Compte rendu

Commission
des affaires étrangères

– Examen, ouvert à la presse, et vote sur les projets de loi suivants :

 

Projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco et de l’accord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco (n° 1976) (M. Olivier Dassault, rapporteur) ;

 

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l’acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien (n° 2043) (M. Bruno Joncour, rapporteur).

 

 

 


Mercredi
6 novembre 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

session ordinaire de 2019-2020

Présidence
de Mme Marielle de Sarnez,
Présidente

 


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Examen, ouvert à la presse, et vote sur deux projets de loi.

La séance est ouverte à 9 heures 40.

Examen et vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant lapprobation de laccord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco et de laccord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco (n° 1976) (M. Olivier Dassault, rapporteur).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Chers collègues, nous examinons ce matin deux projets de loi : le premier comprend deux accords avec la Principauté de Monaco et le second porte sur un accord avec la République fédérale d’Allemagne dans le domaine du transport tactique aérien.

Comme le souligne fort justement dans son rapport Olivier Dassault, qui est aussi président du groupe d’amitié France-Monaco, les deux accords franco-monégasques viennent prolonger et renforcer les liens anciens et étroits qui unissent nos deux pays.

Le premier porte sur la coopération dans le domaine de la sécurité sanitaire. Il a pour objectif principal de permettre à Monaco de se conformer à ses obligations au regard du règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Adopté en 2005, cet instrument juridique international est destiné à protéger l’ensemble des États de la propagation internationale des maladies et des risques et urgences de santé publique.

Le second vise à formaliser notre coopération transfrontalière en matière de transfusion sanguine. Il entend répondre aux besoins en produits sanguins de la population présente sur le territoire monégasque.

Compte tenu de l’imbrication de nos territoires et des relations très privilégiées qu’entretiennent la France et Monaco, le renforcement de la coopération bilatérale en matière sanitaire nous apparaît pleinement légitime.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Olivier Dassault, rapporteur. Mes chers collègues, notre commission est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la coopération en matière de sécurité sanitaire et de l’accord relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine entre le Gouvernement de la République française et la Principauté de Monaco, texte adopté par nos collègues du Sénat en mai dernier.

La Principauté de Monaco dispose d’un territoire de seulement deux kilomètres carrés et partage avec la France son unique frontière terrestre. Les liens étroits entre nos deux pays qui en découlent sont vecteurs d’enjeux transfrontaliers spécifiques impliquant une coopération bilatérale dense dans de nombreux domaines. Compte tenu des enjeux sanitaires attachés à la prévention et à la gestion des épidémies internationales et l’approvisionnement en produits sanguins labiles des populations locales, la coopération franco-monégasque méritait d’être prolongée et renforcée.

La France et Monaco entretiennent des relations anciennes et privilégiées en raison de leur proximité géographique mais aussi de la communauté de destin qui les unit – un premier traité d’amitié a été signé en 1918 puis il a été remplacé par le traité d’amitié et de coopération de 2002, complété par la convention de 2005. Cependant certaines lacunes, notamment dans le domaine de la santé et de la sécurité sanitaire, se devaient d’être comblées.

Les présents accords visent à répondre à ces carences en renforçant notre coopération bilatérale dans ces deux domaines spécifiques.

Le premier, qui est un accord-cadre, porte sur la coopération dans le domaine de la sécurité sanitaire. Il a pour objet principal de permettre à Monaco de se conformer à ses obligations au regard du règlement sanitaire international de l’OMS signé en 2005 et entré en vigueur en 2007. La sécurité sanitaire recouvre les activités préventives et correctives mises en œuvre pour réduire la vulnérabilité des populations face à des événements sanitaires. Cet instrument international, juridiquement contraignant, vise à ce que les États s’engagent à acquérir et à maintenir un ensemble minimal de capacités opérationnelles en vue de détecter les risques sanitaires, alerter les populations, apporter des réponses adéquates, ce qui les met en position de mieux contrôler la propagation internationale des maladies favorisée par l’augmentation croissante des flux internationaux de voyageurs et de marchandises.

Les autorités monégasques, pour s’y conformer, souhaitent bénéficier d’un appui technique de la France. Une coopération renforcée en la matière contribuera à développer les capacités monégasques de réponse aux urgences sanitaires internationales, en particulier lorsqu’une alerte survient à bord d’un navire. Monaco ne disposant que d’un seul port, l’accord prévoit d’encadrer la possibilité de dérouter les navires vers un point d’entrée sur le territoire français.

Le second accord est relatif à la coopération en matière de transfusion sanguine. Il a pour objectif principal de répondre aux besoins en produits sanguins labiles de la population présente sur le territoire monégasque. L’Établissement français du sang, l’EFS, approvisionne déjà le centre hospitalier Princesse-Grace, seul hôpital public de Monaco, en charge de la collecte du sang. Toutefois, malgré la compétence de ses personnels, la faible taille du site transfusionnel monégasque rend cette structure relativement fragile. Ces trois dernières années, 5 100 poches ont été collectées, soit environ 1 700 par an, alors que les besoins se montent à 4 000 dons de sang annuels pour quelque 800 malades transfusés. L’accord sui generis vise à encadrer juridiquement notre coopération transfrontalière dans ce domaine afin de sécuriser la collecte de sang et d’assurer une disponibilité des produits sanguins labiles pour les personnes hospitalisées.

L’accord de coopération négocié prévoit la reprise complète de la chaîne transfusionnelle par l’EFS : prélèvement, préparation des produits sanguins et qualification des dons. Les campagnes de collecte de sang se dérouleront toujours sur le territoire monégasque et le centre hospitalier Princesse Grace mettra à disposition son personnel, ses locaux ainsi que le matériel nécessaire. Les dons effectués à Monaco seront à l’avenir intégrés, sans distinction, dans le circuit français. Le droit monégasque en matière de transfusion sanguine a été aligné sur le droit français et continuera à s’adapter aux évolutions de notre législation. En effet, en matière transfusionnelle, il est impératif que les référentiels juridiques applicables sur le territoire monégasque soient strictement similaires aux normes françaises.

Ces deux accords, qui formalisent nos relations dans le domaine sanitaire, n’impliqueront aucune participation financière importante pour la France dans la mesure où tous les coûts afférents seront pris en charge par les autorités monégasques compétentes. Compte tenu de l’imbrication de nos deux territoires et des relations d’amitié intenses qui existent entre la France et Monaco, le renforcement de notre coopération bilatérale en matière sanitaire apparaît crucial. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter sans réserve en faveur de la ratification de ce projet de loi qui permettra, d’une part, de renforcer la sécurité sanitaire des populations locales, et, d’autre part, de prolonger et de consolider la coopération transfrontalière franco-monégasque.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Samantha Cazebonne. Les accords entre États en matière de santé revêtent une importance capitale. Les textes qui nous sont soumis en sont une nouvelle illustration. La coopération en matière sanitaire existait déjà entre la France et Monaco mais l’encadrement légal apporté par ce texte permettra d’établir, en amont, des protocoles pour fluidifier l’action de coopération en cas de crise sanitaire. Si une pandémie survient – nous savons bien que les virus ne s’arrêtent pas aux frontières –, la population monégasque sera désormais prise en compte dans les plans d’urgence français.

Les transfusions sanguines sauvent des milliers de vies et nous pouvons nous réjouir que le second accord, en confiant la chaîne transfusionnelle à l’EFS, améliore pour les habitants de Monaco l’accès à des produits sanguins préparés et dotés d’une qualification biologique.

