Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Examen, pour avis, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (n° 2296) (Mme Cendra Motin et M. Éric Alauzet, rapporteurs pour avis)              2

–  Information relative à la commission................44

–  Présences en réunion...........................45


Mercredi
16 octobre 2019

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 13

session ordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

 

 

M. Éric Woerth,

Président

 

puis de

 

Mme Olivia Gregoire,

Vice-présidente

 


  1 

La commission examine pour avis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (n° 2296) (Mme Cendra Motin et M. Éric Alauzet, rapporteurs pour avis).

 

M. le président Éric Woerth. Je vous informe que nous avons reçu, en application de l’article 12 de la loi organique relative aux lois de finances, un projet de décret de transfert de crédits. Conformément à l’usage, ce document est à votre disposition.

L’ordre du jour appelle l’examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, dont notre commission, comme à son habitude, s’est saisie. Je rappelle que la commission des affaires sociales, saisie au fond, a commencé hier après-midi ses travaux sur ce texte, dont l’examen en séance publique débute le mardi 22 octobre.

Avant de passer à l’examen des soixante-quatre articles du texte et des dix-huit amendements déposés dans notre commission, nous allons entendre nos rapporteurs.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis.  Cendra Motin et moi-même avons le plaisir, ce matin, de vous présenter les grandes lignes d’un texte cohérent et ambitieux.

D’abord, le PLFSS pour 2020 fait montre de cohérence. Il est cohérent dans la trajectoire qu’il fixe pour les comptes sociaux : d’un côté, il acte – sans la masquer – une dégradation de l’équilibre ; de l’autre, il la justifie clairement au regard de l’environnement social et économique dans lequel l’action du Gouvernement s’inscrit.

En 2019, le solde du régime général et du fonds de solidarité vieillesse affichera un déficit de 5,4 milliards d’euros, au lieu d’un excédent initialement prévu à hauteur de 100 millions d’euros. Ce décalage tient à l’encaissement de recettes à un moindre niveau que ce qui était envisagé. L’explication est double.

D’une part, nous avons voté la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES). L’avancement au 1er janvier 2019 des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires compte pour 1,2 milliard d’euros, tandis que la réduction du taux de contribution sociale généralisée (CSG), de 8,3 % à 6,6 %, pour les retraités ou personnes en situation d’invalidité percevant entre 1 200 euros et 2 000 euros par mois, représente 1,5 milliard d’euros. Les trois quarts des écarts constatés avec la prévision sont imputables à ces éléments. Sur les 17 milliards d’euros de mesures de pouvoir d’achat consenties en décembre, je souligne que 14 milliards d’euros sont financés par l’État, soit près de 80 % – la sécurité sociale n’en finance donc que 20 %.

Par ailleurs, et cela explique le quart restant, les perspectives macroéconomiques ont été réajustées. L’évolution du PIB – 1,4 % au lieu de 1,7 % –, celle de la masse salariale − 3,3 % au lieu de 3,5 % – et celle des prix – 1 % au lieu de 1,3 % – ont en effet été moins dynamiques. Je veux insister sur le sérieux de ces chiffres. Le Haut conseil des finances publiques, le Haut conseil du financement de la protection sociale et la Cour des comptes les ont d’ailleurs jugés réalistes.

En 2020, le régime général et le fonds de solidarité vieillesse (FSV) devraient afficher un solde déficitaire de 5,1 milliards d’euros, avec 400,2 milliards d’euros en recettes et 405,6 milliards d’euros en dépenses. Dans le détail, la branche maladie sera à – 3 milliards d’euros ; la branche vieillesse à – 2,7 milliards d’euros ; le FSV à – 1,4 milliard d’euros ; la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) à + 1,4 milliard d’euros et la branche famille à + 0,7 milliard d’euros.

En prenant en considération l’effet des mesures des derniers textes financiers adoptés, ceux en cours de discussion et les perspectives économiques générales que je vous citais, il est possible de prévoir désormais un retour à l’équilibre des comptes en 2023. Le report de cette courbe ne porte que sur le flux, c’est-à-dire sur le déficit constitué et en cours de résorption. En effet, s’agissant de la réduction de la dette sociale, le cap est maintenu et réaffirmé.

Les déficits qui s’accumuleront d’ici à 2023 seront quant à eux gérés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), où les comptes des branches du régime général sont consolidés. Si, en trésorerie, elle devrait connaître un déficit de 17,7 milliards d’euros en 2019 et 23,5 milliards d’euros en 2020, il faut noter qu’à très court terme, l’Agence bénéficie de conditions de financement extrêmement favorables, avec un taux moyen de − 0,5 %. Mais, bien évidemment, cela ne relativise pas la question de l’endettement.

J’en viens au stock de la dette. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) gère la dette transférée par l’ACOSS. Les volumes restants s’élèvent à 72,7 milliards d’euros, 188 milliards d’euros ayant déjà été amortis par la caisse. En 2020, la CADES remboursera 16,7 milliards d’euros, soit 700 millions d’euros de plus qu’en 2019.

À ce rythme, la dette de la CADES sera éteinte en 2024, comme prévu. Nous sommes tous deux opposés à tout report de cette échéance, pour une question de soutenabilité et de crédibilité. Nous préconisons donc de ne plus renoncer aux transferts et de mettre en place, dès 2020 ou 2021, une instance de concertation entre le Gouvernement, le Parlement, l’ACOSS et la CADES pour préparer l’avenir et assurer la bonne fin de nos prévisions.

Le deuxième marqueur de la cohérence du PLFSS pour 2020, c’est son ambition pour les publics les plus vulnérables. Nous faisons un effort assumé en faveur de la justice sociale, dans la continuité de la politique de revalorisation exceptionnelle des minima sociaux.

En plus, par exemple, de préserver l’effet incitatif du bonus malus d’assurance chômage en fonction du taux de séparation, le PLFSS prolonge la prime de fin d’année, dite prime Macron, exonérée de cotisations sociales salariales et patronales, de CSG, de CRDS et d’impôt sur le revenu. En cohérence avec la loi PACTE, son exonération est conditionnée à la mise en place d’un accord d’intéressement.

De plus, le PLFSS pour 2020 prévoit l’extension des droits et l’accompagnement des personnes en difficulté, en intégrant les problématiques de son temps, avec la création du service public de versement des pensions alimentaires, l’ouverture du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, le bénéfice des congés de proche aidant ou encore la préparation du versement contemporain des aides en matière de services à la personne.

La cohérence de ce PLFSS est aussi celle de lancer la transformation du système de santé actée par le plan « ma santé 2022 ». Il s’agit de poser les bases d’une médecine accessible à tous, sur tout le territoire, avec une qualité des soins accrue et une meilleure répartition de l’activité médicale, pour une dépense maîtrisée, avec, notamment, le déploiement des hôpitaux de proximité, les crédits au plan d’urgence – 600 millions d’euros en 2020 –, la simplification et la rénovation des incitations à l’installation en zone sous-dense et la mise en place de nouveaux modes de tarification au plus proche de l’activité des établissements ou des caractéristiques des pathologies traitées.

Je souligne l’effort marqué dans le domaine médico-social, effort qui s’élève au total à 500 millions d’euros supplémentaires, portés par le sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pour préparer la réforme du grand âge.

Plus globalement, l’équilibre s’obtient par des efforts tant sur les recettes que sur les dépenses. Toutes les mesures contenues dans le PLFSS seront mises en application de manière rigoureuse, ce qui permettra de limiter la progression de l’ONDAM à 2,3 %− contre 2,5 % en 2019. Ce chiffre est à mettre en rapport avec une augmentation de la dépense publique à hauteur de 0,7 % : notre pays conserve une préférence marquée pour la couverture des besoins sociaux de la santé et la couverture sociale en général.

Voilà qui fait écho avec ce par quoi nous avions commencé, à savoir la maîtrise des dépenses et l’instauration de garanties pour retrouver l’équilibre des comptes sociaux. Chers collègues, je sais que nous aurons l’occasion de revenir sur des questions importantes, notamment sur les relations financières entre l’État et la sécurité sociale, à la faveur de l’examen des amendements.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Le projet de loi de financement pour 2020 est, à mon sens, annonciateur de réformes d’ampleur et porteur de transformations importantes pour notre système de soins et pour notre protection sociale.

Plusieurs éléments démontrent en effet que le texte accompagne la mise en œuvre d’évolutions structurantes. D’une part, le PLFSS pour 2020 s’inscrit dans une perspective suivie et cohérente d’évolutions, qui vont permettre une transformation profonde du système de soins dans les années à venir. Je pense ainsi aux mesures d’aide à l’installation des jeunes médecins dans les zones sous-denses, qui répondent à un besoin fort de nos territoires. D’autre part, il comporte de nombreuses mesures attendues depuis de nombreuses années par nos concitoyens, les acteurs de la santé et de la dépendance et les spécialistes de la protection sociale. Le PLFSS pour 2020 s’inscrit dans une succession de textes, présents et à venir, dont l’objectif est l’évolution en profondeur de notre sécurité sociale et de ses différentes branches.

Le premier pilier de cette transformation qui trouve sa traduction dans le PLFSS est le plan « ma santé 2022 ». À titre d’exemple, je citerai le renforcement des hôpitaux de proximité, soutenu par des mesures visant à réformer leur financement.

En deuxième lieu, le PLFSS pour 2020 est l’une des étapes importantes avant la publication d’un projet de loi ambitieux, annoncé par le Gouvernement et attendu par tous les parlementaires, portant sur le grand âge et l’autonomie. La dépendance, son financement et sa prise en charge ont été l’un des fils rouges des auditions que nous avons menées. Le PLFSS pour 2020 amorce, d’une certaine manière, le texte à venir, sans proposer de solutions de financements pour des mesures dont  la pertinence, la cohérence et la complémentarité doivent être discutées.

Pour autant, je souhaite souligner l’avancée fondamentale que représente la création, proposée par le PLFSS pour 2020, d’un congé de proche aidant rémunéré. Je vois dans cette mesure, non pas la réponse à tous les problèmes, mais bien une première étape vers la reconnaissance par la collectivité nationale du rôle essentiel des aidants. Ce congé permet également de répondre partiellement à une aspiration exprimée par la majorité de nos aînés et par leur entourage, à savoir la possibilité de rester chez soi malgré une perte d’autonomie et celle pour leurs proches de prendre soin d’eux dans des moments particuliers.

