Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Examen de la proposition de visant à promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances (n° 2598) (Mme Sabine Rubin, rapporteure)              2

– Examen de la proposition de loi pour des cantines vertueuses (n° 2597) (Mme Clémentine Autain, rapporteure) 24

– Présences en réunion................................42

 


Mercredi
26 février 2020

Séance de 9 heures30

Compte rendu n° 28

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mercredi 26 février 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence M. Bruno Studer, président)

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La commission des Affaires culturelles et de lÉducation examine la proposition de loi visant à promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances (n° 2598) (Mme Sabine Rubin, rapporteure).

Mme Sabine Rubin, rapporteure. J’ai l’honneur et le plaisir de présenter ce matin à la commission des Affaires culturelles une proposition de loi tendant à promouvoir et à démocratiser l’accès aux colonies de vacances.

Notre propos n’est pas ici de renouer avec l’âge d’or des colonies de vacances de l’après-guerre, qui s’est notamment traduit par la création d’une direction de la jeunesse et des sports placée sous l’égide de l’Éducation nationale. Cet âge d’or, bien qu’il relève dans une certaine mesure du mythe, a vu la consécration des valeurs et des mouvements de l’éducation populaire. Il s’agit surtout de remédier aux conséquences néfastes que comporte l’effacement d’acteurs importants de l’éducation populaire qui, grâce à un savoir-faire accumulé au fil des générations, peuvent proposer un cadre propice, d’une part, à l’affirmation et à l’émancipation de jeunes êtres en devenir, et, d’autre part, à l’apprentissage de la vie en collectivité.

La société française cherche les moyens de retisser les liens ayant longtemps permis à ses membres de se retrouver sur l’essentiel. À bien des égards, les tensions qui agitent la communauté nationale révèlent aussi l’affaiblissement d’institutions qui ont œuvré à l’intégration de populations en réalité diverses. De notre point de vue, les colonies de vacances font partie de ces institutions. Par conséquent, il importe de supprimer les obstacles qui conduisent de nombreuses familles des classes moyennes et populaires à se détourner de ce mode de loisir.

Ce mode de loisir souffre d’une certaine désaffection. Pour l’exercice 2018-2019, les chiffres du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse font état de 1,45 million de départs en colonies de vacances. Cela traduit un assez net recul par rapport au pic de fréquentation observé en 1995, et il n’y a pas de perspective de retournement durable. La baisse est lente mais continue depuis plus de vingt ans ; elle se mesure tant du point de vue du nombre de séjours proposés que de leur durée – en dix ans, ceux-ci sont passés respectivement de 30 000 à 25 000 et de 7,2 jours à 6,74.

Les raisons de cette désaffection sont diverses. Les premières sont d’ordre sociologique et liées aux ferments de transformation de la société française. Je pense ici à l’accroissement du temps libéré pour la vie de famille et aux attentes nouvelles à l’égard de l’offre de loisirs et de vacances – bien que l’on constate une forme de regain pour le scoutisme. Il faut aussi prendre en considération l’impact des politiques publiques et de l’action des comités d’entreprise, qui ont cherché à répondre à l’évolution de la demande sociale en ce qui concerne les modes de garde des enfants et la pratique des loisirs. Je me réfère en la matière aux travaux réalisés en 2013 par le député Michel Ménard, dont les constats demeurent d’actualité. Ils ont montré qu’il y avait une réorientation des aides des collectivités territoriales et des caisses d’allocations familiales (CAF) vers le soutien à des accueils de loisirs sans hébergement et de proximité. À cela s’ajoute un rapport plus distancié aux colonies de vacances. Certains parents, faute d’en avoir eux-mêmes fait l’expérience, n’envisagent tout simplement pas d’y inscrire leurs enfants. Le retentissement médiatique d’accidents ou d’affaires de pédophilie alimente parfois aussi, malgré leur nombre infime, les craintes quant à la sécurité physique et morale d’enfants qui sont jugés – à juste titre – trop jeunes pour se défendre.

La présente proposition de loi ne saurait prétendre à dissiper toutes les réticences et les préventions liées à la perception biaisée des colonies de vacances. En revanche, elle peut contribuer à remédier à un problème dont nul ne peut raisonnablement contester la réalité, je veux parler des restrictions liées au coût croissant des colonies de vacances. De fait, les séjours organisés dans ce cadre représentent désormais un véritable secteur économique. On y trouve de nombreuses associations et de nombreux organismes à but non lucratif qui, bon an mal an, entretiennent la tradition des mouvements de l’éducation populaire. Mais d’autres opérateurs raisonnent selon une logique de marché et misent sur le développement d’offres de séjour fondées sur une surenchère d’activités supposées valorisantes. Il en résulte une concurrence nouvelle qui, avec le relèvement des normes d’accueil et la charge de l’entretien du patrimoine immobilier, constitue un facteur essentiel du renchérissement des séjours en colonie de vacances.

Certains de nos collègues semblent estimer que l’existence de multiples dispositifs d’aide et l’action des CAF suffisent à répondre aux besoins des classes moyennes et populaires face à l’augmentation du coût des colonies de vacances. Mais si on considère le profil des enfants qui les fréquentent, on voit que la réalité est tout autre. En 2011, déjà 88 % des familles interrogées déclaraient qu’elles n’auraient jamais pu faire partir leur enfant en colonie de vacances sans un soutien financier extérieur. L’étude réalisée en 2009 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse ne dément vraiment pas le besoin d’un apport supplémentaire de financement. Elle établit que si 28 % des enfants dont les parents gagnent 6 000 euros par mois partent en colonie de vacances, ce pourcentage n’est plus que de 10 % à 12 % lorsque le revenu mensuel des parents est inférieur à 3 000 euros. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. C’est précisément le constat de ces entraves financières qui motive les deux principales dispositions du texte déposé par le groupe La France insoumise.

En premier lieu, cette proposition de loi comporte la création d’une aide au départ en colonie de vacances, attribuée aux familles sous conditions de ressources, pour les enfants et adolescents de 4 à 17 ans. En second lieu, afin de sanctuariser les ressources nécessaires à une politique d’égalité dans l’ensemble du territoire, notre texte propose de créer un fonds national de solidarité dont le financement reposerait sur l’affectation d’une taxe portant sur l’hôtellerie de luxe.

J’ai lu et j’entends déjà les objections que pourrait soulever l’instauration d’une telle structure et d’un tel mode de financement, mais il ressort très clairement de l’ensemble de mes travaux que le soutien actuel au départ en vacances, et a fortiori en colonie de vacances, se révèle finalement assez modeste et, surtout, tributaire de la politique suivie par les CAF, les communes et les comités d’entreprise.

S’agissant de la mise à contribution de l’hôtellerie de luxe, l'honnêteté serait de reconnaître qu’il ne s’agit en rien d’une novation : le Parlement a en effet adopté le principe d’une taxe de 2 % sur la location de chambres et les prestations de pension et de demi-pension d’une valeur supérieure ou égale à 200 euros par nuitée dans le cadre de la loi de finances rectificative du 19 septembre 2011. Cette proposition de loi propose un prélèvement progressif ayant la même assiette. Dès lors, je ne pense pas que l’on puisse juger cette mesure déraisonnable ou d’un poids disproportionné pour le secteur de l’hôtellerie. D’autant qu’année après année, la France confirme son statut de première destination touristique mondiale et la situation de ce secteur apparaît autrement plus florissante qu’à l’issue de la grande crise de 2008.

Dans un même souci de mesure et d’exactitude, je vous proposerai tout à l’heure un certain nombre d’amendements visant à garantir l’efficacité du dispositif. Il s’agit notamment de réécrire l’article 3 qui tend à créer un guichet unique d’information des familles sur les colonies de vacances et les aides existantes. Nous n’entendons pas méconnaître les difficultés pratiques qui pourraient résulter de la centralisation de l’information pour les établissements scolaires. Néanmoins, il importe de s’assurer qu’il existe en tout point du territoire un dispositif solide qui permette à chacun de prendre connaissance des séjours proposés par les colonies de vacances et du soutien apporté par les collectivités publiques en la matière. C’est pourquoi nous proposons un schéma grâce auquel les familles pourront accéder aux informations dans des lieux qu’elles fréquentent.

Mes chers collègues, selon une formule célèbre, « l’art de gouverner ne consiste pas à rendre souhaitable ce qui est possible. Il consiste à rendre possible tout ce qui est souhaitable. » J’espère que vous saurez faire vôtre cette maxime et que vous adopterez sans ambages un texte inspiré par trois valeurs d’humanité que nous pouvons tous partager : la réduction des inégalités, l’éducation et le soutien à la jeunesse, dans la perspective d’apprendre très tôt à vivre ensemble.

Mme Cécile Rilhac. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à « promouvoir et démocratiser l’accès aux colonies de vacances ». En réalité, la problématique est beaucoup plus vaste : elle concerne le droit aux vacances pour tous, qui est depuis trop longtemps insatisfait. Il y a encore en France trois millions d’enfants qui ne partent jamais ni en colonie de vacances ni même, tout simplement, en vacances.

Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, la plupart des colonies de vacances ont pour particularité d’être organisées par des associations à but non lucratif, souvent peu subventionnées, qui proposent des prestations très variées, dans un but aussi bien caritatif que commercial.

La « colo » – outre son caractère ludique et les joies qu’elle procure – est un lieu de cohésion, d’apprentissage et de mixité sociale. Elle éveille notre jeunesse aux valeurs du partage et de la solidarité en permettant de les expérimenter dans le cadre de la vie en collectivité. Elle favorise aussi la découverte d’autres lieux, l’altruisme et l’accès à une pratique sportive et culturelle.

Or, les colonies de vacances souffrent aujourd’hui de plusieurs maux. Il s’agit, en particulier, d’une logique commerciale nuisible, qui privilégie la concentration des grandes structures au détriment d’associations plus modestes, des prescriptions réglementaires qui s’appliquent trop souvent de manière uniforme – sans faire de distinction entre les modes d’accueil et d’hébergement – ce qui n’est pas sans conséquence pour ce secteur, notamment les petites structures.

Je voudrais réaffirmer notre vision pour la jeunesse et rappeler toutes les mesures que l’État a prises depuis notre arrivée aux responsabilités en ce qui concerne l’accessibilité des colonies de vacances partout et pour tous. Le ministère chargé de la Jeunesse travaille en collaboration avec les associations, notamment la Jeunesse au plein air (JPA), et des partenaires tels que l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT) et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Ce ministère, soutenu par notre majorité, travaille avec détermination à promouvoir la mixité sociale, qui est le terreau de l’égalité des chances. Nous travaillons sur l’accès de tous aux « colos » justement, afin que les enfants et les adolescents aient droit à des vacances, notamment en valorisant ces structures auprès des collectivités territoriales. L’État poursuit trois objectifs principaux : favoriser le départ en vacances collectives et l’accès aux loisirs pour le plus grand nombre ; promouvoir des vacances répondant à certains critères qualitatifs, dont les mixités ; accompagner le secteur associatif dans le changement des pratiques pédagogiques mais aussi organisationnelles. Tout cela montre notre volonté et notre attachement à la promotion du droit aux vacances pour tous.

Dans ce contexte, la proposition de loi ne me paraît pas répondre totalement aux besoins actuels dans ce domaine qui est essentiel pour notre jeunesse. Dans sa version actuelle, elle n’apporte pas les réponses adéquates au constat dressé depuis plusieurs années par l’ensemble de la représentation nationale. C’est pourquoi la majorité a déposé quelques amendements afin de l’améliorer.

Néanmoins, ce texte a le mérite de comporter des propositions intéressantes, en particulier l’instauration, à l’article 1er, d’un fonds national pour le financement d’une aide au départ en séjours collectifs d’accueil de mineurs.

L’article 2 prévoit une mesure pour financer ce dispositif, mais la solution proposée n’est pas satisfaisante en l’état. Si le texte devait être adopté par la commission, je pense qu’il faudrait retravailler sur cette disposition. Est-il possible, madame la rapporteure, de revenir sur le mécanisme de taxation que vous proposez d’instituer ?

L’article 3, qui tend à créer un guichet unique pour centraliser les informations relatives aux colonies de vacances dans chaque établissement scolaire, public ou privé sous contrat, du premier et du second degrés, semble être une fausse bonne idée. Je défendrai, avec mes collègues du groupe La République en Marche, un amendement qui vise à modifier la rédaction de cet article en gardant l’idée d’un guichet unique mais en supprimant la référence aux établissements scolaires.

Cette proposition de loi conduit à engager un débat nécessaire sur la question des colonies de vacances. Mon groupe accepte volontiers ce débat sur le fond et discutera dans le détail l’ensemble des articles du texte.

M. Frédéric Reiss. L’objectif de cette proposition de loi est tout à fait louable. Favoriser l’accès des mineurs aux séjours collectifs et aux colonies de vacances contribue à ce que les jeunes puissent devenir des citoyens responsables. On peut se poser la question : comment faire société au XXIe siècle dans un pays traversé par de multiples inégalités ? Cette question renvoie au contrat social – qui est le fondement du vivre ensemble – des droits et des devoirs, du respect des différences et de l’éveil à la démocratie.

Je suis d’une génération qui a connu ce qu’on appelle « l’âge d’or des colonies de vacances » – qui s’est terminé dans les années 1960. J’ai connu les deux facettes des batailles de polochon dans les dortoirs : celle des colons et celle des moniteurs. Je ne peux que souscrire aux arguments développés dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi : les « colos » sont une école de citoyenneté et d’émancipation.

Le groupe Les Républicains (LR) partage votre analyse en ce qui concerne l’essoufflement relatif des structures historiques, comme les mouvements d’éducation populaire, mais aussi les obligations de plus en plus contraignantes qui existent en matière de patrimoine. Les comités d’entreprise, les associations et les collectivités locales ont d’ailleurs du mal à entretenir des locaux dont il faut notamment garantir l’accessibilité, la sécurité et l’isolation thermique.

Un aspect me semble essentiel : la formation à la responsabilité des encadrants. Hormis une référence au « regard bienveillant d’accompagnateurs responsables, permettant l’acquisition de règles de sociabilité propre à la vie commune », je n’ai pas l’impression que ce soit une préoccupation des auteurs de cette proposition de loi.

Les « colos » sont aujourd’hui remplacées soit par des vacances en famille – vous savez que nous accordons, au sein du groupe LR, une grande importance aux familles –, soit par des centres de loisirs sans hébergement (CLSH), soit par rien. Dans ce dernier cas, l’obstacle financier est souvent invoqué.

L’idée d’un guichet unique est plutôt bonne : on pourrait ainsi délivrer des informations complètes au sujet des aides disponibles dans le cadre des comités d’entreprise, des chèques vacances, des CAF, des centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS et CCIAS), des comités des œuvres sociales ou encore des bourses départementales.

Nous ne sommes pas favorables, en revanche, à l’institution d’une taxe sur les établissements hôteliers. Je vais citer, une fois n’est pas coutume, les propos que j’ai tenus quand nous avons examiné, lors de la précédente législature, le rapport de la mission d’information conduite par Michel Ménard : « Nous ne soutenons pas la proposition [...] qui prévoit la création d’un Fonds national d’aide au départ en vacances collectives des jeunes qui ne partent pas, en le faisant financer par un impôt supplémentaire – une taxe sur l’hôtellerie de luxe – alors que la pression fiscale s’est déraisonnablement accrue depuis un an ». C’était en 2013. Le contexte n’est peut-être plus tout à fait le même, mais nous n’avons pas changé d’avis. Nous avons donc déposé, à l’article 2, un amendement pour défendre l’hôtellerie et le tourisme.

