Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Examen de la proposition de loi de M. François Ruffin Femmes de ménage : Encadrer la sous-traitance, cesser la maltraitance (n° 2954) (M. François Ruffin, rapporteur)              2

   Examen de la proposition de loi de M. Jean-Luc Mélenchon visant à créer un pôle public du médicament (n° 2814) (Mme Caroline Fiat, rapporteure)              25

   Informations relatives à la Commission.....................38

  – Présences en réunion.................................39

   

   

 

 

 


Mercredi
27 mai 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 38

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Brigitte Bourguignon,
présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 27 mai 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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La commission procède d’abord à l’élection de son rapporteur général.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Le 5 mai dernier, le Bureau et la Conférence des présidents ont défini les modalités selon lesquelles les commissions permanentes pourraient reprendre le cours aussi normal que possible de leurs activités législatives. C’est ce qui nous a permis dès la semaine dernière de désigner des rapporteurs et de procéder à l’examen de la proposition de loi de notre collègue Guy Bricout.

Dans le contexte actuel, chacun conviendra que nous ne saurions nous satisfaire que la fonction de rapporteur général, vacante depuis la nomination d’Olivier Véran au Gouvernement, le reste plus longtemps. Les recettes et les dépenses de la sécurité sociale sont profondément bouleversées par la crise, une reprise de dette est annoncée, la création d’un cinquième risque est préfigurée : notre commission a besoin plus que jamais d’un rapporteur général pour aborder ces prochaines échéances.

Comme vous le savez, la Conférence des présidents du 5 mai dernier a décidé que pour l’heure, les effectifs sont limités à trente‑six députés, répartis de façon à assurer la représentativité de la composition politique de notre Assemblée. Il est également prévu que tous les votes en commission se font à main levée. Par conséquent, c’est ainsi que nous devrons procéder s’il y a une pluralité de candidats.

Je rappelle que pour les deux premiers tours de scrutin, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise, conformément aux dispositions de l’article 39 du Règlement..

M. Cyrille Isaac-Sibille. Vous faites référence à un relevé de décisions de la Conférence des présidents du 5 mai, qui visait à remédier à un problème sanitaire. Depuis, le Conseil scientifique a rendu le 12 mai un avis qui, suivi par le Premier ministre, permet en ce moment de procéder dans des conditions sanitaires tout à fait satisfaisantes à l’élection des maires dans les 35 000 communes, et ce à bulletins secrets. Je m’étonne donc qu’il en soit ainsi dans notre Assemblée, qui est pourtant, avec le Sénat, la plus haute de notre pays, alors qu’un vote à bulletins secrets peut être organisé dans le plus petit village dans de bonnes conditions sanitaires.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous en donne acte mais nous sommes tenus par les décisions de la Conférence des présidents.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Cette Conférence des présidents remonte au 5 mai, et depuis, les choses bougent : le Conseil scientifique a émis un avis le 12 mai et le Premier ministre a permis qu’il soit procédé à une élection dans les 35 000 communes dans des conditions satisfaisantes. On ne peut que regretter un fonctionnement démocratique dans lequel la plus haute assemblée délibérative ne peut pas procéder comme dans le plus petit village.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Ce débat ne vaut que s’il y a pluralité de candidats. Est-ce le cas ?

M. Sébastien Chenu. S’il n’y a pas de vote à bulletins secrets, je me porterai candidat pour qu’il y ait une pluralité de candidatures. La Conférence des présidents n’a pas capacité à s’ériger pour nous dicter le mode de scrutin que nous devons utiliser dans cette assemblée. Il m’est indifférent de savoir si c’est tel ou tel collègue de la majorité qui est élu, car ce sera de toute façon un collègue de la majorité. Mais la réalité est que vous ne pouvez pas, ne serait‑ce qu’en termes de philosophie politique et d’image, procéder sans vote à bulletins secrets à un scrutin dont l’objet est de désigner le rapporteur général. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de véhiculer !

Je serai donc candidat s’il n’y a pas d’autre candidat, et je réclame le vote à bulletins secrets.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je vous remercie pour ce beau rappel démocratique... Êtes‑vous candidat ?

M. Sébastien Chenu. Je suis candidat !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je prends note de cette candidature mais les modalités du scrutin ne seront pas changées.

M. Boris Vallaud. À dire vrai, lorsque j’avais demandé que soit rapidement désigné un rapporteur général, j’ignorais que nous serions bridés quant aux modalités du scrutin. Dès lors, compte tenu du retard que nous avons pris, nous ne sommes pas à une semaine près et nous pourrions donc demander à la Conférence des présidents qu’elle nous autorise à voter à bulletins secrets dans une semaine. Je sens qu’il y a cette demande pour libérer un certain nombre de nos collègues de leur vote.

Puisque le désir qui s’est exprimé dans cette crise est manifestement celui de la concorde la plus large possible, j’avais par ailleurs fait la suggestion que la fonction de rapporteur général puisse être confiée à un membre de l’opposition, comme c’est constitutionnellement le cas s’agissant de la présidence de la commission des finances. Je regrette que la majorité n’ait pas fait ce choix, qui aurait montré que nous nous trouvions enfin peut‑être dans un « acte II » ou un « acte III », avec d’autres pratiques.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Quand bien même tous les présidents de groupe n’auraient pas adhéré aux règles fixées par la Conférence des présidents, la majorité des groupes se sont démocratiquement exprimés en leur faveur. Je rappelle en outre que nous nous trouvons face à une urgence : si vous voulez que nous soyons dépossédés de ce qui relève des lois de financement de la sécurité sociale, continuons à retarder les choses en raison d’une procédure qui a été décidée par la Conférence des présidents !

M. Gilles Lurton. Nous pensons que quand il s’agit de l’élection d’une personne, comme l’élection à cette fonction de rapporteur général de la commission des affaires sociales, il s’agit d’un poste suffisamment important dans notre assemblée pour mériter un vote à bulletins secrets. Nous pensons qu’il n’est pas possible de désigner cette personne par vote à main levée.

Puisque vous souhaitez une pluralité de candidatures, le groupe Les Républicains présente la candidature de Stéphane Viry.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Monsieur Dharréville, êtes‑vous candidat ?

M. Pierre Dharréville. J’y ai pensé, mais pour l’instant, je n’en suis pas là...

Je comprends, madame la présidente, votre position, qui est d’appliquer les décisions du Bureau de l’Assemblée, mais – cela méritera d’être rapporté à qui de droit – je me permets néanmoins d’observer que cela n’est pas convenable. Le vote à bulletins secrets est de droit parce qu’il est une protection : l’exercice plein et entier de la démocratie mérite que nous puissions exercer ce droit si l’un d’entre nous le demande. Je crois donc que si nous considérons que les conditions ne sont pas réunies pour voter à bulletins secrets bien que l’ensemble des conseils municipaux – et j’ai assisté à deux d’entre eux la semaine dernière – aient voté à bulletins secrets et que les bulletins y aient été dépouillés en prenant les précautions appropriées, nous pouvons effectivement, au point où nous en sommes, attendre une semaine supplémentaire. Je partage donc l’avis de Boris Vallaud sur ce point.

Mme Caroline Fiat. J’appuie les propositions de Boris Vallaud et Pierre Dharréville. Depuis des semaines, nous attendons impatiemment l’élection d’un nouveau rapporteur général et on nous a sans cesse répété qu’il fallait que nous soyons patients. À force de nous le demander, nous le sommes devenus : nous n’en sommes plus à une semaine près et je pense qu’il est important de pouvoir permettre un vote à bulletins secrets et de ne peut‑être pas forcer le destin en votant à main levée et en sentant que certains sont obligés de voter ce qu’ils ne voudraient pas. C’est un droit : attendons donc une nouvelle réunion de la Conférence des présidents, la semaine prochaine, pour permettre ce vote à bulletins secrets.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. L’ordre du jour de notre réunion appelle l’élection du rapporteur général dans le respect des règles sanitaires fixées par la Conférence des présidents.

M. Philippe Vigier. Mon propos, madame la présidente, visera à vous protéger. Samedi dernier dans ma circonscription, j’ai participé, à la demande de la ministre de la cohésion des territoires, à l’installation d’un nouveau conseil municipal et j’ai constaté que si l’on veut écarter le vote à bulletins secrets, on doit préalablement demander à l’assemblée délibérante son accord pour procéder de la sorte. Quel qu’il soit, le rapporteur général désigné sera le rapporteur de tous, en charge du budget le plus important dans cette assemblée. Or cette élection risque d’être entachée d’illégalité. Je participe très fidèlement à la Conférence des présidents : ce n’est pas l’application du Règlement, mais une décision transitoire prise pendant la crise. Vous risquez donc de voir cette élection cassée par un tribunal administratif, ce qui serait fort dommageable : alors que le « Ségur de la santé » a été lancé hier, nous pouvons nous épargner une telle crise.

La commission est saisie des candidatures de M. Thomas Mesnier pour le groupe La République en Marche, M. Stéphane Viry pour le groupe Les Républicains et M. Sébastien Chenu.

Le nombre des candidats étant supérieur au nombre de sièges à pourvoir, il y a lieu de procéder à un scrutin.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants : 29

Majorité absolue : 15

Ont obtenu :

 M. Thomas Mesnier : 20 suffrages

 M. Stéphane Viry : 8 suffrages

 M. Sébastien Chenu : 1 suffrage

En conséquence, M. Thomas Mesnier, ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, est proclamé rapporteur général de la commission.

(Applaudissements.)

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je vous remercie de votre confiance. Je suis bien conscient des conditions exceptionnelles de cette élection – et je ne pense pas simplement au scrutin à main levée. J’espère que dans les tout prochains jours et les toutes prochaines semaines nous pourrons travailler collectivement de la façon la plus sereine qui soit sur le budget de la sécurité sociale.

  La commission examine la proposition de loi de M. François Ruffin Femmes de ménage : Encadrer la sous-traitance, cesser la maltraitance (n° 2954) (M. François Ruffin, rapporteur).

M. François Ruffin, rapporteur. Madame la présidente, chers collègues, je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission. Si notre réunion peut se tenir ce matin dans la salle des affaires sociales de ce foyer épidémique qu’a été l’Assemblée nationale, c’est parce que les femmes de ménage ont fait leur travail. « On frotte tout à fond », m’a expliqué Patricia, « les poignées de porte, les interrupteurs, les micros, les dossiers de chaise, avec un nouveau désinfectant qu’on nous a remis ».

Ce travail, pour quel salaire le font-elles ? J’ai ici les bulletins de paye des femmes de ménage du Palais Bourbon, qui vont de 740 euros à 780 euros pour celles qui travaillent à temps partiel – de loin les plus nombreuses – à 1 430 euros pour celles qui sont à temps plein. Quels sont leurs horaires, et quelle vie mènent-elles ? Généralement, elles arrivent ici à 6 heures le matin pour repartir à 9 heures. Graziella me dit : « J’habite aux Mureaux, je me lève à 4 heures, je prends le bus de 4 heures 53 pour rejoindre la gare à 5 heures 03, pour arriver à Saint-Lazare à 6 heures 10 – en principe, car le train est souvent en retard et il m’arrive alors de pleurer. Après le travail, je reprends le train à 9 heures 07. » Je lui demande : « Alors, vous venez pour trois heures de travail ? » et elle me répond : « Oui, je fais cela depuis 1993. »

Ces femmes se lèvent à 4 heures pour faire trois heures de travail et gagner ainsi 30 euros. La plupart cherchent à cumuler plusieurs emplois, ce qui signifie qu’elles vont à nouveau travailler, souvent de 18 heures à 21 heures, pour revenir chez elles à 22 heures 30. Elles sont donc obligées de trouver des solutions pour faire garder leurs gamins et, pour cette raison mais aussi du fait de l’usure à laquelle elles sont soumises, doivent renoncer à une vie familiale normale. Ce qui se passe à l’Assemblée nationale n’est pas une exception, c’est la règle, c’est ce qui se passe dans quasiment toutes les institutions et les entreprises : selon la Fédération des entreprises de propreté et services associés (FEP), 97 % de ses salariés travaillent en horaires décalés, c’est-à-dire entre 6 heures et 9 heures.

Cette maltraitance n’est pas une fatalité, elle n’est pas issue d’une loi naturelle : il fut un temps où les femmes de ménage étaient mieux traitées par notre société. Je peux vous citer, par exemple, le témoignage d’un ancien directeur des ressources humaines dans l’industrie agroalimentaire, contraint de recourir à l’externalisation : « Elles faisaient autrefois partie de l’entreprise, avec tous les avantages – le comité d’entreprise, les chèques-vacances, le Noël des gosses. Lucette, Andrée, Sylvianne, on les appelait par leur prénom, on les tutoyait, elles avaient leur vestiaire, elles prenaient le café dans la salle de pause, et elles terminaient leur carrière à 1 900 euros, avec un treizième mois et des primes en plus. Et puis l’idée est venue – disons plutôt que l’ordre est tombé – de sous-traiter. Du jour où ça s’est fait, on n’a plus vu les femmes de ménage : travaillant toutes à temps partiel, elles arrivaient à 5 heures et repartaient à 8 heures – des fantômes... L’une d’elles m’a expliqué qu’elle se rendait sur trois chantiers dans la journée : notre usine le matin, un particulier dans l’après-midi, les bureaux d’une assurance le soir, le tout pour 800 euros par mois. Et nous, tous les ans, on comprimait les tarifs du sous-traitant, une année on serrait de 2,5 %, la suivante de 1 %... et comme pour eux, nous étions un gros marché, ils étaient tenus à la gorge. »

Ce cas n’est évidemment pas isolé. Ainsi, la responsable du service général d’une université nous a expliqué que, recevant de son conseil d’administration l’injonction constante de diminuer la masse salariale, elle avait dû se résoudre à prendre des mesures en ce sens : alors que le travail était autrefois fait en interne par quatre-vingts personnes, il n’y en a désormais plus que vingt-huit – et elles sont appelées à disparaître un jour totalement au profit de la sous-traitance.