Le PLFSS fait également écho à la réforme des retraites, annoncée par le Gouvernement et pour laquelle des concertations sont en cours, sans pour autant être le PLFSS de la réforme des retraites, ni même du retour à l’équilibre des comptes de la branche vieillesse, dont je rappelle que nous avons fait un préalable à la future réforme. Je le redis donc : l’équilibre de la branche vieillesse et la solidarité en faveur des retraités les plus modestes sont deux combats que le Gouvernement et la majorité parlementaire mènent et ils trouvent leur place dans le texte que nous examinons aujourd’hui. En témoigne la mesure de transition vers la retraite sans rupture de droits des allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Je veux évoquer les principaux éléments qui me conduisent à qualifier ce PLFSS de PLFSS de la transformation. Ce texte contient en effet de nombreuses mesures fortes et innovantes, dont nous nous réjouissons, Éric Alauzet et moi-même.

Tout d’abord, je souhaiterais aborder la question du recouvrement des cotisations, l’un des enjeux majeurs du texte. L’éclatement entre les URSSAF et les caisses en charge des régimes particuliers est porteur de lourdeurs administratives, de surcoûts de gestion, d’insécurité et reste peu lisible pour les assurés. Le PLFSS pour 2020 poursuit et acte le rapprochement, initié en 2018, de l’ancien régime social des indépendants (RSI), devenu SSI, et des URSSAF, chantier qui sera définitivement achevé début 2020 et dont je salue le bon déroulement. On peut déjà en mesurer les impacts positifs auprès des chefs d’entreprise dans nos territoires. Il prévoit également d’aller encore plus loin dans cette dynamique de simplification, en allégeant les obligations déclaratives des indépendants et en proposant de fusionner la procédure relative aux cotisations et contributions sociales dues par les indépendants avec celle qui est applicable à leurs impôts. Nous serons donc passés, en moins de trois ans, de trois déclarations à une seule pour ces chefs d’entreprise.

L’autre transformation majeure est celle de l’unification du réseau de recouvrement de la sphère sociale. Concrètement, cela signifie qu’à horizon 2023, pour les salariés du privé affiliés à l’AGIRC-ARRCO – et, dans un calendrier restant à définir, pour les régimes spéciaux et les employeurs publics –, l’URSSAF deviendra le collecteur de la quasi-totalité des cotisations auprès de tous les employeurs. Pour quelqu’un qui a connu, comme moi, la clause de respiration, cela constitue une avancée majeure dans la simplification de la vie administrative des entreprises.

Dans cette optique, le PLFSS pour 2020 s’inscrit pleinement dans la logique que nous défendons depuis le début de notre mandat et qui a présidé à l’élaboration de la loi pour un État au service d’une société de confiance, celle de la simplification des procédures et de l’amélioration du service aux entreprises et aux assurés. À ce titre, les URSSAF offriront des services plus personnalisés aux entreprises et la déclaration sociale nominative permettra, à très court terme, de simplifier les démarches et de sécuriser la situation des salariés.

Concernant le système de santé, notamment le monde hospitalier, la transformation engagée vers un financement plus adapté à ses missions et qui puisse être moteur d’amélioration de la qualité est une autre thématique à laquelle ce PLFSS apporte des réponses. Il propose en effet de s’adapter aux missions des hôpitaux de proximité, qui, comme je l’ai rappelé, sont redéfinies dans le cadre du plan « ma santé 2022 ». Le dispositif proposé à ces hôpitaux repose sur quatre axes principaux, dont une garantie pluriannuelle leur permettant de projeter leur activité sur le temps long, en totale cohérence avec les souhaits exprimés par les professionnels et les experts de la santé dans le cadre des auditions qu’Éric Alauzet et moi-même avons menées.

Pour terminer sur le thème de la santé, je tiens à saluer tout particulièrement l’article 40 du PLFSS, qui propose de créer un parcours global de soins destinés aux patients souffrant des effets secondaires d’un traitement contre le cancer. La création de ce forfait répond aux besoins d’un nombre malheureusement croissant de nos concitoyens, par des modalités budgétaires innovantes.

Je tiens enfin à signaler l’importance donnée par ce PLFSS à la branche famille. Le recouvrement des pensions alimentaires et les difficultés qu’il entraîne sont l’une des préoccupations de nos concitoyens, que le grand débat national a permis de mettre en lumière. Afin d’apporter une réponse concrète et opérationnelle à ce problème, le PLFSS pour 2020 propose la création d’un véritable service public de recouvrement des pensions alimentaires. Chargé de l’intermédiation entre le parent débiteur et le parent créancier, il instaurera un système de compensation permettant non pas de traiter les incidents de paiement ex post, mais de les prévenir et de les amortir immédiatement. La montée en charge de ce service se fera progressivement, jusqu’à couvrir, en 2021, tous les parents qui en feront la demande. Cette mesure est, à mes yeux, l’une des plus emblématiques du PLFSS pour 2020.

Bien sûr, je n’ai pas épuisé tous les sujets de ce texte, fort riche. Comme vous l’aurez compris, il s’inscrit pleinement dans la dynamique de transformation, à la fois, de notre système de santé et de la relation entre l’administration et ses usagers. Il amorce enfin, sans les dévoyer, les deux prochains textes majeurs que seront la réforme pour un système universel de retraite et celui sur l’autonomie et le grand âge.

M. le président Éric Woerth. La principale question est celle des relations entre l’État et la sécurité sociale. Sur ce point, nous assistons à une sorte de volte-face. L’année dernière, en effet, pensant que la sécurité sociale reviendrait à l’équilibre, vous aviez considéré qu’il ne fallait plus compenser. Mais tel n’est pas le cas. Se pose ainsi de nouveau, et plus crûment, le problème de ces relations. Jusqu’à présent, il était tout de même assez clair que, lorsque l’État prend des mesures d’exonération d’un certain nombre de cotisations sociales ou des décisions qui pèsent sur les comptes de la sécurité sociale, il doit les compenser.

La sécurité sociale n’a à prendre en charge que les mesures de gestion qui relèvent d’elle-même. Pour faire toute la clarté sur les responsabilités, il faut absolument rétablir la compensation des mesures de l’État qui pèsent, comme c’est le cas aujourd’hui, sur les comptes de la sécurité sociale.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je commencerai par saluer le travail de nos deux rapporteurs pour avis sur ce PLFSS 2020, comme je saluerai l’engagement qui est pris d’un retour à l’équilibre pour 2023 et la transparence de l’énoncé : oui, cette année, nous allons encore être en déficit.

Je veux à mon tour me réjouir de toutes les mesures importantes que vous avez citées : le congé de proche aidant ; pour les indépendants et les agriculteurs, les droits renforcés pour les pensions d’invalidité ; pour la famille, la possibilité de pouvoir prélever la pension alimentaire pour les mauvais payeurs ; l’augmentation des minimums sociaux, de l’AAH et du minimum vieillesse… Sans attendre la réforme du grand âge et la réforme des EHPAD, un chèque de 500 millions d’euros doit permettre de faire face tout de suite aux difficultés que connaissent ces établissements. L’ONDAM est augmenté. Ainsi, depuis le début de notre mandat, 5 milliards d’euros supplémentaires sont injectés chaque année pour la santé des Françaises et des Français. Citons aussi la suppression des charges, pendant deux ans, pour les jeunes médecins, afin de les encourager à s’installer dans les zones tendues : c’est une réelle incitation pour lutter contre les déserts médicaux. Rappelons encore la prise en charge des frais d’hébergement et de transport pour les femmes enceintes qui sont loin de la maternité. Et cette liste est loin d’être exhaustive ! Autant de mesures de ce PLFSS que nous devons saluer.

Pour autant, j’ai une inquiétude et une interrogation.

Mon inquiétude porte sur le renouvellement de la prime exceptionnelle, dite prime Macron. Même si les entreprises disposeront cette fois d’un délai de six mois, contre trois mois l’année dernière, pour se saisir de ce dispositif et donner la prime, sa corrélation avec la conclusion d’un accord d’intéressement et de participation me fait craindre que les délais de signature ne permettent pas aux entreprises d’être aussi libres dans le versement de cette prime.

Mon interrogation est celle que je formule en tant que rapporteure spéciale de la mission Travail et emploi. L’exonération des cotisations sociales pour les aides à domicile est en effet compensée sur ce budget, tout comme celle des charges pour les auto-entrepreneurs de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (ACRE). Est- il cohérent que, s’agissant de deux mesures sur lesquelles la ministre du travail ne peut pas forcément peser, la compensation financière soit néanmoins imputée sur son budget ?

Mme Véronique Louwagie. La non-compensation des mesures d’urgence économiques et sociales et la question du transfert entre les branches de la sécurité sociale constituent le point crucial de ce PLFSS. Le lourd déficit du budget de la sécurité sociale cette année en est une conséquence directe. Il est important de souligner que ce déficit est dû, non pas à un échec de l’organisation des partenaires sociaux par branche, mais à une décision extérieure à eux, qui vient interférer sur les équilibres et qui remet en cause le principe de compensation qui existait depuis 1994. Cela vaut tant pour l’article 3 que pour l’article 17 du texte, par lequel l’État décide de réduire forfaitairement sa compensation au titre de l’exonération en faveur des jeunes entreprises innovantes.

J’en viens à mon deuxième point. Dans le cadre de la prévision des recettes et des tableaux d’équilibre des branches, nous constatons que la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) est en excédent de 1,4 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien au regard du déficit. Cela montre que ce sont finalement les entreprises qui contribuent largement au financement, au titre de la compensation avec les autres branches.

Troisièmement, on note une modification importante de l’évolution du mode de financement des hôpitaux de proximité. Avez-vous des simulations ? Il importe de connaître les impacts de ces décisions.

Quatrièmement, vous avez parlé, madame Motin, de mesures ambitieuses s’agissant de l’installation des jeunes médecins. À la lecture de l’article 36, je suis quant à moi très déçue. Certes, il  y a des annonces, mais quel impact auront-elles ?

Cinquièmement, sur la reconduction de la prime Macron, il me semble nécessaire de mettre en place une simplification de la procédure du contrat d’intéressement, notamment pour les petites entreprises.