M. Bruno Fuchs. Nous savons à quel point ces modes de vacances sont un élément important pour l’émancipation des jeunes. C’est indéniablement un moyen de participer à la découverte de notre pays, de sa richesse culturelle, patrimoniale ou encore environnementale, et c’est aussi un mode d’apprentissage et d’épanouissement personnel. Chacun est également conscient qu’il contribue à un brassage social permettant à des enfants d’origines diverses de vivre des moments ensemble.

Cette proposition de loi vise à relancer la participation aux colonies de vacances en rendant leur financement plus aisé. La création d’un fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs aurait, en effet, le mérite de regrouper l’ensemble des aides actuelles pour les rendre plus lisibles et plus efficaces. Vous proposez, en outre, d’instituer un guichet unique qui serait adossé aux établissements scolaires. Le fonds pourrait être abondé par une taxe sur les établissements hôteliers de luxe.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés abordera la discussion de ce texte en laissant de côté les propositions polémiques ou purement politiques, afin d’essayer d’avancer sur un sujet que nous considérons comme central. En ce qui concerne la « biodiversité sociale », nous estimons qu’il est nécessaire de recréer des lieux de rencontre entre les jeunes. C’est pourquoi nous soutenons fermement le service national universel (SNU) – dont c’est en partie la vocation. Donner à chacun une chance de vivre une expérience fondatrice pour son développement personnel et sa construction sociale est au cœur de notre réflexion politique. Nous considérons que les colonies de vacances peuvent participer à cette ambition. Nous militerons donc pour que notre commission puisse contribuer à avancer sur ce sujet et pour qu’une concertation soit organisée.

Le groupe MODEM soutient la mise en place du SNU et du fonds de soutien prévu par cette proposition de loi. Nous proposons de placer le guichet unique auprès des maisons France services et non pas directement au sein des établissements scolaires. Enfin, nous demandons que l’on supprime la taxe proposée et que l’on organise, à la place, une concertation qui devra aboutir à des solutions de financement pour les colonies de vacances.

M. Régis Juanico. Le groupe Socialistes et apparentés soutient cette proposition de loi de La France insoumise qui vise à promouvoir et à démocratiser l’accès aux colonies de vacances. Ce texte s’inscrit dans la lignée des travaux que Michel Ménard, ancien député de la Loire-Atlantique, a conduits en 2013. Comme certains de nos collègues, j’ai participé à des auditions qui étaient passionnantes. On pourrait regretter – comme pour beaucoup de rapports d’information – que les préconisations alors formulées n’aient pas vraiment été suivies par les gouvernements qui se sont succédé – je suis un peu critique mais j’inclus naturellement le Gouvernement de cette époque.

La proposition de loi reprend deux idées clefs : la création d’un fonds national de solidarité pour l’aide au départ en vacances et ce qui est très intéressant un financement grâce à une taxe qui existe déjà sur l’hôtellerie de luxe. Selon cette logique de taxe affectée, le tourisme de luxe finance les vacances pour tous ce qui est très bien sur le plan symbolique.

Le présent texte s’inscrit aussi dans le prolongement de deux propositions de loi que j’ai déposées en 2001 : la première visait à sécuriser le statut du volontariat de l’animation ; la seconde concernait l’aide au départ en vacances – il s’agissait de créer une allocation minimale de 200 euros pour les mineurs qui n’ont pas accès aux vacances. Cette dernière proposition de loi avait reçu le soutien de cinquante-huit associations, dont ATD Quart Monde, le Secours populaire et la JPA, qui font partie du collectif pour le droit aux vacances, comme notre rapporteure.

Trois millions d’enfants ne partent pas en vacances. C’est une injustice majeure, un facteur d’inégalité sociale considérable. Le droit aux vacances est pourtant reconnu par l’article 31 de la convention internationale des droits de l’enfant, que nous avons ratifiée en 1990. Il figure aussi dans la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, qui a été adoptée en 1998 à l’initiative de Martine Aubry. Si 36 % des Français ne partent pas en vacances, il faut souligner que 64 % de ceux gagnant entre 1 et 2 SMIC n’ont pas les moyens de le faire. La question financière est donc cruciale. Une semaine de « colo » coûte entre 400 et 600 euros. Seulement 20 % des familles, ou des enfants, sont en réalité aidés par les mécanismes relevant des CAF, des collectivités territoriales ou des comités d’entreprise.

Hormis le repos bien mérité, les séjours collectifs ont des bienfaits remarquables. Loin du folklore et de l’ambiance militaire du service national universel, ils sont un facteur d’épanouissement, un temps de vie collective propice à l’autonomie, à la découverte des autres, du respect, de la citoyenneté avec un changement de cadre de vie. Mais il y a aussi l’impact sur l’économie et nos territoires : le tourisme social et le tourisme en milieu rural peuvent bénéficier des centres et des colonies de vacances. Et ce sont des emplois non délocalisables.

Par ailleurs, j’aimerais connaître l’engagement de la SNCF en ce qui concerne le droit aux vacances pour tous, mais je ne sais pas si vous avez auditionné ses représentants.

C’est pourquoi mon groupe votera en faveur de la proposition de loi et participera naturellement à la discussion des amendements.

Mme Béatrice Descamps. Près de 40 % des Français ne partiraient pas en vacances chaque année. C’est un chiffre d’autant plus éloquent qu’on peut imaginer que cela concerne essentiellement les Français ayant les revenus les plus modestes. D’ailleurs, vous l’avez souligné dans l’exposé des motifs, Mme la rapporteure, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ne produit plus de données sur le nombre de Français partant en vacances chaque année. C’est un peu comme si les politiques publiques avaient abandonné le terrain et ne cherchaient même plus à permettre au plus grand nombre de partir.

La proposition de loi tend à créer un fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs, dont l’objet est de financer le départ en colonie de vacances de mineurs, ayant entre 4 et 17 ans, qui sont issus de familles aux revenus modestes. Le groupe UDI, Agir et Indépendants est en total accord avec le principe se dégageant de ce texte de permettre aux mineurs de partir en vacances au moins une fois dans l’année. Créer un cadre favorable au retour des colonies de vacances est un bel enjeu, une chance formidable pour nos enfants.

Les séjours organisés dans ce cadre sont un appel à l’ouverture, à la découverte des richesses dont regorge notre pays, des territoires, de la biodiversité et des pratiques sportives et culturelles. Ces séjours favorisent surtout la cohésion et l’ouverture à l’autre. Nous considérons que de tels moments de partage participent à l’émancipation individuelle et fondent la personnalité. Il y a encore quelques années, les colonies de vacances avaient un très grand succès auprès des familles. Elles étaient un bon moyen d’offrir des vacances aux enfants à moindre frais. Toutefois, l’offre est de moins en moins importante et les collectivités territoriales doivent sans cesse composer avec la stagnation de leurs dotations, après avoir connu des années de baisse drastique.

Si nous sommes favorables à la création d’un fonds destiné à financer les séjours collectifs de mineurs, nous sommes très réservés quant à son financement. Ce que vous appelez un « fonds national de solidarité » n’en serait pas un, en réalité, car il ne reviendrait pas à la solidarité nationale de financer le dispositif, mais exclusivement aux établissements hôteliers. Cette proposition semble avoir été formulée sans que vous ayez étudié l’impact sur le secteur concerné. Peut-on dire qu’un établissement facturant la nuit 200 euros est « de luxe » ? En pratique, cette taxe pourrait déséquilibrer tout un secteur d’activité. La logique voudrait qu’il revienne à la solidarité nationale de financer la mesure que vous proposez, car celle-ci devrait s’inscrire dans un projet de société fédérant l’ensemble des citoyens au lieu d’opposer les uns aux autres.

Nous exprimons également des réserves au sujet de l’article 3, qui prévoit l’installation d’un guichet dans chaque établissement scolaire. Nous vous rejoignons en ce qui concerne la nécessité de mieux informer les parents sur les dispositifs existants en matière de séjours collectifs, mais pas en installant un guichet dans les établissements scolaires. Un travail est déjà réalisé par des associations et des collectivités territoriales. Il convient de ne pas le remettre en cause mais plutôt d’aider ces acteurs à mieux diffuser l’information.

Pour toutes ces raisons, notre groupe aborde ce débat avec beaucoup de doutes et de questions. Nous y participerons en défendant un amendement.

M. Bastien Lachaud. Soutenir la possibilité, pour tous les enfants, de partir en colonie, c’est faire vivre le droit aux vacances. Aujourd’hui, près de trois millions d’enfants n’en bénéficient pas dans notre pays. Pour eux, les vacances sont synonymes, au mieux, d’ennui. Ils n’ont pas hâte d’être en vacances, car ils savent que personne ne pourra vraiment s’occuper d’eux pendant cette période ; ils ont plutôt hâte que l’école reprenne afin que leur isolement soit rompu. Quelle tristesse de voir ces enfants abandonnés à eux-mêmes alors que cela pourrait être un temps d’éducation par le jeu, et quel constat terrible pour tous ceux qui se souviennent avec quel enthousiasme ils ont eu la chance d’attendre les vacances ! Tous n’ont pas cette chance ! La proposition de loi vise à leur offrir.

Les enfants dont nous parlons sont enfermés dans leur lieu de vie, leur quartier et leur village. Ils n’en sortent jamais ou alors exceptionnellement : ils n’ont jamais vu la mer, jamais vu la montagne, jamais visité la grande ville à côté de chez eux – même quand ils habitent dans sa banlieue la plus proche. Ils n’ont jamais pris un escalator, le bus – en dehors du ramassage scolaire –, le train et encore moins l’avion, parce que les parents n’ont pas les moyens de partir en famille ou n’ont pas eux-mêmes de vacances en même temps que leurs enfants, voire ne sont jamais partis eux-mêmes en vacances, ou si peu.

Les colonies de vacances permettent de rompre avec le quotidien et de s’éloigner d’un environnement parfois difficile. C’est un moment privilégié pour l’éducation populaire, l’émancipation et la construction des futurs citoyens. Le droit aux vacances, particulièrement sous la forme des colonies de vacances, participe pleinement de la conception républicaine de la vie en commun : au-delà des activités proposées, les enfants apprennent ce qu’est la vie en collectivité, y compris dans ses aspects quotidiens. Les rencontres qu’ils font sont un moment privilégié pour l’apprentissage concret de la citoyenneté.

Par la liberté que les colonies de vacances octroient, loin des familles mais dans un cadre sécurisé et rassurant, les enfants découvrent de nouveaux horizons et se découvrent parfois eux-mêmes. Les voyages forment certes la jeunesse, mais tous n’ont pas cette occasion de grandir, d’apprendre à quitter temporairement leur domicile et leur famille. Car partir est un apprentissage et contribue pleinement à l’émancipation que notre système éducatif républicain aspire à réaliser, c’est-à-dire permettre à tous les enfants de s’arracher au déterminisme social pour faire leurs propres choix et vivre la vie qu’ils auront décidé de mener, indépendamment de leur milieu initial, qui est celui des parents. Cette promesse est trop rarement tenue, mais elle nous montre l’objectif. Nous devons mettre en œuvre les moyens permettant de l’atteindre.

Les colonies de vacances peuvent être un moment privilégié pour assurer un apprentissage dans un cadre collectif, au lieu d’encourager encore l’individualisme forcené dont notre société souffre tant. Les colonies de vacances font vivre l’égalité, car pendant ce temps les origines géographiques et sociales sont atténuées voire oubliées. Les enfants participent aux mêmes activités collectives et se font de nouveaux amis qui viennent souvent d’horizons différents. Alors que la carte scolaire suffit rarement à créer une véritable mixité sociale au sein de l’école républicaine, les colonies de vacances peuvent y contribuer largement. En réunissant dans un même lieu des enfants venant de différentes régions, elles permettent d’appréhender simplement des façons de vivre différentes de celles qu’ils connaissent.

Je pense que nous sommes largement d’accord sur les objectifs de cette proposition de loi. Je voudrais revenir sur les points que certains n’approuveront sans doute pas. Offrir cette liberté à tous les enfants a un prix que toutes les familles ne peuvent pas payer. Nous ne voulons abandonner aucun enfant. Aussi nous proposons de financer les colonies de vacances grâce à un fonds gagé par une taxe sur l’hôtellerie de luxe. C’est ainsi la solidarité nationale qui permettra aux enfants de partir en vacances. Ceux qui ont les moyens de s’offrir des vacances de luxe paieront pour les vacances des enfants dont les familles n’ont pas les moyens de financer un séjour même court. C’est la fraternité que nous voulons réaffirmer par cette mesure, ailleurs que sur les frontons de nos écoles et de nos mairies. La fraternité n’est pas un principe déclaratoire et abstrait : c’est l’organisation d’une solidarité concrète par laquelle les plus riches paient pour que les enfants pauvres puissent aussi partir en vacances.

Mme Elsa Faucillon. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) partage totalement l’ambition de cette proposition de loi. Les colonies de vacances permettent aux enfants d’apprendre la socialisation, l’autonomie, la citoyenneté et la liberté, d’une façon très éloignée de ce qui est proposé aujourd’hui dans le cadre du SNU – qui a, en effet, un côté extrêmement militaire. Les colonies de vacances représentent aussi le dépaysement, la découverte de nouveaux paysages et de nouvelles activités. Après-guerre, les maires communistes ont apporté une forte contribution à leur développement. C’est souvent une marque du communisme municipal qui reste, dans certaines villes, le seul chemin vers la mer, vers la montagne, vers d’autres paysages pour beaucoup d’enfants. Il faut dire, néanmoins, à quel point la baisse des dotations aux collectivités a parfois grevé la volonté politique de continuer les colonies de vacances. Je tiens à rappeler l’importance de ces dernières pour la construction de nos enfants et à souligner aussi l’importance de l’éducation populaire – dont les colonies de vacances sont un élément essentiel.

La rapporteure a fait état d’un affaiblissement considérable de ce secteur, qu’il faut enrayer. Outre l’aspect financier – qui est essentiel – la culture des colonies de vacances disparaît. On voit que les séjours thématiques, de plus en plus chers, montent en puissance et que l’on privilégie, par ailleurs, les centres de loisirs – qui coûtent moins cher aux collectivités territoriales mais sont différents des centres de vacances.

Cette proposition de loi s’attaque à la problématique financière, par la création d’un fonds de solidarité qui me paraît une excellente idée. De nombreux dispositifs existent – c’est vrai – mais force est de constater qu’ils manquent d’accessibilité et de lisibilité. C’est pour cette raison que nous sommes d’accord avec l’idée d’un guichet unique, même si nous trouvons qu’il serait plus pertinent de le créer au niveau des collectivités territoriales plutôt qu’au sein de l’éducation nationale. C’est pourquoi nous soutiendrons l’amendement déposé en ce sens par la rapporteure. Par ailleurs, il ne me semble pas que la taxe proposée mette en péril les hôteliers. Nous soutenons donc cette mesure.

Je voudrais profiter de l’examen du présent texte pour vous alerter sur les conditions de travail des personnels d’animation, qui dérogent bien souvent au droit commun. Dans le cadre des contrats d’engagement éducatif, des femmes et des hommes généralement jeunes sont rémunérés à un taux horaire largement inférieur au SMIC alors qu’ils ont des temps de travail et des responsabilités d’une grande importance – et qu’ils font souvent face à une forte pression de la part des parents. C’est une question qu’il faut aborder.

Le groupe GDR soutient la proposition de loi et encourage l’ensemble de nos collègues à regarder ce sujet de près. Le droit aux vacances est en danger pour un grand nombre d’enfants dans nos circonscriptions.