C’est le souci de l’humain qui coule dans les veines de ces deux accords et le groupe La République en Marche votera en faveur de ce projet de loi.

M. Michel Herbillon. Je ne vais pas continuer à filer cette métaphore poétique mais féliciter Olivier Dassault en rappelant qu’il est aussi président du groupe d’amitié France-Monaco et qu’il a manifesté depuis le début de la législature son intérêt pour le renforcement des liens entre nos deux pays, aux territoires si imbriqués. Il a su montrer toute l’importance de conclure des accords en matière sanitaire. Le groupe Les Républicains approuvera, bien sûr, ce projet de loi qui a des implications concrètes pour les populations.

Le rapporteur me permettra toutefois de faire une suggestion : il serait utile que la principauté développe des relations avec la première agence sanitaire d’Europe, je veux parler de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – et je ne dis pas cela seulement parce qu’elle a son siège à Maisons-Alfort, dans ma circonscription.

M. Michel Fanget. Des accords étaient nécessaires pour donner un cadre juridique officiel aux coopérations informelles qui se sont nouées en matière de sécurité sanitaire et de transfusion, domaines particulièrement importants pour les deux pays. Grâce au premier, Monaco pourra se conformer au règlement sanitaire international en déterminant un port d’entrée de secours sur le territoire français. Grâce au deuxième, les besoins de la population monégasque en matière de transfusion sanguine, bien supérieurs aux seules réserves de la principauté, seront mieux pris en compte. Il est important que nous puissions progresser en la matière. Les échanges entre l’EFS de Nice, organisme de liaison français, et les caisses sociales de Monaco étant très fluides, aucune difficulté relative au recouvrement anticipé des créances n’est à craindre.

Pour toutes ces raisons, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés apportera un soutien plein et entier à ce projet de loi.

M. Alain David. Monsieur le rapporteur, je me concentrerai sur la question de la conservation des données à caractère personnel. Il est prévu que la base de données de l’EFS soit partagée avec le centre de collecte monégasque afin qu’un donneur français puisse réaliser un don sur le territoire monégasque et inversement. Compte tenu du caractère sensible des informations médicales qu’elle contient, il convient d’établir un strict encadrement juridique à travers des stipulations conventionnelles entre l’EFS et le centre hospitalier Princesse-Grace. Des clauses contractuelles types établies par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) devraient apporter les garanties appropriées.

Au demeurant, cet accord nous apparaît nécessaire car il favorise la coopération sanitaire entre deux pays étroitement liés. Le groupe Socialistes et apparentés votera en sa faveur.

M. Jean-Michel Clément. Bien évidemment, le groupe Libertés et Territoires votera en faveur de ce projet de loi qui me paraît frappé au coin du bon sens.

Je ferai seulement deux remarques personnelles.

Nous voyons que l’aide médicale de l’État est ici bienvenue et nous aimerions qu’elle soit tout aussi bienvenue en d’autres domaines.

Par ailleurs, je constate qu’en cas d’alerte sanitaire, il est plus facile à un navire à destination de Monaco d’accoster qu’à d’autres navires traversant la Méditerranée.

M. Jean-Paul Lecoq. Je tiens tout d’abord à saluer l’excellent rapport de notre collègue Olivier Dassault, fin connaisseur des réalités franco-monégasques.

L’accord sur la sécurité sanitaire est de bonne qualité : ma circonscription comprenant un port, je connais les impératifs qui s’imposent en cas de crise sanitaire à bord d’un navire.

S’agissant de la transfusion sanguine, je m’interroge sur l’alignement du droit monégasque sur le droit français dont nous déplorons le caractère discriminatoire. La proposition de loi que nos collègues socialistes avaient déposée en 2018 n’a pas été adoptée et les hommes homosexuels ne peuvent toujours pas donner leur sang, sauf s’ils mentent. Le droit de la principauté leur était-il plus favorable ?

M. Jacques Maire. À chaque fois qu’il est question de Monaco au sein de notre commission, je constate que l’unanimité prévaut et mon souhait est qu’elle prévale à nouveau pour adopter ce projet de loi. La principauté est un pôle économique et humain d’importance pour toute la sous-région qui va de l’ouest des Alpes-Maritimes jusqu’à la frontière italienne. L’interdépendance avec son arrière-pays étant très forte, il est de notre intérêt commun que la coopération sanitaire soit renforcée.

M. Jérôme Lambert. Avant de voter en faveur de ce projet de loi, comme mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, je tiens à faire une remarque. Certes, il est bon de se préoccuper de la santé des citoyens monégasques, compte tenu des flux humains qui nous lient à ce territoire si proche du nôtre, mais j’aimerais que le même soin soit apporté au sort de tous les hommes, de toutes les femmes et de tous les enfants qui arrivent sur notre territoire.

M. Olivier Dassault, rapporteur. Chers collègues, je vous remercie pour ce soutien quasiment unanime qui me fait chaud au cœur. Ayant beaucoup apprécié l’image employée par Samantha Cazebonne, je dirai que ce soutien coule dans les veines de la commission des affaires étrangères.

Mme Samantha Cazebonne. Je tiens à préciser que je me réjouis comme vous, monsieur le rapporteur, de cette unanimité car j’ai un attachement de cœur pour Monaco qui se trouve dans ma circonscription.

M. Olivier Dassault, rapporteur. Je compte, chère collègue, sur votre présence aux réunions et diverses activités de notre groupe d’amitié.

La coopération franco-monégasque est déjà très dense en matière sanitaire et ces accords permettront de la consolider. C’est une chose essentielle pour les populations locales, qu’il s’agisse des habitants des Alpes-Maritimes ou de ceux de la principauté, qui sont à 60 % des Français, rappelons-le.

Monsieur David, sachez que l’alignement de la législation monégasque sur la législation française est à même de nous rassurer sur la protection des données personnelles.

Les intéressantes remarques de Jean-Michel Clément n’apportent pas de ma part de commentaires particuliers.

Quant à M. Lecoq, je le remercie pour ses compliments. Exprimés au nom de son groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ils me touchent particulièrement. Je lui répondrai simplement que la correspondance totale entre deux droits est cruciale pour la sécurité sanitaire et pour une confiance mutuelle.

Ces accords, monsieur Lambert, apportent un appui technique à la principauté mais ils permettent surtout de protéger le territoire français et sa population.

La commission adopte larticle 1er et, à lunanimité, larticle 2.

Elle adopte ensuite le projet de loi à lunanimité sans modification.

*

Examen et vote sur le projet de loi autorisant lapprobation de laccord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale dAllemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de lacquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien (n° 2043) (M. Bruno Joncour, rapporteur).

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Je souhaite, en notre nom à tous, la bienvenue à Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis de la commission de la défense, qui a donné hier un avis favorable à l’adoption du projet de loi qui nous est soumis. Elle prendra la parole sur cette question juste après notre rapporteur. L’actualité dans le Nord-Est syrien nous montre que la question de notre autonomie stratégique se pose avec une très grande acuité. À cette aune, la maîtrise du transport tactique apparaît absolument fondamentale.