Enfin, l’article 36 prévoit la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des pesticides. C’est l’État qui crée ce fonds, mais il ne fait pas partie des contributeurs. Il n’y contribue pas du tout ! Il y a pourtant là une vraie responsabilité des pouvoirs publics… Je m’interroge donc sur la mise en œuvre concrète de ce fonds. Pour avoir été confrontée à des difficultés s’agissant du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine, je me demande si nous n’allons pas retrouver le même problème.

Mme Sarah El Haïry. Nous saluons évidemment l’équilibre de ce PLFSS, et nous souhaitons également l’améliorer. Nous proposerons ainsi l’élargissement de la prime Macron aux associations. Vous nous retrouverez aussi dans le combat pour la famille, notamment dans le débat autour du quotient familial. Enfin, nous pensons que l’équilibre peut aussi être atteint en envoyant des signaux, par exemple en taxant plus lourdement ce qui est mauvais pour la santé. Nous  avons donc déposé un certain nombre d’amendements sur le sucre et sur le sel, qui visent à mieux accompagner l’évolution de notre société.

M. Jean-Louis Bricout. Pour nous, comme pour vous, il y a des moments où nous avons l’occasion de souhaiter une bonne santé à nos concitoyens et au personnel du secteur médical. Et puis il y a les moments budgétaires, tel l’examen du PLFSS, qui sont des moments de vérité sur les moyens mobilisés pour faire coller les paroles aux actes… Or force est de constater qu’avec un ONDAM à 2,3 %, et même à 2,1 % pour le secteur hospitalier, les moyens ne sont pas en adéquation avec les besoins.

Il faut certes se féliciter de mesures que nous n’avons eu de cesse de vous souffler à l’oreille, comme la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, le début du financement du congé de proche aidant ou encore l’instauration d’un fonds de financement des victimes des produits phytosanitaires.

Mais vos prévisions de dépenses semblent ignorer l’environnement économique. Fixer un ONDAM à 2,3 %, et même à 2,1 % pour le secteur hospitalier, alors que la croissance s’établit à 1,3 % et l’inflation à 1 %, revient ni plus ni moins à une baisse de la part des dépenses de santé dans le PIB…

Ce budget semble ne rien savoir du sentiment qu’éprouvent nos concitoyens sur leur prise en charge, quand la santé vient à leur manquer. Ils ont alors le sentiment de se trouver plutôt en face d’un parcours du combattant que d’un parcours de soins. Ce budget semble ignorer la souffrance des personnels. Le personnel médical est à bout, fuit quelquefois l’hôpital, passe parfois du statut de soignant à celui de patient. Vous n’entendez pas ses revendications, ses demandes de renforts humains et son besoin de reconnaissance. Ce budget et ses prévisions de dépenses n’ont que faire non plus du vieillissement constaté de la population, de son augmentation, ni même des progrès technologiques, scientifiques, techniques, médicaux, qui ouvrent d’autres perspectives de soins, certes souvent plus coûteuses… Vous semblez aussi indifférents aux enjeux de démographie médicale sur nos territoires. Vos politiques poussent souvent à une concurrence malsaine entre les territoires et à des comportements de négociation de salaire qui frisent quelquefois l’indécence. Les zones de carence médicale présentent également beaucoup d’incohérences…

Après dix-huit ans de déficit, alors que l’on s’acheminait enfin vers un équilibre, vous avez pris la fâcheuse initiative de ne pas compenser par le budget de l’État les mesures « gilets jaunes ». La sécurité sociale est ainsi de nouveau plongée dans les déficits… Une petite éclaircie seulement : hier, en commission des affaires sociales, on y a rejeté cette très mauvaise idée. Pourvu que le vote soit confirmé en séance publique !

Nous prendrons toute notre part dans l’amélioration de ce budget. Mais il vous faudra beaucoup de courage pour terminer vos cérémonies de vœux par la formule consacrée : « bonne année et bonne santé ! »

Mme Lise Magnier. L’examen du budget de la sécurité sociale est toujours un moment fort du calendrier parlementaire. Il traduit les efforts particuliers consentis par la nation pour protéger nos concitoyens face aux aléas de la vie. Le PLFSS que nous examinons cette année présente des comptes dégradés à hauteur de 5,4 milliards d’euros pour cette année et 5,1 milliards d’euros pour l’année prochaine, alors que nous avions salué l’an dernier le retour à l’équilibre des comptes, après dix-huit ans de déficit.

Ce déficit tient à une conjoncture moins favorable qu’anticipé, mais surtout à la non-compensation des mesures adoptées en fin d’année dernière. Faisant preuve d’esprit de responsabilité, nous avons soutenu ces mesures d’urgence. Elles concrétisaient des choix forts opérés en réponse au sentiment d’injustice qui traversait alors notre pays.

La commission des affaires sociales a choisi symboliquement, hier, de rejeter le principe de non-compensation de ces mesures, en vue de susciter un débat sur ce sujet en séance publique. Je suis personnellement convaincue qu’il faut s’intéresser globalement au déficit des comptes publics, mais je comprends que cela fasse l’objet d’un débat et, surtout, je crois que cela pose la question de nos capacités futures à financer un cinquième risque, celui de la dépendance.

Sur ce PLFSS, je souhaite saluer différentes mesures et, d’abord, la naissance d’une obligation de constituer des stocks pour faire face à la pénurie de médicaments. Dans le contexte actuel, c’est plus que nécessaire. Je me réjouis également de la création du contrat de début d’exercice ouvert à l’ensemble des médecins s’installant dans une zone sous-dense et regroupant quatre dispositifs, ou encore de l’enveloppe de 50 millions d’euros supplémentaires en faveur des services d’aide à domicile.

D’autres mesures posent question, notamment les économies dans le secteur du médicament, mais aussi du dispositif médical. Et je m’interroge, comme madame Louwagie sur la création du fonds d’indemnisation pour les victimes professionnelles des produits phytosanitaires, dans lequel l’État ne prend pas sa part…

Je veux surtout saluer deux mesures particulières, à commencer par la pérennisation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat conditionnée à un accord d’intéressement, ce qui va dans le bon sens. Nous appelons cependant votre attention sur le fait qu’en l’état, cette disposition écarte les entreprises de moins de onze salariés dans lesquelles la mise en place d’un tel accord se heurte à de nombreux obstacles d’ordre technique et financier. Je me réjouis, à cet égard, de l’adoption, hier soir, d’un amendement de mon collègue Paul Christophe qui permettra précisément aux entreprises de moins de onze salariés de s’inscrire dans ce dispositif.

Par ailleurs, nous nous réjouissons de la création d’une indemnisation du congé de proche aidant, mesure à laquelle notre groupe est très attaché. Certes, nous comprenons bien qu’il s’agit d’une première brique, mais nous restons convaincus qu’il faudra aller bien au delà de la durée de trois mois pour couvrir l’ensemble des situations.

 

M. Charles de Courson. Le  tableau relatif à l’ensemble des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse fait apparaître qu’on ne parvient pas à redresser les comptes sociaux : – 1,4 milliard d’euros en 2018, – 5,5 milliards d’euros en 2019, – 5,6 milliards d’euros en prévision 2020 et – 4,6 milliards d’euros pour 2021.

Ma première question porte sur la dégradation continue – et rapide – de la branche vieillesse. Or, les réformes envisagées ne s’appliqueraient qu’à partir de 2025. Quelle est votre analyse ?

Deuxièmement, les pensions seront revalorisées de 0,3 %, ou de 1,3 % si elles sont inférieures à 2 000 euros. Les Français ayant en moyenne trois retraites, comment allez-vous procéder ? Les retraites complémentaires sont-elles comprises dans ces 2 000 euros ?

Troisièmement, savez-vous combien représentent au total les mesures de non-compensation, décision qui  rompt avec une règle respectée, gouvernement après gouvernement, depuis une quinzaine d’années ? Pour les heures supplémentaires, c’est, je crois, de l’ordre de deux milliards d’euros, et pour la baisse de la CSG, c’est environ un milliard et demi d’euros. Pourriez-vous nous donner des chiffres précis ?

Enfin, s’agissant de la branche maladie, pourriez-vous nous donner votre appréciation sur la capacité de ramener une augmentation tendancielle de 4,4 % à 2,3 %, puisque tel est le niveau de l’ONDAM ? Cela représente en effet quelques milliards d’euros d’économie… Cela vous semble-t-il réaliste ? Je pense notamment à la restructuration de l’offre de soins.

Mme Sabine Rubin. Je voudrais rappeler la philosophie de La France insoumise : nous ne sommes pas favorables à la logique de compensation, par l’État, des pertes de recettes de la sécurité sociale. La sécurité sociale existe en soi, avec ses propres recettes et sa propre logique de solidarité. Quand on affaiblit la sécurité sociale à coups de désocialisation et de révision des taux, on affaiblit ce qui fait précisément l’originalité du dispositif français. Cela étant, puisque le mécanisme de compensation existe depuis un certain temps, le supprimer complètement revient à détruire complètement le dispositif.

M. Fabrice Brun. Je poserai deux questions à nos rapporteurs.

La première portera sur l’évaluation de la loi Touraine de 2016. Quel est le dispositif prévu dans ce PLFSS pour l’évaluation des périmètres des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Certains fonctionnent, d’autres pas. Par ailleurs, des départements entiers, dont l’Ardèche – 330 000 habitants –, sont dépourvus d’hôpitaux supports.

Ma deuxième question est relative à la désertification médicale. Dans le contexte de démographie médicale nationale tendue que nous connaissons, des territoires et des vallées entières sont sans médecin. Cela concerne des zones rurales, des zones périphériques, mais aussi certains quartiers. Combien de temps notre système de santé pourra-t-il tenir sans réguler l’installation de médecins ? En quoi le PLFSS répond-il à cette préoccupation majeure de nos concitoyens ?