On retrouve la même situation dans les hôpitaux, où elle a des conséquences sur les salaires et les conditions de vie des personnels. Ainsi, l’externalisation mise en place à l’hôpital d’Amiens s’est traduite par une suppression de la prime de service, qui représentait 700 euros à 800 euros par mois pour les agents des services hospitaliers (ASH) lorsqu’ils faisaient ce travail à temps plein en journée – de 6 heures à 14 heures, de 9 heures à 16 heures ou de 14 heures à 22 heures. De même, recourir aux sous-traitants de la société Onet pour nettoyer les chambres et les couloirs permet d’éviter d’avoir à leur verser la prime exceptionnelle liée au covid-19.

À l’université, faire appel à des sous-traitants permet de rogner non seulement sur les rémunérations – environ 250 euros en moins par an – mais aussi sur les congés : alors que les agents d’entretien avaient droit, comme il est d’usage dans un établissement d’enseignement, à quarante-cinq jours de congé par an, les sous-traitants n’ont plus droit qu’à cinq semaines...

Enfin, l’externalisation a aussi des conséquences sur les cadences imposées aux agents d’entretien, puisqu’elle aboutit à diviser par deux le nombre d’heures pour la même charge de travail : ce qui était effectué en sept ou huit heures par un agent en interne va l’être en deux à quatre heures par un employé d’une société sous-traitante.

Olivier, qui travaille à l’hôpital d’Amiens pour le compte de la société Onet, nous a expliqué nettoyer le service de dermatologie avec une collègue en trois heures, alors que ce travail était précédemment effectué par deux ASH travaillant chacun sept heures par jour – des conditions de travail qui donnent constamment le sentiment de devoir se presser, et de mal faire son travail. Il faut lire le récit de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, où elle raconte très bien, de l’intérieur, ce qu’est le quotidien d’une femme de ménage, et comment chacune des minutes passées à nettoyer des cabines, des bungalows, des chambres d’hôtel, doit être hyperproductive, afin d’en faire le plus possible dans le minimum de temps : le temps de travail se trouve réduit à l’os.

Je ne doute pourtant pas du fait que, même dans ce monde-là, la bonne volonté ne manque pas. Les patrons que nous avons interrogés sont tous conscients du sort réservé à leurs salariés, et le regrettent. Le nettoyage en journée, systématiquement proposé par les sociétés sous-traitantes, est presque toujours refusé par le donneur d’ordre, qui fait la loi et impose que le ménage ne soit fait qu’en l’absence de ses propres salariés, donc en horaires décalés : les agents d’entretien doivent être invisibles. Le patron de la FEP, M. Philippe Jouanny, nous dit que, depuis 2008, il n’a cessé d’organiser des tables rondes et des conférences de progrès social dans l’objectif de rétablir davantage de travail en journée, s’inspirant en cela de l’exemple des pays scandinaves, où il y a 80 % de travail en journée et où les personnels peuvent travailler six ou sept heures d’affilée, ce qui leur permet de toucher un vrai salaire.

Malheureusement, le cahier des charges des donneurs d’ordre – publics comme privés – persiste à imposer les horaires décalés, et les bonnes volontés, les nobles intentions et les incantations pèsent bien peu face à la loi qui règne en maître, à savoir la loi du marché. Le secteur du nettoyage est donc une espèce de Far West, avec un rapport de force complètement défavorable à des salariés qui sont à 80 % des femmes, souvent très peu qualifiées et d’origine étrangère, et cumulant donc les fragilités. Comme on l’imagine, il est bien difficile de s’organiser et encore plus de monter un syndicat dans ce contexte. Quand bien même les personnes concernées le feraient-elles, elles ne pourraient peser qu’à l’intérieur de l’entreprise sous-traitante, elle-même dominée, pour ne pas dire écrasée, par les donneurs d’ordre.

C’est pourquoi il apparaît nécessaire qu’une loi vienne servir de point d’appui aux bonnes volontés. Celle que nous proposons comporte deux points : il s’agit, d’une part, d’inciter économiquement au travail de nettoyage en journée et, d’autre part, de faire en sorte que sous-traitance ne rime plus avec maltraitance, que cette pratique ne soit plus synonyme de dumping social, comme c’est le cas depuis au moins vingt ans.

La dégradation du travail, mais aussi de la vie qui va avec, me semble constituer le cœur du malaise de notre pays. Qu’a été la révolte des « gilets jaunes », si ce n’est le soulèvement des bas salaires ? À quoi assiste-t-on durant la crise du covid-19 ? De manière exacerbée, les premiers de corvée ont continué à être les plus exposés, qu’il s’agisse des auxiliaires de vie sociale, des caissières, des vigiles ou des femmes de ménage, avec le sentiment pesant – voire le ressentiment – d’une grande injustice face à des conditions de travail et des salaires en constante détérioration depuis plus de vingt ans.

S’exprimant au sujet du covid-19, le Président de la République a dit récemment qu’« il nous faudra nous rappeler que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal ». S’il faut se le rappeler, cela ne suffit pas : il faut aussi agir. Faisant référence à l’article 1er de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, Emmanuel Macron a poursuivi en rappelant que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».

Aujourd’hui, il ne pourrait pas y avoir de réunions des commissions – le Parlement ne pourrait donc fonctionner normalement – sans le passage des femmes de ménage dans cette salle et dans les bureaux adjacents. De même, en l’absence de femmes de ménage, les hôpitaux devraient fermer en quarante-huit heures : comme on le voit, l’utilité commune est indéniable. Aujourd’hui, pourtant, c’est avec des salaires de misère et des vies de galère qu’elle est récompensée !

Je suis convaincu que c’est maintenant que nous devons agir, que c’est maintenant qu’il faut une loi, et je ne suis pas le seul à le dire : nous avons auditionné hier le directeur de cabinet de Mme Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, qui disait exactement la même chose ! De même, le patron d’Europ Net, la société de nettoyage qui intervient dans les locaux de l’Assemblée nationale, nous a dit qu’il fallait battre le fer tant qu’il est chaud.

Parlementaires collègues, c’est au pied du mur qu’on voit le maçon. Le moment est venu de passer de la parole du Président de la République aux actes et à la loi.

Mme Charlotte Lecocq. Les agentes et agents d’entretien remplissent une mission trop peu reconnue dans notre société. Ils entretiennent et nettoient notre cadre de travail et concourent ainsi à le rendre plus agréable et plus sain. Ainsi, ils améliorent au quotidien nos conditions de travail, et leur rôle se trouve particulièrement mis en lumière dans le cadre de la crise du covid-19, puisqu’ils participent activement à la lutte contre le virus pour notre santé à tous.

Aujourd’hui, le groupe La République en Marche souhaite leur témoigner sa reconnaissance et agir concrètement pour améliorer leurs conditions de travail et de rémunération. Nous croyons au dialogue social et nous considérons que les représentants des salariés et des employeurs doivent encore faire progresser les rémunérations, ainsi que les parcours professionnels, la formation des salariés, leur intégration dans notre société et leur émancipation. Nous voulons que la santé au travail soit améliorée dans ce secteur, notamment en ce qui concerne l’usage de produits chimiques parfois nocifs pour la santé des travailleurs, et pour cela que les partenaires sociaux conduisent une négociation afin d’aboutir à de réels progrès en la matière, qui constitueront des évolutions aussi légitimes que nécessaires.

Au-delà de ces aspects pratiques, nous devons changer l’image et la place des agents d’entretien dans nos lieux de travail. Par habitude culturelle, le travail des agents d’entretien est organisé en horaires décalés. Cette pratique, que l’on ne retrouve pas chez nos voisins portugais ou scandinaves, est inacceptable, et nous voulons que cette proposition de loi soit l’occasion d’y mettre un terme. En effet, les horaires décalés nuisent à la vie de famille, conduisent à des amplitudes horaires très fatigantes, avec des journées de travail qui commencent parfois à 5 heures ou 6 heures du matin pour se terminer à 23 heures, après quelques coupures qui ne permettent pas un véritable repos. Nous voulons aller plus loin qu’une simple incitation à organiser les horaires de travail en journée : il faut le rendre obligatoire, pour enfin donner une place réelle à nos agentes et agents d’entretien.

Je crois que nous sommes tous ici d’accord sur ces finalités. Il nous faut maintenant débattre du meilleur chemin à suivre pour parvenir de façon constructive et efficace à des solutions concrètes.

M. Stéphane Viry. Force est de constater que cette proposition de loi nous invite à un questionnement sur notre système économique, sur les fragilités qu’il induit et sur les conséquences qu’il peut avoir sur les travailleurs concernés et sur leur quotidien. J’ai lu, au chapitre III du rapport, que cette proposition de loi visait à rompre la spirale infernale de la sous-traitance et à assurer des conditions de travail et de rémunération dignes aux femmes et hommes de ménage. Vous voulez provoquer une prise de conscience des conditions de vie de ces personnes, et aller plus loin que l’émotion suscitée par l’évocation de leur sort, en nous conduisant à réfléchir au mode de fonctionnement de notre économie.

Vous abordez avec ce texte un sujet très important, celui de l’externalisation des fonctions support mise en œuvre afin de faire baisser les coûts de main d’œuvre – on peut y voir une forme de dumping social. Cependant, eu égard à l’importance du sujet et à tous les enjeux et conséquences de l’externalisation, il aurait fallu nous soumettre une étude d’impact. Par ailleurs, sur le fond, les réponses que vous proposez ne nous paraissent pas satisfaisantes. Sans doute faudrait-il rendre la sous-traitance moins attractive en engageant une réflexion sur le coût du travail et sur les obligations légales des entreprises – en fonction de certains
seuils –, mais vos propositions ne vont pas vraiment en ce sens et n’apportent donc pas, selon nous, de réponse concrète au problème que vous soulevez.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés partage l’objectif d’améliorer les conditions de travail et d’augmenter les rémunérations des salariés de la première ligne, qu’ils soient agents de propreté, caissiers, éboueurs ou livreurs. Vous aves pris le parti, monsieur le rapporteur, de traiter aujourd’hui plus spécifiquement de la situation des agents d’entretien. Or, en tant que législateur, il ne nous appartient pas de traiter individuellement de la situation de tous les corps de métiers que nous souhaiterions voir mieux reconnus.

Par ailleurs, si l’intention est tout à fait louable, cette proposition de loi présente de trop nombreuses insuffisances et incohérences pour pouvoir être adoptée en l’état. Ainsi, l’article 1er propose de faire bénéficier les agents d’entretien des mêmes conditions conventionnelles et légales que les salariés de l’entreprise utilisatrice de leurs services, alors qu’ils disposent d’une convention collective nationale propre à leur branche. Ces questions doivent donc être discutées par la voie normale, c’est-à-dire par la négociation paritaire avec les représentants des entreprises et des salariés : nous n’avons pas à interférer dans les conventions collectives d’une entreprise ou d’une branche. En revanche, il conviendrait de renforcer les moyens des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, afin qu’elles puissent mieux veiller à leur bonne application.

L’article 2 vise à renforcer l’information en vue du respect de l’égalité salariale et des traitements entre les employés des entreprises extérieures et ceux des entreprises utilisatrices. Sur ce point, nos échanges en commission et en séance nous seront des plus utiles pour établir si votre proposition de rédaction apporte ou non une plus-value pour établir le délit de marchandage.

Monsieur le rapporteur, si la question que vous nous soumettez est digne d’intérêt, il nous faut aborder votre proposition avec prudence, car il ne faudrait pas qu’en affaiblissant le rôle des conventions collectives, celle-ci aille à l’encontre des intérêts des personnels que nous souhaitons ici défendre. En raison de ce qui nous apparaît comme une incohérence fondamentale, notre groupe ne pourra pas adopter ce texte en l’état.

M. Boris Vallaud. Comme à son habitude, François Ruffin a décrit avec minutie et sensibilité ce qu’est la vie quotidienne de celles que nous ne croisons pas, parce que tout est organisé pour que nous ne voyions jamais les personnes qui font le ménage et vident les poubelles dans nos bureaux : dans la plupart des entreprises et des administrations, on leur demande de commencer à travailler à 6 heures du matin, pour que tout soit terminé quand nous arrivons à 8 heures.

Cela me rappelle un article de Rutger Bregman consacré à la grève des éboueurs de New York en février 1968. Dans les premiers jours de cette grève, alors que des dizaines de tonnes de déchets s’accumulent, les New-Yorkais réagissent par le mépris à l’égard de ces éboueurs jugés narcissiques, qui osent prendre en otage les habitants de la ville. Mais ils se rendent compte rapidement qu’en réalité, ils ne peuvent se passer des éboueurs, et ceux-ci reprennent le travail au bout d’une dizaine de jours après avoir obtenu satisfaction sur certaines de leurs revendications. L’année suivante, il y eu en Irlande une grève des banquiers. Ceux-ci ne reprirent le travail qu’au bout de six mois, sans avoir obtenu satisfaction et sans que l’économie ait cessé de fonctionner.

La crise que nous avons traversée a été l’occasion d’une inversion des hiérarchies et des valeurs, qui va nous obliger à nous poser la question, dans les mois qui viennent, des modalités de partage de la valeur ajoutée et de l’appréciation de l’utilité sociale de certaines professions. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous apporterons notre soutien à cette proposition de loi, dont l’examen va nous permettre d’ouvrir le débat.