Ce type de transport tactique aérien concerne principalement la mobilité entre les théâtres d’opérations, y compris dans l’espace aérien, et regroupe l’ensemble des modes d’action susceptibles d’être utilisés en zones de menaces – largage de parachutistes, largage de matériel ou ravitaillement en vol. Des unités de transport tactique performantes sont essentielles pour permettre à une armée moderne de se projeter sur un théâtre extérieur. La création de l’unité mixte franco-allemande facilitée par l’accord que nous examinons devrait permettre, dès 2021, de pallier le vieillissement de la flotte française des avions de transport Transall et d’impliquer plus efficacement nos partenaires allemands sur les théâtres d’opérations où nous sommes engagés. Notre pays conservera évidemment la capacité d’utiliser des aéronefs pour les opérations qu’il entendra mener seul.

J’ajoute que l’entrée en vigueur du présent accord est attendue avec impatience par nos forces armées et par nos partenaires allemands.

Sans plus attendre, monsieur le rapporteur, je vous laisse la parole.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Le traité de l’Élysée de 1963, qui a scellé la réconciliation entre la France et l’Allemagne, a jeté les bases d’une coopération de défense concrète entre les deux États. Avec la diplomatie et l’éducation, la défense constituait en effet l’un des trois domaines couverts par ce traité. La convention incluait notamment des dispositions concernant la fréquence des rencontres entre les ministres de la défense et les responsables militaires des deux pays, le rapprochement des doctrines militaires, les échanges de personnels ou encore les bases d’une coopération en matière d’armement.

Le préambule du présent accord y fait référence et réaffirme la volonté de la France et de l’Allemagne de développer leur coopération dans le domaine militaire en général et dans celui du transport tactique aérien en particulier. Signé à Berlin le 10 avril 2017, l’accord vient donner une traduction concrète à ces engagements.

Je vais m’efforcer d’être le plus pédagogique possible s’agissant d’un sujet qui peut apparaître technique bien qu’il ait, comme vous l’avez réaffirmé avec force, madame la présidente, une forte dimension politique et stratégique.

D’abord, qu’est-ce que le transport tactique aérien ? Contrairement au transport stratégique qui recouvre les déplacements de l’armée de l’air de la métropole vers les théâtres d’opérations, le transport tactique concerne la mobilité intra-théâtres d’opérations, y compris sous le feu, et regroupe l’ensemble des modes d’action susceptibles d’être utilisés en zones de menaces – largage de parachutistes, largage de matériels ou ravitaillement en vol, notamment des hélicoptères. Il s’agit d’une activité essentielle pour nos troupes engagées dans l’opération Barkhane ou dans d’autres théâtres d’opérations, notamment pour quitter ce théâtre une fois la décision politique prise.

Où en sommes-nous du transport tactique aérien ? Nous subissons ce que les militaires appellent une réduction temporaire de capacités. Les Transall que notre armée de l’air utilise depuis des années sont progressivement retirés tandis que les livraisons d’A400M, appelés à les remplacer, subissent des retards par rapport au calendrier de déploiement prévu. D’où la nécessité de trouver des solutions rapides afin de s’assurer que notre armée conserve sa pleine capacité d’intervention.

Pourquoi une coopération franco-allemande en ce domaine ? L’intérêt de ce rapprochement est européen autant que français. Un détour historique s’impose ici. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la France a eu pour principal souci de se protéger d’une nouvelle menace allemande mais dès 1954, il est apparu que le danger était devenu soviétique et qu’il était nécessaire de réintégrer l’Allemagne dans la défense commune. Après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, du fait notamment de la volonté des Européens de rester dans le giron de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), l’Allemagne est donc entrée dans l’Alliance atlantique. L’idée d’une Europe de la défense a ensuite connu une longue période de léthargie, même si le traité de l’Élysée a fait de la défense l’un de ses axes forts. À compter des années quatre-vingt, les projets de coopération ont repris et ont commencé à former un embryon d’Europe de la défense : création d’un Conseil franco-allemand de défense et de sécurité en 1988, renforcement du contenu de la coopération avec la création de la brigade franco-allemande, l’organisation de manœuvres conjointes et de formations croisées d’officiers et le lancement du programme d’hélicoptères de combat Tigre.

Aujourd’hui, l’Allemagne est avec le Royaume-Uni notre principal partenaire en matière de défense et, demain, du fait du Brexit, c’est autour de ce noyau renforcé par le traité d’Aix-la-Chapelle que devra se constituer une future Europe de la défense. Rappelons ici l’Initiative européenne d’intervention (IEI) qui vise à rapprocher les cultures stratégiques. Née en 2018 d’une idée avancée par la France en 2017, elle a été rejointe par dix autres pays européens, dont l’Allemagne.

Pour la France, cette coopération est essentielle au moins pour trois raisons.

D’abord, elle permet d’impliquer l’Allemagne dès le début d’une opération. La France n’aura plus forcément à partir seule avant d’appeler ses partenaires européens à la soutenir. De manière générale, plus nos armées disposeront d’outils communs, plus il sera aisé d’impliquer les autres pays dans la défense commune.

Ensuite, elle favorisera les cofinancements allemands au moment où l’argent public se fait rare. Le coût partagé et la taille du projet permettent en outre d’éviter d’en rester aux micro-flottes, qui ne sont pas toujours très efficientes.

Enfin, l’existence même d’une unité intégrée conduira à définir des règles communes.

Venons-en à l’accord lui-même. Il vise à créer une unité commune de transport tactique aérien sur la base aérienne d’Évreux. Utilisée par l’OTAN jusqu’en 1964, elle possède la plus longue piste d’atterrissage au nord de la Loire. Elle accueillera dix aéronefs C‑130J, intermédiaires entre le Transall et l’A400M en termes de capacités, soit entre douze et quinze tonnes de matériel transporté. Six seront financés par les Allemands, quatre par les Français et quatre seront équipés pour faire du ravitaillement en vol. Leurs équipages seront franco-allemands. Il sera possible de lancer des opérations franco-allemandes, notamment d’évacuation de ressortissants, à partir de la base d’Évreux et chaque pays gardera la possibilité de mener des opérations purement nationales avec un équipage national également. L’accord prévoit également l’acquisition, grâce à un cofinancement, d’outils de formation, notamment de simulateurs. L’unité devra regrouper à terme, en 2024, 260 personnels : 70 % des navigants seront allemands et 60 % des non-navigants français. Les premiers avions devant être livrés en 2021, le calendrier est assez contraint.

L’ordre juridique interne allemand ne prévoyant pas de procédure de ratification pour un accord intergouvernemental, celui-ci prend effet dès la signature. Nos partenaires attendent donc la fin de la procédure parlementaire française pour accélérer leurs préparatifs pratiques. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis de la commission de la défense et des forces armées. Madame la présidente, merci de m’accueillir au sein de votre commission. La commission de la défense s’est saisie pour avis du présent projet de loi en raison de la nature essentiellement militaire de l’accord du 10 avril 2017. Ne faisons pas durer plus longtemps le suspense : hier, elle a émis un avis favorable à l’adoption de ce texte, et ce à une très large majorité. Nous n’avons compté aucun vote défavorable, seulement une abstention.

Je ne reviendrai pas ici en détail sur les dispositions de l’accord intergouvernemental que votre rapporteur vient d’exposer. Il ne me semble pas non plus utile de dresser un historique de la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense et du transport aérien tactique. Celui-ci est connu, de l’iconique Transall développé en commun dans la droite ligne du traité de l’Élysée à la mise en place d’une formation croisée des personnels navigants, soutiers et mécaniciens qui participent au lancement de l’A400M.

Je me concentrerai plutôt sur les principaux points qui ont retenu l’attention de mes collègues de la commission de la défense au sein de laquelle les échanges furent riches et nombreux.

