réaffirmé leur plein soutien à cette solution à deux piliers. Je note des avancées. L’OCDE a présenté hier un projet dont le ministre Bruno Le Maire, qui participait à la même table ronde que moi et qui l’introduisait, a pu dire qu’il avait l’assentiment de la France. Cela va aussi dans la bonne direction pour la Commission, qui va continuer à travailler avec les États.

Madame la Présidente, il n’est pas plus facile d’agir à 130 qu’à 28. Ce que font les 28 a été utile aux 130. Je suis persuadé que sans nos propositions de directives, il n’y aurait pas eu d’accélération de la discussion internationale. L’Europe a su jouer un rôle leader. J’irai plus loin : je sais qu’il y a ici des discussions sur la taxe nationale qui, du point de vue économique, n’était pas forcément la meilleure réponse, mais cela a contribué à faire avancer la discussion internationale. De ce point de vue, je me garderai de la critiquer, d’autant qu’elle était conforme au projet de la Commission. Mais ce que nous ferons à 130 sera plus modeste que ce que nous aurions pu faire à 28. Le moment venu, nous aurons une base d’accord sur une plateforme de l’OCDE, validée par le G7, le G20 et la communauté internationale, mais chacun devra ensuite légiférer avec ses propres règles et ses propres ambitions. C’est pourquoi les propositions de directives que j’ai présentées ne sont pas retirées. Elles sont tout à fait compatibles avec les deux piliers de l’OCDE.

En second lieu, il faudra rester unis pour relever le défi du dérèglement climatique. On ne peut pas répondre à l’urgence climatique sans fiscalité verte. La révision de la directive sur la fiscalité de l’énergie doit être une priorité. Des règles datant de 2003 sont totalement incompatibles avec l’ambition de la Présidente, Mme von der Leyen, de faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici à 2050. Je n’ai pas pu faire avancer ce dossier. Il y avait des blocages à la fois à la Commission – je le dis – et à l’extérieur de la Commission. Il est temps de faire autre chose. Pour cela aussi, le passage à la majorité qualifiée serait très utile.

Mesdames et Messieurs les députés, j’ai voulu m’exprimer, peut-être un peu longuement, sur l’état actuel et transmettre quelques messages pour l’avenir. Le prochain mandat de la Commission qui débutera le 1er décembre apportera son lot de défis en matière économique et fiscale, mais aussi commerciale, démocratique et climatique. Cette Commission a le devoir d’être ambitieuse. Je suis convaincu que nous pourrons relever les défis, à condition que les pro-européens présents à la Commission, au Parlement européen, dans les parlements nationaux, sur le terrain sachent trouver un terrain d’entente. D’évidence, ce que je vois au Parlement européen montre qu’il y a encore beaucoup de progrès à faire. Cette espèce, non pas de coalition, mais simplement d’accord de volonté ou de principe n’existe pas. Il n’y a pas encore de programme sur la table, même si Mme von der Leyen a présenté un discours ambitieux. On ne pourra pas traiter les différents chantiers que j’ai évoqués à défaut de davantage d’unité politique autour du thème européen.

Je souhaite enfin vous remercier pour votre collaboration. Ces dernières années, vous m’avez régulièrement invité. J’ai aussi insisté pour venir ici, parce que je pense qu’il est bon que la représentation nationale connaisse la situation et l’analyse de la Commission au début du semestre européen, maintenant, et à sa fin, donc au moins deux fois par an, plus si nécessaire. Vous avez joué le jeu. Je me suis efforcé de le jouer aussi. Ces échanges ont toujours été pour moi un plaisir et un honneur. Je vous invite à entretenir des liens étroits avec mon successeur – un peu moins français, il reste assez latin, puisque c’est Paolo Gentiloni, l’ancien Premier ministre italien, tout à fait francophone, donc tout à fait susceptible de venir répondre à vos questions aussi – et avec l’ensemble de la Commission, car c’est toujours une structure compliquée.

M. le Président Éric Woerth. Merci beaucoup pour ces propos introductifs extrêmement complets. Vous avez largement répondu aux questions que je souhaitais poser sur les prochaines priorités de la Commission dans votre domaine, comme sur l’opportunité de réformer le pacte de stabilité et de croissance, à un point près. Le Président de la République s’est exprimé assez brièvement sur le sujet dans le magazine The Economist, lors d’un entretien principalement consacré aux relations internationales et européennes. Il a donné le sentiment de vouloir s’éloigner ou s’exonérer de la règle des 3 %. Qu’en pensez-vous ?

Par ailleurs, vous avez parlé des dix ans de la feuille de route confiée par le G20 à l’OCDE, au sujet des paradis fiscaux, des trous noirs fiscaux, du secret bancaire. Je note que le monde a fait beaucoup de progrès en dix ans, grâce à l’ensemble des gouvernements qui ont fait converger leurs efforts. C’est au bout de dix ans que l’on peut mesurer le chemin parcouru.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Monsieur le commissaire, je voudrais tout d’abord vous remercier. Au-delà de l’action que vous avez menée, c’est la première fois dans les annales du Parlement qu’on constate des relations aussi directes et intenses avec un commissaire européen. C’est d’autant plus agréable que nous avons fait, de notre côté, des efforts pour être très présents dans le cadre de la conférence interparlementaire prévue par l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ce type de relations permet d’éviter un décrochage entre ce qu’on peut penser au sein des instances de l’Union européenne et au sein des parlements nationaux. Je crois beaucoup à la vertu de cet exercice. Il sera d’ailleurs amélioré, puisque, par le biais de la ministre chargée des affaires européennes, nous avons souhaité entretenir de meilleurs contacts avec nos homologues siégeant au Parlement européen. S’il est toujours agréable de participer à une conférence interparlementaire et de discuter avec des députés européens d’autres pays, il est parfois plus difficile d’y trouver des Français. Il vaut mieux s’orienter vers des relations plus prégnantes entre le Parlement national et le Parlement européen.

Je relève que la Commission constate dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2020 que la France affiche une croissance résiliente pour 2019 et 2020. Comme vous l’écrivez, cette croissance est portée par la hausse de la demande intérieure des ménages et par le maintien de l’investissement des entreprises. La hausse de la demande intérieure s’explique par des mesures budgétaires de soutien au pouvoir d’achat. Il y a fort à parier que la France ne contribuerait pas à tirer la croissance de la zone euro pour 2019 et 2020 si un effort budgétaire aussi conséquent n’avait pas été consenti. C’est le sens du courrier que Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, vous a adressé en réponse au projet d’avis de la Commission européenne. Le 0,2 % du PIB consacré aux mesures en faveur du pouvoir d’achat ne va certainement pas modifier structurellement le déficit mais il va relancer directement l’économie du pays. J’ai été attentif à votre propos sur les équilibres à trouver en la matière.

J’en viens à mes deux questions.

Vous indiquez que les politiques budgétaires sont insuffisamment différenciées dans l’ensemble de la zone euro, que les États membres qui disposent de marges de manœuvre budgétaire devraient relancer l’investissement et que ceux qui n’en disposent pas devraient consolider leur situation financière. Mais comment encourager concrètement les premiers à investir ? Ne faudrait-il pas fixer de nouvelles règles contraignantes ? Vous avez parlé du caractère extraverti de l’Allemagne. Je ne sais pas si c’est le terme qui convient. L’expression allemande ne correspond pas exactement à la traduction française. À défaut de règles contraignantes, je ne vois pas comment on peut aboutir, en dépit des évolutions que vous soulignez et malgré le caractère encourageant des rencontres avec le ministre fédéral allemand de l’économie. Dès lors, quelles règles pourrait-on mettre en place ?

La situation économique de la zone euro est préoccupante. La politique monétaire européenne peut difficilement être mobilisée, parce que les taux sont déjà très bas. Notre politique commerciale est dépendante des relations internationales, lesquelles sont très dégradées entre la Chine et les États-Unis, comme l’a rappelé la Présidente de la commission des affaires européennes dans son propos liminaire. Le PIB mondial n’est pas en progression spectaculaire. Il faut donc se concentrer sur les marchés intérieurs, ce qui pose la question des leviers économiques, macroéconomiques et microéconomiques à activer pour que la croissance de la zone euro perdure. Vous avez évoqué cette question mais, là encore, quels moyens concrets voyez-vous pour y parvenir ?