M. Paul-André Colombani. Cette proposition de loi met en évidence le paradoxe d’une société dans laquelle la rémunération et la reconnaissance sociale sont bien souvent sans rapport avec la réelle utilité sociale de la profession exercée. Nous ne pouvons que déplorer qu’il ait fallu une crise d’une telle ampleur pour qu’une large prise de conscience se fasse sur ce point. De nombreuses professions attendent depuis longtemps la reconnaissance salariale et sociale qu’elles méritent, comme nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, notamment dans le cadre des débats sur la réforme des retraites, au sujet des enseignants ou des soignants.

Avant même le mouvement des « gilets jaunes », nous étions nombreux à souligner l’importance de la juste rémunération du travail. Cette proposition traite spécifiquement des agents d’entretien, dont le travail a été tristement mis en lumière par la crise du covid-19, durant laquelle ces personnes sont plus que jamais exposées à des risques pour leur santé et subissent des contraintes horaires et une précarité accrues. La question de la rémunération en fonction de la valeur réelle du travail se pose d’autant plus que les femmes sont les premières à en souffrir – 75 % des agents d’entretien sont des femmes – et que les agents d’entretien méconnaissent souvent leurs droits.

L’épidémie a également aggravé les risques pour la santé des personnes concernées : ainsi, la Seine-Saint-Denis a connu une hausse de la mortalité de 118 % entre le 1er mars et le 10 avril, contre 92,6 % à Paris – une différence s’expliquant en partie par le fait que 12 % des actifs de ce département ont dû continuer à prendre les transports en commun. La protection des travailleurs précaires est donc également un enjeu sanitaire.

La proposition de loi pose, à juste titre, la question de la précarisation du métier des femmes et des hommes de ménage, notamment à cause de la sous-traitance, qui les éloigne des dispositions avantageuses dont bénéficient les employés des entreprises demandeuses de services. L’encadrement de la sous-traitance doit donc être amélioré. Notre groupe attend des précisions sur la mise en application des dispositions proposées et portera un regard exigeant sur la réponse du Gouvernement, car le sujet mérite la plus grande attention.

Mme Danièle Obono. Cette proposition de loi vise à encadrer la sous-traitance des personnels de ménage, qui sont en majorité des femmes, en instaurant une égalité de droits avec les salariés des entreprises donneuses d’ordre – pour le comité d’entreprise et les chèques-vacances, par exemple – et surtout les mêmes taux horaires, primes et ancienneté. L’objectif poursuivi est que le recours à une société extérieure ne se traduise plus par un dumping social. La proposition vise également à surpayer de 50 % les heures effectuées avant 9 heures du matin et après 18 heures, afin d’éviter des horaires décalés et de privilégier le plein temps en journée en évitant les mini-missions.

Qui est visé par cette proposition de loi ? Il s’agit le plus souvent de femmes, invisibilisées, voire méprisées et régulièrement maltraitées. « La sous-traitance, c’est la maltraitance ! », tel est le slogan entendu sur les piquets de grève, toujours plus nombreux au cours des dernières années : en 2017, celui des employées de l’entreprise Onet, qui s’occupe du nettoyage de la gare du Nord ; en 2018, celui des femmes de ménage de l’hôtel de luxe Park Hyatt, à proximité de la place Vendôme, qui sont restées en grève durant quatre‑ving‑sept jours ; aujourd’hui, enfin, celui des personnels de l’hôtel Ibis Batignolles, qui demandent une revalorisation salariale, de meilleures conditions de travail et l’intégration au groupe donneur d’ordre, puisque la maltraitance est la source d’une dégradation du service rendu, mais aussi des conditions de travail.

Les personnes concernées sont en majorité des femmes, soumises à des conditions de travail très dures, parfois même à des violences sexuelles et sexistes et, pour les personnes racisées ou de nationalité étrangère, à des discriminations fondées sur ces motifs. Depuis quelques années, ces personnes se mobilisent et s’organisent pour faire reconnaître leurs droits. La présente proposition de loi se veut un premier pas en ce sens : au-delà des hommages et de la reconnaissance de principe, chers collègues de la majorité, vous avez ainsi l’occasion d’accomplir une véritable action politique, au sens le plus progressiste du terme.

M. Pierre Dharréville. Nous ne pouvons pas en rester à ce que tant de femmes et d’hommes soient méprisés, mal reconnus, dans leur travail. Je remercie ainsi François Ruffin pour cette proposition de loi, qui braque le projecteur sur la situation particulière des agents d’entretien, sur ces femmes et ces hommes dont il a décrit la vie quotidienne et le manque de reconnaissance et de respect qu’ils subissent tout au long de leur vie.

Nous partageons pleinement les objectifs de ce texte : s’attaquer à la précarité, garantir l’égalité salariale, encadrer la sous-traitance dans le secteur du nettoyage. La nécessité de s’attaquer aux causes de cette situation rejoint les combats de notre groupe, notamment portés par Marie-George Buffet, pour encadrer le temps partiel subi par les femmes et, plus généralement, pour assurer l’égalité professionnelle.

La crise que nous venons de traverser a remis en lumière ces métiers dits de l’ombre, exercés par des femmes et des hommes qui ne sont pas reconnus à leur juste valeur. Nous avons besoin de passer aux actes, de reconnaître le travail de chacune et de chacun, de nous attaquer aux inégalités salariales et de situation, aux contrats courts et précaires, aux horaires fractionnés, à ces rémunérations qui dépassent rarement le SMIC. Au passage, le rétablissement des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail pourrait nous donner des moyens d’intervention.

Enfin, je souhaiterais évoquer les ravages de la sous-traitance et de l’externalisation des emplois. Ils sont devenus les outils principaux du dumping social, du moins-disant social, pour maintenir la stagnation des salaires et, bien souvent, un moyen de contourner l’action syndicale. Il appartient au législateur de jouer son rôle, notamment dans l’industrie, où ce risque est doublé. La proposition de loi de François Ruffin souligne cette réalité. Comme l’évoquait Ken Loach dans Du pain et des roses, ces femmes ont droit à de vrais salaires et une vraie reconnaissance.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je suis heureuse de prendre la parole au nom du groupe Agir ensemble. La situation de celles et ceux que l’on appelle pudiquement des agents de propreté, quand il s’agit en réalité de femmes de ménage, est non pas un simple dossier à traiter mais un enjeu de dignité. On parle de femmes mal payées, peu considérées, majoritairement peu qualifiées, qui travaillent dans l’ombre, sans se plaindre – à tel point qu’elles sont souvent invisibles –, à temps partiel, pour des salaires en dessous du SMIC.

Sans mauvais procès, il faut rendre justice au groupe La France insoumise d’aborder ce sujet. Ces journées d’initiative parlementaire ont l’intérêt de pouvoir présenter des questions sur lesquelles il est nécessaire que nous avancions, collectivement. Depuis trop longtemps, la société détourne le regard des travailleurs invisibles – femmes de ménage, employés des supermarchés, des services d’aide à domicile, éboueurs, notamment. Il est plus qu’urgent de se mettre à l’ouvrage.

Il ne serait pas juste de dire que le Gouvernement n’a rien fait pour les personnes aux revenus modestes. La revalorisation de la prime d’activité, pour ne citer qu’elle, s’applique aux femmes de ménage comme à l’ensemble des travailleurs précaires.

La situation particulière de ces personnes, qui est due notamment à l’augmentation du recours à la sous-traitance, appelle en effet une réponse adaptée. Si nous partageons l’intention qui est la vôtre, nous considérons toutefois que l’amélioration des conditions salariales, de travail et de formation des femmes de ménage doit d’abord faire l’objet d’un dialogue entre partenaires sociaux au niveau de la branche, particulièrement pour ce qui concerne la sous-traitance. Nous soutiendrons donc la proposition de notre collègue Charlotte Lecocq.

Il nous paraît cependant essentiel, si les négociations n’aboutissent pas dans la direction escomptée, de revenir à la charge avec des dispositions législatives, qui pourraient prendre la forme d’un travail et d’une proposition de loi transpartisans. Oui, monsieur Ruffin, c’est maintenant qu’il faut agir, mais pas de cette manière.

M. Bernard Perrut. Vous proposez une revalorisation du statut des femmes de ménage, en modifiant le code du travail. C’est une belle intention, car il faut s’attaquer à un véritable problème : le travail de femmes, mais aussi d’hommes, dans ce métier comme dans d’autres, à des horaires décalés, la nuit, dans des conditions difficiles, au détriment de la vie familiale, personnelle, ou de la santé, et avec des salaires très bas, ce que l’on ne peut que déplorer. Peu d’hommes postulent d’ailleurs à ce type d’emplois, souvent dévalorisés, ce qui pose également la question des inégalités salariales entre hommes et femmes.

La proposition de loi traite du choix de la sous-traitance dans le secteur privé et dans les établissements publics. Comment combattre l’inégalité entre salariés d’une entreprise utilisatrice et d’une entreprise sous-traitante ? Cela ne peut passer par des règles supplémentaires, telles celles que vous proposez, car elles auront des conséquences néfastes pour les salariés. La majoration des heures, par exemple, augmentera le coût horaire. Au lieu de faire travailler les femmes de ménage dans des conditions raisonnables, on leur demandera d’accélérer encore les cadences, pour faire le même travail en moins de temps. Il faut donc être très vigilant.

Ne pourrions-nous pas plutôt réfléchir à rendre la sous-traitance moins attractive, en facilitant l’embauche dans les entreprises utilisatrices ? Cela peut passer par une réflexion sur le coût du travail, sur les obligations légales, sur les nombreux seuils existants, sur la législation. Il faut appeler l’attention des chefs d’entreprise et de l’ensemble des donneurs d’ordres sur ce point : c’est le travail dans l’entreprise qu’il convient de privilégier.

M. le rapporteur. Vous témoignez tous de votre reconnaissance. Vous dites que le sujet est important, que vous y êtes attentifs. J’entends que je ne suis pas le meilleur des législateurs possibles, bien que des administratrices remarquables – d’autres invisibles, peut‑être –, m’accompagnent dans ce travail. J’entends que la proposition de loi présente des incohérences, des insuffisances, tout ce que vous voulez. Mais que mettez-vous sur la table, en face ? Pour l’instant, beaucoup de vide. Madame Lecocq, j’aurai un mot pour vous à la fin...

Vous le savez, je n’y vais pas par quatre chemins. Dire qu’il faut passer par des négociations, revoir les conventions collectives, c’est, comme Ponce Pilate, s’en laver les mains. Si vous passez par des négociations, rien ne changera.

Les syndicats en sont très conscients. Jean Hédou, secrétaire général de la Fédération Force ouvrière de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS FO) l’affirme : « Je suis pour laisser la liberté à la négociation conventionnelle, mais la sous-traitance s’oppose au principe de l’égalité des salariés. La base même de la sous-traitance, c’est l’inégalité. L’égalité doit être préservée. Ce que la loi rend possible avec la sous-traitance, la loi peut le corriger. »

La CGT Ports et docks, la Fédération des services CFDT et la FEETS FO, tous trois signataires de la convention collective, réclament une loi qui fixe un mieux-disant. Le directeur de cabinet de Marlène Schiappa dit aussi qu’une loi est nécessaire. Et les entreprises font la même réponse, lorsqu’on les interroge.

La négociation, je le répète, se fait à 80 % avec des femmes, dominées dans leur entreprise. Surtout, ces personnes négocient au niveau de leur branche. Or, c’est le rapport de forces avec le donneur d’ordre qui importe, ce que les conventions ne corrigent absolument pas.

Entre le fort et le faible, il faut la loi. C’est elle qui protège, quand la liberté opprime. Vous renvoyez aux négociations, en disant qu’il sera temps de légiférer si elles ne changent rien, mais cela fait vingt ans que la situation ne change pas, que les syndicalistes se réunissent autour d’une table et que, parfois, quelqu’un du ministère vient. Derrière, il n’y a rien.

Quand on interroge sur le plan proposé, on nous répond d’abord qu’un groupe de travail a été constitué au niveau du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, lequel doit rendre une étude nationale, qu’une expérimentation sera menée au sein de notre assemblée, que la direction générale de l’administration et de la fonction publique a ensuite été missionnée, mais que le processus s’est enrayé car les organismes n’ont pas pu fusionner. Il n’y a rien de concret !

On m’invite à la prudence – c’est un de mes principaux traits... Pour donner 5 milliards à Renault ou 8 milliards à l’industrie aéronautique, il n’y a pas de prudence, mais s’il s’agit de donner aux femmes de ménage, il faut faire preuve de beaucoup de mesure, de patience et de prudence. Il me semble que ces femmes ont été très patientes au cours des dernières décennies. Je crains qu’elles ne doivent encore le rester, mais ce n’est pas parce que les gens ne se révoltent pas ou qu’ils n’ont pas de possibilité de pression auprès des ministères ou de l’Élysée, qu’il ne faut pas changer leurs conditions d’existence, lorsqu’on a l’occasion de le faire.

Il n’est pas vrai de dire que l’on reviendra avec une autre proposition de loi, si on laisse passer cette fenêtre d’opportunité. La crise du covid-19 a donné lieu, pour une fois, à des articles sur ces personnes. Six mois, deux ans passeront, et vous ne serez peut-être plus là. Aujourd’hui, il n’y a aucune autre proposition de loi sur la table. Si on avait critiqué la mienne en proposant un autre texte, je l’aurais examiné.

Madame Lecoq, je saisis l’ouverture que vous proposez. Vous dites que ces pratiques sont inacceptables et que vous rendrez obligatoire le travail en journée. Pourtant, ce n’est l’objet d’aucun de vos amendements. La stratégie de la majorité vise à vider le texte, à changer le titre, à prétendre qu’elle rédigera un autre texte sur le sujet. (Exclamations.) Il faut se détendre un peu.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous sommes d’accord !

