Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

 Audition de M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, sur la rentrée scolaire 2

 Informations relatives à la Commission...................44

 Présences en réunion...............................45


Mardi
8 septembre 2020

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 52

session extraordinaire de 2019-2020

Présidence de
M. Bruno Studer,
Président
 

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE LÉDUCATION

Mardi 8 septembre 2020

La séance est ouverte à dix-huit heures trois.

(Présidence M. Bruno Studer, président)

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La Commission auditionne M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, sur la rentrée scolaire.

M. le président Bruno Studer. Chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver après une interruption estivale bien méritée pour accueillir, en votre nom à tous, M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, cette rentrée scolaire se déroule dans des circonstances inédites, après une année scolaire fortement perturbée par l’épidémie de covid-19 qui a conduit à la fermeture de tous les établissements d’enseignement entre le 16 mars et le 11 mai.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre mobilisation et vous dis ma reconnaissance pour votre détermination, notamment lorsqu’il s’est agi de communiquer des informations à la commission et de les partager avec elle.

Je vous dis également ma reconnaissance face à votre détermination de rouvrir les écoles dès que cela a été rendu possible. Je crois, en effet, qu’il n’y avait pas de meilleure méthode que de faire revenir le plus tôt possible le maximum d’élèves. Même si quelques polémiques naissent ici ou là – nous aurons l’occasion de revenir sur le cas de la Seine-Saint-Denis –, je pense pouvoir dire que le déconfinement a été une réussite. Personne ne gagne à remettre cela en question.

La rentrée n’est peut-être pas sereine, mais du moins est-elle apaisée. Elle n’est pas sereine face à la crainte de devoir fermer certaines classes et écoles, ce qui s’est déjà produit ; elle n’est pas sereine parce que l’épidémie est toujours présente et qu’elle appelle une vigilance de tous les instants. Mais elle est apaisée, par cette répétition générale, si je puis dire qui, au mois de juin, a permis d’instaurer des protocoles. La pédagogie a été au rendez-vous et de vrais acquis ont été consolidés au moment où les enfants sont revenus en classe. Le retour des élèves au mois de juin a été fort utile pour instaurer des protocoles de circulation et pour qu’ils s’approprient des gestes barrière.

La rentrée est apaisée également parce que les moyens sont là. J’ai pu constater dans ma circonscription que les personnels vulnérables étaient équipés de masques FFP2. C’est ce que nous attendions du ministère pour ces agents.

Des questions portent sur cette période particulière et sur l’évolution possible du protocole. On évoque aujourd’hui la remise en cause de la quatorzaine. Sera-t-elle envisagée pour nos écoliers, nos collégiens, nos lycéens ?

Avez-vous constaté une hausse de la déscolarisation ? Disposez-vous d’ores et déjà d’indicateurs pour déterminer si l’instruction à domicile, par exemple, aurait été plus sollicitée par les parents à cette rentrée ou est-il trop tôt pour le dire ?

S’agissant des personnels, une porte de sortie est-elle envisagée pour les personnes admissibles aux concours internes 2020 ? Nous connaissons les règles juridiques d’annualité du concours et de l’égalité des candidats devant les épreuves. Y avez-vous réfléchi avec vos équipes, pleinement mobilisées à vos côtés ? Je me plais à le rappeler car organiser la rentrée de douze millions d’élèves est un exploit logistique, dont on oublie parfois la portée.

Mes chers collègues, je vous demanderai de conserver votre masque pendant toute la durée de la réunion, y compris lorsque nous prenons la parole, afin de limiter au maximum les risques de contamination. L’Assemblée nationale a été l’un des premiers foyers épidémiques en mars dernier. Donnons-nous les moyens de montrer l’exemple, d’autant que cette audition sera particulièrement suivie.

Monsieur le ministre, de nombreux collègues souhaitent vous interroger ; nous sommes saisis de questions sur la rentrée scolaire, partout dans nos circonscriptions. Je sais que vous aurez à cœur de nous répondre de la façon la plus approfondie possible.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, à mon tour de vous dire le plaisir de vous retrouver et d’être parmi vous. Je n’utiliserai pas le terme de présentiel car, s’il ne s’agit pas d’un anglicisme, le terme n’est pas très élégant en français. C’est un réel plaisir – qui est également un devoir – de rendre compte régulièrement à la représentation nationale des grands enjeux de l’enseignement scolaire. Je le fais une semaine après une rentrée inédite, non seulement pour la France, mais pour la plupart des pays du monde, compte tenu des circonstances sanitaires.

Nous pouvons être heureux, et je voudrais placer ce bilan sous le signe de la joie. Le terme n’est guère inusité en cette période et a fortiori dans le débat politique, mais je pense qu’il y a une joie à reprendre les cours. La joie de la rentrée scolaire fait partie des grands moments d’une année, que nous devons à nos enfants et à nos adolescents. Cette rentrée s’est déroulée dans la joie, une joie amplifiée parce que tout le monde a bien compris que l’école est fondamentale et qu’il était important de la retrouver. Elle est apparue plus précieuse encore qu’à l’habitude. D’où ce volontarisme de ma part – merci, monsieur le président, de l’avoir souligné – et de celle des différents acteurs car je veux dire le travail d’un million de personnes, des professeurs comme des personnels de l’éducation nationale, qui a permis cette réussite.

Parfois, les choses nous paraissent banales, parce que nous y sommes habitués, mais il faut savoir qu’elles relèvent d’un travail approfondi de très nombreuses personnes. La rentrée scolaire, à l’instar du baccalauréat, suppose la mise en mouvement d’une horlogerie très fine plusieurs mois avant la rentrée. Chacun sait qu’elle se prépare pendant huit ou dix mois.

La crise sanitaire a, d’une certaine façon, cassé cette horlogerie d’un grand coup de marteau aux mois de mars et d’avril, avec tout ce que cela suppose de dérèglements s’agissant des concours, des processus d’affectation et de l’ensemble des éléments techniques qui permettent de préparer la rentrée.

La maison « éducation nationale » a su rétablir cette horloge à temps afin que le 1er septembre tous soient présents grâce à la préparation des processus et à l’engagement de tous, notamment des professeurs. Mon oreille résonne encore des doutes qui s’exprimaient jusqu’à la fin août, comme cela peut se produire dans le débat public. Mais, pour finir, l’éducation nationale a été au rendez-vous comme annoncé. À cet égard, je remercie l’ensemble des acteurs, qui sont nombreux, car ils ne se limitent pas aux personnels de l’éducation nationale ; ce sont aussi les élèves, revenus massivement, leurs parents et l’ensemble de la société française, très soudée autour de son école qui rythme la vie nationale. Il était extrêmement important que la rentrée ait lieu pour l’ensemble des élèves, certes, mais aussi pour l’ensemble de la société. Il convient de le souligner car il n’en va pas ainsi dans tous les pays du monde, ni non plus dans tous les pays d’Europe.

Le déconfinement est un véritable défi, pour utiliser un terme neutre, éducatif et mondial, dont on ne doit pas minimiser la gravité. Je crois pouvoir dire, à la lumière des propos de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) que la France a réussi à minimiser ce problème, même si elle n’a pas réussi à en éliminer toutes les conséquences. J’invite chacun à comparer notre situation à celle de nos grands voisins européens, tels que le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne. Cela doit nous réunir autour du principe d’un service public de l’éducation nationale, un des socles de notre République. C’est dans ces circonstances difficiles que nous comprenons qu’il ne s’agit pas d’un simple mot, que le service public de l’éducation nationale correspond à des réalités qui permettent à l’école de la République de fonctionner, y compris en période de crise, sans trop d’hétérogénéité ni d’inégalité, quand bien même nous devons rester vigilants et attentifs aux inégalités qui ont pu s’accentuer au cours de cette période.

Au-delà de la reprise, il convient de souligner les enjeux sanitaires d’une part, les enjeux éducatifs d’autre part.

S’agissant des enjeux sanitaires, l’ensemble des éléments sont disponibles sur notre site internet. Vous les connaissez, vous y avez été très attentifs aux mois de juin, juillet et août. Le protocole sanitaire a été élaboré au mois de juillet. J’ai parfois entendu dire qu’il serait obsolète parce que l’épidémie revêt une ampleur nouvelle, mais dans la mesure où le protocole envisageait tous les cas de figure, nous disposons d’un point de référence stable pour aborder l’ensemble des situations.

Les grands principes du protocole se fondent sur le respect des gestes barrières. On ne le répétera jamais assez : le lavage des mains est essentiel. Le déconfinement volontariste en mai et juin a habitué les acteurs au respect de ces gestes et instauré des réflexes dont nous pouvons nous réjouir, les élèves ayant pris des habitudes qu’ils n’avaient pas intégrées au mois de mai. Cela fait partie des acquis de la période car nous avons tous des points positifs à tirer de l’épreuve que nous traversons, notamment le civisme et les réflexes en matière d’hygiène, autant d’éléments positifs que le protocole sanitaire de mai et juin a préparés pour arrêter les règles du protocole sanitaire de septembre.

Autre grand principe, le port du masque systématique, obligatoire pour tous les adultes. Les éventuelles exceptions envisagées ont été supprimées pour tenir compte de la nécessité de simplifier le message et de la circulation actuelle de l’épidémie. Pour les élèves, le port est obligatoire au collège et au lycée. En cela, nous avons suivi les recommandations du Haut conseil à la santé publique et de l’Organisation mondiale de la santé sur les pratiques à adopter, qui sont suivies par la très grande majorité des pays.

Le protocole sanitaire s’accompagne d’un protocole de continuité pédagogique, également consultable sur notre site internet. En cas de fermeture de classes ou d’établissements, des procédures, l’enseignement à distance notamment, assureront la continuité pédagogique.

En cas de contamination, les grands principes de la procédure sont connus : isolement de la personne, remise de la liste des personnes contact à l’Agence régionale de la santé, dépistage rapide et systématique des cas contact. L’analyse de ces résultats conduit ensuite les autorités sanitaires, en lien avec le préfet et le recteur, à envisager des mesures éventuelles de fermeture temporaire. Au moment où je vous parle, 28 fermetures d’établissement ont été décidées, 260 classes sont fermées. Ces 28 fermetures d’établissement sont à comparer aux 60 000 établissements et écoles en France. Par ailleurs, dès avant la rentrée, j’ai indiqué qu’il fallait s’attendre à des fermetures, corollaire inévitable d’une politique d’ouverture et de prudence. Je rappelle, en effet, que ces fermetures interviennent à titre préventif. Les premières sont liées, pour l’essentiel, à des adultes qui ont contracté la maladie avant même la rentrée, ce qui a amené à prendre des mesures de prudence.

Je l’ai répété avant et pendant la rentrée : les enjeux sanitaires ne doivent pas occulter l’ensemble des autres enjeux. C’est vrai dans le domaine de l’éducation nationale comme dans tous les autres, la vie continue et les enjeux éducatifs sont plus présents que jamais.

Je voudrais maintenant aborder quelques éléments d’ordre éducatif, à la fois la poursuite approfondie des grandes priorités et des éléments nouveaux. Je commencerai par l’école inclusive qui franchit une nouvelle étape cette année par le recrutement, conformément à mes engagements, de 8 000 accompagnants supplémentaires des élèves en situation de handicap (AESH). La France compte plus de 100 000 AESH, dont plus de 80 000 personnes en contrats aidés. À ce jour, plus de 100 000 personnes sont employées en contrat à durée indéterminée (CDI) ou en contrat à durée déterminée (CDD), ces dernières ayant vocation à obtenir un CDI.

Les progrès réalisés passent par la création de cellules départementales pour répondre aux besoins en amont de la rentrée et par l’organisation en pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) qui permettent une meilleure gestion des ressources humaines ainsi qu’une meilleure coopération avec le monde médicosocial, ce qui est un enjeu essentiel.

Bien sûr, en début d’année scolaire, des cas restent à résoudre, mais ils sont moins nombreux que l’an dernier. Outre le progrès quantitatif, un progrès qualitatif est souligné par la majorité des acteurs. Cet élément figure, pour moi, parmi les plus importants. 380 000 élèves en situation de handicap sont accueillis et scolarisés dans notre système scolaire.

Vient ensuite tout ce qui a trait à la prise en compte des conséquences de la crise sanitaire pour l’éducation. Je pense aux vacances apprenantes qui ont touché près d’un million d’élèves, ce dispositif central ayant été un succès. L’été 2020 a été un jalon éminemment utile de la politique future. Il s’est traduit par la réinvention du système de vacances à vocation sociale. Les colonies de vacances apprenantes, l’école ouverte buissonnière, largement étendue cette année, ou l’été du pro ont permis d’élargir l’éventail des possibilités, créé de nouvelles approches, insufflé plus d’attractivité au système avec une portée sociale accentuée. Ainsi que l’a déclaré le Premier ministre, nous continuerons sur cette voie les années prochaines. Ce fut également un élément de transition pour nos élèves et un acquis de l’été. C’est ainsi que cette année, le nombre des élèves qui ne reviennent pas ou qui seraient en quelque sorte perdus sur le plan des connaissances à la rentrée est moindre.

Pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur le plan éducatif, les évaluations de début d’année sont systématisées. Ce sont avant tout les évaluations nationales telles qu’elles existaient ou telles qu’elles étaient prévues : les évaluations de début du cours préparatoire (CP) et de début de cours élémentaire 1 (CE1), les évaluations de sixième qui participent à la rénovation de l’évaluation de cette rentrée, tant il est vrai qu’il s’agit d’évaluations très approfondies, faites pour accompagner l’enjeu de l’acquisition des savoirs fondamentaux et permettant, à l’entrée en sixième, de s’assurer de l’acquisition de ces savoirs et d’y remédier au plus vite quand ce n’est pas le cas. Il en va de même des évaluations de seconde qui avaient besoin d’être renforcées et que nous systématisons dans le même esprit.

Nous avons ensuite fourni des outils à tous les professeurs de France, du cours préparatoire à la terminale, pour évaluer les élèves en début d’année, et dont ils ont fait un large usage. L’ensemble de ces outils sont consultables par tout un chacun et font partie du dispositif général.

Une fois que les professeurs, grâce à leurs propres méthodes et aux outils nationaux, ont acquis une vision, en ces premiers jours de rentrée, du niveau de connaissance et des compétences de leurs élèves, ils déclenchent un accompagnement personnalisé. Pour ce faire, 1 680 postes ont été créés dans l’enseignement public primaire, dans un contexte de diminution du nombre d’élèves. S’ajoutent 1,5 million d’heures dans le second degré au titre des dispositifs d’accompagnement personnalisé. Ainsi, le dispositif Devoirs faits au collège connaîtra probablement une progression de 50 % du nombre d’heures. Je lance d’ailleurs un appel à toutes les familles de collégiens pour inscrire leurs enfants à Devoirs faits chaque fois qu’ils en ressentiront la nécessité. Rappelons que le dispositif est gratuit et qu’il est de trois heures en moyenne par semaine et par enfant.

Des politiques éducatives s’affirment en cette rentrée. Cette année est celle du parachèvement de la réforme du baccalauréat, et donc de celle du lycée général et technologique. La réforme se caractérise par l’épreuve du grand oral en fin d’année. Des évolutions auront cours, y compris dans la manière de concevoir le contrôle continu qui comptera pour 40 % cette année. À cet égard, nous avons pris en compte les retours de terrain, les critiques, les propositions dans le cadre du comité de suivi du baccalauréat auquel certains parlementaires ont accordé une grande attention. Ce comité permet des allers-retours entre le terrain et le pilotage des politiques publiques. Il en va de même pour la réforme de la voie professionnelle scolaire, qui a donné lieu à un rapport produit par une équipe menée par Mme Céline Calvez. Cette transformation de la voie professionnelle se poursuit donc. J’ai à cœur d’insister sur ce point, non seulement parce qu’il s’agit de l’une des réformes les plus importantes, mais aussi parce que j’ai accompagné aujourd’hui le Président de la République dans un déplacement qu’il a effectué en Auvergne pour rendre hommage au monde de l’apprentissage et du lycée professionnel.

Nous avons visité un lycée professionnel de l’aéronautique. Ce fut l’occasion pour le Président de saluer les réalisations, telles que le campus des métiers et des qualifications, une politique qui a été lancée avant le présent quinquennat et à laquelle nous avons fait franchir une nouvelle étape, notamment en instaurant le label d’excellence.

Cette politique est assortie du programme d’investissement d’avenir pour accompagner le mouvement de réindustrialisation de la France, auquel nous tenons tous. Sans entrer dans le détail, on peut dire que cette politique connaît une nouvelle maturité en cette rentrée. En raison des difficultés économiques et sociales liées à la crise sanitaire, un plan Jeunes inclut l’éducation nationale sur le fondement du plan « 1 jeune, 1 solution », doté d’une enveloppe de 6,5 millions d’euros. Cela se traduit pour l’éducation nationale et pour mon ministère par la création de 11 700 places supplémentaires en post-bac, notamment pour les brevets de technicien supérieur (BTS), donc souvent pour des bacs professionnels, qui, sans cela, pourraient se retrouver sans solution, et 100 000 nouvelles missions de service civique.

La rentrée se caractérise également par le lancement de la mesure de formation pour les 16-18 ans. Mme Sylvie Charrière et plusieurs d’entre vous ont accordé beaucoup d’importance à cette mesure qui représentera une très grande innovation dans notre système car aucun jeune ne doit se retrouver sans emploi ni formation. Les lycées professionnels contribueront largement à relever le défi. Nous piloterons cette mesure en lien avec vous au cours de cette année pour trouver des solutions à tous les jeunes, sachant qu’ils sont notre priorité. Pour reprendre les propos du Président de la République et du Premier ministre, ils ne doivent pas être les premières victimes de la crise que nous traversons.