M. Stéphane Testé. La création d’un guichet unique est une idée qui peut se comprendre, mais je m’interroge comme Cécile Rilhac sur la pertinence de son positionnement dans les établissements scolaires. Il est évident que cela suscitera une surcharge de travail pour les personnels. On a vu récemment et de manière tragique combien elle est déjà importante. Avez-vous réalisé une étude d’impact pour évaluer la charge de travail supplémentaire pour les directeurs d’établissement et les personnels de l’éducation nationale qui pourrait être liée à la création d’un guichet unique dans les établissements scolaires ?

M. Maxime Minot. J’ai grand plaisir à entendre parler des colonies de vacances cela me rappelle les années où j’étais directeur de « colo » l’été. Je remercie Mme Rubin d’avoir mis en lumière ce sujet, mais je suis assez embêté par la création d’une nouvelle taxe : cela ne me paraît pas une bonne proposition, notamment pour le secteur hôtelier « de luxe » – il n’y a pas que des établissements de luxe à partir de 200 euros. Je suis aussi gêné par l’idée d’un guichet unique dans les établissements scolaires. Une fois n’est pas coutume, je voterai en faveur de l’amendement proposé, sur ce point, par le groupe majoritaire.

Mme Danièle Cazarian. Vous proposez d’accorder laide du fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs d’accueil des mineurs sous condition de ressources pour les enfants âgés de 4 à 17 ans. De nombreux foyers seront donc concernés. Si cette mesure a pour objectif de réduire les inégalités, ne pensez-vous pas qu’une telle allocation pourrait avoir pour conséquence, à terme, d’augmenter le prix de ces séjours ?

Mme Emmanuelle Anthoine. L’exposé des motifs de la proposition de loi mentionne les classes de découverte de l’éducation nationale pour en souhaiter la systématisation. Il note, à juste titre, que l’initiative en est laissée au bon vouloir des enseignants, que leur coût pose problème et que ces classes doivent s’insérer dans le projet éducatif des enseignants.

Or, leur préparation est chronophage pour ces derniers, qui sont déjà très sollicités et qui voient leur liberté pédagogique se réduire en pratique. Dès lors, pourquoi contraindre les enseignants à organiser des classes de découverte ? L’éducation nationale en a-t-elle véritablement les moyens ?

Mme Sandrine Mörch. Les scouts, les rabbins, les curés, les imams, les maires communistes ont entraîné des milliers d’enfants sur les sommets, les rivages et dans les campagnes, leur apprenant la débrouille, le risque, l’effort, la joie d’être ensemble. Puis, on a laissé choir cet outil de sociabilisation joyeuse, à coups de mises aux normes et avec les problèmes de financement. Personne n’a pris en considération l’alarme des encadrants et des associations. On découvre aujourd’hui que les enfants ne peuvent pas se contenter d’un paillasson pour jardin, ni d’une tablette pour loisir, et que c’est peut-être l’une des causes de leurs dysfonctionnements. Inversement, se frotter à la nature garantit une meilleure santé mentale et prévient l’obésité voire la délinquance. Partir en « colo », c’est aussi pouvoir parler de questions intimes, que l’on n’aborde jamais à la maison – la sexualité, la pornographie sur internet, le harcèlement. C’est une pause dans le piège des réseaux sociaux. Bref, la « colo », c’est très rentable.

Les enfants de l’aide sociale à l’enfance, qui sont aujourd’hui les moins concernés par les départs en vacances, sont-ils associés à ce mouvement de réengagement dans les colonies de vacances ?

Mme Émilie Bonnivard. Je salue l’initiative de cette proposition de loi, qui met en lumière les départs d’enfants en séjours collectifs. Élue d’un territoire de montagne, je veux souligner l’apport des colonies de vacances à toute une économie et aux emplois de ces territoires, notamment des stations. Certaines villes, telles Colombes ou Sannois, étaient propriétaires de maisons de colonies dans ma circonscription, dont elles ont dû se séparer en raison de contraintes budgétaires. Les enfants qui y sont passés, devenus grands, reviennent fréquemment à la montagne avec leurs enfants. Je souhaiterais donc mettre en lumière l’apport des colonies aux territoires et le fait que les jeunes qui partent en vacances sont sensibilisés à la diversité naturelle du territoire national.

S’agissant, en revanche, du fonds national de solidarité, j’ai déposé des amendements pour discuter d’autres alternatives, car la solution retenue par la proposition de loi ne me paraît pas appropriée.

M. Raphaël Gérard. L’intéressante proposition de loi de Mme Rubin renvoie à l’accessibilité des vacances à tous les enfants. Un flou entoure toutefois certaines dispositions, qui méritent une clarification.

M. Juanico a évoqué les impacts économiques ; Mme Faucillon a parlé de la précarité. Si l’on envoie tous les enfants de ce pays en colonie de vacances, on risque de précariser l’ensemble des animateurs. M. Minot a mentionné son passé de directeur de colonie, vraisemblablement lorsqu’il était étudiant. Madame la rapporteure, comment, connaissant votre aversion pour le travail des étudiants, parvenir à créer des colonies de vacances à grande échelle sans précariser davantage les animateurs ? Quelles solutions envisagez-vous pour éviter cet écueil ?

S’agissant du financement prévu à l’article 2, lors de l’examen de l’article du projet de loi de finances relatif au mécénat, vous avez voté contre une disposition qui permettait aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) de financer les associations locales. Nous nous sommes privés là d’une importante source de financement, plus intéressante que l’impôt, qui permettait d’associer les entreprises au financement des loisirs des enfants dans les territoires.

M. Gaël Le Bohec. Vous avez parlé d’une désaffection potentielle des colonies, en raison de leur coût et du prix pour les familles. Je me réjouis qu’un grand nombre de familles puissent accéder à nouveau à ces vacances, grâce aux augmentations de salaires de ces deux dernières années.

Vous n’avez pas abordé la complexité administrative liée à ces séjours, qui peut entraîner un coût supplémentaire. Des enseignants qui partent encadrer des colonies de vacances à l’étranger, évoquent la simplicité des démarches administratives qui leur offre de meilleures conditions de séjour. Cette complexité administrative, très française, a-t-elle été soulevée lors des auditions que vous avez menées ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Pour en avoir bénéficié moi-même et en avoir fait bénéficier mes enfants, je connais l’intérêt des colonies de vacances. Avez-vous interrogé les hôteliers sur votre proposition de loi, et si oui, quelle réponse avez-vous obtenue en retour ?

À Noyon, où j’habite, les enfants ne participent pas aux colonies, malgré les prix très intéressants des séjours de quelques jours, parce que les parents n’en ont pas eu l’habitude et qu’ils envisagent difficilement une séparation. En conséquence, ne faudrait-il pas financer davantage les centres de loisirs des villes ?

Mme Céline Calvez. Carole Bureau-Bonnard a souligné que l’aventure pouvait se trouver au bout de la rue. Les séjours sans hébergement peuvent aussi offrir cette ouverture, cette émancipation et cette vie collective.

Si donc l’on a le choix du type de vacances, encore faut-il pouvoir financer les séjours. Gaël Le Bohec a souligné que la hausse du pouvoir d’achat facilite ce choix. Plusieurs aides existent aussi. Outre votre proposition d’alimenter un fonds national par une taxe, nous devons discuter d’autres solutions – mécénat ou dons en nature de la part des hôteliers.

Quant au choix que vous avez évoqué, encore faut-il pouvoir se repérer dans des offres multiples. L’idée d’un guichet unique reste aussi à explorer. Comment trouver le bon équilibre entre un choix collectif d’une société qui veut des vacances pour tous, sans imposer un seul modèle ?

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je vous remercie de l’intérêt que vous portez à ce sujet et nous pouvons partager plusieurs objectifs. L’examen des amendements donnera l’occasion de répondre aux différentes questions soulevées, notamment sur le financement du fonds ou les classes vertes.

La proposition de loi vise précisément à favoriser le départ dans des séjours longs
– même si j’en ai évoqué les difficultés, pour les parents comme pour les enfants, pour des raisons sociales ou personnelles. Le débat porte, non pas sur l’opportunité des centres de loisirs, mais bien sur les colonies de vacances. S’agissant du guichet unique, je propose une réécriture de l’article 3 à la suite des auditions.

L’examen des amendements donnera l’occasion de répondre à toutes ces interrogations et d’en débattre de façon précise.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Consécration du rôle des colonies de vacances et création d’un fonds national destiné au financement d’une aide au départ

La commission examine l’amendement AC2 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Le texte est infiniment louable. Il est bien malheureux que des enfants ne puissent pas partir en vacances, mais je veux rappeler les nombreux dispositifs existants pour aider les familles les moins aisées à envoyer leurs enfants en colonie de vacances : les paiements en plusieurs fois sans frais ; les chèques vacances – dont j’ai moimême bénéficié ; les aides au temps libre des CAF sous forme de bons vacances ou d’aides aux vacances enfants (AVE) ; les aides des comités d’entreprise qui existent dans les structures de plus de 50 salariés – dont le montant varie suivant le département et en fonction des frais de séjour ; les bourses JPA accordées aux boursiers de l'établissement public après étude d’un dossier ; les aides journalières des municipalités et conseils départementaux avec des critères sociaux. La promotion et la démocratisation de l’accès aux colonies de vacances ne passent donc pas forcément par la création d’un énième dispositif supplémentaire. La question se pose bien davantage en termes d’organisation et de financement des systèmes déjà existants.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Vous objectez qu’une multitude d’aides existe déjà. Cependant, ces aides ne sont pas fléchées précisément vers les colonies de vacances, la forme de séjour que nous souhaitons démocratiser et promouvoir.

Vous avez vous-même souligné dans l’exposé des motifs l’hétérogénéité territoriale de ces aides, qui sont proposées par certains départements et communes et pas par d’autres, ou encore par des comités d’entreprise – qui n’existent pas chez tous les employeurs et ne concernent donc pas tous les jeunes. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons créer ce fonds spécifique, à la fois national et qui cible les colonies de vacances.

Les différents interlocuteurs que nous avons rencontrés ont mis en évidence le frein que représente le coût financier des séjours pour certaines familles. Si l’aide du fonds pouvait s’ajouter à ces autres aides, cela permettrait aux 3 millions d’enfants qui ne partent pas en vacances de bénéficier de ce type de séjours. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC22 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à assurer la codification des principales dispositions de la proposition de loi dans le code de l’action sociale et des familles.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC6 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Il s’agit de clarifier la rédaction actuelle de la deuxième phrase en précisant que les colonies de vacances « favorisent l’apprentissage de la vie collective et la mixité sociale ».

Mme Sabine Rubin, rapporteure. La phrase ajoutée est moins déterminante que la notion de « vecteur essentiel ». Toutefois, si l’amendement permettait de créer un consensus sur l’intérêt des colonies de vacances comme moyen de favoriser la vie collective et la mixité, je lui donnerais un avis favorable.

Mme Cécile Rilhac. Nous partageons l’avis de la rapporteure sur ce point : la proposition de M. Reiss amoindrit la portée politique de la rédaction actuelle de l’article. Nous lui sommes donc opposés, alors que nous serions plus favorables à l’amendement AC8.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC7 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Les colonies de vacances sont un vecteur d’apprentissage de la vie sociale et politique, mais elles ne sont qu’un vecteur parmi d’autres, tels les haltes-garderies ou les centres de loisirs sans hébergement des écoles. Cet amendement vise donc à supprimer le mot « essentiel ».

Mme Sabine Rubin, rapporteure. S’il est vrai que les colonies de vacances ne sont pas le seul vecteur de l’apprentissage de la vie collective et de la mixité, si elles n’ont pas l’exclusivité de cet apprentissage, elles en sont bien un vecteur principal et essentiel. C’est la raison pour laquelle je donnerai un avis défavorable à l’amendement AC7.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC8 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. L’expression « vie collective » semble plus explicite que les termes : « en collectif ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC9 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Les colonies de vacances me semblent promouvoir la mixité sociale plutôt que la « mixité sociale de la Nation ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AC17 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. La Nation est aussi un territoire. C’est pourquoi, en plus d’amender le titre de la proposition de loi pour l’élargir aux classes de découverte, je souhaitais ajouter à l’article 1er que « Les colonies de vacances et classes de découverte favorisent également la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France chez les jeunes. »

Il s’agit de souligner l’apport des colonies, qui permettent aux jeunes de prendre en compte la diversité des territoires, un horizon fondamental pour leur apprentissage de la Nation.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je comprends bien l’intention d’élargir la finalité des colonies de vacances à la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France. Tous les séjours n’ont cependant pas cette vocation pédagogique. À la différence des classes vertes, les colonies ne poursuivent pas toutes un objectif d’apprentissage et d’enseignement. La loi peut donc difficilement assigner un tel objectif aux colonies. Avis de sagesse

Mme Cécile Rilhac. La réglementation de l’accueil collectif de mineurs est assez nébuleuse. Les activités périscolaires et les classes de découverte sont soumises au régime juridique des établissements scolaires. Au contraire, le statut des accueils de loisirs sans hébergement – comme celui des séjours de vacances – dépend du code de l’action sociale et des familles, hormis les centres d’accueil des moins de 6 ans qui relèvent du régime particulier de la petite enfance. Parce qu’il apparaît difficile de mélanger réglementairement les colonies de vacances et les classes vertes, je serai défavorable à l’amendement.

M. Régis Juanico. Nous pourrions passer plusieurs heures à décrire l’ensemble des bienfaits de l’accueil collectif de longue durée de mineurs. Pour les centres de loisirs, il faut distinguer les accueils sans hébergement des séjours de quelques jours avec hébergement, dont les bienfaits sont identiques à ceux des colonies. Ce qui compte, c’est d’être durablement éloigné de son domicile.

Il est réducteur de ne pas décrire tous les accueils de mineurs, mais seulement les classes de découverte. Je serais donc d’avis de ne pas modifier la rédaction de l’article 1er.

M. Bruno Fuchs. La phrase que Mme Bonnivard souhaite ajouter insiste sur l’effet résultant des colonies. On pourrait aussi bien souligner la construction personnelle ou l’épanouissement personnel. L’amendement semble donc superflu.

M. Raphaël Gérard. L’amendement me paraît intéressant en tant qu’il évoque la diversité naturelle, alors que le changement climatique et la prise en compte de la biodiversité sont les grands enjeux des années à venir. En remplaçant « également » par « notamment », il est possible d’en réduire la portée et de parvenir à un consensus.

Mme Émilie Bonnivard. Retirer la mention des classes de découverte de l’amendement ne me pose pas de problème. En revanche, la connaissance de la diversité naturelle et culturelle de la France ne me semble pas être un effet parmi d’autres des séjours en colonies de vacances : elle est constitutive des colonies, qui donnent aux jeunes un nouvel horizon et l’occasion d’être éloignés de leur milieu, pour connaître un environnement différent. Elle doit donc en être le fondement.

M. Juanico l’a dit, le séjour en colonie n’est pas un accueil en centre de loisirs. Il s’agit de faire découvrir un environnement naturel différent. La notion de culture peut être retirée de la phrase, mais la référence à la nation se justifie par la diversité de territoires que celle-ci recouvre.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je maintiens l’avis de sagesse que j’ai donné. Cela étant, les objectifs de la classe de découverte doivent être distingués de ceux des colonies. Je suis donc favorable à une réécriture de l’amendement, pour retirer la mention des classes de découverte.

L’amendement AC17 est retiré.

La commission examine l’amendement AC3 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il est bien malheureux que des enfants ne puissent pas partir en vacances, mais je veux rappeler les nombreux dispositifs existants pour aider les familles les moins aisées à envoyer leurs enfants en colonie de vacances. La promotion et la démocratisation de l’accès aux colonies de vacances ne passent donc pas forcément par la création d’un énième dispositif supplémentaire. La question se pose bien davantage en termes d’organisation et de financement des systèmes déjà existants.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Avis défavorable, pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent. Les aides des territoires sont hétérogènes et ne ciblent pas nécessairement les colonies de vacances.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC23 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit de préciser, d’une part, la catégorie des organismes dont les séjours peuvent donner lieu à versement d’une aide au départ en colonie de vacances – les centres d’accueil de mineurs qui proposent un hébergement de plus de cinq jours – et, d’autre part, la tutelle du Fonds national de solidarité pour le départ en séjours collectifs d’accueil de mineurs. Pour assurer la gestion de ce fonds, nous avons choisi la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui dispense déjà de nombreuses aides pour encourager les départs en vacances.

La commission rejette l’amendement.

Elle passe à l’amendement AC33 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit de revenir sur la tranche d’âge des enfants concernés. L’aide pourra bénéficier à des enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans, au lieu de 4 à 17 ans. Les craintes des parents et les difficultés de séparation sont un frein important au départ en vacances – ce qui exclut les enfants de 3 ou 4 ans, qui découvrent la séparation avec l’école. Par ailleurs, l’accueil des enfants de moins de 6 ans nécessite des aménagements spécifiques, qui peuvent alourdir les conditions de départ.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement AC10 de M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. En cohérence avec la loi pour une école de la confiance, qui en a avancé l’âge à 3 ans, il s’agit de faire référence à l’âge de la scolarité obligatoire.

Par ailleurs, l’amendement exclut les bénéficiaires de plus de 16 ans car, dès 17 ans, il est possible de passer le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA). La proposition de loi ne contient d’ailleurs aucune disposition d’aide au BAFA, alors que le coût de cette formation constitue un obstacle pour certains étudiants. De plus, l’âge de 16 ans marque la fin de la scolarité obligatoire.

Mme Cécile Rilhac. Avec l’amendement précédent, celui-ci soulève la question de l’âge des bénéficiaires, à laquelle nous pourrions réfléchir d’ici à la séance.

Il n’est pas possible d’aller jusqu’à 18 ans, comme le propose Mme Rubin, car les modalités d’accueil des mineurs et des majeurs sont bien distinctes. Le seuil de 17 ans révolus doit donc être conservé.

Quant à la proposition de M. Reiss sur l’âge minimal des enfants, elle est tout à fait valide, si l’on considère qu’elle s’aligne sur l’âge de la scolarité obligatoire. En retenant ces deux éléments, on pourrait trouver une rédaction convenable ciblant la bonne tranche d’âge d’ici à la séance. À partir de 17 ans, M. Reiss l’a dit, on commence à se former au BAFA. Être colon et animateur dans la même année constitue un joli passage de flambeau.

Mme Sylvie Charrière. Je souhaitais revenir sur la disposition que nous avons votée s’agissant de la formation obligatoire des jeunes de 16 à 18 ans. Les séjours en colonie offrent un levier très intéressant pour le raccrochage et le travail sur l’estime de soi que l’on peut proposer à ces jeunes. Il ne serait donc pas absurde d’opter pour le seuil de 18 ans.

M. Régis Juanico. Pour avoir été des deux côtés de la barrière, et avoir passé le BAFA, je me demande, comme Frédéric Reiss, si le fonds national de solidarité apportera une aide financière aux jeunes qui souhaitent se former et doivent acquitter deux fois 500 euros. Certaines collectivités territoriales offrent ponctuellement des aides – on le sait – mais cette offre est très inégale. Il serait donc utile de retravailler la question de l’âge d’ici à la séance.

Comme tout lieu d’accueil des enfants, les colonies effraient en raison, non pas tant de la sécurité sur place que de faits divers de pédo-criminalité, qui sont également rapportés dans le monde de l’école ou du sport. Il faut donc travailler sur l’image des colonies de vacances, et assurer un contrôle d’honorabilité, le plus strict possible, des animateurs, des encadrants, des directeurs. La proposition de loi doit aborder ce sujet.

La commission rejette l’amendement AC10.

Elle est saisie de l’amendement AC24 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Il s’agit d’assurer l’efficacité du dispositif de l’aide au départ. À cette fin, les critères de son attribution sont précisés en reprenant la terminologie du code de la sécurité sociale en ce qui concerne les personnes susceptibles de prétendre à une prestation sociale destinée au soutien à la parentalité et concourant à l’action sociale au sens large. Il est précisé que l’aide est ainsi versée, non pas aux familles mais aux « personnes et aux ménages qui assument la charge effective et permanente d’un ou plusieurs enfants ». Elle est de plus attribuée « au titre de leur inscription à un séjour organisé dans le cadre d’un accueil de mineurs préalablement déclaré à l’autorité administrative ». Les centres devront donc faire l’objet d’un agrément, comme c’est déjà le cas actuellement, puisque la CAF agrée certains séjours.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC25 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Les modalités de réévaluation de l’aide au départ en colonie de vacances sont précisées en tenant compte du besoin de prévisibilité des acteurs. Il s’agit de considérer l’évolution du coût moyen de prise en charge dans le cadre d’un accueil de mineurs en colonie.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Institution d’une taxe affectée au financement de l’aide au départ en vacances et conditions d’attribution de l’aide

La commission est saisie de l’amendement de suppression AC14 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Le présent amendement vise à supprimer l’article 2, car il n’est pas pertinent de créer une nouvelle taxe sur l’hôtellerie pour financer le fonds de solidarité.

Le tissu de l’hôtellerie familiale et indépendante en France est particulièrement fragile. Chaque année, la France perd des centaines d’hôtels qui, pourtant, maillent le territoire et constituent un outil d’aménagement. Ces structures sont confrontées à une fiscalité inadaptée, à des problématiques de mises aux normes et de transmission qui, trop souvent, conduisent à leur fermeture. Une taxe supplémentaire fragiliserait encore ce type d’hébergement sur laquelle pèsent déjà de nombreuses contraintes.

En lieu et place de cette taxe, il conviendrait de réfléchir à un fonds mixte, qui pourra être doté de fonds publics et privés, par l’État, les collectivités territoriales volontaires – la région Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, finance des billets de train pour les classes de neige et de découverte, et accompagne les investissements des centres de vacances –, par l’Agence nationale pour les chèques vacances (ANCV) et des acteurs privés, qui pourraient également y investir au titre du mécénat. Solidarité nationale et financement privé me paraissent plus adaptés qu’une taxe sur l’hôtellerie de luxe.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Une taxe sur l’hôtellerie de luxe a déjà été approuvée par le Parlement à l’initiative du gouvernement Fillon, en septembre 2011. Son application a été reportée du seul fait d’un relèvement du taux de TVA sur l’hôtellerie. La taxe a été de nouveau proposée par le groupe socialiste au Sénat, en 2013, elle devait être affectée au financement d’une allocation transitoire de solidarité pour demandeurs d’emploi ayant eu une carrière longue.

Le dispositif de taxation que nous proposons est progressif et le montant défini comme plancher est celui qui avait été adopté en 2011. À cette époque, l’hôtellerie de luxe se trouvait toutefois dans une situation moins favorable.

Les arguments opposés à cette proposition ne sont donc pas vraiment fondés.

Mme Cécile Rilhac. Je suis assez sensible aux arguments de Mme Bonnivard, mais voter cet amendement de suppression nous empêcherait de poursuivre la discussion, alors que l’examen des amendements à l’article 2 aurait apporté des réponses aux questions que nous nous posons. Ne serait-ce que pour cette raison, les députés du groupe La République en Marche s’abstiendront.

M. Raphaël Gérard. L’hôtellerie de luxe, fréquentée en grande partie par une clientèle d’affaires, fait partie des secteurs subissant de plein fouet les effets des épidémies de type SRAS, coronavirus ou grippe aviaire. La solution consistant à faire reposer l’intégralité du financement du dispositif de cette proposition de loi sur une taxation de l’hôtellerie de luxe me semble donc assez précaire.

M. Bruno Fuchs. Le groupe Mouvement Démocrate et apparentés a voté l’article 1er ayant pour objet de créer un fonds national destiné au financement d’une aide au départ. En revanche, il ne s’associe pas à la volonté d’asseoir la création de ce fonds de solidarité nationale sur la taxation d’une activité économique ne présentant qu’un lointain rapport avec les colonies de vacances, à savoir la thématique de l’hébergement. On pourrait tout aussi bien imaginer une taxe sur l’ensemble des activités économiques de notre pays.

Pour notre part, nous proposons d’engager une réflexion collective sur un financement de ce fonds ayant vocation à être assis sur la solidarité nationale et non sur une activité économique de marché. Cette dernière solution nous semble contraire à l’objectif et au sens mêmes de cette proposition de loi. Nous voterons donc contre l’article 2.

M. Bastien Lachaud. Le groupe La France insoumise votera contre l’amendement de Mme Bonnivard. Il est ici question de l’hôtellerie de luxe, c’est-à-dire de nuitées d’un prix supérieur à 200 euros, et pouvant aller jusqu’à 800 euros. Par ailleurs, la taxe qu’il est proposé de créer serait progressive. Rien ne me semble donc menacer ce que l’on appelle l’hôtellerie familiale et indépendante.

Nous n’avons peut-être pas la même notion du luxe, mais je ne pense vraiment pas qu’une personne disposée à payer 200 euros pour une nuitée renonce à son projet au motif que le prix passerait à 202 euros. Sans aller jusqu’à parler de mauvaise foi de la part de la majorité, force est de constater que nous avons des visions différentes : pour notre part, nous estimons que faire payer 202 euros plutôt que 200 euros aux clients de l’hôtellerie de luxe, afin de permettre à tous les enfants de partir en colonie de vacances, ne constitue pas un réel problème.

Mme Émilie Bonnivard. L’hôtellerie de luxe ne se définit pas en fonction de critères de prix, mais du nombre d’étoiles. Dans certains territoires très touristiques, des hôtels deux étoiles tenus par des indépendants, dans le cadre d’une activité familiale exercée depuis plusieurs générations, peuvent afficher des nuitées à 200 euros. Si vous voulez faire reposer le financement de la taxe que vous proposez sur l’hôtellerie de luxe, votre article est mal rédigé : c’est le nombre d’étoiles qu’il devrait viser, et non le prix des nuitées. S’il aboutit à taxer les deux étoiles, il peut avoir pour effet de fragiliser l’hôtellerie familiale et indépendante.

En outre, cela va renforcer les grandes chaînes d’hôtels, qui disposent d’importantes capacités financières. Elles ne souffriront pas de la taxe que vous voulez instaurer, mais celle‑ci risque de fragiliser tout un tissu d’établissements familiaux et indépendants – de moins en moins nombreux –, ayant fait le choix de la qualité quatre étoiles, en réalisant pour cela des investissements conséquents.

Qui plus est, en 2011, la TVA n’était pas au même niveau qu’aujourd’hui – vous l’avez dit vous-même, Madame Rubin. On peut donc penser que le dispositif proposé à l’époque était plus supportable par les hôteliers qu’il ne le serait actuellement. Dans ces conditions, il conviendrait, avant de mettre en place la taxation que vous proposez, de diminuer la TVA applicable au secteur de l’hôtellerie.

M. Bruno Fuchs. Pour nous, il existe une incohérence entre l’instauration d’un fonds dit de solidarité nationale et l’assiette sur laquelle reposerait le fonctionnement de ce fonds, à savoir une activité économique de marché. Je confirme donc que nous voterons en faveur de l’amendement de suppression de l’article 2.

Mme Clémentine Autain. Je suis assez abasourdie : il me paraît incroyable d’opposer les intérêts du monde du luxe à ceux des enfants !

Mme Émilie Bonnivard. N’importe quoi !

Mme Clémentine Autain. C’est bien ce que vous faites quand vous nous expliquez que, pour protéger l’industrie du luxe, il faut renoncer à lui appliquer une taxe qui permettrait de financer des colonies de vacances pour les enfants. Pour ma part, je trouve cela assez choquant.

Par ailleurs, l’argument consistant à dire que la taxe proposée aurait pour effet de menacer des emplois dans l’industrie du luxe n’est pas très convaincant, puisque cette taxe est d’un montant modeste, et que son principe, déjà imaginé en d’autres temps par le gouvernement Fillon ainsi que par des gouvernements socialistes, n’a rien d’extraordinairement novateur : au contraire, il est assez banal de proposer de ponctionner légèrement l’hôtellerie de luxe.

Récemment, les personnels des grands hôtels se sont mobilisés et ont souligné, à cette occasion, que les établissements de luxe dégagent d’énormes marges, qui permettraient de payer correctement les salariés. Ce n’est donc pas la ponction de 2 % proposée par ce texte qui empêchera d’offrir un salaire décent aux salariés de l’hôtellerie de luxe. Cela n’a rien à voir.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je veux réaffirmer la nécessité de voir le fonds créé à l’article 1er doté de ressources pérennes – ce que le mécénat ne permet pas.

Par ailleurs, il me semble pour le moins contradictoire d’être d’accord avec la création d’un fonds, sans prévoir les moyens par lesquels il sera financé.

Mme Émilie Bonnivard. C’est à cause de l’article 40, on ne peut pas faire d’autres propositions !

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je suis ouverte à toute proposition, hors mécénat, qui soit de nature à pérenniser les ressources du fonds.

Enfin, ce n’est pas la première fois qu’il est proposé d’instaurer une taxe affectée portant sur un segment de l’économie et visant à permettre de mener une politique publique. En l’occurrence, nous avons opté pour une cohérence symbolique, celle des vacances. Je ne vois donc pas pourquoi un dispositif voté en 2011 devrait aujourd’hui être repoussé, alors même que le tourisme, notamment de luxe, se porte mieux que jamais dans notre pays.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements AC1, AC26, AC27, AC28, AC11, AC29, AC30, AC31 et AC32 tombent.

Article 3 : Mise en place de guichets uniques d’information dans les établissements scolaires sur les colonies de vacances et les aides au départ

La commission est saisie de l’amendement AC4 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Il n’est pas du rôle de l’école de participer à l’organisation des vacances de leurs élèves. Il est à la fois inopportun et coûteux de créer un guichet uniquement voué à cette mission dans chaque établissement. Le bon sens pratique voudrait plutôt qu’il n’y ait qu’un guichet par ville, géré, par exemple, par le service jeunesse déjà existant de la mairie.

L’action sociale relevant d’ailleurs de l’action de la commune ou de l’intercommunalité, il n’appartient pas au Parlement de s’immiscer dans l’organisation interne des écoles et des mairies. Il y va du respect du principe de subsidiarité, qui doit toujours primer sur l’élaboration de lois ayant une incidence sur la politique des collectivités.

Pour ces raisons, je propose de supprimer l’article 3.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements AC34 de la rapporteure et AC15 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. À la suite des auditions que nous avons effectuées, nous avons été conduits à réexaminer les conditions, d’une part, de la collecte d’informations, d’autre part, de leur diffusion auprès des jeunes et de leurs familles.

L’amendement AC34 vise à organiser la centralisation des informations relatives aux colonies de vacances et aux aides financières susceptibles de permettre la participation aux séjours organisés dans ce cadre. Il tient compte des inconvénients pratiques que peut comporter l’établissement d’un guichet unique au sein des établissements scolaires, notamment au regard de la charge d’activité supplémentaire pour les enseignants. Aussi nous proposons de réorganiser le dispositif afin que la diffusion de cette information repose sur les locaux et personnels mis à disposition par les communes, les établissements publics intercommunaux, les caisses d’allocations familiales, les centres d’action sociale et, le cas échéant, associe les services du ministre chargé de l’éducation, ainsi que les établissements du premier et du second degrés sous statut public ou ayant conclu un contrat d’association avec l’État.

Mme Cécile Rilhac. Les établissements scolaires n’ont pas vocation à gérer les activités périscolaires et péri-éducatives. Toutefois, l’idée de mettre en place un lieu unique centralisant les informations concernant les colonies de vacances – afin d’en faciliter l’accès et de mieux communiquer avec les familles sur les possibilités existantes – semble pertinente.

L’amendement AC15 propose une réécriture un peu plus globale afin que cette mesure soit mise en œuvre par l’État et les collectivités territoriales selon des modalités qu’ils définiront eux-mêmes. Et pour cela, nous préférons évidemment notre rédaction à celle proposée par Mme Rubin.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Nous avons en commun l’objectif d’associer des acteurs tels que les communes et les intercommunalités, si ce n’est que notre proposition est plus globale, puisqu’elle vise avec ce schéma l’ensemble des acteurs permettant de centraliser les informations relatives aux colonies de vacances et aux aides financières s’y rapportant. Nous visons une diffusion plus vaste.

Mme Cécile Rilhac. Votre rédaction nous semble trop contraignante. Pour notre part, nous préférons parler d’une « interface de référence » qui, grâce à une plus grande souplesse, est de nature à permettre aux collectivités territoriales d’adapter cette interface en fonction des moyens se trouvant déjà à leur disposition.

Mme Sylvie Charrière. Notre amendement vise, dans l’esprit des maisons France Services, à combattre le phénomène de non-recours aux aides proposées aux familles.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je me demande bien ce qu’est une « interface de référence »…

La commission rejette l’amendement AC34.

Elle adopte l’amendement AC15 et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AC5 tombe.

Après l’article 3

La commission est saisie de l’amendement AC12 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. L’amendement vise à insérer, après l’article 3, un article précisant que « l’hébergement de séjour collectif d’accueil des mineurs peut faire l’objet d’un jumelage entre les communes ou les départements. »

Il s’agit de favoriser des liens culturels, mais aussi une forme d’entraide entre les départements. Le jumelage peut permettre de mettre à disposition des bâtiments, notamment des pensionnats d’école, afin d’accueillir les colonies de vacances de la ville jumelée, et inversement. Le système d’échange qui pourrait être mis en place – j’insiste sur le fait qu’il ne s’agirait que d’une possibilité – aurait la vertu de réduire les coûts d’hébergement.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Je ne dispose d’aucun élément qui montrerait l’incapacité juridique des collectivités à organiser de telles coopérations en l’état des compétences que leur confère la loi. En outre, on mesure mal, à ce stade, quelles pourraient être les implications pratiques d’un tel jumelage et les garanties que sa mise en œuvre nécessiterait du point de vue du partage des charges ou de l’exercice des responsabilités.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AC16 de Mme Sylvie Charrière.

Mme Sylvie Charrière. L’amendement AC16 est un amendement d’appel portant sur les projets éducatifs territoriaux (PEDT).

Les colonies de vacances constituent un temps éducatif et pédagogique complémentaire à celui de l’école et participent de la réussite éducative de l’enfant. Elles permettent notamment à l’enfant à apprendre à vivre en collectivité et à développer son autonomie, et constituent un temps de découverte participant à son épanouissement.

Les PEDT sont des dispositifs centrés autour de l’intérêt de l’enfant et permettent son épanouissement dans le cadre d’activités culturelles ou sportives organisées pendant son temps libre et dans la continuité du service public de l’éducation.

Le présent amendement vise à donner la possibilité aux acteurs des PEDT d’y inclure des activités extrascolaires telles que les séjours collectifs de mineurs. Ce sont, en effet, ces acteurs qui sont les plus à même d’identifier les besoins des jeunes pouvant exister sur le territoire. Dans le cadre du PEDT, ils pourront ainsi coordonner efficacement leurs actions dans un cadre précis et concerté. Cette intégration faciliterait également l’attribution, aux séjours collectifs ou à leurs organisateurs, de subventions venant des collectivités ou des fonds de l’État.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. Les PEDT sont soumis à une réglementation distincte de celle des activités extrascolaires, qui relève de l’éducation nationale. Je suis donc défavorable à cet amendement.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC19 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. Je retire également l’amendement AC19, dont l’objectif était d’inclure dans la formation des enseignants l’organisation de classes de découverte, classes de neige et classes de mer, puisque ces activités ne sont pas prises en compte par la présente proposition de loi.

L’amendement est retiré.

Article 4 : Gage

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC21 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La commission examine l’amendement AC20 de la rapporteure.

Mme Sabine Rubin, rapporteure. L’amendement AC20 vise à prendre en considération les délais nécessaires à la mise en place du fonds national destiné au financement de l’aide au départ en colonie de vacances, ainsi qu’à l’organisation de la centralisation des informations relatives aux colonies de vacances et aux aides au départ.

La commission rejette l’amendement.

Titre

L’amendement AC18 de Mme Émilie Bonnivard est retiré.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

La commission examine ensuite, sur le rapport de Mme Clémentine Autain, la proposition de loi pour des cantines vertueuses (n° 2597).

Mme Clémentine Autain, rapporteure. C’est la deuxième fois que je viens dans votre commission, puisque vous m’aviez déjà reçue l’année dernière à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi visant à la gratuité des permis de conduire. Vous n’aviez alors pas répondu favorablement à notre proposition ; j’ose espérer qu’il en ira différemment ce matin avec le texte que je vous présente.

Cette proposition de loi a un objet assez simple, puisqu’il s’agit de rendre les cantines vertueuses, c’est-à-dire accessibles à toutes et à tous, sans discrimination selon l’origine sociale, donc sans exclusion des enfants issus de milieux défavorisés. Le concept de cantine vertueuse renvoie aussi, pour l’ensemble de la restauration collective, à une transition vers une alimentation saine et durable, c’est-à-dire vers l’agriculture biologique, les circuits courts et une juste rémunération des producteurs. En résumé, une cantine vertueuse est une cantine qui répond à la triple urgence climatique, sanitaire et sociale.

J’entends déjà certains affirmer que le Gouvernement est très engagé sur le sujet, et que La République en marche, se souciant des enfants pauvres, propose déjà la cantine à 1 euro. Nos collègues de la majorité, qui auraient, me dit-on, le souci du bien manger, promettent pour cela 20 % de bio dans les cantines d’ici à 2022. En réalité, ces mesures sont à des années-lumière du nécessaire et de l’urgence à la fois climatique, sanitaire et sociale que j’évoquais il y a quelques instants.

Parlons tout d’abord de la gratuité des cantines. Aujourd’hui, ce sont pas moins de 40 % des enfants issus de milieux très défavorisés qui ne sont pas inscrits à la cantine de leur établissement, et cette proportion atteint même 75 % dans les établissements classés en zone d’éducation prioritaire renforcée (REP+) – de mémoire, seulement 17 % des enfants des milieux plus favorisés ne fréquentent pas la cantine. Au sein des établissements classés en REP, les trois quarts des enfants pauvres ne vont pas à la cantine parce qu’elle est trop chère.

Relevons également que le fait pour un enfant de ne pas manger à la cantine oblige généralement sa mère à rester à la maison pour lui préparer son repas, ce qui empêche de nombreuses femmes de se socialiser et de chercher un emploi. En permettant aux personnes concernées de sortir de cette situation, notre proposition revêt donc un aspect vertueux supplémentaire, relatif à l’égalité hommes-femmes.

Derrière les chiffres, il y a des conséquences graves en termes de santé publique. L’obésité infantile progresse d’année en année sous les coups de boutoir de la malbouffe, de la consommation excessive de viande et des produits ultra-transformés. Les enfants pauvres ont quatre fois plus de chances d’en être victimes que les enfants de milieux socialement favorisés. Sans cantine pour apprendre les bonnes pratiques alimentaires et manger sainement au moins un repas par jour, cela n’est évidemment pas près de s’arranger. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent s’engager fortement pour améliorer la situation.

Les propositions qu’a faites le Gouvernement sont très insuffisantes pour répondre au défi qui se présente à nous. Le plan prévoyant un petit-déjeuner gratuit à l’école ainsi que la cantine à 1 euro sont des mesures relevant de la pure communication. Beaucoup de communes proposent déjà aux familles les plus démunies des repas à un prix inférieur ou égal à 1 euro. Je ne pense pas que ces familles voient un motif de se réjouir dans le fait qu’on leur promette une chose qui existe déjà… J’ajoute que, dans certaines communes confrontées à d’importantes difficultés financières, l’aide de 2 euros par repas proposée par le Gouvernement ne suffira pas pour que les repas soient servis à 1 euro. Une telle mesure ne pourrait, en effet, être mise en œuvre qu’au prix de pertes financières pour des collectivités qui, nous le savons, sont déjà étranglées par les mesures d’austérité budgétaire qu’on leur impose.

Puisque le Gouvernement ne propose rien de très concret, nous souhaitons avancer vers la gratuité des cantines scolaires, une mesure s’inscrivant dans la continuité du principe de gratuité de l’éducation nationale, bien que celui-ci recule de jour en jour à l’école, où l’on demande sans cesse aux parents 1 euro par-ci pour une photocopie, 2 euros par là pour autre chose. Nous pensons que les biens communs se renforcent grâce à la gratuité pour l’ensemble de l’éducation. À l’intérieur du temps scolaire, la cantine pourrait tout à fait, demain, faire partie du bien commun au travers de cette ambition de gratuité qui permet d’avancer vers l’égalité et le partage. C’est pourquoi nous proposons la gratuité de la cantine à tous les niveaux d’enseignement, de l’école primaire au lycée en passant par le collège.

Des cantines vertueuses, ce sont aussi des cantines où l’on mange bien. La loi EGALIM prévoit qu’à l’horizon 2022, 50 % des produits servis dans la restauration collective publique devront satisfaire un certain nombre de conditions, tenant notamment à la qualité des produits ou à leur impact sur l’environnement. Parmi ces 50 %, au moins 20 % des produits devront être issus de l’agriculture biologique. S’il s’agit là d’un premier pas, on ne peut sérieusement affirmer qu’il est suffisant : en 2018, seulement 4 % des produits consommés en restauration collective étaient bio, bien loin des 20 % promis pour 2022. Il faut impérativement aller plus loin en la matière en rehaussant les exigences légales.

Soutenir la consommation de produits bio dans les cantines, c’est aussi soutenir la transition vers le bio de l’agriculture française, de plus en plus nécessaire et de moins en moins proche au fil des renoncements et des promesses non tenues. Comme l’a souligné la Cour des comptes dans un récent référé, la trajectoire de sortie du glyphosate annoncée par le Gouvernement n’aura pas lieu, car la consommation de ce pesticide, dont les effets toxiques sur la santé sont connus, ne cesse de progresser : de 2009 à 2016, les volumes utilisés ont augmenté de 16 %, alors qu’ils auraient dû diminuer de 50 %. Pendant ce temps, 7,5 % seulement de la surface arable utile est consacrée à l’agriculture biologique.

Chaque année, 4 milliards de repas sont servis en restauration collective, pour un chiffre d’affaires de 16 milliards d’euros. Nous proposons de mettre ces sommes au service de la bifurcation écologique. Notre proposition de loi, modifiée par mon amendement à l’article 4, porte à 80 % la part de produits dans les cantines devant répondre à l’un des critères posés par la loi EGALIM et à 70 % la part de produits bio. En un second volet, tout aussi important, ce même amendement propose également d’inscrire les produits acquis dans le cadre de projets alimentaires territoriaux parmi les produits comptant pour le seuil de 80 % précédemment évoqué : en d’autres termes, il s’agit de soutenir les circuits locaux et l’approvisionnement de proximité, afin de réduire la distance entre l’endroit où le produit est récolté ou fabriqué et celui où il est consommé.

Toutefois, ce n’est pas tout de fixer de nouvelles obligations ; il faut également réfléchir aux modalités de mise en œuvre de cette ambition. C’est pourquoi, en complément des objectifs que je viens de présenter, la proposition de loi prévoit la mise en place de dispositifs de formation à destination des acteurs de la restauration collective, afin de les sensibiliser aux enjeux écologiques et de permettre aux cantines de réussir le passage à une alimentation saine et durable. Par exemple, la réduction du gaspillage, qui atteint un niveau assez dramatique dans nos cantines, permettrait de dégager des économies importantes et d’acheter des produits équitables pour les producteurs.

Toutes ces mesures ont évidemment un coût pour les collectivités territoriales. Nous en avons tout à fait conscience et, contrairement au Gouvernement, nous ne prétendons pas donner aux collectivités d’une main pour mieux les plumer de l’autre. Le coût pour les communes, les départements et les lycées de la gratuité et du passage au bio sera, dans le cadre de notre proposition, entièrement compensé par l’État sous la forme d’une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

Nous n’entendons pas déléguer une compétence nouvelle aux collectivités, ni les obliger à se débrouiller pour mettre en œuvre la gratuité ; il s’agit bien que l’État prenne en charge cette compensation financière de façon durable. Notre proposition ne porte donc aucunement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales, ni à celui de leur autonomie financière. La Cour des comptes a publié hier son rapport public annuel 2020 où elle évoque, dans le chapitre consacré aux cantines, « la nécessité d’investissements lourds et coûteux » dans les écoles primaires. Pour vous donner une idée du montant de ces investissements, les cuisines centrales nouvelles qui doivent d’être installées à Nanterre représentent un coût de 5 millions d’euros, ce qui n’est pas une petite somme, même s’il s’agit d’un investissement ayant des répercussions très positives sur de nombreux points, notamment en termes d’embauches sur le territoire concerné.

Pour ce qui est du financement de ces mesures par l’État, je précise d’emblée que, dans le cadre d’une proposition de loi, le seul moyen auquel nous puissions recourir consiste en la création de taxes. Il existe une multitude de mesures de nature à permettre de dégager des marges de manœuvre afin d’investir dans des propositions à caractère utile, solidaire et écologique : à ce titre, je pourrais vous parler pendant des heures des quatorze tranches d’impôt sur le revenu… Je vois que certains de nos collègues me regardent avec des yeux ronds, pourtant c’est un fait : on pourrait refondre toute la fiscalité et ainsi dégager des milliards d’euros !

En l’occurrence, nous avons choisi de vous faire deux propositions très simples à mettre en œuvre. La première consisterait à rétablir l’impôt sur la fortune, ce qui rapporterait 3,5 milliards d’euros, c’est-à-dire exactement ce que coûterait la gratuité des cantines. On pourrait parvenir au même résultat de bien d’autres façons, par exemple en supprimant la flat tax ou les avantages accordés aux entreprises au titre des mesures ayant remplacé le CICE : bref, nous avons là un véritable puits sans fond où nous pourrions trouver des milliards et des milliards d’euros qui nous permettraient de faire des choses utiles.

Notre seconde proposition consiste à financer entièrement le passage au bio par la mise en œuvre d’une taxe nouvelle sur les entreprises commercialisant des pesticides. Cette mesure présenterait un autre avantage, celui de nous faire sortir plus vite des produits phytosanitaires, grâce à la sanction financière qu’elle représenterait pour les entreprises du secteur. Nous ferions donc ainsi d’une pierre deux coups.

