Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition du général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2020.

 

 


Jeudi
10 octobre 2019

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 09

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Françoise Dumas,
présidente

 


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La séance est ouverte à onze heures dix.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous accueillons maintenant le général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale.

Général, nous avons le plaisir de vous recevoir quelques jours après votre élévation à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur et à l’approche de vos adieux aux armes, prévus le 15 octobre prochain.

C’est avec la certitude d’être la porte-parole de tous les commissaires que je vous adresse mes remerciements en vous assurant de la reconnaissance de notre commission pour votre engagement au service de l’État, votre action à la tête de nos 100 000 gendarmes qui, quotidiennement, assurent la sécurité des Français en métropole comme en outre-mer, dans les campagnes comme dans les nombreuses zones périurbaines, dans tous les endroits où, plus que jamais, il est nécessaire d’avoir cette proximité – nous l’évoquions à l’instant en tête à tête.

L’activité des premiers mois de l’année 2019 a une nouvelle fois illustré le fort engagement des forces de gendarmeries. À l’instar d’autres représentants de l’État en uniforme, on peut regretter que les gendarmes fassent souvent l’objet, même si vous ne le dites pas, même si vous ne le dénoncez pas et si vous l’assumez, d’actes d’incivilité, voire d’agressivité, de plus en plus nombreux. Je suis provinciale et plus que quiconque, dans ma vie professionnelle, j’ai tellement apprécié de travailler avec la gendarmerie que je tiens à saluer votre professionnalisme à toute épreuve et le sens de l’État dont vous témoignez tous les jours sur le terrain.

Vous êtes aujourd’hui présent devant notre commission pour exposer les grandes lignes du projet de budget alloué à la gendarmerie nationale pour l’année 2020 dans le cadre de la mission sécurité et relever les points qui devront faire l’objet d’une attention particulière de la représentation nationale.

Vous le savez, votre exposé liminaire sera suivi de questions de la part de nos commissaires, en premier lieu de notre rapporteure, Mme Aude Bono-Vandorme dont chacun connaît l’engagement plus que sincère et constant auprès de la gendarmerie nationale. Dérogeant à la tradition, avant de vous donner la parole, général, je souhaiterais qu’elle puisse s’exprimer en son nom, en tant que rapporteure et, je crois pouvoir le dire, au nom de l’ensemble de mes collègues, parce qu’elle peut tous nous représenter, sur le travail qu’elle a réalisé depuis le début de notre mandat.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis. Effectivement, général, si je m’exprime à la première personne, c’est en notre nom à tous.

Général, depuis plus de deux ans, j’assume les responsabilités de rapporteure pour avis du budget de la gendarmerie nationale. Dans ce cadre et à maintes reprises, j’ai pu travailler en étroite collaboration avec vous. Cette période de partage m’a permis de découvrir en vous les qualités d’un grand homme au service de la Nation.

Très attentif à l’ensemble des femmes et des hommes qui composent cette institution vieille de près de huit cents ans, vous n’avez eu de cesse de la faire évoluer avec son temps, lui garantissant ainsi une excellence et un savoir-faire unanimement reconnus et appréciés. J’ai pu vérifier que ces responsabilités importantes ne vous ont jamais enlevé votre humanité, bien au contraire.

Engagé sur tous les sujets mais faisant confiance en n’hésitant pas à déléguer, loyal mais sachant défendre ses convictions, seul pour assumer toutes les décisions mais croyant sincèrement en l’intelligence collective : là sont vos qualités principales, les qualités principales du grand chef que vous êtes.

Ainsi, votre courage et vos connaissances opérationnelles ont contribué, et je ne citerai qu’un exemple, à la réussite de l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes.

Votre fine analyse des attentes de nos concitoyens vous a amené, dès votre prise de poste, à faire de la présence et de l’ancrage de la gendarmerie dans les territoires votre objectif premier. Ce que nous vivons aujourd’hui vous donne entièrement raison.

De plus, votre appétence pour la science et les nouvelles technologies vous ont permis d’accompagner des programmes de recherche aboutissant à des projets qui font la fierté de la France.

De manière plus personnelle, je voudrais témoigner de votre disponibilité totale pour la rapporteure que je suis, de votre pédagogie, de votre empathie, de votre compréhension, et je tiens à vous exprimer la plus profonde admiration. Nous avons formé un véritable binôme. Votre départ m‘attriste. La gendarmerie nationale voit partir vers d’autres horizons un homme exceptionnel et l’État, un de ses plus grands serviteurs. Merci ! (Applaudissements.)

Général Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale. Madame la présidente, Madame la rapporteure, Mesdames et Messieurs les députés, merci pour ces paroles qui me touchent. Je les dédie aux 130 000 personnels d’active et de réserve, car je compte aussi les réservistes dans les effectifs.

Le directeur général de la gendarmerie nationale est la partie émergée de l’iceberg. Je suis le VRP de la gendarmerie nationale et je vends un produit que je considère comme bon, parce qu’il est profondément humain. C’est pourquoi nous devons continuer à compter sur votre soutien constant, et je sais que nous pourrons le faire. Je remercie l’ensemble de la commission pour le soutien individuel et collectif qu’elle apporte toujours à la gendarmerie nationale. Cet ovni administratif qui a quitté les rives du ministère de la Défense, il y a dix ans, pour le ministère de l’Intérieur, a su conserver sa « militarité », voire la renforcer dans un certain nombre de domaines tout en s’adaptant à un monde nouveau, en évoluant avec son temps, en se transformant sur le plan technologique, de l’organisation et des modes d’action. C’est pourquoi les 130 000 hommes et femmes qui constituent l’active et la réserve de la gendarmerie nationale sont vraiment les vecteurs premiers du service public et de sa qualité.

Ce service public, quel est-il aujourd’hui ? Les priorités qui avaient été fixées entrent dans le cadre des directives gouvernementales, notamment la police de sécurité du quotidien. Dans ce cadre, le contact que vous avez évoqué est un élément fondamental. C’est la matrice du reste de notre action. Il permet la prévention, d’assurer la tranquillité publique, d’être à la disposition des citoyens et d’intervenir plus vite, puisque connaître les gens facilite l’intervention.

Le contact, c’est aussi le renseignement. On parle aujourd’hui de radicalisation et de signaux faibles. Or pour détecter des signaux faibles, il faut être à l’écoute. Quand on n’est pas à l’écoute, on ne détecte pas les signaux faibles et on subit l’événement. Les signaux faibles doivent être identifiés par la proximité, la présence des gendarmes sur le terrain.

Le contact, cet élément déterminant, va se poursuivre. Nous avons aujourd’hui 42 brigades territoriales de contact, 250 dispositifs de contact de différentes natures, appuyées soit sur des unités complètes, soit sur des groupes dans des unités, soit sur des réservistes. Ce dispositif a vocation à se poursuivre et à s’adapter. Nous avons mis en place l’« intelligence locale ». Ce n’est ni le directeur général ni la direction générale qui détermine la réalité de l’exécution du service dans les territoires. Nous sommes chargés de fixer les grandes orientations, de faire connaître et de traduire les directives du gouvernement, mais c’est bien le gendarme de terrain qui a la connaissance de son territoire et qui a « les clés du camion ». C’est donc lui ou elle qui a l’initiative. Pour que les gens se sentent totalement en responsabilité, il faut leur faire confiance, ce qui est à la fois simple et compliqué : simple parce qu’il suffit de le dire, compliqué parce qu’il faut aussi leur montrer. Il n’y a pas de confiance, il n’y a que des preuves de confiance. La preuve de confiance, c’est dire à quelqu’un : vous avez le droit de vous tromper, en donnant des exemples précis : vous vous êtes trompé, mais ce n’est pas grave, on reprend. Au bout d’un moment, les gens se sentent davantage soutenus. C’est aussi le travail de la chaîne hiérarchique que de diffuser cet aspect du commandement que je déploie depuis quelques années et que je qualifie d’« agile, éclairé et bienveillant ».

Le commandement doit être agile, parce qu’il doit être en relation avec l’ensemble des partenaires. Le partenariat est important. Nous travaillons de manière parfaitement coordonnée avec nos camarades de la police nationale et avec les autres services dans le domaine du renseignement. Nous faisons partie du service central du renseignement territorial (SCRT), ce qui était un sujet il y a quelques années mais qui ne l’est plus. Aujourd’hui, nous participons à notre place à la recherche du renseignement. L’agilité, c’est aussi la modernisation que vous avez évoquée, avec un certain nombre d’initiatives, d’innovations participatives, de dépôts de brevets, depuis deux à trois ans. Nous en valorisons au moins deux industriellement, qui nous ramènent des financements innovants. C’est une piste intéressante sur laquelle il faut continuer à investir.

Le commandement éclairé, c’est celui qui est capable de voir dans l’ensemble du dispositif territorial le moment où il faut se réorganiser, se réarticuler, changer de mode de fonctionnement. Ainsi, la crise des gilets jaunes a mis à l’épreuve notre modèle et nous a amenés à changer le fonctionnement interne de la gendarmerie mobile. Toutes les semaines, l’ensemble des escadrons étaient engagés et, en début d’année, il était important de prendre en compte des tensions familiales assez lourdes, d’où un changement de paradigme et de trajectoire de nature à garantir la disponibilité de chaque escadron tout en permettant à chaque gendarme de profiter des périodes de permission avec sa famille. Ce système est inspiré de celui qui a été mis en place pour les CRS. Nous nous inspirons aussi des bonnes pratiques de nos camarades. Comme la marine, nous pratiquons une sorte de double équipage dans les escadrons. C’est de bonne politique, parce que ça permet de remplir la mission tout en assurant la qualité de vie au travail de nos personnels.

Vous le savez, l’an dernier, nous avons déploré trente-trois suicides, cette année, nous en sommes à quatorze. C’est toujours de trop, quel que soit le nombre. Nous poursuivons la réflexion Nous avons mis en place un réseau de soutien appuyé sur la hiérarchie et sur la concertation, élément important qui a beaucoup évolué ces dernières années et sur lequel nous allons continuer à investir. La concertation s’exprime au niveau national par le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) et au niveau local par les conseils de concertation. Nous avons vu apparaître un nouvel acteur, les associations professionnelles nationales de militaires (APNM), qui ont aussi leur rôle à jouer. Elles sont là. Elles ne sont pas encore représentatives au sens réglementaire, mais elles sont un acteur supplémentaire du dialogue social qu’il faut prendre en compte. Il importe de pouvoir offrir à chaque militaire de la gendarmerie la capacité de faire remonter un certain nombre d’éléments au niveau central. C’est aussi cela que j’appelle un commandement éclairé, c’est-à-dire ne se priver de personne, d’aucun capteur, d’aucune filière renseignement interne, afin de garantir à la fois l’exécution de la mission et la qualité de vie au travail.