M. Xavier Paluszkiewicz. Monsieur le commissaire, merci pour votre présence en commission et pour le brillant exposé que vous venez de faire. En tant que membre de la commission des finances et de la commission des affaires européennes de l’Assemblée, je me suis réjoui de suivre régulièrement l’avancée de vos travaux depuis le début de cette législature. Je suis certain que vous avez contribué à la stabilité financière en Europe, notamment en mettant en œuvre le pacte de stabilité et de croissance et en œuvrant en faveur d’une fiscalité répondant plus efficacement aux enjeux contemporains de l’Union européenne. Même si nous savons qu’il reste beaucoup à faire, Monsieur le commissaire, merci !

Au travers des prévisions économiques d’automne, vous avez évoqué le risque d’un Brexit désordonné et les fragilités du secteur manufacturier susceptibles d’exercer un effet de contagion dans le secteur des services. Je tiens à vous exprimer ma satisfaction d’avoir insisté sur la nécessité de déplacer le curseur structurel vers la dette. Vous avez entièrement raison de marteler l’idée que la dette, c’est la plus inutile des dépenses publiques. Aussi vous poserai-je une question avec ma casquette de co-rapporteur de la commission des affaires européennes pour le rapport d’information sur l’espace fiscal européen. Alors que je me rendrai demain en Pologne, accompagné de ma collègue Frédérique Dumas, pour échanger avec nos partenaires sur ce sujet et que les travaux relativement critiques du Conseil d’analyse économique (CAE) sur l’imposition des entreprises viennent d’être publiés, quelle est la position de la Commission en la matière ? Quels dossiers importants et prioritaires vont être transmis à l’équipe qui vous succède ? Dans sa note de novembre 2018, le CAE estime que les insuffisances de notre système fiscal induisent pour la France une perte de recettes à hauteur de 5 milliards d’euros. Nous le savons bien, les Français ont le désir éminemment légitime de veiller au respect de l’égalité devant l’impôt.

Enfin, quelles mesures concrètes en cours d’élaboration seront transmises à la future Commission von der Leyen ? Comment l’Union, échelon particulièrement adapté pour rétablir cette égalité devant l’impôt, pourrait-elle agir en ce sens pour les années à venir ? Je pense notamment à la taxation des grandes entreprises du numérique qui constitue pour chacun un sujet d’action publique essentiel. Même si l’OCDE semble avoir pris la main sur ce sujet, les 27 sont assurément à la manœuvre depuis le départ.

Monsieur le commissaire, vous évoquiez en introduction votre départ imminent. À mon sens, ce n’est qu’un au revoir !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le Commissaire, il aura fallu attendre longtemps pour que nous ayons un point d’accord. Ce matin, enfin, je constate que nous partageons un avis sur les choix politiques de la Commission Junker, et je m’en réjouis. Mais force est de constater qu’en France, nous ne mettons pas suffisamment en lumière les investissements portés par le fonds européen d’investissement (FEI) dont nous n’entendons guère parler que pendant la campagne européenne. Quand l’État se glorifie d’une certaine relance de l’activité économique et de l’emploi, il oublie de dire que 15 milliards d’euros portés par le FEI ont permis 74,4 milliards d’euros d’investissement dans des projets économiques viables et importants. Il serait d’ailleurs intéressant de faire une étude différenciant les emplois et les améliorations dans certains secteurs économiques liés au plan Junker de ceux liés à la politique de l’État.

Monsieur le commissaire, l’assainissement des finances publiques comporte trois aspects. D’abord, comme le Président de la commission l’a bien rappelé, on a le sentiment que le Président de la République a l’intention de ne pas se conformer à la règle des 3 %. Ensuite, en l’absence de réforme structurelle, il n’y a pas de réduction du déficit structurel. Or cela fait deux ans que nous déposons des amendements pour alerter la majorité et le Gouvernement. Ce n’est pas un sujet pour eux, mais la France a signé le TSCG et nous ne respectons pas cette signature. Enfin, vous semblez privilégier la réduction de la dette au détriment de la baisse du déficit structurel. Je pense que les deux ne sont pas incompatibles. Là aussi, on a le sentiment qu’on a laissé filer une dette colossale que l’on aggrave d’année en année sans prévoir de solution. Quand on sera au-delà des 100 %, il sera trop tard, Monsieur le commissaire, pour tirer la sonnette d’alarme. La France n’est pas au rendez-vous de l’assainissement de ses finances publiques.

J’aborderai enfin les prévisions économiques européennes. Vous l’avez très bien dit, c’est la septième année de croissance consécutive, et les perspectives sont celles d’une croissance modérée mais positive. Encore faut-il établir des distinctions. Le secteur manufacturier français sera moins impacté que celui de l’Allemagne, qui avait un secteur manufacturier dominant. En France, un taux de croissance de 1,3 % pour 2020 est-il encore possible ? Le risque de contagion du secteur manufacturier aux services n’est-il pas réel ?

M. Jean-Paul Mattei. Monsieur le commissaire, merci pour cet exposé qui a balayé votre action pendant vos années de mandat à la Commission et surtout pour vos propos raisonnablement optimistes, agréables à entendre.

Après une année marquée par l’adoption par le Parlement d’un texte visant à améliorer la lutte contre l’optimisation fiscale et à adapter notre fiscalité aux évolutions du numérique – je pense notamment à la taxe GAFA et à la reconnaissance des droits voisins où la France est particulièrement en pointe –, quel regard portez-vous sur ces initiatives ? Où en est votre projet visant à rendre obligatoire la déclaration des schémas d’optimisation fiscale dans les textes européens ? Alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2019 a acté un éloignement de la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques, faisant craindre un risque d’engagement d’une procédure pour déficit excessif contre la France, le Président de la République a rappelé que les textes actuels ne tenaient pas compte des investissements réalisés par les États. Pensez-vous possible une évolution de ces règles européennes, laquelle permettrait de nous comparer enfin sur un juste plan, notamment avec l’Allemagne ? Enfin, comment envisagez-vous le Brexit et ses conséquences sur l’économie européenne ?

M. Michel Castellani. Je tiens d’abord à souligner l’importance du chantier de convergence européenne en matières économique, sociale et fiscale. Les différences de développement, de niveaux de vie et de balances des paiements sont grandes. Des pays accumulent les excédents et d’autres sont soumis à une véritable hémorragie. Les niveaux de fiscalité sont également très différents. Nous savons que l’Union européenne avancera difficilement du fait de la présence de paradis fiscaux. Cela est valable aussi au niveau territorial. L’Union européenne semble très éloignée de la prise en compte de réalités concrètes de terrain, notamment des réalités insulaires. Nous en savons quelque chose, du côté de la Corse.

Ma seconde remarque est plus modeste. Dans le cadre de la loi de finances pour 2019, les niveaux du crédit d’impôt recherche (CIR) et du crédit impôt innovation pour la Corse ont été alignés sur ceux de l’outre-mer, ce qui est une très bonne chose, sauf que l’application concrète ne pourra s’opérer qu’après le feu vert de Bruxelles. Depuis un an, il ne se passe rien. Monsieur le commissaire, il serait très utile et bien vu en Corse que vous aidiez à dénouer les choses.

Mme Sabine Rubin. Monsieur le commissaire, vous avez déclaré lundi, à propos de votre mandat : « Mission accomplie ». Estimez-vous avoir accompli votre mission en matière de paradis fiscaux ? La liste qui vient d’être réactualisée ne compte plus que neuf pays et toujours pas le Panama. Est-ce vraiment sérieux ?

Qu’avez-vous fait pour éviter la concurrence fiscale entre pays ? La Commission est prompte à punir ceux qui ne respectent pas les fameuses règles que M. Macron lui-même juge obsolètes, mais elle ne dit jamais rien pour les pays qui font baisser leurs recettes, donc du dumping fiscal…

Vous êtes satisfait également d’un niveau de déficit de 1 %. Certes, l’Europe est une bonne élève, mais ne pensez-vous pas que ce 1 % contribue précisément à une croissance européenne ralentie et molle ? Vous proposez que l’Allemagne et les Pays-Bas soient les fers de lance de la relance, mais quelles mesures concrètes proposez-vous ? Vous en avez pour punir mais pas pour inciter. Pourquoi ne proposez-vous pas que la France, qui est une mauvaise élève en raison de sa dette, investisse en raison des fameux taux bas ? À moyen terme, ceux-ci permettraient de résoudre le fameux problème de la dette que vous évoquez mille fois.

Enfin, la dette de l’Europe représentait 100 % du PIB en 2008, et dix ans plus tard, après votre politique, elle est de 180 %. Pensez-vous que ce soit vraiment une mission bien accomplie ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le commissaire, la barre des 3 % reste un élément central des règles budgétaires. Pour autant, elle ne doit pas effacer les autres règles contraignantes qui s’appliquent, même lorsque le seuil de 3 % est atteint. L’ensemble des règles budgétaires européennes est marqué par une complexité importante. Les volets ainsi que les sous-volets sont nombreux et vont bien au-delà de la simple barrière symbolique des 3 %, qui ne marque finalement que la frontière entre le volet préventif et le volet correctif.

Les indicateurs, trop nombreux, ne font pas toujours l’objet d’un consensus. Par exemple, celui relatif à l’effort structurel en France est différent de celui utilisé par la Commission européenne. Les indicateurs sont difficilement calculables. Par exemple, le solde structurel s’appuie sur la croissance. Or la croissance potentielle n’est pas directement observable. Il existe une divergence importante sur les modes de calcul.

Enfin, il n’existe aucune justification théorique des 3 % ou des autres ratios utilisés. Ils ont été fixés de manière arbitraire et de nombreux articles de recherche ont montré que les seuils de soutenabilité pouvaient être supérieurs et dépendre des caractéristiques économiques de chaque pays.

En fait, la règle des 3 % est désormais contestée par ses plus fervents défenseurs. Dans sa récente interview à The Economist, le Président Macron a qualifié la règle des 3 % de « débat d’un autre siècle ». Il défendait pourtant encore le respect des engagements budgétaires européens de 2017 lors de la campagne présidentielle. Vous avez vous-même déclaré récemment qu’il était sans doute temps de rendre les règles du pacte de stabilité plus lisibles, moins complexes et moins procycliques. « Il est préférable d’anticiper cette question plutôt que de la traiter en période de crise », avez-vous dit. Votre successeur, Paolo Gentiloni, est également favorable à la discussion des règles budgétaires.

Pour conclure, des ratios ne prennent pas en compte les niveaux de taux d’intérêt auxquels empruntent les pays. En économie, un déficit devient excessif s’il dépasse le seuil de soutenabilité. Or ce seuil dépend des taux d’intérêt auxquels les pays empruntent. Lorsque ces taux sont bas, ce qui est le cas actuellement, les seuils de soutenabilité augmentent. Ainsi, en période de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, des règles budgétaires aussi strictes ne semblent plus justifiées. Il serait au contraire davantage rationnel de s’endetter en période de taux d’intérêt négatifs.

Monsieur le commissaire, nous attendons des précisions sur ce fameux seuil des 3 % qui semble être remis en débat. Vous implorez l’Allemagne de participer à la relance européenne, mais pour un pays comme le nôtre et pour l’Europe, il existe aussi la possibilité de faire face à de grands enjeux comme les enjeux climatiques ou d’infrastructures.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le Président, je répondrai d’abord à vos deux interrogations.

Le trimestre européen commence maintenant avec les opinions que nous avons formulées, qui seront probablement endossées par le Conseil, au mois de décembre, à l’Eurogroupe, et il se termine au printemps. Il n’y a pas aujourd’hui, pour un quelconque pays de l’Union européenne, de retour à la procédure pour déficit excessif, car aucun pays ne doit être au-dessus de 3 % de déficit en 2020. En revanche, d’autres procédures, – la procédure pour déviation significative, voire la procédure pour dette – pourraient être appliquées. Dans le cas d’espèce, si on regarde nos opinions, ces risques peuvent tout à fait être conjurés. Il faudra pour cela que le dialogue se poursuive entre les autorités nationales – je ne pense pas seulement à la France, loin de là – et la prochaine Commission européenne. Mais il n’y aura pas de retour à la procédure pour déficit excessif l’an prochain, puisque tous les pays seront dans le bras préventif du pacte de stabilité et de croissance, qui n’est finalement pas si mal fait de ce point de vue.

Monsieur le Président, vous avez eu raison de souligner la nécessité de prendre du temps pour faire avancer les réformes en matière fiscale. Il faut bien comprendre la nouvelle dynamique qui se développe entre les initiatives de la Commission et celles de l’OCDE, deux institutions très différentes, l’une de coordination, l’autre d’impulsion et de législation dans un espace intégré. Mais je pense que nous avons maintenant vraiment la capacité d’imposer et d’accélérer l’agenda international. Il a fallu dix ans, mais il y a tout de même une accélération très puissante depuis le G20 de Los Cabos, l’adoption de la loi FATCA par les États-Unis, le lancement des mesures BEPS. Je souhaite ardemment que cela ne s’interrompe pas et qu’il n’y ait pas eu une parenthèse après laquelle on en reviendrait à une situation antérieure. Nous avons conquis cela au cours des cinq dernières années, il ne faut pas le perdre. Si j’ai un message à transmettre à mon successeur et à la prochaine Commission, c’est qu’il faut absolument que l’Union européenne garde le rôle de leader mondial qu’elle a conquis dans le cadre du G20, afin que des progrès encore plus puissants soient accomplis au niveau international en ce qui concerne la fiscalité des entreprises, la transparence, notamment pour connaître les bénéficiaires effectifs des trusts, et les enjeux liés au changement climatique.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur les déclarations du Président Macron au sujet des 3 %. Je ne veux me faire l’exégète de sa pensée, mais j’y vois plusieurs choses. D’abord, il n’a pas tort, les 3 % ne sont plus la règle qui contraint les budgets. Dès lors que tous les pays sont dans le bras préventif du pacte, d’autres règles doivent être respectées. Je pense notamment à la règle de la dette. On doit donc reformuler maintenant le pacte de stabilité et de croissance, en tenant compte du risque majeur qu’est l’endettement de nos économies.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les taux d’intérêt bas, voire négatifs. Vous l’examinez dans le cadre du projet de loi de finances et l’on voit bien sinon l’aubaine du moins le bénéfice que cela procure à un budget national et la manière dont cela réduit le poids de la dette. Nous ne resterons pas éternellement dans des régimes de taux bas ou de taux d’intérêt négatifs. Le sujet fait régulièrement l’objet de mes échanges avec Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry. Ils ont sans doute raison de dire que la manne en question doit être fléchée sur l’investissement, mais elle n’est pas pour autant éternelle. L’enjeu, c’est de réformer les règles pour améliorer leur efficacité et leur transparence et faire baisser la dette.

Je voyais une deuxième dimension dans les déclarations du Président de la République : la promotion de l’investissement sous toutes ses formes, budgétaire et extrabudgétaire, puisqu’il évoquait une autre règle, la règle du 1 % pour les budgets européens. Je pense que le budget européen doit être plus expansif et que s’en tenir pour l’éternité à un budget à 1 % est insuffisant, tout en sachant qu’il y aura des résistances fortes. Je pense aussi que nous devons vraiment nous doter d’un budget de la zone euro conséquent.

En résumé, je dirai que 3 % est un plafond et qu’il va continuer à exister. Le 1 %, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogé, n’est pas imposé par la Commission, c’est aussi une préférence nationale qui s’exprime dans les pays de l’Union européenne qui estiment que la baisse de la dette est plutôt une bonne chose. Il faut garder cette règle, mais l’enjeu n’est plus là. L’enjeu, c’est de réduire la dette, de stimuler l’investissement, de réformer le pacte de manière intelligente. Avançons dans cette direction.

Monsieur le rapporteur général, comment encourager l’Allemagne et les Pays-Bas à investir ? Je ne suis pas un adepte des procédures contraignantes. Comme commissaire, j’ai manié de façon souple ou flexible les procédures très contraignantes pour déficit excessif. La contrainte, la sanction, la brutalité, la punition, ne sont efficaces ni contre les déficits ni pour les surplus. Je crois qu’il faut modestement s’en tenir au dialogue. Le dialogue et la conviction paient. La conviction avec les parlements, avec les gouvernements, avec les acteurs économiques et sociaux doit être déterminante. Il existe une autre procédure, la procédure pour déséquilibre macroéconomique. Elle est très imparfaite, elle n’a aucune capacité contraignante. Chaque année, j’ai essayé de faire intégrer dans les recommandations du Conseil des formules un peu plus musclées. Chaque année, le ministre allemand, Wolfgang Schäuble, d’abord, un peu plus brutal de ce point de vue qu’Olaf Scholz, disait : « On ne peut pas écrire cela, vous n’allez tout de même pas nous reprocher de réussir sur le plan commercial ! » On ne leur reprochait pas de réussir mais quand on a des excédents commerciaux trop importants, on a trop d’épargne, et une épargne excessive, ce sont des investissements insuffisants et assurément un frein à la croissance.

Voilà pourquoi il faudra bien que le débat se poursuive. Je suis persuadé qu’il sera tranché par la réalité. Déjà, l’Allemagne s’aperçoit que son modèle industriel et économique est touché, que le tout automobile, le tout industrie, cela ne marche pas et que l’on ne peut pas se satisfaire de finances publiques non seulement stables mais porteuses d’excédents pas toujours justifiés. Si le ralentissement en Allemagne était durable, les choses évolueraient différemment. Je n’en viens pas à espérer une crise mais c’est souvent dans la difficulté que l’Europe évolue.

Monsieur Paluszkiewicz, vous m’avez interrogé sur la fiscalité des entreprises, sujet sur lequel vous travaillez. J’ai été ministre des finances mais je n’ai pas à me prononcer aujourd’hui sur les impôts de production en France. Toutefois, comme commissaire européen, je formulerai un certain nombre de priorités pour la suite.

Je pense notamment à l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, que nous n’avons pas réussi à imposer aux États membres. Ce sujet majeur pour réformer l’imposition des sociétés est sur la table depuis près de dix ans. Un premier projet a été retiré. Un deuxième me paraît beaucoup plus intelligent. Il s’accompagne notamment d’incitations à l’investissement qui ressemblent beaucoup à un crédit d’impôt recherche à l’échelle européenne. Ce projet est décisif. Je souhaite qu’il devienne une priorité pour l’Union européenne. Il faut pour cela un soutien puissant des États et des parlements.

Je pense aussi à une fiscalité du numérique plus moderne, incluse dans une approche systémique de la fiscalité des entreprises. Notre fiscalité des entreprises est totalement inadaptée. Pour le coup, elle est d’un autre siècle, elle date des années 1930. C’est une fiscalité reposant sur l’établissement physique. J’ai été élu député à Sochaux à plusieurs reprises et élu Président d’agglomération. Il y a dans cette ville une usine où l’on construit des voitures, aujourd’hui heureusement beaucoup plus que dans le passé, un certain nombre de travailleurs, malheureusement un peu moins, et un chiffre d’affaires ou un profit que l’on sait taxer. Pour les entreprises numériques, on ne sait pas où est l’activité, où sont les salariés, où est l’établissement. D’où la nécessité d’une fiscalité qui capture le numérique. C’est la raison pour laquelle les travaux menés par l’OCDE, comme ceux que nous menons au sein de l’Union européenne, sont décisifs. Si l’on arrivait à combiner l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, qui évite les transferts de profits, et une fiscalité adaptée qui capture le numérique et frappe les multinationales, ce serait bingo. Telle est vraiment, je crois, la fiscalité du XXIe siècle pour laquelle je me suis battu pendant ces années et que je continue d’appeler de mes vœux.

Vous m’avez demandé quelles mesures nouvelles seraient de nature à renforcer l’égalité devant l’impôt. Il ne faut pas abandonner le combat contre la fraude et l’évasion fiscale. Je le dis pour la troisième fois, il ne faut pas de retour en arrière, il ne faut pas de ralentissement. Il faut s’assurer de la bonne mise en œuvre des mesures prises pour renforcer la transparence, il faut mettre à jour et renforcer les critères de liste noire des paradis fiscaux.

J’en profite pour répondre à une question posée par la représentante de La France insoumise. Est-ce que je suis fier de la liste noire des paradis fiscaux ? Mais oui ! Mille fois oui, car c’est la première fois qu’il y a une liste noire des paradis fiscaux en Europe. Cela n’existait pas et je peux vous dire que c’est un système formidablement efficace. Madame la députée, une liste noire ne se juge pas au nombre de pays qui y figurent, elle se juge au nombre de pays qui en sortent, c’est-à-dire des pays capables de modifier des règles dommageables pour ne pas être stigmatisés ou listés. À la Commission européenne sont venus me visiter une série de Premiers ministres et de ministres des finances pour éviter de voir leurs pays figurer sur la liste. Je ne les citerai pas mais j’écrirai cela un jour. Quand je pense à Jersey et Guernesey, dont j’ai vu quatre ou cinq fois les Premiers ministres, quand je pense à la Suisse, avec laquelle nous avons eu un dialogue amical mais assez ferme, quand je pense à nos amis marocains et à nos amis tunisiens, je me dis que s’il n’y avait pas eu de liste noire et de pression des pairs, on aurait eu bien pire. Il faut donc se réjouir chaque fois qu’un pays sort de la liste noire, parce qu’il aura été obligé de se conformer aux règles internationales de l’OCDE et de l’Union européenne.

Puisque vous évoquez Panama, Madame la députée, mon dernier rendez-vous en tant que commissaire a eu lieu hier avec le ministre des finances de Panama, à qui j’ai transmis le message clair que, faute de régler un certain nombre de situations dommageables qui sont soulignées par l’OCDE, le risque de figurer sur la liste existait. Le ministre m’a assuré qu’il agirait vite. Ce sera à mon successeur de s’en assurer – mais, croyez-moi, quand je vais à l’OCDE, à la Commission européenne, ce sont les ministres qui viennent me voir pour éviter la liste noire.

Enfin, Monsieur Paluszkiewicz, il faut faire passer les dernières réformes bloquées. J’en citerai une. J’ai fait voter, parmi les directives, le reporting pays par pays. J’ai souhaité qu’il soit public et transparent. Quand j’étais ministre des finances, j’ai fait voter par cette assemblée une loi bancaire visant à rendre publics les résultats des banques. Nos banques françaises se portent-elles mal du fait que leurs résultats sont publics ? Elles se portent beaucoup mieux que les autres banques de l’Union européenne. Conclusion : il n’y a pas d’opposition entre transparence et investissement.

Madame Dalloz, je vous remercie de vos propos, mais vous avez consciemment sous-estimé les points d’accord que nous avions les années passées. Si vous dites que nous avons un point d’accord sur le bilan et l’action de la Commission, comme je l’ai menée depuis cinq ans, c’est que vous êtes venue à moi. Je m’en réjouis – ce qui, entre élus de la même région, est sans doute une bonne chose.

La dette est stable. Par conséquent, ne soyons pas alarmistes. Mais il faut faire plus. Il faut maintenir une croissance qui soutienne la dette et avoir pour ce faire des finances publiques suffisamment saines, stables, durables.

Un taux de croissance de 1,3 % en 2020 me paraît tout à fait possible pour la France, il est proche de celui que nous avons. Je le répète, il faut réformer les règles pour mettre la dette au service de nos préoccupations. C’est là un autre point d’accord entre nous.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’ACCIS, car ce projet a pour but de permettre aux entreprises d’opérer dans l’Union européenne grâce à un modèle juste de fiscalité des entreprises.

Madame Dalloz, vous avez souligné le rôle du plan Junker. C’est un peu plus de 70 milliards d’euros pour la France. Je n’ai pas arrêté le compteur. La France est de loin le premier bénéficiaire du plan Junker, non par habitant mais globalement. C’est une coproduction entre la Banque européenne d’investissement et le fonds européen d’investissement dont la France a bénéficié plus que les autres, parce qu’elle dispose de deux banques publiques : la Caisse des dépôts et consignations, pour les grandes infrastructures, et la Banque publique d’investissement, pour les petites et moyennes entreprises. Là encore, le système est performant. Il faut continuer. Le fonds européen d’investissement va être remplacé par le programme Invest EU, investir en Europe. Il faut aussi verdir nos actions, au cours du prochain mandat. Il est important que la Banque européenne d’investissement devienne la banque du climat. Il est inutile d’en inventer une autre, car celle-là peut tout à fait servir ce dessein. C’est là où réside le levier pour la croissance et la productivité de demain. L’investissement a progressé, il ne doit pas rechuter.

J’attends de l’Allemagne et des Pays-Bas qu’ils poursuivent et renforcent ce qu’ils ont commencé, c’est-à-dire investir, y compris pour la transition écologique. Le cas néerlandais est particulièrement intéressant. Concernant les taux bas, il faut réfléchir à la prise en compte de cette situation dans nos règles mais pas hors des règles.

J’indique à M. Castellani que la réponse que j’ai faite sur le plan Junker vaut aussi pour la Corse. Il connaît mon attachement personnel à la Corse, y compris à une ville qu’il connaît bien et qu’il n’est pas seul à connaître, cher François Pupponi.

La directive sur la transparence pour les intermédiaires fiscaux a été adoptée par le Conseil à la suite des Paradise Papers. J’ai poussé pour qu’il en soit ainsi. Elle dit que les intermédiaires, c’est-à-dire les conseillers juridiques, les conseillers fiscaux, les avocats – les avocats ne sont pas très contents de cette règle, mais elle n’est pas opposée au secret professionnel – doivent révéler les montages de planification fiscale agressive qu’ils conçoivent à l’administration fiscale. Cette directive est en cours de transposition par les États membres. Il importe qu’elle soit scrupuleuse pour que cette mesure puisse donner toute sa puissance. Parmi les directives adoptées, c’est loin d’être la plus négligeable. C’est une de celles qui contribuent le plus à la transparence.

Enfin, M. Paluszkiewicz m’a remercié. Je le remercie aussi. Je ne sais pas ce que je ferai demain, mais il est sûr qu’on ne guérit jamais totalement du goût pour l’action publique et l’action politique. Par conséquent, nous nous reverrons.

M. Hervé Pellois. Monsieur le commissaire, je vous remercie pour la qualité du dialogue que vous avez engagé avec les députés durant tout votre mandat à la Commission.

En 2017, vous nous annonciez une réforme visant à simplifier la TVA et à la rendre étanche à la fraude, mais vous nous faisiez part de vos difficultés à la mettre en place. Votre successeur va-t-il poursuivre ce travail ?

Dans cette logique, j’évoquerai de nouveau le dumping fiscal pratiqué par l’Allemagne en matière de TVA applicable à la production porcine. L’Allemagne a interprété la directive européenne à l’avantage des fermes allemandes en accordant aux deux tiers d’entre elles la possibilité d’opter pour le très favorable régime forfaitaire, alors qu’il ne s’agit pas de petites exploitations. Les recours juridiques portés par le collectif contre le dumping fiscal en Europe ont commencé à porter leurs fruits. Vous avez ouvert une procédure d’infraction contre l’Allemagne en mars 2018. Le 17 avril dernier, la Cour des comptes allemande a estimé que l’État fédéral ne respectait pas le droit européen. Où en est ce dossier ? Quelles suites vont lui être données ?

Enfin, la réforme de la politique agricole commune (PAC) avance lentement. Elle ne sera pas finalisée pour 2021. Un certain nombre de députés estiment même que la période de transition d’un an qui vient d’être annoncée n’est pas réaliste. Il ne sert à rien de créer des attentes qu’on ne pourra pas satisfaire au regard de l’état d’avancée de la réforme et des incertitudes relatives au cadre financier pluriannuel. Ce flou quant au futur budget et à la durée des négociations provoque de vives inquiétudes dans le monde paysan. À votre avis, quel est le calendrier probable des négociations ?

M. Fabrice Brun. Monsieur le commissaire, il y a quelque temps, je posais dans notre commission une question qui m’avait valu la réponse lapidaire des experts de la Banque de France qu’elle n’était pas d’actualité. Je veux parler de la taxation des comptes de dépôt des entreprises et des particuliers. En Allemagne, une banque de Bavière, la Volksbank, taxe désormais à 0,5 % les livrets d’épargne dès le premier centime d’euro. Autrement dit, si vous déposez 1 000 euros, on vous crédite de 995 euros. Nous avions déjà vu des établissements bancaires taxer de très gros clients mais jamais des épargnants dès le premier euro. Bienvenue dans le monde des taux négatifs où l’on perd de l’argent en épargnant ! La Banque centrale européenne, que vous connaissez bien, a provoqué cela. La Banque de France a beau dire « jamais », aucune règle juridique n’empêche une banque de facturer les dépôts. Il y a quinze ans, le débat dans notre pays portait sur la possible rémunération des dépôts ; aujourd’hui, on se demande si on ne va pas taxer les dépôts, comme commencent à le faire certaines banques en Allemagne dès le premier euro. Je souhaiterais connaître sur ce sujet votre avis non seulement éclairé mais plus libre en cette fin de mandat.

Mme Nicole Le Peih. Monsieur le commissaire, le budget annuel de l’Union européenne a été approuvé ce lundi par le Conseil à la suite de l’accord trouvé, la semaine dernière, par le Parlement. Cet accord consacre une nette augmentation des moyens alloués à la lutte contre le réchauffement climatique. Jusqu’à 21 % du budget total sont accordés à ces mesures. Mais ce budget annuel ne fait qu’annoncer la bataille plus importante relative au cadre financier pluriannuel 2021‑2027. Celui-ci traite de l’avenir de l’Union européenne : y inclure des mesures sur le changement climatique est primordial. Pour le Parlement européen, assurer des financements pour ces nouvelles priorités et maintenir ses politiques traditionnelles – je pense à la PAC dont la réduction du budget était prévue – nécessitent que les États membres augmentent leurs contributions. Pouvez-vous nous éclairer sur ces enjeux ? Quelle marge de manœuvre détiennent les eurodéputés sur la négociation de ce cadre pluriannuel ?

M. Charles de Courson. Monsieur le commissaire, puisque c’est la dernière fois que nous vous voyons en cette qualité dans cette commission, vous pouvez nous répondre très franchement. Ma question est toute simple. Que pensez-vous de la réponse du 23 octobre 2019 du ministre de l’économie et des finances à votre lettre du 22 octobre, selon laquelle le Gouvernement français est déterminé à poursuivre le rétablissement de nos finances publiques, alors que depuis trois ans, l’électroencéphalogramme est plat, le déficit structurel étant stable à 2,2 ou 2,3 % du PIB ? D’après vos informations, quelle suite est susceptible d’être donnée à cette réponse par les futurs commissaires ?

M. Éric Coquerel. Monsieur Moscovici, c’est la quatrième fois que je vous vois ici et, compte tenu de la montée des nationalismes, de la montée de l’austérité, de la montée du chômage et d’un bilan catastrophique en matière écologique, alors que, d’après le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), on va droit à la catastrophe, j’ai du mal à partager les louanges de la plupart de mes collègues. Ce côté « Tout va très bien, Madame la marquise » me laisse perplexe.

Votre politique reste dominée par l’inquiétude de l’inflation, de la remontée des taux d’intérêt, alors même qu’ils deviennent négatifs. Ne croyez-vous pas qu’à force d’avoir ce credo en tête, on en vient à prendre de mauvaises décisions ? Je rappelle qu’il y a un an, Bercy pensait que les taux seraient à 2,15 % en 2019, alors qu’ils sont négatifs.

En vous entendant expliquer que des sorties de la liste des paradis fiscaux sont le résultat de votre politique, j’ai failli éclater de rire. Pouvez-vous me dire, les yeux dans les yeux, que le Panama a amélioré sa situation depuis que son représentant est passé dans votre bureau ? Je rappelle qu’il suffit de faire des promesses à la Commission européenne pour sortir de la liste des paradis fiscaux. Gabriel Zucman estimait en 2017 que 7 900 milliards d’euros étaient abrités dans les paradis fiscaux. Sur ces 7 900 milliards d’euros, quelle est la part représentée par les neuf pays de votre liste ?

M. André Chassaigne. J’évoquerai d’abord la politique agricole commune. Des blocages au niveau européen engendrent les difficultés que nous connaissons. J’en citerai deux exemples. L’étiquetage d’origine des produits agricoles ne peut être effectué qu’à titre expérimental, parce que l’Union européenne est obsédée par une politique de compétitivité et de libre concurrence aux graves conséquences. Par ailleurs, chaque fois qu’on souhaite obtenir des prix garantis, on nous objecte le blocage de l’Union européenne.

Vous dites que la Banque européenne d’investissement peut devenir la banque du climat. Encore faut-il que le quantitive easing soit redéployé en ce sens. Aujourd’hui, la Banque centrale européenne injecte environ 720 milliards d’euros par an en achat d’actifs essentiellement privés. Il faut donc qu’elle ait un mandat très strict. Mais on dit que la BCE est indépendante et qu’on ne peut pas lui donner trop de mandats pour des politiques à conduire.

Enfin, nous voyons bien que la politique budgétaire différenciée en zone euro, en fonction des marges budgétaires des pays, dont vous avez parlé, contribue à mettre en place des politiques de relance dans les pays qui vont bien et des politiques de rigueur dans les pays qui ne vont pas bien en accroissant un peu plus écarts et inégalités.

Je terminerai par un petit jeu de mots : « Veni, vidi, Moscovici ». (Sourires.) Vous êtes venu, vous avez vu, mais je suis sûr que vous n’avez pas vaincu l’ultralibéralisme européen !

M. le Président Éric Woerth. Je suis sûr que le commissaire européen répondra à cette mise en cause personnelle.

M. Benoît Potterie. Monsieur le commissaire, vous avez évoqué la fiscalité du numérique. Les ministres des finances du G20 se sont accordés sur la nécessité de mettre en place des règles fiscales à l’échelle internationale. Ils se sont notamment mis d’accord sur la prise en compte de la présence significative d’une entreprise qui ne serait pas uniquement physique mais aussi numérique et sur l’idée d’un niveau de taxation minimal. Dans la foulée, les discussions à l’OCDE ont été relancées en vue d’aboutir à un accord d’ici le mois de juin 2020. Vous avez participé à ces discussions et vous avez récemment déclaré qu’il est crédible que l’on aboutisse à une approche commune à l’échelle de l’OCDE d’ici là. Pourtant, les membres de l’Union européenne n’avaient pas réussi à arrêter une position commune. Quel est votre sentiment sur cette question ? Qu’est-ce qui a changé au sein des pays européens pour qu’un accord soit désormais possible ? Quelle position l’Union européenne pourrait-elle proposer dans le cadre des négociations internationales ?

Mme Liliana Tanguy. Monsieur le commissaire, le 20 novembre dernier, vous avez présenté à la Commission européenne un bilan des projets budgétaires des États membres qui situe la France et sept autres États membres en situation de risque de non-conformité. Il a été beaucoup question, lors de nos échanges ce matin, de la dette française, qui avoisine les 100 % du PIB, niveau très supérieur à l’objectif de 60 % fixé par le pacte de stabilité et de croissance. Vous avez également parlé de déficits publics qui ne respectent pas l’exigence des 3 %. Face à cela, la France a présenté un plan de réduction de ce déficit de 0,9 point pour 2020, mais ce plan est jugé insuffisamment ambitieux, à court terme, par l’Union européenne. Vous connaissez bien la situation interne de la France. Selon vous, comment la France peut-elle se conformer aux attentes budgétaires européennes, quand bien même elles évolueraient un peu, en prenant en compte les revendications sociales fortes présentes et à venir dans notre pays ?

M. Fabien Di Filippo. Monsieur le commissaire, vous avez épinglé récemment la France et plusieurs autres pays pour n’avoir pas, malgré une conjoncture très favorable, respecté leurs engagements budgétaires vis-à-vis de l’Union européenne. Concernant les taux directeurs, quelles seraient les conséquences pour la France de leur augmentation ne serait-ce que d’un demi-point ? Quels pourraient être les deux ou trois champs d’économie prioritaire du budget français et comment continuer d’évoluer avec une dépense sociale beaucoup plus lourde que celle de nos partenaires européens ? Enfin, compte tenu du Brexit, comment maintenir un budget constant pour la politique de la PAC, capitale pour nos agriculteurs ?

M. François Jolivet. Monsieur le commissaire, vous avez dit que les taux négatifs ne dureraient pas. Disposez-vous d’éléments pour justifier votre position ? Beaucoup estiment que la structure démographique de l’Union européenne est telle qu’il faudrait sans doute s’habituer, pour plusieurs dizaines d’années, à des taux proches de zéro.

M. Laurent Saint-Martin. Monsieur le commissaire, puisque vous avez déjà répondu à la plupart de mes interrogations, je vous poserai une question annexe sur les accords de Bâle et les ratios prudentiels. Il existe une forte demande des établissements bancaires français et européens pour modifier les critères de Bâle. Le Président de la commission des finances et quelques commissaires ont rédigé une proposition de résolution en ce sens. Quel est votre point de vue sur cette ligne de crête entre éviter de commettre les mêmes erreurs que lors de la crise de 2008 et donner un peu d’oxygène en fonds propres à nos établissements bancaires dans un environnement mondial concurrentiel ?

M. Daniel Labaronne. À l’occasion de la réforme du pacte de stabilité, n’est-il pas temps de revoir le calcul du déficit structurel qui engendre de nombreuses difficultés, d’ordre méthodologique, théorique, économétrique, statistique ? Cette demande de révision est ancienne, puisque notre collègue Valérie Rabault l’avait formulée sous l’ancienne mandature. De votre point de vue, quels indicateurs faudrait-il reprendre ou améliorer pour mieux appréhender les évolutions structurelles de nos économies ?

La difficulté, c’est qu’on confond quelquefois déficit structurel et réforme structurelle, mais dire que nous n’avons pas engagé de réforme structurelle depuis que nous sommes en responsabilité, c’est aller un peu loin.

M. Pierre Moscovici. Je dois confesser que nous n’avons pas réussi à faire la grande réforme systémique et structurelle de la TVA à l’échelle européenne que j’appelle de mes vœux. Elle vise à faire en sorte que les opérations transfrontalières soient traitées comme des opérations domestiques, ce qui permettrait de faire disparaître la fameuse fraude « carrousel », les structures relais devenant désormais sans objet. Les pays du groupe de Visegràd, notamment, s’y sont opposés. Je le regrette. Il est indispensable que ce dossier reste sur la table et je souhaite que mon successeur, Paolo Gentiloni, le reprenne.

Pour ce qui est de l’infraction à la TVA des agriculteurs allemands, je connais votre persistance sur le sujet. J’ai ouvert cette procédure en mars 2018. L’Allemagne a répondu à l’avis motivé en mars 2019. Mes services examinent attentivement l’ensemble des données et des arguments figurant dans la réponse des autorités allemandes. Si la Commission n’était pas convaincue par les contre-arguments de l’Allemagne, cela pourrait conduire à la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, mais il faudra continuer à interroger la prochaine Commission, Monsieur le député. Plus généralement, le cas est révélateur de la difficulté à faire évoluer la directive TVA avec son temps. Du fait de la règle de l’unanimité, cela pose la question que j’ai déjà posée à plusieurs reprises.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’évolution de la PAC. Plus de cinquante ans après sa conception, il est devenu nécessaire d’adapter la PAC au monde moderne. La Commission a présenté une proposition visant au maintien d’un budget très important pour l’agriculture. Il reflète aussi une ambition pour le modèle agricole européen, dans le souci qu’elle soit plus équitable et bénéficie davantage aux petites et moyennes exploitations qu’aux grandes. Il faudra bien sûr que cette réforme de la PAC s’insère dans le cadre d’une réforme plus large de nos finances publiques européennes.

Plusieurs questions sont posées sur le budget européen, dont celle du montant et du plafond de ce budget. L’un d’entre vous m’a interrogé sur l’augmentation du prélèvement européen versé par la France. De fait, on ne peut mener une politique européenne plus ambitieuse, qui traite à la fois de la question climatique, de la question migratoire, de la question éducative, de la question de la jeunesse, qui maintienne une politique agricole ambitieuse et une politique de cohésion puissante, en se contentant des plafonds budgétaires actuels. Si l’on devait déplafonner le budget, les contributions nationales, y compris en éliminant les rabais, ce qui est tout à fait souhaitable, ne pourraient rester inchangées. C’est l’équation complexe qui est posée non pas au Parlement européen, qui, en l’occurrence, joue un rôle de colégislateur pour les budgets annuels, mais aux chefs d’État et de gouvernement, dans le cadre du Conseil européen, avec les perspectives pluriannuelles.

En matière de politique agricole commune, du point de vue du Parlement européen, nous sommes dans l’attente des premières propositions des nouveaux comités en charge de l’agriculture et de l’environnement. Du point de vue du Conseil, les progrès sont constants mais, il faut bien le reconnaître, encore relativement lents. De son côté, la Commission préconise des progrès plus rapides. Cette discussion va aussi se nouer dans le cadre de la discussion plus large qui s’ouvre de manière décisive sur les perspectives pluriannuelles.

La taxation des dépôts est un sujet très présent en Allemagne, qui n’est pas, à mon sens – je ne suis pas le commissaire aux services financiers –, réellement d’actualité en France. Je ne serai donc pas excessivement alarmiste mais je note qu’avant, l’inflation taxait les dépôts et qu’aujourd’hui, il faut regarder les taux réels, lesquels, compte tenu de la faiblesse de l’inflation, sont, même en Allemagne, supérieurs à bien des épisodes passés. Je vous invite à rester vigilants, sans pour autant être alarmiste.

Monsieur Coquerel, en vous écoutant, j’entendais une vision tellement catastrophiste que je m’interrogeais. Je reprendrai chacun de vos mots, que j’ai notés. Avons-nous plus de chômage aujourd’hui qu’en 2014 ? Non ! Avons-nous eu de l’austérité en Europe ? Non ! Nous n’avons jamais fait d’austérité au cours de ces cinq dernières années et aucun pays n’a été sanctionné. L’austérité ampute les services publics et impose une discipline budgétaire jugée comme excessive. Je peux vous assurer que la Commission et moi-même avons à chaque fois mené des dialogues avec les pays et que les décisions ont été prises ensemble. Le nationalisme, incontestablement, progresse, mais si je fais une lecture correcte des élections européennes, je vois tout de même que ce sont généralement les formations caractérisées comme pro-européennes, les autres n’étant pas toutes nationalistes, qui ont emporté une très large majorité des suffrages.

Puis, vous évoquiez l’inflation comme le danger que nous devions toujours conjurer, mais, si je ne m’abuse, le danger aujourd’hui évoqué par la Banque centrale européenne n’est pas l’inflation mais l’absence d’inflation. Ce que cible la BCE depuis des années, ce n’est pas de faire baisser l’inflation mais de la faire repartir jusqu’à 2 %. S’il y a aujourd’hui des taux d’intérêt si bas, c’est bien parce que l’inflation est également basse et qu’il faut aussi stimuler la croissance.

Le diagnostic étant faux, les réponses ne peuvent pas être partagées.

Pour ce qui est du Panama, sujet sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogé, j’ai vu des ministres panaméens et j’ai même rencontré le Président panaméen. Est-ce que cela a eu des effets ? Je ne peux pas vous dire que le Panama ne va pas de nouveau entrer sur une liste noire. La réunion que j’avais hier avec un ministre du Panama visait au contraire à souligner la nécessité du respect de certains critères et qu’à défaut, l’Union européenne, comme l’OCDE, pourrait reconsidérer sa position, y compris dans le cadre du forum global sur la transparence.

Une liste noire ne doit pas être une mise à l’index. Si c’était le cas, elle serait de nul effet. Pour moi, sa grande novation – et vous avez tort de la rejeter sans la regarder de près –, c’est qu’il s’agit d’une procédure, d’un processus qui fait pression par les pairs, jour après jour, sur les États non coopératifs et dont les effets sont très puissants. Plus de cent régimes dommageables ont été corrigés, parce qu’il y avait la liste noire. Le bon dessein ou le bon destin, c’est de sortir de la liste noire et non d’y entrer. On peut toujours se faire plaisir en stigmatisant, je préfère toujours inciter à sortir. La liste des régimes dommageables qui ont été corrigés grâce au processus de listing est très impressionnante. Vous pourrez le vérifier pays par pays. Ne jetez pas cette liste avec l’eau du bain ! Au-delà d’une erreur technique, c’est une erreur politique.

Pour ce qui est des chiffres de Gabriel Zucman et d’Emmanuel Saez, que j’ai reçus à plusieurs reprises, la façon dont ils réalisent leurs estimations ne permet pas de disposer d’une répartition fine par État, mais le dialogue doit être poursuivi.

Je le répète, un diagnostic juste nous aidera à faire un pronostic juste.

Monsieur de Courson, il n’y a pas de mystère. J’ai répondu à la lettre de Bruno Le Maire. La réponse, c’est notre opinion du 20 novembre. Il n’y a pas aujourd’hui de problème avec les finances publiques françaises, il n’y a aucune raison d’ouvrir une autre procédure. L’économie française connaît une croissance plus forte que les autres, mais il faut sans doute poursuivre l’effort en matière de désendettement. S’agissant des conséquences sur l’action de la nouvelle Commission, je vous invite à interroger ici mon successeur en 2020.

Madame Tanguy, concernant la dette française et le respect des règles, il importe de réaliser un travail systémique, comme vous le faites dans le cadre de cette commission. Je crois beaucoup plus aux revues de dépenses publiques, qui permettent de chercher des réformes et qui améliorent les structures, qu’aux rabots. Le fait d’avoir un effort structurel faible – ce qui est incontestablement le cas de la France en termes budgétaires – ne signifie pas l’absence de réformes structurelles. Mais toutes les réformes structurelles ne sont pas d’effet budgétaire. Tous les effets structurels ne découlent pas de réformes. Il convient là aussi d’être prudent.

Concernant la philosophie générale des rapports entre la Commission et les États, mon opinion est arrêtée depuis bien longtemps. Madame la Présidente, quand je suis devenu ministre des finances, ma première visite a naturellement été pour Berlin, où j’ai rencontré Wolfgang Schäuble, et ma deuxième pour la Commission européenne, où j’ai rencontré mon prédécesseur, Olli Rehn. À l’issue de l’entretien, au point de presse, au Berlaymont, il a énuméré toutes les réformes qu’il proposait à la France. Je lui ai répondu avec toute la douceur du monde que si nous avions une communauté de règles et une communauté d’objectifs, la liberté de moyens s’imposait aux États. Je me suis toujours refusé à tenir la main des États et des gouvernements et à leur prescrire de manière trop autoritaire ou trop intrusive ce qu’ils devaient faire. Je pense que c’est la bonne philosophie. Si je devais résumer ce que j’ai essayé de faire, ce serait le dialogue et non la contrainte. Cela vaut évidemment pour la situation d’aujourd’hui.

Les taux négatifs sont une grande question économique et politique. Jusqu’à quand les connaîtrons-nous ? Je ne spécule pas. Le vieillissement démographique aura un impact, mais mon point de vue est de ne pas considérer que la situation actuelle est éternelle. Quand on réfléchit à la dette publique et à sa soutenabilité, si on spécule sur des dizaines d’années de taux négatifs et qu’une mauvaise surprise survient plus tôt que prévu, l’effet boomerang est spectaculaire. Il faut sans doute affecter à l’investissement les gains résultant de la baisse des taux, mais il ne faut pas non plus considérer que la réforme des règles ne doit procéder que de la baisse des taux. J’ai sur ce sujet des échanges positifs et parfois un peu réservés avec, entre autres, les économistes déjà nommés Olivier Blanchard et Jean Pisani-Ferry. Il faut être prudent sur cette question.

Monsieur Saint-Martin, je ne suis pas en mesure de répondre à vos questions sur les règles prudentielles, car je ne suis pas le commissaire en charge des services financiers. Je crois plus prudent de vous demander d’interroger mon collègue.

Monsieur Chassaigne, vous êtes peut-être légèrement plus âgé que moi, mais nous sommes de générations qui ont connu ce qui existait avant l’Union européenne et qui s’appelait le Marché commun. L’Europe est un marché. Un marché, c’est forcément plus libéral qu’une économie collectivisée, car cela suppose l’élimination d’un certain nombre de frontières, la création de libertés de circulation pour les hommes, les marchandises, les capitaux, les services. Mais je n’ai jamais pensé, ni comme ministre des affaires européennes, ni comme parlementaire européen, ni comme député parmi vous, ni comme ministre des finances, ni comme commissaire européen, que l’Europe était ultralibérale. L’Europe, c’est aussi ce qui fixe un certain nombre de règles qui nous permettent de vivre ensemble ; c’est un règlement de copropriété ; c’est aussi un certain nombre de politiques publiques auxquelles vous êtes vous-même attaché. Vous avez posé une question sur la PAC, à laquelle j’ai répondu au passage. Sans l’Europe, il n’y a pas de PAC, sans l’Europe, il n’y a pas de politique de cohésion. Il faut un peu, et même beaucoup, nuancer le jugement que l’on porte sur l’Europe elle-même.

Quant à votre devise, vous savez, quand on termine un mandat, si on est un politique un peu expérimenté et responsable, on se garde de l’autosatisfaction et on ne dit surtout pas : j’ai vaincu. Mais si on est honnête, on doit se demander : que se serait-il passé si un autre que moi avait été à ma place ou si une autre Commission avait été à notre place ? Je veux vous dire de la façon la plus claire que s’agissant de l’austérité ou de la surveillance budgétaire, il existe une différence marquée entre ce que cette Commission a fait et la précédente. Je suis persuadé qu’avec un commissaire d’une autre sensibilité – au-delà d’une question d’orientation politique, c’est une question de sensibilité Nord/Sud – on aurait proposé des sanctions contre le Portugal, l’Espagne, l’Italie et même la France. Pourquoi vous dis-je cela ? Sans trahir le secret des délibérations de la Commission, il y eut entre nous des débats musclés. Si tel ou tel de mes collègues avait été à ma place, je peux vous assurer que la situation aurait été toute différente. Je m’enorgueillis du fait qu’on n’a pas fait d’austérité et qu’on ait eu une approche flexible des règles.

Si un autre que moi ou si une autre Commission avait été à notre place, si un conservateur allemand, par exemple, avait été en charge des négociations avec la Grèce, comme je l’ai fait, pendant toutes ces années, la Grèce serait sortie de la zone euro, en aurait été expulsée. En partant d’ici, je retrouverai d’ailleurs pour un échange Aléxis Tsipras, de passage à Paris, avec lequel j’ai beaucoup travaillé, tout comme j’ai bien travaillé avec M. Mitsotakis, le nouveau Premier ministre, avec son gouvernement qui a fait de très gros efforts d’interaction positive avec la Commission. Je garde des souvenirs de l’été 2012 et de l’été 2015 où j’ai entendu le ministre et les responsables de l’administration allemande dire : on vivrait mieux sans eux, en tout cas, pour quelque temps. Je ne dis pas du tout que les choses ont été parfaites pour la Grèce et je sais les souffrances du peuple grec. Je pense qu’il y a eu des erreurs collectives, raison pour laquelle je plaide pour la démocratisation des institutions. Je ne suis pas allé voir le film de Costa-Gavras, j’ai lu le livre de Varoufakis, qui contient des éléments justes, notamment le fait que c’est une boîte noire, même s’il ne décrit pas correctement ce qui se passe dans la boîte. Il faut soulever le capot de la boîte, il faut un contrôle démocratique, il faut que les parlementaires nationaux et les parlementaires européens sachent ce qui s’y passe. Il faut donc un ministre des finances qui vienne rendre compte devant vous, ce qui changera la nature des décisions. Mais je peux vous dire qu’avec un autre commissaire et une autre Commission, la Grèce serait sortie.

Enfin, concernant la fiscalité, alors là, oui, je suis extrêmement fier que cette Commission ait adopté vingt directives, soit plus qu’au cours des vingt années précédentes. Je suis extrêmement fier que cette Commission ait fait adopter huit directives de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. On a parlé des listes noires, des paradis fiscaux, du CbCR (Country-by-Country Reporting) ou encore de la directive sur la transparence des intermédiaires. Je suis persuadé qu’une autre Commission et un autre commissaire – je ne veux pas donner de nom – auraient été infiniment plus timides sur ce sujet. Nous n’avons pas inventé la révolution de la transparence, mais nous l’avons accompagnée et fait en sorte d’être des leaders mondiaux. Quand je vais au G20 Finances, je suis satisfait que la parole soit toujours donnée à l’OCDE – c’est normal, c’est la plateforme globale – puis toujours à l’Union européenne.

Nous avons toujours été en tête. Cela ne veut pas dire que nous avons vaincu sur tout, mais dans quelques jours, je partirai de ce mandat en me disant : tout n’a pas été parfait, j’aurais aimé qu’on réforme les règles, qu’on complète l’union bancaire, que l’on réforme davantage l’architecture de la zone euro, mais nous avons été beaucoup bloqués par les États. Je regretterai que l’on n’ait pas fait des réformes systémiques en matière fiscale. Mais tout de même, oui, mission accomplie ! C’est tout de même la plus belle tâche que j’ai eu l’occasion d’accomplir dans ma vie. Elle m’a rempli de satisfaction. J’ai la sensation d’avoir été un peu utile à l’Europe et, puisque je suis ici devant la représentation nationale française, utile à mon pays.

M. le Président Éric Woerth. Monsieur le commissaire, nous avons eu le plaisir de vous inviter à la commission des finances pour que vous puissiez le dire. Commissaire français, il me semblait important que vous puissiez donner votre opinion sur ces années passées à la Commission.

L’Europe ne va politiquement pas très bien. Il reste un parcours important à accomplir. C’est une longue construction. Il faut toujours de la souplesse et de l’adaptation. C’était le cas pendant la crise de 2008, par exemple. Il faut aussi, à un moment donné, et j’imagine que vous en êtes d’accord, savoir respecter les règles. On peut s’en fixer d’autres, mais quand on s’en fixe, il faut les respecter, car elles sont souvent tout sauf comptables. Elles relèvent d’une nécessité de vie en commun. Il est tellement facile de vivre tout seul.

Je vous remercie.

 

 

 

La séance est levée à 11 h 30.

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. M. Patrice Anato, M. André Chassaigne, M. Benjamin Dirx, M. Jean‑Claude Leclabart, Mme Nicole Le Peih, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Benoît Simian, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Christine Hennion, M. Michel Herbillon, M. Christophe Jerretie, M. Christophe Naegelen, M. Joaquim Pueyo

Assistaient également à la réunion. M. Saïd Ahamada, M. Jean-Noël Barrot, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. Pierre Cordier, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Fabien Di Filippo, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Guillaume Larrivé, M. Jean Lassalle, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, Mme Patricia Lemoine, Mme Marine Le Pen, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, Mme Laurence Vichnievsky, M. Éric Woerth