En conclusion, avec des cantines gratuites, écologiques et orientées vers les produits locaux, nous pouvons améliorer la santé de nos enfants comme la nôtre. C’est de cette manière que nous garantirons un modèle alimentaire soutenable pour les décennies à venir, et je pense que nous avons là l’occasion d’accomplir une avancée majeure, à condition de ne pas nous payer de mots. Nous pouvons nous donner les moyens de le faire, pour nos enfants et pour l’avenir de la planète.

M. Gaël Le Bohec. J’ai déposé, dès mars 2018, une proposition de loi relative à la tarification de la restauration scolaire, signée par plus de 130 collègues. Je suis donc heureux, madame la rapporteure, que vous remettiez le sujet sur la table avec votre proposition de loi pour des cantines vertueuses, d’autant que je vous rejoins sur certains points.

Comme vous, je pense que la cantine est un levier essentiel au service de la nécessaire transition écologique. Comme vous, je pense qu’il est nécessaire de faire fonctionner un triangle vertueux associant les producteurs et les consommateurs, sans oublier et même en mettant en avant les collectivités territoriales. Comme vous, je pense que la restauration scolaire doit répondre à une exigence de justice sociale – je dirai même de cohésion sociale – à l’heure où un enfant sur cinq vit malheureusement en dessous du seuil de pauvreté. Comme vous, enfin, je pense que la cantine joue un rôle fondamental en matière de santé publique et peut être un levier sanitaire de premier plan.

Cependant, j’estime que vous avez oublié un point fondamental au sujet des cantines scolaires, à savoir qu’il s’agit d’un service profitant avant tout aux enfants eux-mêmes et à leurs apprentissages : si la cantine est si importante, c’est parce qu’il est impossible d’apprendre quand on a le ventre vide. Pour les trois millions d’enfants pauvres que compte notre pays, le repas pris à la cantine est parfois malheureusement le seul vrai repas qu’ils prendront au cours d’une journée. Pour moi, c’est donc essentiellement pour garantir à tous les enfants des conditions d’apprentissage correctes qu’il est nécessaire de faire évoluer la tarification des cantines scolaires.

En avril 2019, sous l’impulsion des députés du groupe La République en Marche, ayant donné lieu à un débat auquel j’ai apporté ma contribution, le Gouvernement a mis en place le dispositif de cantine à 1 euro, constituant le premier pas d’une dynamique qu’il convient, certes, d’amplifier et d’adapter afin de la rendre plus efficace.

Pour ce qui est de votre proposition, je suis désolé de devoir vous dire qu’elle manque totalement les objectifs que vous fixez vous-même. Envisager, comme vous le faites, d’établir un service public de la restauration scolaire, c’est le meilleur moyen de sortir les collectivités territoriales du cercle vertueux où elles se trouvent. Il faut, au contraire, continuer à impliquer l’échelon local, car ce sont les initiatives locales, appuyées financièrement et structurellement par l’État, qui permettent de coller au mieux à la réalité des habitants des territoires. À ce titre, les collectivités accomplissent un travail de grande qualité.

Par ailleurs, avec votre proposition, vous ratez également l’objectif pourtant essentiel de faisabilité, ce qui est un comble. Votre financement se base d’abord sur la réintroduction de l’ISF, qui n’existe plus. Hypothéquer le financement de votre proposition sur quelque chose qui n’existe pas, ce n’est pas très sérieux ! Vous évaluez votre proposition à 3 milliards d’euros de financement pour un peu plus d’un milliard de repas servis chaque année. Vous proposez donc d’instaurer la gratuité pour un service censé coûter environ 3 euros par repas : avec cette évaluation, vous êtes bien en dessous de la réalité, puisqu’un repas de qualité revient plutôt à 7 euros aux collectivités, ce qui représente un différentiel non négligeable.

Le financement des cantines scolaires et l’établissement d’une démarche vertueuse ne sauraient se passer d’une démarche réaliste. Au passage, on peut d’ailleurs regretter que vous n’ayez manifestement pas pris le temps de consulter les acteurs impliqués au moyen d’auditions, qui vous auraient sans doute permis d’aboutir à un travail plus convaincant. Vous avez évoqué à plusieurs reprises des promesses faites par le Gouvernement et sa majorité ; or il ne s’agit pas de simples promesses, puisque les dispositifs évoqués ont donné lieu à des lois et à des mesures concrètes. Vous faites d’ailleurs vous-même référence à la loi EGALIM, en disant qu’il va être compliqué de faire passer l’objectif de présence de produits bio au menu des cantines de 4 % à 20 %, comme le prévoit la loi, tout en proposant vous-même d’inscrire dans la loi un objectif de 70 % – un autre exemple du manque de réalisme de votre proposition.

Par ailleurs, vous devriez préciser que l’aide de l’État permet aujourd’hui à de nombreuses métropoles de proposer aujourd’hui des repas à moins de 1 euro. Pour ce qui est du prix du repas, plutôt que la gratuité pour tous, je propose, pour ma part, l’instauration d’un principe de solidarité et de redistribution : à la doctrine aveugle et chimérique que vous avez défendue, j’oppose un ensemble de mesures permettant de répondre de façon adaptée, concrète et réaliste, une alternative plus juste et plus ambitieuse sur le plan social, et totalement viable sur le plan économique, tout en répondant aux enjeux écologiques et au maintien nécessaire du lien avec les territoires.

Mme Frédérique Meunier. C’est avec beaucoup d’attention que j’ai pris connaissance de cette proposition de loi du groupe La France insoumise, dont le titre même promet un sujet intéressant. Mais que recouvre cette appellation de « cantines vertueuses » ?

Nous partageons tous l’objectif de proposer aux enfants des écoles une alimentation saine et durable ; cependant, force est de constater que cette proposition est marquée par quelques dérives idéologiques et politiques, sur lesquelles nous reviendrons. Dans l’exposé des motifs, nos collègues citent des chiffres marquants – un milliard de repas servis chaque année à 8 millions d’élèves –, mais évoquent également une pauvreté accrue, un triangle vertueux entre producteurs, consommateurs et collectivités territoriales, le tout en tenant compte de l’urgence écologique. Si nous ne pouvons que partager ce diagnostic, il n’en est pas de même du remède à prescrire.

La première mesure proposée est celle de la gratuité de la restauration collective. Nous y voilà ! Pour nos collègues, une bonne réforme est une réforme gratuite, mais qui coûte à tous les contribuables, ce que nous ne pouvons évidemment pas cautionner. Si l’intention est louable, et permettrait à chacun de soulager sa conscience de gauche, nous devons être des élus responsables. Au-delà du coût, évalué à 3,2 milliards d’euros, une telle mesure constitue un vrai choix de société. Pour notre part, nous estimons qu’il convient de réfléchir à une solution intermédiaire, qui permettrait aux enfants de familles défavorisées de manger correctement à la cantine, tout en garantissant une responsabilisation des parents.

En Corrèze, le conseil départemental apporte aux familles des aides à la restauration, allouées sous condition de ressources, dans le respect d’un plan de maîtrise sanitaire. Les cuisiniers s’engagent au quotidien pour renforcer la qualité et développer l’éducation nutritionnelle. Le temps de restauration, c’est aussi un temps d’éducation au goût, à la lutte contre le gaspillage, aux enjeux environnementaux, au respect des agriculteurs, à la qualité de l’eau et au traitement et au recyclage des déchets. Comme vous le voyez, les territoires n’ont pas attendu cette proposition de loi pour innover.

De même, les pratiques de dénonciation des élèves dont les parents ne payent pas les factures de cantine, que vous évoquez, sont marginales. Maire d’une commune de 8 500 habitants comprenant quatre écoles, je peux vous dire que 98 % des communes ne fonctionnent pas comme vous le dites, et que des aides peuvent être allouées par le biais des CCAS afin de permettre aux enfants de familles défavorisées de prendre au moins un repas équilibré au cours de la journée. Évitons de stigmatiser en désignant des pratiques isolées, pour lesquelles il est rapidement trouvé une solution, et faisons confiance aux élus de la République.

Pour ce qui est de l’idée de nationaliser le service de restauration, confier ce service à l’État, au même titre que l’éducation nationale, nécessiterait une embauche massive de fonctionnaires et se traduirait donc par une explosion de la dépense publique, dont nous sommes déjà champions du monde… Il paraît dangereux de proposer la nationalisation du service de restauration collective, car, à terme, le coût d’une telle mesure pour l’État serait bien plus élevé que les 3,2 milliards d’euros résultant de la gratuité des cantines.

La loi EGALIM impose de servir 20 % d’aliments biologiques et 30 % d’aliments durables ou labellisés en 2022. En Corrèze, le conseil départemental a lancé l’opération « Bio dans les collèges », et la plateforme Agrilocal19 a été mise en place afin d’encourager le recours aux circuits courts et l’approvisionnement de proximité.

S’agissant de l’article 6, gager la gratuité des cantines sur le rétablissement de l’ISF est un artifice démagogique, un chiffon rouge agité pour opposer un peu plus nos concitoyens les uns aux autres. Pourquoi ne pas l’avoir gagée sur le coût des syndicats en France ? Au-delà du symbole, la suppression de l’ISF constitue une mesure de confiance vis-à-vis des investisseurs, tout comme l’impôt sur les sociétés dont la baisse du taux a rapporté 3 milliards d’euros de plus en 2019.

Nous avons sur ce point des désaccords idéologiques forts et une vision différente de l’économie. Nous ne voterons pas, en l’état, cette proposition de loi.

Mme Sophie Mette. Le bien manger, l’éducation à l’alimentation et la justice sociale sont des sujets chers au MODEM. En traitant des cantines scolaires, vous abordez la question essentielle de l’accès de nos enfants à une alimentation de qualité dans le cadre scolaire. Depuis le début du quinquennat, nombre d’initiatives ont été prises, signe que ce parlement a bien conscience de cet enjeu.

L’école joue, à cet égard, un rôle primordial, tant au regard du volume de repas distribués que de la sensibilisation à une bonne alimentation qu’elle peut accomplir. De nombreuses initiatives locales existent déjà – comme la Semaine du goût, la préparation de produits issus de l’agriculture biologique, ou encore la multiplication, à l’initiative de certaines collectivités territoriales, du recours aux circuits courts – et la puissance publique les encourage.

Il est impératif que les cantines scolaires soient accessibles au plus grand nombre, car l’alimentation constitue bien souvent un marqueur social fort, l’accès à une alimentation de qualité dépendant du niveau de vie. Il est donc important d’encourager, au moyen de tarifs sociaux accessibles à tous, la participation à la cantine scolaire là où elle est encore facultative.

La proposition de loi du groupe La France insoumise tente de maximiser l’effet des mesures déjà votées par cette majorité, notamment dans la loi EGALIM : 50 % de produits locaux et de qualité et 20 % issus de l’agriculture biologique dans les services de restauration collective, création d’une instance régionale chargée d’en favoriser la mise en œuvre, expérimentation à l’école, au moins une fois par semaine, du menu végétarien, interdiction progressive du plastique, lutte contre le gaspillage alimentaire et sensibilisation des plus jeunes à ces enjeux.

Ces mesures témoignent de l’importance pour nous de ce sujet, et nous souhaitons les voir se concrétiser. Nous étudierons avec attention le contenu de votre proposition de loi, mais nous écarterons toutes les mesures purement polémiques ou politiques pour nous cantonner à celles pouvant réellement faire avancer notre société et contribuer à l’intérêt général.

Mme Michèle Victory. La lutte contre la pauvreté et pour le recul des inégalités reste un enjeu majeur. Or les associations luttant pour les droits fondamentaux des enfants, comme l’UNICEF, nous le rappellent avec insistance : sur les 8,7 millions de Français pauvres, 2,76 millions sont des enfants.

Dans le cadre des indices déterminant la pauvreté, l’INSEE utilise une liste de besoins fondamentaux, comme le fait de pouvoir, pour les adultes, consommer de la viande ou une autre source de protéines au moins tous les deux jours. S’y ajoutent des besoins spécifiques aux enfants, comme la consommation quotidienne de fruits et de légumes, la possibilité d’inviter des copains à la maison pour jouer ou de disposer d’un endroit calme où faire ses devoirs. Les enfants concernés par cette proposition de loi subissent des privations, en particulier en matière d’alimentation.

Selon une étude du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO), 55 % des établissements scolaires interrogés ne proposent pas aujourd’hui de politique tarifaire spécifique, et seuls 22 % d’entre eux appliquent une grille allant, pour les familles les plus modestes, jusqu’à la gratuité. Les chiffres sont parlants : 40 % des enfants de familles défavorisées ne déjeunent pas à la cantine, contre 17 % des enfants de catégories plus favorisées. Cette inégalité, qui joue dès la maternelle et qui est depuis longtemps dénoncée par des associations caritatives ainsi que par la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), s’ajoute à celles contre lesquelles nous devons nous engager avec force afin de nous rapprocher de l’idéal que porte notre école républicaine et qui vise précisément à corriger les inégalités et à permettre à nos enfants de s’épanouir.

L’apport sanitaire d’une politique permettant à toutes les familles d’accéder aux cantines scolaires n’est plus à démontrer. On sait à quel point influent sur la vie scolaire, sur les apprentissages et sur la capacité à être réceptif et concentré la lutte contre l’obésité, la malbouffe et l’absentéisme médical, et l’accès aux apports nutritionnels. Certaines études montrent que le fait de partager un repas augmenterait la quantité d’aliments absorbés, ce qui limite le grignotage, source de problèmes sanitaires qui collent aux inégalités sociales.

Le temps de la cantine est aussi celui d’une expérience de socialisation importante, au cours de laquelle les différences peuvent s’estomper au profit d’un sentiment d’appartenance à un groupe. L’organisation de repas pris en commun et reposant sur des règles communes participe également des aspects positifs de la restauration collective, qui permet de fixer un cadre à des enfants qui s’en sont bien souvent affranchis.

Le droit à la cantine doit donc devenir effectif.

Les aides mises en place au travers de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont ne bénéficient que les communes bénéficiaires de la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR), c’est-à-dire les 10 000 premières communes de moins de 10 000 habitants les plus défavorisées, ne sont pas en adéquation avec les difficultés que rencontrent nombre de municipalités. Or ce sont les communes les plus petites qui ont le plus de mal à s’engager dans une telle politique – 81 % des villes de plus de 100 000 habitants l’ont en effet déjà appliquée. Il s’agit donc bien de permettre à l’ensemble des communes et des établissements scolaires de répondre à cette problématique. Trois enfants – quatre dans les réseaux REP+ – par classe arrivent encore à l’école sans avoir pris de petit-déjeuner.

Le texte que nous proposent nos collègues du groupe La France insoumise repose tant sur une ambition forte que sur un modèle vertueux, où le rôle de l’alimentation interroge de manière générale nos pratiques, l’organisation de nos réseaux, la place des lobbies et notre projet de société. La question est donc relativement simple : quels mécanismes faut-il soutenir afin que les collectivités rendent ce service accessible à tous ? Il s’agit bien, pour nous, de défendre un système permettant une régulation alimentaire et ne se contentant plus d’inciter les communes à s’orienter vers des tarifications plus justes.

Seules 31 % des collectivités prennent en compte la composition des revenus de la famille pour la facturation des repas : le caractère non contraignant de la législation en la matière n’est, à l’évidence, pas compatible avec l’objectif de réduction des inégalités. Il s’agit donc de mettre en place un système permettant à tous les enfants d’accéder à ce service de première nécessité. À la gratuité universelle, mon groupe préférerait une uniformisation des tarifs permettant aux seules familles les moins favorisées de ne pas payer les repas.