Le commandement bienveillant est un autre élément essentiel qui consiste à former et à accompagner nos personnels, quel que soit leur grade, quelle que soit leur fonction, et à les soutenir lorsqu’ils sont en difficulté. Vous l’avez rappelé, Madame la présidente, ils sont aujourd’hui en difficulté dans des situations opérationnelles compliquées, face à des agressions de plus en plus régulières. Le niveau de violence exercé contre les forces de l’ordre et contre les gendarmes est en augmentation constante, plus encore dans les outre-mer, où le niveau de violence paroxystique n’est pas appelé à diminuer. Nous devons continuer à accompagner nos camarades blessés, car c’est la solidarité et le soutien que le commandement leur doit. Il faut aussi les accompagner lorsqu’ils sont mis en cause. La mise en cause d’un personnel de la gendarmerie doit toujours être analysée au regard du respect du droit de l’accusé et de l’accusant. Je constate souvent que les enquêtes judiciaires font apparaître que les mises en cause étaient injustifiées. Il est important de réhabiliter nos personnels, parce qu’il est très compliqué de vivre une mise en cause injustifiée. Je m’astreins à remettre systématiquement une lettre de soutien aux personnels injustement mis en cause pour leur signifier qu’ils gardent toute ma confiance.

Il y a aussi des mises en causes en interne, dans le cadre du dispositif Stop Discri qui permet à chacun d’énoncer des atteintes de discrimination individuelles. Il représente environ 150 signalements par an, dont une bonne moitié à deux tiers n’apparaissent pas totalement avérés à l’issue des investigations. Ce dispositif est parfois utilisé de manière décalée. Les discriminations et les accusations avérées font l’objet de sanctions et celles qui ne le sont pas font l’objet de réhabilitations. Il convient de remettre les personnels au centre du jeu, afin qu’ils puissent reprendre efficacement leurs missions.

J’en viens à l’aspect humain, qui me semble le plus important, parce qu’il permet de remplir la mission. Au-delà du contact, nous avons pour mission la sécurisation dans l’espace. Nous avons mis en place un centre national de la sécurité des mobilités (CNSM). Nous nous astreignons à surveiller et à protéger les 90 % des voies ferrées et les 85 % des routes en zone de gendarmerie. Nous avons une mission de sécurité proprement dite et une mission de sécurisation des flux qui nous permettent d’intervenir sur les attaques de fret, les difficultés que rencontrent les transports de voyageurs. Nous faisons évoluer nos escadrons départementaux de sécurité routière (EDSR) de la fonction sécurité routière proprement dite vers une fonction de contrôle des flux et de gestion des événements dans l’espace. Nous poursuivrons ces actions engagées pour lesquelles nous procédons à une formation complémentaire de nos personnels.

La formation est un élément important. Nous modifions fondamentalement la formation initiale de nos personnels, sous-officiers ou officiers. Nous quittons la formation orientée vers l’accumulation de connaissances que nous avons connue il y a quelques années, avec l’apprentissage du code pénal, du code de procédure pénale, etc. Aujourd’hui, des outils modernes comme NéoGend permettant d’accéder à la documentation en tout point du territoire, il est devenu inutile d’apprendre par cœur des textes qui d’ailleurs changent souvent. Mieux vaut garder du temps pour apprendre aux gens, lors de leur formation initiale, à se comporter avec discernement, avec une intelligence locale et territoriale. Dans les formations initiales, nous pratiquons les mises en situation dans le cadre du développement du savoir-être.

On recrute un gendarme pour quarante et nul ne peut dire ce que sera le métier de gendarme dans vingt ou vingt-cinq ans. En revanche, nous savons qu’il y a deux constantes

La première constante est l’être humain. Quelle que soit l’évolution technologique, il y aura toujours une interaction entre un gendarme et un citoyen, un usager ou une victime, d’où cette formation, cet accompagnement et cette valorisation des personnels. Nous avons revu la politique disciplinaire. Depuis deux ans, on sanctionne deux fois moins et on félicite trois fois plus. En fin d’année, nous aurons félicité 60 000 personnels d’active sur 100 000. On ne commande pas avec des punitions. On donne envie avec des valorisations et avec des récompenses, et c’est parce qu’on donne envie que les gens travaillent bien.

La seconde constante, c’est la chaîne hiérarchique à la disposition du gendarme. Je reçois une fois par mois une délégation par département et je leur dis : la direction générale et le directeur général, nous sommes à votre disposition et non pas l’inverse. C’est aussi cette constante qui permet l’efficacité du service.

Puisque nous sommes à leur service, je me dois aussi d’être leur porte-parole en matière de difficulté. Nous en arrivons ainsi à la question budgétaire pour laquelle je suis devant vous.

Un exercice se termine et un autre commence. On ne peut se cacher que le premier se termine dans la difficulté. Par rapport au projet de loi de finances (PLF) qui vous a été proposé l’an dernier, dès le début de l’année, nous avons mis en place la mise en réserve interministérielle de précaution, et une réserve ministérielle supplémentaire de 3 à 4,5 % sur le « hors titre 2 » venant s’ajouter à la mise en réserve du titre 2. Je ne disconviens pas de l’intérêt de cette mise en réserve pour faire face à toute éventualité, mais en tant que responsable de programme, je me permets de faire remarquer la difficulté de gestion qui peut en résulter. On m’explique que mon budget est calibré au plus juste et, à peine est-il calibré qu’on m’en gèle une partie, avant de m’en dégeler des parties successives au fil de l’année, éventuellement à partir du mois d’août. En termes de gestion prévisionnelle, c’est un peu compliqué. Pour une saine gestion des finances publiques, il serait bon d’avoir une meilleure visibilité afin d’organiser plus efficacement les programmes. Cette mise en réserve date de nombreuses années mais il me paraissait important d’appeler votre attention sur ce point.

Dans le cadre du PLF pour 2020, nous enregistrons une augmentation substantielle des crédits du titre 2, de 120 millions d’euros, qui nous permet de faire face à l’augmentation des effectifs, dans le cadre du plan d’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie de 10 000 personnels sur l’ensemble du quinquennat. L’année prochaine, nous aurons 270 équivalents temps plein (ETP) de plus pour le programme gendarmerie, après transfert de 220 ETP, en particulier dans le cadre de la création du service des achats, de l’innovation et de la logistique (SALMI) du ministère de l’Intérieur. Ces, 120 millions d’euros supplémentaires nous permettront de faire face aux besoins d’évolution catégorielle et à l’augmentation des effectifs de manière très raisonnable.

Un peu moins de 71 millions d’euros sont consacrés aux réserves, soit moins que cette année. Il est important de garder le rythme d’emploi de nos réservistes, sachant que nous parvenons à trouver des financements innovants extérieurs et extrabudgétaires. La région Ile-de-France et la région des Hauts-de-France financent une partie de nos réservistes, de même que la SNCF et un certain nombre d’autres opérateurs, y compris internationaux, ce qui permet d’engager nos personnels dans des missions de sécurité tout en dégageant des ressources extrabudgétaires. Cela me paraît être de bonne gestion.

Les crédits du titre 2 nous permettront donc de répondre aux plans catégoriels tels qu’ils ont été prévus.

Les dotations hors titre 2 sont en légère augmentation, de 3 millions d’euros, par rapport au PLF pour 2019 à périmètre constant, ce qui nous permet d’acheter des matériels comme des munitions et des moyens de protection. Nous faisons un effort important en matière de protection des personnels. La violence à l’encontre des personnels nous conduit à sécuriser les infrastructures. Ainsi 15 millions d’euros sont consacrés à la sécurisation des infrastructures d’unités. Ce programme est mis en place depuis trois ans se poursuivra l’année prochaine. C’est un élément essentiel pour la protection de nos personnels et de leur famille. Nous avons également un plan d’achat de matériels, à hauteur d’un peu plus de 2 millions d’euros, pour nos gendarmes départementaux qui – nous l’avons vu lors de la crise des gilets jaunes - sont souvent en première ligne en matière de maintien de l’ordre. Il y a quelques années, le maintien de l’ordre était exclusivement réservé aux forces de gendarmerie mobile, et les gendarmes départementaux n’étaient pas engagés dans ces opérations. Les gilets jaunes nous ont conduits à revoir notre modèle. On se souvient de l’attaque de la préfecture du Puy‑en-Velay où nos camarades de la police ont été renforcés par la gendarmerie départementale locale, avec des personnels d’active, des personnels de réserve et des gendarmes adjoints volontaires (GAV) qui se sont engagés dans le maintien de l’ordre sans aucun matériel de protection. Nous allons acheter, pour le diffuser dans les groupements de gendarmerie départementale, du matériel de protection : casques, boucliers, protections individuelles. Il ne s’agit pas de changer de métier, le gendarme départemental garde sa mission de gendarmerie départementale, mais il me paraît indispensable de lui donner les moyens de se protéger.

Nous avons envoyé en stage, depuis deux mois, au centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG), à Saint-Astier, les commandants de pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) pour une semaine de formation afin de leur redonner quelques clés de compréhension de la manœuvre de maintien de l’ordre, sans changer de métier. Avoir du matériel, c’est bien, avoir en tête les schémas tactiques, c’est mieux.

Les crédits nous permettront d’acheter du matériel dans le cadre de la modernisation. Le système NéoGend, ce sont 67 000 tablettes ou smartphones. L’objectif c’est, à la faveur du prochain marché, de passer à 100 000. Chaque personnel de la gendarmerie, personnel civil compris, sera doté de NéoGend, moyennant un effort de 72 millions d’euros en autorisation d’engagement sur trois ans. Cela me paraît indispensable pour la poursuite de ce programme extrêmement intéressant car il permet de gagner du temps dans les différentes tâches administratives. Cela nous permettra aussi, d’ici deux à trois ans, de supprimer les ordinateurs de bureau, l’outil NéoGend ayant vocation à devenir le bureau du gendarme, puisqu’il peut être posé sur un support et équipé d’un clavier virtuel. In fine, cela permettra des gains budgétaires et surtout aux gendarmes de travailler en mobilité, voire de développer le télétravail.

Le télétravail est un autre élément essentiel de la qualité de vie au travail. Il est sympathique de venir au bureau pour saisir de la procédure, mais cela n’apporte guère plus que de le faire chez soi. Accessoirement, cela permet d’employer nos personnels inaptes. Nous avons vingt blessés par jour, de toute nature, dans le cadre du service ou du sport. Il nous faut continuer à accompagner les inaptes. L’idée est de les raccrocher, grâce au télétravail, au service quotidien. Quand on ne peut aller sur le terrain, on peut faire des procédures au profit des camarades ou travailler avec la brigade numérique. En place depuis près de deux ans, elle est un succès, avec 250 sollicitations par jour, et ce nombre augmente régulièrement. Elle sert aussi de portail pour la dénonciation des violences sexuelles et sexistes. Ce n’est pas un service d’urgence mais un service de contact et de réponse aux usagers. Nous conduisons une expérimentation pour que des gendarmes ou des réservistes puissent se loguer à partir de chez eux. L’usager a en face de lui une interface qui lui permet d’accéder à une unité appelée brigade numérique, mais peu lui importe que les gens soient à Rennes, chez eux ou au bureau. Nous testons le dispositif afin que nos inaptes puissent être utilisés dans ce cadre. Ils continuent à travailler pour le service, ils continuent à être valorisés. Il n’y a rien de pire que de se sentir déclassé. Nous comprenons qu’ils ne puissent aller sur le terrain, mais nous avons besoin d’eux, car ce sont des professionnels. Nous les employons donc différemment. Il s’agit d’allier la modernisation à l’aspect humain. La technologie ne doit pas être considérée indépendamment du reste du biotope.

