Compte rendu

Commission
des affaires économiques

– Examen, pour avis, du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 3234) (M. Richard Lioger, rapporteur
pour avis)........................................2

– Informations relatives à la commission...................9


Lundi
14 septembre 2020

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 73

session extraordinaire de 2019-2020

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président
 


  1 

La commission des affaires économiques a procédé à l’examen du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (n° 3234), sur le rapport de M. Richard Lioger.

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, je souhaite tout d’abord la bienvenue à notre collègue David Corceiro, député du Val d’Oise (MODEM), suppléant de Nathalie Élimas, qui a intégré le Gouvernement auprès de M. Jean-Michel Blanquer fin juillet.

Nous reprenons nos travaux législatifs juste avant l’ouverture de la deuxième session extraordinaire. Ce programme sera très intense dans les prochaines semaines puisque nous serons amenés à examiner, d’ici début octobre, le projet de loi n° 3298 relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, dit projet de loi « Betteraves », le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DADUE) et deux propositions de loi qui devraient être inscrites le 15 septembre, en Conférence des présidents, à l’ordre du jour des séances réservées au groupe Écologie, Démocratie, Solidarité (EDS). J’ajoute que nombre d’entre nous auront à travailler dans les prochains jours sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), qui fait l’objet d’une commission spéciale et dont M. Guillaume Kasbarian est rapporteur.

Dans l’immédiat, il nous appartient de donner notre avis sur le projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui a été renvoyé au fond à la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Je remercie d’ailleurs, en votre nom, le président Bruno Studer qui a accepté de repousser de quelques heures le début des travaux de sa commission pour nous permettre de nous réunir en ce début d’après-midi.

Le projet de loi comporte 25 articles. La commission des affaires économiques s’est saisie au titre de ses compétences en matière de recherche appliquée : elle n’a donc retenu que cinq articles dans le champ de sa saisine. Il s’agit des articles 1er – et rapport annexé – et 2, qui donnent les grandes orientations et l’évolution des crédits pour la période 2021 à 2030 ; des articles 13 et 14 sur la diffusion de la recherche dans les entreprises ; ainsi que des 2° et 4° de l’article 22 qui concernent les habilitations à légiférer par ordonnances sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) et la traçabilité de certaines semences modifiées.

Un seul amendement, déposé par notre rapporteur pour avis, M. Richard Lioger, est en discussion.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. En cette période de bouleversements sanitaires, environnementaux, sociétaux et technologiques, le Gouvernement fait le choix de miser sur la recherche pour nous aider à répondre à ces grands défis et aussi contribuer à la relance économique de notre pays.

La recherche a besoin de moyens et de visibilité à long terme. Pourtant, cela faisait plus de seize ans qu’une loi de programmation pluriannuelle n’avait pas été présentée au Parlement. De fait, la situation de notre recherche nationale s’est beaucoup dégradée. Le projet de loi que nous allons examiner porte de grandes ambitions et mobilise des moyens d’un niveau inédit jusqu’alors.

L’État investira ainsi dans ses infrastructures de recherche, ses laboratoires et sur ses scientifiques plus de 25 milliards d’euros entre 2021 et 2030, pour atteindre en fin de période un supplément budgétaire annuel de 5,1 milliards d’euros.

Renforcer l’emploi scientifique en France est une priorité. Les crédits annoncés financeront une revalorisation, différenciée mais générale, des personnels de la recherche publique et relanceront les recrutements – notamment parmi les personnels ingénieurs, techniciens et administratifs qui ont payé le plus lourd tribut aux rationnements budgétaires de ces dernières années. Les syndicats des personnels regrettent que les emplois pérennes ne progressent pas davantage, mais ce plan permettra tout de même d’accroître les effectifs sous plafond de 5 200 emplois en équivalent temps plein travaillé, et de 15 000 emplois hors plafond. Une attention particulière est prêtée aux jeunes chercheurs et aux doctorants, avec une progression des contrats doctoraux de 20 %. De nouvelles modalités de recrutement seront créées pour s’adapter à la diversité des parcours professionnels. Le Gouvernement ouvrira notamment des chaires de professeur ou de directeur junior susceptibles d’attirer les talents les plus prometteurs, à un rythme de 300 par an en fin de période, s’ajoutant et non se substituant aux recrutements statutaires.