Députée de la circonscription qui accueille la base aérienne 105 d’Évreux-Fauville, je ne peux que me féliciter de l’intérêt de la représentation nationale pour cet ambitieux projet.

En premier lieu, la commission a souhaité rappeler l’importance de l’implantation d’une unité binationale de C-130J d’un point de vue opérationnel. Il s’agit d’un avion polyvalent qui vient combler le trou capacitaire apparu avec le retrait progressif des Transall. Les dix aéronefs de l’unité permettront d’associer encore davantage les forces allemandes aux opérations que nous menons actuellement, notamment au Sahel.

En deuxième lieu, la commission a tenu à souligner l’intérêt d’un tel projet du point de vue financier. Un escadron commun permet de mutualiser les coûts d’installation, d’entretien et d’exploitation d’une flotte que nous aurions difficilement pu assumer seuls. Chacun connaît ici les inconvénients d’une micro-flotte.

En troisième lieu, la commission a dit son souhait que soit préparée au mieux l’arrivée des quelque 260 personnels qui composeront l’unité binationale, notamment les 130 militaires allemands. Avec eux, ce sont aussi des familles qu’il faudra accueillir et accompagner dans leur intégration en France. Je rappelle à cet égard que, pour les militaires allemands, une affectation à Évreux n’est pas qu’une simple étape de carrière mais un véritable projet de vie. La plupart resteront une dizaine d’années, voire plus.

En quatrième lieu, la commission a relevé la contribution essentielle d’un tel projet à l’affermissement de la coopération européenne dans le domaine de la défense. Pour la France, instigatrice de l’Initiative européenne d’intervention, il s’agit de concrétiser son rôle moteur dans la construction de l’Europe de la défense. Au niveau bilatéral, je suis convaincue que la constitution d’une unité opérationnelle commune contribuera à apaiser certaines discussions relatives au domaine capacitaire.

En cinquième et dernier lieu, la commission a fait part de sa préoccupation quant au calendrier d’examen du présent projet de loi. La procédure d’examen simplifié n’ayant pas été déclenchée, il est à craindre que ce texte ne puisse être adopté avant le premier trimestre 2020, ce qui retardera d’autant l’approbation de l’accord. Or celle-ci conditionne le lancement effectif d’un certain nombre de chantiers, en particulier la notification par la délégation générale de l’armement (DGA) du marché relatif au centre de formation et d’entraînement.

Avec votre soutien, madame la présidente, et celui de l’ensemble des membres de votre commission, nous espérons parvenir à une accélération du calendrier d’examen du présent texte, au service d’un projet ambitieux et structurant pour nos forces comme pour la défense européenne.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Éric Girardin. Merci aux deux rapporteurs pour l’éclairage qu’ils ont apporté tant sur l’histoire de la coopération franco-allemande en matière de défense que sur ses perspectives. Ils ont rappelé, s’il en était besoin, l’importance de l’unité franco-allemande pour l’Europe et par l’Europe.

Le projet de loi que nous examinons vise à la création d’un escadron commun sur la base d’Évreux. Le groupe La République en Marche estime que ce projet de loi, dans le prolongement du traité de l’Élysée et plus récemment de celui d’Aix-la-Chapelle, va dans le sens de l’histoire. Nous ne pouvons que nous réjouir de voter ce texte qui constitue une étape supplémentaire dans la construction d’une Europe de la défense après la création de la brigade franco-allemande et le lancement de projets industriels communs comme l’avion de combat du futur SCAF – Système de combat aérien du futur – ou le char de combat du futur, MGCS – Main Ground Combat System. Certes, il ne s’agit pas ici d’un accord européen à proprement parler mais il constitue une étape vers une coopération toujours plus intégrée de nos deux armées.

Je partage l’avis des deux rapporteurs sur la nécessité de ratifier au plus vite cet accord.

Nous aimerions toutefois savoir comment la base d’Évreux se prépare à l’arrivée de militaires allemands. Les installations seront-elles prêtes à temps ? N’oublions pas qu’ils ne viendront pas seuls. Comment la ville d’Évreux entend-elle accueillir les familles ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser qui commandera cet escadron ?

M. Guy Teissier. Pour reprendre la jolie formule de Jacques Brel, « ce nest pas Waterloo, mais ce nest pas Arcole ». Le rapport qui nous est présenté a une certaine importance, dans la mesure où tout ce qui nous rapproche de nos voisins européens, notamment de l’Allemagne, est important. Il existe depuis très longtemps dans le Var une école franco-allemande, l’école de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), qui fonctionne parfaitement bien. Mais il s’agit d’une école, et nous parlons ici d’une base tactique, ce qui est sensiblement différent.

Dans nos échanges avec les Allemands, nous sommes toujours plutôt déficitaires. D’ailleurs, sur la base d’Évreux, il y aura plus d’avions allemands que d’avions français – six contre quatre. La France et l’Allemagne ont des cultures militaires très différentes – c’est un euphémisme. L’armée allemande est très peu employée, alors que l’armée française est engagée sur tous les fronts : seuls 3 000 soldats allemands sont engagés en dehors de leurs frontières, alors que 30 000 soldats français le sont. Par ailleurs, l’armée allemande est une armée syndiquée : nous ne marchons pas du même pas. Des difficultés opérationnelles sont donc à craindre, si nous devons faire intervenir ces avions en dehors de la routine du quotidien.

Cela étant, il est vrai que notre flotte d’avions tactiques, constituée de C-130 et de C-160 Transall – les successeurs du Noratlas 2 501 – est totalement dépassée. Notre collègue Jean-Jacques Ferrara m’a indiqué que les derniers de ces avions seront mis à la retraite en 2023. Le renouvellement de cette flotte est donc une bonne chose.

Le groupe Les Républicains votera ce projet de loi, parce qu’il a une vraie force sur le plan symbolique et qu’il nous importe de voir revivre la base d’Évreux. Il m’a cependant paru nécessaire de rappeler les différences qui existent entre nos deux pays, à la fois du point de vue des mentalités et de l’emploi des forces armées. Je crois beaucoup à la coopération en matière de formation. Ce projet de base commune me laisse plus dubitatif, mais je veux faire confiance à l’avenir.

M. Michel Fanget. Nous avons voté, il y a quelques semaines, le projet de loi autorisant la ratification du traité d’Aix-la-Chapelle, qui renforce la coopération diplomatique et militaire entre la France et l’Allemagne. Avec cet accord relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l’acquisition des outils de formation dans le domaine tactique aérien, nos deux pays font un pas de plus vers l’Europe de la défense, que la France appelle de ses vœux.

L’Europe de la défense devra nécessairement s’appuyer sur des partenariats de ce type. Nous en avons avec d’autres pays de l’Union européenne, comme la Grande-Bretagne, et ils constituent le socle de notre coopération en matière militaire. Dans le contexte actuel, ces initiatives sont plus que bienvenues, si nous voulons continuer à peser sur les grandes décisions internationales. L’offensive turque en Syrie a montré que nous devons absolument pouvoir réagir de concert avec d’autres pays européens si nous voulons être entendus et respectés par les autres puissances. Il faut donc que des accords de ce type se multiplient à l’avenir.