Ce projet de budget hors titre 2 nous permet de faire évoluer le dispositif NéoGend. Quarante applications sont en cours de développement pour ajouter des capacités, des compétences, des possibilités. L’objectif est la reconnaissance vocale pour les auditions, associée à la procédure pénale numérique. Ce projet partagé avec le ministère de la Justice et le ministère de l’Intérieur est porteur de grands espoirs pour nos personnels, car il vise à simplifier l’élaboration et la transmission des procédures à l’autorité judiciaire. Du côté de la justice, cela facilitera l’ensemble des opérations préalables au procès pénal. Les applications introduites dans le dispositif NéoGend sont un sujet totalement partagé avec la police nationale, le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²) et la direction du numérique, demain, puisque le ministère ambitionne la mise en place, à partir du 1er janvier 2020, d’une direction du numérique regroupant l’ensemble des opérateurs du ministère afin de disposer d’une masse critique supérieure à celle qui existe aujourd’hui, tout en conservant l’objectif d’opérationnalité. Le ST(SI)² restera un opérateur dans le cadre de la direction du numérique.

La deuxième grande réforme est la création d’un service des achats, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SALMI), en remplacement du service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qui appréhende les achats sous l’angle ministériel plutôt que sous l’angle de la sécurité intérieure. Ce budget contribuera à développer ses capacités.

Il permettra aussi de commander 1 600 véhicules. Aujourd’hui, un véhicule est indispensable à toutes les brigades territoriales. Vous le savez, notre dispositif consiste en la répartition sur l’ensemble du territoire de 3 100 brigades territoriales, dont l’effectif varie de cinq à cinquante-cinq. Dans la profondeur du territoire des brigades à cinq ou six personnels, le seul véhicule ou les deux dont ils disposent sont indispensables à l’exécutif du service. Ce n’est pas une option. Nous n’avons pas de vélos et même si nous en avions, la superficie d’une brigade territoriale de neuf, nombre moyen, est équivalente à celle de Paris intra-muros avec, certes, bien moins d’habitants mais de longues distances. À ceux, bien sympathiques, qui invitent à faire des patrouilles à pied ou à vélo, je réponds que je ne les vois pas se balader à pied ou à vélo à Paris tous les jours. J’insiste sur ce point qui n’est pas toujours finement appréhendé. Un véhicule qui manque à une brigade qui n’en a que deux divise par deux sa capacité opérationnelle, donc d’autant la qualité du service public rendu.

À la faveur d’un dégel partiel de la mise en réserve de 2019, nous avons réinjecté 4,5 millions d’euros de crédits carburants permettant aux unités de fonctionner au moins jusqu’à début décembre, sachant qu’intervient alors le report frictionnel des dépenses. C’était, au début de l’été, un sujet compliqué sur lequel de nombreux parlementaires sont intervenus à juste titre, alertés par leurs unités territoriales.

Je terminerai sur la partie internationale qui fait aussi l’objet d’une évolution. Comme je vous en ai rendu compte l’année dernière, nous poursuivons notre formation initiale partagée avec nos camarades de la garde civile, qui sont venus à Dijon, cette année. Nous retournerons à Valdemoro l’année prochaine pour poursuivre le travail. Nos amis portugais étant également intéressés par ce dispositif, nous prévoirons, l’année suivante, un dispositif de formation initiale au Portugal, ce qui nous permettra, après nous être rapprochés des instances européennes, de créer un Erasmus de la sécurité et d’obtenir des ressources extrabudgétaires. Être à trois pays avec trois forces différentes permet d’aller rechercher des crédits de formation.

Tels sont, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, les éléments que je souhaitais apporter pour votre éclairage. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Aude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis des crédits de la gendarmerie nationale. Général, vous avez longuement développé un point qui nous inquiète tous, à savoir le nombre de véhicules. Alors qu’il en faut 3 000 par an pour juste maintenir une flotte convenable, nous en sommes à 1 924 cette année et il en est prévu 1 600 pour l’année prochaine. Avez-vous des pistes de réflexion à ce sujet ? En tout état de cause, on ne saurait maintenir un niveau aussi bas, jamais connu depuis des années, alors même que les deux dernières années étaient plutôt propices, la moyenne d’âge des véhicules étant passée de huit ans à sept ans et quatre mois. Cette orientation était source d’espoir pour nos gendarmes. Il ne faut pas les décevoir et leur donner les moyens de servir.

Vous avez aussi longuement parlé des réserves, dont le budget est toujours en baisse. Il faudra un jour considérer qu’il ne peut être une variable d’ajustement. On ne peut pas demander à nos réservistes de s’impliquer une année et l’année suivante leur dire que l’on n’a plus les moyens de faire appel à eux. Nous devons répondre positivement à leur attente en leur signifiant que nous avons besoin d’eux en permanence.

J’évoquerai la partie thématique de mon avis budgétaire relative au logement. J’ai visité cette année un grand nombre de logements dans un état avancé de vétusté, et chaque député fait remonter l’état préoccupant des casernes de sa circonscription. Alors qu’il faudrait 300 millions d’euros par an pour entretenir et rénover ce parc, la gendarmerie en a obtenu un peu plus de 100 en 2019 et elle en aura moins de 100 pour 2020. Nous sommes arrivés au bout d’un modèle. Pensez-vous souhaitable la mise en place d’un outil dédié à la gendarmerie nationale ? J’explore actuellement la faisabilité d’outils qui pourraient être dédiés à ce type d’objectif. Je me suis rapproché de mon collègue François Jolivet, le rapporteur spécial des crédits logement et hébergement d’urgence, qui a dans son périmètre le livret A et qui réfléchit à une nouvelle doctrine d’emploi du fonds d’épargne. Avec le député Jacques Savatier, membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et responsable des fonds d’épargne, nous ferons avant la fin de l’année des propositions à ce sujet après avoir pris connaissance des propositions de la gendarmerie. Soutenez-vous cette piste d’exploration ? Vous semble-t-elle intéressante pour la gendarmerie ? Devons-nous continuer à la proposer ?

M. Charles de la Verpillière. Mon général, je m’associe très sincèrement aux félicitations, aux remerciements et aux vœux qui vous ont été adressés par la présidente et par Mme Bono-Vandorme. Vous aurez vraiment marqué votre passage à la tête de la gendarmerie nationale.

Je vous interrogerai non seulement en tant que membre de la commission mais aussi et surtout en tant que président du groupe d’étude sur les gens du voyage. Dans ma circonscription et dans un certain nombre de départements, l’été a été chaud dans ce domaine. Partagez-vous ce constat ? Comment concevez-vous l’intervention de la gendarmerie nationale à la demande des préfets dans les affaires de stationnement illégal de gens du voyage ?

M. Fabien Lainé. Mon général, j’ai noté que la gendarmerie prévôtale s’était dotée cet été d’un compte Tweeter, ce qui est heureux pour cette mission de la gendarmerie qui est assez peu connue de nos concitoyens. À cette occasion, pouvez-vous nous faire un point sur l’engagement estimé de ces forces projetées en OPEX pour l’année prochaine et sur le bilan de cette année ?

M. Olivier Becht. Mon général, je voudrais d’abord me féliciter des 15 millions d’euros que vous avez obtenus pour le programme de protection des infrastructures et des personnes. Je le dis en qualité de député de Mulhouse où, il y a quelques semaines encore, un individu a ouvert le feu sur un gendarme et sa famille installés à la terrasse de leur logement, en caserne. Cela montre l’état dans lequel notre société est hélas arrivée.

Ma question portera sur les trafics de stupéfiants dans les zones périurbaines. Je m’exprime en qualité d’ancien maire d’une commune concernée. Les moyens alloués aux brigades territoriales sont-ils suffisants dans ce domaine ? Sinon, quels moyens matériels ou humains devraient être renforcés pour faire face à des bandes de mieux en mieux organisées et de plus en plus surarmées ?

M. Yannick Favennec Becot. Mon général, vous le savez, la gendarmerie occupe une place importante dans les territoires ruraux auprès de nos concitoyens mais aussi auprès des élus. Elle est un lien précieux pour chacun et apporte un équilibre non négligeable, notamment dans nos petites communes. Cependant, chaque année nous constatons que des postes ne sont pas pourvus. Les raisons souvent invoquées sont le manque d’attractivité des lieux et un manque de gradés. Quelles mesures entendez-vous prendre face à ce constat inquiétant ?

M. André Chassaigne. Je tiens aussi à souligner l’excellence des liens que nous entretenons sur nos territoires avec la gendarmerie, à tous les échelons, des brigades de proximité aux officiers à la tête des départements.

Concernant la sécurité intérieure, nous avons vécu, durant quelques années, une carence qui était liée, d’une part, à la réforme de 2018 qui a fusionné les renseignements généraux et le contre-espionnage, faisant du renseignement territorial un parent pauvre, et, d’autre part, à l’installation des comités de brigade qui a conduit à distendre le lien avec la population. Or cela a changé en ce qui concerne les liens de la gendarmerie nationale avec la population et les élus locaux. C’est une avancée notable que je voulais souligner.

L’installation de la gendarmerie, depuis seulement 2018, au sein de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) permet une meilleure coordination pour participer à la détection et au suivi d’individus radicalisés. Ce sujet d’actualité a d’ailleurs été abordé par le Président de la République, mardi dernier. C’est la reconnaissance de la montée en puissance de la gendarmerie à la suite de la création de la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO), quelques années auparavant. Quelle place vous a été attribuée au siège de la DGSI, à Levallois-Perret ? Des liens existent-ils aussi avec les directions départementales ? Il faut de plus en plus des emplois d’analystes, d’experts en religion, de psychologues. Les emplois de gendarmerie concernent-ils aussi cette catégorie ?

M. Xavier Batut. Mon général, l’attractivité professionnelle est souvent liée aux conditions de vie et d’accueil des familles, en particulier dans les territoires ruraux. Les conditions de vie des gendarmes et de leur famille dépendent largement des infrastructures immobilières. Dans ma circonscription, j’ai la chance d’avoir les six compagnies de Seine-Maritime, plus un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG). Je vais à leur rencontre depuis le début de mon mandat mais durant l’été, j’ai eu l’occasion de visiter des brigades rurales. Au vu de l’état de certains sites, l’attractivité n’est plus au rendez-vous, ce qui entraîne des difficultés de recrutement pour vos services et, à terme, suscite une interrogation sur le maintien de certaines brigades proches des populations et des territoires ruraux.

J’ai relevé l’augmentation du budget pour la réfection des casernes et des logements, mais une articulation autour des collectivités locales ou des bailleurs sociaux ralentit souvent l’engagement des travaux. Des casernes ont été construites à partir d’un savant montage financier entre communes, bailleurs sociaux et j’en passe. J’avais visité une brigade où une jeune gendarme venait d’arriver avec son enfant dans un logement de quatre-vingts mètres carrés, sans volets à l’étage ni de stores au Velux. Elle payait 300 euros d’électricité par mois pour se chauffer et il faisait 16 degrés dans son logement. Sa brigade appartient à une commune qui empoche les loyers depuis vingt-cinq ans sans jamais avoir réalisé de travaux.

Nous avons mis les maires devant le fait accompli et, avec l’aide de leurs employés municipaux, ils ont refait une partie de la caserne à la fin de l’été. Les loyers versés aux bailleurs et aux collectivités ne sont pas réintégrés dans l’entretien des casernes. Comment pensez-vous optimiser l’entretien des sites en y associant les bailleurs et les collectivités ?