L’autre grand choix stratégique de cette programmation est de s’appuyer largement sur les appels à projets de l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour relancer les investissements dans la recherche publique et privée nationale. L’objectif est d’augmenter de 150 % son budget d’intervention. Sa trajectoire financière sera également deux fois plus rapide que les autres investissements les premières années, pour atteindre sa vitesse de croisière de 1 milliard d’euros supplémentaires par an dès 2027. Pour accélérer encore sa montée en puissance, le plan gouvernemental « France Relance », présenté le 3 septembre dernier, ajoutera 400 millions d’euros sur les deux prochaines années. Ces renforts devraient permettre d’obtenir un taux de succès aux appels à projets de l’ANR de 25 % dès 2021, alors qu’il n’est encore que de 16 % aujourd’hui. Ils amorceront aussi le nouveau dispositif du préciput que la programmation veut faire passer d’un taux de 19,6 % à 40 %. Ces deux évolutions devraient offrir de puissants leviers à la stratégie de consolidation et de redynamisation de la recherche nationale.

Selon son niveau, le taux de succès aux appels à projets de l’ANR peut décourager en effet les projets audacieux et désespérer les laboratoires par manque de perspectives. J’ai pu le constater pendant trois ans en tant que rapporteur pour avis du budget des organismes de recherche. Un bon taux de succès à ces appels à projets peut au contraire stimuler la créativité, favoriser les collaborations, et donner une première chance aux jeunes chercheurs. Quant au préciput, qui finance les frais de gestion des porteurs de projet et les charges pour les établissements hébergeurs, bien que notoirement insuffisant il est vital au fonctionnement des laboratoires et des établissements de recherche. Son doublement les consolidera en leur donnant de nouvelles marges de manœuvre pour financer d’autres projets.

Ces divers crédits et d’autres bénéficieront indirectement, par un environnement revivifié pour la recherche en général, ou directement à la recherche partenariale et à l’innovation ainsi qu’au renforcement de la contribution de la recherche nationale à la compétitivité des entreprises. L’ANR doublera à terme les dotations de plusieurs instruments de financement dédiés : les chaires industrielles, les laboratoires communs (LabCom) constitués entre le monde académique et une petite et moyenne entreprise (PME) ou une entreprise de taille intermédiaire (ETI) et les incitations à la création des instituts Carnot. Ces instruments ont montré leur intérêt pour renforcer les partenariats entre la recherche publique et les entreprises. Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui soutiennent les travaux d’un doctorant accueilli dans une entreprise, seront par ailleurs augmentées de 50 % d’ici 2027.

Enfin, des moyens seront mobilisés pour la maturation et l’accompagnement des projets d’entrepreneuriat étudiant et de création de start-ups, dans l’objectif de créer
500 start–ups de haute technologie par an à partir de 2030, contre 170 par an aujourd’hui.

Par ailleurs, quinze pôles universitaires d’innovation (PUI) seront labellisés pour augmenter l’efficacité du transfert des connaissances et technologies de la recherche publique vers les entreprises. Il s’agira de mettre en place, à l’échelle d’un grand site universitaire, sans création de structure nouvelle, une organisation qui rende plus lisible l’offre de transfert en associant étroitement les différents acteurs du transfert et de la recherche partenariale. Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) pourront un jour être intégrées dans les universités comme des départements de transfert de technologies, mais le processus se fera progressivement. En attendant, les SATT conserveront leur statut d’entreprise.

