Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen pour avis du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (n° 2274) (Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis)              2


Mardi
19 novembre 2019

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 17

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président
 

 


  1 

La commission a examiné pour avis le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à léconomie circulaire (n° 2274), sur le rapport de Mme Graziella Melchior.

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite la bienvenue. Nous abordons ce soir l’examen pour avis du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Nous avons été sollicités par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie au fond, pour donner notre avis, avec délégation sur le fond, sur les articles 4 bis A, 4 quater D et 12 G – nous les examinerons en priorité ce soir –, ce qui nous vaut le privilège d’avoir Mme Brune Poirson, secrétaire d’État, avec nous. Au total, nous aurons à examiner quelque 320 amendements, ce qui montre la popularité du sujet.

Par ailleurs, le Règlement de l’Assemblée ayant rejoint nos pratiques, je vous rappelle que, dans le cas d’amendements identiques, sauf exception, nous privilégierons une défense par groupe, avec un seul orateur. Si les autres députés sont présents, leurs amendements identiques seront bien sûr considérés comme défendus et apparaîtront au compte rendu.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, vous avez en effet déjà appliqué avec beaucoup de souplesse ce principe lors de l’examen de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « PACTE ». Le règlement prévoit qu’un amendement identique dans le dispositif et les motifs ne peut être défendu que par un député par groupe. Je me permets de requérir un peu de souplesse, afin de laisser certains ajouter des éléments, de sorte à concilier la nécessaire efficacité de nos débats avec la préservation de notre liberté d’expression.

M. le président Roland Lescure. Nous appliquerons cette méthode comme d’habitude, avec pragmatisme et, espérons‑le, efficacité.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je suis ravie d’entamer le parcours du projet de loi à l’Assemblée nationale avec vous, les députés de la commission des affaires économiques.

Avant toute chose, la transition écologique, c’est une transition économique. Elle dépend de notre capacité à transformer en profondeur nos manières de produire et de consommer. Alors que l’urgence climatique n’a jamais été à ce point d’actualité, il est temps d’adopter un modèle de développement plus sobre en ressources, qui ne pénalise ni notre économie, ni les plus modestes d’entre nous. Nous devons trouver un équilibre qui nous permette de sortir de l’opposition stérile entre la décroissance, dont les premières victimes pourraient être les Français les plus fragiles et les plus précaires, et la croissance à tous crins, celle du profit pour le profit, qui n’est absolument pas durable – il suffit de regarder les chiffres et le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), par exemple. Je crois qu’il existe une troisième voie, celle de l’économie circulaire, qui consiste à découpler la croissance économique de l’exploitation des ressources naturelles. Pour l’économiste Nicholas Stern, c’est cette voie que doit emprunter la croissance de notre siècle. Elle revient à construire un nouveau projet de société, une économie qui a du sens ; à repousser les frontières de l’innovation et de la créativité, pour transformer en profondeur nos modes de production et de consommation. Pour résumer, il s’agirait de passer d’une société du tout jetable à une société du tout réutilisable.

La bonne nouvelle, c’est que la transition a déjà commencé. Les entreprises sont en chemin, comme j’ai eu l’occasion de le constater dans le cadre de l’élaboration de la feuille de route pour l’économie circulaire, qui a précédé l’élaboration du projet de loi et a représenté un large travail de concertation avec l’ensemble des parties prenantes, au premier rang desquelles les collectivités locales, les organisations non gouvernementales (ONG) et les entreprises. Ces dernières savent qu’elles doivent transformer, parfois radicalement, leur modèle d’affaires, si elles veulent continuer à travailler et à répondre aux attentes des Français et de leurs employés. J’en veux pour preuve le pacte national contre le suremballage plastique, que nous avons signé et que nous sommes en train de défendre au niveau européen avant même de voter le projet de loi.

Le socle principal du projet de loi est de lutter contre le gaspillage, qui symbolise l’absurdité des excès du système économique actuel. Je pense à l’interdiction d’éliminer les produits invendus ou de les rendre impropres à la consommation. Aujourd’hui, en France, on détruit cinq fois plus que ce que l’on donne. Chaque année, entre 650 et 800 millions d’euros de produits neufs, en parfait état d’utilisation, sont incinérés ou mis en décharge, alors que 3 millions de Français sont dans une situation de précarité, notamment parce qu’ils n’ont pas accès à certains produits de première nécessité. Il faut lutter contre ces situations absurdes, en favorisant la solidarité et en réduisant la surproduction. Par exemple, 1,7 million de femmes françaises n’ont pas les moyens de s’acheter des protections hygiéniques chaque mois quand, dans le secteur de l’hygiène et de la beauté, le ratio entre la destruction ou le recyclage et les dons est le plus mauvais, avec 91 % de destruction ou de recyclage pour 9 % de dons.

Autre grand principe de la loi : refonder le pacte des filières pollueur-payeur pour participer à la réindustrialisation de la France. Les filières à responsabilité élargie du producteur (REP) ont été créées en 1975, au moment de la dernière grande loi sur les déchets, révisée en 1992. Il faut repenser ce système astucieux, qui impose aux fabricants et aux distributeurs de gérer la fin de vie de leurs produits. Il a fait ses preuves et a d’ailleurs été repris par d’autres pays européens. Historiquement, ces filières ont été pensées pour gérer l’aval. Aujourd’hui, nous voulons qu’elles prennent en considération l’amont, soit la façon dont les produits sont fabriqués. Nous voulons utiliser ce cadre juridique pour fixer aux entreprises des objectifs qu’il nous semble indispensable d’atteindre, en matière de réemploi, de réutilisation, de réparation ou d’éco-conception.

Pour ce qui est des méthodes, nous voulons faire évoluer le système de gouvernance, de sorte que les filières REP soient plus transparentes, plus redevables et plus libres dans leurs choix pour atteindre les objectifs définis par l’État, sans que cela empêche le contrôle. Nous souhaitons, par exemple, créer une filière pollueur-payeur du bâtiment. Nous fixerons des objectifs, en laissant aux entreprises la possibilité de s’organiser comme elles le souhaitent. Nous voulons également structurer des filières industrielles en France, parce que nous devons rester à l’avant‑garde des innovations technologiques et de process. C’est un enjeu de souveraineté pour la France pour ce qui est de la récupération des métaux rares, par exemple. Ce sont aussi des emplois locaux non délocalisables. En plus des quatorze filières REP existantes, nous voulons en créer huit nouvelles, pour les jouets, les articles de sport, les mégots, les lingettes, les filets de pêche ou encore les véhicules hors d’usage. Nous voulons aussi fixer aux filières REP des objectifs d’insertion et de solidarité. Nous voulons également créer un système de traçabilité des déchets, indispensable pour industrialiser le secteur. Je rappelle que l’économie circulaire représente un potentiel de 300 000 emplois.

Troisième pilier : encourager la transparence. La confiance est la monnaie de la transition écologique. Le défi est de donner aux Français les moyens d’agir en faveur de la transition, sans opposer « fin du monde » et « fin du mois ». Je suis convaincue que si on leur donne des moyens, sans les pénaliser, ils feront le choix de l’environnement. Encore faut‑il qu’ils puissent le faire et qu’ils aient accès à l’information le leur permettant. La transparence doit être faite, par exemple, sur l’impact environnemental ou la réparabilité des produits qu’ils consommeront ou encore sur le bon geste de tri à effectuer. Demain, ils pourront consommer en connaissance de cause et participeront, de fait, à l’orientation du marché, grâce aux informations qui leur seront fournies en toute transparence.

Quatrième point important : donner plus de moyens aux collectivités pour renforcer le système public de gestion des déchets. Sans nos collectivités, il n’y aura pas de transition, dont l’échelon pertinent est bien l’échelon municipal. Nous devons leur donner de nouveaux moyens et de nouveaux pouvoirs. En augmentant le nombre des filières REP, on opère un transfert de près de 500 millions d’euros des entreprises vers les collectivités. Par exemple, les dépôts sauvages coûtent entre 350 et 420 millions d’euros aux collectivités locales. Nous devons faire en sorte que la filière du bâtiment prenne aussi ses responsabilités et participe à l’effort en matière de lutte contre les dépôts sauvages aux côtés des collectivités et des maires, qui sont souvent en première ligne – souvenons-nous du drame de Signes cet été. C’est aussi pour cela que nous voulons renforcer le pouvoir de police du maire.

Le texte offre des occasions énormes aux territoires pour développer l’emploi local, le recyclage, l’économie sociale et solidaire, dans les ressourceries ou chez les petits réparateurs. Une tonne de déchets recyclés crée dix fois plus d’emplois qu’une tonne de déchets enfouis. On ne peut pas ne pas donner aux collectivités locales les moyens de développer des solutions pour faire émerger ces emplois.

Un autre point du projet de loi a été beaucoup discuté : la consigne, que j’ai mentionnée pour la première fois en avril 2018 et qui fait l’objet de discussions depuis plusieurs mois. Pas plus tard que la semaine dernière, une concertation a eu lieu au ministère de la transition écologique et solidaire avec le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Vendredi dernier, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a créé des groupes de travail, que nous allons rencontrer en début de semaine prochaine. À ce stade, je voudrais vous faire, non des annonces, mais un point d’étape sur l’état des discussions. Le Sénat nous a envoyé un message. Je souhaite que nous repartions de leur copie. Leur vœu est celui de la consigne pour réemploi, et nous y travaillons. Dans le secteur des emballages, la consigne du verre pour réemploi permet de promouvoir le modèle de demain, moins producteur de déchets, de plastique et de jetable. Mais ce type de transformation ne se décrète pas. Il faut tracer un chemin de transition pour parvenir à dépasser l’injonction et à développer le projet d’une société du réemploi. L’incantatoire n’est pas utile. C’est pour cela que les ONG nous poussent à mettre en place un système mixte permettant de déployer un dispositif destiné à la reprise du verre financé par un système de reprise du plastique.

Le chemin de la transition se définit par plusieurs grands principes structurants, qui reflètent les lignes rouges que nous ont fixées les collectivités. Nous pensons que le plastique à usage unique n’est pas l’avenir et qu’il faut sortir de la société du tout jetable. Le recyclage est une solution de transition, pas une fin en soi, qui doit permettre le déploiement du réemploi.

Premièrement, le plastique doit financer le verre ou un autre matériau durable.