Je rappelle que le transport tactique aérien conditionne notre capacité à projeter nos troupes sur tous les théâtres d’opérations. C’est cette capacité de projection, que l’armée française est l’une des rares à posséder, qui nous a par exemple permis d’intervenir dans des délais extrêmement brefs au Mali par exemple. L’appui technique nécessaire au déroulement de telles opérations a un coût très élevé. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés salue donc l’initiative qui est prise ici d’entamer une coopération avec des partenaires de confiance, et il votera ce projet de loi.

Mme Frédérique Dumas. Le 29 avril 2019, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) constatait que les dépenses militaires mondiales avaient atteint 1 800 milliards d’euros en 2018, ce qui représente une hausse de 2,6 % par rapport à 2017. Le constat est clair : le monde se réarme. Dans un tel contexte, la coopération proposée par ce projet de loi est précieuse, puisqu’elle vise à mutualiser les moyens de la France et de l’Allemagne et à développer des partenariats stratégiques.

Dans son rapport sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, le sénateur Christian Cambon estime que le traité d’Aix-la-Chapelle représente une avancée, mais il regrette qu’il ne contienne pas de mesures concrètes. L’accord qui nous est présenté aujourd’hui a le mérite de prendre en considération des objectifs stratégiques communs à la France et à l’Allemagne, puisqu’il concerne essentiellement la région sahélienne. Les expériences menées en mai 2018 dans cette région avec les aéronefs C-130J, qui font l’objet de cet accord, ont été jugées concluantes par l’armée de l’air, qui a indiqué : « Les résultats obtenus durant cette campagne dexpérimentation au Sahel sont à la hauteur des attentes. Avec plus de 560 militaires et presque 60 tonnes de fret transportées en moins dune quarantaine dheures de vol, tous les objectifs visés ont été atteints et permettront à terme de valider la capacité de cet avion à opérer sur terrain sommaire et en environnement opérationnel. » Cela démontre combien il est nécessaire de mutualiser l’utilisation de cet aéronef.

Cet accord devrait en outre assurer une complémentarité à deux niveaux. Tout d’abord, il fait partie d’un projet aérien franco-allemand plus vaste, qui s’articule autour de plusieurs autres programmes, comme celui visant à créer l’avion du futur, appelé Next-Generation Weapon System, ou le programme de construction des hélicoptères Tigre. Les nouveaux avions compléteront par ailleurs les équipements aériens des deux parties, la France devant faire face au vieillissement de ses flottes et l’Allemagne au retrait de ses C-160 d’ici 2021.

Même si la France et l’Allemagne ont effectivement des divergences en matière de défense, le contexte du Brexit impose un renforcement de leur coopération. En effet, lorsque le Royaume-Uni sera définitivement sorti de l’Union européenne, ce sont ces deux États qui disposeront de la plus grande puissance militaire de l’Union européenne.

Ma question concerne l’A400M, qui devait remplir les objectifs de l’aéronef C‑130. Dans quels délais pensez-vous qu’il sera opérationnel ?

M. Alain David. Cet accord semble aller dans le bon sens, celui d’une meilleure coopération entre l’Allemagne et la France dans le domaine aérien militaire. Cette coopération a des bases solides, qui sont rappelées dans l’étude d’impact. On y lit en effet : « Dans les années 1950, le programme Transall a ainsi démontré les excellentes relations nouées avec lAllemagne après la guerre et, plus récemment, la coopération au sein de lécole franco-allemande de pilotage du Tigre, et dans le cadre de lA400M répondent à la volonté commune de mutualiser la réponse des armées aux besoins opérationnels. » En conséquence, le groupe Socialistes et apparentés votera ce rapport.

M. Jean-Paul Lecoq. Je n’ai pas le même point de vue que vous sur ces questions. En juin 2019, M. François Cornut-Gentille a publié un rapport dans lequel il explique que l’aviation tactique française est dans une situation catastrophique. On a fait le choix de sous-traiter à des entreprises privées, qui veulent aujourd’hui garder leurs parts de marché, ce qui crée d’importants conflits. Ce diagnostic est assez éloigné des discours que j’entends ce matin sur l’excellence française. Tout n’est pas parfait, loin de là, et il y a urgence à rattraper le coup.

L’accord entre l’Allemagne et la France pourrait justement nous donner l’occasion de rattraper le coup. Et le communiste que je suis pourrait être tenté de soutenir cet accord pour la seule raison qu’il vise à remettre du service public – même syndiqué allemand.

Mais la question sous-jacente, c’est celle de l’OTAN, et je ne peux pas concevoir que l’on réfléchisse à un tel accord sans poser la question de l’OTAN. On n’a qu’à sortir de l’OTAN et assumer ! On organise une transition politique et écologique, en disant qu’on envisage un nouveau paradigme à l’échelle européenne, on suspend notre participation aux interventions en cours et on commence à réfléchir à la manière de contrôler nous-mêmes l’espace aérien, sans dépendre de l’OTAN. C’est bien beau d’avoir des avions, mais si on dépend des États-Unis pour les faire voler, l’armée française n’a plus aucune autonomie !

Notre groupe a voté contre la ratification du traité d’Aix-la-Chapelle. Vous avez dit, madame la rapporteure pour avis, que personne n’avait voté contre ce projet de loi lors de son examen en commission de la défense hier : si l’un des membres de notre groupe avait été présent, il aurait voté contre ou se serait abstenu. Le fait que ce projet se développe sur la base d’Évreux me plaît plutôt, car c’est une base qui assume bien sa vocation militaire, qui a de vraies valeurs et une vraie technicité. Et c’est une bonne chose pour la Normandie. Il n’en reste pas moins qu’il faut tenir compte de l’histoire de l’armée allemande. Pendant des décennies, on a interdit à l’Allemagne de se défendre, et si aujourd’hui les Allemands ne sont pas sur la même ligne que nous, c’est d’abord parce qu’on ne les y a pas autorisés. C’est aussi parce que le peuple allemand en a décidé ainsi.

La rapporteure pour avis se réjouit que le Parlement prenne des décisions mais, en réalité, nous n’avons rien décidé ! Un accord a été signé sans qu’on nous demande notre avis et on nous invite maintenant à le ratifier sans pouvoir l’amender. Cela pose la question du rôle des députés dans l’élaboration des politiques publiques et des accords internationaux. Il faudrait que ce soient les parlementaires qui travaillent en amont et qui donnent mandat au Président de la République et au ministre compétent de signer des accords, sur la base de leurs consignes : voilà comment devrait fonctionner une vraie démocratie. Or les choses ne se sont pas passées de cette manière. En Allemagne, c’est le Parlement qui décide, et c’est pour cette raison qu’il y a un tel déséquilibre entre la démocratie française et la démocratie allemande. Nous ne sommes pas à armes égales, pour reprendre la métaphore militaire.

Mme Valérie Boyer. L’accord que nous examinons vise à renforcer la coopération militaire franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien, en créant l’unité aérienne franco-allemande. Il prévoit également de mutualiser les moyens humains et matériels pour réaliser des missions conjointes, le cas échéant avec des équipages mixtes franco-allemands.