M. le rapporteur. Je sais pour qui je suis là. Aujourd’hui, devant le comité social et économique d’Onet, Géraldine ne sait pas si elle obtiendra la prime covid-19 donnée aux personnes qui ont travaillé à l’hôpital d’Amiens. Une de ces femmes qui ont nettoyé les chambres s’est retrouvée en réanimation car elle a été contaminée. Géraldine, elle, se lève à 5 heures du matin, prend deux bus pour rejoindre l’université, fait de même au retour, et ainsi de suite. Alors, je veux bien me détendre, mais je sais pour qui je suis là. C’est une injustice criante. Je ne veux pas qu’elle soit euphémisée, ni repoussée à plus tard.

Je porte la voix de ces gens-là. Ce scandale social ne doit plus durer.

Mme Charlotte Lecocq. Comme vous, nous sommes là pour porter la voix des agents et des agentes d’entretien. Nous avons la même sensibilité et envie que celles que vous exposez. Comme vous, nous sommes représentants de la Nation et entendons jouer ce rôle. Je veux que nous parvenions à un débat constructif. Nous l’avons dit lors des auditions, nous poursuivons la même finalité. La question est de définir comment atteindre cet objectif, que tous les groupes partagent.

Essayons d’être constructifs, même si nous n’avons pas la même vision de la méthode. Cela vaut la peine de s’entendre, d’argumenter et de trouver des solutions consensuelles, sinon en commission du moins d’ici à la séance.

M. Aurélien Taché. Personne n’a le monopole de la défense des agents de propreté – je défends cette appellation, plutôt que « femmes de ménage », et soutiendrai un amendement en ce sens.

Il y a urgence à agir pour ces femmes, exploitées par de grands groupes hôteliers, et parfois en grève. Sur le fond, la proposition de M. Ruffin va dans le bon sens. Tout en laissant le temps aux entreprises de s’organiser, il faut, sans attendre, soutenir ces femmes, en grève, oubliées depuis trop longtemps. Mme Schiappa avait fait une déclaration pour engager des travaux sur ce sujet. Ils doivent maintenant aboutir car la crise a montré la nécessité de protéger ceux qui souffrent le plus et qui étaient en première ligne.

Mme Danièle Obono. Lors de l’examen des propositions de loi, la majorité exprime souvent un consensus, affirmant que nous avons tous et toutes le même objectif, celui de résoudre les problématiques posées. Pourtant, en fin de compte, les textes sont soit vidés de leur substance, soit rejetés, au motif que la majorité prépare un autre texte, bien meilleur, qui sera peut-être adopté un jour prochain, c’est-à-dire aux calendes grecques.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame Obono, nous allons entamer la discussion des articles, non une nouvelle discussion générale. M. Taché s’est exprimé en tant que représentant d’un groupe, car il n’avait pas pu le faire auparavant.

Mme Danièle Obono. Je parlais justement des amendements qui vident le texte de sa substance. On nous explique ensuite qu’il faut travailler de manière constructive. Il y a une forme de violence à faire passer pour de la bienveillance la remise en cause totale d’un texte, d’une action que l’on devrait mener envers les personnes concernées, alors que c’est le contraire.

Notre responsabilité est d’agir. J’appuie donc les propos de mon collègue François Ruffin, y compris la passion qui l’anime. Des dizaines de personnes sont en grève depuis des mois. La réalité, c’est que vous n’avez rien fait, alors que vous aviez l’opportunité d’agir. C’est se foutre de la gueule du monde...

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Harmonisation des dispositions législatives, conventionnelles ou d’usage applicables aux salariés des entreprises utilisatrices et extérieures

La commission examine l’amendement AS8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Quelle que soit la passion qui m’anime, peu m’importe que le texte adopté ne soit pas le mien. Mon souci est qu’il y ait du progrès pour les femmes de ménage, le plus rapidement possible. Je suis convaincu qu’il peut exister des convergences sur le but, mais les moyens mis en œuvre pour l’atteindre sont très insuffisants.

L’amendement vise à préciser que les dispositions légales, conventionnelles ou résultant de l’usage applicable aux salariés de l’entreprise utilisatrice ne sont applicables aux salariés des entreprises extérieures que « lorsqu’elles sont plus favorables ». Lorsque j’ai demandé quelles conventions collectives étaient moins favorables que celle du ménage, il m’a été répondu que celle du tourisme pouvait l’être. Nous apportons cette précision, alors que la situation ne se produira vraisemblablement pas.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La précision est importante sur la forme, même si je ne partage toujours pas votre vision sur le fond de l’article.

M. Gaël Le Bohec. Comment envisagez-vous d’appliquer des conventions collectives différentes, en fonction des entreprises dans lesquelles ces salariés sont amenés à travailler ?

M. le rapporteur. Si une femme de ménage ou un agent d’entretien intervient un certain nombre d’heures à Sud Radio, la convention des entreprises de presse s’appliquera à raison du nombre d’heures travaillées. De ce fait, la personne aura la garantie d’un treizième mois sur la part du temps de travail consacré au ménage. Si elle fait le ménage à l’université, le soir, elle recevra de manière proportionnée les avantages liés au statut d’agent de l’université.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS10 du rapporteur.

La commission examine ensuite l’amendement AS9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il vise, par une rédaction explicite, à s’assurer que les articles de la présente proposition de loi concerneront bien les institutions publiques – administrations, collectivités publiques, entreprises publiques.

Le secteur public doit jouer un rôle exemplaire car il représente 25 % du marché de la propreté. Si une internalisation est impulsée, non seulement dans l’administration centrale, les ministères, mais également dans les universités, les collèges, les lycées, elle peut être le moteur d’une transformation du métier. Les donneurs d’ordre publics portent donc une responsabilité particulière.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 1er bis (nouveau) : Obligation d’ouverture de négociations de branche en vue d’améliorer les conditions de travail des personnes recrutées dans le cadre d’une opération de sous-traitance

La commission examine l’amendement AS7 de Mme Charlotte Lecocq.

M. Gaël Le Bohec. Je remercie M. le rapporteur d’avoir choisi ce sujet pour cette niche. Dans son propos liminaire, il a mentionné la bonne volonté des directions d’entreprise, conscientes des problématiques, ainsi que l’expérience des pays nordiques. La Suède, notamment, est parvenue à de tels résultats car elle dispose d’une organisation interprofessionnelle très forte, Almega, qui a fixé des objectifs d’amélioration et travaillé à des avancées, en discutant avec les partenaires sociaux. L’amendement vise donc à poser le cadre des négociations entre entreprises, au sein des branches, avec l’ensemble des partenaires pour que les conditions de travail des salariés des entreprises sous-traitantes soient un vrai sujet, qu’il appartient aux partenaires sociaux de traiter par des accords collectifs.

M. le rapporteur. Dire que les syndicats patronaux et de salariés doivent se retrouver pour améliorer les choses, c’est bidon ! Cela fait vingt ans que l’on attend. Eux‑mêmes disent qu’ils n’y arrivent pas et en appellent à une loi. Et ceux qui doivent faire la loi disent qu’ils ne veulent pas avancer.

De plus, l’amendement fixe une obligation de moyens, non de résultats et d’amélioration des conditions de travail : il faut simplement pouvoir se retrouver autour d’une table. Le socle de garanties minimales, la durée de travail, la lutte contre le travail illégal relèvent de la partie législative, du code du travail, donc de notre responsabilité.

On a là une sous-syndicalisation évidente, des salariés hyper dominés, qui cumulent les fragilités et, point essentiel, qui ne peuvent pas intervenir auprès du donneur d’ordres. Si vous voulez modifier les conditions de travail des femmes de ménage de l’Assemblée nationale, c’est non pas la négociation entre le patron du groupe Europ Net et les salariés qui importe, mais celle entre le donneur d’ordre et le sous-traitant, dans laquelle les syndicats de l’Assemblée nationale n’ont pas la responsabilité d’intervenir.

Je ne dis pas cela pour pointer la situation à l’Assemblée nationale : c’est la même partout. Renvoyer aux négociations collectives, c’est repousser le problème. Vous avez alors la garantie que rien n’avancera, ni ne changera.

Aujourd’hui, alors que vous avez la responsabilité de faire la loi, vous préférez renvoyer le sujet à des négociations qui, de l’avis des intéressés, ne marchent pas. Les syndicats et les patrons que nous interrogeons le disent.

Avis défavorable.

Mme Charlotte Lecocq. Je souhaite réexpliquer pourquoi nous voulons passer par le dialogue social. Vous partez du principe que les acteurs concernés ne parviendront pas à négocier, sans préciser sur quoi vous vous fondez pour l’affirmer. Vous n’avez pas auditionné les organisations syndicales.

Il serait préférable de les sonder, pour voir comment le dialogue social fonctionne dans cette branche. Tous les ans, il y a des négociations sur la progression des rémunérations, notamment les plus bas salaires. On peut considérer que ces hausses ne sont pas assez fortes, mais des négociations annuelles existent tout de même. En ce moment, des négociations sont en cours, qui portent sur les classifications et les parcours de carrière.

Vos dispositions comptent sur le fait que les entreprises utilisatrices proposent de bonnes conditions. Mais si l’entreprise n’a pas de convention collective ou en a une mauvaise, l’agent qui interviendra en son sein n’obtiendra pas de conditions plus favorables. Nous souhaitons que tout le monde bénéficie de conditions plus favorables. C’est pourquoi nous faisons confiance aux partenaires sociaux, puisque, de notre point de vue, le dialogue social existe dans cette branche, et fonctionne, même si vous dites le contraire. On peut toujours l’améliorer, ou souhaiter qu’il soit plus représentatif.

Nous souhaitons donc que le dialogue existant soit reconnu, conforté et renforcé, afin que les avancées concernent tous les agents d’entretien. Cela n’exclut pas, comme l’évoquait Agnès Firmin Le Bodo, que le législateur puisse reprendre la main en cas d’échec. Mais fragiliser encore plus le dialogue social dans cette branche, c’est fragiliser les conditions de travail et de rémunération de l’ensemble des agents d’entretien.

Mme Danièle Obono. Après un grand bla-bla œcuménique, la majorité, qui a rejeté l’article 1er, se défausse de ses responsabilités par un article additionnel renvoyant le progrès à plus tard. Elle se rengorge des bienfaits du dialogue social, semblant ignorer les grèves de ces quatre dernières années, passant sous silence les mouvements liés à la réforme des retraites et les conséquences de la crise sanitaire. Les salariées de l’hôtel Ibis Batignolles tiennent encore le piquet après huit mois de conflit et remettent en cause la sous-traitance.

Si je vous ai interpellés avant l’examen des articles, c’est que je savais que vous rejetteriez les principaux articles de cette proposition de loi, avec bienveillance et esprit constructif... Vous vous distribuez des satisfecit, mais ces salariées, qui jouent un rôle fondamental dans la crise du covid, seront encore plus précarisées dans le contexte d’urgence sociale et économique que nous connaissons.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. C’est le monde à l’envers ! Les grands défenseurs du dialogue social voteront contre cet amendement, défendu par ceux qu’ils accusent d’ordinaire de nier, voire d’obstruer le dialogue social. Nous étions tous d’accord pour trouver cette proposition de loi intéressante, mais vous entendre dire qu’il faut passer outre le dialogue social, notamment en raison de l’urgence sanitaire, me choque.

M. Stéphane Viry. Il m’a d’abord semblé qu’il s’agissait d’un amendement de bonne conscience, qui dessinait une perspective tout en permettant de ne pas légiférer. Pour autant, on ne saurait le rejeter car il vise à mettre les acteurs autour de la table. Sans doute faudrait-il le border, s’agissant des délais et de l’obligation de résultats, afin que le rapporteur n’ait pas le sentiment que son texte est vidé de sa substance.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Le moins que l’on puisse dire est que le dialogue social ne fonctionne pas très bien dans ce secteur ; l’amendement vise précisément à l’améliorer en imposant des engagements de la part du donneur d’ordre, un calendrier et la publicité de l’accord auprès des salariés.

Mme Carole Grandjean. Valoriser les métiers de la propreté fait l’objet d’un consensus. La branche rassemble les métiers dont les enjeux, en matière de formation, de protection sociale ou d’organisation du temps de travail, sont communs. Quoi de mieux que le dialogue social au sein d’une branche ? Nous défendons avec cet amendement la responsabilisation des acteurs, la confiance, l’exigence – sans paternalisme.

M. Gaël Le Bohec. Le rapporteur a expliqué qu’il faudrait prendre ce qu’il y a de meilleur dans chacune des conventions collectives : comment savoir si une convention qui prévoit cinq jours pour un enfant malade est préférable à celle qui n’impose que deux jours de carence ? Par ailleurs, vous regrettez, comme nous, le faible taux de syndicalisation. Passer outre la négociation collective, ainsi que vous le proposez, n’est pas la meilleure façon de donner envie aux salariés de se syndiquer !

M. Adrien Quatennens. Depuis le début de cette législature, le « dialogue social » est une expression fourre-tout qui vise à annihiler le rapport de force régissant toute négociation. Vous savez bien que les salariés ne pèsent pas le même poids que leur patron et que c’est bien souvent le pistolet sur la tempe qu’ils négocient. En tant que législateurs, nous devons assurer les conditions de la négociation, la baliser par la loi, et ne pas nous en remettre à un dialogue social, idéal trompeur dont nous savons pertinemment qu’il n’est pas opérant partout. Cet amendement sert tout bonnement à se donner bonne conscience, en transférant à d’autres ce qu’il revient au législateur de faire.

M. le rapporteur. Le rôle du législateur est d’assurer un socle minimum, permettant de garantir des conditions de travail et de rémunération dignes. Aujourd’hui, ce socle n’existe pas.