Deuxièmement, le système public de gestion des déchets, tel qu’il fonctionne aujourd’hui, doit être préservé à tout prix. La consigne doit faire partie intégrante du système public de gestion des déchets, en laissant toute latitude aux élus locaux pour décider comment, où et dans quelles conditions la consigne s’applique sur leur territoire. Le Président de la République l’a dit aujourd’hui : rien ne se fera sans les maires. L’extension des consignes de tri et le bac jaune restent plus que jamais d’actualité. La consigne n’est qu’un bac de plus.

Troisièmement, je le répète, rien ne pourra se faire sans les collectivités. Ce sont donc elles qui doivent décider du maillage territorial des points de collecte, en particulier pour s’assurer que nous luttons contre les consignes sauvages qui commencent à émerger et qui tendent à favoriser un modèle sur des parkings de supermarchés.

Quatrièmement, les collectivités ne doivent pas perdre un euro. Tous les investissements seront maintenus et le soutien de l’éco‑organisme Citeo restera inchangé, conformément à la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement dit loi « Grenelle 1 » et à la directive européenne qui vient d’être adoptée.

Cinquièmement, les collectivités peuvent opter pour un système soit directement géré par elles, soit géré par le futur éco‑organisme qui sera en charge de la consigne. Dans tous les cas, c’est l’éco‑organisme qui prendra en charge la totalité des coûts d’investissement et de fonctionnement du système de consigne.

Sixièmement, l’éco‑organisme qui gère la consigne ne peut pas faire de profit. Ce doit être un organisme à but non lucratif. Ainsi, l’intégralité des revenus de la consigne sera réinvestie dans l’infrastructure et le fonctionnement du système de consigne, en particulier pour soutenir les solutions de déploiement du réemploi.

Au‑delà des considérations techniques, il ne faut pas oublier que ce sont les Français qui nous ont demandé de leur proposer un système de consigne, parce qu’ils sont, comme vous tous, choqués de savoir que 200 millions de bouteilles en plastique se retrouvent chaque année dans la nature ou que, sur les quelque 17 milliards de canettes et de bouteilles en plastique utilisées chaque année en France, la moitié seulement est recyclée, ce qui signifie que 7 milliards de canettes et de bouteilles sont brûlées ou mises au fond d’un trou. Si nous voulons progresser dans la collecte et accélérer le réemploi, cela devra se faire avec les collectivités locales.

Le projet de loi vise à transformer en profondeur nos modes de production et de consommation, pour accélérer le passage d’une société du tout jetable à une société du tout réutilisable. Au‑delà d’un simple texte technique, c’est un projet de société que nous défendons, qui vise à donner à chacun les moyens d’aller au bout de ses capacités, pour préserver l’environnement et basculer dans un nouveau système digne des ambitions et de l’urgence du XXIe siècle.

M. le président Roland Lescure. Je vous remercie, Madame la secrétaire d’État, d’avoir mentionné les précisions que vous souhaitiez apporter au système de consigne, qui fait l’objet d’une discussion constante avec les maires et les élus locaux.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie pour votre plaidoyer en faveur de l’économie circulaire. Heureuse coïncidence, nous débutons l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire au cœur de la semaine européenne de la réduction des déchets.

Présenté en conseil des ministres le 10 juillet 2019 et adopté en première lecture au Sénat le 27 septembre dernier, le texte constitue une réponse ambitieuse et pragmatique à la nécessité de revoir nos modes de production et de consommation face aux bouleversements climatiques que nous subissons. L’enjeu est de faire passer notre économie d’un modèle linéaire du tout jetable à une économie circulaire, où le déchet est considéré comme une ressource.

Composé initialement de quatre titres, le projet de loi s’articule en quatre grands axes : améliorer l’information du consommateur ; renforcer la lutte contre le gaspillage ; rehausser la responsabilité des producteurs dans le but de mieux appréhender les déchets, de la prévention à leur gestion ; et enfin assurer la conformité de notre droit avec le droit européen. La France peut et doit montrer l’exemple, comme le prouve le projet de loi. Mais nous devons unir nos forces à l’échelle européenne. Les récentes directives dont le présent texte autorise la transposition montrent que l’Europe est prête à agir sur ces sujets.

Il faut saluer le travail des sénateurs qui ont considérablement enrichi le texte. Deux nouveaux titres ont été ajoutés : le premier prévoit des objectifs ambitieux en matière de réduction des déchets ; le deuxième introduit un arsenal de mesures pour améliorer la lutte contre les dépôts sauvages.

Je tiens à remercier chaleureusement les rapporteures de la commission du développement durable, qui accomplissent un travail considérable. Nous avons pu échanger ensemble de façon très fructueuse. La commission du développement durable a sollicité notre avis au fond sur l’article 4 bis A relatif à l’information du consommateur en matière de garantie légale de conformité, l’article 4 quater D relatif à la lutte contre l’obsolescence logicielle et enfin l’article 12 G qui concerne la traçabilité des déchets du bâtiment. Notre saisine pour avis porte sur l’ensemble du texte. Je voudrais à ce titre souligner qu’en plus des enjeux environnementaux, l’occasion pour les acteurs économiques est de taille et que nous devons capitaliser sur le potentiel de renouveau industriel que le texte peut susciter.

En tant que rapporteure, j’ai travaillé dans un souci permanent pour préserver l’équilibre du projet de loi entre les enjeux écologiques et économiques. Ces deux dimensions ne s’affrontent pas ; je crois, au contraire, qu’elles sont complémentaires. La transition vers une économie circulaire se fera non pas contre mais avec les entreprises. J’ai entendu l’inquiétude de certains de nos industriels sur le texte. Nous devons assurer une transition qui laisse un temps d’adaptation nécessaire. Si certains ajouts du Sénat partent de bonnes intentions, ils ne sont tout simplement pas opérationnels et pourraient avoir un impact démesuré sur notre économie. J’ai aussi entendu le remarquable consensus qui se dessine sur les objectifs globaux que nous cherchons à atteindre avec le projet de loi. C’est déjà une victoire pour le changement de modèle économique que nous souhaitons amorcer.

Le titre Ier du projet de loi comporte plusieurs mesures, pour répondre aux aspirations grandissantes des consommateurs à consommer plus durable. Le renforcement des dispositifs d’information du consommateur aura un effet incitatif sur les producteurs : plus les consommateurs seront informés, plus ils seront sensibilisés à l’impact environnemental de leurs achats et plus les producteurs seront susceptibles de modifier leur processus de production pour répondre à la nouvelle demande.

Avec l’article 1er de la loi, nous créons un dispositif d’affichage de la qualité environnementale des produits. Alors que les Français nous attendent sur ce sujet, les progrès que nous permettons sont considérables. L’information doit être la plus complète possible.

Pour sortir du tout jetable, la réparation doit être valorisée. C’est, là aussi, une attente des citoyens. Le secteur de la réparation fait l’objet d’une attention particulière dans le projet de loi. Je me félicite ainsi tout particulièrement de la création d’un indice de réparabilité. La réparation répond à un triple objectif : favoriser le pouvoir d’achat des ménages ; répondre aux aspirations de la société civile ; faire vivre une filière riche en emplois locaux non délocalisables.

Pour renforcer les droits des consommateurs et promouvoir l’économie de la réparabilité, la garantie légale de conformité constitue un levier considérable. Elle permet à tout consommateur d’obtenir la réparation ou le remplacement de son bien en cas de défaut de conformité, pendant une durée de deux ans. Les leviers pour renforcer son efficacité sont nombreux. J’ai déposé plusieurs amendements en ce sens.

Parmi les défis auxquels nous devons répondre pour assurer une consommation plus durable, l’obsolescence logicielle occupe une place particulièrement importante. Elle désigne le fait, pour un appareil numérique, d’être rendu inutilisable au bout d’un certain temps à cause des mises à jour des logiciels nécessaires à son utilisation. C’est un sujet majeur dont s’est saisi le Sénat. Un premier pas doit être franchi, mais il doit tenir compte de la réalité technique de la notion et du cadre européen.

La prise de conscience des enjeux environnementaux et sociaux contemporains touche les consommateurs et les citoyens, mais elle touche aussi le monde de l’entreprise. La transition vers une économie circulaire ne pourra se faire sans elle. Pour cela, nous devons responsabiliser davantage les acteurs. Le titre II du projet de loi prévoit des mesures pour lutter contre le gaspillage, qui est avant tout un problème de société. Il renvoie au fait que, collectivement, nous surproduisons, nous surconsommons et jetons de façon massive. Il contribue à la crise écologique que nous traversons et représente une véritable aberration économique, tant pour les entreprises que pour les ménages. La destruction des produits est, à ce titre, aussi insupportable qu’incompréhensible. Chaque année, 630 millions d’euros de produits sont détruits. L’article 5 du projet de loi interdit la destruction des invendus. La France se place ici à l’avant-garde en matière de lutte contre le gaspillage des ressources. Nous pouvons d’ailleurs espérer un effet stimulant pour les filières de réemploi et de réutilisation. L’économie circulaire est une boucle vertueuse.

Le sujet du gaspillage alimentaire me tient particulièrement à cœur. Rappelons que ce sont 16 milliards d’euros qui sont perdus chaque année. La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a lancé une tendance qu’il faut aujourd’hui poursuivre. Le rapport d’évaluation que j’ai établi avec mon collègue Guillaume Garot dégage à cet effet plusieurs pistes. Les sénateurs en ont repris certaines propositions. Les dispositions relatives au régime des sanctions en cas de javellisation méritent d’être précisées. L’inscription d’une définition législative du gaspillage alimentaire dans la loi française consoliderait toute la politique publique. L’obligation de conventionnement doit aussi être élargie à de nouveaux acteurs.

Le texte s’attaque, avec le titre III, à la question de la responsabilité élargie des producteurs. Depuis 1975, le principe de la REP a fait ses preuves en faisant considérablement progresser les taux de collecte et de recyclage des déchets. Il concerne aujourd’hui quatorze familles de produits. Ce projet de loi propose d’élargir le champ de certaines REP existantes et d’étendre le principe à de nouvelles filières. Huit REP supplémentaires sont ainsi créées. Ce sera l’occasion d’améliorer la gestion des déchets, mais aussi de stimuler la filière industrielle de gestion des déchets et l’innovation pour créer des matières plus vertueuses.