La stratégie passera également par un assouplissement des dispositifs statutaires permettant à des personnels de la recherche publique de collaborer avec le monde économique. Ainsi, l’article 13 du projet de loi vise à élargir les possibilités des fonctionnaires civils des services et établissements de recherche de l’État de créer ou participer à la vie d’une entreprise, notamment comme associé ou dirigeant, dans le cadre de l’exécution d’un contrat conclu entre cette entreprise et leur employeur et dans les rigoureuses limites déontologiques fixées par la loi. Quant à l’article 14, il aménage les règles du cumul des activités publiques et privées, les étend à de nouveaux bénéficiaires, et reconnaît aux enseignants-chercheurs comme aux chercheurs la possibilité de percevoir un complément de rémunération des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), fondations ou entreprises auprès desquels ils sont mis à disposition à temps complet ou incomplet.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle porte donc une stratégie globale prometteuse pour la recherche en général et pour encourager le développement des collaborations entre le monde académique et le monde économique. On peut enfin en escompter un réel effet de levier sur la recherche privée, même si cette dernière dépend également d’autres facteurs.

Je donnerai donc un avis très favorable aux articles dont notre commission s’est saisie : l’article 1er, qui propose d’approuver le rapport annexé au projet de loi, pour ce qui est de la mobilisation des moyens budgétaires et de la stratégie de soutien à la recherche partenariale ; l’article 2, qui précise les trajectoires financières de l’ensemble des crédits investis et des dotations de l’ANR en particulier ; enfin, les articles 13 et 14, qui portent des réformes statutaires qui devraient faciliter les échanges des chercheurs avec les entreprises.

Je donnerai également un avis favorable à la demande du Gouvernement d’être habilité à légiférer par ordonnance sur deux sujets intéressant la recherche agricole – 2° et 4° de l’article 22.

M. Damien Adam (LaREM). Je me réjouis que notre commission ait été saisie pour avis pour étudier ce projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Ce projet de loi mobilise des moyens essentiels pour que la France retrouve son leadership sur la recherche publique et privée et pour que nous puissions respecter les accords tacites passés dans les années 2000 en vue de consacrer 3 % du PIB à la recherche.

Ce projet a vocation à inverser en profondeur la tendance au décrochage et à l’affaiblissement de la recherche scientifique et technologique en France. Cette dernière décroche en effet progressivement du « top 10 » mondial depuis le début des années 2000, notamment du fait d’une allocation non optimale des moyens. Plusieurs outils sont proposés afin de contrecarrer cette tendance. Il est prévu de renforcer l’efficacité du financement de la recherche à travers un réinvestissement massif dans la recherche publique, qui aura également un effet d’entraînement sur la recherche privée. L’objectif est d’atteindre un effort national de recherche à hauteur de 3 % du PIB au moyen d’un effort public sans précédent : 25 milliards d’euros supplémentaires seront investis dans les dix prochaines années. Après l’annonce des 100 milliards d’euros du plan « France Relance », quelques milliards supplémentaires peuvent paraître anodins, mais en réalité ce montant est colossal.

Le deuxième objectif du projet de loi est de renforcer l’attractivité des carrières scientifiques. Il s’agit aussi d’un élément essentiel. De nombreux chercheurs français partent en effet à l’étranger pour subvenir à leurs besoins et avoir davantage de moyens à consacrer à leurs recherches. Il faut créer un choc d’attractivité des métiers de la recherche structuré autour de leur revalorisation, en mettant particulièrement l’accent sur l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes scientifiques ayant vocation à porter le nouvel essor de la recherche publique française et son rayonnement dans l’ensemble de la société.

Nous cherchons également à amplifier l’ouverture du monde académique vers les entreprises en élargissant les possibilités ouvertes aux agents publics pour créer une entreprise ou participer à la vie d’une entreprise existante afin de valoriser leurs travaux de recherche.

Comme à chaque loi de programmation, la question de la trajectoire est l’objet de critiques – moi-même, je peux en avoir à émettre – qui sont d’ailleurs parfois contradictoires. Ainsi, les fonds seraient insuffisants, prévus sur une trop longue période dépassant l’actuel mandat, incertains, ou mal ciblés. Il convient de rappeler que la programmation budgétaire est ambitieuse, progressive et poursuit un objectif de sincérité – comme tous les projets que nous conduisons depuis trois ans. L’objectif n’est pas de faire des promesses en l’air, mais des promesses effectivement applicables dans la durée.