J’avais une deuxième question sur l’interaction CRS/peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) dans les Alpes, mais je la poserai par écrit.

Général Richard Lizurey. Madame la rapporteure, vous avez évoqué les véhicules, source de préoccupation. Je ne peux que confirmer les chiffres que vous avez cités. Nous avons actuellement 1 924 commandes pour 2019 et nous attendons une hypothétique levée de la mise en réserve restante pour en commander d’autres. L’ensemble du parc compte quelque 1 300 véhicules saisis qui contribuent à l’accroissement de notre parc de véhicules, et la filière est de plus en plus utilisée. Nous avons aussi des pistes d’innovation. Des opérateurs se tournent vers nous pour innover avec des véhicules électriques ou des véhicules à hydrogène.

Nous avons récemment été sollicités par un opérateur désireux d’expérimenter des véhicules à hydrogène. Je lui ai répondu que j’étais prêt à rendre service s’il fournissait le véhicule gratuitement. Cela se pratique aussi depuis longtemps à la garde républicaine avec laquelle nous travaillons sur l’externalisation de la fonction transport en commun.

L’externalisation d’une partie du parc est la dernière piste que je souhaite évoquer. Il convient de réfléchir sur le modèle patrimonial en matière de véhicules. À l’instar de grandes entreprises qui louent leurs flottes, un grand service public comme le nôtre doit pouvoir s’orienter vers ce genre d’organisation. Avec la garde républicaine, nous avons commencé à réfléchir sur nos véhicules de transport en commun. Considérant qu’il faut des conducteurs « TC » et le coût de possession d’un bus parfois exorbitant, souvent pour déplacer des gens dans paris intra-muros, nous nous sommes rapprochés d’un opérateur parisien, la RATP.

Celle-ci va prendre en charge tous nos mouvements avec leurs véhicules pour partie hybrides et pour partie électriques, ce qui réduira le coût global de la fonction transport des personnels. C’est une piste intéressante pour la partie transport en commun, qui est un segment limité. Nous l’envisageons aussi pour la gendarmerie mobile, notamment pour les Irisbus arrivés en fin de vie et dont un millier doivent être rénovés et à transformés. Comme cela risque de trop peser sur le budget, nous nous rapprochons de différents opérateurs pour savoir si l’un d’entre eux ne serait pas intéressé par une externalisation, une location de longue durée ou une location avec option d’achat. C’est très intéressant pour les véhicules légers puisqu’avec le système NéoGend, on n’est plus obligé de percer et d’installer des câbles pour équiper les véhicules de moyens radios. On peut utiliser des véhicules du secteur civil. Aujourd’hui, la couleur bleue n’est plus une couleur gendarmerie mais une couleur civile classique de la chaîne, ce qui diminue le coût de chaque véhicule. Demain, on n’aura plus besoin d’équiper les véhicules en matériel de transmission et un opérateur pourra nous louer une partie ou la totalité de la flotte. Bien entendu, il faut prendre en compte la logistique actuelle, c’est-à-dire les ateliers et leurs personnels, mais cela peut se faire de manière très progressive.

Vous avez évoqué le rôle de variable d’ajustement des réserves. Cela pose, ici ou là, des problèmes de fidélisation de nos personnels réservistes. Sur les 30 000 réservistes, 10 000 sont des anciens de la maison et 20 000 des jeunes ou des réservistes issus de la société civile. J’ai demandé, pour l’année prochaine, que l’on veille à privilégier l’emploi des jeunes réservistes et à leur fidélisation. Cette catégorie, je pense notamment aux étudiants, a besoin d’une certitude d’emploi pendant les périodes de vacances, et il est injuste de leur faire supporter cette difficulté budgétaire. En revanche, nos anciens – je le dis avec une grande affection cas j’en ferai partie d’ici peu de temps – sont extrêmement disponibles et peuvent être prévenus dans des délais restreints. Ils répondent très souvent présent. Nous revoyons aussi notre politique de convocation de manière à ce que cette contrainte budgétaire s’insère dans une dynamique individuelle adaptée.

Concernant les logements, je suis en phase ce que vous avez indiqué, ainsi que M. Batut, au sujet des logements individuels. Il est certain que nous arrivons au bout d’un modèle. Il a survécu grâce aux collectivités locales que je me permets de remercier. Environ 70 % du parc immobilier de la gendarmerie nationale appartiennent aux collectivités locales, qui consentent de gros efforts au regard de leurs capacités d’investissement pour proposer aux militaires de la gendarmerie des conditions de logement et d’accueil modernes et décentes

Dans la quasi-totalité des cas, leur parc locatif est en bon ou en très bon état, ce qui n’est pas le cas du parc domanial qui sert de variable d’ajustement. On lisse les programmes, on fait des choix, on gère l’urgence et on remet à plus tard le ravalement de la façade. Parvenus au bout d’un modèle, nous ne pouvons continuer à augmenter les budgets consacrés à ce dispositif, en sorte que l’idée d’un opérateur dédié est une piste non seulement intéressante mais indispensable. Les opportunités que vous avez citées permettent de s’inscrire dans une logique gagnant/gagnant avec des opérateurs cherchant à investir. Ces besoins sont aussi ceux d’autres services publics, nous ne sommes pas les seuls à avoir des problèmes immobiliers. Cette piste avait été étudiée lorsque nous étions encore rattachés au ministère de la Défense. À l’époque où j’étais au cabinet du ministre de la défense, le groupe SNI avait manifesté son intérêt pour prendre la totalité du parc immobilier de la gendarmerie en contrepartie du versement d’une soulte. Les conditions n’étaient pas réunies mais elles le sont aujourd’hui pour, au moins, revoir le sujet. C’est la piste la plus réaliste et la plus raisonnable au regard des contraintes budgétaires actuelles.

Monsieur de la Verpillière, le stationnement des gens du voyage pose davantage de problèmes l’été, alors qu’ils sont toujours sur le territoire, notamment en raison des rassemblements de « Vie et lumière », tous les ans au mois d’août. Des groupes de 70 à 100 caravanes progressent alors en quête de terrains que ceux qui leur sont dévolus ne peuvent pas accueillir en totalité. C’est toujours un sujet pour les élus locaux, notamment les maires, dont je salue l’engagement et l’investissement dans le service public, car leur métier n’est pas simple. Le maire et le gendarme forment un binôme. Le gendarme doit être avec le maire et le maire doit bénéficier du soutien du gendarme et de la gendarmerie, dans le cadre légal, qui est ce qu’il est, mais qui doit être appliqué en totalité. Il y a pu y avoir, ici ou là, quelques difficultés sur lesquelles nous travaillons, mais le message doit être clair : le maire est en première ligne et le gendarme est avec lui. Y a-t-il ou non un schéma départemental ? Les conditions sont-elles réunies pour procéder à l’évacuation ? Nous dépendons aussi de la chaîne hiérarchique de l’autorité administrative, mais dès lors qu’elle donne le feu vert pour évacuer ou empêcher, les gendarmes doivent être là. C’est à nous de mettre en place les moyens nécessaires. Pour expulser des dizaines de caravanes, trois gendarmes ne suffisent pas. La hiérarchie doit faire converger les forces pour apporter ce soutien indispensable aux élus locaux dans le cadre du respect de la loi. Chacun, quelle que soit sa fonction, son grade, son statut ou sa catégorie socioprofessionnelle doit respecter la loi.

Monsieur Lainé, la gendarmerie prévôtale a évolué en bien. Il y a quelques années, c’était, avec nos camarades des armées, une pomme de discorde et un sujet de conflit constant. La prévôté était toujours vue par nos camarades des armées comme l’empêcheur de tourner en rond avec le gendarme qui vient enquêter. C’était aussi de notre faute parce qu’à l’époque, nous n’avions pas le souci de former nos prévôts. On demandait à des gendarmes de brigade d’accompagner un régiment ou un bataillon sans leur donner les clés de compréhension. Ils appliquaient la loi de métropole en opérations extérieures, ce qui a pu créer, ici ou là, des divergences ou des incompréhensions. Depuis quelques années, nous avons créé le commandement de la gendarmerie prévôtale, composé d’une trentaine de gendarmes projetés et d’une petite dizaine à Paris. Les chiffres sont extrêmement faibles.

Mais au-delà du nombre, nous avons mis en place une formation partagée avec l’ensemble des unités déployées. Les prévôts sont formés en même temps que l’unité qu’ils accompagnent dans le cadre de leur déploiement. Ils font connaissance localement en métropole avant leur projection. Aujourd’hui, je n’ai que des retours extrêmement positifs de l’ensemble des chefs d’état-major des armées sur le travail de la prévôté. Nous avons des prévôtés permanentes, comme à Djibouti ou en Côte-d’Ivoire, et des prévôtés de circonstance. Quand une force française est projetée, une équipe de deux gendarmes prévôtaux l’accompagne systématiquement. Dans la chaîne de commandement, les prévôts dépendent sur le plan juridique du parquet de Paris et du chef d’état-major des armées, s’agissant de leur déploiement opérationnel. Ils échappent donc à ma compétence fonctionnelle. Cela fonctionne très bien. Aucune augmentation de crédits n’est prévue, sauf projections nouvelles des armées.

Monsieur Becht, vous avez évoqué les trafics de stupéfiants dans les zones périurbaines. On associe souvent la gendarmerie au monde rural alors que les trois quarts de mes unités sont en zones périurbaines, parce qu’elles ont investi le monde rural. Autour de beaucoup de métropoles, les unités ont été submergées par l’urbanisation. Le trafic des stupéfiants est un des problèmes importants du dispositif. C’est la raison pour laquelle le ministère de l’Intérieur a mis en place, en liaison avec le ministère de la Justice, une nouvelle organisation, l’office anti-stupéfiant (OFAST), dans lequel nous sommes totalement intégrés. Un colonel de gendarmerie est affecté dans ce dispositif et des personnels sont en cours d’intégration. C’est un outil partagé avec la justice, puisqu’un magistrat est adjoint à la direction de cet office nouveau qui a succédé à l’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTRIS) en cours d’année.

Les moyens des brigades territoriales sont-ils suffisants ? La mission de la brigade territoriale est d’être présente sur le territoire, au contact de la population, pour recueillir des signaux faibles ou des indices en vue de mettre au jour des infractions. Les unités de recherches et les brigades de recherches interviennent en appui des brigades territoriales pour faire les enquêtes judiciaires, lutter contre le trafic des stupéfiants, interpeller le dealer du coin de la rue. Certes, il faut traiter le haut du spectre que sont les trafics internationaux, et c’est le travail de l’office et des services spécialisés, mais le citoyen attend qu’on règle son problème dans sa rue, son carré, son hall d’immeuble. C’est à cette fin que nous allons continuer à investir pour doper les unités en matière de formation et en achetant des équipements de surveillance et d’observation. Dans la quasi-totalité des départements, nous avons déployé des cellules d’observation et de surveillance qui contribuent à la surveillance du biotope des stupéfiants afin d’établir des procédures juridiques qui tiennent devant la justice.