Mme Christine Pires Beaune. Avez-vous des informations sur le coût de l’intérim des professions médicales, notamment pour ce qui concerne les médecins et les spécialistes ? Par ailleurs, avez-vous mesuré l’effet d’éviction vers le revenu de solidarité active (RSA) qu’aura indéniablement la réforme de l’assurance chômage ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Commençons par la question de la non-compensation par l’État de certaines dépenses sociales décidées dans le cadre des mesures d’urgence économiques et sociales en fin d’année dernière, qui anime beaucoup nos débats et ceux de la commission des affaires sociales. Nous avons tous vécu la fin de l’année 2018 comme un moment important d’écoute de nos concitoyens. Nous avons tous entendu les demandes prégnantes qui étaient formulées. Le Gouvernement et la majorité ont souhaité y répondre par des mesures qui nous étaient d’ailleurs proposées depuis quelque temps par nos collègues Les Républicains. Je pense notamment à celles relatives aux heures supplémentaires. Ces mesures ont été conçues, dès l’origine, pour être portées par la sécurité sociale sans compensation de l’État. Certes, elles ne devaient s’appliquer qu’à partir du mois de septembre 2019, et non du mois de janvier 2019, mais vous conviendrez avec moi que les événements exceptionnels que nous avons vécus en fin d’année nécessitaient une réponse immédiate. Nous avons donc décidé ensemble – puisque nombreux sont ici ceux qui ont voté ces mesures – de faire mieux et de prévoir la mise en place, dès janvier 2019, du dispositif relatif aux heures supplémentaires, celles-ci, étant, je le rappelle, non seulement désocialisées, mais également défiscalisées – ce dernier aspect étant par définition totalement supporté par l’État.

Cette mise en œuvre anticipée constitue effectivement un surcoût qui n’est pas compensé, car, encore une fois, la mesure n’était pas initialement prévue pour être compensée en 2019. En outre, le programme de stabilité que nous avons adopté et présenté à nos amis européens intégrait complètement la non-compensation de cette charge.

Par ailleurs, nous avons dû faire face au problème de l’augmentation de la CSG. Vous nous aviez alertés sur tous les bancs et nous étions tous d’accord pour revoir la copie, mais cela a effectivement un coût : 1,2 milliard d’euros.

Il reste que l’essentiel des 5,4 milliards d’euros de déficit n’est pas uniquement lié à ces mesures. Il s’explique aussi par la moindre dynamique de la masse salariale en France : nous avons créé des emplois, mais la masse salariale n’a pas connu la dynamique que nous espérions. Nous n’avons pas non plus atteint totalement l’objectif des prévisions macro-économiques de croissance, même si les décisions que nous avons prises en loi de finances l’année dernière ont permis à la France de maintenir un taux de croissance bien meilleur que celui des autres pays de la zone euro. C’est la politique que nous menons en faveur de nos entreprises et de l’emploi qui nous permet d’atteindre ce niveau. Le déficit que nous constatons ne nous réjouit évidemment pas plus que vous, mais nous avons décidé de l’assumer.

La loi Veil de 1994 a posé le principe, au moment de la création des allégements généraux de charges, de la compensation par l’État à la sécurité sociale des allégements en question. Mais dès 2005, la LOLFSS a prévu une exception qui a été maintes fois invoquée par la suite. Ainsi, je tiens à votre disposition une note qui montre qu’à peu près tous les ans, depuis le départ, il y a eu des exceptions à la compensation directe – parfois à la marge.

Le rapport Charpy-Dubertret refait précisément l’historique de cette loi et de ses effets. Il en tire des conclusions qui sont pour moi tout aussi valables dans le contexte de prévision d’excédents que nous connaissions l’année dernière que dans celui-ci. Certes, nous repoussons un peu l’objectif de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais nous ne l’abandonnons absolument pas. Je vous propose, comme l’a fait le ministre Gérald Darmanin la semaine dernière devant la commission des affaires sociales, de recevoir les auteurs de ce rapport afin d’échanger avec eux. Et nous aurons de toute façon le débat dans l’hémicycle.

J’en viens aux autres points qui ont été abordés.

S’agissant de l’intéressement, je commencerai par rappeler que, grâce à la loi PACTE, des modèles d’accord d’intéressement sont aujourd’hui disponibles sur internet. Le ministère du travail les a validés et mis à disposition des entreprises, notamment des TPE. Par ailleurs, nous avons adopté l’année dernière l’exonération de forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés. En outre, la prime exceptionnelle sera conditionnée uniquement à l’intéressement, et non à la participation. Enfin, la possibilité de créer un accord pour une durée inférieure à trois ans répond à une vraie demande des TPE-PME. Elles vont disposer d’un outil qui leur permettra de le faire : un engagement pourra donc être pris sur une période adaptée aux TPE.

Nous avons fait en sorte que les entreprises puissent signer très rapidement des accords et les faire enregistrer puisque nous avons allégé les obligations d’enregistrement auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

S’agissant de la prise en charge des mesures ciblées par les ministères, une règle de responsabilisation prévaut depuis plusieurs années. Elle est réaffirmée en quelque sorte au travers du rapport Charpy-Dubertret. Il est en effet important que chaque ministère soutienne, dans son budget, la politique publique qu’il a décidé de mettre en œuvre. Ainsi, l’année dernière, nous nous étions collectivement battus en faveur d’un allégement de charges pour les travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TO-DE). C’est précisément le ministère de l’agriculture et de l’alimentation qui portait cette mesure dans son budget. De même, il est logique que le ministère du travail porte ses objectifs et ses choix de politique publique dans son propre budget.

Madame Louwagie, en ce qui concerne le financement des hôpitaux de proximité, la garantie pluriannuelle est extrêmement importante. Tous les acteurs de l’hôpital nous ont demandé cette visibilité pluriannuelle sur leur budget. Ce que nous mettons en place pour les hôpitaux de proximité constitue une véritable avancée, qui répond à leurs besoins et à leurs demandes. Nous mènerons, bien sûr, une évaluation de ce dispositif assez innovant dans le secteur de l’hôpital. De toute façon, nous sommes en train de changer un certain nombre de modes de financement : il faudra donc évaluer aussi le nouveau mode de financement de la psychiatrie, qui permettra en outre d’assurer une complémentarité des offres dans les territoires. L’idée est de prendre vraiment en compte les besoins des territoires au travers de ces hôpitaux et de ces financements, mais aussi d’avoir une meilleure articulation avec la médecine de ville. C’est pour cela que nous avons besoin de revoir en profondeur la façon dont les hôpitaux fonctionnent et sont financés. Ils pourront ainsi travailler avec des professionnels exerçant en libéral, qui n’ont pas le même type de rémunération. Tout cela est en lien avec le plan « ma santé 2022 ». Le dispositif sera bien évidemment évalué de manière très fine : quand on modifie aussi profondément un système de financement, on ne peut pas s’arrêter là.

Le fonds d’indemnisation des victimes des pesticides fonctionne selon une logique de pollueur-payeur : ce sont les recettes fiscales liées aux produits phytosanitaires qui vont le financer. Comme cela a été dit, la branche AT-MP est actuellement excédentaire. Or, l’exposition aux produits phytosanitaires est souvent liée à l’activité professionnelle – c’est le cas des agriculteurs, mais ils ne sont pas les seuls. L’idée est donc de financer le fonds à la fois par les recettes fiscales des produits phytosanitaires et par la branche AT-MP.

En ce qui concerne les jeunes médecins et leur installation, je suis un peu déçue que vous pensiez que le dispositif n’est pas assez ambitieux. Nous avons actuellement un véritable problème, lié au numerus clausus. Mais, comme madame la ministre des solidarités et de la santé l’a rappelé, ce n’est pas parce qu’on fait sauter aujourd’hui le numerus clausus qu’il va y avoir demain un afflux de médecins dans nos territoires. Il faudra un peu de temps pour les former. En attendant, nous essayons, à travers les mesures en question, de rendre un peu plus attractifs les territoires sous-denses, ceux où l’on manque cruellement de généralistes et de spécialistes. L’objectif est aussi de répondre à ce qui constitue un changement sociétal : les jeunes médecins ne veulent plus nécessairement exercer et être rémunérés comme leurs aînés. On s’oriente donc vers une sorte de salariat, avec des contrats assez structurants pour l’activité et la rémunération des jeunes médecins. Nous considérons que cela correspond à leurs demandes, notamment parce que le dispositif a été construit avec eux. À nous de faire en sorte qu’il soit efficace et attractif.

Cela me permet de répondre en même temps à la question de monsieur Brun : il est vrai que la ministre a fait très clairement le choix de ne pas contraindre l’installation des médecins. La médecine de ville se veut une médecine libérale, garantissant la liberté d’installation ; à nous de rendre attractifs les territoires sous-denses. C’est l’objectif des mesures s’adressant aux jeunes médecins. Je sais que les collectivités territoriales font énormément, elles aussi, pour les accueillir : au delà de la mise à disposition de locaux, elles mettent tout en œuvre pour favoriser leur vie de famille. Je pense – c’est en tout cas ce que nous souhaitons – que les efforts conjoints des collectivités territoriales et de l’État pour offrir également des garanties de rémunération aux jeunes médecins seront de nature à encourager la réinstallation de praticiens dans les zones sous-denses.

Madame El Haïry, nous étudierons les propositions du MoDem avec exigence et bienveillance.

Monsieur Bricout, la progression de l’ONDAM hospitalier est effectivement un peu moins importante cette année, mais je ne voudrais surtout pas que l’on oublie, d’une part, qu’un ONDAM en progression de 2,1 %, cela représente quand même de l’argent en plus pour la santé et pour l’hôpital, et que, d’autre part – et même surtout –, des efforts très importants avaient été consentis en 2018 et en 2019. Il s’agissait, notamment, d’opérer un rattrapage : l’ONDAM avait progressé très faiblement les années précédentes pour ce qui est de l’hôpital. Il n’est donc pas vrai de dire que nous oublions l’hôpital : nous continuons à faire progresser les dotations, mais la hausse retenue s’appuie sur l’analyse du tendanciel, lequel fait apparaître clairement une diminution de l’activité dans les hôpitaux, aussi étonnant que cela puisse paraître. On observe en effet une baisse de la fréquentation des hôpitaux, alors même qu’il y a une hausse de la demande et de l’activation de l’ONDAM de ville. De fait, celui-ci ne concerne pas seulement les médecins, mais inclut aussi les suites d’hospitalisation. Ainsi, quand un traitement médical est prescrit à l’hôpital, une fois que vous êtes rentré chez vous, c’est l’ONDAM de ville qui en supporte le coût. Il ne faut donc pas se focaliser uniquement sur des montants ou sur des écarts. Très clairement, le secteur hospitalier n’est pas oublié.

De la même façon, le vieillissement de la population est pris en compte, à hauteur de 500 millions d’euros. Nous avons discuté avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) des efforts de l’État et de son financement propre.