Les syndicats ont émis des critiques concernant les risques possibles de précarisation des emplois. Ce sujet devra être étudié avec beaucoup d’attention. Cependant, le projet de loi vise justement à améliorer les conditions de recrutement et de travail des chercheurs en France. Cet élément est également essentiel pour agir en faveur de la recherche dans notre pays.

Tels sont les points cruciaux que je souhaitais souligner, sur lesquels j’espère que l’ensemble du Parlement apportera un vote favorable.

M. David Corceiro (MODEM). La situation de la recherche représente à elle seule un paradoxe français. D’un côté, les sous-investissements chroniques ont dégradé l’état de notre recherche, qui se caractérise désormais par une inflation administrative attirant de moins en moins de jeunes. De l’autre, l’excellence de la recherche française continue à être reconnue dans le monde entier et notre pays demeure une grande puissance scientifique. Cette situation paradoxale, nous la vivons depuis plusieurs mois au travers de la crise sanitaire dans plusieurs secteurs, notamment le secteur médical. Un soutien financier beaucoup trop faible depuis plusieurs décennies et une complexité administrative grandissante ont sclérosé nos établissements médicaux. Pourtant, la qualité de la médecine française et de notre système de soins suscite le respect dans le monde entier. Cet exemple pourrait se décliner dans les secteurs agricole ou scolaire.

Ce texte résulte néanmoins d’un travail de long terme entamé bien avant la crise due au coronavirus, car le déclin de notre recherche est pointé du doigt depuis de très nombreuses années. La crise ne fait que mettre en lumière un problème structurel. Plus que jamais, il est nécessaire de rendre l’essentiel de la carrière des métiers de la recherche plus attractif.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche entend favoriser nos talents français, mais également attirer des talents scientifiques étrangers en redonnant des perspectives pour l’emploi. Le groupe MODEM et apparentés soutient donc ce texte qui donne à nos scientifiques les moyens de bâtir un nouveau modèle cohérent et équilibré. Ce modèle, celui de la tenure track, a l’avantage de lutter contre la précarité à laquelle sont confrontés de nombreux étudiants en situation de post-doctorat.

Ainsi, le réinvestissement massif qu’insuffle le projet de programmation de la recherche est indispensable pour maintenir la France parmi les pays scientifiques de premier plan et garantir la souveraineté de son économie.

S’agissant des articles sur lesquels notre commission est saisie pour avis, sur la valorisation économique des résultats de la recherche et sur les recherches appliquées au secteur de l’agriculture, notre groupe approuve les orientations affichées qui redonnent des marges de manœuvre pour une stratégie de développement scientifique solide. L’articulation entre la recherche et le développement économique est en effet un axe majeur, essentiel pour bâtir une réelle économie de la connaissance.

Cette ambition d’augmenter la contribution de la science à la compétitivité des entreprises françaises et à la création de valeur et d’emploi pour notre économie emporte l’entière adhésion de mon groupe.

M. Sébastien Nadot. Il s’agit de ma première venue en commission des affaires économiques.

M. le président Roland Lescure. Bienvenue !

M. Sébastien Nadot (Écologie, Démocratie, Solidarités). Merci.

La communauté de la science et de la recherche attendait avec impatience ce projet de loi de programmation de la recherche. C’est donc avec satisfaction et intérêt que le groupe EDS souhaite apporter sa contribution à l’examen de ce texte.

Dans cet esprit, nous avons déposé plus d’une cinquantaine d’amendements pour l’examen en commission des affaires culturelles et de l’éducation. Ce travail a été conduit en étroite collaboration avec les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui ont pu nous alerter sur plusieurs points.