Dans le domaine périscolaire, nous voulons donner une nouvelle impulsion au plan Mercredi, notamment pour renforcer l’accompagnement des accueils de loisirs dans les territoires prioritaires par un système de bonification en appui aux collectivités locales.

S’agissant des politiques sociales, les cités éducatives prennent un nouvel élan, que nous poursuivons avec le ministère de la ville et du logement. De 2019 à 2022, 100 millions d’euros sont attribués à 80 territoires labellisés. Les premières cités éducatives ont déjà montré une très grande pertinence, y compris dans le contexte particulier du covid en mobilisant les acteurs autour de l’école, du monde associatif, pour assurer la continuité éducative et créer une série d’actions. Nous agissons sur les facteurs sociaux de la réussite éducative.

Nous serons très attentifs aux enjeux que nous qualifions de républicains, en particulier à la laïcité, par un plus fort contrôle de l’instruction dans les familles, des établissements hors contrats et des enseignements internationaux de langues étrangères (EILE), les enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO) ayant été transformés en EILE. Je pense aux ELCO « Turc » qui avaient nécessité beaucoup de travail. Les EILE actuels sont très différents de ce que la France a connu précédemment.

Je citerai encore le rétablissement du contrôle des clubs sportifs, la contribution au projet de loi contre le séparatisme avec, à l’avenir, un renforcement de notre capacité de dissolution des associations qui placent leur action dans un champ antirépublicain.

La rentrée est caractérisée par le déclenchement du Grenelle des professeurs. Cette expression recouvre à la fois le principe de négociations très approfondies et une réforme de la gestion des ressources humaines de l’éducation nationale.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire devant vous, deux temps président à l’action réformatrice au cours de ce quinquennat s’agissant de l’éducation : d’une part, un temps des réformes pédagogiques et éducatives qui sont désormais enclenchées et qu’il faut poursuivre ; d’autre part, un temps de la transformation des ressources humaines du ministère qui commence par une meilleure rémunération des personnels. Je dis depuis 2017 à quel point il s’agit d’un enjeu majeur et il est nécessaire de franchir une étape. Pour 2021, cela se traduit par un ajout de 400 millions d’euros à l’augmentation budgétaire prévue. C’est aussi la revalorisation du métier de professeur, un changement systémique pour que l’ensemble des éléments qui caractérisent la vie de nos professeurs et de nos personnels évoluent dans le sens du bien-être au travail, qui rejaillira sur les élèves. C’est donc un magnifique chantier, auquel les parlementaires ont vocation à participer largement dans le cadre des groupes de travail et toutes les fois que j’aurai à rendre compte devant vous, pour façonner un système plus souple et plus épanouissant pour tous.

Parmi la série d’enjeux relevant des ressources humaines, je me limiterai à citer celui du métier de directeur d’école. Le Parlement a participé à nos progrès, sous la forme d’une proposition de loi préparée par Mme Cécile Rilhac, dans une dynamique à laquelle Mme Valérie Bazin-Malgras et plusieurs d’entre vous ont participé.

Je salue l’engagement exceptionnel des directrices et des directeurs d’école pendant le confinement et le déconfinement, qui s’est davantage remarqué encore au cours de cette période de crise. C’est la raison pour laquelle une indemnité exceptionnelle de 450 euros leur sera versée d’ici à la fin de l’année. Dans la ligne de la proposition de loi et des mesures réglementaires qui peuvent la compléter, des perspectives de plus grande autonomie et de plus fort allègement de leurs charges administratives sont fixées. Ces dispositions font partie du dialogue social qui se poursuit et des premières de mesures de rentrée en matière d’allégement administratif.

La rentrée est riche, les enjeux éducatifs ne sont pas gommés par les enjeux sanitaires. Au contraire, devant la difficulté, non seulement nous ne devons pas faillir, mais nous devons faire levier avec l’obstacle pour progresser davantage encore.

Mme Sylvie Charrière. Merci de votre présentation détaillée des grands objectifs de cette nouvelle rentrée scolaire et de ces perspectives très encourageantes.

Au nom du groupe La République en marche, je tiens à remercier et à féliciter l’ensemble de vos services, les enseignants et tous les acteurs du monde éducatif pour leur engagement sans faille afin de faire de cette rentrée une réussite.

Nous pensons évidemment à tous les enfants qui reprennent le chemin de l’école et aux parents d’élèves, si précieux pendant cette crise et avec qui l’école doit renforcer ses liens.

Si nous souhaitons tous que cette rentrée se déroule dans des conditions normales, nous ne pouvons éluder le contexte sanitaire et les conséquences qu’a pu entraîner la longue période de fermeture des établissements scolaires sur nos élèves. Cette commission vous offre l’occasion, monsieur le ministre, de répondre à toutes nos questions et de faire un point détaillé sur les orientations que vous prendrez dans les mois à venir, notamment sur l’accueil des enfants en situation de handicap, l’impact du covid-19 sur les apprentissages ou encore la lutte contre le décrochage scolaire.

En tant que députée de Seine-Saint-Denis, je suis particulièrement attentive aux chiffres de cette rentrée dans mon département, puisqu’environ 3 900 élèves ne seraient pas encore retournés sur les bancs de l’école. Il s’agit certes, on le sait, d’une étude de rentrée ; il est trop tôt pour tirer des conclusions hâtives ou pour, d’ores et déjà, se lancer dans des polémiques. L’heure n’est pas à la discorde, mais à la mobilisation de l’ensemble des acteurs des territoires – élus, associations, éducateurs.

Pouvez-vous nous détailler le travail qui a été et sera fait dans toutes les académies pour repérer les élèves qui n’auraient pas repris le chemin de l’école en cette rentrée et les mesures qui seront menées pour éviter toute déscolarisation due au covid ?

Enfin, vous connaissez – vous l’avez aimablement rappelé – mon engagement de longue date pour la lutte contre le décrochage scolaire. L’an dernier, le Parlement a adopté une mesure historique : l’obligation de formation des jeunes âgés de seize à dix-huit ans. Cette mesure est en vigueur depuis cette rentrée scolaire Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous détailler les actions mises en place par votre ministère pour le repérage des jeunes en insertion, afin de garantir qu’aucun ne reste sans solution cette année ?

Mme Constance Le Grip. Au nom du groupe parlementaire Les Républicains, j’adresse nos remerciements aux enseignants, aux directeurs et directrices d’école, aux professeurs des écoles, aux principaux, aux proviseurs, à l’ensemble des personnels du ministère de l’éducation nationale, qui assurent une rentrée ô combien délicate dans des circonstances difficiles, auxquelles ils font face avec beaucoup d’engagement. Un coup de chapeau également aux mairies qui font preuve d’une forte mobilisation à l’occasion de cette rentrée compliquée !

S’agissant de l’école inclusive et de l’accueil des élèves en situation de handicap dans l’école de la République, vous nous avez informés qu’une nouvelle étape était franchie. Dans une interview récente, Mme Sophie Cluzel a fait état d’un premier bilan, ne niant pas que des difficultés demeurent, tels que des retards de recrutement d’AESH, notamment en Île‑de‑France, la région dont je suis élue, ou dans les Hauts-de-France. Soyez assurés de notre extrême vigilance et de notre attention sur ce sujet central pour nous de l’accueil des élèves en situation de handicap.

Ma collègue députée de Paris, Brigitte Kuster, tenait à me voir aborder le sujet du protocole sanitaire et la nécessité fixée par le protocole de se laver les mains à l’arrivée dans les établissements, ce qui occasionne, à l’entrée de certaines écoles parisiennes notamment, des embouteillages, files d’attente, des attroupements sur les trottoirs devant les établissements, posant un problème de sécurité. Ce sujet a-t-il été porté à votre connaissance, et comment comptez‑vous y répondre ?

Mme Maud Petit. Je m’exprimerai au nom de mes collègues du Modem qui sont en journées parlementaires.

Monsieur le ministre, je suis très heureuse de vous retrouver pour cette rentrée à l’occasion de notre traditionnelle audition de démarrage de l’année scolaire.

Lors de la rentrée 2027 ou 2018, je vous avais fait porter le cartable de ma fille qui pesait 12 kg, point de départ d’une question sur la nécessité d’alléger les cartables des élèves, bien sûr, mais aussi sur la nécessité de passer au numérique. La crise sanitaire que nous avons traversée a démontré que le numérique était indispensable. À compter d’aujourd’hui quelle sera la place qui lui sera accordée dans les établissements scolaires ? Quelles sont vos réflexions sur l’équipement, la prise en charge financière et la formation des professeurs au numérique ?

Autre sujet, un moratoire avait été demandé par certains de nos collèges et moi‑même sur les fermetures de classes à cette rentrée. Mme Albane Gaillot, qui était à l’initiative de cette demande dans le Val‑de‑Marne, est d’ailleurs présente. Nous estimions qu’il était peut‑être utile cette année, exceptionnellement, de limiter ou d’annuler les fermetures de classes dans la mesure où le protocole sanitaire exige qu’il y ait moins d’enfants par classe.

Enfin, vous avez évoqué 40 % de contrôle continu au baccalauréat. Je vous appelle à la vigilance. Par exemple, à la Martinique, l’an dernier, des grèves ont empêché les élèves de suivre correctement leurs cours et ils ont été notés au bac sur la base d’un seul trimestre.

Mme Sylvie Tolmont. La rentrée scolaire que nous souhaitions la plus normale possible se déroule dans un contexte de plus en plus instable d’un point de vue sanitaire. Une semaine après la reprise, déjà 28 écoles et 262 classes sont fermées.

Le protocole établi en juillet, à un moment où le risque de contamination déclinait, n’a été que légèrement remanié depuis et semble peu adapté à la hausse des contaminations que nous connaissons à l’heure actuelle. Nous réitérons donc notre demande faite depuis avril que les masques, dont le coût ne sera pas compensé par la hausse de l’allocation de rentrée scolaire, soient fournis gratuitement aux familles, comme c’est le cas en Grèce ou en Italie. Il s’agit là d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat et de l’équité. Face aux légitimes inquiétudes des parents et des enseignants, nous regrettons une décision prise sans concertation et l’absence de mesures fortes. Tout n’est certes pas question de moyens, mais sans moyens, l’école ne pourra pas relever les défis que lui impose cette pandémie. Or, elle reste la grande oubliée du plan de relance.

En juin, le Parti socialiste a présenté vingt-neuf propositions très concrètes pour traiter de la difficulté scolaire. Je vous avais interrogé en séance en juillet pour connaître les moyens financiers, humains et matériels débloqués pour compenser, à la rentrée, le décrochage scolaire dû au confinement. Malheureusement, nous ne pouvons que constater que le Gouvernement ne prend visiblement pas la mesure des enjeux et nous sommes très inquiets des signaux qui remontent de tous les territoires. L’accompagnement individualisé nécessaire pour gérer la masse des élèves décrocheurs se fera à moyens constants et sans les professeurs supplémentaires nécessaires pour répondre aux objectifs assignés à notre école dans ce contexte. Or, l’école a davantage besoin de renforts exceptionnels de personnels spécialisés comme les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), de différenciation pédagogique, d’effectifs réduits dans toutes les classes, donc de plus de maîtres, que du maintien idéologique d’évaluations standardisées, largement remises en cause et anxiogènes pour les élèves dans ce contexte de reprise.

Je souhaite particulièrement appeler votre attention sur la situation de l’enseignement professionnel qui concentre un taux de décrochage massif. Quelles mesures spécifiques allez‑vous prendre pour cette filière qui recrute plus que les autres au sein des classes populaires ?

M. Paul Nolac. Je souligne le professionnalisme de nos personnels d’encadrement, des directeurs, bien sûr, mais aussi des enseignants et des personnels de service. Je pense aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM), ainsi qu’aux personnels de cuisine et de cantine. Le système tient donc relativement bien.

Le confinement à la carte adopté en fonction des besoins est, effectivement, la bonne méthode, car le confinement généralisé, nous l’avons constaté, suscite des écueils.

Je voudrais vous interroger sur les masques transparents au sujet desquels nous avons été saisis par des enseignants, notamment les enseignants de langues et les instituteurs des classes maternelles. Ces masques concernent également les enfants en situation de handicap, tels que les malentendants qui lisent sur les lèvres.

Je vous interrogerai également sur les langues régionales, en particulier de l’option au lycée et au collège. L’option au lycée est en danger puisque les inscriptions sont considérablement à la baisse. La demande émane des enseignants, des associations culturelles et d’un certain nombre d’élus, dans la mesure où les langues régionales sont mises au même niveau que les langues et cultures de l’antiquité.

Mme Béatrice Descamps. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos liminaires et de votre présence devant notre commission quelques jours après la rentrée, une rentrée inédite mais attendue par beaucoup de jeunes, fortement marqués par le confinement, mais aussi par les accompagnants. Tous sont heureux d’avoir repris le chemin de l’école.

Toutefois, les interrogations et les craintes subsistent légitimement. Pour être fidèle aux questions qui m’ont été remontées dans ma circonscription et sans reprendre les points que vous avez abordés, j’évoquerai la question du protocole dont les mesures paraissent insuffisantes à certains parents en comparaison des exigences imposées dans les entreprises. Il m’a été demandé, par exemple, s’il ne serait pas judicieux de limiter les déplacements de classe en classe dans les collèges et lycées.

La garde d’enfants et la continuité pédagogique lors des fermetures de classes ou d’établissements sont également de vrais sujets d’interrogation de la part des familles. À ce titre, en juillet, avec mon collègue François Cormier-Bouligeon, nous avons, ici même, présenté nos travaux suite à la mission flash sur le dispositif 2S2C (sport, santé, culture civisme). Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer l’état de la réflexion et des travaux de votre ministère à ce sujet ?

M. Michel Larive. Vous nous avez invités à nous reporter aux expériences de nos voisins européens pour faire face aux risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19. Nos voisins transalpins, par exemple, ont annoncé le recrutement de 84 000 enseignants supplémentaires. De l’autre côté des Pyrénées, en Catalogne, une limite a été fixée à vingt-cinq élèves par classe. En France, le protocole sanitaire ne prévoit pas d’obligation concernant la distanciation physique et pour cause : un grand nombre d’établissements fonctionnent avec des classes de plus de trente élèves et n’ont toujours pas de locaux disponibles pour permettre le dédoublement des classes. Il s’agit pourtant d’un enjeu important pour la sécurité sanitaire de nos enfants.

Après avoir été moi-même interpellé par trois familles qui ne parvenaient pas à scolariser leur enfant au collège Jules Ferry à Villefranche-de-Lauragais, faute de place disponible, alors que c’est pourtant leur établissement de secteur, je vous ai saisi par lettre. Le Conseil départemental de l’éducation nationale (CDEN) de la Haute-Garonne a pris la décision de fermer une classe de cinquième dans ce collège et ces familles en paient le prix. Elles m’ont décrit le parcours épique qu’elles ont dû affronter, l’anxiété générée par cette situation injuste et la colère qu’elles ressentent encore puisque la situation n’est pas résolue. Si cette classe de cinquième avait été maintenue, tous ces désagréments auraient pu être évités. Les conditions de travail des enseignants et des élèves moins nombreux par classe seraient bien meilleures. Cette situation n’est malheureusement pas un cas isolé dans notre pays puisqu’il semblerait qu’un nombre élevé de jeunes se trouvent encore sans affectation au collège ou au lycée, en raison de classes déjà surchargées.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour accueillir tous ces élèves sans affectation dans leur établissement de secteur, tout en limitant le nombre d’élèves par classe ? Avez-vous envisagé de réaffecter les nombreux enseignants se trouvant actuellement sur des listes complémentaires ?

Mme Delphine Bagarry. Je souhaite vous interroger sur l’éducation permanente et complémentaire. En période de déconfinement, les activités 2S2C ont été prônées avec une difficulté de mise en œuvre selon les territoires, faisant apparaître des inégalités entre les communes et les intercommunalités. De telles inégalités sont évoquées par les maires et dénoncées par la mission flash de la commission. Ne pensez-vous pas que nos jeunes ont besoin de ces activités toute l’année, notamment ceux qui sont issus des milieux moins favorisés, dans un périmètre peut-être plus large que les cités éducatives ou sur un temps plus étendu que le mercredi ?

S’agissant des vacances éducatives, cet été, des financements ont aidé des enfants à partir en colonies apprenantes. Là encore, ne pensez-vous pas que certains enfants, voire tous, afin de favoriser la mixité sociale, devraient bénéficier plus souvent de ce type de vacances ? J’ajouterai une petite remarque sur la dénomination de colonies apprenantes. Je pense que, dans le passé, elles ont toujours été apprenantes ; j’espère qu’elles le seront également dans le futur, y compris si elles sont organisées par des associations agréées jeunesse et éducation populaire.

Pour ce qui concerne la citoyenneté, l’abstention des jeunes aux élections est toujours plus importante. Là encore, l’école fait ce qu’elle peut. Dans les structures de jeunesse et d’éducation populaire, des dispositifs variés concourent à l’éducation à la citoyenneté par des méthodes actives qui prennent la forme de débats, d’arbitrages, de beaucoup de discussions, de délégations. Il est envisagé de recourir à leurs services hors temps scolaire. Je pense aussi à l’apprentissage et à l’appropriation de la laïcité, évidemment. Il me semble que favoriser davantage l’accès de tous à ces structures socio‑éducatives laïques reconnues serait complémentaire de l’action engagée par l’éducation nationale.