J’aimerais, à ce titre, dire un mot sur la question de la REP « bâtiment » qui suscite beaucoup de débats. Le volume des déchets générés par le secteur du bâtiment est d’environ 42,2 millions de tonnes chaque année, dont 9,7 millions de tonnes sont des déchets non dangereux non inertes. Leur taux de valorisation se situe à moins de 50 %. Les problèmes des déchets sauvages et de la saturation des centres de collecte concernent, quant à eux, tous les déchets du bâtiment. Nous devons améliorer la traçabilité et la gestion des déchets du bâtiment. Le projet de loi comprend de nombreuses mesures qui vont dans ce sens ; ne revenons surtout pas en arrière.

Dans le texte, nous faisons évoluer le curseur des REP, afin de prendre en compte la question des déchets dans leur globalité. L’enjeu est, certes, de mieux gérer les déchets, mais nous devons désormais accorder une place plus grande à l’éco-conception : le meilleur déchet est encore celui que nous ne produisons pas. La généralisation d’un système ambitieux de « bonus‑malus », selon les caractéristiques environnementales, permettra d’envoyer les bons signaux aux producteurs : nous récompensons les vertueux et incitons les autres à s’engager dans la transition.

Pour finir, le texte prévoit la création d’une consigne. Si la plupart de ses mesures font consensus, celle‑ci suscite de nombreuses craintes, que j’ai bien entendues, mais elle est nécessaire pour parvenir à nos objectifs. Nous devrons atteindre d’ici à 2029, un taux de collecte de 90 % des bouteilles en plastique, ce qui est impossible en l’état actuel du système. En 2017, ce taux est estimé à 57 % en France métropolitaine. Certaines collectivités, notamment la Bretagne, sont bonnes élèves, mais nous sommes encore loin du compte. Regardons ailleurs en Europe et dans le monde : la consigne est un levier indispensable pour passer un nouveau cap en matière d’efficacité dans la collecte et le recyclage. Elle représente également une chance économique. C’est l’occasion de faire émerger une offre de qualité du plastique recyclé français, alors que le marché est confronté à un problème d’offre. Cela étant, je suis, bien évidemment, sensible aux craintes exprimées par les collectivités. La consigne a vocation à se faire avec elles. Les collectivités jouent un rôle primordial dans la gestion des déchets.

Toutes ces propositions doivent contribuer à transformer notre modèle économique, aujourd’hui en pleine mutation sous l’effet de la prise de conscience générale de l’urgence écologique et du changement des comportements. Le renforcement de l’information du consommateur répond à l’aspiration, exprimée par les citoyens lors du grand débat national, à une production raisonnée, réfléchie et davantage respectueuse de l’environnement. L’offre économique est en train de s’adapter à cette nouvelle demande. À nous, législateurs, d’accompagner cette tendance en appelant les acteurs à relever les défis qui leur sont proposés, pour en finir avec un modèle linéaire qui a montré ses limites et aller vers une économie ayant davantage de sens.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Le sort de nos déchets est certainement devenu un projet de société ; en tout cas, il est devenu une affaire collective qui intéresse aussi bien les consommateurs que nos entreprises et nos élus.

C’est vrai pour les producteurs d’abord, la France étant le pays où il y a le plus de filières REP. C’est vrai aussi pour les collectivités, dont les systèmes de collecte, de tri et de traitement des déchets ne cessent de se moderniser. Leurs questionnements vis-à-vis du projet de loi attestent de l’importance qu’elles portent à ce sujet. C’est vrai encore pour les recycleurs, qui s’ajustent à des flux en constante augmentation et à la conjoncture mondiale qui a particulièrement affecté cette année la filière du papier carton et du plastique. C’est surtout vrai, enfin, pour les consommateurs, qui sont chaque jour plus nombreux à adopter les gestes de tri pertinents et à modifier leurs habitudes, parfois même leur mode vie, afin de réduire l’empreinte environnementale de leur consommation. Il en faut pourtant parfois peu pour réduire ces efforts à néant.

Alors que les consommateurs cherchent à faire au mieux pour l’environnement, ils sont parfois induits en erreur ou embrouillés par nos signalétiques de tri, par les couleurs de nos poubelles qui changent selon les régions. Les articles 1er et 3 ont donc pour objet de clarifier ces informations et de les rendre plus accessibles.

Alors que les téléphones, tablettes, ordinateurs, réfrigérateurs et autres machines à laver pourraient encore fonctionner plusieurs années, les citoyens les jettent à la première défaillance, la faute à un système où la réparation coûte parfois plus cher que l’achat d’un appareil neuf. Les articles 2 et 4 visent à renforcer l’information sur la réparabilité et l’accès aux pièces détachées et l’article 8 tend à créer un fonds de réparation qui permettra de soutenir l’activité des réparateurs et de la rendre plus abordable.

Si les ménages adoptent le bon geste de tri en jetant leur bouteille de polytéréphtalate d’éthylène (PET) dans le bac jaune, quand celui-ci existe, cette bouteille ne pourra pas être recyclée, car mélangée et salie par les autres produits de la poubelle. Cette situation aberrante fait que nos producteurs sont obligés d’importer du PET recyclé depuis les pays voisins, alors que nous ne savons pas quoi faire de notre gisement de bouteilles plastiques. Le groupe La République en Marche soutiendra donc la création d’un système de consigne pour le recyclage, conformément à l’esprit initial du texte avec les évolutions que Mme la secrétaire d’État a rappelées tout à l’heure.

Les collectivités s’investissent pour garder nos villes et villages propres et gérer au mieux les déchets en modernisant les centres de tri et de recyclage, et pourtant les dépôts sauvages se multiplient. Comment continuer de demander aux ménages, surtout aux riverains de ces dépotoirs, de mieux gérer leurs déchets quand ceux du bâtiment, qui remplissent les dépôts sauvages et représentent 70 % du gisement en France, sont tout simplement abandonnés dans la nature ? L’article 8 prévoit de créer une filière REP pour les déchets du bâtiment afin d’organiser un système national de collecte, et l’article 12 AA et suivants prévoient de prévenir et de mieux sanctionner les déchets sauvages.

Ce projet de loi a pour objectif de faire tomber les barrières qui font de la France une nation encore loin du compte, quoi qu’on en dise, en matière de gestion des déchets, et ce malgré l’étendue des efforts déjà consentis par l’ensemble de notre société.

Il est aussi l’occasion de changer de paradigme tout en soutenant l’économie, une économie plus verte, plus durable et en même temps créatrice d’emplois. Mme la secrétaire d’État a parlé de réindustrialisation de la France, d’innovations, d’emplois non délocalisables dans l’économie sociale et solidaire et l’insertion par l’activité économique, et d’une économie moins dépendante des matières premières et recyclées étrangères.

La commission a été saisie pour avis sur l’intégralité du texte. Bien évidemment, le groupe La République en Marche présentera plusieurs amendements relatifs à la transparence des éco-organismes et à la création d’un dispositif d’accompagnement pour les entreprises touchées par la politique de gestion des déchets. Nous sommes éminemment favorables à ce projet de loi.

Concernant la délégation au fond, nous accordons pleine confiance à notre rapporteure, qui proposera plusieurs amendements de réécriture des mesures issues du Sénat.

M. Sébastien Leclerc. Ce texte est important parce que les enjeux écologiques sont de plus en plus prégnants dans notre société et que les modalités d’une fiscalité punitive sont désormais difficilement admises dans notre pays.

Le coût de la compétence de gestions des déchets, qui est le plus souvent portée au niveau intercommunal, est aujourd’hui un sujet d’inquiétude pour les élus. En raison de la hausse exponentielle de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), les contribuables se verront demander d’augmenter leur contribution à ce service des déchets alors que, jusqu’à présent, dans de nombreux endroits, le principe selon lequel les efforts paient permettait de tenir cette fiscalité pour peu que le tri des déchets s’améliore d’année en année. Ce projet de loi risque de tout bouleverser.

Dans sa version initiale avant son examen au Sénat, le texte prévoyait la consigne sur les bouteilles plastiques. Cette disposition aurait inévitablement eu pour conséquence de déstabiliser le modèle économique de budgets des collectivités en manière de gestion des déchets en diminuant le montant des recettes générées par la récupération puis la valorisation des plastiques recyclés. Au-delà, le mécanisme de déconsignation nécessaire à la récupération de la consigne doit, lui aussi, avoir un coût en investissement à la charge du gestionnaire de cette compétence ordures ménagères. Avec cette consigne sur les bouteilles plastiques, vous suivez une logique de privatisation des profits et de collectivisation des pertes. Les sénateurs ont eu la sagesse de neutraliser ce dispositif. Je demeure convaincu qu’il y a d’autres leviers à actionner dans ce domaine des déchets pour encourager le recyclage plutôt que celui de la consigne, dont l’instauration pourrait avoir pour conséquence de déstabiliser la filière traditionnelle du recyclage.

Je vous solliciterai, Madame la secrétaire d’État, pour un accompagnement des collectivités sur des projets inventifs en matière de réduction des déchets ménagers collectifs. Il faudrait accompagner ces collectivités ou les mettre simplement à l’honneur.

Vous avez dit qu’il fallait modifier nos habitudes du tout jetable. Peut-être pourriez-vous changer les vôtres en évitant d’utiliser un stylo jetable…

En conclusion, nous sommes évidemment favorables à ce projet de loi qui apporte une réponse aux attentes importantes de nos concitoyens.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Nous avons tous en tête des images de déchets flottant au milieu de l’océan – 8 millions de tonnes s’y déversent tous les ans –, du triste état des forêts sur tous les continents – 83 % d’augmentation des feux de forêts cette année –, de dépôts sauvages dans nos champs – plus de 1,5 million de tonnes en France – ou encore d’inondations à répétition dans nos territoires. C’est en ayant à l’esprit ces réalités que nous devons agir : les périls climatiques requièrent des mesures concrètes.

Le présent projet de loi comporte plusieurs mesures figurant dans la feuille de route présentée au mois d’avril dernier. Il a pour objectif principal de passer d’une économie linéaire dans laquelle nous produisons, consommons et jetons, à une économie circulaire dans laquelle la consommation de matières premières est limitée, le cycle de vie des produits est prolongé et les déchets deviennent une richesse.

Dans le contexte où nous vivons, ce texte est particulièrement bienvenu. Il permettra, non seulement de mieux valoriser nos ressources, mais également de soutenir le développement économique de nos territoires. C’est une thématique chère au groupe du Mouvement démocrate et apparentés, que nous souhaitons pousser plus loin encore.

En cette période sans précédent où les jeunes se mobilisent pour la lutte contre le changement climatique, nous devons être à la hauteur de leurs espérances. Des efforts sans équivoque doivent être engagés afin d’enclencher de nouveaux modes de production et de consommation durables et acceptés par tous. En somme, nous devons mobiliser équitablement et de manière incitative les consommateurs, les services publics et les entreprises.