La trajectoire budgétaire qui structure ce texte sur une période inhabituellement longue ne correspond pas à un exercice budgétaire sincère, et ne correspond pas davantage aux enjeux du secteur ni aux réalités économiques et politiques de notre pays. Ramener la périodisation du projet de loi à 2027 s’impose à nos yeux. C’est ce que réclame l’ensemble des acteurs de la recherche du pays et ce que laisse entendre fortement le Conseil d’État dans son avis. De nombreux amendements émanant de plusieurs groupes parlementaires ont été déposés en ce sens. Il est important que le Gouvernement et la majorité ne s’opposent pas à cette amélioration cruciale du texte.

L’effort budgétaire doit par ailleurs se concentrer en début de période. Nous saluons à cet égard l’effort budgétaire consacré à la recherche par le plan de relance. Les annonces du Premier ministre devront, bien entendu, être suivies d’actes.

Le texte semble oublier les principaux acteurs de la recherche en France que sont les maîtres de conférences et les personnels administratifs. Rien sur l’articulation essentielle entre recherche et enseignement supérieur ! C’est un non-sens économique.

Concernant les nouveaux dispositifs de recrutement, l’étude d’impact ne permet pas d’émettre un avis fondé, en particulier sur le système de tenure track. Ce modèle d’inspiration anglo-saxonne semble ici plaqué sur le système français sans réflexion sur la cohérence d’ensemble. En tout cas, l’étude d’impact ne fournit pas d’éléments permettant de préciser les choses. La précarisation et la discrimination des femmes, que l’on constate dans les pays où existe ce système, ne semblent pas prises en compte dans le projet de loi. Plusieurs groupes parlementaires demandent la suppression de l’article 3. Nous espérons que le Gouvernement et la majorité comprendront qu’en l’état, l’introduction du système de tenure track en France est précipitée. Le projet de loi n’apporte pas de garanties suffisantes contre la précarisation et les effets de discrimination à l’encontre des femmes chercheurs. La mise en cohérence du dispositif avec la voie principale de recrutement par concours des enseignants-chercheurs n’est pas démontrée, voire ignorée.

La France, avec ses 28 % de femmes chercheuses, se situe sous la moyenne européenne à 33 %. Or ce texte ne comporte aucune invitation à une transformation vers l’égalité femmes-hommes dans le monde de la recherche.

Enfin, il manque une réflexion stratégique poussée sur les grands programmes de recherche. Quels sont les grands programmes à engager ou à accélérer ? Quels sont les programmes jugés non-prioritaires ? Pour une loi de programmation, une telle lacune ne laisse pas de surprendre !

D’autres sujets tout aussi essentiels sont malheureusement absents de ce projet de loi de programmation. La spécificité des sciences humaines et sociales n’apparaît pas. Est-ce un projet de loi sur la recherche, ou seulement sur l’innovation ? Que peut et que doit faire la France face aux défis environnementaux pour remplir les objectifs de développement durable auxquels elle a souscrit ? Comment atteindre vraiment l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 du plan climat ? Comment la recherche française s’inscrira-t-elle dans celle de l’Europe et quel doit être son rayonnement mondial ? Voilà des questions auxquelles nous aurions aimé trouver des réponses dans le projet de loi.

Le groupe EDS considère qu’un substantiel travail d’amélioration de ce texte est nécessaire.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Les propos qui viennent d’être tenus relèvent plutôt de la commission saisie au fond, voire de la commission des finances.

Nous avons auditionné la Conférence des présidents d’université (CPU) et l’ensemble des laboratoires unités mixtes de recherche (UMR) concernés par ce projet, notamment par l’abondement de l’ANR.

S’agissant de la précarisation, je peux dire qu’en tant que jeune chercheur recruté à 35 ans à l’université comme maître de conférences…

M. le président Roland Lescure. C’était hier !

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Merci ! J’aurais aimé bénéficier de cette manne de l’ANR pour pouvoir vivre sous contrat, voire faire mon doctorat en étant rémunéré. Cette loi prévoit qu’à terme, 100 % des docteurs auront un contrat doctoral et seront payés pendant leurs études. Nous avancerons donc vers des parcours beaucoup plus sécurisés.