Cependant, les exemples offerts par d’autres pays européens, notamment par le Royaume-Uni où l’absence totale de restauration collective scolaire jusqu’à une période récente a entraîné d’immenses problèmes sanitaires, ou par la Suède et la Finlande qui ont, elles, choisi un système de restauration scolaire gratuit, montrent clairement les apports bénéfiques de la gratuité. Nous soutenons donc la cohérence de la démarche affichée par ce texte et voterons en sa faveur.

Mme Béatrice Descamps. Jamais aucune famille ne devrait renoncer à la qualité de son alimentation en raison de ses moyens. L’idée selon laquelle les personnes aisées peuvent se nourrir correctement et celles aux revenus modestes doivent se contenter d’une nourriture de mauvaise qualité est inacceptable.

Tout progrès en la matière passe par l’amélioration de la qualité de la nourriture dans les restaurants scolaires : il faut éduquer nos enfants au goût et à la diversité des aliments dont ils doivent appréhender les bienfaits pour leur organisme.

Les enfants en surpoids risquent, une fois adultes, de souffrir et sont plus susceptibles que les autres de contracter des maladies cardio-vasculaires à un âge précoce. Ces maladies sont en grande partie évitables ; priorité doit donc être donnée à la prévention. Les services de restauration scolaire doivent participer à cet objectif de santé publique et de justice sociale, un enfant d’ouvrier étant deux fois plus susceptible d’être en surpoids ou de souffrir d’obésité qu’un enfant de cadre. Il existe donc un lien indiscutable entre ressources financières du foyer et qualité de l’alimentation de l’enfant.

Les deux premiers articles du texte proposent de faire de la restauration scolaire un service public gratuit. Vous en évaluez le coût à 3,2 milliards d’euros, qui seraient financés par le rétablissement de l’ISF, dont la suppression aurait, selon vous, occasionné un manque à gagner pour les finances publiques de 3,5 milliards d’euros. Vous oubliez simplement que cet impôt a laissé place à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), dont le produit s’est élevé l’an dernier à 2,1 milliards d’euros. Le rétablissement de l’ISF ne vous apporterait donc que 1,4 milliard d’euros, n’assurant ainsi que le financement partiel de votre mesure.

Vous ne distinguez pas, en outre, les bénéficiaires de la gratuité de la restauration scolaire au titre du plan pauvreté lancé en 2018, qui comportait la gratuité, certes limitée aux écoles situées dans des territoires très défavorisés, du petit-déjeuner et le déjeuner à 1 euro. Sans doute faudrait-il aller plus loin en étendant le zonage concerné, mais il ne paraît pas opportun que la solidarité nationale finance la cantine de foyers aux revenus confortables. Chaque nouvelle dépense publique nous impose d’appliquer le principe de bonne gestion.

L’article 4 vise à élever les seuils de produits de qualité et issus de l’agriculture biologique que doivent respecter les repas servis en restauration collective. Ne devrions-nous pas laisser les dispositions concernées, qui ne s’appliquent que depuis peu, porter leurs fruits avant de les réformer ?

Pour financer vos autres mesures, vous créez une taxe supplémentaire assise sur le chiffre d’affaires des entreprises phytopharmaceutiques. Si j’entends bien votre objectif de faire d’une pierre deux coups, une telle création reviendrait in fine à en faire supporter la charge aux agriculteurs, dont l’activité est sans nul doute la plus précaire dans notre pays. Pensez-vous que cela soit judicieux ?

Nous pensons que c’est à la solidarité nationale de se préoccuper de l’obésité et du surpoids qui accablent nos enfants, en raison de la malbouffe omniprésente dans leur environnement et de leur méconnaissance de ce qu’ils mangent. Même si nous partageons l’ambition de ce texte, notre désaccord sur les moyens à mettre en œuvre pour l’atteindre nous conduit à l’aborder défavorablement.

M. Bastien Lachaud. Plus d’un milliard de repas sont distribués en France tous les ans dans les établissements scolaires. La cantine, parce qu’elle touche à l’alimentation de centaines de milliers de jeunes, peut constituer à la fois un puissant levier d’action pour protéger et améliorer la santé publique, un outil au service de l’environnement ainsi qu’un puissant vecteur de relance d’une économie de proximité basée sur les circuits courts et favorisant le bio comme les petites exploitations. Or nous sommes loin, aujourd’hui, dans notre pays, de l’exploiter en ce sens. Pour que la cantine soit placée au cœur d’un grand projet alimentaire écologique, encore faut-il qu’elle soit accessible à tous. Or ce n’est absolument pas la norme sur le territoire national.

Dans notre pays, trois millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté. Pour beaucoup de familles modestes, la cantine est trop chère, comme l’affirment tant le Défenseur des droits que la Cour des comptes dans son rapport annuel 2020, publié hier. Dans les établissements des réseaux REP+, seuls 25 % des enfants mangent à la cantine le midi. Dans les milieux plus aisés, la proportion est trois fois supérieure.

Notre proposition de loi vise à réparer cette injustice intolérable en instaurant, comme la République l’avait jadis fait avec l’enseignement public, la gratuité de la restauration collective, mais aussi la qualité. Cela est d’autant plus important que les enfants des familles modestes sont également ceux qui souffrent le plus, du fait des difficultés financières de leurs parents, d’une mauvaise alimentation, souvent trop sucrée, trop grasse et dominée par des produits d’origine industrielle, qui met leur santé de futur adulte en danger.

Chaque enfant, quelle que soit sa situation familiale, doit avoir accès tous les midis à une alimentation équilibrée, saine et respectueuse de l’environnement. C’est là une des principales préoccupations des familles. Dans nos villes, comme à Aubervilliers, dans ma circonscription, des collectifs de parents se mobilisent contre la qualité défectueuse des repas. J’ai visité avec certains d’entre eux le syndicat intercommunal qui gère les repas de cette ville et de nombreuses autres en région parisienne : 8 cuisiniers y préparent 25 000 repas par jour ; les plats sont stockés dans des barquettes en plastique, dont on sait les risques qu’elles présentent en raison des microparticules.

Notre proposition de loi se préoccupe également de qualité nutritionnelle et sanitaire des repas en aidant les communes les plus fragiles à investir dans un retour progressif à des régies publiques qualitatives et de proximité, et en favorisant des circuits locaux. C’est la voie à suivre, car les grandes structures exerçant en délégation de service public ou en externalisation complète ne permettent bien souvent pas de respecter les standards de qualité suffisants et occasionnent des surcoûts.

En outre, les normes introduites devront également veiller à ce que les chaînes d’approvisionnement des cantines respectent l’environnement.

Vous l’aurez compris, notre projet vise à mettre en place des cantines vertueuses, car elles constitueraient également de puissants vecteurs de progrès sanitaire, social, écologique et économique, dont les premiers bénéficiaires seront nos enfants. Les familles, elles, verraient leur pouvoir d’achat s’améliorer et pourraient ainsi s’offrir une meilleure alimentation à la maison. La santé publique en sortirait également gagnante, tout comme la lutte contre l’obésité et l’environnement, puisque les chaînes industrielles de production alimentaire seraient abandonnées, qu’il serait moins recouru au plastique et que le bio s’en trouverait valorisé. Les petits agriculteurs, sollicités au travers des circuits courts, verraient leurs carnets de commandes se remplir.

Bref, ce que nous proposons ne ferait que des gagnants et serait finançable en rétablissant notamment l’ISF et en taxant davantage le commerce des produits phytopharmaceutiques. Les sondages montrent que les Français y sont largement favorables : je vous invite donc à entendre leur message et à soutenir cette proposition de loi.

Mme Elsa Faucillon. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient à la fois l’ambition, le contenu et le financement de cette proposition de loi. Comme le disait Federico Fellini, « Le mot réalisme ne veut rien dire. Dans une certaine mesure, tout est réaliste. Il n'y a pas de frontière entre l'imaginaire et le réel. » Le conseil départemental des Hauts-de-Seine, dirigé par M. Patrick Devedjian, tire argument du réalisme pour expliquer aux membres de l’opposition dans cette assemblée qu’Elior ou Sodexo se partagent les marchés de la restauration dans les collèges en recherchant le profit maximum et en mettant bien souvent dans les assiettes des choses qui ne devraient être proposées ni à des enfants ni à des adultes.

Les cantines scolaires font débat, tant à la maison que dans les circonscriptions, car elles font partie du quotidien, et donnent parfois lieu à des pratiques nauséabondes dans notre société, comme celle consistant à punir des enfants dont les parents n’ont pas réglé la cantine. Dans une ville comme Colombes, même lorsque les inspecteurs d’académie parviennent à faire scolariser des enfants qui vivent dans un squat ou dans un bidonville, ou sont hébergés par le 115, la mairie fait en sorte qu’ils ne puissent pas déjeuner à la cantine. Cela prouve qu’il s’agit d’un sujet éminemment politique que nous devons nous approprier, et l’État également.

L’article 186 de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté a pourtant complété le code de l'éducation par un article L. 131-13 : « […] L'inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille. » Force est de constater que malheureusement cette disposition n’est pas respectée. Le Défenseur des droits a ainsi constaté que l’accès à la restauration scolaire, parfois difficile pour les enfants des familles à revenus modestes, pénalisées du fait de tarifs élevés, reste souvent entravé par de véritables discriminations.

L’absence de service public gratuit de cantine pour tous les enfants révèle également de nombreuses inégalités territoriales. La création d’un tel service permettrait de lutter contre celles-ci et participerait à la lutte contre le changement climatique. Face à ce défi, il convient de proposer aux enfants des produits de qualité, issus de l’agriculture biologique. C’est en les éduquant à une alimentation saine que les pratiques citoyennes et sociétales s’amélioreront.

Aujourd’hui, seuls 2 % des aliments servis quotidiennement sont issus de l’agriculture biologique. Le service public de restauration scolaire doit également favoriser tant cette dernière que les circuits courts. L’on voit combien, même pour les municipalités qui souhaitent les développer, une telle révolution est aujourd’hui coûteuse. Vous avez cité des exemples de villes qui peuvent encore se le permettre ; ce n’est pas le cas de beaucoup d’autres.

Il faudra également former les cuisiniers de collectivités à de nouvelles pratiques et à de nouveaux modes de cuisson, ainsi qu’à la préparation des protéines végétales et à la lutte contre le gaspillage, et financer l’achat d’équipements comme des ateliers de découpe, de conserveries ou de matériels permettant de lutter contre le gaspillage alimentaire.

Cette proposition de loi nous invite également à nous pencher sur l’opportunité de rendre obligatoire ou non un menu végétarien, afin de permettre aux enfants qui ne veulent pas manger de viande ou de poisson, parfois contre l’avis même de leurs parents, de se nourrir de façon équilibrée.

Nous soutenons donc cette proposition de loi.

Mme Danièle Cazarian. L’article 3 de la proposition de loi vise à améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux dans la restauration collective des écoles publiques.

Vous préconisez notamment le recours aux circuits courts pour l’achat de produits alimentaires afin de créer, au sein d’un même territoire, un lien entre le producteur et les consommateurs, ce qui se fait déjà dans nombre d’établissements. Cela ne risque-t-il pas, cependant, de limiter la diversité des aliments proposés à nos enfants ?

M. Maxime Minot. Plusieurs choses me chagrinent dans cette proposition de loi, à commencer par la gratuité, mot magique qui sous-entend que la restauration scolaire ne coûterait rien. Or nous savons tous qu’à la fin, les contribuables paient une note déjà largement salée.

Me chagrine également une forme d’autoritarisme : imposer une proportion aussi importante de produits bio à un horizon aussi court traduit une méconnaissance de la filière agricole française, qui n’est pas en mesure d’en produire autant. Cela obligerait à importer des produits provenant d’autres pays d’Europe, ce qui affaiblirait tant notre compétitivité que l’objectif écologique poursuivi.

Or vous savez aussi bien que moi que nos voisins européens n’imposent pas du tout les mêmes normes que nous en la matière. Si l’objectif est louable, de nombreuses collectivités territoriales ont déjà pris des mesures en ce sens.

Mme Emmanuelle Anthoine. Pour pouvoir consommer localement, il faut qu’existent sur place à la fois des producteurs locaux et une production diversifiée. En pratique, certaines régions ont développé un modèle polycultural, d’autres sont plus orientées vers la monoculture, mais certains territoires ne comptent aucuns producteurs locaux. Mon département, la Drôme, ne se trouve pas dans ce cas, puisqu’il est un pionnier innovant du bio en France et que sa gamme de produits est variée. Pour les territoires qui n’ont pas la possibilité d’organiser des circuits courts, que proposez-vous ?

M. Frédéric Reiss. Des efforts indéniables et remarquables sont faits aujourd’hui en matière de restauration scolaire par les communes, par les établissements publics de coopération intercommunale, par les départements et les régions. Vous préconisez l’agriculture biologique et les circuits courts : on se rend compte, lors des assemblées générales cantonales, que beaucoup d’initiatives vont d’ores et déjà dans la bonne direction.

Cependant, votre généralisation des produits bio ne me semble pas très réaliste, et je m’interroge sur le bilan carbone d’un produit bio. Pour l’empreinte carbone du secteur agricole, vaut-il mieux  manger bio ou local ?

M. Fabien Di Filippo. Vous reproduisez avec cette proposition de loi l’une des erreurs commises avec la loi EGALIM de pousser à l’excès les produits bio, alors que les normes en la matière restent poreuses et favorisent les produits étrangers. Je ne pense pas qu’une telle démarche soit vertueuse, ni du point de vue sanitaire ni du point de vue environnemental. Il faudrait tout simplement remplacer le mot bio par le mot local. Je suis père de très jeunes enfants et, pour les nourrir, je fais plus confiance aux agriculteurs de mon territoire qu’à un concept très poreux.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je remercie mes collègues Michèle Victory, Elsa Faucillon et Bastien Lachaud : nous défendons cette idée de cantines vertueuses sur les mêmes bases.

Monsieur Le Bohec, nous sommes d’accord sur la nécessité de renforcer l’apprentissage. Pour le reste, nous n’avons pas du tout la même approche. Vous affirmez que l’ISF n’existe pas ; nous proposons de le rétablir tel qu’il existait à votre arrivée au pouvoir, à savoir un impôt sur la fortune non restrictif, dont le produit annuel s’élevait à plusieurs milliards d’euros. Vous avez choisi de réduire la voilure au profit des plus riches ; nous pensons qu’il vaut mieux mettre tous ces milliards dans des choses plus utiles.

Je vous rassure, nous avons procédé à des auditions, notamment des représentants de Cantine nouvelle, de la Fondation pour la nature et l’homme, et du collectif « Pas d’usines, on cuisine », qui sont des acteurs de terrain travaillant ces questions et qui nous alertent à raison.

Certaines villes ont, en effet, déjà instauré des cantines vertueuses. Il s’agit d’expériences très encourageantes sur lesquelles il serait possible de s’appuyer. J’observe, en particulier, que Mouans-Sartoux est passé au 100 % bio, que Saint-Étienne-du-Rouvray, ville populaire, a atteint 80 % et qu’Alençon s’est également engagée dans cette voie. Mais pour que cette démarche vertueuse du point de vue social et environnemental puisse être engagée sur tout le territoire, l’État doit l’accompagner. Il ne s’agit pas d’autoritarisme, mais du pouvoir d’impulsion des pouvoirs publics.

Nos estimations financières ne seraient pas justes, dites-vous. Ne disposant pas de l’expertise de l’État, nous nous sommes appuyés sur les chiffres fournis notamment par les associations. Si vous disposez de chiffres plus précis, nous pourrions affiner le gage.

Nous sommes en désaccord complet avec les positions exprimées par les représentants du groupe Les Républicains. Ce qu’ils considèrent comme trop d’État, trop de fonctionnaires et trop d’impôts, sert, à notre sens, le service public qui permet d’améliorer les conditions de vie des gens et la mise en commun des biens. Nos approches sont sans doute irréconciliables.

Notre collègue Béatrice Descamps, comme certains collègues du groupe La République en marche, a indiqué qu’une bonne gestion de la grille tarifaire des cantines scolaires devrait conduire à faire payer les riches, mais pas les pauvres. Pour notre part, nous pensons que c’est au niveau des revenus qu’il faut agir, de sorte que l’on n’ait pas à établir des quotients familiaux pour tous les dispositifs de la vie, et qui rappellent en permanence à chacun son statut de riche ou de pauvre. La société devrait garantir par les rémunérations et par l’impôt des différences de revenus qui ne soient pas telles que l’on doive réintroduire des péréquations pour rétablir un équilibre. Cela fait toute la différence, y compris du point de vue symbolique, de ne pas avoir, lorsque vous gagnez peu, à remplir des tonnes de formulaires. La gratuité permet précisément d’émanciper de la paperasserie et de conforter les biens communs. La lutte contre les inégalités sociales et de revenu, et donc contre les injustices, doit se jouer ailleurs, raison pour laquelle je suis également favorable à la gratuité des transports.

S’agissant de la diversité alimentaire, on ne peut évidemment pas demander à des territoires de se fournir au plus près des cantines si la production locale ne s’y prête pas. Mais peut-être est-ce l’occasion de s’interroger sur l’usage des terres. Par exemple, dans ma circonscription urbaine, les terres qui forment l’immense triangle de Gonesse pourraient être utilisées à des fins agricoles.

Mme Sylvie Charrière. Elles sont polluées.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. On pourrait les dépolluer.

Mme Sylvie Charrière. Il faudrait déplacer l’aéroport. C’est irréaliste !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Ce n’est pas irréaliste. À Sevran, nous avons une association pour le maintien d'une agriculture de proximité (AMAP). C’est bien qu’il y a des possibilités, y compris dans des territoires urbains, pour les pratiques agricoles.

Peu importe si l’on ne peut pas s’approvisionner à 100 % sur le marché local, nous voulons simplement donner une impulsion aux circuits courts et protéger des terres agricoles menacées par des projets inutiles – il en existe en dehors du triangle de Gonesse.

Quant à préférer le local au bio, je ne suis pas d’accord avec M. Di Filippo, car ce sont deux choses très différentes. L’agriculture locale peut être intensive, bourrée de pesticides et très mauvaise pour la santé.

M. Fabien Di Filippo. Le bio d’Espagne est bourré de pesticides aussi !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Produire et consommer local, oui, mais sans oublier la qualité de l’agriculture. Si l’agriculture bio n’est aujourd’hui pas suffisamment présente sur notre territoire, c’est aussi parce que la PAC a introduit une logique ne favorisant pas son développement. En l’absence de mécanismes vertueux d’incitation et de soutien aux filières bio, celles-ci ne peuvent évidemment se développer. Notre démarche s’inscrit dans une vision plus globale de l’économie et de l’agriculture.

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Principe de gratuité du service public de restauration scolaire

La commission est saisie de l’amendement AC1 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Je ne suis pas favorable à la gratuité des repas dans le cadre scolaire. Certes, les communes appliquent des tarifs dégressifs, au point que la cantine pour les enfants est presque gratuite. Dans l’établissement où j’exerçais avant d’être élue, le huitième et plus bas tarif correspondait à un prix par repas de 0,13 euro ; je  facturais donc 2,50 euros par mois, qui n’étaient, bien entendu, ni réclamés ni payés.

Faire de la restauration scolaire un service public gratuit revient à entrer dans une dynamique infinie d'assistanat qui fait perdre aux citoyens le prix de chaque chose. La tarification actuelle des cantines vise tant à responsabiliser les parents qu'à apprendre aux enfants que chaque chose a un prix et que rien ne tombe du ciel.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Conséquence de la gratuité sur la tarification de la restauration scolaire

La commission est saisie de l’amendement AC9 de M. Gaël Le Bohec qui fait l’objet du sous-amendement AC12 du président Bruno Studer.

M. Gaël Le Bohec. Le véritable objectif est celui de la solidarité et de la redistribution, et le dispositif de la cantine à 1 euro, entre autres, y participe – les collectivités peuvent toujours faire le choix d’un tarif de la première tranche entre 0 et 1 euro. D’aucuns ne voient dans ce dispositif que de la communication, mais 8 000 enfants bénéficiaires, et probablement plus après son élargissement, et 200 000 petits-déjeuners gratuits servis, je n’appelle pas cela de la communication. Il est nécessaire que les communes mettent en place une progressivité des tranches.

M. le président Bruno Studer. Madame la rapporteure, nous partageons les objectifs, pas les moyens de les atteindre.

Cet amendement vise tout à la fois à inscrire le dispositif de la cantine à 1 euro dans la loi et donc à le pérenniser, à garantir la progressivité de la tranche tarifaire correspondante, et à en élargir les bénéficiaires puisque n’étaient visées initialement que les communes percevant la fraction « cible » de la DSR.

Mme Clémentine Autain, rapporteure.  Je suis assez impressionnée, monsieur Le Bohec, parce que l’amendement ne fait rien d’autre que supprimer nos propositions en réécrivant entièrement l’article 2. Il est superflu, redondant et inutile.

Vous proposez que les tarifs soient fixés par la collectivité ayant la charge de la cantine et qu’ils ne puissent être supérieurs au coût de revient du service par usager – en fait, la situation actuelle. Quel est donc l’apport ?

Permettez-moi de citer l’article R. 531-52 du code de l’éducation : « Les tarifs de la restauration scolaire fournie aux élèves des écoles maternelles, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées de l'enseignement public sont fixés par la collectivité territoriale qui en a la charge », et l’article R. 531-53 du même code : « Les tarifs mentionnés à l'article R. 53152 ne peuvent, y compris lorsqu'une modulation est appliquée, être supérieurs au coût par usager résultant des charges supportées au titre du service de restauration, après déduction des subventions de toute nature bénéficiant à ce service. »

Vous aurez remarqué qu’il s’agit, presque mot pour mot, des troisième et quatrième alinéas de l’amendement. Pour ma part, je ne crois pas que le rôle du législateur consiste à faire des copier-coller de dispositions réglementaires en vigueur.

Le cinquième alinéa, quant à lui, commence ainsi : « Ces tarifs peuvent être fixés selon un barème progressif ». Non seulement les collectivités territoriales peuvent déjà fixer un barème progressif, et un certain nombre d’entre elles le font, mais une telle disposition n’a aucune valeur normative, et donc aucune conséquence concrète, à la différence de ce que nous proposons dans notre texte, à savoir une véritable gratuité des cantines scolaires pour tous les enfants. Vous comprendrez donc que je sois totalement opposée à cet amendement.

Quant au sous-amendement…

M. le président Bruno Studer. Il vise à consolider un certain nombre de dispositions dans la loi ; mais je suppose que vous y êtes également opposée, puisque vous rejetez l’amendement.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Vous avez tout compris.

M. Gaël Le Bohec. Notre objectif est de sécuriser un certain nombre de dispositions en les inscrivant dans la loi. Il est important d’inciter les communes qui ont instauré un barème progressif à poursuivre cette démarche.

Si vous ne voulez pas tenir compte de mes propos, peut-être écouterez-vous ceux de Mme Victory, qui a rappelé que, dans plus de 60 % des communes, les tarifs ne sont pas progressifs. Si vous trouvez qu’il n’est pas important d’inciter ces communes à adopter le système, c’est votre droit. Quant à nous, c’est précisément ce que nous voulons faire. Dans mon territoire, les communes sont enchantées par le système de la cantine à 1 euro, qu’elles trouvent simple et pour lequel, en plus, elles reçoivent une aide financière de l’État. Peut-être faut-il élargir le système, aller encore plus loin, mais il importe aussi de féliciter ceux qui ont d’ores et déjà introduit la progressivité.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement ainsi sous-amendé, et l’article 2 est ainsi rédigé

En conséquence, l’amendement AC2 de Mme Agnès Thill n’a plus d’objet.

Article 3 : Former les professionnels de la restauration collective aux enjeux de la bifurcation écologique et solidaire

La commission rejette l’article 3.

Article 4 : Amélioration de la qualité des produits servis dans la restauration collective publique

La commission examine l’amendement AC7 de la rapporteure.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. j’ai déjà présenté cet amendement tout à l’heure.

Mme Cécile Rilhac. En tant que députée du Val-d’Oise, je souhaite rétablir quelques vérités à propos du triangle de Gonesse. C’est bel et bien la majorité qui a décidé d’abandonner le projet de mégacomplexe de loisirs et de commerces EuropaCity, auquel vous avez fait référence ; c’est bien la majorité qui travaille de manière transpartisane dans le Val‑d’Oise, avec le soutien de l’État, pour trouver des projets alternatifs plus vastes dans le triangle de Gonesse – y compris, peut-être, des projets agricoles.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Eh bien voilà !

M. Fabien Di Filippo. Vous avez dit tout à l’heure, madame la rapporteure, quelque chose de terriblement faux et irresponsable pour défendre votre projet d’augmenter la part de bio : le bio serait mieux qu’une agriculture locale « bourrée de pesticides ». Or nos agriculteurs respectent les normes et font un travail remarquable. Vos propos sont donc au‑delà de la caricature, ils sont tout simplement faux. Comparez nos productions locales à bien des productions bio d’Amérique du Sud ou même d’autres pays européens, et vous verrez que la qualité de nos produits est très nettement supérieure.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AC8 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. L’amendement vise à supprimer les pourcentages proposés pour les produits bio et de qualité, dont on a vu qu’ils étaient irréalistes. Il faut commencer par franchir le cap des 20 %, ce qui est déjà un enjeu considérable, en termes tant de surfaces cultivées que de circuits d’approvisionnement pour certaines collectivités. Nous proposons donc d’en rester aux objectifs déjà très ambitieux de la loi EGALIM. Pour ce faire, nous demandons la suppression du deuxième alinéa de l’article 4.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC4 de Mme Agnès Thill.

Mme Agnès Thill. Cet amendement vise à passer d’un choix hypothétique à une priorité réelle donnée aux projets locaux et aux circuits courts dans le choix des produits à destination des repas servis dans les restaurants collectifs. Cela correspond parfaitement aux objectifs du Gouvernement en matière de santé publique, de protection de l’environnement et de redynamisation de l’économie locale par la priorité donnée aux acteurs de proximité.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. J’ai le sentiment, madame Thill, que mon amendement AC7 répondait d’une certaine manière à vos préoccupations. Avis défavorable.

Quant à l’amendement précédent de M. Le Bohec, il visait en fait, y compris en ce qui concerne la part de produits bio, à en rester à ce qui est déjà prévu. Je ne vois pas très bien en quoi cela permet d’avancer. Tout à l’heure, vous avez procédé de la même manière : il est très bien que certaines collectivités aient instauré des tarifs progressifs, disiez-vous. C’est sûr, des tarifs progressifs sont préférables à des tarifs qui ne le sont pas, mais la gratuité, c’est encore mieux !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Article 5 : Instauration d’une dotation relative au soutien à une restauration scolaire saine et durable

La commission est saisie de l’amendement AC10 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. Beaucoup de questions se posent, on le voit : le périmètre des communes visées est-il le bon ? Faut-il inciter d’autres communes à adopter le dispositif ? Si oui, comment ? Quelles aides peut-on leur apporter, notamment en milieu rural ? Pour répondre à ces questions, nous demandons la remise au Parlement, avant le 1er janvier 2021, d’un rapport relatif au financement par l’État de la mise en place de la tarification sociale des cantines. Il s’agit de trouver les moyens d’inciter encore plus de collectivités territoriales à instaurer une telle tarification.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Cet amendement vise à substituer à l’article 5 une demande de rapport, ce qui revient pour ainsi dire à le supprimer. Je sais bien que, chaque fois qu’il y a un problème, par exemple les punaises de lit, soit on crée un numéro de téléphone soit on commande un rapport. Nous pourrions être un peu plus ambitieux, et essayer de formuler des propositions.

M. Stéphane Testé. Pourtant, les demandes de rapport, ça vous connaît !

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Certes, mais nous sommes dans l’opposition, ce qui fait une grande différence : parfois, la demande de rapport est l’élément ultime auquel s’accrocher. Quand on est en responsabilité, il en va tout autrement.

Si je ne suis pas forcément opposée à la rédaction d’un rapport, je le suis au fait que votre amendement supprime en pratique l’article 5, qui prévoit la participation de l’État à l’effort financier, ce qui n’est quand même pas rien.

La commission adopte l’amendement, et l’article 5 est ainsi rédigé.

Après l’article 5

La commission est saisie de l’amendement AC6 de la rapporteure.

Mme Clémentine Autain, rapporteure.  M. Le Bohec va être ravi : je propose la remise d’un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Articles 6 et 7 : Gages financiers

La commission rejette successivement les articles 6 et 7.

Après l’article 7

La commission examine l’amendement AC11 de M. Gaël Le Bohec.

M. Gaël Le Bohec. L’amendement AC11 vise à financer d’une façon classique, et tenant compte des besoins réels, les surcoûts éventuels découlant de la proposition de loi, plutôt que de recourir à des gages fantaisistes ou irréalistes.

Mme Clémentine Autain, rapporteure. Je suis impressionnée par votre entêtement à défendre l’ISF. Visiblement, vous êtes fiers d’avoir supprimé cet impôt qui touchait les plus riches. Je trouve cela fascinant.

M. Gaël Le Bohec. L’ISF est une véritable question, et on a le droit d’avoir des points de vue différents. Je discute souvent, dans ma circonscription, de la manière dont nous avons fait évoluer l’ISF. Fondamentalement, je suis gêné que l’on taxe des gens qui ont investi leur capital dans des start-up, n’ont parfois rien gagné et ont même pris un risque important, car la moitié d’entre elles disparaît. Nous n’avons pas la même vision, madame Autain. Ce n’est pas grave : chacun de nous défend la sienne.

Mme Maud Petit. Vous aurez constaté que, s’agissant de la suppression de l’ISF, le MODEM s’était abstenu !

La commission adopte l’amendement.

Enfin, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

La séance est levée à douze heures trente.


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Présences en réunion

Réunion du mercredi 26 février à 9 heures 30

Présents. Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Stéphanie Atger, Mme Clémentine Autain, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pascal Bois, M. Pierre‑Yves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Carole Bureau-Bonnard, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. Stéphane Claireaux, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Virginie Duby‑Muller, Mme Frédérique Dumas, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Bruno Fuchs, M. Laurent Garcia, M. Raphaël Gérard, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Sébastien Nadot, M. Bertrand Pancher, Mme Bénédicte Pételle, Mme Maud Petit, M. Éric Poulliat, Mme Florence Provendier, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, Mme Sabine Rubin, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory, M. Michel Zumkeller

Excusés. - Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Ian Boucard, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, Mme Fabienne Colboc, Mme Annie Genevard, Mme Josette Manin, Mme Cathy Racon-Bouzon, Mme Marie-Pierre Rixain, M. Cédric Roussel, M. Patrick Vignal

Assistaient également à la réunion. - Mme Émilie Bonnivard, M. Pierre Dharréville, M. Fabien Di Filippo, M. Bastien Lachaud, M. Bertrand Sorre