M. Pierre-Yves Bournazel. Permettez-moi une nouvelle fois de saluer l’engagement sans faille des chefs d’établissement, des enseignants, de l’ensemble du personnel éducatif. Je pense aussi aux parents, dans ces circonstances exceptionnelles et inédites, et bien sûr aux élèves. Merci aussi à vous, à votre équipe et à l’ensemble du ministère de votre engagement sans relâche depuis le début de la crise sanitaire.

Nous traversons trois crises : une crise économique, une crise de l’autorité et une crise sanitaire.

Je ne reviendrai pas sur la crise économique, si ce n’est pour souligner votre action soutenue depuis le début du quinquennat, notamment par le dédoublement des classes en zone d’éducation prioritaire renforcée et en zone d’éducation prioritaire. Je le constate sur le terrain. Votre action a des effets extrêmement bénéfiques et il est important de le rappeler parce qu’elle est aussi une réponse à la crise économique et sociale qui est là.

La revalorisation du métier d’enseignant, notamment leur rémunération, est essentielle ; là aussi, le Gouvernement agit.

Nous sommes confrontés à une crise de l’autorité : l’école doit produire des réponses car l’éducation et la citoyenneté sont essentielles. En ce domaine non plus, nous ne doutons pas de la solidité de vos convictions républicaines.

Sur la crise sanitaire en cette rentrée, ma question sera double. Des classes et parfois des établissements seront amenés à fermer. C’est ainsi, nous en connaissions le risque. Il faut donc prévoir un enseignement à distance. Je voulais vous interroger, monsieur le ministre, sur les premiers retours de l’application du dispositif d’enseignement à distance, que vous avez mis en place avec le Centre national d’enseignement à distance (CNED).

Par ailleurs, en avril dernier, j’avais proposé à la ville de Paris d’utiliser les équipements municipaux disponibles, tels que des gymnases ou des bibliothèques, afin d’assurer un service municipal de garde pour les enfants qui ne pouvaient pas reprendre l’école. La semaine précédant la rentrée scolaire, la ville a annoncé qu’elle avait recensé, cet été, les locaux sportifs et culturels susceptibles d’être réquisitionnés. Où en sont la concertation et la coopération entre la ville de Paris et le rectorat à ce sujet ?

Mme Elsa Faucillon. Vos propos introductifs semblent passer à côté du caractère particulièrement inédit de cette rentrée scolaire, à double visage. D’un côté, on assiste au bonheur des enfants de retrouver leurs camarades de classe et l’apprentissage en commun, les personnels sont mobilisés et extrêmement attentifs au niveau de connaissance des enfants. De l’autre, il s’agit d’une rentrée pleine d’inquiétudes et de doutes en raison de la crise sanitaire, évidemment, mais aussi en raison des inégalités qui se sont accrues pendant la période de confinement et des situations sociales des familles qui se sont considérablement dégradées au fil des mois.

Il y a quelques jours, vous vous êtes adressé au personnel de l’éducation nationale en appelant à une rentrée normale ou du moins la plus normale possible. J’aimerais savoir en quoi consiste la normalité. En cette rentrée, les classes comptent toujours trente-trois élèves au lycée, les classes de CP en réseau d’éducation prioritaire + en comptent dix-sept ou dix-huit, qui ne tiennent pas dans les locaux que les villes ont organisés pour des classes de douze. Ce sont des retards d’affectation, des emplois du temps à trous géants sans compter la réforme du lycée et du baccalauréat et désormais la question du masque dont la fourniture imparfaite semble appeler les personnels à la débrouille.

En cette rentrée, il faut du temps et des moyens pour analyser les effets du confinement afin d’avancer sereinement. L’éducation nationale couve un malaise profond et j’ai le sentiment que vous ne le voyez pas, un malaise profond comme cela a pu être et comme c’est toujours le cas à l’hôpital. Les enseignants et les personnels le répètent : ils sont confrontés à des problèmes de ressources humaines, de manque de moyens et d’organisation. Pourtant, après la rentrée et des comptages extrêmement précis, cette semaine encore, on constate qu’il n’y aura pas de création de classes de CP, alors que trois CP de l’école tournent à seize ou dix-sept. Encore une rentrée où l’on charge les classes de CM2 à trente ! Monsieur le ministre, en quoi consiste le plan de relance pour l’éducation nationale en cette rentrée ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Merci beaucoup à toutes et tous pour ces questions qui couvrent un large spectre.

Madame Charrière, il existe, en effet, des problèmes liés à la crise sanitaire, à commencer par le retour des élèves en classe. Encore une fois, la situation globale est très positive, tant au regard de ce que nous pouvions craindre que de la situation chez nos voisins. J’invite chacun à étudier les comparaisons de près. Il ne m’appartient pas de lancer des appréciations sur chaque pays, mais je vous invite à vous forger une opinion, non en vous référant aux articles de presse, mais à ce qui se passe sur le terrain dans chaque pays européen. Je pense que vous serez contents de voir les résultats dans notre pays ! Il ne s’agit pas d’une question d’appréciation du ministre, mais de sa satisfaction à l’égard d’un service public.

S’agissant de la Seine-Saint-Denis, le chiffre que vous avez cité a circulé, en effet, et il est très loin d’être fiable. Il a été livré le soir de la rentrée au cours d’une réunion à laquelle assistaient des parlementaires et visait à donner un ordre d’idée du comptage du premier jour. Toute personne qui, comme moi, s’est livrée à cet exercice au cours de ses fonctions antérieures, sait que de tels chiffres, établis le premier jour, revêtent peu de sens dans la mesure où les retours ne prennent pas en compte l’ensemble des données. On sait que des élèves font leur rentrée en décalé les jours suivants.

Les médias se sont accrochés à ce chiffre mais il n’a, en réalité, que très peu de sens. Il a d’ailleurs déjà diminué. Nous disposerons d’une appréciation fiable de la réalité vers le mois d’octobre. Les premiers comptages en Seine‑Saint‑Denis donnent un sentiment de retour à l’école un peu moins bon qu’à l’habitude, mais ils ne présentent pas non plus un grand écart. Je communiquerai les chiffres lorsqu’ils se seront stabilisés et, surtout, je tiens à dire que nous serons très attentifs à tout ce qui est fait pour ramener les enfants à l’école, ce que nous avons déjà fait au mois de juin. Un travail est réalisé par l’éducation nationale, mais aussi par les élus et les administrations sociales pour déterminer ce qu’il en est. Je rappelle que l’école est une obligation, c’est un devoir de la part des familles que d’envoyer les enfants à l’école ; nous ferons valoir cette obligation chaque fois que nécessaire. Nous agissons donc pour le retour à l’école et le premier bilan est positif, y compris en Seine‑Saint‑Denis, même s’il reste imparfait.

En matière de lutte contre le décrochage, vous connaissez bien l’ensemble des dispositifs, que vous avez vous-mêmes élaborés. Il s’agit tout d’abord de dispositifs de repérage. Dès le mois de septembre, nous portons un regard sur les élèves de plus de seize ans et de moins de dix-huit ans qui ont, en quelque sorte, disparu des radars, pour contacter et faire des propositions variées à ces élèves qui ont décroché. J’ai cité les lycées professionnels, mais il existe un panel d’institutions sur lesquelles nous pouvons compter.

En ce début d’année, s’ajoutent des mesures spécifiques. Je rappelle la création de 100 000 postes de service civique pour l’année 2000-2021, portant de 140 000 à 240 000 le nombre de services civiques. Je souligne également la création de formations pré‑bac et post‑bac. Notons, par exemple, en lycée professionnel, le développement, comme je l’ai vu ce matin à Clermont‑Ferrand, de mentions complémentaires, autrement dit le niveau bac +1, souvent très pertinent pour amener un élève du bac pro à une certification insérante. Cette question de la lutte contre le décrochage sera centrale tout au long de l’année et fidèle au texte de la loi pour une école de la confiance et à ce que vous avez vous‑mêmes préconisé dans votre rapport.

Madame Le Grip, merci de vos remerciements aux personnels de l’éducation nationale sur l’école inclusive. Grâce à vous, ils sont transmis en direct en vidéo par l’Assemblée nationale. Vous avez mentionné des retards dans l’embauche des AESH, ce qui peut arriver. Comparée aux autres rentrées, la situation est plutôt bonne. Comme vous l’avez souligné, c’est en Île‑de‑France que l’on peut noter ce genre de difficultés. L’année dernière, le phénomène était lié aux tensions sur le marché de l’emploi ; la difficulté était grande alors de recruter sur des postes d’AESH. C’est moins vrai en cette rentrée pour de bonnes et de mauvaises raisons, la mauvaise étant évidemment la situation de l’emploi, la bonne étant que nous sommes en mesure de proposer de véritables carrières aux AESH, et donc d’être plus attractifs. Je ne dis pas que tout est parfait en ce domaine, mais nous assistons à des progrès importants, y compris en matière de recrutements.

S’agissant des évolutions liées à la prise en compte des conséquences du protocole sanitaire, vous avez relevé, à juste titre, les files d’attente devant les installations sanitaires et les écoles. Ces deux sujets sont évidemment différents. S’agissant du premier, la France, comme d’ailleurs de très nombreux pays, connaît un retard en matière de locaux sanitaires dans les établissements scolaires. Le phénomène est quasi mondial ; en tout cas, en France, ce sujet fait partie des points que je soulignais avant la crise sanitaire, rappelant la nécessité de remédier à cette carence, dont la responsabilité ressortit à la compétence des collectivités locales.

Que ce soit au titre des installations ou des réflexes à acquérir par chacun, des retards étaient à compenser. La crise permet de les rattraper. De premières mesures ont été prises par les collectivités locales dont certaines ont réalisé des travaux pendant l’été pour multiplier les points d’eau. Cela dit, vous avez malheureusement raison, cela n’a pas été le cas partout, d’où des attentes/encombrements devant les lavabos. Parfois, les équipes éducatives s’organisent pour que les cohortes soient espacées, mais se laver les mains avant de passer à la cantine, par exemple, induit des embouteillages.

Nous pouvons ajouter que, dans le plan de relance – je réponds par anticipation à l’une des questions de Mme Faucillon –, plus de 4 milliards d’euros sont inscrits en faveur du bâti public ; une partie de ces moyens sera consacrée aux rénovations scolaires. Sont inclus les enjeux sanitaires. Le bâti scolaire du ministère de l’éducation nationale va suivre cette évolution. Tous les progrès ne sont pas réalisables en quelques mois, mais la direction est prise et elle est positive. Je crois que tout le monde a pris conscience, notamment les collectivités locales, de l’importance de progresser en ce domaine.

La situation des queues devant les écoles diffère d’une école à l’autre. Elles sont, pour une part, liées aux emplois du temps. C’est la raison pour laquelle, dans bien des cas, les horaires ont été étalés et les chefs d’établissement ou les directeurs d’école ont pris en compte le problème afin de remédier aux premières difficultés constatées à la rentrée. Le phénomène reste minoritaire ; il n’en demeure pas moins que l’objectif est d’y remédier au cas par cas, en fonction des circonstances locales, très variables selon la taille du trottoir et, comme indiqué à l’instant, selon les emplois du temps.

C’est l’occasion pour moi de souligner que nous avons accentué l’idée, conformément à des remarques, propositions et critiques émises aux mois de mai et juin, d’appliquer au plan national des principes assez simples en laissant la liberté aux acteurs locaux d’agir. Sur le premier point, on nous enjoint souvent de laisser plus de liberté aux acteurs et quand on insiste trop sur le second, on nous demande de fixer des principes nationaux, ce que j’ai entendu aussi bien hier qu’aujourd’hui. Nous sommes à un point d’équilibre qui permet une adaptation aux réalités locales, à la fois par des références claires  je pense aux recommandations qui figurent sur le site internet – mais aussi tout simplement en faisant confiance au bon sens des acteurs.

Madame Maud Petit, je me souviens du cartable et de son poids ! Cela renvoie non seulement à l’utilisation du numérique, mais aussi à l’utilisation des casiers à l’école. En tout cas, vous avez raison, cela suppose une réflexion sur les supports réclamés aux enfants. Je livrerai plusieurs éléments de réponse à cette question très importante. J’en profite pour rappeler que nous organisons des états généraux du numérique éducatif, là aussi largement ouverts à la participation parlementaire, début novembre à Poitiers que j’ai parfois qualifié de capitale de l’éducation puisqu’elle abrite le CNED, le réseau Canopé et notre école des cadres, l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, ainsi que d’autres institutions dynamiques sur ce territoire.

Les états généraux du numérique éducatif, qui font suite à des états généraux académiques, feront un retour d’expérience sur ce qui s’est passé sur le plan du numérique pendant le confinement et le déconfinement et les conséquences que nous en tirons. Plus globalement, ce sera l’occasion d’une nouvelle étape de notre stratégie numérique, chère au président de votre commission qui, avec d’autres parlementaires, a proposé des évolutions en la matière.

Nous assisterons probablement dans les temps qui viennent à une accentuation des tendances déjà prises. L’on est parfois sévère sur la situation numérique de la France, voire trop dans la mesure où des éléments ont progressé ces dernières années, y compris sous les quinquennats précédents.

Je pense également aux initiatives des collectivités locales, à l’instar de ce qui se passe dans la collectivité Grand Est qui donne accès aux manuels numériques. Dans le même temps, j’ai toujours mis en garde contre une vision magique du numérique car nous devons être attentifs aux difficultés qu’il peut susciter et qui, d’ailleurs, se sont révélées pendant le confinement. Je pense au problème des données personnelles en fonction des types d’outils utilisés et des grands opérateurs concernés ainsi qu’à celui de l’addiction aux écrans. De nombreuses familles témoignent du fait que le confinement s’est traduit par une addiction supplémentaire ; nous-mêmes, pour de bonnes raisons, y avons incité. Il convient donc de rester très attentif à cette question. Pour ma part, dans le cadre des grandes évolutions du système éducatif, je suis assez favorable à des solutions mixtes qui, bien entendu, retiennent la puissance offerte par les modernisations numériques mais qui ne remplacent pas la dimension papier. Le cartable s’en trouvera allégé, mais pas aboli. Pèsera‑t‑il six kilos dans le futur ? Les phrases étant sécables à loisir, je signale qu’il s’agit d’une plaisanterie ! Je précise donc que je ne suis pas pour le cartable à six kilos, je ne faisais que référence à la demi‑charge des douze kilos évoqués par Mme Petit.

Cette précision étant faite, oui, nous devons évidemment tendre à alléger le poids du cartable, mais c’est plus facile à dire qu’à faire car cela ne passe pas uniquement par le numérique, mais aussi par l’évolution des pratiques, y compris celle des enfants qui, parfois, mettent dans leur cartable plus que le nécessaire. Une éducation de tous à des pratiques raisonnables est utile et des mesures s’imposent, y compris pour que l’essentiel des supports dont l’enfant a besoin reste à l’école, évitant ainsi le transport entre l’école et la maison. Le dispositif Devoirs faits y contribue, car si l’élève fait ses devoirs à l’école, nul besoin de tout rapporter à la maison !

Le moratoire des fermetures de classes a eu lieu ; j’en rappelle les grands principes, assez inédits. L’an dernier, le Président de la République a pris un engagement de non‑fermeture d’écoles, sauf accord du maire car, parfois, la fermeture est indispensable. La non‑fermeture nécessite donc un accord local. Pendant le confinement, le Président de la République s’est également engagé à ne pas fermer de classes, ce qui a été une décision difficile à prendre.

Je tiens à redire à quel point la fermeture d’écoles et la fermeture de classes sont deux sujets différents. Si l’on décidait de ne jamais plus fermer de classes, on prendrait une décision totalement inégalitaire puisque, par définition, les fermetures sont fonction du mouvement démographique ; l’on arriverait à des disparités de taux d’encadrement étonnantes. En revanche, à titre conjoncturel, cette mesure a été prise pour les écoles de village. C’est ainsi qu’il a été garanti qu’aucune classe ne serait fermée dans les communes de moins 5 000 habitants sans l’accord du maire. J’invite quiconque informé d’une exception à ce principe à me la signaler. Par ailleurs, pour les communes de plus de 5 000 habitants, nous avons pris l’engagement d’une amélioration du taux d’encadrement, commune par commune, et non pas seulement département par département, comme je l’avais fait à toutes les rentrées précédentes du quinquennat. Là aussi, chacun peut faire des constats de rentrée ; éventuellement il est encore temps de m’opposer tel ou tel exemple. C’est vous dire la profondeur de l’engagement et son caractère inédit.

Donc, oui, ce moratoire a eu lieu et oui il permet – pas toujours, mais dans la très grande majorité des cas – d’accueillir moins d’élèves par classe. Je m’en entretenais encore hier avec le recteur de l’académie de Paris. Il citait des classes de dix-huit à vingt élèves à l’école primaire à Paris, qui permettent de mener cette politique d’amélioration continue du taux d’encadrement à l’école primaire, politique appelée à perdurer, parce qu’elle permet aussi une forme de rattrapage. Nous avons insuffisamment investi dans l’école primaire en France au cours des décennies précédentes. Pour les classes des enfants les plus jeunes, il y a des vertus à tendre vers des taux d’encadrement très favorables. Je rappelle que nous sommes aussi sur la voie d’accomplir l’engagement de ne pas dépasser vingt‑quatre élèves par classe sur toute de France en grande section, en CP et en CE1. C’est vrai désormais pour la grande majorité des classes de ces niveaux, même si nous devons encore progresser.

Pour le contrôle continu, Maud Petit a cité le cas de la Martinique l’an dernier. Les grèves ajoutées à l’épidémie ont fortement nui à la scolarité des élèves. J’en ai été le premier marri, mais cela n’invalide pas la question du contrôle continu, puisque, en l’occurrence, il n’aurait pas été possible d’organiser le contrôle terminal au mois de juin. Cela dit, le problème que vous soulevez n’est pas le contrôle continu, ce sont les événements qui ont conduit « au manque d’école » au cours de l’année dernière à la Martinique. Bien sûr, nous ferons tout en 2020-2021 pour qu’une telle situation ne se reproduise pas.