J’entends par ailleurs votre question relative à l’égalité femmes-hommes, mais cela se joue à mon sens en amont. L’évaluation doit porter sur la qualité scientifique des travaux menés. En amont, le parcours doit conduire les femmes vers les doctorats, et favoriser l’égalité sur la qualité de la recherche. En revanche, nous ne pouvons pas introduire un critère sur ces questions, même s’il s’agit effectivement d’un problème important. Il incombe aux universitaires de faire en sorte que les femmes s’orientent davantage vers des doctorats, notamment dans les sciences dures.

Les programmes prioritaires sont là pour donner des priorités. Ainsi, 2,4 milliards d’euros sont prévus dans les PIA pour accélérer l’innovation notamment dans les domaines de l’hydrogène et de la cybersécurité. Des programmes prioritaires sont donc bel et bien fléchés dans une stratégie globale du Gouvernement portant sur ce qui apparaît comme des nécessités pour le développement de la France et de l’Europe.

M. Sébastien Nadot. Nos interrogations ne portent pas sur le montant dévolu aux PIA, mais sur leur contenu. Ira-t-on vers la recherche sur le nucléaire, ou vers autre chose ? C’est pourtant le propre d’une loi de programmation que de donner des indications en ce sens. Or nous n’en avons pas.

La question de l’égalité femmes-hommes constitue par ailleurs un point noir de la recherche. Or le système de tenure track revient à mettre les femmes en situation précaire en période de pré-recrutement, à l’âge où elles peuvent espérer avoir des enfants. Nous risquons donc de renforcer le problème, déjà très prégnant, de la faible place attribuée aux femmes chercheurs.

Vous dites enfin que 100 % des contrats doctoraux seront pris en charge. Voilà une bonne nouvelle pour tous les chercheurs en sciences sociales qui n’en attendaient pas moins ! Il me semble cependant qu’il ne s’agit pas d’une interprétation satisfaisante du texte.

 

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi dont elle s’est saisie.

Article 1er : Approbation du rapport annexé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1eret du rapport annexé.

 

Article 2 : Programmation des crédits budgétaires de la recherche

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2.

 

Article 13 : Participation d’agents publics à une entreprise pour valoriser des travaux de recherche

La commission examine l’amendement CE2 du rapporteur pour avis.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Il nous a paru nécessaire de rectifier une disparité créée par l’article 13 entre les droits des fonctionnaires civils de l’État et ceux des personnels de la fonction publique hospitalière (FPH), notamment des établissements publics de santé, tout en s’inscrivant pleinement dans l’esprit de la loi d’amplifier les collaborations entre nos scientifiques et les entreprises.

La commission adopte l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

 

Article 14 : Cumul d’activités à temps partiel

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14.

 

Article 22 : Habilitations à légiférer par voie d’ordonnances

La commission émet un avis favorable à l’adoption des et de l’article 22.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi.

M. le président Roland Lescure. Merci pour ce galop d’essai !

 

 

 

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Informations relatives à la commission

.............................................M. Grégory Besson-Moreau a été nommé rapporteur sur le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire (n° 3298).

À la suite de son élection comme maire du Touquet-Paris-Plage, M. Daniel Fasquelle, vice‐président du Bureau, a démissionné de son mandat de député le 4 août 2020 pour cause d’incompatibilité prévue à l’article L.O. 141-1 du code électoral. Le groupe LR ayant désigné comme candidat M. Julien Dive, la commission des affaires économiques a pris acte de la nomination de M. Julien Dive comme vice-président du Bureau.

 


 

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

 

Réunion du lundi 14 septembre 2020 à 14 heures

Présents. - M. Damien Adam, M. Patrice Anato, M. David Corceiro, M. Roland Lescure, M. Mickaël Nogal, M. Jean-Bernard Sempastous

Excusés. - M. Bruno Bonnell, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Laure de La Raudière, M. Serge Letchimy, M. Max Mathiasin, M. Dominique Potier

Assistait également à la réunion. - M. Sébastien Nadot