Tous les acteurs et parties doivent être associés à la redynamisation circulaire dans nos territoires. Les collectivités territoriales ne doivent pas être oubliées, qui se situent au premier plan dans la collecte du tri et le traitement des déchets. La France produit chaque année quelque 320 millions de tonnes de déchets, et le gaspillage alimentaire représente 29 kg par personne et par an. Moins d’un quart du plastique utilisé est recyclé en France – un bien mauvais score au regard de la moyenne européenne qui se situe autour de 35 %. Sachant que la production mondiale des déchets plastiques pourrait augmenter de 41 % d’ici à dix ans, il importe que nous puissions trouver ensemble des mesures pour lutter contre les microplastiques ou les substances reconnues comme perturbateurs endocriniens.

Nos concitoyens sont de plus en plus conscients de la nécessité d’agir. Nous voulons que des moyens concrets soient mis à leur disposition au travers d’informations fiables et claires. C’est dans ce sens qu’un amendement de mon groupe a été déposé visant à supprimer l’article 4 bis A. Si le fond de cette démarche mérite d’être reconnu, il ne faut pas imposer aux consommateurs une information confuse et incomplète qui viendrait brouiller les messages.

En revanche, dans un souci de transparence et de responsabilisation que vous avez évoqué, Madame la secrétaire d’État, il serait souhaitable que les citoyens soient pleinement informés du coût de l’enlèvement de leurs ordures ménagères, ce qui n’est pas le cas partout.

Par ailleurs, je souhaite plaider une nouvelle fois en faveur d’une incitation à valoriser les matières réutilisables, notamment le papier. Loin des idées reçues, le papier est une matière naturelle issue de la cellulose du bois, en particulier des résidus – les morceaux nobles sont utilisés pour l’ameublement. Le papier est donc vertueux au regard de l’environnement et de l’empreinte carbone. Le taux de recyclage du papier est de 59 % et il a jusqu’à six vies, c’est-à-dire qu’il peut être recyclé jusqu’à six fois, tandis que celui des équipements numériques est de 12 % seulement. Savez-vous qu’un courriel équivaut à 150 feuillets de format A4 ? En outre, vous conviendrez qu’il est nettement plus facile de recycler un feuillet de format A4 qu’un serveur. Plus on consomme de papier, plus on a besoin de planter des arbres, et plus on plante d’arbres plus on capte le carbone. La forêt française a doublé en deux cents ans : autant de raisons de ne pas bouder le support papier qui peut être fabriqué à proximité.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ce projet de loi a été présenté par le Gouvernement comme un des textes fondateurs de l’acte II du quinquennat. Composé, dans une première version, de six articles jugés grandement insuffisants par le Conseil national de la transition écologique au mois de janvier dernier, le texte déposé sur le bureau du Sénat en comptait finalement treize. Son objectif principal était de transposer en droit français les derniers textes européens sur le sujet, notamment le paquet « économie circulaire », ainsi que les mesures de la feuille de route de l’économie circulaire, présentée au mois d’avril 2018 par le Premier ministre, M. Édouard Philippe, et par vous-même, Madame la secrétaire d’État.

La réforme de la responsabilité élargie des producteurs, dispositif inspiré du principe pollueur-payeur, constitue un des éléments phares de ce projet de loi. Le Gouvernement considère que la REP n’est plus adaptée aux enjeux actuels de la gestion des déchets et qu’il faut créer une obligation d’incorporation de matières recyclées dans certains produits, faire évoluer le système du bonus-malus appliqué aux produits soumis à une REP, valoriser l’éco‑conception, le réemploi et l’économie sociale et solidaire, et étendre la REP à de nouveaux produits. Ce sont autant d’objectifs que nous soutenons, bien évidemment, et pour lesquels nous formulerons des propositions d’amendements qui, dans la continuité des sénateurs socialistes, viseront à préciser et améliorer les dispositions adoptées au Sénat.

Votre texte fait également de la lutte contre le gaspillage une priorité affichée, la mesure phare dans le domaine étant l’obligation de réemploi, de réutilisation ou de recyclage des invendus non alimentaires. Il s’agit là d’une forme d’hommage au travail mené par notre collègue Guillaume Garot sur les invendus alimentaires, que nous ne pouvons que saluer et soutenir.

Les débats autour de cette loi ont été jusqu’ici constructifs, et nous souhaitons vivement qu’ils le demeurent. Puisse également la recherche de concertation avec les groupes parlementaires d’opposition que vous avez engagée ne pas se limiter à ce texte et faire jurisprudence auprès de vos collègues du Gouvernement ! Avec plus de 200 amendements adoptés et de nombreux articles additionnels, le Sénat a significativement amélioré le projet de loi et nous espérons que nombre des avancées seront maintenues à l’issue de nos débats. Je pense à l’inscription dans la loi de l’objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici au 1er janvier 2025, à la lutte contre l’obsolescence logicielle, à l’introduction de sanctions applicables à la destruction des invendus non alimentaires ou encore à l’interdiction de toute publicité incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou leur réutilisation.

Certains amendements particulièrement ambitieux ont néanmoins été rejetés et seront redéfendus par notre groupe, notamment sur l’obligation d’affichage de la durée de vie des produits, la lutte contre le suremballage, l’allongement de la durée légale de conformité, l’interdiction de certains prospectus publicitaires, la création de nouvelles filières REP ou encore l’interdiction de certains emballages individuels.

Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra également des amendements de notre collègue Guillaume Garot sur le volet gaspillage alimentaire, dans la continuité du rapport d’application de sa loi.

Enfin, la mesure la plus médiatisée du projet de loi est la réinstauration d’un système de consigne, que le Gouvernement souhaiterait axer principalement sur le recyclage des bouteilles en plastique pour lesquelles l’Union européenne a fixé un objectif de recyclage de 90 % d’ici à 2029. Nos collègues sénateurs, qui ont souligné l’absence d’étude d’impact sur ce point, craignent que la consigne des bouteilles plastiques ne vienne légitimer l’usage de ce matériau et verdir son image. Ils pointent aussi le coût pour les citoyens et le manque à gagner des collectivités, estimé à 240 millions d’euros au moins par an qui ne seraient que partiellement compensés par Citeo. Nous comptons sur vous, Madame la secrétaire d’État, pour répondre à ces interrogations durant nos débats, que nous engageons, pour notre part, dans un esprit positif et constructif.

M. Olivier Falorni. Je commencerai mon intervention en rappelant la définition très claire de l’économie circulaire qui figure dans la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte : « La transition vers une économie circulaire vise […] par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets ». Il semblerait que vous n’ayez prêté, dans le présent projet de loi, qu’une attention très relative à cette hiérarchie ainsi instaurée. De fait, le texte que vous nous avez présenté le 10 juillet dernier s’attache avant tout à la gestion des déchets. Certaines mesures de bon sens, telles que l’interdiction de l’élimination des invendus des produits non alimentaires ou la création de nouvelles filières REP sont, à cet égard, éloquentes. Si elles étaient nécessaires, elles auraient gagné en pertinence en étant accompagnées de propositions visant à limiter notre utilisation des ressources. Aussi je regrette que la dernière grande loi du quinquennat sur l’environnement manque une occasion d’interroger notre modèle actuel de consommation linéaire.

Je constate également que certaines mesures, notamment la consigne pour les bouteilles, servent d’affichage et cristallisent les débats. Pourtant, si la question de la gratification du tri des bouteilles plastiques et en verre est importante, elle ne concerne qu’une part infime de nos déchets et ne devrait pas nous faire perdre de vue que les enjeux sont ailleurs. Fort heureusement, et là où nous ne les attendions pas, nos collègues sénateurs ont su effectuer un travail considérable de verdissement du texte et redonner à ce projet de loi l’ampleur qu’il méritait. Ils ont fixé des objectifs ambitieux de réduction des déchets, mené la lutte contre les emballages à usage unique, favorisé l’émergence du vrac ou encore clarifié l’information à destination des particuliers. Ce sont autant de mesures que le groupe Libertés et territoires soutient.

Les sénateurs sont également à l’origine de l’ajout de trois articles dont notre commission est saisie aujourd’hui. L’article 4 bis A impose au vendeur professionnel d’indiquer sur le reçu de facturation que l’achat d’un produit s’accompagne d’une garantie légale de conformité sans surcoût pour les acteurs privés. Cette mesure permet d’améliorer l’information du consommateur et reçoit, à ce titre, notre soutien.

À l’article 4 quater D, l’introduction d’une garantie logicielle permet de lutter contre l’obsolescence programmée. Rappelons que nos téléphones sont parmi les produits les plus polluants et les moins écologiques, et qu’il est essentiel d’en limiter la production excessive.

Enfin, l’article 12 G propose que les modalités d’enlèvement et de gestion des déchets générés ainsi que les coûts associés soient mentionnés dès la réalisation des devis relatifs aux travaux de construction, rénovation et démolition. Nous craignons que cette disposition n’introduise une rigidité excessive dans la gestion des déchets des bâtiments et qu’elle ne soit tout simplement pas réaliste.

Je conclurai en rappelant l’attachement du groupe Libertés et territoires à la question de la prévention des déchets, point de départ de mon intervention sur la hiérarchie établie par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. J’espère sincèrement que nous n’oublierons pas, au cours de la discussion, que là est le réel enjeu de ce texte et de notre politique à venir.

M. François Ruffin. On a eu le développement durable, on a eu la croissance verte ; voici venu le temps de l’économie circulaire. C’est du green washing – du bidon, en français. Il n’y a pas d’économie circulaire.

Nous possédons tous cet objet du quotidien qu’est le téléphone portable – certains ici en ont peut-être même plusieurs. En France, il s’en vend chaque année 25 millions, et on change de téléphone en moyenne tous les six mois à deux ans, alors que 88 % des appareils fonctionnent encore. Cela signifie que l’obsolescence est non pas technique ou logicielle, mais sociale : on a le sentiment d’être largué si on n’a pas le iPhone 11 qui vient d’arriver, comme le proclament tous les médias. Avant, on attendait le retour du Christ, maintenant on attend le nouvel iPhone. Voilà notre horizon !