C’est un combat de tous les instants dans lequel les brigades territoriales sont en première ligne, mais pas seules, avec les unités de recherches, les brigades ou sections de recherche et la collaboration, notamment à Mulhouse, de la police nationale. Ces unités travaillent vraiment ensemble. Là aussi, les choses ont bien évolué. Nous travaillons désormais en parfaite intelligence avec les différents services de la police nationale. Je me souviens notamment d’une saisie de plusieurs milliers de kilos de stupéfiants sur l’aéroport de Bâle‑Mulhouse opérée par les gendarmes avec l’appui de l’OCTRIS, c’est-à-dire de nos camarades de la police nationale. Seuls, nous ne pourrions faire face à ce phénomène. C’est pourquoi une organisation partenariale très positive a été mise en place.

Monsieur Favennec Becot, vous avez évoqué les unités défavorisées, le manque d’attractivité et le manque de gradés. Il y a des endroits où personne ne veut aller pour des raisons géographiques, d’isolement ou autres. Nous avons ouvert les possibilités de permutation et mis en place une politique de contractualisation garantissant aux personnes qui passeront cinq ans dans ces unités qu’elles seront affectées outre-mer ou ailleurs. Cette piste fonctionne mal car le prix à payer reste élevé. Nous avons donc mis en place une nouvelle politique d’attractivité fondée sur les envies de formation. Actuellement, des spécialités qui intéressent des personnels, comme celles de maître-chien, pilote de vedette ou plongeur sont aujourd’hui uniformément réparties entre les régions, et chaque commandant de région répond aux sollicitations. Nous allons mettre en place une politique de discrimination positive au profit des unités non attractives. Ainsi, celui qui veut devenir pilote de vedette pourra soit être affecté à la brigade de Hyères et regarder les vedettes depuis la plage avec des jumelles, soit passer cinq ans à Puget-Théniers, une des unités où personne ne veut aller, en contrepartie de quoi il obtiendra la garantie d’aller faire un stage sur la vedette et d’acquérir la technicité qu’il convoite. Cela suscite de l’intérêt. J’ai rencontré récemment au G7, à Chantilly, un gendarme qui souhaitait devenir maître-chien et auquel j’ai dit : si vous allez à telle unité, je vous garantis que dans cinq ans, vous serez maître-chien. Il a tout de suite accepté.

M. Yannick Favennec Bécot. Qu’est-ce qui garantit que dans cinq ans, il y aura besoin d’un maître-chien ?

Général Richard Lizurey. La garantie, c’est le tiers de confiance. Je crois beaucoup à la parole donnée, mais la confiance n’exclut pas le contrôle et une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance, comme disait récemment un ancien Premier ministre. Nous avons donc mis en place une contractualisation avec trois documents. L’un est remis au militaire, un autre à son chef, qui est appelé à changer, et le dernier à l’inspecteur général des armées gendarmerie (IGAG), garant de l’exécution du contrat. Le gendarme a la garantie institutionnelle de la réalisation et du respect de la parole donnée et de l’écrit.

M. Yannick Favennec Becot. Noir sur blanc !

Général Richard Lizurey. Effectivement, et certains se sont étonnés de l’introduction d’une telle procédure en milieu militaire, mais je considère qu’il n’y a pas de confiance, il n’y a que des preuves de confiance. Si les gens ont confiance dans le système, cela fonctionnera. Aujourd’hui, des gendarmes postulent pour venir dans ces unités.

Les gradés sont un autre sujet. Ils ont généralement accompli leur formation. Au-delà de la permutation et de la contractualisation potentielle, nous avons mis en place une école de gradés, ce qui revient à aller chercher sur étagère des gens déjà gradés dans les armées ou dans nos corps de soutien. Nous les prenons dans le grade concerné et les formons à la police judiciaire, à la police administrative, nous les « peignons en bleu » et au bout d’un an, ils sont gradés de gendarmerie. Ils donnent cinq ans dans ces unités défavorisées puis s’insèrent dans le cycle normal des gradés. L’avantage pour eux, c’est qu’ils ne sont pas obligés de repasser par la case gendarme, l’avantage pour nous, c’est d’avoir des gens pour venir encadrer ces unités. La première promotion d’école de gradés a été incorporée il y a un peu plus d’un mois. Ils sont dix, quatre issus des armées et six des corps de soutien. Les retours sont très positifs. L’idée est d’avoir une vingtaine de gradés par an sur ce modèle, afin de remplir les fonctions dans les unités défavorisées. C’est un sujet sur lequel nous avons évolué récemment. Je suis optimiste sur la dynamique engagée.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué le lien avec la population, la fin des renseignements généraux et l’installation des gendarmes à la DGSI. Pour l’instant, il y a deux officiers gendarmes à la DGSI. Ils ont été mis en place l’année dernière grâce à l’intervention et au soutien personnel de M. Laurent Nuñez, à l’époque directeur général de la sécurité intérieure. Il n’y a aucun autre gendarme dans aucune autre institution. Nous travaillons, depuis un temps certain, avec la DGSI pour qu’elle puisse accueillir d’autres gendarmes dans des fonctions diverses et variées. Comme vous l’avez dit, ce sont souvent des fonctions d’analyste. Nous sommes en progrès.

M. André Chassaigne. On communique ?

Général Richard Lizurey. Oui ! Pour le travail en matière de renseignement, nous faisons partie de l’état-major permanent de lutte antiterroriste et nous faisons partie du deuxième cercle. Votre question portait sur le nombre de gens présents dans les structures, je vous réponds que celles-ci fonctionnent aujourd’hui plutôt bien. Il y a un bon partage du renseignement avec la DGSI comme avec le SCRT. Nous sommes actionnaires et non pas clients. Quelque 350 gendarmes sont dans l’ensemble du dispositif du SCRT. Dans chaque service départemental de renseignement territorial, nous avons des gendarmes. Six gendarmes sont d’ailleurs en responsabilité dans ce domaine. J’ai plus de gendarmes au niveau central du SCRT qu’à la SDAO, ce qui montre bien que le centre de gravité est partagé avec la police nationale.

Monsieur Batut, j’ai déjà évoqué le sujet immobilier. Nous sommes arrivés au bout d’un système. Le budget de l’année prochaine nous permettra de poursuivre la rénovation d‘environ 3 500 logements, rythme comparable à celui adopté depuis quelques années. Pour les cas qui méritent une attention particulière, nous allons continuer à faire des efforts. Quand un bailleur ne joue pas son rôle, il nous arrive de supprimer une brigade, faute d’autre solution. Le recours à un opérateur à définir est une solution pour sortir de la difficulté actuelle.

M. Fabien Gouttefarde. Mon général, je n’aurai pas le plaisir d’écouter votre réponse mais je lirai attentivement le compte rendu.

Ma question porte sur les rapports que vous entretenez avec vos collègues sapeur-pompiers. Ils ont redit leur mal-être à Vannes, il y a quelques jours, lors de leur congrès national, à cause de problématiques de sécurité, comme celles dont vous venez de faire état. Ils s’interrogent sur le manque de capacité de la police et de la gendarmerie à les accompagner sur certaines interventions. Quel regard portez-vous sur cette situation ? Comment gérez-vous ces sollicitations et comment intervenez-vous à leurs côtés ?

M. Christophe Lejeune. Mon général, vous avez longuement évoqué l’immobilier. Dans ma circonscription, un dossier a mis seize ans pour sortir de l’ornière. S’agissant des opérateurs, avec, d’un côté, la direction générale des finances publiques (DDFIP) et, de l’autre, CDC Habitat, on peut s’interroger sur la fluidité dans nos instances.

Vous avez évoqué la nécessité d’évoluer. La gendarmerie le fait en son sein et vis-à-vis de l’extérieur en allant au contact et en se rendant visible du public. À ce titre, je tiens à saluer l’implantation, le mois dernier, dans la principale zone commerciale de mon département de Haute-Saône, d’un point de contact, et non d’une brigade, de la gendarmerie. Elle a ainsi ouvert une phase de recrutement et le retour est très efficient.

Avec mon collègue Jean-Jacques Ferrara, nous avons fait un rapport d’information sur l’aérospatiale et « l’action de l’État en l’air », pointant notamment l’augmentation du trafic aérien. Dans ce contexte, les effectifs de la gendarmerie de l’air sont-ils suffisants ? Vont-ils être réorganisés ?

J’en viens à mon quatrième point, à mes yeux, beaucoup plus gênant. Depuis un peu plus d’un an, le GIGN ne peut plus s’entraîner avec le groupement interarmées d’hélicoptères (GIH) pour des raisons financières et historiques. Quand la gendarmerie était au ministère de la Défense, cela se passait très bien, mais son regroupement auprès du ministère de l’Intérieur, il y a dix ans, s’est opéré de telle manière que depuis un an, le GIGN n’est plus en capacité de s’entraîner. Je n’ose pas imaginer que demain une opération de grande ampleur ne puisse pas être réalisée pour une simple raison d’organisation financière.

Mme Marianne Dubois. Général, je m’associe bien entendu aux remerciements que vous ont adressés mes collègues et je tiens à saluer votre intervention extrêmement rapide, sur place, en personne, en réponse à une difficulté dans ma circonscription.

La mission de lutte contre les violences intrafamiliales prend beaucoup de temps à nos gendarmes. Avez-vous suffisamment de personnels spécialisés, comme les assistants sociaux, auprès des gendarmes, à l’accueil ou pour accompagner les familles ?

M. Jean-Michel Jacques. Mon général, je ferai une observation résultant de mon travail parlementaire dont une partie consiste à observer le comportement des organisations face aux changements de la société. Amené à plusieurs reprises à rencontrer des responsables de la gendarmerie nationale, j’ai été stupéfait de sa capacité d’adaptation, en matière de RH – vous avez cité la valorisation d’un personnel qui aspirait à devenir maître-chien – et d’innovation, avec, par exemple, le Battle Lab, visant à créer des liens avec ses différents acteurs. Vous avez engagé des partenariats avec d’autres acteurs comme la SNCF et vous avez développé le label gendarmerie. Peut-être grâce à son histoire et à ses liens successifs avec le ministère de la Défense et avec le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie a une approche propre très intéressante dont on peut tirer avantage pour l’ensemble de nos armées.

Ma question porte sur la mise en place de la participation citoyenne que vous avez sérieusement relancée dès votre arrivée, il y a trois ans, qui permet aux maires de mobiliser la population sur des sujets de sécurité. Quel en est le retour, trois ans après ? Je n’ai aucun doute sur l’action proactive de nos gendarmes que je constate sur le terrain, mais certains élus n’opposent-ils pas des freins ? Si tel est le cas, comment entendez-vous y remédier ?

M. Gwendal Rouillard. Mon général, vous avez évoqué la stratégie partagée entre gendarmerie et police et les moyens qui en découlent. Dans le pays de Lorient dont je suis élu avec mon voisin Jean-Michel Jacques, nous voyons la coordination s’approfondir au fil des expériences, mais aussi un chantier rester devant nous. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le « patron commissaire » de la police et vos responsables que j’ai reçus récemment. Nous constatons une construction positive que nous vous encourageons à poursuivre, mais il reste à assurer la coordination avec les villes – sans doute aussi avec les communes dans les territoires ruraux - où la police est en première ligne, ce qui est le cas à Lorient. En outre, dans la perspective des prochaines municipales, d’une culture à partager avec les nouvelles équipes municipales, et comme il faut, pour reprendre une formule à la mode, resserrer les mailles du filet dans tous les domaines, il est bien d’avoir le double cliquet police-gendarmerie et police-gendarmerie-villes-communes. Je suis preneur de votre lecture à l’approche des municipales. Je me dis que c’est une feuille de route partagée.

Enfin, je tiens à vous remercier pour votre soutien déterminant pour boucler, avec le général Tavel, le projet de nouvelle caserne à Lorient. Nous en suivrons ensemble la mise en œuvre, mais c’est un pas très significatif, non seulement pour la dignité des familles et l’efficacité opérationnelle de nos hommes, mais aussi pour la représentation de la République.

M. Didier Le Gac. Mon général, avant d’en revenir au matériel dont nous parlons beaucoup ce matin, je voudrais saluer votre disponibilité et l’engagement des gendarmes, spécialement ceux du rang qui ont dû faire face, avec la crise des gilets jaunes, à une violence qu’on n’avait plus connue depuis longtemps.

J’ai été maire et les gendarmes nous parlent souvent de l’état du matériel qui mine leur enthousiasme. Dans mon département du Finistère, il n’y a que deux véhicules équipés du système de lecture automatisée de plaques d’immatriculation (LAPI). Ils tombent souvent en panne et sont donc assez peu employables malgré leur intérêt opérationnel. Le projet de budget pour 2020 prévoit-il un plan de renouvellement national des véhicules LAPI ? Autre exemple, dans le Finistère, nous sommes de plus en plus confrontés à une situation migratoire. Elle n’est certes pas comparable avec celle que connaît la région des Hauts-de-France, mais le port de Roscoff, à la charge de la douane mais en zone de compétence de la gendarmerie, qui demande beaucoup d’heures de travail et coûte cher en termes d’appel aux réservistes, a aussi besoin de matériel biométrique Visabio et Eurodac.

Général Richard Lizurey. Monsieur Gouttefarde, puisque vous m’interrogez sur l’accompagnement de nos camarades pompiers en intervention, j’en profiterai pour saluer l’engagement de nos camarades de la sécurité civile et les sapeurs-pompiers dans des conditions souvent dégradées où ils font eux-mêmes l’objet de violences. À Notre‑Dame‑des‑Landes, j’ai noté l’engagement exceptionnel du SDIS44. Avec nous, dans les escadrons, sur le terrain, ils ont fait un job exceptionnel. Si les pompiers estiment être en danger à tel ou tel endroit, c’est le devoir du gendarme de l’accompagner. Nous y travaillons avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Depuis deux ans et demi, j’ai à mon cabinet un colonel des sapeurs-pompiers qui fait le lien entre nos deux directions générales afin de formaliser des processus opérationnels permettant aux pompiers de bénéficier de l’appui, de l’accompagnement, de l’escorte des gendarmes pour leurs interventions dans les zones difficiles. Nous sommes en train de formaliser, dans un cadre conventionnel, la systématisation de processus opérationnels.

Monsieur Lejeune, au-delà du dossier immobilier dont l’instruction a duré seize ans, il y a des enseignements à tirer. Des freins multiples s’ajoutent les uns aux autres et nous ne sommes pas les derniers responsables. Pendant longtemps, la gendarmerie nationale a eu une vision perfectionniste des programmes immobiliers, retardant par là même la gestion des dossiers. Nous avons un travail à faire sur nous-mêmes pour devenir plus pragmatiques, plus simples et ne pas chercher systématiquement l’excellence dans la moindre virgule et le moindre alinéa de la convention. Nous devons balayer dans notre maison pour que les choses aillent plus vite, mais nous devons aussi travailler avec l’ensemble des partenaires. Vous avez cité la DDFIP qui est un important acteur du dispositif, notamment en matière de définition du juste loyer par rapport à l’investissement de la collectivité locale.

Je regrette de n’avoir pu venir inaugurer le point d’accueil en Haute-Saône, le fameux « Gend Drive », alors que je m’y étais engagé. Je salue l’initiative locale et l’intelligence du commandement, en liaison avec vous, les élus. Plutôt que de faire venir les gens dans les unités, il est apparu préférable d’aller vers les gens, là où ils vivent, là où ils habitent et surtout là où ils passent. Or un centre commercial est l’endroit naturel où les gens viennent faire leurs courses. Il est très bien d’y avoir implanté une unité.

M. Didier Le Gac. Y en a-t-il beaucoup en France ?

Général Richard Lizurey. Il n’existe encore actuellement qu’un « Gend Drive » mais la porte est ouverte pour en implanter ailleurs. C’est une piste extrêmement intéressante qui donne d’excellents résultats. Les gens venus pour faire leurs courses s’arrêtent et discutent. Ils ont du gendarme une appréhension différente de celle qu’ils peuvent avoir dans une brigade. Je milite pour le développement de ce type d’expérience et de modèle.

Vous avez raison de souligner l’augmentation du trafic aérien. Je précise toutefois que cela ne concerne pas la gendarmerie de l’air mais la gendarmerie des transports aériens (GTA), en liaison avec la direction générale de l’aviation civile. À ce jour, le directeur général de l’aviation civile ne m’a pas signalé de besoins particuliers. Mais si des besoins nouveaux apparaissent, notamment sur les aérodromes secondaires qui voient leur trafic augmenter, nous mettrons les effectifs nécessaires pour procéder aux contrôles, notamment de la zone réservée qui relèvent de la responsabilité de la GTA.

Le groupement interarmées des hélicoptères avait été créé au moment où nous étions encore au ministère de la Défense et où nous avions la responsabilité, que nous avons toujours, de l’intervention dans les centrales nucléaires. La raison initiale de la création du GIH, c’est la projection du GIGN sur les centrales nucléaires, à l’époque où les pelotons de sécurité et de protection des centrales n’existaient pas. Il n’y avait pas, en première intention, de troupes prêtes à faire face à une agression terroriste. Depuis, on a créé un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG) par centrale, soit une cinquantaine de personnels, et les antennes du GIGN – sept en métropole et six en outre-mer. Le biotope sécurité et interventions spécialisées s’est étoffé. On est passé d’un système très centralisé à un système plus diffusé sur l’ensemble du territoire. J’ai rencontré récemment le chef d’état-major des armées pour échanger à ce sujet. Nos directions et nos états-majors y travaillent. Aujourd’hui, il faut remettre le GIH en perspective.

Les armées attendent de nous, à juste titre, une demande capacitaire, autrement dit, de savoir de quoi nous avons besoin. J’ai besoin d’un vecteur de projection. Peu importe que ce soient des hélicos ou des avions, j’ai besoin de projeter des forces. Nous travaillons donc plutôt sur une demande capacitaire affinée, comme la projection des gens de Satory à tel ou tel endroit et en tant de temps. Ce sont d’ailleurs plus des projections de province à province, d’antennes GIGN vers des lieux d’emplois, que des déplacements de Satory vers le sud de la France. Pour intervenir dans le sud de la France, il vaut mieux faire appel à l’antenne du GIGN de Toulouse ou d’Orange plutôt que de faire venir des gens de Satory.

Vous avez raison de souligner un problème d’entraînement. Le seul entraînement qui n’est pas réalisable par les moyens de gendarmerie, c’est la descente en corde lisse. Nous sommes en train de perdre la capacité de descente en corde lisse d’un hélicoptère de manœuvre par les gens du GIGN car il faut un entraînement récurrent. Cela représente une dépense de 500 000 euros et nous nous heurtons à une limite budgétaire.

Nous essayons de trouver des solutions de projection en matière d’interventions opérationnelles pour nous passer du GIH, peut-être par la mise à disposition d’aéronefs militaires pour la projection sur les zones d’opération.

Madame Dubois, vous avez raison de souligner le caractère chronophage des missions liées à la violence intrafamiliale, sujette en augmentation constante depuis de nombreuses années. Le cas particulier des violences sexuelles et sexistes fait actuellement l’objet du Grenelle mis en place par le Gouvernement, mais les violences intrafamiliales sont un sujet social récurrent qui occupe beaucoup les unités de gendarmerie et les forces de l’ordre. Nous avons mis en place, en cofinancement avec les conseils départementaux et le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), un certain nombre d’intervenants sociaux de gendarmerie – 137 actuellement – chargés d’accompagner dans la durée les familles en difficulté, identifiées à la faveur d’une intervention pour, en liaison avec les services sociaux du département, améliorer la situation et éviter des réitérations de difficultés.

Au regard de l’ampleur du phénomène, 137 intervenants, c’est à la fois beaucoup et peu. Il faut continuer à investir car cette réponse dans la durée me paraît adaptée. L’intervention du gendarme ou du policier dans ce type d’événement ne peut être que ponctuelle. Nous ne pouvons pas accompagner les familles dans la durée. Le relais doit être pris par des intervenants sociaux qui mériteraient sans doute d’être un peu plus nombreux.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils peuvent aussi être mis à disposition !

Général Richard Lizurey. Comme vous le soulignez fort justement, ils peuvent également être mis à disposition par les collectivités, ce qui est le cas dans beaucoup d’endroits. Les violences intrafamiliales ne sont pas seulement un sujet sécuritaire. La sécurité, c’est la fin de l’histoire. Nous devons avoir une approche partenariale symbiotique.

Monsieur Jacques, vous avez abordé l’innovation dans le domaine des RH, ce qui me fournit l’occasion d’évoquer le WAZE RH. Soucieux d’offrir des perspectives à nos personnels et de mettre l’intelligence artificielle à leur disposition, après l’analyse décisionnelle destinée à orienter nos services vers des zones où il pourrait y avoir des cambriolages, nous avons introduit, depuis cet été, un dispositif adossé à notre système d’information RH permettant aux officiers, et ultérieurement aux sous-officiers, de visualiser leur ligne de carrière. Ainsi, quelqu’un entrant dans la carrière en 2019 comme lieutenant, avec telles compétences, telles ambitions, telle appétence, peut connaître ses perspectives et son potentiel. Au fur et à mesure des affectations et des formations, la ligne de carrière évolue. Si on a envie de rester plus longtemps à tel endroit, si on veut aller outre-mer ou à l’étranger, on en connaîtra l’impact sur la carrière. Nous travaillons sur la modélisation du système WAZE RH, dont le nom signifie bien qu’entre le point A, l’entrée en carrière, et la sortie, il y a un chemin. En fonction de la priorité qu’on se fixe, géographique ou de grade, on sait par quelles cases on doit passer, car l’administration met toutes les données à disposition.

L’année prochaine, les officiers qui voudront être mutés connaîtront la totalité des postes, libres ou susceptibles de se libérer, correspondant à leur profil. Cela ouvrira des perspectives à des gens qui découvriront que certains postes leur sont accessibles. Mais en fin de compte, ce n’est pas la machine qui déterminera l’affectation des uns et des autres. L’officier ou le sous-officier préparera son dialogue de gestion puis ira voir son gestionnaire avec toutes les clés de compréhension. La transparence de l’administration permet aussi aux gens de se sentir en confiance. Nous commençons par la partie mobilité, nous continuerons par la partie rémunérations, même si elles sont globalement stabilisées, sauf en outre-mer et à l’étranger, puis avec le biotope global incluant la mobilité, l’avancement et la formation. Cela nous permettra de déployer nos besoins de formation en fonction des demandes des uns et des autres, en incluant les régions non attractives. Nous pourrons affiner nos plans de charge en matière de formation continue dans nos écoles.

Vous avez évoqué la participation citoyenne et le contact avec les élus et les populations. Nous nous étions rapprochés des associations d’élus, associations de maires ou association des départements de France pour coconstruire le système. Les retours sont extrêmement positifs. Rien n’est parfait partout, des gendarmes n’ont pas encore tout à fait pris la mesure du système, des élus n’ont pas toujours le temps nécessaire, mais de telles situations sont minoritaires. La dynamique générale engagée est positive et porteuse d’avenir.

Nous l’avons vu pour les gens du voyage et sur d’autres sujets, le gendarme et l’élu forment un binôme indissociable. Nous avons prévu dans notre formation initiale de sous-officier un module de formation au contact de 90 heures pour lequel des élus interviennent. Si vous le souhaitez, vous pourrez intervenir dans une école de gendarmerie pour les formations initiales de gendarmerie. J’ai besoin de vous pour expliquer au gendarme ce que vous attendez de lui. Nos jeunes sont pleins de bonne volonté et meilleurs que nous à leur âge, il faut juste leur donner quelques clés de compréhension sur la partie qu’ils n’ont pas développée dans la société actuelle. Souvent sur les smartphones et les tablettes, ils sont moins accoutumés à l’interaction que nous. Il faut seulement que les élus les rassurent. J’ai besoin de vous pour inciter les gendarmes à continuer de venir au contact des élus.

Monsieur Rouillard, vous avez évoqué la coordination avec les villes, la police et la police municipale. Vous n’avez pas cité la sécurité privée, mais je l’inclus sous l’angle du continuum de sécurité. Entre la police et la gendarmerie, nous avons mis en place depuis six la coopération opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (CORAT) qui permet à chaque force de renforcer l’autre en cas d’urgence. Pour les gilets jaunes, cela s’est parfaitement passé. À quoi s’ajoute la logique des conventions de coordination avec les polices municipales. Les polices municipales en zone de gendarmerie ne sont pas quantitativement les plus importantes, mais elles sont des éléments importants en matière de renseignement et de contact, puisque les policiers municipaux peuvent compléter l’information sur la commune concernée. Cela se passe souvent très bien. Ainsi, à Ganges où, il y a quelque temps, le ministre a inauguré la brigade, des patrouilles sont effectuées avec un gendarme, un policier municipal et un élu. Aller la rencontre des citoyens pour échanger est de bonne pratique.

Vous n’avez pas évoqué la sécurité privée, élément indispensable à la sécurisation du territoire, dont le chiffre varie entre 170 000 et 200 000 acteurs. On ne peut pas ignorer leur présence et leur compétence. Certes, il faut des standards de formation et de certification. Le conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) est là pour cela. Pour moi, la sécurité privée doit être incluse dans le contrat opérationnel d’un territoire. Un territoire, ce sont des acteurs. L’ensemble des acteurs, chacun dans leur domaine de compétences, doivent apporter leur contribution. Il n’y a pas des gens au-dessus des autres, il y a des gens qui travaillent avec les autres. Dans ce cadre, la police municipale et la sécurité privée me paraissent des éléments importants.

Monsieur Le Gac, vous avez évoqué les véhicules LAPI, qui sont au nombre de 150 pour la gendarmerie nationale. Pour ne rien vous cacher, nous n’en achèterons pas d’autres, l’année prochaine. En revanche, nous travaillons à la mise en place d’un service de traitement centralisé des LAPI (STCL). Le véhicule LAPI est un objet autonome qui permet au gendarme d’identifier des véhicules et de recevoir une alerte si le véhicule est recherché, mais c’est du one shot. Il est intéressant de regrouper la totalité de ces capteurs, qu’il s’agisse des capteurs de la gendarmerie, de la police, de la douane mais aussi de tous les opérateurs. Les sociétés d’autoroute ont des LAPI, des opérateurs de parking, dont les collectivités locales, en ont. Nous envisageons de regrouper tous ces signaux au niveau central, à Pontoise. Nous savons le faire mais il nous faut maintenant l’assise juridique pour les utiliser. À effectifs constants et à volume de LAPI constant, nous allons démultiplier notre capacité de suivi des véhicules sur l’ensemble du territoire national.

Les dispositifs biométriques sont les bornes Visabio, Eurodac et T4, qui servent à prendre les empreintes digitales et à les comparer dans les fichiers européens. Cela évite de prendre les empreintes sur papier. Grâce à l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), nous sont accordés tous les ans des crédits dont nous profitons pour acheter ce type de matériel que nous affectons dans les endroits les plus pertinents. Il est certain que nous n’affecterons pas des bornes Eurodac et Visabio en Corrèze. En revanche, elles sont nécessaires à la frontière élargie dans le Calaisis jusqu’à Ouistreham, à la frontière italienne et à la frontière espagnole.

Mme Carole Bureau-Bonnard. Général, la brigade numérique, créée en 2018 permet au citoyen de contacter plus facilement les gendarmes, en complément de l’accueil physique. Elle a donné lieu à 100 000 interactions en 2018. A-t-elle apporté un gain de temps aux brigades et a-t-elle permis une augmentation du nombre de suites juridiques ? La création du nouvel espace de signalement des violences sexuelles et sexistes a-t-elle été suivie d’une augmentation significative du nombre de plaintes ?

M. Patrice Verchère. Mon général, ma question fait suite à l’ignoble attaque islamiste à la préfecture de Paris, la semaine dernière. Vous avez indiqué hier, au Sénat, qu’une vingtaine de gendarmes étaient surveillés pour leur radicalisation. Ce nombre est visiblement en augmentation. Depuis six ans, une vingtaine de personnels auraient été écartés de la gendarmerie pour des soupçons de radicalisation. Je suppose que pour écarter ce genre de personnes, une procédure est requise. Celle en vigueur est-elle adaptée et suffisante au regard de l’augmentation du nombre de gendarmes radicalisés ? Faut-il faut évoluer la législation si la procédure possible n’est pas suffisante ?

Mme Séverine Gipson. Général, 2020 sera l’année du déploiement total des équipements mobiles connectés NéoGend au profit de l’ensemble des gendarmes affectés en unités opérationnelles de métropole et en outre-mer. Disponible sur téléphone mobile ou sur tablette, l’application NéoGend permettra de régler certaines procédures sans délai, ce qui est une avancée remarquable pour la gendarmerie. Toutefois, alors que le numérique se généralise dans la gendarmerie, comme en témoigne NéoGend, comment entendez-vous assurer la sécurisation de ces équipements ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Mon général, je voulais aussi rendre hommage à un officier général qui nous a trop vite quittés cet été, le général Daniel Leimbacher. Vous savez mieux que quiconque qu’il a énormément contribué au développement de votre brigade héliportée en coopérant avec le constructeur et en apportant des développements. Pourriez-vous faire le point sur votre dispositif et ses prospectives ?

M. Philippe Folliot. Mon général, un de nos collègues s’étonnait qu’il ait fallu attendre seize ans la construction d’une brigade de gendarmerie dans son département. Malheureusement, on peut faire mieux, puisqu’il y a dix-sept ans dans cette même commission, j’interrogeais déjà l’un de vos prédécesseurs sur la brigade de gendarmerie de Lacaune. On me dit régulièrement que ça avance. Peut-être nous donnerez-vous de bonnes nouvelles.

Je voudrais très sincèrement m’associer aux remerciements adressés aux forces de gendarmerie, en général, et aux forces mobiles, en particulier, extrêmement sollicitées pendant la crise des gilets jaunes, mais aussi lors d’engagements comme ceux que nous avons connus il y a quelques années dans mon département, à Sivens, avec un degré de violence qui n’avait plus été atteint depuis longtemps dans des démocraties, sauf peut-être en Irlande-du-Nord, et avec parfois l’utilisation d’armes létales.

Je veux vous interroger sur les véhicules blindés à roue de la gendarmerie (VBRG). Conçus à la fin des années 1960, les premiers ont été mis en service en 1974 et aujourd’hui, seuls 30 % des 180 d’origine restent opérationnels. On avait envisagé de reprofiler des véhicules de l’avant blindés (VAB) pour les affecter à la gendarmerie. Qu’en est-il au regard de l’évolution de la situation sociale et des besoins de maintien de l’ordre, non seulement dans l’Hexagone mais aussi dans les départements et collectivités d’outre-mer ?

Qu’en est-il, enfin, de la coopération internationale avec les gendarmeries européennes, espagnole, italienne, portugaise ou roumaine et autres, mais aussi d’Afrique francophone ?

Général Richard Lizurey. Madame Bureau-Bonnard, la brigade numérique est une belle réussite sur laquelle il convient de communiquer, car tout le monde ne la connaît pas encore. Le premier de ses gains est la diminution du nombre des sollicitations des brigades territoriales. La brigade numérique répond aux questions quotidiennes et pratiques que se posent les citoyens, comme les démarches pour repasser le permis de conduire, ce qui allège d’autant le travail des brigades. Le résultat n’est pas quantifié et ne fait pas encore l’objet d’une comptabilité analytique. Il faudra le faire pour démontrer clairement l’allègement du travail des unités territoriales en termes de fourniture de renseignements. Nous avons aussi mis en place un espace de questions les plus fréquentes.

Il y a peu de suites juridiques, car ce n’est pas un service d’urgences. Il y en a tout de même mais je ne connais pas le nombre exact d’interventions via la brigade numérique qui se sont traduites par des plaintes. Il arrive que face à l’énoncé d’une situation, le gendarme se trouve en présence d’une infraction caractérisée. La brigade numérique n’étant pas compétente pour investiguer, elle transfère alors les éléments à la brigade du lieu du domicile de l’intéressé, en accord avec lui. Nous vous transmettrons les chiffres, afin que vous ayez une vision claire de l’activité des brigades numériques qui embrassent un volume assez important d’affaires.

La simplicité du système est évidente. Nous allons développer la brigade numérique sur des points individualisés. Des inaptes ou des réservistes pourront se plugger de chez eux pour répondre aux usagers. Nous compléterons le dispositif en le déployant outre-mer.

La brigade numérique sert aussi de portail de signalement des violences sexuelles et sexistes. C’est la partie gendarmerie de la plateforme police. Nous en sommes à environ 150 saisines suivies en grande partie de suites judiciaires, car on est là vraiment dans des logiques d’infraction. En pareilles circonstances, il est plus simple d’interagir avec une interface numérique que de se déplacer dans une brigade, mais cela doit tout de même se traduire in fine par un contact avec un gendarme. L’objectif de la brigade numérique et du portail des violences sexuelles et sexistes est de créer les conditions d’un rendez-vous confidentiel, avec la fixation d’un horaire et l’accueil personnalisé des jeunes femmes en difficulté. Nous allons développer ce dispositif qui correspond à une culture nouvelle. Les usagers qui s’adressent à nous sont dans une tranche d’âge assez jeune. La nouvelle génération est habituée à interagir avec les administrations par le numérique. Nous devons nous adapter et augmenter notre capacité de réponse dans ce domaine.

Monsieur Verchère, vous avez évoqué l’attaque des personnels de la préfecture de police. J’en profite pour saluer la mémoire des victimes et manifester de nouveau ma solidarité et celle de la gendarmerie tout entière à l’égard des personnels de la préfecture de police avec qui nous travaillons tous les jours. Beaucoup de gendarmes travaillent à Paris en liaison avec la préfecture de police. Nous sommes totalement solidaires avec l’ensemble des effectifs et des familles des camarades et des collègues que nous avons perdus.

Cela nous conduit à nous interroger sur notre dispositif en interne. On me demandait hier au Sénat si notre dispositif était sûr. J’ai répondu et je répète qu’aucun dispositif ne peut être totalement certain. Il y a toujours une plage d’incertitude. Notre travail est de la réduire au maximum en mettant en place des processus de décision, de remontée d’information et de suivi. J’ai évoqué une vingtaine de suivis. De niveaux différents, ils vont du signal faible qui ne débouchera sur rien à l’islamisme rigoriste ou extrémiste en passant par l’extrême droite. À ce stade, la procédure d’accompagnement de gens vers d’autres horizons professionnels se fait plutôt à l’amiable. Une grande partie de la vingtaine de personnels écartés depuis 2013 était des gendarmes volontaires. On ne renouvelle pas leur contrat, on les déplace, on leur explique qu’ils ont un avenir ailleurs. Bien entendu, on ne les lâche pas dans la nature, on les signale aux services compétents pour qu’ils soient suivis dans la durée. On a aussi convaincu quelques personnels d’active de changer de métier. Pour l’instant, ça a plutôt bien fonctionné.

Faut-il une nouvelle procédure adaptée ? Peut-être faudra-t-il prévoir une réglementation plus précise, prévoyant que dans le cas avéré de radicalisation et de danger manifeste, on puisse dénoncer y compris des contrats dans la fonction publique classique. Pour quelqu’un de carrière, cela doit, me semble-t-il, légitimer une rupture de contrat. Le ministre est intervenu ce matin sur le même thème et je m’inscris tout à fait dans cette perspective.

Madame Gipson, vous m’interrogez sur la sécurisation des équipements dotés du système NéoGend. Ce n’est rien d’autre qu’une boîte vide louée à un opérateur. Tout ce qu’on y introduit, la couche de fonctionnement et le système d’exploitation est conçu en interne en liaison avec l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Il n’y a aucune application qui ne soit pas développée en interne. Par exemple, nous n’avons pas installé Whatsapp sur le dispositif, mais le même système version administration sécurisé parce que nous avons tous les codes sources. Dès lors qu’on n’a pas les codes sources complets d’une application, elle n’est pas implantable dans NéoGend et NéoPol. C’est la première couche de sécurisation qui permet d’être à peu près sûr que rien ne rentre. Aucun gendarme n’a le pouvoir de rentrer quelque application que ce soit. De plus, NéoGend est un terminal. Il n’y a aucune donnée sur quelque disque dur que ce soit. Il n’y a rien dans l’appareil. Si on le perd l’appareil, on le désactive et il n’a plus accès au système. Celui ou celle qui ne récupérerait ne pourrait rien en faire. Quelqu’un qui aurait volé le dispositif et qui aurait pris le code du gendarme en question pourrait accéder aux bases pendant un certain temps. Nous comptons sur le compte rendu rapide. Quelqu’un qui perd son matériel doit le signaler immédiatement et on le débranche tout de suite. Nous n’avons pas eu d’exemple de mauvais usage d’un NéoGend qui aurait été perdu ou volé. Cela ne veut pas dire que le système est parfait mais que l’ensemble du dispositif fait l’objet d’une sécurisation importante.

Monsieur Michel-Kleisbauer, vous avez évoqué la partie hélicoptères. Je m’associe à votre pensée pour mon camarade Daniel, dont la une perte a été brutale. Il a porté la troisième dimension de la gendarmerie de manière passionnée, constante et récurrente. Il a commandé deux fois les forces aériennes de la gendarmerie, ce qui est exceptionnel.

Aujourd’hui, la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie, ce sont 56 appareils - EC-145, EC-135, Écureuil - correspondant au contrat opérationnel prévoyant d’être en mesure d’intervenir en moins de trente minutes sur n’importe quel point du territoire, y compris outre-mer. Ce n’est évidemment pas immuable et il faut évoluer, d’autant qu’il existe des moyens nouveaux. Nous avions testé des ULM, il y a quatre ans, mais leur utilisation est rendue aléatoire par les conditions météo et ils ne peuvent pas emporter beaucoup de matériel.

Leur expérimentation avec la DGAC n’a pas prospéré, même si la GTA a utilisé les ULM pour faire du point à point et passer d’un aérodrome secondaire à un autre. Les drones représentent aujourd’hui une capacité intéressante en termes de recherche du renseignement. Ils peuvent supplanter une partie des missions auparavant dévolues aux hélicos, notamment pour repérer une zone ou surveiller tel aspect. Nous avons des mid-drones, pas des drones comme ceux des armées. Quand on a besoin de drones du niveau supérieur, nous demandons à nos camarades des armées de nous prêter une partie de leurs capacités.

Nous réfléchissons à l’évolution du dispositif. Il faudra se reconcentrer davantage sur les missions de sécurité publique, la partie secours me semblant naturellement dévolue à nos camarades sapeurs-pompiers. Aujourd’hui les hélicos de gendarmerie font un peu les deux.

Nous devrons nous recentrer sur notre corps de métier. Nous le faisons déjà et nous allons continuer à le faire. Pour les 56 hélicos, nous disposons au total de 19 000 heures de vol. Le coût de notre maintien en condition opérationnelle (MCO) est raisonnable, à 21 millions d’euros, le moins élevé de l’ensemble des flottes. L’idée est de continuer à développer une capacité au profit également des autres services. La police nationale est abonnée, elle a un droit de tirage de 1100 heures de vol sur nos hélicos pour des opérations de surveillance ou pour intervenir en cas de manifestation publique. L’hélico chargé d’apporter son concours à la préfecture de police est d’ailleurs un hélico de gendarmerie basé à Villacoublay. La flotte aérienne de la gendarmerie a vocation à être pérennisée tout en s’adaptant aux besoins ; le besoin prioritaire étant celui de la sécurité publique générale.

Monsieur Folliot, vous évoquiez la brigade territoriale de Lacaune. Je n’ai pas d’information, mais nous allons nous renseigner.

Vous avez évoqué la hausse du niveau de violence à l’encontre des gendarmes et la question des VBRG et des VAB MO. Nous avons 84 engins blindés opérationnels, la moitié en outre-mer et la moitié en métropole. Depuis décembre 2018, nous avons vu que cela pouvait présenter un intérêt dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Dans le cadre de l’élaboration du livre blanc, nous cherchons à déterminer si et dans quelles conditions il est possible de renouveler la flotte actuelle des véhicules blindés.

Le VBRG est né avec la 4L, et j’en profiterai pour saluer les mécaniciens de Satory qui refaçonnent des pièces pour permettre aux VBRG de continuer à fonctionner. On a longtemps envisagé le développement d’un programme de véhicules blindés de nouvelle génération, mais c’est devenu hors de portée budgétaire et peu souhaitable, car on ne va pas engager un programme pour 84 véhicules blindés. Nous nous orientons vers le rétrofit des véhicules blindés actuels et des VAB qui ne sont plus d’utilité aux armées. Dans le cadre du renouvellement de ses matériels l’armée de terre, n’a plus l’utilité de certains VAB et j’ai demandé qu’on nous les cède afin de les « gendarmiser » en les remotirisant et en les peignant en bleu pour les mettre à la disposition des unités de gendarmerie, notamment outre-mer. Les VAB présentent l’avantage d’être surblindés. J’ai besoin de la moitié des 84 véhicules blindés outre-mer, plutôt des VAB MO, le reste étant des VBRG rétrofités. Le prix des prototypes négocié avec l’industriel est de 250 000 euros pièce, incluant la remotorisation complète, la climatisation et la révision de l’ensemble du système, soit cinq à six fois moins cher que le développement d’un matériel par des industriels. Nous sommes plutôt sur ce modèle, avec six ou sept matériels rétrofités chaque année pendant quatre ou cinq ans. Nous disposerions ainsi au bout de cette période d’une flotte de 84 véhicules blindés qui pourraient repartir pour trente, quarante ou cinquante ans.

La coopération internationale se fait avec les gendarmeries « sœurs », soit au sein de la FIEP, organisation un peu informelle qui a commencé à fonctionner avec la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal, qui s’est d’ailleurs réunie hier et avant-hier et à laquelle j’ai envoyé le général adjoint au major général. Regroupant maintenant aussi la Jordanie, le Maroc et le Chili, elle permet de partager les bonnes pratiques et les expériences. C’est un travail international intéressant parce qu’on se retrouve après dans les opérations extérieures. Il y a aussi la force de gendarmerie européenne (FGE), beaucoup plus normée, dont l’état-major est à Vicenza, en Italie, et qui a une capacité d’intervention sous mandat de l’Union européenne. Nous sommes intervenus en Afghanistan et nous envisageons d’intervenir dans la bande sahélo-saharienne dans le cadre des nouvelles propositions qu’on nous a demandé de faire. C’est un outil intéressant qui permet d’afficher une intervention européenne répondant à un processus décisionnel qui remonte au niveau de Bruxelles.

Plus largement, j’ai environ 500 militaires de la gendarmerie à l’étranger sous toutes les bannières : l’Union européenne, l’ONU – le responsable de la mission EUCAP Sahel Mali est un gendarme, le général Rio, patron de l’ensemble de la composante ONU de la police civile -, l’OSCE, pour accompagner les armées sous mandat national, soit sous la prévôté, soit en bilatéral. Nous avons aussi le projet groupe d’action rapide, de surveillance et d’intervention (GARSI), programme européen doté de 41 millions d’euros, qui vise les cinq pays du Sahel plus le Sénégal. Nous sommes leader au Burkina Faso et au Sénégal pour mettre en place des unités d’une centaine de personnels chargés de la lutte contre la criminalité, des contrôles aux frontières et de la lutte contre les trafics. Chaque pays du Sahel plus le Sénégal a créé au moins une unité de ce type et est en train d’en créer une deuxième, voire une troisième. C’est une manière de multiplier les capacités d’intervention dans cette zone très compliquée, toujours en liaison avec nos camarades des armées. Nous sommes systématiquement en lien avec les unités déployées, car il est important de partager l’information et le renseignement dans ce domaine.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, merci à plusieurs titres. Vous avez évoqué, dans votre propos liminaire, la nécessité de faire confiance à vos troupes. Cela vaut pour vous et pour votre commandement. Nous pouvons être chacun, dans nos circonscriptions, très fiers et très reconnaissants de ce que vous faites au quotidien. Merci à l’ensemble de votre commandement. Une nouvelle vie vous attend. Très bonne passation de pouvoir ! Bonne continuation !

 

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La séance est levée à treize heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Philippe Folliot, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, M. Fabien Lainé, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Natalia Pouzyreff, M. Gwendal Rouillard, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière

 

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Stéphane Baudu, M. Sylvain Brial, M. Alexis Corbière, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Thomas Gassilloud, M. Stanislas Guerini, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Gilles Le Gendre, M. Franck Marlin, Mme Sereine Mauborgne, Mme Josy Poueyto, M. Thierry Solère, M. Joachim Son-Forget, Mme Sabine Thillaye, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Pierre Venteau