Si je dis que les négociations n’avancent pas, c’est parce que tout le monde le souligne, à commencer par le directeur de cabinet de Marlène Schiappa – je vous renvoie au compte rendu de son audition. Dans un avenant de 2014 à la convention collective nationale des entreprises de propreté, il[er1] est précisé que les signataires ont manifesté « la volonté de construire ensemble les conditions propres à augmenter la durée globale de travail des salariés à temps partiel et à inscrire la durée de 24 heures multi-employeurs comme un objectif à atteindre sous 5 ans ». Nous sommes en 2020, et la durée minimale est toujours de seize heures ! Vous proposez un nouveau calendrier, mais croyez-vous vraiment que celui-là permettra d’atteindre cet objectif ?

Monsieur Le Bohec, c’est dans le cahier des charges – la base de la négociation entre donneur d’ordre et sous-traitant – que figureront les points les plus favorables des conventions collectives.

Cet amendement consiste à évider mon texte et, dans une méthode à la Ponce Pilate, à renvoyer à la négociation – laquelle ne fonctionne pas, de l’aveu même des organisations syndicales et patronales. Il y a beaucoup de bonnes volontés à la tête des entreprises de nettoyage et chez les donneurs d’ordre, mais ils doivent pouvoir s’appuyer sur une base commune pour négocier, hors des pressions que constituent et la nécessité de réduire les dépenses publiques et celle d’augmenter les profits.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Clause contractuelle obligatoire garantissant l’égalité salariale et l’égalité de traitement entre salariés d’une entreprise utilisatrice et salariés d’une entreprise extérieure

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS11 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Majoration de la rémunération des heures de travail effectuées entre 18 heures et 9 heures dans les entreprises de nettoyage

La commission examine l’amendement AS12 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les dispositions prévues à l’article 3 sont toujours plus favorables que celles prévues à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 (nouveau) : Mise en place d’horaires de travail en journée et en continu pour les salariés à temps partiel des entreprises de sous-traitance, sauf si le donneur d’ordre refuse et sauf s’il existe une convention ou un accord collectif

La commission examine l’amendement AS6 de Mme Charlotte Lecocq.

Mme Charlotte Lecocq. Il est inacceptable que les agents d’entretien continuent de travailler selon des horaires décalés, au détriment de leur vie de famille, au motif que cela dérangerait les employés des donneurs d’ordre.

Cet amendement va plus loin que l’article 3, qui n’était qu’incitatif. Nous voulons qu’il devienne obligatoire pour l’employeur d’organiser les heures de travail de l’employé de façon continue en journée, entre 9 heures et 18 heures. Sans cela, les entreprises vertueuses perdront leurs marchés face à des concurrents offrant plus de souplesse aux donneurs d’ordre. Nous voulons soumettre tout le monde à la même obligation.

M. le, rapporteur. C’est une manière fallacieuse de présenter les choses ! Vous ne rendez pas obligatoire le travail en journée, vous obligez seulement le donneur d’ordre à motiver son refus ! Trois lignes dans le cahier des charges suffiront à écarter ce que vous présentez comme une obligation. C’est du bidon ! On parle des conditions de vie des gens, ne faites pas semblant de les améliorer avec cet artifice !

Pour avancer, il faut des sanctions ou des incitations, que cela se voie dans l’actif ou dans le passif du bilan comptable. Il faut que cela revienne cher aux entreprises de faire travailler les employés en horaires décalés ; or vous venez de rejeter l’article 3, qui visait à majorer de 50 % les heures de travail effectuées entre 18 heures et 9 heures.

Mme Danièle Obono. Je ne comprends pas votre logique : vous défendez un amendement visant à imposer une obligation, parce que la discussion, selon vous, ne pourrait aboutir au même résultat, alors que vous avez tout juste rejeté les articles 1er et 3 au motif que le dialogue social était essentiel... En outre, vous qui chantez les louanges des conventions collectives, vous venez de voter contre un article qui, précisément, part du cadre négocié pour aller vers le mieux-disant. Vos arguments sont totalement hypocrites.

Votre seul dessein est de vider complètement ce texte de sa substance et d’éviter qu’il ne débouche sur une amélioration concrète des conditions de travail et de vie de ces salariés dont, de toute évidence, vous n’avez rien à faire.

Mme Charlotte Lecocq. Je ne peux pas laisser dire que cet amendement est bidon. L’horaire de travail doit désormais s’étendre entre 9 heures et 18 heures ; si le donneur d’ordre ne souhaite pas accorder ce bénéfice aux employés, il doit motiver son refus. C’est le même mécanisme que pour le télétravail.

Cet amendement portant article additionnel va plus loin que l’article 3, qui ne prévoit qu’une incitation financière – dont il faudrait prouver l’efficacité. Le donneur d’ordre devra réfléchir aux adaptations à apporter afin que les agents d’entretien puissent intervenir en journée. Je vous propose qu’ensemble, nous travaillions à renforcer cette obligation et à définir les motifs valables de refus.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement va dans le bon sens. Dans la mesure où le donneur d’ordre devra motiver son refus, il faut laisser aux accords collectifs la possibilité de déterminer les circonstances qui empêcheraient de réaliser la prestation durant la journée. Dans ce cas, on pourrait imaginer que les heures effectuées entre 18 heures et 9 heures soient mieux rémunérées.

L’exposé sommaire évoque des expérimentations visant à tester la réalisation des prestations en présence des usagers des locaux. Savez-vous quels sont les retours ?

M. Stéphane Viry. Même si je comprends son intention, cet amendement pèche par naïveté et manque de réalisme. Pour des raisons de disponibilité des bureaux, les prestations doivent être effectuées dans des tranches horaires qui posent problème aux femmes de ménage, c’est ainsi. Par ailleurs, un donneur d’ordre pourra toujours motiver son refus.

M. le rapporteur. Je suis convaincu que vos intentions sont bonnes, mais ce que vous proposez ne fonctionne pas. D’abord, c’est « à défaut de convention ou d’accord collectif » qu’une telle disposition pourra s’appliquer. Or il existe déjà une convention qui permet de travailler sur ces tranches horaires. L’obligation de motiver le refus ne sera pas incitative puisqu’il suffira seulement de rédiger trois lignes.

J’espérais que ma proposition créerait un appel d’air et que toutes les bonnes volontés s’y engouffreraient, quitte à voir baisser le niveau de mes exigences. Mais là, nous atteignons le niveau zéro !

La commission adopte l’amendement.

Article 5 (nouveau) : Améliorer l’information des salariés sur leurs droits sociaux 

La commission examine ensuite l’amendement AS4 de M. Guillaume Chiche.

M. Aurélien Taché. Il s’agit de lutter contre le non-recours aux droits, l’un des thèmes importants de cette législature, en prévoyant que, lors de l’entretien professionnel, les entreprises soient tenues de remettre aux salariés un récapitulatif de leurs droits sociaux.

M. le rapporteur. Que beaucoup de salariés d’entreprises de propreté méconnaissent leurs droits, et que leurs employeurs en profitent, est une évidence. Cela entraîne toute une série de dysfonctionnements. L’objet de ce texte est de s’attaquer au fonctionnement ordinaire de ce marché, qui est en lui-même anormal.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 1er

Elle est saisie de l’amendement AS1 de M. Guillaume Chiche.

M. Aurélien Taché. Dans une logique de coconstruction, nous voulons laisser une marge au dialogue social : dans un délai de six mois, les professionnels du secteur doivent prendre les dispositions nécessaires. À défaut, la loi s’appliquera.

M. le rapporteur. Je ne suis pas défavorable à un report de la loi de six mois s’il s’agit d’en améliorer les dispositions, mais il ne faut pas la faire dépendre du résultat des négociations. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 (nouveau) : Rapport sur la situation des femmes de ménage intervenant dans les administrations et les collectivités publiques

Puis la commission examine l’amendement AS14 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les donneurs d’ordre publics ont en la matière une responsabilité particulière. D’après la FEP, ils représentent environ 25 % du marché. Ils ont le devoir d’être exemplaires et de jouer un rôle de locomotive pour tirer vers le haut les conditions de travail. Je souhaite donc que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur la situation des femmes et des hommes de ménage intervenant dans les administrations et les collectivités publiques.

La commission adopte l’amendement.

Article 7 (nouveau) : Rapport sur la situation des femmes de ménage intervenant à l’Assemblée nationale

La commission examine ensuite l’amendement AS13 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je souhaite que les questeurs remettent un rapport annuel au Bureau de l’Assemblée nationale, qui sera transmis à l’ensemble des députés, sur la situation des femmes et des hommes de ménage intervenant au sein de l’institution. Je regrette de ne pas avoir pu les interroger sur les conditions de travail de ces personnels. C’était la moindre des choses, pour l’employeur, de venir s’en expliquer.

Mme Charlotte Lecocq. Je souhaite nuancer les propos de notre collègue. Les échanges ont été nombreux mais l’on voit bien que la joute prend un tour un peu personnel... Vous avez eu en effet toutes les informations nécessaires. Que la questure fournisse toutes ses données, très bien, nous voterons en faveur de votre amendement, mais la transparence est déjà au rendez-vous et toutes les informations sont déjà disponibles. Les auditions ont montré que l’Assemblée nationale est un client exemplaire qui cherche à améliorer les conditions et les horaires de travail des agents d’entretien.

Mme Danièle Obono. Je soutiens cet amendement et tant mieux si c’est aussi le cas de la majorité parlementaire car la situation des personnels et des femmes de ménage est particulièrement difficile après les perturbations liées au mouvement contre votre projet sur les retraites et suite à l’épidémie de covid-19, comme vous devez le savoir si vous avez l’occasion de les croiser et de discuter avec eux.

L’exigence d’exemplarité ne doit pas être seulement symbolique mais réelle et concrète : à l’Assemblée nationale, les meilleures conditions de travail et de rémunération doivent être garanties pour ces personnels essentiels.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Un rapport sur la situation de tous les salariés et les recours à la sous-traitance devrait déjà être disponible à l’Assemblée nationale mais si tel n’est pas le cas, ou s’il était incomplet, pourquoi en effet ne pas adopter cet amendement ?

La commission adopte l’amendement.

Titre

La commission examine, en discussion commune, l’amendement AS5 de M. Gaël Le Bohec et l’amendement AS2 de M. Guillaume Chiche.

M. Gaël Le Bohec. Le titre choisi par le rapporteur est assez stigmatisant et accusatoire. Or celui-ci a lui-même fait état, dans son propos liminaire, des bonnes volontés qui se manifestent dans ces milieux-là, que ce soit du côté des organisations syndicales, des salariés ou des entrepreneurs. Sur le fond, il est mal à propos et choquant d’accuser globalement ce secteur de maltraitance en liant directement sous-traitance et maltraitance. Les situations peuvent être tout à fait correctes – plans de prévention, partenariats entre les entreprises – et il est dès lors impossible de parler de maltraitance. Je propose donc de mieux formuler notre objectif commun : « Améliorer les conditions de travail des agents d’entretien ».

M. Aurélien Taché. Mon amendement vise également à changer le titre. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité considère que la formule « femmes de ménage » a une connotation sexiste et qu’elle doit être remplacée par « Agentes et agents de propreté ». La reconnaissance du travail de ces femmes et de leur utilité sociale passe certes par un plus grand nombre de droits sociaux, par des salaires plus élevés, mais aussi par une forme de reconnaissance symbolique. La formule « Agentes et agents de propreté » nous semble plus respectueuse.

M. le rapporteur. Lorsque vous traversez une pelouse, vous écrasez des fourmis sans le vouloir. C’est la même chose qui se passe ici : personne ne veut maltraiter mais, in fine, la maltraitance est là. Ce n’est pas intentionnel mais ce sont des mécanismes qui s’appliquent, aboutissant à une maltraitance quasi généralisée.

Levez-vous à 4 heures du matin, prenez les transports en commun et venez ici pour travailler trois heures... Vous tous avez gagné plus en une heure et demie de travail en commission que les femmes de ménage qui se sont levées à 4 heures du matin et qui sont maintenant reparties ! C’est de la maltraitance et cela relève de notre responsabilité.

Je suis donc favorable au maintien de la notion de maltraitance. L’externalisation, l’outsourcing ont entraîné une très nette dégradation des conditions salariales et des horaires des agents et agentes d’entretien.

Le maintien de la féminisation du nom me semble également préférable. D’après les statistiques de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, les femmes représentent en l’occurrence 80 % des salariés. Je suis d’ailleurs également favorable à ce que l’on parle d’animatrices périscolaires ou d’accompagnantes d’enfants en situation de handicap. Qui plus est, l’essentiel du combat ne portera pas sur les mots.

J’ai reçu lundi, à ma permanence, Maryse qui m’a dit : « Je suis femme de ménage et je n’en ai pas honte. Je ne vais pas commencer à me cacher ! ». Dans Le Quai de Ouistreham, Florence Aubenas écrit : « [...] elle aime toujours ce moment, au repas du soir, où on se demande entre soi : "Et vous, quelle était votre profession ?". Très fort, Victoria fait claquer : "Femme de ménage !". Elle prend son air filou. "Je sais que je les emmerde quand je dis ça. J’aime bien." »

Je m’en remets également à la sagesse de Géraldine – l’une des personnes que j’ai citée dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, qui se qualifie d’agente d’entretien – et à la sagesse de notre commission pour décider mais je pense quant à moi qu’il faut le souligner : ce métier est essentiellement féminin et c’est aussi pour cela que les salariées subissent une maltraitance. Il en est de même des assistantes maternelles ou des auxiliaires de vie sociale. Grosso modo, on considère que ce qui est effectué gratuitement dans la sphère familiale, avec un savoir-faire naturel, peut être transposé, peu rémunéré et négligé.