Pourtant, ce petit objet que nous avons tous dans nos poches a des conséquences écologiques. Un petit machin comme ça, c’est 70 kg de matières premières – 2 millions de tonnes pour la France. Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, l’UNICEF, les métaux très rares qui entrent dans sa composition, comme l’indium, le gallium et le germanium, sont extraits par 40 000 enfants qui travaillent dans les mines. L’opération de fabrication en Chine, par Foxconn, implique aussi des enfants, dont la moitié a moins de 16 ans. L’extraction, la fabrication et le transport comptent pour 90 % dans l’empreinte écologique. Le reste, c’est un vaste non-recyclage puisque 15 % des produits sont récupérés, mais sans doute moins de 10 % sont véritablement traités. Pour ce qui est des métaux rares, les rapports du programme environnemental des Nations unies en estiment le recyclage à moins de 1 %.

Du coup, je rejoins mon collègue Olivier Falorni sur l’idée que la solution se trouve en amont : prévenir avant de produire, lutter contre l’idéologie circulaire qui consiste à produire plus pour consommer plus, pour produire plus pour consommer plus, pour produire plus pour consommer plus… tel un hamster dans sa roue.

Comment sortir de cette idéologie circulaire s’agissant du téléphone portable ? Par exemple, en en finissant avec le leasing, en cessant d’inciter en permanence les consommateurs à changer d’appareil tous les six mois, un an ou deux ans. Il faut détacher la valeur fonctionnelle de l’objet d’une valeur sociale. Avant – et c’est encore un peu le cas –, c’était la voiture qui associait le prestige à une valeur fonctionnelle, le déplacement ; aujourd’hui, le téléphone portable a pris le relais. Comment disjoindre les deux ? En interdisant la publicité sur ces objets ! En limitant la communication à de l’information, à des comparatifs expliquant ce qu’un nouveau modèle nous apporte vraiment et si cela vaut le coup de le remplacer juste pour changer de prise. Prévenir avant de produire, répandre ainsi l’idée que le bonheur est ailleurs désormais, non plus dans ces petits biens, mais dans les liens. Il faut rompre avec la publicité, et non prôner, même si vous le faites avec conviction Madame la secrétaire d’État, une économie circulaire qui répond à la logique du Guépard : tout change pour que rien ne change.

Mme Delphine Batho. Monsieur le président, vous avez pris une excellente décision en interdisant, dans cette commission, l’usage des bouteilles d’eau en plastique, qui perdure malheureusement dans certaines commissions. Vous n’avez pas décidé d’instaurer un système de consigne des bouteilles en plastique, vous avez décidé d’interdire ces petites bouteilles. C’est là, dans ses fondements, que réside le problème de ce projet de loi : il traite du recyclage, mais ne vise pas à interdire, par exemple, la commercialisation des bouteilles en plastique en France.

Madame la secrétaire d’État, sur quelles bases scientifiques vous appuyez-vous pour parler de découplage ? Le découplage, ça n’existe pas puisque la croissance du produit intérieur brut (PIB) est fondée sur la consommation d’énergie et sur la consommation de matières. Et celle-ci explose. On explose les limites planétaires. Le mythe – j’allais dire la religion – selon lequel on pourrait poursuivre la croissance économique tout en réduisant la consommation d’énergie ou de matières est faux.

Sur quelles données scientifiques vous appuyez-vous pour dire qu’une politique de décroissance de la consommation de matières et d’énergie serait dramatique pour les plus fragiles ? Ceux-là sont déjà, aujourd’hui, dans une sorte de sobriété contrainte, et le consumérisme, la société du gâchis, n’est pas le modèle dans lequel vivent les gens qui ont les pieds sur terre.

Notre problème, c’est que l’on consomme trois planètes par an. Il faut organiser de toute urgence un retour au réel, autrement dit revenir à une empreinte écologique neutre, respecter les limites planétaires et donc organiser une décroissance volontaire. Si on ne le fait pas, on va au devant de chocs et d’effondrements, car la planète a des limites physiques. Une croissance infinie dans une planète finie n’est pas possible. Baser ce projet de loi sur le découplage revient à dire que tout y est faux.

M. le président Roland Lescure. Comme j’ai été directement pris à partie,…

Mme Delphine Batho. Non, vous avez été félicité !

M. le président Roland Lescure. … je voudrais préciser la logique que j’ai suivie. Certains d’entre vous, dont M. François Ruffin, avaient proposé, dans le cadre de la discussion de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM », d’interdire les bouteilles en plastique à l’Assemblée nationale. Pour ma part, je n’ai rien interdit ; rien ne vous empêche de venir en commission avec une bouteille en plastique.

Mme Delphine Batho. Vous avez mis fin à un usage.

M. le président Roland Lescure. J’ai demandé à l’Assemblée nationale de ne plus proposer ici de bouteilles en plastique, et j’ai payé à tous, sur mes propres deniers, une gourde réutilisable, dont je constate qu’elle n’est pas très présente sur les tables.

M. François Ruffin. Elles se cassent !

M. le président Roland Lescure. Je vous ai donc fourni les moyens de recycler et de réutiliser, et j’ai fait installer – j’ai dû me battre pour cela – une fontaine juste à la sortie de cette salle. Finalement, sans beaucoup de coercition, on arrive au résultat qu’il n’y a plus de bouteilles en plastique. Cela montre qu’on peut faire autre chose qu’interdire : on peut responsabiliser, donner les moyens.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je perçois dans vos interventions une envie collective d’aller de l’avant pour transformer et changer notre modèle, et pour passer d’une société du tout jetable à une société du tout réutilisable, du tout réemployable. Pour cela, il faut que nous sortions de l’incantation. Que l’objectif soit le réemploi, qu’il faille aller vers la prévention des déchets, vers un système économique qui fonctionne sur des bases différentes, il ne suffit pas de le dire ; il faut s’en donner les moyens, dessiner un chemin. La difficulté de la transition écologique, c’est de déterminer comment mettre en œuvre ce changement, comment sortir de l’absurdité qui conduit à changer d’objet ou de produit trop fréquemment. Ce projet de loi entend participer à un élan vers la création d’un nouveau projet de société, ou du moins d’une société qui a beaucoup plus de sens. C’est notre projet de loi à tous.

La commission en vient à lexamen des articles délégués au fond.

Article 4 bis A (article L. 111 1-1 [nouveau] du code de la consommation) : Information du consommateur sur la garantie légale de conformité

La commission examine les amendements de suppression CE226 de M. Max Mathiasin et CE237 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

M. Max Mathiasin. L’amendement CE226 vise à supprimer l’article 4 bis A, dans un souci de clarté. Outre que la notion de « reçu de facturation » n’a pas d’existence commerciale, comptable ou juridique, la garantie légale est obligatoire. C’est un droit du consommateur fixé par la loi, que tout vendeur doit respecter. Il est donc superflu de le mentionner.

M. Nicolas Turquois. Trop d’informations tuent l’information. La mention de la garantie légale de conformité nous semble superflue, et d’autant plus inutile que la durée n’en est pas précisée.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Je comprends la motivation de ces amendements. Il importe néanmoins d’améliorer l’information des consommateurs sur la garantie légale de conformité. C’est pourquoi nous devrons retravailler ce sujet majeur d’ici à la séance publique. Avis de sagesse.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Ajouter une mention supplémentaire sur le reçu de facturation poserait des difficultés tant techniques qu’informatiques au vendeur, d’autant que cette mention s’appliquerait à tous les produits, même les plus courants, pour lesquels le reçu de facturation n’est pas nécessairement imprimé.

De plus, cette information est déjà disponible dans les conditions générales de vente, qui sont obligatoirement accessibles aux clients, et qui, pour les achats importants, figurent la plupart du temps au dos des factures. Plutôt que d’alourdir le support papier d’une information souvent connue du consommateur, il serait préférable de prendre des mesures qui ont un impact réel sur la durée de vie des appareils et sur la garantie fournie au consommateur. Je reviendrai d’ailleurs sur ce point par la suite.

Je donnerai donc un avis favorable à ces amendements identiques, en souhaitant que, d’ici à la séance publique, nous puissions réfléchir ensemble à un mécanisme efficace et concret, garantissant la totale information du consommateur. Souvent, en effet, ce dernier n’a pas suffisamment conscience de ses droits.

M. Matthieu Orphelin. J’avais également déposé un amendement visant à préciser la rédaction du Sénat, car la garantie légale est encore trop peu connue des consommateurs. Les conditions générales de vente, dans lesquelles elle est précisée, ne sont souvent pas lues. Certes, une inscription sur le ticket de caisse n’était peut-être pas la solution idéale. Comme Mme la secrétaire d’État l’a dit, nous devons profiter du temps qui nous reste d’ici à la séance publique pour trouver le moyen de rendre davantage de consommateurs conscients de cette garantie légale de deux ans. Nous participerons volontiers à une réflexion collective sur ce sujet.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, larticle 4 bis A est supprimé, et les amendements CE339, CE255 et CE146 nont plus dobjet.

Après larticle 4 bis A

La commission est saisie de lamendement CE147 de M. François Ruffin.

M. François Ruffin. Dans l’article qui vient d’être supprimé, nous souhaitions préciser que la garantie légale de conformité était de deux ans sur les produits neufs. Cet amendement s’inscrit dans ce qui est une démarche de sortie du modèle d’obsolescence programmée en assortissant de sanctions l’absence de la mention d’une garantie légale. Sans ces sanctions, il serait très facile de s’affranchir de cette mention obligatoire.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Votre amendement est satisfait par l’article L. 131-1 du code de la consommation, qui prévoit déjà les sanctions applicables en cas de non-information du consommateur : jusqu’à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Le champ législatif consacré aux pratiques commerciales trompeuses est suffisamment large pour y inclure les contentieux liés au non-respect de la garantie légale de conformité. C’est déjà le cas dans la pratique. Avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Même argumentaire.

M. François Ruffin. Peut-être faudrait-il taper encore sur le clou. Les enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) constatent des défauts d’information concernant les garanties dans 62 % des établissements visités. Il faut donc avancer, et lier le non-respect de l’obligation à une sanction. Aujourd’hui, c’est plutôt le respect de la règle qui fait figure d’exception.

La commission rejette lamendement.

La commission examine lamendement CE148 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Il s’agit de donner la possibilité au vendeur, par exemple la grande distribution, de se retourner contre le fabricant, lorsqu’un produit ne fonctionne plus, ce que prévoit le droit européen : « lorsque la responsabilité du vendeur est engagée à l’égard du consommateur du fait d’un défaut de conformité […], le vendeur a le droit d’exercer un recours contre la [personne responsable] ou les personnes responsables intervenant dans la chaîne de transactions ».

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Comme vous le soulignez dans votre exposé sommaire, les dispositifs d’action récursoire, garantis par le droit européen, permettent déjà au vendeur de se retourner contre les fabricants. Prévoir une automaticité de responsabilité du fabricant vis-à-vis du vendeur porterait une atteinte disproportionnée au principe de liberté contractuelle et serait contraire au droit européen.

Je vous renvoie à la directive 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, qui devrait être transposée en 2020. Avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Une directive européenne prévoit des mesures claires sur cette question. Elle confère au vendeur, qui est en contact direct avec le client, la responsabilité de la garantie légale de conformité. Le texte sera transposé dans le droit français au premier semestre 2020. Votre amendement allant au-delà de la directive, j’y suis défavorable.

M. François Ruffin. Il est rare que le groupe La France insoumise soit en avance sur la transposition d’une directive européenne ! (Sourires). Je ne crains pas, même, d’aller au-delà en posant comme principe que le vendeur peut se retourner contre le fabricant, si cela permet de lutter sérieusement contre l’obsolescence programmée.

La commission rejette lamendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE152 de M. Dino Cinieri et CE184 de M. Dominique Potier.

M. Dino Cinieri. Pour inciter les producteurs à mettre sur le marché des produits plus durables et pour protéger les consommateurs de pratiques visant à réduire la durée de vie des produits, l’amendement CE152 vise à allonger à dix ans la garantie légale de conformité, qui est aujourd’hui de deux ans.

M. Serge Letchimy. S’il y a un mécanisme qui pousse à la consommation, qui crée une société de la demande toujours plus forte que dénonçait François Ruffin, c’est bien l’obsolescence programmée. Le produit est structuré de telle sorte que sa durée de vie soit compatible avec un renouvellement pratiquement obligatoire. C’est pourquoi l’amendement CE184 vise à porter la garantie légale de conformité à cinq ans, contre deux ans actuellement.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Une durée de la garantie légale de conformité de dix ans serait également, par cohérence, celle durant laquelle il reviendrait au vendeur de prouver l’origine du défaut de conformité. Or le droit européen prévoit, comme le rappelle la directive « vente de biens », que la durée de la charge de la preuve ne peut dépasser deux ans. L’amendement CE152 introduirait donc une distorsion entre les deux durées. Avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. La directive européenne d’harmonisation sur les ventes de biens, adoptée en mai 2019, sera transposée dans le droit français en 2020. Il semble donc prématuré d’adopter quelque amendement sur cette question. Je vous propose donc de retirer les vôtres ; à défaut, j’y serai défavorable.

Néanmoins, la question que vous soulevez est importante ; la diversité des propositions s’y rapportant montre qu’elle demande vraiment réflexion. De notre côté, nous y avons travaillé aussi. Je vous propose de mettre à profit le temps qui nous sépare de la transposition de la directive européenne pour travailler, notamment sur la base du rapport de M. Thierry Libaert, qui insiste sur la cohérence d’ensemble du droit de la consommation et sur les délais de mise en œuvre qui nécessitent un allongement des durées légales de conformité. Essayons d’aboutir à une proposition construite et cohérente pour la transposition de la directive européenne en 2020.

M. Matthieu Orphelin. Certains pays européens vont pourtant au-delà des deux ans. Une solution pourrait être de permettre au Gouvernement de prendre des décisions pour certaines catégories de produits, tout en se donnant le temps d’examiner si d’autres justifient une durée de garantie supérieure à deux ans.

M. Serge Letchimy. Il est paradoxal de prendre comme base de réflexion la directive européenne de 2019, alors qu’elle n’est pas encore applicable. Je m’attendais plutôt à ce que le Gouvernement nous demande de retirer les amendements afin de réfléchir à un dispositif qui aurait été présenté en séance publique.

On ne peut pas ignorer que l’obsolescence programmée est un élément du consumérisme qui va à l’encontre de tout le texte. De même que nous l’avons souligné tout à l’heure s’agissant de l’interdiction du plastique, mieux vaut prendre des décisions fermes que de chercher à recycler le mal.

Mon collègue propose une extension de la garantie à dix ans, notre amendement CE184, à cinq ans. Nous le considérons comme une ouverture.

Les amendements CE152 et CE184 sont successivement rejetés.

La commission est saisie de lamendement CE229 de M. Max Mathiasin.

M. Max Mathiasin. En 2019, l’école Cora Mayéko, de Guadeloupe, a remporté la vingt-troisième édition du Parlement des enfants avec sa proposition de loi visant à diminuer l’empreinte environnementale du numérique. Cette proposition été bien accueillie par l’Assemblée nationale et par le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Le présent amendement s’en fait le relais. Pour faire en sorte que la durée de vie des appareils ménagers, gros et petits, et celle des équipements informatiques et de téléphonie soit allongée, et pour lutter contre l’obsolescence programmée, il tend à doubler la garantie légale de conformité.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Cette initiative du Parlement des enfants mérite d’être soulignée et je félicite les écoliers qui ont rédigé cette proposition.

Outre les arguments donnés contre les amendements précédents, je signale que la transposition en 2020 de la directive « vente de biens » satisfera la seconde partie de votre amendement, car elle prévoit que la garantie légale de conformité sur les biens d’occasion ne pourra être inférieure à un an. C’est un progrès pour les consommateurs. Avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Nous transposerons, en effet, une directive européenne dans le courant de l’année 2020. Ce sujet étant très important, je vous propose à nouveau d’y travailler jusqu’à ce moment. Un rapport a déjà été rédigé sur la question ; étudions, travaillons, avançons vers des mesures cohérentes entre la directive européenne et la loi qui sera votée. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Lamendement est retiré.

La commission examine lamendement CE327 de la rapporteure pour avis.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Afin de donner à la réparation d’un produit un avantage sur son remplacement, cet amendement vise à renouveler à l’identique la garantie légale de conformité d’un bien remplacé.

Pour limiter les effets de bords et faire pièce aux consommateurs mal intentionnés, qui voudraient faire remplacer leurs biens plusieurs fois, le renouvellement de la garantie légale de conformité serait limité à une fois.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je propose cette fois d’anticiper les travaux de transposition de la directive par des mesures emblématiques qui puissent profiter immédiatement au consommateur. Le renouvellement des garanties en cas de remplacement ou de réparation d’un produit défectueux me semble une bonne façon de lutter contre l’obsolescence programmée. Je suis donc favorable à cet amendement, qui s’inscrit dans cette perspective.

Cependant, en tant que membre du Gouvernement, je dois m’assurer que nous restions en conformité avec le droit européen. Pour cette raison, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission adopte lamendement.

Elle examine les amendements identiques CE329 de la rapporteure et CE151 de M. François Ruffin.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. L’amendement CE329 prévoit d’étendre la garantie légale de conformité de six mois lorsque le consommateur fait le choix de réparer son produit plutôt que de le remplacer. Il s’agit ici d’encourager la réparation du bien.

M. François Ruffin. Je prendrai un exemple en guise de défense de l’amendement CE151. J’ai acheté une télévision qui a tenu quelques mois ; après que je l’aie fait réparer, elle est tombée à nouveau en panne, et cela s’est répété jusqu’au bout de la durée légale de conformité. Comment faire pour ne pas être bloqué et pour que la garantie soit renouvelée automatiquement ? Sinon, c’est trop facile : on passe son temps à faire réparer et, arrivé à la fin de la garantie, le produit est périmé, à peine a-t-on pu l’utiliser.

Je suis donc favorable à une extension automatique de la garantie, à chaque fois que le consommateur est conduit à faire réparer son bien.

Je vous rappelle l’esprit général de nos amendements : une extension de la garantie à cinq ans pour les produits électroniques et à dix ans pour le gros électroménager ainsi qu’un affichage obligatoire de ces durées pour les produits. Lorsque cet affichage n’est pas effectué, une sanction s’avère nécessaire.

M. le président Roland Lescure. Je relève que les auteurs de ces deux amendements ont mentionné, dans leur exposé sommaire, l’association qui leur a suggéré ces propositions, une pratique que j’approuve.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Il ne faut pas hésiter à se saisir de possibilités d’anticiper les travaux de transposition de la directive européenne avec des mesures symboliques qui puissent apporter des résultats très concrets en matière de lutte contre l’obsolescence programmée. Je suis tout à fait d’accord avec Mme la rapporteure sur ce point. Cependant, dans le respect du droit européen, je donnerai un avis de sagesse.

M. Matthieu Orphelin. J’avais déposé un amendement similaire, qui figure plus loin dans la discussion. Il provient également des échanges avec l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP). Je me réjouis s’il peut être adopté à présent.

La commission adopte les amendements.

La commission est saisie de lamendement CE149 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. L’amendement vise à réinitialiser la garantie légale de conformité d’un produit neuf qui doit faire l’objet d’un échange. La réinitialisation s’applique sur la durée légale prévue pour ladite garantie, dès la remise du nouvel appareil neuf.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. J’ai déposé un amendement qui va dans le sens de votre proposition, en limitant toutefois cette possibilité dans le temps, car le renouvellement illimité de la garantie pourrait entraîner des effets contre–productifs et constituer un effet d’aubaine pour des consommateurs mal intentionnés.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je suis tout autant animée par la volonté d’éviter les effets d’aubaine que d’aller dans le même sens que vous. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement, au profit de celui qu’a déposé la rapporteure. À défaut, j’y serai défavorable.

M. François Ruffin. Je le maintiens, mais mollement.

La commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE150 de Mme Bénédicte Taurine.

M. François Ruffin. Il y a six ans, la feuille de route pour la transition écologique de septembre 2013 avait déjà évoqué l’extension de la garantie. Il avait été proposé d’allonger de deux à cinq ans le délai légal de conformité pour les appareils électroniques, et à dix ans pour l’électroménager.

Cette mesure indique le sens dans lequel nous voulons aller : en finir avec l’obsolescence programmée et son effet sur le comportement des consommateurs, qui, par crainte qu’un produit plus coûteux ne capote au bout de trois ou quatre ans, se tournent vers des produits à bas coût susceptibles d’être périmés encore plus rapidement. Une étude allemande montre qu’avec cette mesure, les prix n’ont pas augmenté entre 1998 et 2004. Une étude de l’UFC-Que Choisir de 2016 a abouti au même résultat. Il s’agit là d’une surtransposition du droit européen.

Suivant lavis défavorable de la rapporteure pour avis, la commission rejette lamendement.

La commission est saisie de lamendement CE185 de M. Dominique Potier.

M. Serge Letchimy. Je ne comprends pas bien les positions de Mme la secrétaire d’État, qui, lors de la discussion d’un amendement précédent, avait exprimé un avis de sagesse pour allonger la garantie de cinq à dix ans. Peut-être n’ai-je pas bien compris ?

M. le président Roland Lescure. Le Gouvernement a donné un avis défavorable sur des amendements similaires, mais portant sur des articles distincts du code de la consommation.

M. Serge Letchimy. Je vous propose un amendement de repli. Lorsque vous achetez un réfrigérateur, on vous propose une garantie de deux ans alors même que la garantie légale est aussi de deux ans. Vous avez le sentiment d’avoir une garantie pour un produit devant durer quatre ou cinq ans, alors que, disons-le, on vous « couillonne » !

Nous considérons qu’il faut absolument protéger le portefeuille de la population. Un équipement acheté pour des besoins essentiels doit pouvoir durer cinq ans. Il convient donc de prévoir un minimum pour la garantie légale de conformité. Le fixer à deux ans permettrait aux fabricants qui veulent aller plus loin de mettre en avant des appareils plus durables, et à la population d’en profiter pendant cinq ans. On programme la mort de l’appareil à deux ans, pour inciter à le renouveler. Tous les deux ans, vous êtes obligé de le racheter.

Il faudrait donner à l’amendement un avis de sagesse, car il permet d’attendre la transposition de la directive européenne en 2020.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les mêmes raisons. De surcroît, la notion de « minimum » est trop floue et source d’insécurité juridique.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Encore une fois, ce sujet important mérite d’être discuté mais sans anticiper la transposition de la directive. Travaillons-y d’ici là, sur la base du rapport qui a été rédigé sur la question. Examinons-le, collectivement ; je m’y engage.

M. Serge Letchimy. Madame la rapporteure, peut-être avez-vous mal lu le texte : la durée de la garantie légale de conformité existe, et elle est de deux ans. Il n’y a là aucun flou : nous prescrivons que ce qui existe devienne le minimum.

Madame Poirson, j’espère que vous serez toujours secrétaire d’État lorsque la directive sera transposée dans notre droit. Pour l’instant, une période de deux années existe, et nous disons qu’elle pourrait constituer un minimum. Il n’y a aucun flou juridique.

M. François Ruffin. Madame la secrétaire d’État, je veux faire le pari de votre bonne foi et de votre engagement. Face à l’ampleur et à l’urgence de la catastrophe en cours, les mesures que nous proposons sont des mesurettes ridicules. Défendre des « machins » pareils, alors qu’il y a tant à faire… Et on nous répond d’attendre la transposition d’une directive européenne, en 2020 !

Le contraste est flagrant entre le projet de société dont vous parlez et les mini-pas que vous acceptez, qui mesurent tout au plus quelques millimètres. Je veux bien qu’il s’agisse d’avancées, mais elles ne sont pas à la hauteur des enjeux qu’a indiqués ma collègue Delphine Batho. Certes, on peut dire qu’il s’agit d’enjeux généraux, idéologiques, mais à un moment, les mesures concrètes s’ancrent sur une ambition de transformation. Or, je vous le dis en toute sincérité, on n’est pas du tout à la hauteur, mais alors pas du tout.

Si je fais le pari de votre bonne foi, c’est que je vous crois écartelée entre la rupture nécessaire avec le productivisme-consumérisme, et le risque – avéré, selon moi –, de n’avoir qu’un habillage de ce productivisme-consumérisme, qui continuera d’exister.

M. Guillaume Kasbarian. J’aimerais savoir si on a évalué l’impact économique qu’aurait cet amendement sur les entreprises. Serait-il très important ou plutôt faible ? Dans ce dernier cas, ne serait-ce pas un moyen de mettre les entreprises en concurrence pour les amener à être plus vertueuses ?

M. Serge Letchimy. C’est une excellente question de la part d’un député de La République en Marche ! Elle est sous-tendue par une analyse en termes de coûts tout à fait pertinente. S’en tenir à la transposition de la directive et au dogme libéral qui l’inspire, c’est organiser l’obsolescence programmée et adhérer à un système qui est structurellement, économiquement et juridiquement organisé pour alimenter un consumérisme excessif, qui oblige des gens qui n’en ont pas les moyens à changer de réfrigérateur tous les deux ans. En proposant que la garantie du produit soit de deux ans au minimum, on permet au marché de se structurer, non plus en fonction du coût, mais des offres de garantie, ce qui permet de lutter contre l’obsolescence, au lieu d’organiser la pauvreté des consommateurs.

La commission adopte lamendement.

Article 4 quater D (section 5 [nouvelle] du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation) : Garantie logicielle

La commission est saisie de lamendement CE258 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à prolonger la durée de vie des équipements électroniques en luttant contre l’obsolescence logicielle, évitant ainsi le gaspillage de ressources naturelles associé au renouvellement trop fréquent de ces équipements.

Ce gaspillage peut être diminué en imposant aux fournisseurs de systèmes d’exploitation de dissocier deux types de mises à jour : d’une part, les mises à jour correctives, qui réparent des dysfonctionnements et remédient à des failles de sécurité ; d’autre part, les mises à jour évolutives, qui améliorent ou ajoutent des fonctionnalités, mais accélèrent souvent l’obsolescence programmée, parce que ces évolutions imposées au système d’exploitation saturent la mémoire vive, l’espace de stockage ou la puissance disponible de l’appareil, le ralentissent et poussent donc l’utilisateur à le remplacer, alors qu’il est pourtant parfaitement opérationnel d’un point de vue matériel. Il est donc essentiel de permettre aux utilisateurs qui le souhaitent de se contenter des mises à jour qui corrigent les dysfonctionnements.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Je me suis beaucoup penchée, ces dernières semaines, sur la question de la garantie logicielle. C’est un sujet complexe, à la fois techniquement et juridiquement, le cadre juridique étant d’ailleurs amené à évoluer considérablement avec la transposition, en 2020, des directives 2019/770 relatives à la fourniture de contenus et services numériques et 2019/771 du 20 mai 2019 concernant certains aspects des contrats de vente de biens.

Votre amendement propose de distinguer obligatoirement les mises à jour évolutives des mises à jour correctives, ce qui est techniquement difficile, car plusieurs mises à jour évolutives comportent également des mises à jour correctives. Par ailleurs, il y a un problème de terminologie, car le droit européen parle de mise à jour de sécurité.

Il pose également un problème de compatibilité avec les évolutions à venir, liées à la transposition de directives. Celles-ci prévoient en effet que l’acheteur pourra refuser toute mise à jour, que celle-ci soit évolutive ou corrective, ce qui va encore plus loin que ce que vous proposez. Je demande donc le retrait de votre amendement, sinon avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Deux directives européennes de mai 2019 vont, en effet, être transposées en 2020. Dans cette perspective, je demande le retrait de tous les amendements traitant de cette obligation de garantie. Je considère néanmoins qu’il est essentiel que nous travaillions ensemble, d’ici à l’examen du texte en séance, pour étudier quels seraient les éléments de transposition que nous pourrions anticiper pour les intégrer dans le projet de loi actuel.

Par ailleurs, la rapporteure propose, avec l’amendement qui suit, une réécriture de cet article qui crée une obligation d’informer le consommateur sur la durée de fonctionnement normal d’un produit et de ses logiciels. Je propose donc que vous adoptiez plutôt cet amendement.

M. Matthieu Orphelin. J’accepte de retirer mon amendement, mais il ne me semble pas que les deux directives prévoient la dissociation des deux types de mise à jour, qui se pratique pourtant déjà, de manière courante, dans d’autres secteurs informatiques.

Lamendement CE258 est retiré.

La commission examine lamendement CE332 de la rapporteure pour avis, qui fait lobjet des sous-amendements CE374, CE375, CE377, CE376 et CE378 de Mme Aude Luquet.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Les sénateurs ont introduit dans le texte un article très ambitieux sur la garantie logicielle. Je partage le principe et les ambitions de cet article, et je sais qu’il a suscité l’intérêt de beaucoup d’entre vous. Nous ne pouvons néanmoins le conserver en l’état, car il est techniquement inapplicable à ce jour et pose des problèmes juridiques de compatibilité avec le droit européen.

Mon amendement a donc pour objectif de réécrire l’article 4 quater D, et d’introduire, à la place de la garantie logicielle, un dispositif d’information du consommateur sur l’obsolescence logicielle. C’est un premier pas considérable qu’il ne faut pas sous-estimer. Sur le modèle de ce qui est prévu à l’article 4 du projet de loi pour l’information sur les pièces détachées, nous prévoyons une information en cascade, du fabricant vers le vendeur et du vendeur vers le consommateur.

Cet amendement introduit une obligation pour le fabricant d’un appareil numérique d’informer le vendeur de la compatibilité des mises à jour de logiciels avec un usage normal du produit. Le vendeur devra ensuite porter cette information à la connaissance du consommateur. Nous visons là, non pas seulement, comme le texte du Sénat, les téléphones et les tablettes, mais tous les objets connectés.

Par ailleurs, je voudrais porter à votre connaissance les conséquences qu’aura la future transposition des directives mentionnées. Le droit européen prévoit désormais l’obligation pour le vendeur de fournir des mises à jour, y compris de sécurité, qui assurent le bon usage des produits pendant une période raisonnable. Il faudra déterminer ce délai raisonnable en fonction des produits, mais le droit européen nous autorise à dépasser les deux ans de la garantie légale sur ce point.

Mme Aude Luquet. Je regrette que l’on revienne sur l’article du Sénat, qui garantissait aux consommateurs une mise à jour du système d’exploitation de son produit pendant une certaine période, tandis que votre amendement se borne à rendre obligatoire l’information du consommateur par le vendeur sur la durée de compatibilité des mises à jour avec un usage normal du produit.

Mes sous-amendements proposent donc une solution médiane entre celle du Sénat et celle de la rapporteure, en élargissant l’obligation d’information du consommateur.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Je suis favorable aux sous-amendements CE375 et CE377, et défavorable aux sous-amendements CE374 et CE376.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je suis défavorable aux sous-amendements, car les mesures qu’ils proposent ne sont pas opérationnelles. En revanche, je suis favorable à l’amendement de la rapporteure.

M. Damien Adam. J’avais également déposé trois amendements tendant à améliorer l’article du Sénat.

Le premier visait à faire en sorte que l’obligation de garantie logicielle incombe au dernier metteur sur le marché et non à celui qui a fabriqué le produit ou le logiciel. Le second visait à étendre la logique applicable à la garantie logicielle à d’autres produits que les tablettes et les smartphones, mais j’ai cru comprendre qu’il en avait été tenu compte par la rapporteure. Un dernier amendement visait à moduler la durée de la garantie logicielle en fonction du type de produit. Où en est-on sur ce point et sur le premier ?

M. Nicolas Démoulin. Le texte du Sénat se réfère au système d’exploitation. Or le système d’exploitation ne sert qu’à pouvoir allumer votre téléphone. C’est sur ce que l’on appelle les logiciels embarqués, déjà installés lors de l’achat du téléphone, que doit porter notre attention. Il est très important d’être très précis sur le fait que, quand on achète un téléphone, on achète aussi ces applications.

M. Éric Bothorel. Cela va vous paraître étrange, mais je me réjouis que mon amendement puisse tomber, car la garantie sur dix ans qu’il proposait ne me paraît pas résister, dans les faits, aux évolutions technologiques, compte tenu des imbrications entre le système d’exploitation, l’appareil, les applications tierces et les applications natives, les enjeux de cybersécurité.

En outre, l’État va probablement mettre place dans un futur proche des systèmes d’identité numérique qui exigeront des téléphones technologiquement adaptés. Il est hors de question qu’une partie de la population ne puisse y avoir accès au motif qu’elle dispose d’appareils obsolètes.

Je me rallie donc avec plaisir à l’excellent amendement de la rapporteure, qui prend en compte toutes ces questions.

La commission rejette successivement les sous-amendements.

Elle adopte ensuite lamendement CE332.

En conséquence les amendements CE299, CE242, CE284, CE239, CE311, CE240, CE285, CE264, CE88, CE241, CE243, CE286, CE214, CE238, CE262, CE261, CE300, CE324, CE89, CE90, CE323 et CE91 tombent.

La commission en vient à lamendement CE244 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Afin d’être en adéquation avec ce qui existe déjà dans le code de la consommation pour sanctionner l’obsolescence programmée, il convient de compléter la sanction prévue à l’article 4 quater D du présent texte par une amende en pourcentage du chiffre d’affaires.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Cet amendement ne correspond plus au dispositif que nous avons adopté. Avis défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Même avis.

Lamendement CE244 est retiré.

Lamendement CE325 de Mme Liliana Tanguy est retiré.

La commission en vient à lexamen de lamendement CE336 de la rapporteure pour avis, qui fait lobjet des sous-amendements CE379, CE381 et CE380 de Mme Aude Luquet.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Cet amendement est une demande de rapport, que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur le sujet de l’obsolescence logicielle. Les difficultés techniques que la lutte contre l’obsolescence logicielle soulève nécessitent une étude approfondie pour trouver des solutions opérationnelles. Cette demande de rapport reprend un certain nombre des préoccupations exprimées dans les amendements déposés à l’article 4 quater D.

Mme Aude Luquet. Nous proposons d’étendre ce rapport aux objets connectés. Nous souhaitons également qu’il intègre une réflexion sur la manière de garantir les mises à jour de base tout au long de la vie de l’appareil connecté. Enfin, nous proposons de viser, non pas les fabricants, mais les responsables de la mise sur le marché.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Je suis favorable aux sous-amendements CE379 et CE380, et défavorable au CE381.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Sagesse sur les trois sous-amendements. Avis favorable à l’amendement de la rapporteure.

Successivement, la commission adopte les sous-amendements CE379 et CE380, et rejette le sous-amendement CE381

Puis elle adopte lamendement CE336 sous-amendé.

Elle adopte ensuite larticle 4 quater D modifié.

Après larticle 4 quater D

La commission est saisie de lamendement CE265 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à prolonger la durée de vie des équipements électroniques en garantissant la disponibilité des mises à jour des logiciels, pilotes et systèmes d’exploitation nécessaires à leur bon fonctionnement pendant une durée minimale de cinq ans après l’achat de l’équipement. C’est une mesure compatible avec la directive européenne, qui prévoit que les États peuvent opter pour des durées de garantie plus longues que celles qu’elle préconise.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. La deuxième partie de votre amendement est satisfaite par l’amendement que nous avons adopté.

Pour ce qui concerne la première partie, comme j’ai eu l’occasion de le dire, cela pose à ce stade des difficultés techniques et juridiques trop lourdes, sans compter qu’imposer cette obligation uniquement sur le marché français est très risqué par rapport au principe de libre circulation des biens. Mon avis est donc défavorable.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je vous demande le retrait de cet amendement. Comme je l’ai dit, je souhaite que nous travaillions sur ces questions d’ici à la séance.

Lamendement CE265 est retiré.

Article 12 G (article L. 111-10-6 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Certificat de traitement des déchets du bâtiment

La commission examine lamendement CE343 de la rapporteure pour avis.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle. L’objectif est d’offrir une certaine souplesse pour le cas où l’installation de collecte prévue au stade du devis diffère de celle finalement choisie par l’artisan. Les installations auxquelles les déchets se destinent peuvent évoluer entre le début et la fin du chantier, pour des questions logistiques.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Puis elle en vient à lamendement CE340 de la rapporteure pour avis.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Cet amendement répond au besoin de coordination entre les articles 8 et 12 G du présent projet de loi. L’éco-organisme de la filière REP bâtiment, ou un système équivalent, sera tenu, à partir du 1er janvier 2022, de mettre en place un dispositif de traçabilité des déchets du bâtiment. Bien que ce ne soit pas précisé actuellement, il semblerait pertinent que cette traçabilité s’applique depuis la collecte des déchets jusqu’à leur traitement final. On peut parler ici d’une traçabilité « filière ». Afin qu’il n’y ait pas de redondance, la traçabilité « chantier » doit donc s’exercer depuis le chantier jusqu’à la collecte et non jusqu’au traitement, comme suggéré dans la rédaction actuelle de l’article 12 G.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle en vient à lamendement CE341 de la rapporteure pour avis.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Les entreprises de travaux peuvent être amenées à réunir les déchets de plusieurs chantiers pour des raisons de logistique. Il apparaît donc préférable qu’elles soient seulement tenues de conserver les certificats justifiant la collecte de ces déchets en cas de contrôle ou sur demande du maître d’ouvrage.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle est saisie de lamendement CE342 de la rapporteure pour avis.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Cet amendement exclut les chantiers de destruction ou de réhabilitation significatifs concernés par l’article 6 ; l’article 12 G ne concernera donc que les petits chantiers et les chantiers de construction neuve non couverts par le diagnostic prévu à l’article 6.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Avis favorable.

La commission adopte lamendement.

Elle examine lamendement CE202 de M. Dominique Potier.

M. Serge Letchimy. Cet amendement est très proche de l’amendement CE341 de la rapporteure, puisqu’il concerne la traçabilité des déchets de chantier. Je suis donc prêt à le retirer si la rapporteure le juge préférable.

Mme Graziella Melchior, rapporteure pour avis. Je suggère que vous le retiriez.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Avis défavorable. En pratique, les artisans ne déposent pas systématiquement les déchets produits à l’issue de chaque chantier ; ils préfèrent parfois les accumuler et ne les déposer qu’en une seule fois, avec les déchets d’autres chantiers. Il peut donc y avoir un délai entre l’intervention de l’entreprise sur un chantier et le dépôt des déchets au point de collecte. Dès lors, conditionner le paiement des travaux à la délivrance du certificat de collecte peut entraîner des problèmes de trésorerie, surtout pour les petites entreprises.

M. Fabien Di Filippo. J’ai une lecture différente de l’amendement. Il me semble que le certificat de collecte ne conditionne pas la facturation de l’ensemble des travaux mais uniquement celle de la prestation liée aux déchets. Cela peut certes avoir des effets sur la trésorerie de l’entreprise, mais si elle effectue des chantiers réguliers, les délais ne seront pas nécessairement trop rallongés. En revanche, si on veut éviter le développement de décharges sauvages, je ne vois pas d’autre moyen que de subordonner le paiement à l’obtention du certificat de collecte.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Oui, mais lorsqu’il faut attendre plusieurs mois avant d’être payé, cela devient problématique pour un artisan. Les petites entreprises ont besoin d’un fonds de roulement.

M. Fabien Di Filippo. Il ne peut y avoir de problème de trésorerie, car les travaux, eux, sont payés. Ce qui ne l’est pas, c’est l’enlèvement et le traitement des déchets. Je ne vois d’ailleurs pas comment une entreprise pourrait se faire payer une prestation qu’elle n’a pas encore réalisée.

M. Serge Letchimy. Madame la secrétaire d’État, je ne vois pas d’où vous tirez que le paiement des travaux est subordonné au traitement des déchets. C’est un argument qui ne tient pas.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Je lis que « les professionnels en charge des travaux ne peuvent facturer cette prestation au maître d’ouvrage ou à leurs clients que sur présentation dudit certificat ». C’est le texte de votre amendement.

M. le président Roland Lescure. Toute la question est de savoir si le terme de prestation s’applique aux travaux ou à l’évacuation des déchets. Il y a au minimum une ambiguïté dans la rédaction.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire. Dans la seconde hypothèse, cela implique qu’il y ait deux factures : une pour les travaux, l’autre pour les déchets.

M. Serge Letchimy. Je ne suis pas d’accord avec la secrétaire d’État, mais je ne tiens pas à créer de confusion et retire mon amendement.

Lamendement CE202 est retiré.

La commission adopte larticle 12 G modifié.

M. le président Roland Lescure. Nous en avons terminé avec l’examen des articles sur lesquels notre commission était saisie au fond pour avis.


Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 19 novembre 2019 à 18 h 10

Présents.  M. Damien Adam, M. Patrice Anato, Mme Delphine Batho, Mme Marie‑Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, Mme Pascale Boyer, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet, M. Rémi Delatte, M. Nicolas Démoulin, Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. Olivier Falorni, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laurence Gayte, Mme Christine Hennion, M. Guillaume Kasbarian, Mme Frédérique Lardet, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, M. Serge Letchimy, Mme Aude Luquet, M. Max Mathiasin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Anne-Laurence Petel, M. Vincent Rolland, M. François Ruffin, M. Denis Sommer, M. Nicolas Turquois

Excusés.  M. Bruno Bonnell, Mme Anne-France Brunet, M. Jean-Luc Lagleize

Assistaient également à la réunion.  Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, Mme Véronique Riotton