Madame Tolmont, vous avez noté de nombreux cas de fermetures. J’ai rappelé que vingt-huit établissements sur plus de 60 000 en France représentent une faible proportion et que nous en connaîtrons certainement davantage dans les temps à venir. Il faudra donc l’assumer, mais je ne pense pas qu’il faille en faire un argument polémique, même si quelques centaines de fermetures devaient intervenir car c’est là le corollaire normal de la politique menée. La vraie question serait de savoir ce qu’il faudrait faire d’autre. Que proposez‑vous pour qu’il n’en soit pas ainsi ? Je rappelle que chaque fermeture est suscitée par une mesure de prudence. Nous ne fermons pas des foyers d’infection, nous fermons des établissements afin d’éviter qu’ils ne soient contaminés davantage par un tout petit nombre.

Vous préconisez la gratuité du masque pour tous les enfants. Rappelons quelques données sur le sujet. Les masques sont fournis aux personnels de l’éducation nationale et renouvelés tout au long de l’année, ainsi que nous nous étions engagés.

La politique sociale du masque pour les élèves soulève plusieurs aspects, notamment les envois de masse aux familles les plus défavorisées. C’est ainsi que sept millions de familles ont reçu des masques par la Poste, ces familles étant identifiées comme les plus défavorisées. Il s’agit là d’une vraie politique sociale, elle donne à ceux qui n’ont pas les moyens. Si vous avez des enfants, il est normal que vous leur fournissiez un masque et que le collectif assume le prix du masque des enfants les plus défavorisés. C’est un sujet de philosophie politique appliquée à l’action sociale. En effet, doit-on donner tout à tout le monde ou doit‑on se concentrer sur ceux qui ont le plus besoin ? Tout le monde c’est nous, l’État c’est nous aussi. Pour finir, cela revient parfois à faire payer les masques des plus favorisés par les plus défavorisés.

À mon propos s’ajoute le fait que des jeux de masques sont distribués dans toutes les écoles et établissements. J’ai affirmé à l’ensemble des acteurs du système scolaire qu’aucun élève ne serait empêché d’entrer à l’école ou serait obligé d’en sortir parce qu’il n’aurait pas de masque. Aussi un masque sera-t-il fourni à tout enfant en cas de besoin.

Vous avez fait référence à des déclarations dans d’autres pays. Sur ce sujet comme sur d’autres, je vous invite à vous reporter, au-delà des déclarations, à la réalité sur le terrain.

Vous dites que l’école serait l’oubliée du plan de relance. C’est tout le contraire ! D’ailleurs, le Président de la République a affirmé de manière très claire cet après-midi que les enfants et les jeunes sont placés au cœur du plan de relance, selon diverses modalités, d’abord et avant tout au travers de l’éducation.

Le plan de relance ne s’exprime pas par département ministériel, et c’est heureux, mais par grandes questions transversales qui touchent tous les ministères. Le bâtiment en est l’exemple type. La relance du bâtiment, notamment la rénovation écologique des bâtiments publics et privés, aura pour conséquence majeure de conforter les collectivités locales dans leur projet de rénovation des bâtiments scolaires. J’y ai fait allusion tout à l’heure au titre des rénovations sanitaires. Je profite de l’occasion que vous me donnez pour dire que c’est l’occasion pour toutes les collectivités locales de France en charge des écoles, des collèges et des lycées d’élaborer des projets de rénovation écologique techniquement prêts au 1er janvier pour être éligibles au plan de relance.

Je pourrais également citer le numérique qui fait l’objet d’un très grand chapitre du plan de relance. La modernisation numérique du ministère de l’éducation nationale pourra bénéficier de crédits non négligeables avec des effets en chaîne, par exemple les enjeux de réindustrialisation. Les commandes numériques du ministère de l’éducation nationale pourraient profiter au développement d’entreprises numériques françaises. Je ferai mon maximum pour converger en ce sens et m’associer à d’autres acteurs.

Suite aux déclarations du Président de la République, ma troisième illustration fait l’actualité de ce jour. Les internats d’excellence font l’objet d’un chapitre spécifique du plan de relance. Ce matin, a été pris l’engagement de la création d’un d’internat d’excellence par département en France, une mesure profondément sociale pour offrir des opportunités à des enfants de tous milieux sociaux, notamment défavorisés.

Vous avez évoqué l’absence de moyens en faveur du rattrapage scolaire. Je rappelle les 1 680 créations de postes dans le premier degré, 1 600 000 heures dans le second degré et les moyens que nous inscrirons au budget de 2021. On ne peut donc en aucun cas dire que des moyens supplémentaires n’ont pas été prévus. Je passe sur l’ensemble des mesures sociales prises pour tenir compte des situations familiales de tous ordres. Ce que nous faisons au titre des cités éducatives ou du service civique a un impact sur le rattrapage scolaire. Rappelons que de nombreux jeunes en service civique suivent des actions de soutien scolaire. La mobilisation des moyens publics et de l’action publique au service du rattrapage scolaire est donc très forte. Nous serons au rendez-vous.

Vous avez déclaré que les effectifs devaient être réduits dans le premier degré. C’est le cas ; c’est moins vrai dans le second degré, je vous l’accorde.

Vous avez utilisé un qualificatif que je ne fais pas mien en disant que l’évaluation est anxiogène. Ce qui est anxiogène, c’est d’affirmer qu’elle le serait, elle ne l’est pas en soi. Grâce aux mesures prises depuis 2017, nous sommes capables de faire ce qu’aucun pays au monde, me semble-t-il, ne peut faire et qui est précieux. Lorsqu’un enfant entre en CE1 cette année, nous disposons de trois photographies extrêmement détaillées de son niveau en français et en mathématiques lors de son entrée au CP, en milieu de CP en février dernier et en septembre 2020. Ces trois photographies sont extrêmement utiles pour l’enseignant ou l’enseignante parce qu’elles entrent dans le détail de ce qui compose les compétences en français et en mathématiques de l’enfant et dont on peut déduire bien des informations.

Dans quelques semaines, je vous dresserai un portrait national. La France sera en mesure de définir l’impact du confinement sur les enfants de six-sept ans en distinguant leur situation entre février et septembre. Au moment où je vous parle, j’en ai une idée imprécise ; elle sera extrêmement fine d’ici à un mois. Je pense qu’aucun autre pays au monde ne pourra proposer un tel portrait. Si sur le plan collectif, il s’agit d’un outil très utile, il le sera plus encore sur le plan individuel. J’ai visité une école de REP avec le Premier ministre le jour de la rentrée, dans les environs de Châteauroux ; les professeurs et la directrice de l’école ont dit à quel point ces évaluations allaient leur être utiles. Elles ne consistent pas à noter les enfants ni non plus, en aucun cas, à sélectionner, elles participent à définir les rattrapages nécessaires et à aider à la communication avec les familles. Les évaluations permettent, en effet, de nouer un dialogue parents-professeurs fructueux et ce sont, par conséquent, les élèves les plus en difficulté qui seront les grands bénéficiaires de cette démarche.

Vous avez souligné l’importance du lycée professionnel ; le lycée professionnel étant ma deuxième priorité après l’école primaire, je suis en accord complet avec vous. Cette priorité est ce qui motive la réforme de l’enseignement professionnel, mais aussi les moyens accordés et les effets d’impulsion, par exemple au travers des campus d’excellence. On ne dira jamais assez que la valorisation du lycée professionnel est fondamentale, elle ne doit pas rester lettre morte. Elle nous renvoie aussi à des enjeux actuels puisque, en raison de la crise économique, les possibilités de stages pour les élèves s’amenuisent, ce qui reste un sujet d’inquiétude. C’est la raison pour laquelle nous menons un travail de mobilisation auquel tout le monde peut s’associer, y compris vous-mêmes sur votre territoire, afin que les élèves accèdent à des stages et puissent ainsi s’ouvrir à un avenir, ce qui n’est pas un sujet facile dans la période actuelle et auquel nous devons être sensibles.

Monsieur Paul Molac, vous avez fait référence aux masques transparents, une innovation très intéressante, tout particulièrement pour certains publics, au premier rang desquels les élèves en situation de handicap. C’est pourquoi nous avons lancé un travail en relation avec Sophie Cluzel, secrétaire d’État, chargée des personnes handicapées, pour les commander. Je rappelle que ces masques, fabriqués en France, ont été homologués très récemment. Ils peuvent être lavés une vingtaine de fois. Quoiqu’un peu coûteux, nous en avons déjà commandé 300 000, qui bénéficieront prioritairement aux élèves scolarisés dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) et, de façon générale, aux élèves et professeurs qui en ont besoin dans le contexte de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Les futures commandes pourraient bénéficier aussi aux professeurs des écoles maternelles lorsque la phonologie notamment commande de voir le mouvement de la bouche.

J’en viens aux langues régionales, sujet dont je n’ignore pas à quel point il vous est cher, tout autant qu’à moi. La réforme du baccalauréat peut présenter une chance pour les langues régionales, notamment par la création d’enseignements de spécialités. C’est ce qui s’est produit puisque, à ce jour, un peu plus de 100 000 élèves suivent les enseignements de langues régionales dans le système scolaire. Le chiffre est en légère hausse, on ne peut pas dire que les langues régionales aient souffert des mesures prises. Cela étant, dans le cadre du comité de suivi du baccalauréat, je suis tout à fait ouvert à étudier plus spécifiquement telle ou telle situation parce que la configuration du baccalauréat pourrait favoriser les langues régionales dans un cas et pas dans l’autre ou pour des raisons locales ou particulières à une langue. Mais je le redis ici : notre politique est favorable à un enseignement piloté des langues régionales. Je rappelle que nous avons créé en 2017 l’agrégation des langues de France, qui constitue un pas non négligeable dans leur reconnaissance, à comparer à la création du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) d’informatique, l’informatique étant, d’une certaine façon, un langage.

Par ailleurs, la politique d’encouragement à l’apprentissage des langues vivantes est faite également pour encourager les langues régionales dès l’école primaire. C’est un point sur lequel j’insiste.

Madame Descamps, merci de vos propos sur la qualité de la rentrée.

S’agissant du protocole lui-même, vous indiquez que certains parents le jugent insuffisant comparé à celui appliqué en entreprise. Je leur dirai ce que je vois de ma fenêtre. J’ai entendu des critiques dans les deux sens. En mai-juin, le protocole était considéré comme trop strict. Désormais, certains trouvent qu’il l’est insuffisamment. On ne pourra jamais satisfaire tout le monde, mais rappelons ce que nous avons entrepris et ce que nous continuons de faire, en lien évidemment avec le Conseil de la santé publique et le Conseil scientifique, avec précaution.

Je ne crois pas que les mesures sanitaires imposées à l’école ou au lycée soient particulièrement laxistes si on les compare à celles demandées au reste de la société. Les précautions sanitaires imposées à l’école, au collège et au lycée sont bien plus strictes que celles que les élèves connaissent dans leur vie quotidienne. Je suis parfois assez surpris de voir que pendant les vacances, il peut se passer à peu près tout et n’importe quoi dans la vie courante des enfants sans que cela émeuve grand monde alors que, dès qu’il s’agit de l’école où les mesures sont bien plus rigoureuses, on préconise de ne pas les mettre à l’école, jugeant que les mesures sont insuffisamment exigeantes. Certains vont même jusqu’à préconiser la fermeture de l’école. Chacun perçoit bien le double paradoxe de ce type d’argumentaire.

Nous avons atteint un niveau d’équilibre qui permet une vie la plus normale et la vigilance la plus grande possible. Cet équilibre fait l’objet d’une discussion continue, les autorités sanitaires étant évidemment en position de surplomb.

La question de la garde d’enfants a déjà été évoquée par le Premier ministre. Nous affinons actuellement les solutions que nous pourrions proposer dans les temps futurs. À ce sujet, je livrerai plusieurs éléments. Le premier est en référence à votre rapport flash que vous avez réalisé avec votre collègue François Cormier-Bouligeon : nous donnerons une suite au dispositif 2S2C en tenant compte des critiques et des propositions avancées et dont vous vous êtes fait l’écho dans votre rapport, en totale convergence avec ce que demandent les communes et collectivités locales. L’objectif vise à consacrer l’activité sport, santé, culture, civisme chaque fois qu’il y aura nécessité d’organiser de petits groupes en classe et de prendre en charge les enfants qui n’en feront pas partie.

Nous travaillons également aux possibilités de soutenir les collectivités et les établissements pour étendre les formules de garde ou d’étude après le temps scolaire, notamment lorsque des parents ne peuvent pas récupérer les enfants à l’école à 16 heures 30 ou à 17 heures mais vers 18 heures, voire 19 heures ; à cet égard, des annonces seront faites ces jours prochains. Nous présenterons des propositions très prochainement. Le Gouvernement s’exprimera également dans les prochains jours sur les enfants obligés de rester à la maison, sachant qu’à l’heure actuelle, en vertu de la législation qui s’applique aux enfants malades, l’un des deux parents est en charge de sa garde.

Monsieur Larive, vous avez fait référence à des exemples étrangers et au chiffre de 84 000 professeurs supplémentaires. Le terme de professeur est un peu abusif, je parlerai de personnels. Encore une fois, je me garderai de faire de l’ingérence en analysant les politiques de nos voisins. Si on décidait en France de recruter 84 000 professeurs, on ne trouverait pas 84 000 personnes susceptibles, du jour au lendemain, de devenir professeur. De tels chiffres sont tout simplement impossibles à tenir, indépendamment des aspects budgétaires.

M. Michel Larive. Telle n’était pas ma question.

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ce ne sera donc pas ma réponse ! Cela étant, je n’ai pas peur de la comparaison européenne. Au contraire, je la désire profondément, vous l’aurez compris, mais il faut qu’elle soit terme à terme et que l’on sache bien de quoi on parle.

Vous avez relevé la nécessité d’améliorations physiques, je pense que vous avez totalement raison. La France connaît une situation convenable du point de vue des installations physiques mais pas pleinement satisfaisante dès lors que l’on procède à des comparaisons dans l’espace et dans le temps. Notre bâti scolaire est souvent un peu meilleur que dans certains pays. Parfois même en Allemagne, on constate des situations peu satisfaisantes en matière de bâti scolaire. À l’échelle européenne, des progrès restent à faire ; c’est d’ailleurs pourquoi, avant même l’épidémie, je travaillais à l’échelle européenne pour une vision partagée du pourcentage du produit intérieur brut consacré à l’éducation. J’ai même publié un écrit sur le sujet, conjointement avec la ministre finlandaise de l’éducation. L’augmentation des moyens publics consacrés à l’éducation en Europe est donc concertée et je pense que c’est la voie à suivre.

Par ailleurs, j’ai préconisé ce que j’appelais avant la crise « un plan Marshall du bâti scolaire en Europe », devenu plus encore d’actualité avec la crise et dans le cadre du plan de relance, mais aussi dans les temps suivants au titre des fonds européens habituels. C’est à l’échelle européenne que l’amélioration du bâti scolaire doit être pensée et que des améliorations doivent être apportées.

Rappelons que la décentralisation a permis bien des améliorations au cours de ces dernières décennies. La rénovation énergétique en particulier a été réalisée grâce à de nombreuses collectivités, ce qu’il convient de saluer. Mais tout n’est pas parfait, tant s’en faut, et les temps qui viennent seront l’occasion de rénover le bâti scolaire en France. C’est un sujet que nous aurons l’occasion d’évoquer et que vous aurez l’occasion de contrôler au titre du plan de relance sur lequel vous pourrez interroger le ministre de l’économie, des finances et de la relance. Un pourcentage élevé de ce qui est prévu pour le bâti concernera ce domaine.

Vous avez évoqué les problèmes d’affectation des élèves. Le cas de Villefranche‑de‑Lauragais est spécifique. La non‑affection d’élèves est évidemment une difficulté qui se pose à chaque rentrée, mais dans des proportions qui ont encore diminué cette année par rapport à l’année dernière, ce qui mérite d’être salué au vu du contexte général.

Les rectorats et les inspections académiques ont travaillé sans relâche pendant l’été. J’en profite pour souligner le travail des personnels administratifs en France dont on parle peu alors que nombreux sont ceux qui se sont grandement investis pour que cette affectation se réalise. Des problèmes subsistent, certes, mais ils vont diminuant jour après jour, ce type de question se réglant au cours des premiers jours de la rentrée. Cette semaine, nous avons piloté à vue. Le problème se pose plus spécifiquement en Île‑de‑France, autour des grandes métropoles, Toulouse, en l’occurrence, mais ces difficultés n’ont pas vocation à perdurer au‑delà de la deuxième semaine de la rentrée. Évidemment, mon cabinet reste disponible pour étudier l’ultime problème qui se poserait.

Les listes complémentaires font l’objet d’une politique. Bien sûr, des ouvertures de listes complémentaires interviendront au fil des premières semaines de l’année, en fonction des besoins, de même que nous avons recouru au deuxième concours, le concours spécifique pour les académies sous tension.

Madame Bagarry, vos questions ont porté essentiellement sur le périscolaire et l’extra-scolaire. Vous m’avez interrogé sur les mesures générales prises pour tenir compte du contexte. Votre question me permet d’insister sur un point que j’ai peu abordé jusqu’à maintenant, à savoir les vertus de l’élargissement du ministère de l’éducation nationale, qui est devenu le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. De cette nouvelle unité, nous espérons beaucoup de synergie et d’efficacité au service des enfants et des adolescents. Avant le remaniement, nous travaillions déjà largement avec la ministre des sports.

Cette fusion se traduit sur le plan national et territorial : national par la fusion des inspections générales entre nos ministères il y a presque deux ans ; territorial désormais, avec l’inclusion de l’administration de la jeunesse et des sports dans les rectorats. La fusion induira des coopérations et des collaborations concrètes et étroites. Nous l’évoquions aujourd’hui même au cours du déplacement du Président de la République s’agissant des internats. Par exemple, des personnels de la jeunesse et des sports sont particulièrement qualifiés pour assurer certaines activités périscolaires dans les internats.

Vous avez abordé les vacances apprenantes, qui sont appelées à s’inscrire dans la durée, à se reproduire et à se développer. Notre objectif prend la forme d’une opération chapeau, « vacances apprenantes », qui recouvre les colonies de vacances apprenantes, l’école ouverte et, au sein des écoles ouvertes, l’été du pro, qui ont touché près d’un million d’enfants. Nous aurons vocation à réitérer ces actions l’été prochain mais aussi pendant les vacances intermédiaires. Là aussi, je suis très ouvert aux propositions et innovations qui pourraient être présentées.

Vous avez déclaré que les colonies de vacances étaient déjà apprenantes, ce en quoi vous avez totalement raison. Certaines le sont devenues davantage encore et d’autres qui l’étaient déjà auraient disparu si nous n’étions pas intervenus. Une des causes que nous avons servie a été la survie et la défense de structures qui auraient pu souffrir, parfois fatalement, des circonstances sanitaires et économiques. Bien sûr, nous ne sommes pas partis de zéro, nous avons renforcé certains dispositifs pour les porter à un niveau supérieur et touché les esprits, ce qui est important, car se joue là un enjeu d’attractivité vis-à-vis des parents, que nous allons renforcer.

Monsieur Bournazel, je vous remercie de votre propos initial. Sur l’enseignement à distance, les états généraux du numérique permettront de dresser un bilan précis.

Le dispositif La classe à la maison, organisé par le CNED, a touché 2,8 millions foyers. Le CNED l’a rouvert ces derniers jours pour les enfants qui en ont besoin. Il est gratuit pour les élèves qui ne peuvent pas se rendre à l’école en raison des circonstances. Nous avons enregistré des centaines d’heures de cours avec France 4 que vous pouvez consulter en accédant au site Lumni que nous développons depuis plusieurs mois avec France Télévisions. Cette action, considérée comme extrêmement intéressante sur le plan pédagogique, est saluée par tous.

Un travail a été réalisé à Paris en matière de prévention dans l’éventualité où il serait nécessaire de réquisitionner des locaux autres que scolaires pour répartir les élèves en petits groupes. Je l’évoquais hier avec le recteur de Paris qui se félicitait du travail accompli avec la mairie.

Madame Faucillon, vous avez dit qu’il fallait du temps et des moyens. J’ai déjà répondu sur les moyens. S’agissant du temps, si vous signifiez qu’il fallait différer la rentrée, comme je l’ai entendu avant le 1er septembre, mon appréciation sera divergente. Il faut savoir ce que l’on entend par cette expression ; en tout cas, des moyens supplémentaires ont été accordés.

Vous avez évoqué un malaise profond, estimant que je ne le percevais pas. Là aussi, il faut savoir ce que vous mettez derrière cette expression. Je me méfie beaucoup des expressions générales autoréalisatrices sur ces questions.

Mme Elsa Faucillon. Nous ne disposons que d’une minute pour poser nos questions et nous exprimer !

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je reste ouvert à des discussions ultérieures. En tout cas, je prends très au sérieux vos questions.

Le Grenelle des professeurs sera un moment fort, qui se déroulera « à ciel ouvert », de sorte que vous pourrez en juger vous-même tout au long des prochaines semaines et des prochains mois. Mais, encore une fois, le mot-clé est celui de reconnaissance : reconnaissance des personnels et des professeurs, qui se traduira dans les faits par une reconnaissance financière. Cette dernière est prévue et nous sommes en train de la calculer. Reconnaissance également au sens plus large du terme, notamment par une amélioration des conditions de travail.

J’y ajouterai deux mots-clés qui doivent permettent de faire face aux malaises qui peuvent exister : tout d’abord, celui de coopération. Au travers de l’évolution de la fonction enseignante, le travail en équipe se transformera. Pendant la crise, nous avons constaté à quel point l’esprit collectif, qui s’est déployé de manière articulée ou de manière spontanée, a joué un rôle central. Notre système scolaire s’améliorera au profit des élèves quand nous aurons développé les pratiques collectives. C’est vrai des enfants du point de vue pédagogique mais aussi des adultes. Nous encouragerons ce mouvement, qui se révélera un facteur d’épanouissement général.

Le deuxième mot-clé est celui d’ouverture, qui passe par les enjeux de modernisation numérique mais aussi par bien d’autres actions. Nous avons, là encore, l’occasion de faire d’un obstacle un levier, qui conduira à une véritable modernisation de notre système éducatif, ce qui passe par de meilleures conditions de travail pour les professeurs, et donc pour les élèves.

Monsieur le Président, s’agissant de la quatorzaine, l’éducation nationale sera au diapason des décisions qui seront prises de manière générale. S’il était décidé de passer de quatorze à sept jours, la mesure serait appliquée par l’éducation nationale.

Le ministère a largement travaillé sur les concours, notamment pendant le confinement, quand la question a commencé à se poser. Je rappelle la chronologie. Il convenait de réorganiser l’ensemble des concours pour tenir compte du contexte. Notre premier objectif visait à ne pas léser les candidats. C’est ainsi que nous avons réorganisé l’ensemble des concours externes afin de les maintenir, ce qui n’allait pas de soi, la solution la plus facile aurait été de déclarer l’année blanche.

Nous avons aussi réorganisé les concours internes. Dans un premier temps, j’ai proposé que les écrits se déroulent jusqu’au mois de juillet, les oraux intervenant après la rentrée, en septembre, octobre et novembre. Cette proposition a soulevé de très nombreuses oppositions dont certains se sont fait les relais et que j’ai prises en compte. À l’époque, on me disait qu’il fallait reproduire pour les concours internes les principes que nous appliquions aux concours externes, c’est-à-dire supprimer les oraux et, au moment de la titularisation, un an après l’entrée en fonction, insister sur la compétence orale pour s’assurer que les candidats, in fine titularisés, soient armés des compétences orales que l’on est en droit d’attendre d’un professeur. C’est ce que nous avons fait pour les concours internes ; en d’autres termes, nous avons décidé que l’admission coïnciderait avec l’admissibilité.

Dès le début, nous avons indiqué que si nous procédions ainsi pour les 8 000 personnes admissibles, seuls les 4 000 premiers seraient acceptés. Nous n’avions pas d’autres possibilités puisque le concours n’offre que 4 000 places ; c’était la conséquence directe de la mesure que nous prenions pour allier la solution du concours interne et celle du concours externe. Dès lors que la décision a été prise, une nouvelle revendication a émergé réclamant l’admission des 8 000 candidats. Je comprends bien ceux qui en ont formulé la demande, je comprends leurs motivations et je l’entends, mais c’est tout simplement impossible. Il y a néanmoins des listes complémentaires. Nous sommes attentifs à la situation des personnes retenues, certaines seront sans doute titularisées au cours de leur carrière, comme cela peut se produire pour des contractuels de l’éducation nationale. En tout état de cause, il faut suivre la chronologie pour bien comprendre les décisions qui ont été prises. Les places ouvertes au concours ont été octroyées aux 4 000 premiers.

L’instruction à domicile est une pratique en expansion depuis plusieurs années, dès avant ce quinquennat. Nous n’en avons pas une perception très positive, parce que nous pensons qu’elle recouvre parfois des phénomènes de fondamentalisme, de sectarisme et de très grande pauvreté. C’est pourquoi, ainsi que je m’y étais engagé dans l’hémicycle, nous avons accentué les mécanismes de contrôle, aussi bien du point de vue juridique que des ressources humaines. Cette année est l’année de mise en œuvre de ce dispositif de contrôle renforcé, qui nous permettra de disposer de chiffres fiables sur l’étendue du phénomène. Notre objectif est bien la réduction de l’instruction à domicile, dont on a d’ailleurs constaté les limites et les risques d’aggravation des inégalités.

Mme Cécile Rilhac. Avant de vous poser ma question, je souhaite remercier l’ensemble des personnels de l’éducation nationale et des municipalités de leur implication et de leur professionnalisme dans la préparation de cette rentrée particulière, placée sous le signe de la sécurité sanitaire.

La semaine dernière, lors de ma tournée des écoles dans ma circonscription du Val‑d’Oise, j’ai constaté beaucoup de joie et de sérénité. Néanmoins, j’ai été interpellée à plusieurs reprises sur le port du masque et celui que je portais a appelé l’attention. En effet, je portais un masque transparent dit « masque inclusif » et les échanges suscités autour de cet outil ont montré la nécessité d’en fournir aux AESH bien sûr, mais également aux enseignants, notamment aux classes de maternelle et de cours préparatoires.

Vous nous avez déjà répondu à ce sujet, précisant que ces masques permettaient de lire sur les lèvres, de mieux voir les expressions du visage, garantissant ainsi une meilleure communication. J’ajoute que pour de jeunes enfants découvrant le milieu scolaire, il est primordial de faciliter leur expression orale et de créer une relation moins distante avec les enseignants. La secrétaire d’État chargée des handicapés, Sophie Cluzel, a indiqué que le rectorat était libre de commander ces masques au vu des retours de terrain. Cette mesure sera‑t‑elle optionnelle ou bien généralisée ?

M. Maxime Minot. Je vous ai senti frustré de ne pouvoir évoquer le dispositif Vacances apprenantes, faute de temps. Aussi vous interrogerai‑je sur le dispositif École ouverte, instauré pendant l’été pour 2 340 enfants de mon département. Selon vous, aucun élève n’a été perdu, ce dont je me félicite, mais j’aurais souhaité avoir des précisions sur ce bilan, un bilan d’autant plus essentiel à réaliser en cette rentrée si particulière où des écoles et des classes, notamment dans mon département de l’Oise fortement touché, ferment à nouveau en raison du covid‑19.

Afin de tirer des leçons de l’expérience passée, quelles procédures avez-vous mises en place à destination des écoliers dont l’école ou la classe a fermé afin que la continuité pédagogique soit assurée ?

Mme Céline Calvez. Il y a quelques heures, vous visitiez un lycée professionnel avec le Président de la République. Mais avant de faire découvrir les lycées professionnels, la volonté et l’envie sont fortes de faire découvrir aux plus jeunes les différentes professions et les entreprises.

Lors de ma visite de plusieurs collèges de ma circonscription vendredi dernier, s’est posée la question du stage de troisième. Comment pouvons‑nous inviter les entreprises et les administrations à accueillir des jeunes et à rassurer les parents sur le fait que les élèves seront accompagnés dans leur recherche d’un stage de troisième ?

M. Régis Juanico. La circulaire de rentrée 2020 du 10 juillet fait quinze pages et se traduit par autant de priorités, peut‑être trop : évaluation nationale, amplification des devoirs faits, renforcement de la formation continue des enseignants, consolidation de la maîtrise des langues, développement des compétences numériques, inclusion des valeurs civiques, développement durable, nouvelle impulsion du plan Mercredi, nouvel élan des cités éducatives. Sont même évoqués des séjours de cohésion du service national universel qui ont peu de chances de se tenir lors des vacances de la Toussaint. On a l’impression que l’on ne prend pas en compte, en cette rentrée, le caractère exceptionnel de la crise sanitaire.

On ne peut vous reprocher une feuille de route ambitieuse, mais elle tranche parfois avec la modestie des résultats. On l’a vu avec le dispositif 2S2C.

La nouveauté, c’est l’éducation physique et sportive (EPS). Depuis trois ans, pouvez‑vous nous dire combien de sections sportives scolaires ont été créées, combien d’établissements et d’élèves sont concernés par l’expérimentation « Cours le matin, sport l’après‑midi » et par le plan « Aisance aquatique » dès quatre ans ?

Mme Agnès Thill. Ma question sera sans doute quelque peu dérangeante mais, après tout, tel est le rôle d’un élu !

Vous savez tout comme moi qu’il est difficile, voire impossible, de renvoyer – j’ose le mot – un élève qui a été soit agressif, soit harceleur, dans la mesure où cela suppose un conseil de discipline, réunissant la famille, l’assistante sociale, etc. Aussi l’élève en question est‑il toujours dans l’établissement alors que l’élève qui a deux dents cassées, par exemple, est à la maison. Dans la mesure où vous venez de nous dire que l’école à la maison n’est pas recommandée, n’y aurait-il pas un chemin possible à explorer pour, j’ose à nouveau le mot, renvoyer, ne serait-ce que temporairement, l’élève perturbateur afin que l’école ne soit pas le reflet de la société, à savoir le monde à l’envers, comme nous le voyons dans le Var avec les squatters, ce qui est étrange à l’école ?

Mme Danièle Cazarian. Merci, monsieur le ministre, de vos propos et de votre présence parmi nous. L’enseignement à distance a été un vrai défi pour tous les acteurs, aussi bien pour les professeurs, pour les élèves que pour les parents. Cette crise a cependant accentué un retard des acquis de l’apprentissage chez certains élèves en décrochage scolaire.

Afin d’identifier le retard pris par ces élèves, surtout dans l’optique de démarrer le programme du niveau supérieur, un processus d’évaluation des acquis des compétences a‑t‑il été lancé ?

Mme Valérie Bazin-Malgras. Je voudrais vous interroger sur les effets du masque sur les enseignements et les conséquences sur les examens cette année.

Pour tous les collégiens, le port du masque est respecté dans les classes nombreuses lorsqu’il fait chaud, à la récréation, et même jusqu’à vingt-deux heures par les élèves internes lorsqu’ils sont plusieurs dans une chambre. La situation est très difficile à supporter. Des directeurs d’école, des proviseurs, des principaux se sont tournés vers moi pour m’informer que les cours se font à un rythme plus lent alors que les programmes n’ont pas été réduits. Pouvez-nous assurer que chaque jeune suivra entièrement son programme, afin qu’il puisse passer ses examens dans de bonnes conditions à la fin de cette année ?

Mme Marie-George Buffet. Nous connaissons d’ores et déjà les conséquences sur la santé, mais aussi psychologiques du confinement sur les enfants. En Seine‑Saint‑Denis, mais c’est aussi vrai dans d’autres départements, il est difficile de bénéficier d’un système de santé scolaire et de psychologues en nombre suffisant. Je sais qu’il existe des problèmes de recrutement, mais comment répondre à cette question de la santé scolaire ?

Je voudrais maintenant réagir à vos propos sur la Seine‑Saint‑Denis. Le recteur a été très prudent lorsqu’il a annoncé que 3 900 élèves n’étaient pas revenus sur les bancs de l’école. La différence d’avec les rentrées précédentes est notable. Une forte mobilisation de ce département est nécessaire pour faire revenir ces enfants à l’école, car plus on limitera l’enseignement à domicile, mieux ce sera, d’autant que, parfois, aucune instruction n’est dispensée.

Mme Murielle Ressiguier. Alors que vous aviez le temps de préparer cette rentrée, nous constatons que le flou générateur d’angoisses est toujours de mise. Ainsi le protocole sanitaire a‑t‑il été modifié le 27 août, soit la veille de la pré-rentrée du premier degré, ne laissant quasiment pas le temps aux personnels concernés de se préparer. De plus, ainsi que plusieurs syndicats l’ont fait remonter, les dotations d’État en masques n’étaient pas arrivées dans certains établissements scolaires début septembre, masques dont vous refusez d’ailleurs la gratuité pour les élèves, affirmant qu’ils sont une fourniture scolaire comme une autre. Par ailleurs, à ce jour, vingt-huit établissements et plus de 262 classes ont fermé suite à la détection de cas de covid‑19, laissant les parents démunis. Enfin, aucune amélioration, hélas, n’a été constatée à l’occasion de cette rentrée concernant le manque de personnel et les classes souvent surchargées.

Quelle solution proposez-vous pour répondre au mal‑être et aux besoins des enseignants et des personnels ? Envisagez‑vous, comme nous le demandons, la gratuité des masques pour les élèves ?

Mme Florence Provendier. L’entrée en vigueur cet été de l’obligation de formation des jeunes de seize à dix-huit ans marque un véritable tournant ; je voudrais, à ce titre, saluer le travail sans faille de notre collègue Sylvie Charrière afin que ce droit soit réel pour tous. Je souhaite évoquer le frein que peut constituer l’environnement dans lequel grandit l’adolescent. Les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) se retrouvent trop souvent à la rue le jour de leurs dix-huit ans si le département qui doit les protéger refuse de conclure un contrat jeune majeur. Cette sortie sèche peut intervenir au milieu d’une formation et rendre impossible sa poursuite. Chaque année, 70 % des jeunes qui sortent de l’ASE n’ont pas de diplôme. Comment éviter que de jeunes majeurs étrangers scolarisés soient débarqués, au simple motif de leur majorité, comme c’est actuellement le cas dans les Hauts-de-Seine, brisant ainsi leur parcours de vie et d’intégration dans notre société ?

Si l’école de la République doit être une chance pour tous, comment l’éducation nationale peut-elle agir en lien avec les départements à ce sujet ?

Mme Michèle Victory. Je reviens très rapidement sur la question de la garde d’enfants, parce que la réponse que vous nous avez fournie n’est vraiment pas satisfaisante. Il est un peu dommage que le Gouvernement n’ait pas préparé une réponse aux parents qui se retrouvent avec un enfant, soit malade, soit qui présente une suspicion de maladie. Il est un peu terrible d’entendre que vous ne nous fournirez une réponse que dans quelques jours.