Par ailleurs, le rapport montre que ce métier réclame pas mal de compétences et une certaine endurance. Je ne suis pas favorable à l’effacement de la féminisation sémantique mais je m’en remets à vous.

Mme Danièle Obono. Je suis très opposée à ces changements de titre, qui reviendraient à vouloir modifier le réel et la façon de le comprendre.

Enlever le mot « maltraitance », c’est une manière de la nier. Si nous avons déposé cette proposition de loi, si sur les piquets de grève l’équation sous-traitance = maltraitance est reprise par les personnes concernées, c’est pour qu’il n’en soit pas ainsi ! Il faut partir de ce qu’elles disent pour améliorer leur quotidien ! Toutes les études qui sont menées depuis vingt ans le montrent : la dégradation des conditions de travail, du service, le développement des maladies nosocomiales à l’hôpital, les violences sexuelles et sexistes, les discriminations sont corrélés au développement de la sous-traitance. Cela ne signifie pas que les grands groupes ou le service public en soient exempts mais le système de sous-traitance génère particulièrement de la maltraitance. Le polissage des mots revient à euphémiser le réel.

Je suis également très favorable à la genrisation des termes, y compris sur le plan administratif. L’atténuer, c’est aussi une manière d’invisibiliser la réalité de ces métiers, très largement féminisés, les femmes s’identifiant de surcroît comme telles.

M. Gaël Le Bohec. J’ai bien compris que votre équation était sous-traitance = maltraitance mais j’ai aussi noté que le rapporteur a évoqué une maltraitance « quasi généralisée ». Parfois, la sous-traitance n’implique pas la maltraitance. Même si c’était l’exception – je pense au contraire que dans nombre d’endroits, les conditions sont très bonnes – il serait inadmissible qu’elle fasse les frais d’une telle assimilation.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Aucun de ces titres ne me convient parfaitement mais je ne suis pas favorable à l’idée de stigmatiser la sous-traitance en soi : même si la maltraitance y existe, elle n’est pas la règle.

Par ailleurs, j’aimerais que l’on mentionne « les agentes et les agents d’entretien », manière de reconnaître la juste place de chacun.

Mme Caroline Janvier. Certes, ce métier est très largement féminisé et cela soulève un certain nombre de problèmes spécifiques, mais maintenir la formule « femmes de ménage » revient non seulement à accepter cette situation mais à la généraliser. Comment voulez-vous que des hommes aient envie d’être qualifiés de « femmes de ménage » ? Cela revient à conforter l’inégalité et à stigmatiser un métier. Je suis donc assez favorable à l’amendement de M. Chiche remplaçant cette formule par « agentes et agents de propreté ».

La commission adopte l’amendement AS5.

En conséquence, l’amendement AS2 tombe.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. C’est original, monsieur le rapporteur, de voter contre son propre texte, qui vient d’être adopté contre votre gré !

M. le rapporteur. Ne vous moquez pas de moi ! Vous ironisez : « Ce serait la première fois... » ...

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai remarqué que vous aviez voté contre. Point final.

M. le rapporteur. Oui, j’ai voté contre ce texte !

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Eh bien voilà ! C’est tout !

M. le rapporteur. « Vous votez contre votre propre texte », avez-vous dit : mais il ne faut pas se moquer de moi ! Que venez-vous de faire ? De vider mon texte de sa substance !

Il prévoyait deux mesures essentielles : la survalorisation des heures tôt le matin et tard le soir, et des conditions de salaires identiques à celles des salariés des entreprises sous‑traitantes. Or vous les avez virées l’une et l’autre ! En plus, vous avez changé le titre ! Il n’est plus question d’encadrement, de sous-traitance et de maltraitance. Et ce serait encore mon texte ? Vous avez tout éliminé ! Tel des Ponce Pilate, vous renvoyez tout à la négociation collective entre syndicats et patrons alors qu’elle n’avance pas ! Et je devrais selon vous défendre ce zéro absolu dans l’hémicycle comme s’il s’agissait de mon texte ? (M. François Ruffin martèle la table du poing à plusieurs reprises). Je parle avec colère parce que les gens continueront à se lever à 4 heures du matin pour venir travailler ici et être payés 10 euros de l’heure pour trois heures de travail ! Et vous laissez faire cela avec vos beaux mots, vos belles intentions et vos incantations !

Puis, elle examine la proposition de loi de M. Jean-Luc Mélenchon visant à créer un pôle public du médicament (n° 2814) (Mme Caroline Fiat, rapporteure).

Mme Caroline Fiat, rapporteure. « Le gouvernement américain a le droit à la plus grosse précommande car il a investi dans la prise de risque. » Voilà ce qu’a déclaré Paul Hudson, directeur général de Sanofi, au sujet du futur vaccin contre le covid-19. Face à la pression de l’opinion publique, il a depuis rétropédalé mais ces propos spontanés sont malgré tout extrêmement révélateurs.

La crise sanitaire qui sévit depuis deux mois et demi dans notre pays a mis au jour de façon criante les fragilités structurelles de notre système de santé. Au-delà d’un hôpital public que l’on a depuis longtemps laissé tomber, c’est la production de nombreux médicaments qui se trouve aujourd’hui menacée, révélant ainsi les insuffisances de notre politique industrielle dans le domaine de la santé.

Il ne faut pas avoir la naïveté de croire – je suis certaine que ce n’est pas votre cas – que les difficultés rencontrées aujourd’hui sont apparues avec la pandémie. Ces dernières semaines n’ont fait qu’exacerber les conséquences néfastes, déjà existantes, de logiques privées qui ont dépassé les intérêts publics.

Pour que les milliers de vies perdues ne l’aient pas été en vain, je crois fermement qu’il est de notre devoir de tirer les enseignements de cette épreuve douloureuse en remettant le mot « public » au cœur de la santé publique.

La proposition de loi défendue par le groupe La France insoumise que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui réaffirme la nécessité d’assurer notre souveraineté et notre indépendance sanitaires. Elle inscrit dans le marbre de la loi que la santé est un bien commun et un droit fondamental.

Nous devons d’abord réaffirmer notre indépendance et notre souveraineté sanitaires, dont cette crise sans précédent a montré cruellement combien elles sont limitées.

Certains médicaments essentiels sont aujourd’hui au bord de la rupture de stock et les laboratoires français sont incapables de satisfaire les besoins indispensables. Les produits pour lesquels le risque de pénurie est le plus important sont, sans surprise, ceux dont la marge de profit, pour ces laboratoires, est la moindre. Si ces logiques délétères sont moins visibles en temps normal, elles ne peuvent être ignorées dans une période de pandémie mondiale.

Rien d’étonnant si de telles fragilités existent puisque les laboratoires européens n’ont cessé de délocaliser la fabrication des matières premières dans des pays disposant d’une main-d’œuvre peu chère et de règlementations moins strictes : 80 % des principes actifs qui nous servent à fabriquer des médicaments sont ainsi produits en Inde, en Chine et dans les pays du sud-est asiatique, ce qui accroît notre dépendance et notre vulnérabilité.

Surtout, nous sommes devenus trop dépendants du simple bon vouloir de quelques grandes multinationales pharmaceutiques. Le droit des brevets, qui devait favoriser l’innovation, privilégie bien plus les intérêts privés que l’intérêt général.

Où était-il, l’intérêt général, quand Gilead a cherché à prolonger la durée de vie de son brevet sur le Truvada, l’un des médicaments les plus utilisés pour traiter les séropositifs et le seul autorisé en Europe dans un but préventif pour les séronégatifs ?

Où était-il, l’intérêt général, lors du « procès de Pretoria », intenté par trente-neuf laboratoires pharmaceutiques contre une loi sud-africaine autorisant les médicaments génériques à bas prix pour lutter contre le sida ?

Où était-il, l’intérêt général, quand la société américaine Myriad Genetics a déposé deux brevets sur le gène qui prédispose aux cancers du sein et de l’ovaire, parvenant ainsi à privatiser jusqu’au génome humain ?

Où était-il, l’intérêt général, quand Sanofi à chercher à breveter une combinaison de deux médicaments utilisés contre la tuberculose, qui sont dans le domaine public depuis des décennies ?

Désormais, seule la course au plus offrant compte, comme le montre la clause d’exclusivité incluse dans le contrat sur les tests de dépistage que le laboratoire BioMérieux a conclu avec le ministère américain de la défense.

Faisons preuve d’imagination et changeons de paradigme !

Certes, la brevetabilité des médicaments est devenue la règle imposée par l’Organisation mondiale du commerce sur le plan international mais n’oublions pas que cela n’a pas toujours et partout été le cas. Les médicaments étaient exclus du champ des brevets en France entre 1844 et 1959 et en Allemagne entre 1877 et 1968. Un mécanisme de droits de copie licite des brevets de médicaments existait au Canada avant 1992. La situation actuelle n’est donc pas une fatalité.

Ce dogme de la brevetabilité, qui créé des monopoles, permet aux laboratoires d’imposer à nos systèmes de sécurité sociale des médicaments à des prix prohibitifs, comme le traitement contre l’hépatite C, Sovaldi, remboursé à hauteur de 41 000 euros pour un traitement curatif standard d’une durée de trois mois. Et que dire des Car-T cells, thérapies prometteuses qui utilisent les lymphocytes des patients modifiés génétiquement in vitro afin de lutter contre les cellules cancéreuses, et pour lesquelles l’injection unique coûte environ 350 000 euros ?

C’est le prix à payer pour des médicaments innovants, me direz-vous ? Non, car ces prix prohibitifs sont de plus en plus décorrélés des investissements en recherche et développement des entreprises. La très sérieuse Cour des comptes elle-même l’écrit dans un rapport de 2017 : « Dans la négociation, les objectifs des entreprises pharmaceutiques se sont déplacés de la mise en avant d’un retour sur leurs dépenses investies en recherche et développement vers des demandes de prix établies en fonction de la capacité à payer des acheteurs public. »

Pourtant, les choix que conduisent à fixer ces prix prohibitifs sont éthiquement insupportables. Ainsi, en France, le Sovaldi, en raison de son prix, est réservé aux malades les plus atteints alors que les chances de guérison augmentent si la maladie est traitée plus en amont et que ce traitement pourrait soigner plus de 90 % des malades atteints d’hépatite C chronique.

Les pouvoirs publics sont à la fois les complices et les victimes de la stratégie des laboratoires, laquelle pourrait se résumer ainsi : « socialisation des pertes, privatisation des profits ».

Vous avez sans doute lu comme moi l’article du Monde de lundi dont le titre est plus qu’explicite : « Recherche : comment de grands groupes privés tirent parti de fonds publics européens ».

En France, aucun exemple n’illustre mieux cette déficience que le crédit d’impôt recherche. Ce dispositif, qui pèse plus de 6 milliards d’euros par an dans le budget de l’État, était supposé favoriser les investissements et l’emploi dans le domaine de la recherche et développement en prenant en charge une large partie des dépenses que les entreprises privées y consacrent. Cet objectif a été très largement détourné puisque des laboratoires pharmaceutiques n’ont eu de cesse de réduire le nombre de leurs emplois liés à la recherche.

Surtout, les laboratoires ne présentent pas la facture une, mais deux fois, aux pouvoirs publics en profitant des asymétries d’informations et du manque de transparence qui entourent les coûts de production des médicaments. Ainsi, dans un premier temps, l’État finance les investissements de recherche et développement privés à travers notamment le crédit d’impôt recherche, puis, l’assurance maladie prend une seconde fois en charge, sur le long terme, ce supposé coût de l’innovation en remboursant certains produits au prix fort. En effet, les mécanismes de fixation des prix ne permettent pas au Comité économique des produits de santé de connaître les investissements publics ayant participé au développement d’un médicament.

Il est temps de mettre un terme à ces dérives.

Ainsi, l’article 1er de la présente proposition de loi entend élargir le dispositif de la licence d’office, qui permet de mettre sous licence accordée par l’État l’exploitation d’un brevet, ce qui permet à d’autres laboratoires de fabriquer le médicament avant qu’il soit passé dans le domaine public. Il rend ce dispositif déjà existant plus opérationnel et moins dépendant du bon vouloir des laboratoires. L’article 1er systématise le recours à la licence d’office dès lors que la santé publique et l’intérêt général sont en jeu.

Il met également fin à la redevance actuellement due au dépositaire du brevet dans le cas de l’exploitation d’une telle licence d’office. Celle-ci pourra d’ailleurs être exploitée directement par le pôle public du médicament nouvellement créé par l’article 2. Ce service public du médicament pourra ainsi fabriquer lui-même des médicaments innovants. Enfin, il pourra fabriquer des médicaments génériques avant la période d’au moins dix ans qui protège aujourd’hui le médicament de référence, ce qui favorisera une production plus rapide et plus efficiente de produits de santé dès lors que l’intérêt général le justifiera.

L’article 2 précise également l’organisation de ce pôle public du médicament, qui assurera dans certains cas l’approvisionnement en produits de santé de la France et d’autres pays en ayant besoin lorsque ce sera nécessaire.

La suppression du crédit d’impôt recherche, prévue par l’article 3, permettra de rediriger les 6 milliards d’euros de financement vers ce nouvel établissement public.

Ces propositions sont depuis longtemps défendues par notre groupe et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine mais je crois qu’aux yeux de tous, aujourd’hui, elles apparaissent comme la solution qui s’impose. Ainsi, au sujet du vaccin contre le covid-19, le Président de la République a déclaré qu’il devrait être « un bien public mondial, extrait des lois du marché ». Je suis pour une fois tout à fait d’accord avec lui, mais au nom de quoi devrait-on réserver ce statut au vaccin contre le covid-19 ?

Le ministre des solidarités et de la santé a quant à lui admis devant le Sénat que le mécanisme de la licence d’office n’était pas suffisamment rapide et efficace pour faire face aux défis que nous connaissons.