Même s’il est important de combler notre trou capacitaire en matière de transport tactique, je veux rappeler que notre coopération militaire en matière de défense se heurte à une réalité : entre les milieux militaires français et allemands, il existe un vrai fossé culturel. M. Hans-Peter Bartels, commissaire parlementaire aux forces armées, a ainsi déclaré : « Après deux guerres mondiales désastreuses, lAllemagne ne soutient une armée que dans lespoir quelle ne sera jamais déployée, quand la France, dotée de larme nucléaire, dun siège à lONU et dune riche histoire, se sent une responsabilité dintervenir. »

L’armée, en Allemagne, est parlementaire, elle est syndiquée, et placée sous le contrôle du Bundestag, qui seul a le pouvoir de donner son feu vert à une action militaire. Actuellement, l’armée allemande a moins de 3 000 soldats déployés à l’étranger, alors que la France compte plus de 30 000 hommes engagés, dont 6 000 en opération extérieure, essentiellement au Mali et au Levant, près de 4 000 en appui dans les anciennes colonies et plus de 7 000 déployés dans les territoires d’outre-mer. Le parlement allemand a également refusé d’avancer sur le projet d’avion de combat du futur, un programme placé sous leadership français, tant qu’il n’aurait pas obtenu des avancées sur le futur char de combat, placé, lui, sous leadership allemand.

Ces derniers mois, Paris et Berlin se sont opposés sur de nombreux dossiers : le budget de la zone euro, le traité de libre-échange avec les États-Unis, les armes déployées dans la péninsule arabique et, bien évidemment, l’OTAN et nos relations avec la Turquie. Un fossé s’est creusé entre nous sur le plan économique, mais aussi en matière de stratégie militaire et de politique migratoire. Aujourd’hui, la responsabilité de la France et de l’Allemagne est immense, surtout dans le contexte du Brexit. Cette entente ne va pas de soi, car nos deux pays sont très différents, mais ils sont aussi les garants de la paix, de la prospérité et de la poursuite de l’aventure européenne.

En réalité, ce traité ne mérite ni cris d’orfraie ni enthousiasme démesuré. Il est important de faire entrer pleinement nos nations dans le XXIe siècle. L’Allemagne et la France doivent incarner une forme de sursaut européen. Elles doivent aussi clairement se poser la question de leur place dans l’OTAN. Le groupe Les Républicains votera ce texte, comme il l’a fait en commission de la défense.

M. Jean-Louis Bourlanges. Les rapports qui nous sont présentés sont importants, car le sujet lui-même est important. Nos collègues Jean-Paul Lecoq et Valérie Boyer ont posé une question essentielle, celle de nos rapports avec l’OTAN. Ce n’est certes pas à l’occasion de l’examen de ce projet de loi que nous devons revoir de fond en comble nos rapports avec l’OTAN, mais ils ont raison de dire que c’est une question absolument fondamentale.

J’aimerais faire quelques remarques.

Premièrement, le présent accord se fonde en effet sur le traité d’Aix-la-Chapelle, mais surtout sur le traité de l’Élysée. Or il ne faut pas se raconter d’histoire : si le traité de l’Élysée a certes permis de créer l’Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ), il a aussi marqué une rupture profonde entre la France et l’Allemagne en matière stratégique. Je vous rappelle qu’à la grande colère du général de Gaulle, nos amis allemands avaient ajouté un préambule au traité de l’Élysée, disant que la défense ne pouvait se faire que dans le cadre de l’OTAN. Un an plus tard, on a connu la crise du plan Fouchet : après l’échec d’une armée intégrée, avec la CED, ce fut l’échec d’une politique de défense intergouvernementale. Il faut se rappeler que nous héritons de cette histoire très compliquée et qu’il y a eu, pendant de nombreuses années, un énorme malentendu entre la France et l’Allemagne qui s’explique sans culpabiliser personne. Aujourd’hui, la boucle est bouclée, puisque cet accord se fonde sur le traité d’Aix-la-Chapelle, qui prolonge lui-même le traité de l’Élysée.

Deuxièmement, Mme Valérie Boyer a raison de dire qu’il y a une différence de culture stratégique profonde entre la France et l’Allemagne. Le Président de la République l’avait lui-même soulignée de façon explicite dans son discours de la Sorbonne. Mais ce qui me paraît positif, c’est que le présent accord de coopération nous place sur un plan où cette différence de culture stratégique, qui relève essentiellement du rapport à l’engagement des forces militaires, ne joue pas, dans la mesure où il concerne le transport, c’est-à-dire la préparation à l’engagement. Le champ de cet accord est donc excellent.

Ma troisième remarque concerne l’OTAN. Ce qui est paradoxal, c’est que la défense de l’Europe est plutôt assurée dans le cadre de l’OTAN et que la coopération européenne, notamment franco-allemande, joue beaucoup plus hors zone. Or cet accord, qui vise à développer nos capacités d’acheminement d’aviation tactique et de troupes sur les théâtres extérieurs, concerne précisément l’engagement hors zone. Il est d’ailleurs très précieux de constater que les Allemands ne sont pas seulement obsédés par la frontière orientale de l’Europe, mais qu’ils sont aussi soucieux que nous d’avoir une couverture au Sud.

Même s’il est vrai que cet accord ne résout pas le problème fondamental des rapports de l’Europe avec l’OTAN, il ne présente que des avantages. Il mérite donc d’être voté.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Nous avons besoin de coopération en matière de transport tactique, notamment de matériel militaire : nous sommes tous d’accord là-dessus.

Il y a toutefois un point que je ne comprends pas dans cet accord. Vous écrivez, monsieur le rapporteur, qu’« outre le bénéfice dun cofinancement, la création de cette unité binationale permettra dimpliquer nos partenaires allemands dès le début dune opération au lieu dattendre, comme cest le cas aujourdhui, leur soutien dans une opération que la France a déjà engagée seule ». Vous ajoutez : « Toutefois, le système constitutionnel allemand prévoit que le Parlement doit autoriser toute intervention militaire au préalable. […] Pour lever cet obstacle constitutionnel, le parlement allemand devra prédéfinir une liste de missions dans le cadre de laquelle lunité pourra intervenir. » Nous allons donc créer une brigade commune, sans savoir comment nous pourrons l’utiliser : c’est extravagant !

Une fois de plus, la France se met dans la main de l’Allemagne. Nous allons nous rendre prisonniers d’une décision du parlement allemand, avec toutes les difficultés que cela implique. Dans ces conditions, autant donner le pouvoir au parlement français ! Ce que nous sommes en train de faire est surréaliste, ahurissant ! On met la charrue avant les bœufs. N’y a-t-il pas suffisamment de domaines dans lesquels nous pourrions travailler avec l’Allemagne, notamment en matière industrielle et militaire ?

Deuxièmement, il est regrettable de toujours donner à l’Allemagne, sans jamais rien recevoir d’elle. Nous aurions pu nous servir de cet accord pour créer un rapport de forces constructif et tenter d’obtenir des choses. À la place, nous lui cédons et réunissons des avions sur une base, sans savoir comment nous pourrons les utiliser. Concrètement, si nous voulons lancer une opération contre des djihadistes dans un pays étranger, faudra-t-il demander l’autorisation de l’Allemagne ? Et si le Bundestag ne veut pas, est-ce que seuls les avions français partiront ?

C’est, au choix, du folklore ou de l’inconscience ! En tout cas, cela ne nous rend pas crédibles aux yeux des militaires : il faudra bien que l’on sache qui va décider du départ de ces avions. Vous oubliez qu’un outil de défense est au service d’une politique, c’est-à-dire d’une vision et de décisions. Or nous n’avons ni la même vision, ni le même processus de décision que les Allemands. Et vous voulez mettre des avions en commun sur une base à Évreux : tout cela est grotesque et n’est pas à la hauteur de l’enjeu de défense !