 

S’agissant des médicaments innovants, je voudrais saluer deux articles du texte qui me semblent importants : ils concernent les clauses de sauvegarde sur le  prix des médicaments. Il s’agit de continuer à financer l’innovation avec les laboratoires, mais aussi de réguler les prix, car l’innovation, dans le domaine de la santé, peut coûter très cher. Il importe donc d’y prendre garde.

Monsieur de Courson nous a interrogés sur la branche vieillesse et le problème que constitue son déficit. Il est vrai que, cette année, on observe un accroissement lié à une liquidation des retraites plus importante que ce qui était prévu. Cela s’explique en partie par un phénomène démographique. Quoi qu’il en soit, les prévisions étaient trop basses par rapport à l’exécution réelle. Pour les pensions de retraite inférieures à 2 000 euros mensuels, cette année, la revalorisation tiendra compte en effet de l’inflation. Pour apprécier ce montant, sont considérées les pensions de retraite du régime général et du régime complémentaire – vous faites bien de le noter. Comment connaît-on les montants des pensions perçues par les retraités ? Grâce à la déclaration sociale nominative (DSN). Je tiens à préciser que la revalorisation porte uniquement sur la retraite de base. Les complémentaires ont cependant annoncé une revalorisation au niveau de l’inflation à partir du 1er novembre 2019.

Madame Pires Beaune, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur l’intérim des médecins. C’est en effet un sujet important, auquel la ministre s’attaque, même si je n’ai pas vu dans ce PLFSS des dispositions permettant de remédier spécifiquement au problème. Enfin, je ne vois pas de lien entre l’éviction du RSA et la réforme du chômage. Les deux sujets me semblent assez éloignés.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Cendra Motin a été très complète et a parfaitement répondu aux différentes interrogations. Je me contenterai donc d’une remarque.

En effet, on s’étonne des déficits, mais ils étaient attendus du fait de l’épuisement des mesures d’âge et de la situation économique. On a frôlé l’équilibre en 2019, puis le déficit est reparti à la hausse : d’où les débats actuels et la préparation de la réforme à venir, qui va au delà de ce que le candidat Macron avait annoncé dans sa campagne, à savoir l’introduction d’un système par points. Nous devrons en effet nous saisir de la question de l’équilibre des régimes de retraite. Les choses sont plutôt simples à comprendre : le déséquilibre s’explique par le vieillissement de la population – qui est une bonne chose en soi –, le nombre croissant d’allocataires, la crise économique, ou encore le nombre d’années de cotisation. Sur ce point précis, l’évolution n’est pas liée à un problème de compensation accordée par l’État aux régimes de retraite.

M. le président Éric Woerth. Ce que vous dites à propos des régimes de retraite est exact, monsieur le rapporteur pour avis ; le problème est que la non-compensation des décisions liées à la crise sociale obscurcit quelque peu la vision du déficit de la sécurité sociale, mais aussi les mesures de régulation qui doivent être prises. En effet, la régulation devrait intervenir ailleurs, car c’est l’État qui décide de jouer sur les charges sociales ou sur la fiscalité. Pour la clarté des choses, il faut que les déficits apparaissent chez ceux qui les ont créés.

Madame Motin, vous avez évoqué la dynamique de la masse salariale. Il en a toujours été ainsi : quand la masse salariale est dynamique, cela va très bien pour la sécurité sociale, car les recettes progressent très vite et un certain nombre de dépenses n’interviennent pas. Depuis plusieurs années, du fait de la croissance, la masse salariale est dynamique : cela aurait dû amener à essayer de réguler le déficit de la sécurité sociale sur le plan structurel, et non conjoncturel. Or il n’y a pas eu grand-chose de fait à cet égard. On peut le regretter car, dans ce schéma, dès que la dynamique ralentit, le déficit augmente très vite.

La commission aborde l’examen des articles du projet de loi, sur lesquels elle est saisie pour avis.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2018

Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2018

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er sans modification.

Article 2 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2018 (annexe A)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2019

Article 3 : Correction des affectations de recettes à la sécurité sociale pour l’exercice en cours

La commission examine l’amendement CF13 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à supprimer l’article 3 en raison des non-compensations. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus précisément avec les amendements suivants.

M. Charles de Courson. Quel est le montant des exonérations et décisions non compensées ? Si j’ai bien compris, il y a donc 2 milliards pour les heures supplémentaires et 1,2 milliard ou 1,5 milliard pour la CSG, soit 3,2 milliards ou 3,5 milliards. Est-ce bien cela ?

Mme Valérie Rabault. C’est 3,5 milliards, en effet !

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Concrètement, le fait d’avoir avancé au 1er janvier 2019 les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires représente un surcoût de 1,2 milliard. La réduction du taux de CSG pour les retraités coûte quant à elle 1,5 milliard d’euros. Le surcoût est donc très précisément de 2,7 milliards d’euros.

M. Charles de Courson. Mais l’anticipation n’est qu’un élément. Le reste avait-il été compensé ? Non. Dans le rapport figurant à l’annexe B, le Gouvernement évoque 2 milliards à propos de la non-compensation de l’exonération des cotisations sur les heures supplémentaires. À cela s’ajouterait donc 1,7 milliard. Cela fait-il donc 3,7 milliards, madame la rapporteure pour avis ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. La non-compensation initialement prévue concernant les heures supplémentaires représentait 0,6 milliard. Si on ajoute cette somme, on est donc à 3,3 milliards.

Mme Valérie Rabault. J’ai moi aussi fait le décompte. Je suis d’accord avec vous : la mesure concernant la CSG et celle qui est relative aux heures supplémentaires représentent 2,7 milliards. Mais il faut y ajouter les 800 millions non compensés du forfait social, ce qui donne un total de 3,5 milliards.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Cette mesure-là avait déjà été votée. Le principe en avait même été accepté lors de la discussion de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Elle est très clairement décorrélée des mesures d’urgence économiques et sociales.

Mme Valérie Rabault. J’aime bien les additions complètes et il faut que les choses soient claires pour tout le monde. Selon ce qui est envisagé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, l’ensemble des mesures non compensées à la sécurité sociale représentent un total de 3,5 milliards : 2,7 milliards pour la CSG et les heures supplémentaires, plus les 800 millions du forfait social. Il manque donc 3,5 milliards dans les caisses de la sécurité sociale du fait de décisions prises par le Gouvernement et qui ne sont pas compensées.

M. Charles de Courson.  La CSG représente 1,5 milliard. Qu’en est-il pour les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, si l’on tient compte aussi bien de la mesure initiale que de la mesure complémentaire ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Pour 2020, donc en année pleine, cela fait 1,2 milliard.

M. Charles de Courson. Madame Motin distingue la première et la seconde mesure, qui n’ont été compensées ni l’une ni l’autre. Or, en faisant la  somme des deux, on arrive bel et bien à 2 milliards  – cela figure dans le rapport annexé –, auxquels il faut ajouter le forfait social.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. En 2019, sur l’année pleine, on a 0,6 milliard plus 1,2 milliard, soit 1,8 milliard pour les heures supplémentaires ; en 2020, on aura 1,2 milliard.

Mme Valérie Rabault. Comment expliquez-vous cette évolution ?

M. le président Éric Woerth. On prévoit moins d’heures supplémentaires ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. En effet. La prévision repose sur l’évolution tendancielle des masses salariales.

Je vous entends dire, madame Rabault, qu’on retire de l’argent à la sécurité sociale, que l’État ne prend pas sa part… Rappelons cependant que la défiscalisation des heures supplémentaires, le fait d’avoir renoncé à la trajectoire de la taxe carbone – ce qui était aussi une forte demande des « gilets jaunes », et même, en réalité, de tous les Français ayant une voiture –, et un certain nombre d’autres mesures qui avaient été prises l’année dernière dans le PLF, pèsent environ pour 14 milliards d’euros. Ce n’est pas une broutille pour le budget de l’État. Nous pourrions poursuivre encore longtemps cette discussion autour de la compensation et de la non-compensation. Ce qui est important, c’est de regarder la dette globale de la France : c’est cela qui intéresse nos compatriotes. Or, eux ne font pas la distinction entre la dette de la sécurité sociale et celle de l’État : ils voient que, globalement, la dette est élevée, et cela les inquiète.

M. Gilles Carrez. J’ai toujours trouvé que la loi de 1994 était trop systématique. Elle a entraîné des comportements…

Mme Marie-Christine Dalloz. Irresponsables !

M. Gilles Carrez. … pas toujours très responsable. Que de fois n’ai-je entendu des collègues de la commission des affaires sociales dire : « il n’y a pas de problème, de toute façon le budget de l’État paiera ! » Il faut bien se rendre compte que, si on n’a pas la même pression, en matière de prélèvements obligatoires, sur les impôts et sur les cotisations sociales, on n’aura pas non plus la même pression sur les économies à trouver du côté des dépenses sociales et du côté du budget de l’État ; c’est évident. Or, une règle trop systématique conduit à avoir une double approche en matière de recherche d’économies.

M. le président Éric Woerth. Certes, mais il y a un modèle de financement de la sécurité sociale. Dès lors qu’il se trouve amoindri, il faut compenser, sinon on ne comprend plus rien.

M. Gilles Carrez. Sans pression sur les recettes, il n’y a aucun espoir de faire pression sur les dépenses.

M. le président Éric Woerth. Mais on peut se tromper de cible si on a une vision erronée des recettes.

Mme Valérie Rabault. Madame Motin, il est quand même curieux que celui qui prend les décisions les fasse payer à d’autres. L’État doit compenser à la sécurité sociale les mesures d’exonération qu’il prend car elles reviennent à diminuer ses rentrées. Je rappelle que, pendant le précédent quinquennat et celui d’avant encore, le Gouvernement compensait à la sécurité sociale les exonérations de cotisations. Il est incroyable de tenir un autre raisonnement que celui-là !

Par ailleurs, vous dites que tout est consolidé à la fin, quand on transmet nos chiffres à la Commission européenne. Tel est bien le cas, en effet. Alors, a fortiori, l’État n’a qu’à payer ce qu’il doit à la sécurité sociale. Il y a un tuyau entre la sécurité sociale et l’État, mais vous avez décidé d’arrêter le transfert. Le Gouvernement prend des décisions ayant un impact sur la sécurité sociale et ne les compense pas via le budget de l’État : je ne suis pas d’accord avec cette façon de procéder.

M. Julien Aubert. Je ne suis pas du tout d’accord avec l’argumentaire de madame Motin. Que l’on procède à une consolidation pour l’Union européenne, c’est normal, mais on ne fait pas un budget uniquement pour l’Union européenne : on le fait pour savoir où on impute les dépenses, combien on impute et comment on rend des comptes. C’est une affaire de sincérité des comptes. D’un côté, le ministre du budget annonce un certain niveau de déficit de l’État et met en avant des économies, et, de l’autre, on s’aperçoit que plusieurs milliards d’euros ne sont pas compensés. À cet égard, excusez-moi de le dire, je n’ai rien compris à vos additions, que vous avez dû reprendre trois fois. Il y a une différence de 800 millions d’euros ! C’est à peu près le budget de la rénovation de Notre-Dame de Paris. Autrement dit, à plus ou moins 800 millions d’euros, on sait exactement ce qui a été compensé ou pas. À quoi sert d’avoir une commission des finances et une commission des affaires sociales, si nous ne sommes pas en mesure d’avoir une vision plus claire de la situation !

En plus, il découle de ce cas d’espèce une déresponsabilisation des partenaires sociaux. Il ne sert à rien, en effet, de dire que la sécurité sociale doit être gérée par les acteurs si, dans les faits, on les prive – comme on le fait, par ailleurs, pour les collectivités territoriales – de la possibilité d’équilibrer les comptes. En outre, du point de vue de la cohérence du système, les Français n’y comprennent plus rien : d’un côté, ils paient des impôts, de l’autre, ils cotisent, mais on a totalement décorrélé les prestations et les cotisations. Enfin, là encore s’agissant de la cohérence du système, on traite dans des commissions différentes de deux parties qui sont de plus en plus imbriquées. Charles de Courson l’a montré : 50 % du budget de la sécurité sociale vient de l’impôt. Il va falloir clarifier les relations entre les deux parties. Pour inciter précisément à cette clarification, je vais voter cet amendement de suppression et les amendements qui suivent.

M. Éric Coquerel. Non, madame Motin, les Français ne se lèvent pas tous les matins en pensant à la dette. Ça, c’est ce qu’on veut leur faire croire. En revanche, ils se lèvent tous les matins en se demandant s’ils vont avoir de quoi finir le mois, s’il reste encore des services publics, si les pompiers, par exemple, auront les moyens de faire leur métier… Voilà quelles sont leurs préoccupations centrales ! Vous dites que les 14 milliards  « pèsent » sur l’économie, mais c’est aussi ce qui a permis à la France, pour la première fois depuis très longtemps, d’avoir 0,7 point de croissance. Cela a engendré des recettes supplémentaires.

Par ailleurs, on nous parle sans arrêt du « trou » de la sécurité sociale, on nous dit qu’on ne peut plus se permettre de payer les prestations sociales, mais le problème vient-il vraiment de la sécurité sociale ? Non, il n’est pas de son fait. À coups d’exonérations et de non-compensations, on est en train de tuer la sécurité sociale ! Fin 2018, la sécurité sociale était excédentaire de 500 millions d’euros ; là, on va la rendre artificiellement déficitaire, l’État refusant de compenser les mesures qu’il a décidé de prendre après le mouvement des « gilets jaunes ». Or, l’État n’a pas à doper la consommation populaire en puisant dans les ressources de la sécurité sociale ! De manière transpartisane, nous devrions tous pouvoir nous mettre d’accord sur ce point ! On peut avoir telle ou telle analyse politique, faire tel ou tel choix budgétaire : il n’est pas acceptable d’appauvrir artificiellement la sécurité sociale. À la suite de la mobilisation des « gilets jaunes », le Gouvernement a décidé de mettre de l’argent dans la consommation populaire mais ce n’est pas à la sécurité sociale de payer. C’est tout le problème ici.

M. le président Éric Woerth. Ce sont des opinions que nous partageons, monsieur Coquerel : il y a donc bien un côté transpartisan. Le problème est qu’à l’intérieur des partis eux-mêmes, il y a des opinions différentes. (Sourires.)

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure, je vous lis les deux dernières phrases de l’alinéa 35 du rapport annexé au projet de loi : « en effet, pour 2020, la LFSS pour 2019 avait déjà prévu de compenser à cette branche le coût de l’exonération des cotisations salariales au titre des heures supplémentaires et complémentaires et de préserver ses recettes. L’assurance vieillesse bénéficiera à ce titre à compter de 2020 de l’affectation de ressources aujourd’hui affectées à la branche famille à hauteur de 2 milliards d’euros. » Autrement dit, on prélève 2 milliards sur la branche famille pour compenser à la branche retraite ; ce n’est pas l’État qui compense. Le coût de l’exonération des heures supplémentaires est donc bien de 2 milliards. Si on prétend le contraire, c’est qu’on marche sur la tête !

 

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Il faut revenir au point de départ, c’est-à-dire à la situation exceptionnelle que notre pays a traversée et qui nous a tous secoués profondément. (Exclamations.) Mme Valérie Rabault. Ce n’est pas faute de vous avoir prévenus !

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis.  J’espère que la situation que nous avons connue nous a tous profondément interrogés. Nous avons, à cette occasion, pris des mesures sans précédent. Jamais un mouvement social n’aura d’ailleurs débouché sur de telles avancées. Sur l’ensemble de la séquence, avec la baisse de l’impôt sur le revenu à venir, il y a eu, tout de même, 17 milliards restitués à nos concitoyens. Eu égard à cette situation exceptionnelle, vos références doctrinales me semblent quelque peu déconnectées du terrain. La réalité sociale et économique peut justifier que l’État – pour 14 des 17 milliards – et la protection sociale – pour 3 milliards – contribuent ensemble à apaiser la crise.

Par ailleurs, Gilles Carrez l’a rappelé, ce n’est pas la première fois qu’il y a des mouvements plus ou moins équilibrés entre l’État et la sécurité sociale. En outre, comme en toute matière, quand il y a des règles, il y a aussi des exceptions. Il ne faut donc pas être trop doctrinaire sur le sujet.

Au delà des mesures qui ont été prises en faveur de nos concitoyens, l’objectif est bien l’amélioration des revenus du travail. Il s’agit de favoriser l’emploi. Or, qui dit plus d’emplois dit aussi plus de cotisations sociales. Il existe évidemment des passerelles économiques et sociales entre l’État et la sécurité sociale. Si l’État consent des dépenses sur son propre budget ou par un transfert à la sécurité sociale et que cela améliore l’emploi et les revenus des Français, ce seront autant de recettes nouvelles pour lui, bien sûr, mais aussi pour la sécurité sociale. Il est important de prendre en compte cette imbrication entre les deux dans notre modèle économique et social.

À cet égard, je suis assez choqué par l’exposé sommaire de votre amendement, monsieur Coquerel : nous  aurions pour intention de provoquer l’effondrement de la sécurité sociale ! Comment peut-on avoir des débats sérieux dans notre assemblée si on tient de tels propos ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Je voudrais rétablir la vérité sur au moins un point, monsieur Coquerel. Vous nous avez dit qu’en 2018, les comptes de la sécurité sociale étaient à l’équilibre. Or, si j’en crois les chiffres de la Cour des comptes, il y avait plutôt un déficit de 1,2 milliard. Je rappelle aussi que le niveau d’endettement de la sécurité sociale auquel nous revenons en 2019 est celui que nous avons trouvé en arrivant en 2017 et que, dès 2020, avec un déficit prévu de 5,1 milliards, nous renouons avec une trajectoire de diminution de la dette. Nous gardons l’objectif d’un retour à l’équilibre en 2023. Nous n’abandonnons donc rien du tout ; nous ne cassons rien.

Par ailleurs, certaines des mesures que nous avons prises pour répondre à la crise sociale relèvent des prestations sociales et pèsent directement sur le budget de l’État. Il en est ainsi par exemple de la prime d’activité. Or, elle représente plus de 4 milliards. On pourrait considérer qu’elle devrait entrer dans la sphère sociale. On pourrait, de la même façon, disserter longuement pour savoir si telle ou telle mesure relève du bon budget.

En l’occurrence, ce qui est important, je persiste à le dire, c’est d’observer le niveau global de l’endettement. Certes, les Français ne se réveillent pas tous les matins en pensant à la dette ; nous sommes bien d’accord sur ce point. Il n’empêche que c’est une préoccupation qui est remontée du terrain. De plus, de la même manière que, quand on parle des prélèvements obligatoires, on fait rarement – vous faites rarement – la différence entre ce qui est dans la sphère sociale et ce qui relève du domaine fiscal pour expliquer la répartition entre les deux, il faut parfois envisager les choses globalement. Je vous rejoins sur un point, monsieur Aubert : il ressort effectivement de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (MILOLF) que les deux budgets sont tellement imbriqués qu’il va peut-être falloir envisager de les examiner de manière conjointe, pour mieux comprendre l’ensemble. C’est une vraie demande, en tout cas de la  part de notre commission – il n’en va peut-être pas forcément de même pour la commission des affaires sociales. Il faut que nous ayons une meilleure vision d’ensemble de la politique budgétaire, parce que tout est imbriqué. L’évolution naturelle de nos politiques publiques peut conduire à changer certains principes.

M. Éric Coquerel. Une précision, madame Motin : selon les chiffres du ministère lui-même, en 2018, le régime général était en excédent de 500 millions d’euros. Le déficit de 1,2 milliard était dû au fonds de solidarité vieillesse.

M. le président Éric Woerth. Le principe du « qui décide paie » doit être évidemment la règle.

La commission rejette l’amendement CF13.

Elle examine ensuite, en discussion commune, l’amendement CF1 de Mme Valérie Rabault et l’amendement CF14 de M. Éric Coquerel.

Mme Valérie Rabault. Cet amendement pose un principe très clair : celui qui décide paie. Il est ahurissant d’imposer des mesures telles que celles-ci aux administrations de sécurité sociale. Je constate que la commission des affaires sociales a adopté hier un amendement similaire à celui que je défends ; j’espère que la commission des finances aura la même sagesse. Dans l’hémicycle, vous en appelez souvent à la responsabilité. Être responsable, c’est aussi être respectueux de la sécurité sociale.

M. Charles de Courson. Il faudrait simplement corriger l’exposé des motifs de l’amendement CF1 : le montant des exonérations non compensées est de 4,3 milliards, et non de 3,5 milliards. Par ailleurs, je fais mienne cette logique, qui était partagée par tous les courants politiques jusqu’à l’année dernière : quand on prend une décision ayant un impact financier, on la compense, sinon personne n’y comprend plus rien.

M. le président Éric Woerth. Non seulement on n’y comprend rien, mais on prend souvent des mesures de régulation qui n’ont aucun sens.

M. Jean-Louis Bricout. Monsieur Alauzet a parlé de doctrine à propos de la non-compensation : c’est tout simplement un acte politique pur et dur. Vous avez fait le choix d’imputer les nouvelles dépenses liées aux mesures en faveur des « gilets jaunes » sur le budget de la sécurité sociale, alors qu’elles auraient pu l’être sur le budget de l’État. Cela nous renvoie bien sûr aux équilibres budgétaires. Si les dispositions visées étaient restées dans le budget principal, on aurait pu, par exemple, revenir sur des avantages comme la suppression de l’ISF ou la flat tax. Cela permettait de rétablir les équilibres budgétaires tout en répondant aux « gilets jaunes ». Or, votre décision de faire peser la dépense sur le budget de la sécurité sociale va entraîner des économies dans le domaine de la santé.

M. Éric Coquerel. L’amendement CF14 vise à supprimer les alinéas concernant les mesures dites « gilets jaunes », à savoir l’exonération des cotisations sociales et la création d’un taux de CSG à 6,6 %. Je ne reviens pas sur ce que vient de dire excellemment Jean-Louis Bricout : la non-compensation est une décision politique forte. Enfin, ne l’oublions pas, le budget de la sécurité sociale est composé de salaires différés, puisqu’il s’agit de cotisations sociales – et non pas de « charges », comme on l’entend trop souvent. Autrement dit, in fine, c’est aux salariés que vous demandez de financer les sommes que vous avez versées pour répondre aux « gilets jaunes ». Ceux qui ont protesté sont aussi ceux qui vont payer la note ! Il y a là un vrai problème de fond et j’espère vraiment que cet amendement va être adopté.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Monsieur Coquerel, plus de 50 % du budget de la sécurité sociale est financé par de la TVA et de la taxe sur les salaires. On est donc très loin du salaire différé.

La commission rejette successivement les amendements CF1 et CF14.

Elle est alors saisie de l’amendement CF17 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il est possible de trouver des financements pour compenser la perte de recettes programmée. Le présent amendement vise ainsi à relever les cotisations sociales sur les plus hauts salaires, puisque c’est la multiplication des exonérations de cotisations sociales qui creuse la dette de la sécurité sociale.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Contrairement à ce qu’a dit monsieur Coquerel précédemment, les salariés sont bel et bien les principaux bénéficiaires des mesures d’urgence que nous avons prises. Nous sommes tous d’accord, je pense, sur le principe de compensation. En l’occurrence, pardon de le dire, mais un peu plus de 3 milliards, au regard de l’ensemble du budget, c’est vraiment l’épaisseur du trait. Qui plus est, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. C’est pour cela que j’ai tenu à rappeler le contexte. On a beau fixer des règles, il y a toujours des exceptions. Or, nous sommes précisément dans un moment exceptionnel.

La commission rejette l’amendement CF17.

Puis elle  émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4 : Modification du montant M applicable à la clause de sauvegarde des médicaments remboursables

La commission examine l’amendement CF15 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. L’article 4 vise à faire passer le taux d’évolution du chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises pharmaceutiques sont assujetties à une contribution spécifique de 0,5 % à 1 %. Or, l’industrie pharmaceutique se porte très bien. Je pense par exemple à Sanofi, dont le chiffre d’affaires croît, de même que le montant des dividendes versés aux actionnaires, alors même qu’une part importante de ses bénéfices provient, comme c’est le cas pour toute l’industrie pharmaceutique, de fonds publics dédiés à la santé et à la sécurité sociale. L’amendement CF15 a donc pour objet de supprimer cet article qui, selon nous, ne fixe pas à un niveau suffisant la contribution des laboratoires à la sécurité sociale, alors même qu’ils bénéficient de fonds publics.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Madame Rubin, vous souhaitez donc que l’on augmente la contribution ad hoc sur les entreprises du médicament. Pour notre part, nous ne voulons pas pénaliser l’innovation, notamment dans le secteur pharmaceutique, où elle coûte très cher. Certes, des financements publics sont apportés – ils sont nécessaires et bénéficient d’ailleurs aux malades –, mais l’industrie pharmaceutique prend sa part de l’innovation et du coût qui lui est associé. En outre, en 2018, les ventes de médicaments remboursables ont baissé, après plusieurs années de croissance. Peut-être l’industrie pharmaceutique ne se porte-t-elle pas aussi bien que vous le pensez. Enfin, sur la forme, vous demandez la suppression pure et simple de l’article, ce qui est un peu dommage : si vous aviez proposé un autre taux, nous aurions pu avoir un débat. En tout état de cause, nous en aurons un au sujet des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) des médicaments à l’hôpital, qui sont elles aussi extrêmement importantes pour l’innovation. En l’état, nous émettons un avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Non, malheureusement, les bénéfices de ces entreprises ne sont pas affectés à la recherche et au développement, ou alors très peu : ils sont prioritairement reversés sous forme de dividendes. Là est bien le problème et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons effectivement supprimer l’article 4. Cela dit, j’entends votre argument : on pourrait trouver quelque chose de plus subtil pour taxer les entreprises pharmaceutiques comme elles doivent l’être.

La commission rejette l’amendement CF15.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Article 5 : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2019

La commission examine l’amendement CF3 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Je retire l’amendement CF3.

L’amendement CF3 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Article 6 : Rectification de l’ONDAM et des sous-ONDAM 2019

La commission examine l’amendement CF4 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Cet amendement vise à procéder à une réallocation de moyens. Il s’agit notamment de verser 300 millions d’euros aux hôpitaux pour l’année 2019. Il ne vous aura pas échappé que, depuis le mois de juin, 200 services d’urgences sont en grève et que le plan annoncé par la ministre des solidarités et de la santé n’apporte pas d’argent nouveau puisque, comme elle l’a dit elle-même, il consiste dans des redéploiements de crédits. L’amendement CF4 vise donc à affecter 300 millions d’euros de plus à l’hôpital pour 2019, de manière à répondre à un certain nombre de demandes concernant les urgences. Comme vous le savez, les parlementaires sont contraints : nous devons gager toutes les décisions que nous prenons. La disposition que je propose est donc gagée, mais il s’agit bien entendu d’un jeu d’écriture : j’ai pris 300 millions sur un autre poste, qui s’appelle « autres charges », tout en n’ayant aucune intention de diminuer les charges en question. Je le répète, il s’agit d’un gage. L’objectif de l’amendement est d’allouer tout de suite 300 millions d’euros aux urgences.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Madame Rabault, vous souhaitez augmenter de 300 millions l’ONDAM des établissements de santé pour 2019 et flécher ces crédits vers les urgences. Nous reconnaissons, de même que le Gouvernement, que les urgences occupent une place centrale dans notre système de santé, peut-être même à notre corps défendant, puisque nous souhaitons retrouver un équilibre avec la médecine de ville. Nous voulons mettre en place une organisation différente de la santé, qui ne reposerait pas seulement sur les urgences. Dans le plan de refondation proposé par Agnès Buzyn, 750 millions vont être fléchés vers les services d’urgence ; ce n’est pas négligeable. D’autres mesures vont également être prises, telles la revalorisation des salaires ou la réhabilitation de certains bâtiments, car ces derniers nécessitent eux aussi une attention particulière. La réorganisation du système de santé dans les territoires prévue dans le plan « ma santé 2022 » ne peut pas se faire d’un claquement de doigts : un tel projet est long à mettre en place, il se concrétisera sur le moyen terme. Pour l’heure, les dispositions prévues par le Gouvernement, dont certaines figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous semblent de nature à répondre à un rythme soutenu aux besoins des services des urgences.

J’ai bien entendu que votre proposition de prélever des fonds sur les autres prises en charge était là uniquement pour le gage. Il était bon de le préciser car on a tendance parfois à bouger des lignes budgétaires sans trop savoir ce qu’il y a derrière – je sais qu’en l’espèce vous avez fait l’effort de vous y intéresser. Pour la bonne compréhension de tout le monde, je précise que cette ligne budgétaire regroupe des dépenses médico-sociales qui ne sont pas déléguées à la CNSA, des soins spécialisés pour les toxicomanes et des cures en alcoologie. En tout état de cause, avis défavorable.

Mme Émilie Cariou. Nous avons voté l’article 3 pour les raisons qui ont été très bien expliquées par nos rapporteurs. Cela étant, l’hôpital public connaît en effet une situation de tension extrême, due notamment aux conditions de travail. À ce stade, nous vous proposons de débattre de la question dans l’hémicycle. Comme l’a rappelé madame Motin, le plan « ma santé 2022 » a été lancé. Par ailleurs, un certain nombre d’annonces vont être faites par la ministre des solidarités et de la santé. Je vous propose donc de repousser cet amendement, tout en sachant que des efforts importants vont être faits en faveur de l’hôpital public. Ce seront aussi des efforts de restructuration de l’action même de l’hôpital public.

M. Charles de Courson. Une question toute simple : le plan de 750 millions annoncé par Mme Buzyn est-il inclus, au moins en partie, dans les 82,6 milliards de crédits ouverts par le PLFSS ? Si oui, à combien s’élève sa part ?

Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure pour avis, je crois que vous ne mesurez pas l’ampleur de la crise que connaissent les hôpitaux, notamment les services des urgences. Or, aucune réponse n’y a été apportée. Il y a aussi une crise dans l’ensemble des hôpitaux de proximité, qui n’ont plus de budget pour réaliser un certain nombre d’investissements de première importance, tels des travaux de maintenance et d’entretien. Il y a un vrai problème de financement de nos hôpitaux.

M. le président Éric Woerth. La question de Charles de Courson est importante : quelle part des 750 millions annoncés retrouvons-nous dans le PLFSS ? Ce n’est pas si clair que cela. La réponse est peut-être évidente, mais je ne la connais pas.

Mme Valérie Rabault. Je vous remercie pour les précisions que vous avez apportées, madame la rapporteure pour avis. Vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que la deuxième partie de mon amendement était un gage. Si la ministre accepte l’amendement dans l’hémicycle, il lui suffira de le lever. Il ne s’agit donc pas de prendre 300 millions d’euros sur les autres dépenses que vous avez citées, qui sont effectivement très importantes.

J’en profite pour souligner à mon tour à quel point la question de notre collègue Charles de Courson est importante : il faut que vous nous disiez quels crédits, parmi les 750 millions d’euros annoncés, figurent dans le PLFSS. J’ai eu beau lire les quelque 190 pages du projet de loi, moi non plus je ne les y ai pas trouvés : il n’y en a nulle trace, nulle mention, y compris dans les tableaux. Pouvez-vous nous dire quelles lignes budgétaires ont été diminuées en conséquence, dès lors que la ministre a dit qu’il s’agirait de redéploiements de crédits ?

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Sachez, Madame Louwagie, que nous mesurons parfaitement l’ampleur de la crise que connaît actuellement l’hôpital, spécifiquement dans les urgences. Nous y sommes tous confrontés dans nos territoires, et nous avons tous eu l’occasion de la vivre en tant que patients. Bien évidemment, nous mettons tout en œuvre pour y apporter une réponse. Toutefois, une crise aussi profonde ne saurait être résolue facilement. Les réponses devront être multiples. Madame la ministre des solidarités et de la santé a annoncé, d’ici à 2022, 750 millions. Ces crédits existent déjà, mais ils seront fléchés vers les urgences. Il est difficile de retrouver leur trace dans le PLFSS, puisqu’il s’agit de plusieurs mesures concernant déjà les hôpitaux : il s’agit  de revalorisations salariales, d’achats de matériels, ou encore de la réhabilitation de bâtiments. Tout cela fait partie du budget de fonctionnement des hôpitaux. Les ARS, elles aussi, vont flécher spécifiquement des crédits vers les urgences.

Par ailleurs, et la ministre a été très claire sur ce point, des réponses différenciées seront apportées dans les territoires, car la situation des services des urgences n’est pas la même partout. À Paris, par exemple, le service des urgences de l’hôpital Bichat accueille énormément de monde, mais tourne très bien ; il fait même figure de modèle. Au contraire, dans mon territoire, au centre hospitalier Pierre Oudot, à Bourgoin-Jallieu, les urgences sont en grève depuis le début du mouvement. Or la situation et l’organisation de ces deux services n’ont rien à voir : les besoins ne sont absolument pas les mêmes dans un grand hôpital parisien et dans un hôpital de proximité. Il faut donc que les réponses soient adaptées aux divers établissements hospitaliers. C’est pour cela qu’il n’est pas simple de retrouver ces mesures dans les grandes masses du projet de loi.

M. le président Éric Woerth. Il faudra tout de même faire clarifier par la ministre l’affectation des 750 millions d’euros ! Et savoir également d’où ils viennent… Si ces choix ne sont pas nécessairement contestables et qu’ils peuvent répondre à certaines priorités, il faut qu’ils soient clairs, ce qui n’est pas le cas à ce stade.

Mme Marie-Christine Dalloz. Une commission qui examine le PLFSS n’a pas vocation à enfoncer des portes ouvertes. Dire que tout le monde a conscience des difficultés et de la crise des urgences et que la situation n’est pas nouvelle ne résoudra pas le problème. Répondre par le plan « ma santé 2022 » : 2022, c’est dans trois ans ! Les hôpitaux sont en train de craquer partout. Quand il y aura eu des décès à la suite de cette carence dans la prise en charge des urgences…

M. Charles de Courson. C’est déjà le cas !

Mme Olivia Grégoire. On marche sur la tête ! Qui a inventé la T2A en 2007 ?

 

Mme Marie-Christine Dalloz. ...on se posera peut‑être la question différemment. Les 750 millions d’euros ne sont pas inscrits dans le budget. C’est seulement du redéploiement. C’est une façon malhonnête de prétendre faire quelque chose, grâce à une réorganisation interne, sans crédits nouveaux. Il fallait apporter une autre réponse à cette crise aiguë de notre système d’urgences. Cette non‑réponse me fait comprendre d’autant mieux pourquoi le mouvement continue.

Mme Valérie Rabault. Dans le rapport économique et financier (REF), il est écrit que les économies demandées à l’hôpital seront de 4,2 milliards d’euros en 2020, contre 3,8 milliards d’euros en 2019. Cela signifie que 400 millions d’économies supplémentaires seront demandés en 2020 à l’hôpital. À ce stade, je crains que l’on demande 400 millions d’euros d’économies supplémentaires à l’hôpital et que les 750 millions d’euros ne figurent pas dans le PLFSS – ou 250 millions d’euros par an, si la somme était répartie sur trois ans. Tant qu’une mesure n’est pas inscrite dans la loi, elle n’existe pas ! L’ancien ministre du budget ne me contredira pas… Or la seule chose écrite aujourd’hui, ce sont les économies de 4,2 milliards d’euros sur l’hôpital.

La commission rejette l’amendement CF4.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 sans modification.

 

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2020

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE

Chapitre 1er
Favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs

Article 7 : Reconduction du versement d’une prime exceptionnelle exonérée de contributions et cotisations sociales

La commission examine l’article CF7 de Mme Sarah El Haïry.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement vise à faire bénéficier 1,8 million de salariés du monde associatif de la prime Macron, en les dispensant d’instaurer un accord d’intéressement, dans la mesure où, dans le monde de l’économie sociale et solidaire, la notion d’intéressement n’est pas valide. Nous souhaitons corriger l’angle mort dans le dispositif de cette prime qui nous tient à cœur, puisqu’elle permet de redonner du pouvoir d’achat.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. L’amendement vise à ne pas soumettre les associations à la condition d’instauration d’un accord d’intéressement quant à la prime exceptionnelle dite de fin d’année ou Macron, qui est exonérée. Sur la forme, il pose un problème, puisque l’instauration d’un accord d’intéressement ne vaut pas pour le versement de la prime, mais pour son exonération. Sur le fond, j’hésite également. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement pour avoir la position du Gouvernement en séance.

Néanmoins, vous avez soulevé un vrai problème auquel nous sommes tous sensibles. La plupart des associations n’ont pas de but lucratif ; or l’accord d’intéressement est un dispositif d’épargne salariale lié aux résultats et aux performances de l’entreprise. D’ailleurs, comme il est indiqué dans l’annexe 9 du PLFSS, le Gouvernement s’est assuré que les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), qui ne peuvent pas conclure d’accord d’intéressement, au sens de l’article L. 3311‑1 du code du travail, puissent être éligibles tout de même. Il semblerait juste, dans ce cadre, que les associations ne soient pas exclues, même si je me demande si beaucoup d’associations sont capables de verser cette prime. Je n’ai pas besoin de vous rappeler, madame El Haïry, en votre qualité de rapporteure spéciale de la mission Sport, jeunesse et vie associative, que les dépenses fiscales spécifiquement consacrées aux associations sont estimées à 1,88 milliard d’euros pour 2020.

Je vous suggère de retirer votre amendement et de reprendre la discussion en séance.

Mme Valérie Rabault. Nous allons soutenir l’amendement CF7. La condition que vous avez ajoutée suppose que les entreprises fassent du profit pour verser de l’intéressement. Toutes celles qui ne font pas de profit n’ont pas d’intéressement et, partant, pas d’exonération de la prime exceptionnelle.

Mme Sarah El Haïry. Tout à fait !

Mme Valérie Rabault. Les députés avaient ainsi la possibilité de verser une prime à leurs collaborateurs. Mais ils ne versent pas d’intéressement... en tout cas, pas que je sache ! Monsieur le rapporteur pour avis, vous nous avez dit que le Gouvernement s’était engagé par le biais d’une note. Mais il n’y a que la loi qui compte ! Les notes ne valent rien. Ce serait un signal fort que la commission des finances demande au Gouvernement pourquoi les salariés du monde associatif sont pénalisés et discriminés.

M. le président Éric Woerth. L’amendement concerne spécifiquement les associations. Il faudrait viser plus globalement tous les accords d’intéressement.

Mme Véronique Louwagie. Le contrat d’intéressement ne porte pas forcément sur la rentabilité et le résultat. Il peut y avoir d’autres critères et d’autres unités de compte retenus, selon l’activité particulière de l’association ou de l’entreprise. Nous avons tort de toujours faire porter le contrat d’intéressement sur le résultat.

Mme Sarah El Haïry. Hier, en commission des affaires sociales, l’amendement a été adopté à l’unanimité, parce que la particularité du monde associatif a bien été perçue. Même si j’entends l’argumentation de Mme Louwagie, faire de l’accord d’intéressement la condition nécessaire au versement de la prime est une discrimination de fait des salariés du monde associatif, étant donné que la culture associative est étrangère à ce type d’accord.

Par ailleurs, cela nous conduit aussi à nous interroger pour savoir comment permettre aux très petites entreprises d’instaurer la prime Macron, dont l’idée était d’apporter du pouvoir d’achat à certains salariés. La question est finalement simple : souhaitons-nous ou non verser une telle prime aux salariés du monde associatif ?

Mme Olivia Grégoire. Je suis sensible à l’amendement de Mme El Haïry.

Mais nous essayons tous ensemble de nettoyer un peu le budget en matière de niches et de taxes. Quitte à être rabat‑joie, je soulignerai que ce sont encore des cotisations qui n’entreront pas dans les caisses de l’État… Qui plus est, il a été question, il y a dix‑huit mois, de la création d’un statut de l’emploi associatif, sur laquelle vous aviez d’ailleurs travaillé, madame El Haïry. Malgré une certaine pertinence, votre amendement ne règle pas le sujet beaucoup plus général de l’emploi associatif, sur lequel il serait bon de légiférer, comme nous l’avions dit.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à l’amendement CF7, dans la mesure où il existe une discrimination. L’exposé des motifs fait implicitement mention de ce qu’on appelle les associations lucratives sans but, qui existent – un excellent ouvrage a même été écrit sur le sujet –, sans constituer la majeure partie des associations. Comment justifier de maintenir le principe d’un accord d’intéressement ? L’amendement de notre collègue ne crée pas de nouveaux droits, mais simplifie seulement l’accès à cette prime, sans accord d’intéressement, dans le milieu associatif.

M. le président Éric Woerth. Il vise à élargir le droit, ce qui sera coûteux.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Je rejoins madame Louwagie : nous avons tendance à confondre la participation, qui concerne clairement le bénéfice, et l’intéressement, qui peut avoir trait à la performance. La notion de performance n’est pas très courante dans le monde associatif, pas plus que dans la sphère publique. