Compte rendu

Commission
des affaires européenne
s

I. Nomination de rapporteurs.........................3

II. Communication de Mme Caroline Janvier et M. Bernard Deflesselles, rapporteurs pour information sur le suivi du rapport sur la stratégie européenne sur les matières plastiques              3

III. Communication de Mme la Présidente Sabine Thillaye sur la conférence budgétaire 7

IV. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution 12

V. Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-6 de la Constitution 13


mercredi
19 février 2020

16 heures

Compte rendu n° 122

Présidence de Mme Sabine Thillaye
Présidente


 

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 19 février 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

 

La séance est ouverte à 16 h 05.

 

I.                  Nomination de rapporteurs

Sur proposition de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a nommé :

– Mme Liliana Tanguy, rapporteure pour observations sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée.

 

II.              Communication de Mme Caroline Janvier et M. Bernard Deflesselles, rapporteurs pour information sur le suivi du rapport sur la stratégie européenne sur les matières plastiques

Mme Sabine Thillaye, Présidente. Le deuxième point à l’ordre du jour concerne la communication de Mme Caroline Janvier et de M. Bernard Deflesselles au titre du suivi du rapport sur la stratégie européenne sur les matières plastiques. Je passe la parole à nos deux rapporteurs.

Mme Caroline Janvier, rapporteure. Cette communication s’inscrit dans la droite ligne de notre réunion de commission de la semaine dernière : nous avions auditionné le Commissaire européen à l’environnement, aux océans et à la pêche, ce qui nous a permis de rappeler l’ampleur de la pollution de notre environnement par le plastique, et l’urgence de passer d’une société du « tout jetable » à une société du « tout réutilisable ». Les chiffres sont impressionnants : l’équivalent d’un camion poubelle de plastique est déversé dans l’océan chaque minute. Seuls 63 % des déchets plastiques sont collectés dans un système de traitement des déchets adéquats. Le reste pollue la terre et l’eau, avec des impacts environnementaux aujourd’hui largement documentés, et des impacts sanitaires sans doute sous-estimés.

Les perspectives d’évolution ne sont guère rassurantes : la croissance des usages des matières plastiques est telle que les produits pétrochimiques constitueront rapidement le principal moteur de la consommation mondiale de pétrole. Les plastiques sont donc une source d’émissions de gaz à effet de serre qui ne peut plus être ignorée.

En juillet dernier, nous vous avons présenté un rapport d’information sur la stratégie « plastiques de l’Europe », qui analysait la nouvelle approche de l’Union européenne en la matière. La prise de conscience de l’ampleur de la pollution de l’environnement par le plastique et la hausse annoncée du vote écologiste lors des élections européennes de 2019 avaient conduit l’Union européenne à rehausser significativement le niveau d’ambition, en interdisant les produits les plus fréquemment retrouvés dans l’environnement (assiettes, couverts, tiges pour ballons, cotons tiges) et en se fixant des objectifs de réduction des produits en plastiques les plus fréquemment jetés.

Près de six mois après la publication de ce rapport, nous avons souhaité revenir devant vous pour trois raisons :

- d’abord, le Parlement a adopté définitivement en janvier le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui transpose en partie le droit européen ;

- ensuite, les différences de transposition par les États membres nous semblent fragiliser la stratégie européenne et plaident pour davantage d’harmonisation dans le cadre du Pacte vert annoncé par la nouvelle Commission ;

- enfin, la progression des connaissances sur l’impact sanitaire du plastique est un nouveau sujet d’inquiétude, dont il nous semble que l’Union européenne devrait se saisir.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. Premièrement, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, publiée la semaine dernière au Journal officiel après son adoption définitive par les deux assemblées fin janvier, achève de transposer les dispositions de la directive sur les plastiques à usage unique (dont une partie avait été transposée dans la loi « Egalim ») et s’inscrit, à notre grande satisfaction, dans la logique des préconisations de notre rapport. Le commissaire européen à l’environnement auditionné la semaine dernière a indiqué que cette loi était « la plus complète et la plus contraignante dans toute l’Europe » et pouvait être « une source d’inspiration pour tous les États membre », preuve que la France fait partie dans ce domaine des pays pionniers en Europe :

- elle fixe des objectifs ambitieux : tendre vers 100 % de plastiques recyclés d’ici à 2025, mettre fin à la mise sur le marché des plastiques à usage unique d’ici à 2040, réduire de 50 % d’ici à 2030 le nombre de bouteilles à usage unique mises sur le marché. À partir de 2022, des pénalités financières applicables aux emballages plastiques non recyclables seront fixées par arrêté ;

- l’interdiction des produits en plastique oxodégradable (qui se fragmentent dans la nature) est prévue pour 2021. L’interdiction des produits à usage unique comme les gobelets et les assiettes jetables, en vigueur depuis le 1er janvier 2020 (soit 1 an avant la date fixée par la directive européenne), s’étendra à partir de 2021 aux pailles, couverts, touillettes, piques à steak ou confettis ;

- il sera possible de rendre obligatoire l’incorporation d’un taux minimal de matière recyclée dans certains produits et matériaux définis par arrêté ;

- s’agissant de la collecte pour recyclage des bouteilles en plastique, le texte reprend les objectifs européens de 77 % en 2025 et de 90 % en 2029. Le point le plus controversé a été celui de la consigne. Face à la fronde des collectivités locales, le principe d’une consigne a été fortement temporisé : elle ne serait mise en place que dans le cas où, à l’issue du bilan réalisé en 2023, un territoire n’a pas atteint les objectifs de collecte à travers l’extension des consignes de tri à tous les emballages. D’ici là, la porte est laissée ouverte à des expérimentations locales.

Les déplacements que nous avons faits dans le cadre de notre rapport nous ont permis de constater les différences d’approche et de transposition des États membres : elles risquent, d’une part, de porter atteinte à la cohérence de la stratégie européenne, et, d’autre part, de créer une certaine distorsion de concurrence entre les pays européens.

Le manque d’harmonisation concerne notamment le champ des interdictions et les dates d’entrée en vigueur. Certains pays, comme l’Italie, font des exceptions très larges pour les plastiques compostables et biosourcés, car ils sont leader sur le secteur, et alors même que leur impact sur l’environnement est controversé. Cela explique l’omniprésence, dans ce pays, des sacs de caisse en plastique, quand la France les a interdits. De même, plusieurs pays européens, comme le Royaume-Uni, l’Italie et la France, ont légiféré sur les microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits, chacun avec une portée différente et en se référant à une définition différente des microplastiques.

Ces différences de définition du plastique et d’interprétation de la directive constituent autant de risques d’échappatoire à la stratégie européenne. Plusieurs ONG dénoncent notamment le risque de substitutions de matériaux, comme le lyocell ou la viscose, polymères naturels qui ont été exclus du champ de la directive, et qui pourtant ont un impact environnemental qui pourrait être aussi nuisible qu’un plastique synthétique. Cela plaide pour une approche des produits qui ne se rapporte pas aux matériaux, mais qui soit systémique.

Mme Caroline Janvier, rapporteure. Nous appelons donc à davantage d’harmonisation à l’échelle européenne et à un renforcement de la stratégie européenne sur les plastiques. Le plastique est un champ de coopération privilégié pour les États membres, confrontés au défi commun d’augmenter le gisement de plastique recyclé : cela implique de s’accorder au préalable sur une définition commune du plastique.

Les annonces récentes vont, à cet égard, dans le bon sens. Tout d’abord, nous soutenons la proposition faite par la précédente Commission d’introduire une taxe sur le plastique pour accroître les ressources propres de l’UE. Elle ferait écho aux taxes présentes dans plusieurs pays, comme l’Irlande ou le Royaume-Uni. L’Italie prévoit d’en instaurer une cette année.

Ensuite, dans le cadre de son Pacte vert, la nouvelle Commission a annoncé un nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire, qui ciblera en particulier les matières plastiques. Les mesures s’articuleront autour de trois axes :

- la lutte contre les microplastiques et les rejets non intentionnels de plastiques, par exemple, par les textiles et l’abrasion des pneumatiques ;

- la définition d’exigences pour que tous les emballages sur le marché de l’UE soient réutilisables ou recyclables d’une manière économiquement viable d’ici à 2030 (soit dix ans avant l’échéance fixée par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire !) ;

- l’élaboration d’un cadre réglementaire pour les plastiques biodégradables et biosourcés.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. En conclusion, nous voudrions appeler votre attention sur un sujet qui, à notre sens, mériterait également un renforcement de la réglementation européenne : celui de l’exposition de la population aux perturbateurs endocriniens par le biais du plastique. C’est l’objet d’un rapport de la mission d’information commune de la commission des affaires sociales et de la commission du développement durable, publié en décembre dernier. Ce dernier souligne les risques liés aux additifs ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique.

Cela plaide pour une meilleure prise en compte du principe de précaution en matière de perturbateurs endocriniens. Surtout, il conviendrait d’adopter une définition transversale de ces substances dans l’ensemble des réglementations, y compris sectorielles, car ils ne sont aujourd’hui pas réglementés de la même manière s’ils concernent des pesticides, des cosmétiques, des dispositifs médicaux, etc.

C’est un sujet qui dépasse le champ de notre rapport, mais puisque la nouvelle Commission a annoncé un programme de travail ambitieux avec le Pacte vert, nous souhaitons qu’elle renforce la stratégie engagée en matière de plastiques et d’économie circulaire, en menant de front la bataille environnementale et sanitaire.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. Quels sont les moyens financiers alloués à la stratégie européenne sur les plastiques ?

Mme Caroline Janvier, rapporteure. C’est en cours de discussion, dans le cadre du Pacte vert. La question des moyens financiers est centrale et sera peut-être la plus difficile à trancher pour les États membres.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. On sait tous qu’une partie de « poker menteur » est en cours dans le cadre des discussions sur le prochain cadre financier pluriannuel. Le budget européen ne devrait guère augmenter, car beaucoup de pays ne veulent pas dépasser les 1 % du PIB. La nouvelle présidente de l’Union européenne souhaite que la part du budget allouée au climat soit de 25 %, ce qui entraînerait un recul du budget de la politique agricole commune de 6 %. Dans ce contexte, il est compliqué de savoir ce qui sera consacré spécifiquement à la stratégie sur le plastique. En tout état de cause, nous aurons l’occasion de parler du budget tout au long de l’année 2020 !

M. Jean-Louis Bourlanges. Plusieurs pays, à commencer par les États-Unis, contestent devant l’OMC la politique européenne en matière de perturbateurs endocriniens. Les arguments qu’ils avancent sont-ils solides et ont-ils des chances d’aboutir ? Il me semble incroyable que l’on soit attaqué pour une politique totalement conforme aux intérêts sanitaires des populations européennes et mondiales. Cela ne relève pas forcément de votre rapport, mais cette question mérite un éclairage.

M. Bernard Deflesselles, rapporteur. C’est une question de fond, qui mérite non seulement un éclairage, mais un coup de semonce. Nous commençons à nous attaquer au sujet des perturbateurs endocriniens, qui dépasse d’ailleurs largement la question des plastiques. Nous nous sommes intéressés spécifiquement au plastique, car il a complètement envahi nos vies. J’habite au bord de la Méditerranée : le taux de renouvellement de l’eau y est de l’ordre du siècle, ce qui conduit à des taux records de concentration du plastique. Il est vraiment temps d’analyser les conséquences sanitaires de ce fléau.

Mme Caroline Janvier. Il y a deux approches du sujet des matières plastiques. La première est une approche environnementale, qui voit dans le recyclage une bonne pratique qu’il convient de favoriser. En revanche, la deuxième approche, qui est sanitaire, considère que la réutilisation des matières plastiques entraîne une plus grande dispersion des micro-plastiques, lesquels sont néfastes pour la santé. Ces deux approches illustrent la complexité du sujet et la nécessité d’une analyse globale.

Mme Yolaine de Courson. Je voudrais revenir sur la question de la biodégradabilité des matières plastiques. Contrairement à ce que l’on pense généralement, ils ne sont pas biodégradables au sens strict, c’est-à-dire que leur dégradabilité exige que des conditions bien précises soient respectées. C’est ainsi que, par exemple, ils ne seront jamais biodégradables dans la mer ou alors, sur des durées excessivement longues. De mon point de vue, la biodégradabilité des plastiques, et même le biosourcing, semblent être surtout des moyens de nous en faire avaler encore plus.

Mme Caroline Janvier. Sur cette question de biodégradabilité et de biosourcing, la difficulté que nous avons rencontrée est l’absence d’une définition qui fasse consensus. Dans certains cas, elle renvoie au 100 % végétal, dans d’autres, elle admet une part minimale de plastique ou de pétrole. C’est le cas notamment de la définition italienne. Par ailleurs, les conditions de dégradabilité des plastiques ne sont effectivement pas naturelles. Les utilisateurs sont induits en erreur s’ils pensent qu’en abandonnant leurs produits en plastique quelque part, ils se dégraderont tous seuls. Enfin, il ne faut pas oublier les aspects économiques de cette question. Les industriels ont parfois depuis plusieurs années investis dans la R&D afin d’élaborer des plastiques biodégradables. Changer a posteriori la définition de la biodégradabilité pourrait les mettre en difficulté.

 

III.          Communication de Mme la Présidente Sabine Thillaye sur la conférence budgétaire

Mme Sabine Thillaye, Présidente. J’ai assisté hier et ce matin à Bruxelles à la conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance économique dans l’Union européenne, qui réunit des représentants des parlements nationaux, issus des commissions des affaires européennes et des finances, et des représentants du Parlement européen. Je vais vous faire un rapide retour sur nos échanges lors de cette conférence, dont l’ordre du jour portait sur la gouvernance économique dans l’Union économique et monétaire, le prochain cadre financier pluriannuel et le rôle des politiques économiques, budgétaires et sociales européennes dans la lutte contre le changement climatique.

Ces réunions sont toujours un peu frustrantes. Chacun exprime sa position en deux minutes, ce qui limite la profondeur de la réflexion sur des sujets aussi vastes, et les discussions ne trouvent aucune traduction concrète susceptible de permettre aux Parlements nationaux d’influer sur la gouvernance de l’Union économique et monétaire, ce qui était le but affiché de la création de cette conférence. Cet objectif n’a pas été atteint. Nous parlons, mais ne votons pas.

Encore que, pour une fois, le calendrier de cette conférence n’était pas trop décalé de l’actualité, puisqu’elle s’est tenue entre le conseil « affaires générales » et le Conseil européen consacrés au cadre financier pluriannuel, et peu de temps après le lancement par la Commission d’une consultation sur la révision du cadre de surveillance économique.

Sur la gouvernance, nous avons entendu beaucoup de discours déjà maintes fois tenus sur la nécessité d’achever l’union bancaire, de créer l’union des marchés de capitaux ou de revoir les règles budgétaires pour les rendre moins complexes, moins procycliques, et qu’elles favorisent davantage les investissements pour la lutte contre le changement climatique. J’ai tout de même noté un début d’évolution de nos collègues allemands sur la nécessité d’investir pour le pacte vert et sur la garantie européenne des dépôts.

Plusieurs intervenants ont fait part des craintes de pays qui ne sont pas encore membres de la zone euro que les règles communes de l’Union européenne soient élaborées en fonction des intérêts de la zone euro. Cette dichotomie entre pays membres de la zone euro et pays hors zone euro se retrouve dans les débats sur l’instrument budgétaire de convergence et de compétitivité pour la zone euro. Si certains représentants de la zone euro sont frustrés du manque d’ambition de cet instrument, par son volume et l’absence de fonction de stabilisation, d’autres ont insisté sur la nécessité de favoriser la convergence des économies des pays qui ne sont pas encore membres de la zone euro avec celles des pays qui en sont membres.

Sur les objectifs à long terme, il y a peu de divergences entre les représentants des parlements nationaux, mais nous entrons peu dans le détail et, ce que je regrette surtout, la question de la méthode qui permettrait d’avancer est malheureusement fort peu abordée. Or je rappelle que l’union bancaire a été lancée dès 2012, et le commissaire Gentiloni a évoqué la fin du mandat de l’actuelle commission pour son achèvement, avec la mise en place de l’assurance européenne des dépôts. 13 ans, c’est long !

Sur le cadre financier pluriannuel, les représentants du Parlement européen ont réaffirmé leur position, et le fait qu’ils ne pourraient pas accepter la proposition de compromis faite par Charles Michel la semaine dernière. Ils sont toutefois conscients de la forte pression qui pèsera sur eux pour avaliser un accord qui serait trouvé au Conseil européen. On sent une inquiétude des parlementaires européens, qui ne veulent pas accepter un budget qu’ils ne jugeraient pas à la hauteur des ambitions, mais qui craignent en cas de rejet d’être considéré comme à l’origine d’une crise institutionnelle.

La proposition du président du Conseil européen a rencontré, c’est un euphémisme, peu d’adhésion. Beaucoup d’intervenants ont souligné qu’il ne fallait pas considérer les politiques traditionnelles comme des politiques anciennes. Les Français ne sont pas les seuls à défendre l’idée que la PAC, par exemple, participe à la lutte contre le changement climatique.

Je suis assez frappée par la différence d’approche qu’il peut y avoir entre les pays qui partent des besoins, à la fois pour les politiques traditionnelles et les nouvelles priorités, et qui sont prêts à ce que les budgets nationaux financent davantage le budget européen, et ceux qui font le raisonnement inverse et considèrent que les dépenses doivent s’adapter à l’enveloppe que les États sont prêts à y consacrer. J’ai personnellement insisté sur deux points : alors que la souveraineté européenne est un enjeu majeur, je trouve regrettable que la proposition de compromis du président du Conseil européen réduise les ambitions de la Commission pour la Défense, le numérique ou la PAC. D’autre part, comme notre commission l’avait fait lors de l’examen du rapport de Christophe Jerretie, j’ai insisté sur la nécessité de veiller à la complémentarité entre les budgets nationaux et le budget européen.

D’autres intervenants ont soutenu cette idée en soulignant que, compte tenu de l’ampleur des défis auxquels les pays européens ont à faire face en matière de changement climatique et de numérique, par exemple, la question n’est pas de savoir si nous devons consacrer plus de moyens à ces questions, mais de savoir si nous le faisons au niveau national ou, de manière plus efficiente, au niveau européen.

Beaucoup ont salué la recherche de nouvelles ressources propres pour le budget européen, avec la ressource basée sur les plastiques non recyclés et les échanges de quotas d’émission mais en estimant qu’il ne s’agissait que d’un premier pas. La mise en place de nouvelles ressources propres est nécessaire pour limiter l’augmentation des contributions nationales. À l’heure actuelle, les nouvelles ressources prévues seraient toujours issues des budgets nationaux, soit sous forme de réaffectation à l’Union européenne d’une recette de « quotas carbone » aujourd’hui affectée aux budgets nationaux, soit sous forme d’une modulation des contributions nationales en fonction des taux de recyclage de plastique. Valérie Hayer, co-rapporteure du Parlement européen sur les ressources propres, a en outre souligné à juste titre la contradiction qu’il y avait à accompagner la création d’une de ces ressources propres, la ressource sur les emballages plastiques non recyclés, d’un nouveau mécanisme de correction, alors que de nombreux pays estiment que le Brexit est l’occasion de mettre fin à ce système rabais qui rend le budget illisible.

Sur le rôle des politiques de l’UE dans la lutte contre le changement climatique, le président Sassoli a insisté sur les risques de fragmentation de l’espace européen que l’inaction de l’Union européenne pourrait entraîner et sur la nécessaire complémentarité des programmes européens et nationaux pour que la transition écologique ne soit pas vue comme une punition, mais comme une opportunité de développement économique et d’emploi. Selon le directeur général du Bureau international du travail, si les actions nécessaires sont conduites, le solde de la transition écologique sur l’emploi d’ici 2030 sera très largement positif.

Mme Sabine Thillaye, Présidente. Pascal Canfin, Président de la Commission de l’environnement du Parlement européen a parfaitement résumé les trois éléments nécessaires à la crédibilité des engagements de l’Union pour être leader dans ce domaine : crédibilité budgétaire, avec des ressources propres qui financent la transition, crédibilité industrielle, avec l’impératif de se doter de solutions industrielles propres à favoriser la transition et d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, et un impératif de justice sociale et territoriale pour que nous n’ayons pas à choisir entre le climat et les emplois. Nous avons pu à nouveau mesurer l’inquiétude des Polonais, qui font valoir le retard pris pour des raisons historiques avec l’occupation soviétique. Comme sur les autres questions, je suis convaincue qu’il nous faut trouver une méthode pour transformer les objectifs ambitieux en actions concrètes associant les politiques européennes et nationales.

M. Christophe Jerretie. Pour obtenir la complémentarité des budgets, le premier élément serait d’avoir la même trame budgétaire. De même que, dans le cadre du semestre européen, on a une trame des politiques publiques à faire évoluer dans chaque pays, il faudrait avoir la même démarche pour le budget, à la fois en fonctionnement et en investissement, ce qui permettrait de cibler les politiques, et donc les financements, qui relèvent de l’échelon national et celles qui relèvent de l’Union européenne.

Avez-vous discuté des rabais de manière approfondie ? C’est un point important pour limiter les pertes de recettes pour le budget.

Pour ce qui concerne la politique industrielle, il ne faut pas oublier que la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), avec sa logique industrielle, était la source de l’Union européenne. Sur l’importance de la politique industrielle dans la transition écologique, est-ce que des éléments concrets ont été identifiés ? On travaille sur ces éléments dans chaque pays, mais je pense que la vraie politique industrielle devrait être européenne, comme elle l’a été à l’époque de la CECA.

Mme Sabine Thillaye, Présidente. La question de la trame budgétaire n’a pas été évoquée. Comme je l’ai dit, nous n’avons pas du tout parlé de la méthode. La semaine prochaine, nous tiendrons notre première réunion en format « triangle de Montecitorio » avec nos amis italiens et allemands. Nous discuterons du cadre financier pluriannuel (CFP) à la demande des Italiens. Nous pourrons donc soumettre cette idée à nos partenaires.

J’ai participé hier après-midi à la conférence organisée par la commission des budgets du Parlement européen. Nous n’avons malheureusement pas du tout évoqué les rabais. Comme d’habitude, nous avons bien senti la différence d’approche entre les pays du nord – les « frugaux » qui s’opposent fortement à une augmentation du budget de l’Union – et les autres.

Pour ce qui concerne la politique industrielle, ce point a été fortement souligné par Pascal Canfin, mais sans élément plus concret.

M. Jean-Louis Bourlanges. Le spectacle que vous décrivez est affligeant sur le plan politique. Nous avons trois catégories d’« États ».

La première, ce sont les États « victimaires », dont la position est très injuste. En réalité, les nouveaux venus ont été fort bien servis. La politique de convergence a beaucoup mieux fonctionné entre les États de la zone euro et les « nouveaux » qui ne sont pas dans la zone euro qu’entre les « anciens » membres qui appartiennent à la zone euro. La convergence est-ouest a relativement bien fonctionné, alors que la convergence nord-sud pose problème.

La deuxième, ce sont les États « radins », les plus riches, qui sont extrêmement réservés à l’idée de contribuer à la solidarité. Peut-on continuer à prétendre faire une Union européenne avec 1 % du revenu national brut mis en commun, alors que nous avons 45 ou 46 % de prélèvements obligatoires en France et 55 % de dépenses publiques ? Il y a quelque chose d’indécent dans l’idée que tout doit reposer sur ce 1 %.

La troisième, ce sont les États « trompe-l’œil », dont la tentation est d’effacer des priorités anciennes au profit de priorités nouvelles jugées plus médiatiques, sans considération sur l’opportunité de maintenir ces politiques anciennes.

Si l’on veut maintenir la politique agricole commune, ce n’est pas pour le plaisir de maintenir la PAC. Il faut se poser la question de savoir si la politique agricole que nous avons menée est la bonne. Si ce n’est pas la bonne, il faut en changer. Est-ce que nous avons traité la politique agricole au bon niveau en terme de subsidiarité ? Est-ce que nous devons la renationaliser ou pas ? Il faudrait poser ces questions et ne pas simplement en faire une variable d’ajustement.

Il y a une certaine indécence politique de la part des États membres à prétendre faire l’Union. Bossuet disait que « Dieu se moque des hommes qui maudissent les conséquences de ce dont ils chérissent les causes ». Nous chérissons les causes, c’est-à-dire l’absence de solidarité, et nous maudissons les conséquences, c’est-à-dire l’absence de solidarité.

Mme la Présidente Sabine Thillaye. C’est bien une question de solidarité, et c’est un sujet franco-allemand important. Les collègues allemands de la commission du budget du Bundestag, quand on parle du climat, ne parlent pas d’urgence climatique, mais du budget et des marchés financiers. Je trouve cet angle de vue discutable. Tous les scientifiques sont d’accord : il y a une urgence climatique. Nous n’y ferons pas face sans y consacrer les moyens financiers nécessaires.

Sur les questions de transition énergétique, il y a un problème entre l’est et l’ouest. Les Polonais ont beaucoup insisté sur le fonds pour une transition juste. Il y a un risque que ce fonds conduise à une diminution des crédits de la PAC ; il faut faire très attention.

D’un autre côté, la dépendance de la Pologne au charbon est telle que les Polonais ne peuvent pas opérer cette transition du jour au lendemain sans aide. Sans un minimum de solidarité, ce sera très compliqué.

Mme Frédérique Dumas. J’apprécie que vous ayez mis la méthode au cœur de votre intervention. Entre la réunion de ce matin sur le Brexit et votre communication, on s’aperçoit que les choses ne fonctionnent pas très bien.

J’ai exceptionnellement une petite divergence avec Jean-Louis Bourlanges. Je pense, à la lumière de notre rapport en cours sur l’espace fiscal européen que, si nous continuons à dire que l’indécence est chez les autres et pas chez nous, à donner des leçons, à ne pas comprendre les légitimités des uns et des autres, quelles qu’elles soient, nous n’aboutirons pas.

M. Jean-Louis Bourlanges. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Frédérique Dumas. On peut se faire plaisir entre nous, mais l’objectif que nous poursuivons, c’est de trouver comment avancer. Michel Barnier a dit au sujet du Brexit que nous allions davantage devoir maîtriser la divergence qu’encourager la convergence ; ce sera la même chose à l’intérieur de l’Europe.

Il faut avoir l’humilité de se demander comment on fait pour rendre compatibles les légitimités des uns et des autres. Je suis sûre qu’il y a un chemin, mais je ne pense pas que l’on puisse l’emprunter avec la démarche qui est actuellement celle de la France. Je ne pense pas que l’on puisse aboutir si l’on ne tient pas compte de ce que les uns ou pour les autres perçoivent comme une menace pour eux. Il n’y a pas que chez les autres qu’il y a des réflexes électoraux. Il faut s’interroger sur notre propre logiciel, notre méthode, lorsque nous voulons obtenir des choses de nos partenaires. Il faut se rendre compte du fait que nous sommes en train d’aller dans le mur.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je n’ai pas voulu exonérer la France de mes reproches, nous sommes tous dans une relation un peu schizophrénique avec l’Union européenne, et cette schizophrénie devient insupportable. Les populations voient bien le fossé considérable entre le discours proclamé et les réalités assumées.

Vous avez raison, Mme la Présidente, de dire que la position allemande pose problème. Nous avons reçu il y a quelques semaines les Néerlandais, nous avons été un peu impressionnés par leur « radinisme », et quelquefois nous avons le sentiment que les Allemands ont tendance à être des « Néerlandais inavoués ».

Mme Sabine Thillaye, Présidente. Nous essaierons de faire bouger les lignes la semaine prochaine.

 

 

IV.           Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Mme Sabine Thillaye, Présidente, la Commission a examiné des textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-4 de la Constitution.

 

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :

   Santé

-       Décision d'exécution de la Commission du 30.1.2020 modifiant l’annexe de la décision d’exécution (UE) 2020/47 concernant des mesures de protection motivées par l’apparition de foyers d’influenza aviaire hautement pathogène de sous-type H5N8 dans certains États membres (C(2020) 604 final- E 14580).

 

La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

   Politique étrangère et de sécurité commune (PESC)

-       Décision du Conseil modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (15148/19 LIMITE- E 14563).

-       Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre le règlement (UE) n° 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine (15150/19 LIMITE- E 14564).

-       Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo (5883/20 LIMITE - E 14588).

-       Décision d'exécution du Conseil mettant en œuvre la décision 2010/788/PESC concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo - Annexe (5883/20 ADD 1 LIMITE - E 14589).

-       Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 9 du règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposées à la République démocratique du Congo (5884/20 LIMITE - E 14590).

-       Règlement d'exécution du Conseil mettant en œuvre l'article 9 du règlement (CE) n° 1183/2005 instituant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre des personnes agissant en violation de l'embargo sur les armes imposées à la République démocratique du Congo - Annexe (5884 20 ADD1 LIMITE- E 14591).

-       Décision du Conseil modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Biélorussie (5482/20 LIMITE- E 14594).

-       Décision du Conseil modifiant la décision 2011/101/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe (5516/20 LIMITE- E 14595).

-       Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) nº 314/2004 concernant certaines mesures restrictives à l'égard du Zimbabwe (5517/20 LIMITE- E 14596).

 

V.               Examen de textes soumis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-6 de la Constitution

Sur le rapport de Mme Sabine Thillaye, Présidente, la Commission a déclaré conforme au principe de subsidiarité le texte suivant transmis à l’Assemblée nationale en application de l’article 88-6 de la Constitution :

   Environnement dont santé environnementale

-       Proposition de règlement du parlement européen et du conseil établissant le Fonds pour une transition juste (COM (2020) 22 final - E 14546).

   Politique régionale et tourisme

-       Proposition modifiée de règlement du parlement européen et du conseil portant dispositions communes relatives au Fonds européen de développement régional, au Fonds social européen plus, au Fonds de cohésion et au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, et établissant les règles financières applicables à ces Fonds et au Fonds "Asile et migration", au Fonds pour la sécurité intérieure et à l'instrument relatif à la gestion des frontières et aux visas (COM (2020) 23 final- E 14547).

 

La séance est levée à 16 h 50.

Membres présents ou excusés

 

 

Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Yolaine de Courson, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, M. Alexandre Holroyd, Mme Caroline Janvier, M. Christophe Jerretie, M. Jean-Claude Leclabart, M. Jean‑Pierre Pont, M. Benoit Simian, Mme Sabine Thillaye

Excusée. – Mme Marietta Karamanli