M. Jacques Maire. Il faut raison garder et analyser les besoins de nos militaires. Les militaires français actuellement en opération dans les zones du Sahel sont extrêmement dépendants des bases allemandes : je vous rappelle que l’une d’elles est installée au sein de la base avancée de Niamey et qu’elle compte plusieurs centaines de personnes. L’essentiel de l’activité logistique de l’opération Barkhane est assuré par les partenaires de la France, et non par elle-même. Cette activité logistique repose sur un engagement au quotidien des pilotes allemands et de l’armée allemande.

J’ai entendu des propos sur l’incapacité de l’Allemagne à nous accompagner au quotidien dans nos opérations extérieures, mais la réalité prouve le contraire. Que des députés français émettent des doutes quant à l’effort que l’Allemagne consent pour nous soutenir au Sahel serait mal venu, et tout à fait contraire à la réalité.

M. Jérôme Lambert. Je veux remercier M. Jacques Maire pour son intervention. J’avoue avoir été un peu troublé par les propos de notre collègue Nicolas Dupont-Aignan, mais je crois qu’ils ne se situent pas tout à fait sur le même plan. Si l’on se place sur le plan des idées, si on conceptualise, il a raison. Mais quand on regarde ce qui se passe concrètement sur le terrain, c’est Jacques Maire qui a raison. Je crois que la conclusion de cet accord est de bon augure pour la suite.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Mes chers collègues, je vous remercie de vos observations. M. Éric Girardin a souligné que cet accord faisait partie d’une série d’initiatives en vue de la création d’une Europe de la défense et plusieurs d’entre vous ont rappelé que la mutualisation de nos forces était absolument nécessaire à la réussite de ce projet. Même s’il peut y avoir des différences entre la France et l’Allemagne en matière de défense, et des malentendus à dissiper, il n’empêche que nos deux pays ont des objectifs de sécurité convergents et qu’un renforcement de notre coopération militaire s’impose. Nous assistons, me semble-t-il, à une lente, mais certaine, convergence dans le domaine militaire.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’OTAN, à juste titre. Il est vrai qu’on ne peut pas aborder un accord comme celui-ci sans évoquer l’OTAN et son avenir. Le débat qui doit avoir lieu prochainement au sein de notre commission sur ce sujet nous donnera l’occasion de préciser les choses et de tracer des perspectives.

Monsieur Lecoq, enfin, vous avez évoqué le rapport de M. François Cornut-Gentille. Il me semble que vous faites une erreur d’appréciation, car il portait davantage sur le transport stratégique que sur le transport tactique.

Je vais laisser à Mme la rapporteure pour avis le soin de donner des précisions sur la base d’Évreux, puisqu’il s’agit de son territoire.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Monsieur Girardin, la base d’Évreux est protégée et contrôlée. Il faut donc revoir son organisation, afin de rendre possibles les travaux qui vont s’y dérouler pendant plusieurs années : une route va être dédiée exclusivement à l’accès des poids lourds, pour ne pas perturber le fonctionnement protégé de la base, notamment la piste et le lieu de stationnement des aéronefs. S’agissant des infrastructures, les premiers travaux de dépollution vont commencer la semaine prochaine sur le site qui a été choisi pour construire les bâtiments destinés à l’accueil des aéronefs. Vous m’avez interrogé également sur le commandement de cet escadron : il sera français et le commandant en second sera allemand.

L’accueil des militaires nécessitera d’abord des aménagements au sein même de la base. Des constructions et des rénovations y sont prévues pour créer une vie et un esprit nouveaux : des « city stades » vont être créés pour renforcer la cohésion et l’esprit sportif des militaires et pour leur permettre d’entretenir leurs aptitudes physiques. La piscine sera également rénovée, comme le bâtiment destiné à l’accueil des célibataires géographiques allemands. En dehors du périmètre de la base, il convient également de prendre en considération les besoins des conjointes et des conjoints en matière de logement, de scolarité et d’emploi. Une personne dédiée apportera un soutien aux familles dans leurs démarches administratives et le pôle d’accès en tout temps, en tout lieu au soutien (ATLAS) aura également un guichet dédié en allemand.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Nous recevrons cet après-midi le chef d’état-major des armées : nous pourrons poser toutes nos questions à cet éminent expert.

Mme Frédérique Dumas. Je n’ai pas eu de réponse à ma question sur l’état d’avancement du programme de l’A400M.

M. Jean-Paul Lecoq. Le rapport de M. François Cornut-Gentille concerne à la fois le transport tactique et le transport stratégique : je n’ai donc pas eu tort de le mentionner.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je ne m’oppose pas à la mutualisation, mais à la perte d’autonomie et de décision de notre armée. J’aimerais avoir une réponse précise et comprendre comment les choses se passeront concrètement en cas d’urgence. Fera-t-on une distinction entre les avions allemands et les avions français ? S’agira-t-il d’une brigade commune ? Dépendra-t-on des pilotes allemands si le Bundestag ne donne pas son autorisation ? La moindre des choses est de définir clairement l’arbre de décision, pour savoir comment les choses se passeront concrètement.

Vous voyez, monsieur Lambert, et je dis cela en toute amitié, que je parle de choses très concrètes. Je ne nie pas que nous ayons besoin de nos partenaires européens au Mali, et je suis favorable à cette coopération, mais il ne faut pas que cet appui entrave notre capacité de réaction et l’indépendance de notre politique nationale. Or c’est précisément la question que pose ce projet de base commune et d’avions communs. Je veux seulement comprendre.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Monsieur Dupont-Aignan, vous m’interrogez sur l’emploi des forces. Les deux états-majors de l’armée de l’air travaillent actuellement à l’établissement d’une liste de missions qui pourraient être conduites sans accord politique complémentaire. Vous craignez une perte de souveraineté, mais il me semble important de rappeler que chacun des deux pays aura la possibilité de mener des missions de manière nationale, avec ses propres avions et ses propres personnels, notamment pour les interventions jugées sensibles.

Avec la flotte de C-130J, la France disposera d’une force moderne et complémentaire de celle dont elle disposait déjà. Or elle n’aurait pas pu s’en doter sans la création de cette unité binationale, car elle n’aurait pas eu les moyens de l’entretenir. Bref, nous n’aurions disposé que d’une micro-flotte, avec tous les problèmes qui peuvent en découler. Cette unité binationale contribuera au renforcement de notre capacité d’intervention souveraine, puisqu’elle nous dotera de nouvelles capacités.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Si je comprends bien, vous nous demandez d’accepter cet accord, avant de connaître les missions qui seront déterminées d’un commun accord par les états-majors et approuvées par le Bundestag ?

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Un cadre est défini, qui concerne le commandement, les missions des avions et les heures dédiées soit à l’un des deux pays, soit aux deux. La fiche en cours d’élaboration intégrera également des missions de ravitaillement et d’évacuation.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je n’ai pas compris.

M. Bruno Joncour, rapporteur. Il s’agit de transport tactique, et non stratégique, c’est-à-dire essentiellement d’opérations de ravitaillement et d’évacuation.

M. Jean-Louis Bourlanges. Je comprends votre préoccupation, monsieur Dupont-Aignan, mais on ne peut pas prévoir a priori, au niveau d’un accord comme celui-ci, la nature des missions auxquelles on sera confronté. Il est normal que les états-majors agissent et décident au coup par coup : cela paraît inévitable.

Je suis en désaccord avec vous sur un point précis : vous considérez qu’il n’y a pas de véritable terrain d’entente entre les Français et les Allemands et qu’ils ne pourront pas prendre de décisions rapidement. Je crois que c’est faux. Ce qui s’est passé au Sahel montre au contraire qu’il y a une complémentarité assez forte entre nos deux armées. Je ne crois pas que cet outil commun nous paralysera : nous avons nos propres instruments et nous pourrons intervenir seuls si nous avons à le faire. On ne peut pas reprocher à cet accord de ne pas prévoir toutes les missions pour lesquelles il sera éventuellement sollicité. Je propose néanmoins que nous interrogions, et même que nous « cuisinions » le chef d’état-major sur ce sujet, car la question de M. Dupont-Aignan est intéressante.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Il ne s’agit évidemment pas de prévoir toutes les missions à l’avance pour dix ou vingt ans. Ce que je veux connaître, c’est la nature des missions que l’état-major pourra décider sans consulter le Bundestag, c’est-à-dire rapidement, sur la base d’une coopération gouvernementale. Je veux savoir quelle est la marge de manœuvre du côté allemand : il me semble que c’est le minimum, quand on s’apprête à signer un tel accord.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Monsieur le député, les missions qui relèvent du transport tactique sont classiques et bien rodées. S’agissant des missions sous le feu, les états-majors sont en train de travailler à l’établissement d’une liste. Je vous rappelle que, depuis plus de dix ans, la France, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Espagne et l’Italie ont décidé de mutualiser leurs moyens de transport aérien tactique et stratégique sous un commandement commun, le commandement européen du transport aérien, ou European Air Transport Command (EATC), qui est implanté aux Pays-Bas. Au total, ce sont 200 avions qui sont ainsi partagés. Un avion allemand peut déjà transporter des militaires français au Sahel ou dans les pays baltes. Les C-130J sont déjà intégrés dans l’EATC.

M. Bruno Joncour, rapporteur. J’ajoute que la France a la possibilité d’intervenir seule, et donc d’avoir une maîtrise stratégique.

Mme la présidente Marielle de Sarnez. Nous reviendrons évidemment sur ces questions avec le chef d’état-major cet après-midi.

Il faut aller vers la mutualisation et la coopération : nous le constatons tragiquement, au moment où les Américains désinvestissent la zone de sécurité dans le Nord-Est syrien. Cette mutualisation et cette coopération sont difficiles à réaliser, mais elles sont absolument nécessaires. L’Europe et les Européens doivent prendre leurs responsabilités. Mais nous devons aussi sauvegarder notre capacité autonome d’intervention car, avec le Brexit, la force française de défense deviendra tout à fait unique en Europe. Oui à la coopération, à condition de préserver l’indépendance, l’autonomie et la capacité française à intervenir.

Cet accord pose aussi la question du pouvoir de nos parlements respectifs. Il est vrai que les parlementaires du Bundestag ont, sur les questions de politique étrangère – mais pas seulement – davantage de pouvoirs que les parlementaires français, puisqu’ils participent à une forme de codécision avec le pouvoir exécutif allemand. Nos institutions sont très différentes, puisqu’en France, c’est le Président de la République qui est le chef des armées. Il n’y a pas de doute que le Parlement est plus fort en Allemagne qu’en France. Nous devons donner davantage de pouvoir au parlement français : c’est un combat que je mène depuis longtemps et que nous devons absolument mener ensemble. Je suis convaincue que lorsqu’on a un exécutif fort, comme c’est le cas en France, on a tout intérêt à avoir aussi un parlement fort.

En Allemagne, aucune opération extérieure des forces militaires ne peut être décidée, si le Bundestag n’a pas donné son feu vert : ce n’est pas le cas en France. Les sujets sont nombreux, sur lesquels nous pourrions travailler pour renforcer les pouvoirs de notre parlement : je rejoins les préoccupations de Jean-Paul Lecoq sur cette question. Il existe une différence culturelle et politique importante entre nos deux parlements et je pense que nous aurions beaucoup à apprendre du fonctionnement du Bundestag, comme de celui de nombreux parlements européens. Nous ne sommes pas dans le haut du panier, en termes de démocratie parlementaire.

J’ai bien entendu, madame la rapporteure pour avis, votre demande d’une procédure simplifiée et je la relaierai auprès du ministre chargé des relations avec le Parlement. Pour l’instant, ce texte n’est pas inscrit à l’ordre du jour : on avait parlé de novembre, puis de décembre, et maintenant de janvier.

Par ailleurs, nous aurons mercredi 27 novembre, en liaison avec la commission de la défense à qui nous l’avons proposé, une audition consacrée à l’OTAN, qui durera trois heures. Nous écouterons trois intervenants extérieurs, avant de débattre avec eux, ce qui paraît tout à fait essentiel dans le contexte actuel.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Madame Dumas, je tiens à vous rassurer au sujet de l’A400M : il est déjà opérationnel et intervient presque tous les jours, notamment pour les opérations de transport. Nous avons connu des problèmes et des retards sur les moteurs et la maîtrise des capacités tactiques mais, aujourd’hui, la situation est satisfaisante.

Monsieur Lecoq, permettez-moi d’apporter une petite précision. Vous vous référez au rapport de M. Cornut-Gentille, mais il en existe un autre que je vous invite à lire : c’est celui de M. Jean-Jacques Ferrara, un député du groupe Les Républicains qui fait partie de notre commission et qui a réalisé un excellent rapport sur l’armée de l’air.

Monsieur Maire, vous avez salué l’engagement des forces allemandes. Je rappelle qu’au-delà de leur participation aux missions européennes, deux C-160 Transall allemands sont déployés au Sahel, à Niamey, dont l’un est dédié à des missions d’évacuation sanitaire : c’est très important pour nos troupes.

Mme Frédérique Dumas. Je ne suis pas totalement satisfaite de votre réponse. C’est bien parce que le programme de l’A400M n’était pas totalement au point, notamment pour le largage des parachutistes, qu’on a recouru à l’avion américain. Vous dites qu’il fonctionne, mais certains éléments sont encore en cours de rodage. Quand sera-t-il vraiment au point ? Notre souveraineté passe aussi par là.

Mme Séverine Gipson, rapporteure pour avis. Les retards concernaient seulement la production, et le problème est résolu. En septembre, celui des parachutages a également été réglé.

La commission adopte larticle unique ainsi que lensemble du projet de loi.

La séance est levée à 11 heures 10.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 9 h 40

Présents. - Mme Aude Amadou, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, M. Yves Blein, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cabaré, Mme Samantha Cazebonne, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Olivier Dassault, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, Mme Frédérique Dumas, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. M’jid El Guerrab, M. Michel Fanget, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Claude Goasguen, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, M. Mustapha Laabid, M. Jérôme Lambert, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Mounir Mahjoubi, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, M. Christophe Naegelen, M. Didier Quentin, M. Jean-Luc Reitzer, M. Hugues Renson, M. François de Rugy, Mme Marielle de Sarnez, Mme Sira Sylla, Mme Liliana Tanguy, M. Guy Teissier, Mme Valérie Thomas, M. Sylvain Waserman

Excusés. - M. Lénaïck Adam, Mme Ramlati Ali, M. Moetai Brotherson, M. Christophe Di Pompeo, Mme Anne Genetet, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Christian Hutin, Mme Amélia Lakrafi, M. Jean-Luc Mélenchon, M. Frédéric Petit, Mme Bérengère Poletti, Mme Isabelle Rauch, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Michèle Tabarot, Mme Nicole Trisse

Assistait également à la réunion. - Mme Séverine Gipson