Enfin, le ministre de l’économie a lui-même déclaré pendant la crise sanitaire que persister dans une telle situation de dépendance vis-à-vis de la Chine pour notre approvisionnement en principes actifs serait « irresponsable et déraisonnable ».

Je suis donc certaine que notre proposition de loi fera l’objet d’un consensus sur tous les bancs, notamment, sur ceux de la majorité.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Cette proposition de loi visant à créer un pôle public du médicament renvoie en effet à la question des pénuries médicamenteuses, sujet de préoccupation important pour les Français : entre 2008 et 2018, les pénuries de médicaments ont été multipliées par vingt.

Les causes sont diverses : l’éclatement des chaînes de production par des substances actives pharmaceutiques produites à 80 % hors de l’Union européenne ; la forte hausse de la demande mondiale alors que les capacités industrielles sont largement insuffisantes.

Les solutions sont également multiples. Nous devons mobiliser plusieurs outils juridiques, fiscaux, économiques, politiques.

Le Gouvernement et la majorité se sont déjà engagés. Dès juillet 2018, le Premier ministre a réuni à Matignon le Comité stratégique des industries de santé. Une feuille de route a été élaborée pour 2019-2022 afin que le ministère de la santé puisse lutter contre les pénuries et notre commission a quant à elle voté l’an dernier l’article 48 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), visant à la constitution obligatoire de stocks pour certains produits. Agnès Buzyn a récemment confié à Jacques Biot une mission spécifique sur la pénurie de médicaments. Nous attendons son rapport.

L’objectif, pour notre pays, est de gagner en attractivité, ce qui passera forcément par l’Europe, en particulier en ce qui concerne la bioproduction puisque la France n’a obtenu en 2017 que six autorisations de nouvelles molécules contre quatre-vingt-onze autorisées par l’Agence européenne des médicaments, ce qui ne doit pas manquer de nous interpeller. La France, c’est évident, ne pourra pas répondre seule à ce problème.

La création d’un pôle public du médicament, telle qu’en dispose cette proposition de loi, ne nous paraît pas répondre à l’enjeu d’approvisionnement en médicaments pour la population française et son financement par la suppression totale du crédit d’impôt recherche appauvrirait considérablement l’innovation et la recherche dans notre pays, bien au‑delà du seul secteur pharmaceutique.

Le groupe La République en Marche restera très attentif aux répercussions que ces articles pourraient avoir s’ils étaient votés en l’état. Nous restons mobilisés en la matière et nous ferons montre d’un esprit constructif à l’endroit des propositions législatives qui pourraient être formulées par cette commission.

M. Gilles Lurton. Avec cette proposition de loi, le groupe La France insoumise nous propose une solution pour remédier à la pénurie de médicaments. C’est vrai, la situation s’aggrave dans notre pays depuis plus d’un an, avec notamment une pénurie de cortisone, situation qui a connu une acuité particulière lors de la crise du covid-19 avec une surconsommation de médicaments anesthésiants. Je me demande d’ailleurs ce qu’il adviendrait si l’épidémie devait repartir, ce que bien sûr nous ne souhaitons pas.

Pour faire face à cette pénurie, vous proposez la création d’un pôle public du médicament en partant du principe que cette crise serait due à une logique de profit des laboratoires qui ont délaissé des molécules de base car celles-ci ne permettaient pas de dégager des marges suffisantes, et externalisé leur production à l’étranger. Le constat est clair et nous sommes face à un problème de fond.

Nous pensons que les choix budgétaires des gouvernements qui se succèdent depuis sept ans de toujours rogner sur le prix du médicament pour tenter d’équilibrer les budgets ne sont pas de nature à arranger les choses. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous n’avons cessé de dénoncer cette politique de la fuite en avant qui incite notre industrie pharmaceutique à s’exiler dans les pays où la main-d’œuvre est moins coûteuse. Mais reconnaissons que les causes sont multiples et qu’elles dépassent parfois ce seul critère.

Dans ce contexte, l’ex-ministre de la santé avait présenté une feuille de route prévoyant notamment une meilleure coordination européenne des actions ciblées sur les différents acteurs du secteur et l’élaboration d’un mécanisme de signalement des ruptures et la constitution de stocks par les industriels. Cette disposition avait en partie reçu notre aval. Malheureusement, un peu comme d’habitude, ces grandes annonces n’ont trouvé aucune traduction concrète si ce n’est un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 dont les décrets d’application n’ont toujours pas vu le jour. Nous en reparlerons sans doute dans le cadre du rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale.

Nous considérons que la question de l’indépendance sanitaire ne passera pas par l’application d’un article permettant des réquisitions et la mise à disposition de brevets qui ferait encore davantage fuir les entreprises ; elle ne passera pas non plus par la suppression du crédit d’impôt recherche qui bénéficie à 93 % des petites et moyennes entreprises. Une telle politique aurait pour conséquence la fin de tout ou partie de l’innovation.

Pour ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Tout d’abord, permettez-moi de féliciter Thomas Mesnier, notre nouveau rapporteur général.

Comme vous, je suis heureux d’être présent ce matin en commission après deux mois d’absence pour débattre d’un sujet aussi important que l’indépendance sanitaire de la France.

Madame la rapporteure, nous partageons vos observations. La crise actuelle a en effet montré des lacunes et les limites dans la gestion, la production et l’approvisionnement de certains médicaments et matières premières. Toutefois, nous ne pouvons vous rejoindre dans les réponses que vous apportez et qui apparaissent totalement disproportionnées, d’une part parce qu’elles font fi d’une composante essentielle, l’Europe, d’autre part parce qu’elles ne reflètent pas la réalité économique du secteur.

Votre proposition de loi confère à l’État un pouvoir absolu en matière de régulation et de production du médicament. Ainsi, l’article 1er remodèle totalement le processus d’octroi de la licence d’office en matière de santé publique et supprime l’ensemble des étages réglementaires et les garde-fous en vigueur. En écartant totalement les industriels du secteur dont l’expertise et le savoir-faire sont nécessaires quoi qu’on en dise, et en supprimant le crédit d’impôt recherche, le texte comporte de lourds effets de bord qui pourraient s’avérer désastreux. La réponse apportée n’intervient pas au bon échelon géographique : la recherche est actuellement internationale et la cloisonner ne peut que retarder les résultats.

Le problème est la concentration de la production des principes actifs dans quelques pays d’Extrême-Orient. On ne peut pas, en France, dans votre village, votre ville, fabriquer, produire tous les médicaments : la réponse est européenne. C’est donc à ce niveau‑là qu’il faut intervenir.

Cette crise a avant tout révélé l’importance de disposer de principes actifs sur le territoire européen, pour que la production puisse être rapide et les médicaments facilement mis à disposition. Ainsi une vraie réflexion doit-elle s’engager sur la question de la souveraineté de la France et de l’Europe en matière de production et de distribution de médicaments. Ce texte ne nous semble pas constituer pas une solution satisfaisante. Pour ces raisons, mes collègues du groupe du Mouvement Démocrate ne le soutiendront pas dans sa forme actuelle.

M. Boris Vallaud. La proposition de loi part du double constat d’une pénurie régulière de médicaments et de principes actifs, phénomène constaté depuis plusieurs années et mis en pleine lumière par le covid-19, et de la stratégie des laboratoires pharmaceutiques qui, malgré un important financement public, renchérissent les prix des médicaments – à cet égard il conviendra d’être particulièrement vigilant sur le prix des traitements et des vaccins – et délocalisent les productions à l’étranger. On pourrait également interroger leur politique de recherche et d’acquisition de brevets sur étagère ou d’externalisation, alors qu’elles bénéficient du crédit d’impôt recherche. Ce constat est partagé par le groupe Socialistes et apparentés au moins sur les problèmes du médicament, et il a interpellé à plusieurs reprises le Gouvernement, notamment par la voix de Valérie Rabault et Christine Pires Beaune.

La proposition de loi du groupe La France insoumise vise à créer un pôle public du médicament, établissement public dont les principales missions seraient d’assurer une relocalisation et une production publique des médicaments, de principes actifs, de réactifs et de diagnostics, de garantir l’approvisionnement d’une réserve stratégique des médicaments essentiels, d’assurer le stock national de médicaments pour qu’il soit suffisant pour faire face à des situations de crise et d’accroissement soudain de la demande comme nous venons de le vivre. Ce faisant, elle nous rappelle les missions des établissements de préparation et de réponse aux urgences sanitaires qui sont aujourd’hui exercées par Santé publique France. Nous sommes favorables à la création de cette agence qui serait axée sur le médicament.

Nous souscrivons aussi à l’idée qu’il soit possible, en situation de crise, d’exercer un régime des licences d’office, c’est-à-dire une forme de nationalisation temporaire des brevets.

S’agissant du crédit d’impôt recherche, on aurait pu imaginer une formule comme celle des conventions d’utilité sociale avec les bailleurs sociaux qui permettent d’avoir des contreparties à des financements publics, notamment en matière de prix et de stocks dédiés à l’État, de production en France. En toute hypothèse, ce sont des solutions qu’il faut proposer.

Nous soutiendrons cette proposition qui nous paraît tout à fait intéressante.

M. Paul-André Colombani. Depuis le début de l’épidémie du covid-19, la problématique de l’accès aux médicaments a ressurgi dans nos débats et nos préoccupations. Des secteurs cruciaux comme la réanimation ont manqué de médicaments-clefs, au point d’avoir parfois dû les remplacer par d’autres molécules non indiquées. Pourtant, cette question ne date pas du début de la crise : ce phénomène de pénurie s’est aggravé ces dernières années, au cours desquelles près de vingt fois plus de ruptures de stocks ont été signalées. Ces ruptures chroniques ont des conséquences sanitaires majeures, des risques financiers considérables et un gaspillage de temps médical.

Aucun outil ne nous permet aujourd’hui d’agir contre la délocalisation du secteur pharmaceutique entamée dans les années 1990, afin de produire à bas coûts des molécules à l’étranger, essentiellement en Inde et en Chine, ce qui nous rend dépendants de ces pays. Il faut par conséquent élaborer une stratégie globale, bâtie autour de l’attractivité, de la capacité de notre système sanitaire à être plus efficace, réactif et producteur, donc moins technocratique pour inverser cette tendance.

Nous abordons le débat sur la création d’un pôle public du médicament sans tabou, bien que nous considérions que des précisions sur les missions et les moyens s’imposent. Néanmoins, la crise sanitaire actuelle a démontré les limites d’une approche administrative et technocratique de la santé, sous-tendue par l’organisation proposée. La priorité devrait être de renforcer le rôle des territoires et des professionnels de santé en les associant davantage, afin que certaines réponses sanitaires soient plus efficientes.

Enfin, une interrogation importante de notre groupe concerne le financement de ces mesures qui reposeraient sur l’abrogation du crédit d’impôt recherche (CIR). Si nous considérons qu’il est parfois détourné par les entreprises et ne finance pas suffisamment la recherche fondamentale, sa suppression pure et simple serait une erreur. Elle ne résoudrait pas la question du financement de l’innovation et de la recherche et risquerait même d’avoir l’effet inverse en accélérant le déclin de la France en la matière. En outre, cette suppression porterait un mauvais coup à l’emploi, car le CIR permet de financer des innovations opérationnelles importantes pour l’attractivité de la France et l’emploi, y compris en dehors de la recherche en santé. Le CIR étant une avance remboursable, sa suppression brutale pourrait également faire peser de lourdes menaces sur la trésorerie de nos entreprises frappées de plein fouet par la crise actuelle.

M. Aurélien Taché. Je remercie nos collègues du groupe La France insoumise de nous présenter un texte sur un sujet très important. On a pu voir, pendant toute la crise du covid-19, que les mécanismes classiques du marché de l’offre et de la demande en matière de santé n’ont pas permis de répondre pleinement aux besoins de santé de nos concitoyens. Le groupe Écologie Démocratie Solidarité fait d’ailleurs des propositions pour modifier en profondeur notre système de santé sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir lors de travaux parlementaires ultérieurs.

La production de médicament est très largement externalisée. Il est également nécessaire d’agir sur les prix des médicaments. Les réponses doivent être apportées au niveau européen car une stratégie nationale ne saurait suffire. Passer, dans le secteur pharmaceutique, d’une logique de marché à une logique totalement collectiviste, ainsi que le prévoit votre proposition de loi, ce qui revient à supprimer totalement le crédit d’impôt recherche, ne nous paraît pas non plus une solution satisfaisante. Je défendrai un amendement pour revenir en détail sur ce que pourrait devenir le crédit d’impôt recherche.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi.

M. Adrien Quatennens. Évidemment, l’ordre du jour de notre niche parlementaire a été quelque peu modifié au vu de la situation, mais j’insiste sur le fait que cette proposition figurait déjà dans notre programme lors de la campagne présidentielle de 2017, car cette question était déjà essentielle pour nous.

Il y a trente ans, 80 % des médicaments étaient produits sur le sol européen, contre 20 % aujourd’hui. Entre-temps, nous aurons largement délégué notre souveraineté sanitaire à des puissances étrangères. Cette crise sanitaire n’est que le révélateur d’une situation que nous avions déjà identifiée.

De nombreux responsables politiques, y compris dans le Gouvernement et la majorité, souhaitent que nous retrouvions une forme d’indépendance, de souveraineté. La souveraineté et l’indépendance ne sont pas des gros mots : il ne s’agit pas de faire du chauvinisme mais de constater que face à une telle situation, nous avons besoin d’être totalement indépendants. J’insiste sur le fait que cette indépendance passe par deux biais : nous ne pouvons pas dépendre de puissances étrangères pour nous fournir en médicaments essentiels, et nous ne pouvons pas dépendre non plus des stratégies commerciales parfois douteuses de certains laboratoires pharmaceutiques, comme nous l’avons vu récemment avec Sanofi par exemple.

Cette proposition nous apparaît comme tout à fait rationnelle. Soyés rassurés, il ne s’agit pas de nationaliser tout le secteur de l’industrie pharmaceutique, mais de créer un pôle public du médicament pour la production des médicaments et des molécules indispensables, ceux nous ne pouvons pas nous passer et dont nous devons pouvoir disposer, en toute hypothèse, n’importe quand et quelle que soit la situation. J’insiste sur le fait que la recherche et la production intégreraient des organismes et des institutions d’ores et déjà opérantes. Chacun a bien à l’esprit que l’essentiel du chiffre d’affaires que réalise un laboratoire comme Sanofi est le fait de la collectivité, des remboursements de la sécurité sociale et de la recherche. Ce pôle public apparaît donc tout à fait adapté à notre situation, et nous comprendrions mal que les paroles, y compris du Gouvernement, ne soient pas traduites en actes, même si c’est au travers d’une proposition de loi de La France insoumise qui, je le crois sincèrement, apparaît tout à fait raisonnable.

M. Paul Christophe. La présente proposition de loi vise à créer un pôle public du médicament. Il est vrai que la crise sanitaire du covid-19 a placé sous les projecteurs la répartition mondiale des zones de production et ses dangers sous-jacents. Le secteur de la santé et du médicament n’échappe pas à ce constat. Ainsi, la pandémie a mis en lumière les tensions d’approvisionnement en médicaments déjà constatées ces dernières années. Lors de nos débats consacrés à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’ai déjà eu l’occasion, à de multiples reprises, de rappeler l’urgence de la situation avec vingt fois plus de ruptures de stocks entre 2008 et 2018.

Si la délocalisation massive de la fabrication des substances pharmaceutiques actives est bien l’une des causes principales de l’aggravation de la pénurie, elle n’en constitue nullement la seule et unique raison. En effet, il est aussi juste de préciser que l’augmentation de la demande mondiale, notamment par le développement des systèmes de santé de grands pays comme l’Inde ou la Chine, en est une autre. Ainsi, prévoir de façon simpliste un grand mouvement de relocalisation en France ne peut être l’unique solution face à un problème éminemment multifactoriel. Vous rappelez justement que notre approvisionnement en principes actifs est dépendant d’événements politiques, économiques ou de catastrophes naturelles pouvant survenir à l’autre bout du monde. Hélas, il ne suffit pas de décréter l’autonomie pour qu’elle se réalise. Il faut comprendre que la chaîne du médicament s’appuie sur la recherche et je ne suis pas persuadé que seuls, au regard des moyens financiers mobilisables, nous restions plus performants que le reste du monde, voire que votre modèle ne soit dissuasif et que la fabrication repose sur la disponibilité de matières premières. Je ne suis pas certain non plus que notre seul territoire national suffise à nous approvisionner.

Si je suis favorable à l’idée de mener une véritable stratégie industrielle pharmaceutique, je ne pense pas que l’échelle nationale soit la seule pertinente. C’est à l’échelon européen que peuvent être créées les conditions d’une production et d’un approvisionnement sécurisés. Si l’Europe nous protège des guerres, elle doit aussi protéger notre santé.

Madame la rapporteure, je partage nombre de vos constats mais les solutions que vous apportez me semblent en l’état beaucoup trop lacunaires pour amorcer véritablement une issue face à l’indisponibilité de certains produits de santé et à l’objectif poursuivi.

M. Bernard Perrut. Pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a pris des mesures de rationalisation et de centralisation pour faire face à l’urgence. Ainsi, la réponse apportée à la pénurie de médicaments n’a été qu’une réponse de crise de très court terme, et nous ne pouvons en aucun cas nous en satisfaire pour l’avenir.

Madame la rapporteure, votre proposition de loi a le mérite de poser le grave problème de la souveraineté sanitaire. En effet, comment prioriser les produits dont la pénurie menace ? Comment s’assurer, si votre proposition venait à être adoptée, que le renforcement du régime de la licence d’office serait utilisé et suffisant pour prévenir les situations de manques rencontrées ? On sait aussi que, lors de la discussion du dernier PLFSS, un dispositif en matière de prévention et de lutte contre les ruptures de stocks avait été voté. Ce dispositif vous paraît-il insuffisant aujourd’hui ? Je crois d’ailleurs que les décrets d’application ne sont toujours pas parus, d’où cette véritable inquiétude.

On a aussi beaucoup parlé de la production et de la souveraineté européenne qui devaient être engagées au niveau européen. On peut encore s’interroger aujourd’hui et avoir beaucoup de réponses. On sait que les pénuries trouvent en partie leur origine dans les délocalisations, que les causes sont multiples : prix du médicament rogné d’année en année par le PLFSS, manque de transparence dans l’ensemble de la chaîne, politique des achats dans les hôpitaux mal calibrée, développement d’une industrie de qualité plus compétitive dans les pays asiatiques, lourdeurs administratives. Bref, la liste est longue.

La question de l’indépendance sanitaire de la France ne passera pas par l’application d’un article permettant des réquisitions et la mise à disposition de brevets qui ferait sans doute fuir un peu plus les entreprises, ni par la suppression du crédit d’impôt recherche, qui bénéficie à 93 % à des petites et moyennes entreprises. Ces mesures auraient pour conséquence de tuer une partie de l’innovation dans notre pays et sur des domaines dépassant largement le secteur pharmaceutique. Toutefois, cela n’empêche pas de réfléchir à ce que nous pourrions faire ensemble pour faire évoluer un sujet d’indépendance, de santé et de souveraineté nationale.

Mme la rapporteure. Je remercie tous les orateurs pour leurs explications. Je pense connaître d’ores et déjà la fin tragique qu’aura cette proposition de loi. Dommage...

En entendant les paroles du Président de la République Macron, du ministre de la santé Véran et du ministre de l’économie Le Maire, j’imaginais que le fameux monde d’après dont on nous parlait était enfin arrivé. Dommage...

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Renforcement du mécanisme de la licence d’office

La commission examine l’amendement AS6 de Mme Audrey Dufeu Schubert.

Mme Audrey Dufeu Schubert. L’article 1er, qui prévoit une refonte profonde du mécanisme de licence d’office, serait un mauvais signal pour l’innovation en santé sur notre territoire puisqu’il remet totalement en cause la notion de propriété intellectuelle. En revanche, vous apportez une précision qui nous semble bienvenue en citant explicitement les produits de dépistage dans la liste des produits pouvant être soumis à licence d’office sur le mode qui existe déjà de pouvoir y requérir, notamment en cas d’urgence sanitaire.

Nous proposons donc une nouvelle rédaction des alinéas 1 et 2 et de supprimer les alinéas 6 à 12.

Mme la rapporteur. Notre proposition de loi supprime deux obligations : rechercher un accord amiable avec le titulaire du brevet et verser une redevance au dépositaire du brevet, quel que soit le contexte. Avec cet amendement, vous rétablissez ces deux obligations et vous ne maintenez qu’un aspect du texte qui précise que les produits de dépistage peuvent être concernés par une licence d’office.

Comme je l’indique à la page 25 de mon rapport, cette précision n’est pas nécessaire car ces produits sont compris dans les champs de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Tous les dispositifs médicaux sont bien compris dans le champ de la licence d’office. Je déposerai sans doute un amendement de précision à ce sujet en séance publique.

Je vous propose de retirer votre amendement qui vise à retirer le squelette de ma proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Création d’un pôle public du médicament

La commission est saisie de l’amendement AS2 de M. Jean-Louis Touraine.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Nous souhaitons retravailler cet amendement rédigé par M. Touraine d’ici à l’examen du texte en séance publique. C’est pourquoi je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission rejette l’article 2.

Article 2 bis (nouveau) : Rapport sur l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

La commission examine l’amendement AS3 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Didier Baichère. La loi de 2016 de modernisation de notre système de santé a donné une définition claire des ruptures d’approvisionnement, des ruptures de stocks et des médicaments essentiels. Il nous semble cependant que l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne dispose pas des moyens adaptés, puisque seuls entre trois et quatre équivalents temps plein travaillent sur ces sujets. Aussi l’agence intervient-elle majoritairement en pompier et pas suffisamment dans un mode de prévention. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le statut, l’organisation et les moyens de l’ANSM.

Mme la rapporteure. Je pense que personne ici n’est contre nos collègues sénateurs qui ont rendu un rapport en décembre 2019 intitulé : « ANSM : réarmer le gendarme de la sécurité sanitaire ». Il n’est peut-être pas nécessaire d’en demander un autre tout de suite.

Défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 2

La commission est saisie de l’amendement AS1 de M. Guillaume Chiche.

M. Aurélien Taché. L’un des principaux problèmes de cette proposition de loi est qu’elle reviendrait à supprimer purement et simplement le crédit d’impôt recherche. Il convient que ce dispositif évolue en profondeur. C’est pourquoi nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement au plus tard le 1er septembre 2020 sur l’évolution depuis 2008 des dépenses fiscales correspondant par année au crédit d’impôt recherche, afin de pouvoir ensuite le réformer en profondeur.

Mme la rapporteure. La Cour des comptes a déjà fait un rapport en 2013, il y a eu une commission d’enquête sénatoriale sur le sujet, Pierre Henriet aborde cette question dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, de même que Joël Giraud dans son dernier rapport sur l’application des lois de finances. Sans doute n’avez-vous plus confiance dans les institutions qui ont déjà rendu des rapports.

Avis défavorable.

Mme Audrey Dufeu Schubert. L’amendement de nos collègues du groupe Écologie Démocratie Solidarité soulève des questions intéressantes et nous pourrions le retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique sur quelques points. Il faut avoir à l’esprit qu’un projet de loi de programmation sur la recherche sera bientôt examiné et qu’il sera nécessairement accompagné d’une étude d’impact. Le crédit d’impôt recherche y sera bien évidemment abordé.

Si cet amendement n’est pas retiré, nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 ter (nouveau) : Rapport sur les « Car-T cells »

La commission en vient à l’amendement AS5 de Mme Audrey Dufeu Schubert.

Mme Audrey Dufeu Schubert. Cet amendement fait écho à deux points que vous avez soulevés, madame la rapporteure, dans votre propos liminaire. Premièrement, il revient sur la notion de substance active et permet d’évaluer comment nous pouvons la retravailler s’agissant des traitements anticancéreux. Deuxièmement, il aborde cette innovation médicamenteuse qu’est le CAR-T.

Les cellules T modifiées sont en cours de validation comme traitement contre des cancers. Cette thérapeutique innovante est déjà proposée en France, exclusivement par des compagnies pharmaceutiques privées, à un coût de plusieurs centaines de milliers d’euros par patient – environ 350 000 d’euros – sans compter le coût de l’hospitalisation et de la prise en soins. Il s’agit d’un traitement individuel développé au cas par cas à partir des cellules du malade.

La production de CAR-T nécessite l’action coordonnée de laboratoires de thérapies cellulaires, donc de l’Établissement français du sang, des plateformes technologiques existantes dans les centres universitaires, des unités de recherche en santé et des praticiens membres de groupes coopérateurs capables de répondre rapidement aux besoins cliniques.

Les médecins, chercheurs, professionnels de la discipline soutiennent que la recherche académique française a la capacité de produire des médicaments innovants à un coût bien inférieur – autour de 50 000 euros –, mais cela reste à évaluer. D’où cet amendement qui demande un rapport précis. C’est d’ailleurs déjà le cas en Allemagne, en Espagne, en Israël, en Australie, ou encore aux États-Unis.

Le but de ce rapport est de préparer l’organisation d’un système collaboratif par un consortium pour produire ces CAR-T, la substance active concernée étant individualisée puisqu’il s’agit des cellules des patients. La question d’indépendance et de souveraineté sanitaire, voire de matériel génétique, se pose ici. Je vous invite à voter cet amendement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Le sujet étant très important et d’actualité, il mériterait peut-être que soit lancée une mission « flash » au sein de notre commission des affaires sociales.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je retiens votre proposition.

La commission adopte l’amendement.

Article 3 : Suppression du crédit d’impôt recherche

La commission rejette l’article 3.

Enfin, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

Mme la rapporteure. Vous l’aurez deviné, nous sommes très déçus. Alors que nous sommes en pleine période de crise sanitaire et que les gens commencent à retirer leurs masques, ce qu’il ne faut pas faire parce qu’on n’est jamais à l’abri de rien, ne pas travailler sur les éventuelles pénuries de médicaments n’est pas très rassurant et ne grandit pas notre assemblée. Il est dommage que ce que nous avons entendu à la télévision ne se concrétise pas ici.

La séance est levée à douze heures trente.

————

 


Informations relatives à la Commission

   

  La commission des Affaires sociales a désigné :

   M. Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales ;

 M. Pierre Dharréville, rapporteur de la proposition de résolution de M. André Chassaigne et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du Covid‑19 (n° 2817).


Présences en réunion

 

 

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 9 h 30

 

Présents. - M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Belkhir Belhaddad, M. Christophe Blanchet, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Sébastien Chenu, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Pierre Dharréville, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Perrine Goulet, Mme Carole Grandjean, Mme Véronique Hammerer, M. Brahim Hammouche, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Gaël Le Bohec, Mme Charlotte Lecocq, M. Gilles Lurton, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, M. Adrien Quatennens, Mme Stéphanie Rist, M. François Ruffin, M. Aurélien Taché, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

 

Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, M. Gérard Cherpion, Mme Jeanine Dubié, M. Patrick Mignola, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe

 

Assistaient également à la réunion. - M. Paul-André Colombani, Mme Sonia Krimi, Mme Danièle Obono

 

 

 

 


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