S’agissant du taux d’encadrement, sur ma circonscription, une classe de maternelle a été ouverte à trente-deux élèves. Les parents viennent d’écrire à l’inspecteur d’académie. Sur la même circonscription, on assiste à une fermeture de classe contre une ouverture. On a toujours l’impression que c’est un pour un et que l’on n’arrive pas à prendre les bonnes décisions au bon moment.

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Madame Rilhac, une commande de 300 000 masques transparents est en cours. Leur homologation étant très récente, nous avons procédé à ces commandes il y a peu. Les masques arriveront progressivement. Pour tous les établissements qui comptent des élèves malentendants, la distribution des masques sera, non pas optionnelle, mais systématique.

S’agissant des besoins dans d’autres circonstances, que ce soit pour les élèves en situation de handicap ou en maternelle, les écoles seront servies en masques transparents en fonction de la demande des enseignants, du rythme de production et d’acheminement. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas prendre un engagement ferme et direct, mais c’est dans cet ordre de priorité que les choses interviendront.

Monsieur Minot, les vacances apprenantes étaient ouvertes à tous, et je ne crois pas qu’il existe des familles qui auraient voulu en bénéficier et auxquelles le système aurait été fermé. Parmi les innovations, citons « Été pro ». Des lycées pro sont restés ouverts et ont proposé des ateliers incitatifs. Notons également le dispositif « École ouverte buissonnière » qui a concerné plusieurs milliers d’enfants et permis de réinventer certains types de séjours de plein air pour des élèves qui se rendaient simplement à l’école ouverte et à qui l’on a proposé des séjours plus longs.

Vous notez que plusieurs fermetures d’écoles sont intervenues dans l’Oise, un département fortement touché au début de la crise. Chaque fermeture est décidée localement en fonction des circonstances telles qu’elles sont appréciées par les autorités sanitaires. C’est souvent à partir de trois cas testés positifs qu’une fermeture intervient, mais elle est laissée à l’appréciation des autorités sanitaires, selon qu’il s’agit de trois adultes ou de trois enfants, que ces derniers soient ou non dans une même classe. Différents critères président à la fermeture ou non des écoles. Jusqu’à présent, l’application par les autorités compétentes localement a été assez stricte. Nous poursuivrons sur cette voie.

Madame Céline Calvez, la situation est assez favorable au stage de troisième. Le travail réalisé ces deux dernières années pour constituer une banque de stages pour les élèves de troisième forme un acquis permettant de leur offrir environ 30 000 stages. Nous connaîtrons sans doute des difficultés dans la mesure où ceux-là mêmes qui ont proposé des stages l’an dernier en proposeront moins cette année. Cela dit, nous sommes restés en lien avec les administrations, les associations ou les entreprises et nous piloterons cette politique d’incitation pour être en mesure de proposer des stages aux élèves qui n’en trouvent pas. Je reste assez confiant. Tout dépend de notre volonté. Je pense que la situation est un peu plus difficile pour les stages en milieu professionnel, le problème se posant dès la rentrée. C’est pourquoi il est important d’intervenir, ce que nous ferons, territoire par territoire – les recteurs le savent et vous-mêmes vous vous en saisissez – pour mobiliser l’ensemble des acteurs du monde du travail afin que la jeunesse soit la priorité de tous, y compris des entreprises privées.

Monsieur Juanico, vous avez commencé par une petite critique sur la taille de la circulaire de rentrée. Si vous visez le nombre de pages, je rappelle que les précédentes dépassaient souvent quinze pages. Nous sommes donc dans une concision relative. Si vous jugez les priorités trop nombreuses, laquelle souhaiteriez-vous éliminer ? Le terme de priorité n’est pas utilisé pour chacune d’entre elles, il s’agit de politiques publiques approfondies à articuler entre elles. Certes, nous devons éviter l’accumulation des charges des acteurs de terrain. En revanche, les actions doivent faire sens et être articulées. C’est ainsi, par exemple, que nous articulons les enjeux de sport, santé, culture et civisme qui font partie d’une même ambition en faveur de l’épanouissement des enfants.

Vous avez ensuite concentré votre propos sur l’EPS et le sport. Chacun salue le rapprochement de l’éducation nationale et du ministère des sports, car chacun perçoit les synergies qu’il permet.

Samedi dernier, avec le Premier ministre et la ministre déléguée au sport, nous avons reçu les représentants du monde sportif afin d’étudier les voies et moyens pour soutenir le monde sportif dans la traversée de cette crise tout en bénéficiant pleinement des synergies entre l’éducation nationale et le sport. Vous avez qualifié les résultats de modestes s’agissant de tout ce qui avait été entrepris jusqu’à présent. Votre appréciation, me semble-t-il, est un peu sévère. En réalité, les premiers résultats se font jour. Je pense à la labellisation des établissements Génération 2 024 qui se traduit par une série d’initiatives locales. Nous allons promouvoir trente minutes d’activité physique par jour, car il s’agit d’un enjeu d’importance. La discipline de l’EPS sera renforcée. Des craintes s’expriment parfois en raison de la confusion entre l’EPS et d’autres activités sportives. Notre objectif est bien de continuer à développer l’EPS au travers de différentes mesures cette année.

Par ailleurs, nous avons organisé un groupe de travail permanent en lien avec les collectivités locales et les associations pour développer différents dispositifs. Pour répondre à votre question, l’aisance aquatique est une priorité que Roxana Maracineanu a affichée dès sa prise de fonctions. Les classes bleues concerneront cette année au moins 20 000 élèves et des temps seront dédiés à l’aisance aquatique dès l’école maternelle.

Lors de la troisième semaine de septembre, se tiendra la Journée nationale du sport scolaire au cours de laquelle vous êtes en général très actifs et attentifs.

Une nouvelle vague de labellisations Génération 2024 aura lieu et le développement du sport pour les jeunes dans le temps scolaire comme dans le temps périscolaire fera l’objet d’une série d’annonces. Le nombre des établissements et écoles déjà labellisés Génération 2024 s’élève à 2 600 et un million d’élèves seront concernés.

Nous avons également progressé au titre de la mesure « Savoir rouler », car trop d’enfants ne savent pas faire du vélo. Nous avons noué un partenariat avec la Fédération française de cyclisme à l’occasion du départ du Tour de France. Dans la mesure où, cette année, de façon inédite sur le plan historique, le Tour de France a lieu pendant l’année scolaire, la semaine du vélo se tiendra du 14 au 20 septembre prochain. Elle sera l’occasion de promouvoir le cyclisme dans le système scolaire. Le temps me manque pour entrer dans tous les détails de cette politique sportive, mais je suis d’accord avec vous sur les grandes lignes : nous devons faire toujours plus et c’est bien ce qui est prévu !

Madame Thill, vous avez fait référence aux problèmes de violence, qui soulèvent plusieurs enjeux, notamment s’agissant des procédures à suivre lorsque l’on veut exclure un élève. Il y a un an maintenant, j’ai annoncé le plan de lutte contre les violences scolaires et lancé des mesures éducatives renforcées lorsque des élèves sont particulièrement violents, notamment pour les écarter de l’établissement, non dans une perspective d’exclusion sans suite, si je puis dire, mais dans une perspective éducative, en lien avec les autorités de justice. Le dispositif a d’ailleurs été élaboré avec le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur.

Je ne suis pas convaincu par l’idée de les renvoyer à la maison où ils suivraient un enseignement à distance, puisque leur milieu familial ne participe pas généralement au développement des compétences de leur enfant en tant qu’élève et citoyen. Nous développons donc plutôt les structures spécialisées, via des dispositifs relais. Je pourrais faire un point spécifique prochainement sur le sujet. À cet égard, soulignons que la situation a été impactée par la crise du covid, tant positivement que négativement.

Madame Cazarian, s’agissant de la gestion des classes connaissant des cas de covid, notre protocole de continuité pédagogique a vocation à répondre à l’ensemble des questions posées, notamment sur les ressources pédagogiques disponibles pour les professeurs et pour les élèves dans ce type de circonstances. Je citerai Classe à la maison et le site Lumni. Le contexte sanitaire a été l’occasion de montrer la richesse de ce que nous réalisions, mais aussi ce que nous étions capables de faire en situation de crise. Je pense au déploiement des ressources pédagogiques grâce à Canopé, dont nous avons recentré les missions s’agissant de la formation à distance des professeurs ; c’est ainsi que déjà plus de 100 000 professeurs, un chiffre considérable, sont concernés par le dispositif Canopé mis en place au moment de la crise et que nous allons renforcer. Pour les détails, je vous renvoie au protocole lui-même.

Autre dimension, le déploiement opérationnel, en particulier la mise à disposition de matériels informatiques. Nous avons, en effet, procédé à des achats d’ordinateurs et de tablettes qui viennent en support de l’action des collectivités locales afin, en cas de fermeture d’une classe ou d’une école, de prêter du matériel informatique aux familles ou professeurs qui n’en auraient pas à disposition.

Madame Bazin-Malgras, vos questions rejoignent en partie les sujets évoqués à l’instant. Il est exact que porter le masque toute la journée est une contrainte, que nous vivons tous, mais je crois qu’elle est plus pénible encore quand on est un adolescent. C’est aussi ce qui explique que nous n’avons pas imposé le port du masque aux enfants de l’école primaire.

Vous demandez si chaque jeune aura reçu l’intégralité de son enseignement à la fin de l’année scolaire. C’est la question qui m’a le plus habité au cours de la préparation de la rentrée. Si nous avons organisé la rentrée à temps, si nous avons fait en sorte que tous les enfants reviennent à l’école, si nous déployons tant d’efforts, c’est vraiment pour répondre le plus positivement possible à cette question. Cela dit, je ne suis pas prophète, bien des événements peuvent survenir tout au long de l’année. Néanmoins, l’enseignement du programme est l’objectif central, y compris dans le cadre de la continuité pédagogique, afin d’éviter tout retard.

L’année 2020-2021 doit permettre de compenser tous les retards. Je suis confiant, quand je vois la mobilisation des personnels, mais aussi le désir des élèves d’apprendre et de retrouver une vie d’apprentissage normale. Je crois à la résilience et à la force de rebond de notre pays. Il y a des éléments d’optimisme dans les manières de réagir, notamment de la part de nos élèves, comme de l’ensemble des professeurs et des parents d’élèves qui ont parfois été héroïques en ces circonstances difficiles.

Madame Buffet, vous savez à quel point je suis d’accord avec vous sur les conséquences du confinement sur la santé physique et psychologique des enfants. C’est pourquoi je me suis fait, avec vous, l’avocat du déconfinement scolaire à partir du 11 mai, un sujet sur lequel nous avons eu à convaincre de manière transpartisane, mais l’enjeu était décisif.

Vous avez raison d’insister sur les insuffisances de la santé scolaire, c’est un point sur lequel nous devons intervenir. Je souligne qu’il est moins lié à des problèmes budgétaires que de ressources humaines. Face à la nécessité de trouver des remèdes, nous avons engagé un travail avec le ministère de la santé, transversalement à des mutualisations qui renvoient aussi à la question de la santé professionnelle des personnes qui travaillent pour l’éducation nationale, sujet qui sera au cœur du Grenelle des professeurs. D’une façon générale, c’est la disponibilité de la ressource médicale pour le monde de l’éducation nationale qui est en cause. Depuis trois ans, nous avons réalisé quelques progrès mais il en reste d’immenses à accomplir, ce que j’ai en vue en progressant pas à pas, sans pouvoir faire de miracle car cela nous renvoie au nombre de médecins en France. Mais nous œuvrons en coopération avec la médecine non scolaire et la médecine scolaire et lançons une piste d’amélioration à court terme que nous avons établie avec le ministère de la santé.

Sur la situation spécifique de la Seine‑Saint‑Denis s’agissant des enfants déscolarisés, j’entends vos propos. Encore une fois, le chiffre qui a été donné le premier jour ne doit pas servir de référence tant il est approximatif et indicatif, mais je suis prêt à prendre rendez‑vous sur cette question des enfants déscolarisés dans ce département comme dans d’autres d’ailleurs – mais il est vrai que le phénomène est particulièrement accentué dans la Seine‑Saint‑Denis –, de sorte à nous assurer que nous résorberons les problèmes du covid progressivement.

Madame Ressiguier, vous avez indiqué que le protocole sanitaire avait été modifié le 27 août. Je ne sais pas exactement à quoi vous faites référence dans la mesure où il a été rendu public dès le mois de juillet. Que nous procédions de manière répétée à des ajustements de certains aspects des recommandations est le corollaire normal d’une gestion de l’épidémie. Peut-être dans le futur porterez‑vous vos critiques sur les fermetures de classes ou sur des évolutions du protocole sanitaire, mais elles sont le corollaire inévitable d’une gestion de l’épidémie. Ce type de critique revient à dire que des contraintes sont liées à l’épidémie, je vous le confesse. Aussi est‑il assez facile de relever la pénibilité de ces contraintes.

Mme Murielle Ressiguier. Décider de mettre moins d’enfants par classe paraît cohérent mais lorsqu’on ne dispose ni de la place ni des locaux nécessaires pour agir en ce sens. Certains estiment qu’ils pourraient tout simplement s’asseoir les uns à côté des autres. Cela pose question.

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Cela ne renvoie en aucun cas à d’éventuelles modifications qui seraient intervenues au mois d’août. L’idée d’accueillir les élèves, séparés par un mètre de distance, a eu lieu fin juin, début juillet ; la décision a été tranchée à la lumière des avis des autorités sanitaires, en aucun cas, cela n’a été un changement de règle de dernière minute. La mesure a été structurellement appréciée par les autorités sanitaires.

Vous avez également posé la question du retour des élèves à l’école. Je rappelle que Jean‑Luc Mélenchon, dont les idées ne sont pas éloignées des vôtres, déclarait que le retour des enfants à l’école le mettait mal à l’aise et que s’il avait un enfant, il ne le renverrait pas à l’école le 11 mai.

Mme Murielle Ressiguier. Je n’ai pas posé la question du retour des enfants à l’école, mais des conditions de préparation de la rentrée.

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. D’accord, mais j’aborde le sujet sans aucune difficulté parce qu’il m’arrive de constater que vous demandez parfois une chose et son contraire. Oui ou non, souhaitez-vous que les enfants reviennent à l’école ? Si tel est le cas, la déclaration de votre leader politique ne va vraiment pas dans ce sens.

Mme Murielle Ressiguier. Vous aurez remarqué que je ne suis pas M. Mélenchon mais Mme Ressiguier, et que je pose mes propres questions !

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Cela renvoie donc à vos débats internes ! Pour ma part, je constate que M. Mélenchon a déclaré – j’ai ses propos sous les yeux : « Je ne renverrai pas mon enfant à l’école le 11 mai. »

Mme Murielle Ressiguier. Téléphonez‑lui et expliquez‑vous avec lui !

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il ne manque jamais de m’interpeller ; ce sera donc avec plaisir. Mais le fait est qu’il faut être cohérent : veut‑on, oui ou non, le retour des enfants à l’école ? Il est souvent intéressant de regarder a posteriori les déclarations des uns et les autres. Cela permet d’avoir de voir qui a le sens des responsabilités.

Mme Murielle Ressiguier. Et s’agissant de la gratuité des masques ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il ne vous aura pas échappé que j’ai déjà répondu à cette question mais je peux réitérer ma réponse : nous avons envoyé des masques gratuits aux sept millions de familles les plus défavorisées. Par ailleurs, des masques gratuits sont disponibles dans tous les établissements de France pour les élèves qui, pour des raisons sociales, n’en auraient pas. Vous me donnez l’occasion de fournir un élément supplémentaire : cent euros supplémentaires par enfant ont été ajoutés à l’allocation de rentrée, ce qui est une mesure sociale inédite.

Mme Murielle Ressiguier. Elle ne compense pas le coût des masques !

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Il s’agit d’un des aspects sociaux essentiels de cette rentrée. Ces éléments additionnés vous montrent bien que la rentrée a été préparée.

Madame Provendier, vous demandez comment l’éducation nationale peut agir sur les enjeux de continuité pédagogique. J’ai répondu déjà en grande partie. Y a‑t‑il un point qui m’aurait échappé et auquel je n’aurais pas répondu ?

Mme Florence Provendier. Les jeunes de l’ASE sortent de fait de l’école le jour de leurs dix-huit ans, même s’ils sont scolarisés. Mon département compte vingt cas à l’heure actuelle. Quelle coordination envisagez‑vous ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ce sujet nous renvoie à l’offre de formation en lycée professionnel. La réponse se situe là. J’ai rencontré aujourd’hui des élèves qui présentaient ce profil, à savoir des élèves de l’ASE inscrits aux diplômes complémentaires que nous avons créés et aux mesures que nous prenons au titre du plan « un jeune, une solution ». Les effets de seuil liés à l’âge anniversaire renvoient à des politiques qui ne sont pas celles de l’éducation nationale.

Que se passe-t-il socialement pour les élèves sortis de l’ASE ? Sur le plan scolaire, s’il y a une ligne que j’ai suivie, c’était bien celle de prendre en compte les enfants de seize ans à dix-huit ans. Lorsque l’on a une obligation scolaire qui, légalement, va jusqu’à seize ans, le réflexe facile et non souhaitable de l’éducation nationale serait de considérer qu’elle n’a plus à s’intéresser à ces jeunes à partir de seize ans. En prenant une mesure pour les seize‑dix‑huit ans, nous engageons notre responsabilité vis-à-vis d’eux jusqu’à dix-huit ans. Mais je serais d’accord avec vous pour que nous nous responsabilisions en proposant des solutions aux jeunes de plus de dix-huit ans, notamment à ceux issus de l’aide sociale à l’enfance. Ce sont les opportunités que nous offrons sous la forme de parcours personnalisés. Je pense aux formules développées en lycée professionnel, aux micro-lycées et à d’autres dispositifs de ce type. C’est un sujet sur lequel je suis toujours prêt à me pencher.

Mme Victory, vous dites que nous n’avions pas préparé les conséquences des fermetures d’écoles. Ce n’est pas exact, tout est prêt en matière de continuité pédagogique. C’est sur la question de la garde d’enfants que nous sommes obligés d’apprécier la situation postérieurement à la rentrée. À ce jour, on peut d’abord et avant tout se satisfaire du fait que l’immense majorité des enfants sont à l’école et que très peu sont concernés par la fermeture d’une structure. Nous allons proportionner la réponse au phénomène. De premières réponses sont à l’œuvre. L’arrêt de travail des parents pour enfant malade existe déjà, mais nous allons étudier comment faire davantage, notamment en matière de garde d’enfants. Il s’agit d’un sujet interministériel qui sera arbitré par le Premier ministre.

Vous avez évoqué une classe de maternelle à trente-deux élèves dans votre circonscription. Je veux bien que vous m’expliquiez le cas car je considère qu’il est anormal qu’une classe de maternelle compte plus de trente élèves. Dans le temps, l’objectif est d’arriver à en diminuer très fortement le nombre. Je suis prêt à me pencher sur ce cas rare et spécifique.

Mme Emmanuelle Anthoine. Ma question porte sur les décrocheurs. Votre ministère maintient son estimation de 4 à 5 % d’élèves décrocheurs depuis la période du confinement, ce qui représenterait entre 500 000 et 600 000 élèves. Cette estimation demandera à être confirmée dans les prochains mois. Ce chiffre ne comptabilise que les enfants ayant rompu tout lien avec leurs enseignants. Il ne dit rien de la réalité des élèves qui, tout en conservant un lien, se trouvent complètement désengagés de leurs apprentissages.

Nous ne pouvons tolérer qu’une part significative des élèves français décroche. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de leur apporter une réponse forte. Pour cela, il faut être capable de les repérer au‑delà du simple critère d’absence de contact. Des études plus précises sont-elles menées au sujet des décrocheurs, de leur identification et de leur caractérisation ?

M. le président Bruno Studer. Votre question renvoie à une demande que j’avais formulée en tant que rapporteur de la mission d’information sur cette question. Je vous remercie d’y être revenue.

M. Yannick Kerlogot. Ma question sera plutôt une requête au sujet de cette belle loi pour une école de la confiance. Enjeux sociétaux partagés, abaissement de l’instruction obligatoire à trois ans, temps de formation des seize‑dix‑huit ans enfin acté, je vous remercie, monsieur le ministre, de ce décret du 5 août dernier ! Nous apportons tous nos encouragements aux missions locales qui doivent veiller à cet accompagnement.

Ma question concerne l’attractivité du métier en direction des jeunes. Je pense donc à cette pré-professionnalisation que vous avez proposée pour les étudiants de licence afin qu’ils puissent poursuivre leurs études tout en ayant une formation pratique de terrain rémunérée. Ce premier dispositif expérimental a‑t‑il trouvé son public ?

Je souhaiterais par ailleurs appeler, de manière solennelle, votre attention et requérir votre implication dans l’application de l’article 34 de la loi en ce qui concerne le versement du forfait scolaire par les maires aux réseaux privés d’enseignement de langues régionales. Cette ressource est essentielle à leur fonctionnement. Or l’école Diwan en Bretagne, par exemple, rencontre actuellement de très grandes difficultés à ce sujet.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le ministre, 50 millions d’euros ont été débloqués durant le confinement pour les accueils d’enfants dits prioritaires. Selon certains personnels, seuls les chefs d’établissement ont été destinataires de la note à ce sujet et il semblerait que cette mesure ait été appliquée de manière très inégale selon les établissements et selon les académies. Quels ont été les critères d’attribution de ces primes ? Quel retour en avez‑vous ?

Je ne sais pas si M. Juanico est satisfait de la réponse que vous lui avez apportée, mais j’ai l’impression qu’en évoquant le rapprochement entre l’éducation nationale et le ministère du sport, vous avez noyé le poisson. Vous avez souligné, à raison, les fruits de la coopération entre l’éducation nationale et les collectivités locales, mais il semblerait que le ministère envisage de demander aux collectivités de passer par des groupements d’employeurs, ce qui les contraindrait à augmenter de près de 50 % leurs subventions. Quel est réellement l’avenir des sections sportives au sein de l’éducation nationale ?

M. Gaël Le Bohec. Pour finaliser la question du président Studer, je voulais évoquer avec vous la possibilité de solutions que j’appelle de mes vœux, de maintien ou de prorogation de l’admissibilité à l’agrégation.

Dans un tout autre domaine, vous allez lancer cet automne un Grenelle des professeurs visant, selon vos propres termes, à « améliorer le bien‑être au travail : des maîtres heureux, ce sont des élèves heureux. » Plusieurs de mes collègues et moi-même avons lancé, cet été, une grande consultation grâce au collectif Regards d’enseignants, composé en majorité de personnes issues du monde de l’enseignement. L’enquête a recueilli plus de 22 000 réponses, échantillon impressionnant. Les scientifiques estiment qu’il permet de dresser un état des lieux fidèle et représentatif de la situation vécue par le monde enseignant. Pour le dire brièvement, l’institution est perçue comme un carcan, moins de 9 % des professeurs recommanderaient à leurs enfants ou à leurs amis ce métier, pourtant fondateur de notre vie commune et de notre avenir. A contrario, 72 % d’entre eux prennent du plaisir à enseigner et 76 % estiment qu’il a un impact sur la réussite des élèves.

Face à ces résultats contrastés, êtes‑vous prêt à recevoir ce collectif pour qu’il vous présente la synthèse de ses travaux et à prendre ses futures propositions comme données d’entrée du Grenelle des professeurs qui doit s’ouvrir à l’automne ?

M. Sébastien Nadot. Je voudrais revenir sur la situation du collège Jules-Ferry de Villefranche‑de‑Lauragais, à la fois pour trouver une solution et parce que la situation a été l’illustration d’un problème.

Fin février, j’ai assisté au conseil d’administration du collège lors duquel la communauté éducative a refusé de voter la dotation globale horaire (DGH) en raison des projections : cinq classes à trente ou trente et un élèves étaient prévues, auxquelles s’ajoute l’inclusion régulière d’enfants des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) accueillis dans cet établissement.

En juillet, confirmation du problème ; nouveau recteur, nouvel inspecteur d’académie ‑ directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-DASEN), très ouverts au dialogue et soucieux du terrain. Si une sixième classe est ouverte, les classes compteront donc vingt-six élèves, plus un ou deux élèves en provenance des ULIS. Les enseignants du collège Jules Ferry ont le moral en berne. Ils savent qu’ils ne feront pas du bon travail cette année. Êtes-vous favorable à revenir à vingt-six ou vingt-sept élèves par classe ? Leur demande vous semble‑t‑elle légitime ? Je voudrais savoir à quoi sert le vote en conseil d’administration des représentants de la communauté éducative s’il n’est même pas un signal d’alerte.

En Haute‑Garonne, le choix a été fait de ne pas inclure les enfants en structure ULIS dans le décompte des effectifs des classes qu’ils rejoignent parfois plus que ponctuellement. Est‑il représentatif du projet actuel d’inclusion éducative de notre République ?

Mme Sandrine Mörch. A contrario, je voudrais remercier la mobilisation de la communauté éducative de Haute-Garonne. C’est un énorme département, très touché par le covid : à ce jour, nous connaissons trente‑trois fermetures de classes dans le premier degré et trois dans les collèges et lycées. Mais la mobilisation générale – enseignants, ATSEM, personnels de nettoyage et services académiques – est telle que, finalement, aucun établissement n’a fermé. Chaque poste a pu être remplacé. C’est une vraie victoire contre le virus et pour l’engagement collectif.

Cela dit, de manière plus globale, 700 000 jeunes sont actuellement en fin de formation et intègrent le marché du travail. Tous se retrouvent en première ligne de la récession engendrée par la chute du PIB. La France pourrait compter 460 000 chômeurs supplémentaires, soit une hausse de 1,1 % du chômage des moins de vingt-cinq ans. À ces 700 000 jeunes s’ajoutent les jeunes sans qualification, ceux qui décrochent d’ordinaire du système éducatif et ceux qui s’en sont éloignés durant la crise.

Comment vos services vont‑ils, en lien avec les autres ministères, s’emparer des mesures du plan jeunes – à savoir faciliter l’entrée dans la vie professionnelle, orienter et former 200 000 jeunes vers les structures et métiers d’avenir, accompagner 300 000 jeunes éloignés de l’emploi en construisant des parcours d’insertion sur mesure afin de ne laisser aucun jeune sans solution – de la même façon que les acteurs de terrain, lorsqu’ils travaillent ensemble et non pas en opposition, font des miracles ?

M. Stéphane Testé. Il a été annoncé que 12 500 jeunes du service civique viendront en appui dans les écoles, pour aider notamment dans la relation avec les familles. Je souhaiterais que vous nous précisiez plus en détail quelles seront leurs missions et s’ils ont reçu ou recevront une formation de l’éducation nationale ? Ces jeunes ont-ils tous déjà été recrutés ou le seront-ils en cours d’année ? Enfin, quels seront leurs critères d’affectation ?

Mme Florence Granjus. Monsieur le ministre, vous avez précisé dans une récente interview que l’on doit travailler à faire en sorte que tous ceux qui essaient de créer de la fragmentation identitaire voient leurs idéologies contrées, notamment lorsqu’ils cherchent à influencer la jeunesse. Quelles actions éducatives et citoyennes mener pour mieux accompagner et mobiliser les enseignants et les élèves dans cette lutte contre la fragmentation identitaire, sachant que la construction identitaire de chaque élève s’opère dès la rentrée scolaire ?

Mme Jacqueline Dubois. Le harcèlement scolaire est une réalité. Ainsi, l’UNICEF évalue à 700 000 le nombre d’enfants qui en sont victimes chaque année, représentant 12 % en primaire, 10 % au collège et 4 % au lycée. Ces actes qui s’aggravent avec l’évolution de l’âge des enfants sont couplés au cyber-harcèlement et peuvent être un facteur d’échec scolaire. Plus grave encore, les médecins constatent une augmentation des dépressions et des tentatives de suicide chez les enfants dès dix ans.

Il reste difficile d’appréhender ces situations, notamment dans les classes primaires, d’autant que, parfois, le harcèlement se déroule dans les temps périscolaires. Des spécialistes insistent sur l’importance de la prévention dès le plus jeune âge pour que les enfants prennent conscience de leur humanité partagée. Comment, monsieur le ministre, former la communauté scolaire à cet enjeu majeur ?

M. Alexandre Freschi. Ma question sera plus en lien avec l’actualité du moment qu’avec celle du covid ou du post-covid.

Dans son tout récent ouvrage Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école, l’ancien inspecteur de l’éducation nationale, Jean-Pierre Obin, dresse un constat assez alarmant. Il avait déjà alerté sur ces enjeux dans un rapport qui date d’une quinzaine d’années. D’après lui, la situation s’est encore aggravée depuis, en particulier à l’école primaire. Dans le même temps, une étude récente publiée par l’IFOP en marge du procès relatif aux attentats de Charlie Hebdo rapporte que 40 % des enseignants s’autocensurent pour ne pas entrer en difficulté avec leurs élèves.

Si ces atteintes sont dénoncées, que peut et doit faire l’école républicaine pour préserver notre pacte républicain ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Ma question fait écho aux propos de notre collègue Mme Buffet car, monsieur le ministre, la politique de santé scolaire disparaît. Le sujet a été remis à l’ordre du jour avec la crise sanitaire. Des mesures ont certes été engagées depuis trois ans, mais la politique de santé scolaire disparaît, et ses personnels avec. C’est un constat que nous sommes plusieurs députés à partager, que les professionnels partagent et que la Cour des comptes a confirmé en mai dernier, soulignant que « la performance est très médiocre ».

Le même constat sévère et implacable ressort des auditions menées avec l’appui du groupe de travail de santé à l’école. Nous vous en ferons un retour et, peut-être qu’à l’instar de M. Lobech, nous ferez‑vous l’honneur de nous recevoir à la suite de ces travaux. On parle souvent ici d’échec scolaire, d’école inclusive et de maltraitance, on parle plus ponctuellement de harcèlement, de questions sanitaires, de personnels de santé ou de personnels sociaux. Mais, sur ces enjeux, en dehors des bilans de six ans, il n’est généralement que peu question de prévention et d’approche globale de santé. Portez-vous, monsieur le ministre, la volonté de mener une réforme ambitieuse de la santé scolaire dans toutes ses dimensions – sociales, psychiques, environnementales et physiques ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je vais essayer d’être plus concis que précédemment – à la satisfaction générale, je l’espère –, quitte à ce que certaines réponses renvoient à des approfondissements futurs, sachant que, par définition, je suis à la disposition de la représentation nationale sur chacun de ces points.

Vous avez raison, madame Anthoine, de distinguer entre l’élève décrocheur et le semi-décrocheur, c’est‑à‑dire entre ceux dont nous n’avons plus de nouvelles et ceux dont nous n’avons que peu de nouvelles et qui ont, parfois, été très fragilisés par la crise.

Des études commencent à s’affiner. Après les premières estimations réalisées pendant la crise – au cœur de la crise, devrais-je dire, car nous sommes encore dans la crise –, nous disposons de quelques éléments consolidés, dont une étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), assez précise sur ces sujets et à laquelle je vous renvoie.

L’OCDE, aujourd’hui même, a livré une comparaison internationale sur ces questions, avec des appréciations plutôt positives pour la France, relevant nos forces et nos faiblesses, mais insistant malgré tout sur certains de nos atouts.

Nous obtiendrons, au cours des prochains mois, des précisions sur le déroulement de la rentrée. Il sera essentiel de prendre la mesure, d’une part, du retour physique des enfants à l’école, d’autre part, des retards pris par certains. Les évaluations de début d’année scolaire nous seront très utiles pour ce faire. Entre maintenant et la fin de l’année civile, nous disposerons donc d’études supplémentaires. Comme vous le savez, notre DEPP est très outillée pour mener à bien de telles études. La première que j’évoquais est assez précise et confirme les pourcentages que j’avais commencé à donner au cœur de la crise.

Monsieur Kerlogot, je vous remercie de vos propos sur la loi pour l’école de la confiance. Vous remarquiez que les mesures étaient nombreuses. Cela me rappelait certains reproches de vacuité que nous avions entendus de la part de certaines oppositions lors de son examen. Désormais, la critique inverse nous est adressée, dont M. Juanico se faisait, d’une certaine façon, l’écho lorsqu’il soulignait que la circulaire de rentrée était très fournie. Le décret du 5 août nous permet effectivement d’être opérationnels sur la question des seize-dix-huit ans.

Mais votre question portait sur le prérecrutement qui entre dans une nouvelle année. C’est un sujet que nous avons abordé aujourd’hui même lors de la réunion entre les recteurs et le Président de la République. Nous y avons, en effet, évoqué la capacité de renouer avec la très belle tradition républicaine de faire de la fonction professorale un facteur d’ascension sociale et de diversité sociologique – des professeurs en particulier, et des fonctionnaires en général. Nous articulerons cet outil du prérecrutement avec ce que nous avons dit sur le dispositif « Cordées de la réussite » afin de retrouver la capacité à repérer, dès le collège, des enfants capables de se destiner au professorat et à les amener, par un cheminement composé de bourses, de tutorat et de parcours de réussite, à la fonction professorale.

L’an dernier, sauf erreur de ma part, ils étaient 1 500 prérecrutés. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux. Je cite ce chiffre sous contrôle du directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) qui est à mes côtés, mais il me semble que c’est bien cela. En cette rentrée, ils sont 3 000.

La première année nous est apparue satisfaisante dans la mesure où ces prérecrutés ont manifesté leur satisfaction tout comme les établissements qui les ont accueillis, nous confortant dans cette politique. Nous comptons donc la poursuivre et, dans la mesure où nous en sommes capables, je serais partisan d’aller au‑delà de ce nombre de 3 000 prérecrutés annuels et de faire en sorte que ce prérecrutement devienne une voie normale pour accéder à la formation de professeur. Bénéficier pendant ses premières années d’études d’une dizaine d’heures en établissement permet de se familiariser avec les différentes fonctions qui existent dans un établissement scolaire et, ainsi, tester sa vocation tout en gagnant de quoi vivre, en recevant déjà quelque chose qui ressemble à un salaire. Rappelons qu’en cumulant bourse et rétribution liée au prérecrutement, leur revenu peut être de l’ordre de 900 à 1 000 euros. C’est donc un fil que nous pouvons tirer fortement pour mener une politique volontariste et sociale, offrant un élargissement du nombre et de la diversité des candidats au sein de l’éducation nationale.

Monsieur Reiss, à quel montant faisiez-vous référence ?

M. Frédéric Reiss. Cinquante millions d’euros ont été débloqués en faveur des personnes qui ont gardé des enfants pendant le confinement.

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Cet argent est allé aux personnels qui se sont mobilisés en accueillant des 30 000 enfants de personnels soignants pendant le confinement.

M. Frédéric Reiss. La prime a-t-elle été versée aux bonnes personnes ?

M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Oui, nous avons un bilan et nous pourrons vous l’adresser si vous le souhaitez. C’était évidemment ensuite aux rectorats d’en décider. Mais, par exemple, les premiers concernés sont les personnels qui ont été volontaires. Je rappelle que, lorsqu’ils se sont portés volontaires, ils ignoraient encore bien des choses, notamment s’ils seraient payés. Ils l’ont fait bénévolement alors que nous ignorions également tout des caractéristiques de la pandémie. Je tiens donc à leur rendre hommage, comme vous le faites, pour cette très belle action.

C’est ainsi que 38 200 personnes ont touché cette prime à taux plein, que 15 100 personnes l’ont touchée aux deux tiers et 15 100 à un tiers, puisque nous avions prévu dès le début que 33 %, 66 % ou 100 % de cette prime seraient versés en fonction de l’engagement de chacun. À cela, s’ajoute la nouvelle prime de 450 euros à tous les directeurs d’école.

M. Yannick Kerlogot. N’oubliez pas ma question sur le forfait scolaire. Je sollicite votre implication sur l’application de l’article 34 de la loi sur l’école de la confiance, afin que les maires assument le versement du forfait scolaire aux réseaux privés d’enseignement de langues régionales, ce qu’ils ne font pas. L’école Diwan connaît des difficultés.

M. Jean-Michel Blanquer. Je note votre question.

Sur la relation entre sport et éducation, vous avez abondé la question de M. Juanico. Le temps me manque pour dresser un bilan global de cette question, mais je pourrai le faire ultérieurement, d’autant que nous nous situons à un moment charnière. Des actions ont déjà été engagées – je vous ai livré les chiffres des établissements labellisés « Génération 2024 » – mais le meilleur reste à venir. La jonction entre les deux est un événement encore très récent qui portera ses fruits cette année et à la rentrée prochaine.

Sur la question précise que vous avez posée concernant les groupements d’employeurs, il n’est pas question de faire assumer davantage par les collectivités locales le coût de ces dispositifs sportifs. Je ne sais pas d’où vient cette interprétation, mais je tiens à vous rassurer. Nous conduisons des groupes de travail assez approfondi avec les collectivités locales pour avancer sur cette question. Rien ne sera imposé en la matière mais si une collectivité veut s’impliquer davantage, avec nous à ses côtés, il est tout à fait possible d’imaginer des dispositifs volontaires. Mais, je le répète, aucune demande de fonds ne sera imposée aux collectivités.

Les sections sportives continueront bien évidemment à se développer. J’en parlais hier encore avec Tony Estanguet : la perspective de Génération 2024 est d’être un stimulant pour les sections sportives. Dans le cadre de la réforme du lycée, nous prendrons certainement des mesures en faveur du développement de l’EPS.

J’ai déjà répondu aux interrogations de M. Le Bohec sur la mission « promiscuité ». Je n’ai pas grand-chose à ajouter.

Je suis avec un grand intérêt la grande consultation. Elle sera complémentaire d’enquêtes que nous avons menées cette année : l’enquête « professeur » et l’enquête « directeur d’école » notamment nous sont très utiles pour introduire le travail du Grenelle des professeurs. Je suis ouvert à tout ce qui permettra de contribuer au Grenelle des professeurs. J’ai indiqué qu’il s’agissait d’un processus d’interlocution avec les organisations syndicales sur des aspects – qui, parfois, peuvent être assez techniques – d’évolution de la rémunération, mais cela concernera également de nombreux acteurs, dont la représentation nationale, pour prendre en considération le diagnostic que l’on peut dresser de la situation et les améliorations que l’on peut apporter.

Il va de soi que vous êtes plus que bienvenus, ainsi que les autres membres du collectif, dans les groupes de travail et les processus qui se mettront en place. Nous aurons largement l’occasion d’en reparler, mais je vous remercie de cette proposition.

Monsieur Nadot, je vois que le collège Jules-Ferry de Villefranche-de-Lauragais fait l’objet d’une attention particulière. Je m’engage à examiner de près la situation. Il est toujours intéressant de se pencher sur des cas limites qui, parfois, traduisent un éventuel dysfonctionnement. Je ne veux pas m’engager à ce stade. Je sais que le nouveau recteur et le DASEN sont très attentifs aux enjeux d’équité territoriale. Nous nous pencherons sur la question.

En ce qui concerne les ULIS, je rappelle que nous en créons 362 supplémentaires en cette rentrée, y compris dans le second degré puisque l’ULIS dont vous nous parliez est un ULIS du second degré. Cela porte à 9 599 le nombre d’ULIS en France. Nous poursuivons donc notre politique de l’école inclusive et les ULIS se développent, avec les taux d’encadrement favorables qui les caractérisent.

Madame Mörch, merci de ce que vous avez dit, fort justement, sur la Haute‑Garonne et sur le très beau travail accompli par les uns et les autres pour faire face à la situation. C’est l’occasion de rendre à nouveau hommage à notre service public très professionnel ainsi qu’aux acteurs d’arrière-plan de l’action éducative qui permettent que le système fonctionne au jour le jour.

Vous m’avez demandé comment nous nous emparons du plan jeunes. C’est un vaste sujet que ma réponse n’épuisera pas. Ses 6,5 milliards d’euros sont interministériels, répartis essentiellement entre notre ministère, celui de l’enseignement supérieur et celui du travail. La coopération entre ces ministères fonctionne bien, elle n’a pas toujours été aussi forte lors des dernières décennies. L’exemple type de cette coopération interministérielle, ce sont les campus des métiers et des qualifications.

S’emparer du plan jeunes, c’est utiliser les moyens nouveaux pour, par exemple, inciter à l’apprentissage en cette rentrée. C’est également développer les formations en lycée professionnel que j’ai évoquées précédemment. C’est aussi proposer 100 000 services civiques supplémentaires. C’est, de façon générale, utiliser tout ce que nous pouvons dans le plan de relance qui correspond à la jeunesse. Nous aurons l’occasion d’en parler plus largement, mais ce ministère est bien évidemment central dans la priorité jeunesse affichée par le Président de la République.

Monsieur Testé, je vous confirme que 12 500 jeunes en service civique seront affectés dans le premier degré à cette rentrée, soit 2 500 supplémentaires. Nous n’excluons pas d’en affecter davantage, si nécessaire. Un quart des écoles au moins peuvent donc en être bénéficiaires. Lorsque j’avais fait les premières annonces à ce sujet, certains disaient que l’apport d’un service civique n’était peut-être pas si désiré que cela dans les écoles. Je pense que certains directeurs d’école sont, au contraire, très désireux d’en bénéficier. Nous verrons ce qu’il en est dans la réalité. Nous serons particulièrement attentifs à leur affectation dans le premier degré afin qu’ils puissent soulager le directeur – ou la directrice, car il s’agit souvent d’une directrice – dans sa vie quotidienne. Mais nous y veillerons également dans le second degré pour prêter main-forte, par exemple, pour les devoirs.

Les critères d’affectation tiennent surtout aux demandes des responsables du premier et second degrés, sachant qu’un volant de jeunes en services civiques est géré par la direction générale de l’enseignement scolaire. Là encore, le fait d’être un même ministère de la jeunesse et de l’éducation nationale aide à introduire une grande fluidité. Ce sont, il faut le dire, des opportunités pour des jeunes voulant s’engager dans le service civique que de pouvoir contribuer à la vie quotidienne de notre éducation nationale.

Madame Granjus, je rattache votre question relative aux acteurs de la fragmentation identitaire aux questions de M. Freschi, car elles se rejoignent. Comme vous le savez, je suis particulièrement mobilisé sur ces sujets. Le temps manque pour entrer dans les détails mais je dirai, premièrement, que l’édiction de la norme était un point majeur et l’une des premières mesures que nous avons prises. Grâce notamment au travail du Conseil des sages de la laïcité, plus personne ne peut dire que les règles de l’éducation nationale sont floues. Elles sont très claires. C’est vrai pour la norme de fonctionnement interne de l’éducation nationale, c’est vrai également pour ce qui est des enjeux dans la société. Je pense notamment aux règles qui régissent les établissements hors contrat, pour lesquels vous avez voté deux lois importantes : la loi Gatel et la loi pour une école de la confiance.

La norme doit être claire, et je pense qu’elle l’est. Si, d’aventure, quelqu’un pense qu’il en va autrement, la prochaine loi sur le séparatisme pourra être l’occasion de préciser ce que l’on estimerait ne pas l’être suffisamment. Mais, à mon avis, il ne demeure aucune ambiguïté sur la laïcité, la lutte contre le fondamentalisme et ses conséquences sur la société.

La mise en œuvre de cette norme repose largement sur nos équipes « valeurs de la République » des rectorats et sur la capacité d’intervention que nous avons développée ces trois dernières années. En la matière, je suis toujours très attentif aux observations que vous m’adressez sur les réalités de terrain, car nous agissons depuis le ministère par le biais d’une cellule dédiée à cet enjeu pour rétablir ce qui doit l’être chaque fois que nécessaire. Cela dit, il y a aussi ce que disent et pensent les uns et les autres au quotidien, qui se fonde parfois sur les discours que je peux tenir.

Vous avez mentionné l’enquête selon laquelle 40 % des enseignants s’autocensurent. Certains pensent encore que l’institution voudrait cacher les problèmes, ce n’est pas le cas. Personne ne doit se sentir seul face à de tels phénomènes. Je le répète, tout chef d’établissement et tout professeur doivent savoir que l’institution est derrière eux pour les aider chaque fois que de besoin. Un site internet, une adresse mail et des équipes dédiées dans les rectorats sont à disposition.

Vous avez évoqué le récent ouvrage de M. l’inspecteur général honoraire Obin. Je rappelle que j’ai toujours rendu hommage au rapport qu’il avait rendu il y a quelques années. Je n’éprouve aucune réserve à ce sujet. D’après ce que j’ai lu, il reconnaît la politique menée depuis trois ans en la matière. Certes, tout n’est pas parfait dans notre action, mais la pente à remonter est forte, d’autant que des phénomènes de société autour de l’école ne sont pas aisés à endiguer. À mon sens, cette question relève d’une logique globale. De tels enjeux réclament un état d’esprit de rectitude, afin que ne subsiste aucun doute quant à la mobilisation de l’éducation nationale à les relever. Cela passe également par l’éducation civique et morale – et donc l’éducation à la laïcité. Cette problématique sous-tend l’école de la République et ses enjeux s’inscrivent dans nos politiques en faveur de la jeunesse.

En tout cas, nous ne sommes pas impuissants face aux phénomènes de radicalisation et de fondamentalisme qui traversent parfois notre société, et qui sont des phénomènes minoritaires. S’agissant de l’islam, je rappelle toujours que, dans les enquêtes, les musulmans, dans leur grande majorité, disent leur attachement à la République et à la supériorité des valeurs de la République sur la religion. C’est aussi cette catégorie de la population que nous protégeons quand nous luttons contre le fondamentalisme musulman. Peut‑être avons‑nous besoin de canaliser davantage cette énergie pour bien signifier que les valeurs de la République sont particulièrement adaptées aux enjeux d’intégration de l’ensemble de la population. Je ne cesse de le répéter et cela fait partie du message de l’école à ces enfants.

Madame Dubois, vous m’avez interrogé sur le harcèlement scolaire, sujet qui suscite également une très forte mobilisation. Vous avez déclaré, à juste titre, que sa prévention doit intervenir dès le plus jeune âge. Tout est lié : les valeurs de la République sont liées à la lutte contre le harcèlement scolaire, nous renvoyant toujours aux mêmes enjeux : pas de pression sur autrui, pas de harcèlement d’autrui, pas de loi du plus fort. Ce ne sont pas simplement des principes que l’on transmet, mais des valeurs qui doivent être vécues au quotidien.

Cette prévention doit donc s’exercer, en effet, dès le plus jeune âge. Le 4 septembre, trois jours après la rentrée, j’étais à Sèvres dans une école primaire. Je n’y étais pas par hasard puisqu’elle était située à côté de la maison de Gambetta où je me suis rendu en ce 4 septembre. Nous étions donc dans une école voisine qui dispense les programmes que nous prônons de lutte contre le harcèlement scolaire adossés à une série de dispositifs, dont certains sont chers à M. Le Bohec, à savoir des séances d’écoute ou de discussion entre les enfants dès la classe maternelle. D’autres écoles encouragent les séances de méditation, les séances de calme, les séances de discussion, de débat, d’apprentissage de l’argumentation et de lutte contre le harcèlement scolaire. Bref, dans l’enjeu du collectif au sein du système scolaire s’adressant tant aux élèves qu’aux adultes, ces principes doivent, dès l’école maternelle, être transmis, au même titre que les savoirs fondamentaux qui contribuent d’ailleurs également à la lutte contre le harcèlement scolaire.

Ces dispositifs se déploient donc. J’ai eu l’occasion de les présenter en présence de Mme Macron voilà un an, lors des journées que nous consacrons à la lutte contre le harcèlement scolaire. Aujourd’hui, un système de formation des professeurs et d’intervention d’équipes dédiées dans les écoles et les établissements se diffuse. Pour aller dans votre sens, l’école primaire est effectivement particulièrement concernée, même si c’est souvent au collège que le harcèlement scolaire est le plus visible. Notre stratégie commence à se développer et à se concrétiser par de premiers résultats, même si ceux-ci demeurent insuffisants. La politique que nous menons est assez ressemblante de celle de certains pays scandinaves. J’espère bien obtenir des résultats comparables, même si nous le faisons « à la française », si vous me permettez l’expression : certains points sont différents mais, je l’espère, se révéleront efficaces.

En tout cas, je serai amené à en reparler régulièrement tout au long de l’année, parce que notre politique contre le harcèlement scolaire participe de la politique du bon climat scolaire. Cette question me renvoie à celle sur la circulaire de rentrée. Les sujets ne sont pas cloisonnés : lorsque l’on travaille pour le sport scolaire, on travaille contre le harcèlement scolaire, lorsque l’on travaille pour les valeurs de la République, on travaille contre le harcèlement scolaire, lorsque l’on travaille sur les savoirs fondamentaux, on travaille contre le harcèlement scolaire et lorsque l’on travaille sur des pédagogies de projets collectifs, on travaille contre le harcèlement scolaire. Notre capacité à inscrire un bon climat scolaire dans chaque école et dans chaque établissement est au cœur de la politique engagée. C’est le sens de l’école de la confiance. Chacun doit, dès son arrivée à l’école, y venir avec bonheur et confiance. C’est la raison pour laquelle j’insiste sur cette dimension de la rentrée scolaire.

Je rappelle que, parmi les conséquences de la loi pour l’école de la confiance, figure la mise en place du conseil d’évaluation. Ce conseil, qui répond à un engagement du Président de la République lors de la campagne présidentielle, permet d’enclencher dès cette rentrée le processus d’évaluation des établissements de France, par vagues annuelles. C’est ainsi que chaque établissement sera évalué tous les cinq ans au moyen d’auto-évaluations, mais aussi par des équipes dont c’est la fonction. Des parlementaires sont membres de ce conseil, conformément aux discussions que nous avions eues dans l’hémicycle. Parmi les éléments d’évaluation, outre des éléments pédagogiques stricto sensu, figure également tout ce qui relève du climat scolaire. Chaque école et chaque établissement a donc vocation à développer une politique en la matière avec, en son centre et comme résultat, la lutte contre le harcèlement qui deviendra systématique et universelle. Je suis confiant quant à notre capacité à avancer sur le sujet, même si je ne sous‑estime pas le fait que les problèmes sont encore présents et que chaque cas est à étudier avec le plus grand sérieux.

Vous avez raison, madame Tamarelle, les problèmes de santé sont une difficulté structurelle du système depuis de nombreuses années. Nous remontons la pente, peut‑être pas assez rapidement. C’est un sujet qui sera encore sur la table au cours de cette année scolaire, en lien avec le ministère de la santé si nous voulons obtenir des résultats plus rapides. À ce stade de la soirée, je peux vous assurer que je partage pleinement votre diagnostic et vous assure de mon entière volonté de progresser avec réalisme et volontarisme, en lien avec les autorités de santé.

M. Bruno le président Studer. Merci, monsieur le ministre et chers collègues. Merci aux nombreux auditeurs qui, quel que soit le média, ont suivi cette audition de rentrée, forcément riche et dense, avec, monsieur le ministre, une priorité que je veux partager avec vous : conserver le plus possible nos classes et nos écoles ouvertes. J’ai souvent dit, à la fin du mois de juin dernier, face à ceux qui étaient quelque peu sceptiques, que quinze jours dans la vie d’un enfant de trois, quatre ou cinq ans, ce n’est pas rien. À l’échelle de la vie d’un adulte, ma foi, que sont quinze jours ?... Je sais que nous partageons cette préoccupation, et vous nous trouverez à vos côtés pour poursuivre cette politique volontariste au service de nos plus jeunes, qui sont notre promesse d’avenir.

 

La séance est levée à vingt et une heures cinq.

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Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a désigné :

 M. Frédéric Reiss, rapporteur de mise en application sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 3234) ;

 Mme Michèle Victory, rapporteure de mise en application sur le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal (n° 3221).

 

 


Présences en réunion

Réunion du mardi 8 septembre 2020 à 18 heures

Présents.  Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. PierreYves Bournazel, M. Bertrand Bouyx, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Alexandre Freschi, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Florence Granjus, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Sébastien Nadot, Mme Maud Petit, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Frédéric Reiss, Mme Muriel Ressiguier, Mme Cécile Rilhac, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory

Excusés.  M. Pascal Bois, M. Ian Boucard, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, M. Raphaël Gérard, M. Bertrand Pancher, M. Bertrand Sorre

Assistaient également à la réunion.  Mme Delphine Bagarry, M. Paul Molac, Mme Catherine Osson, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe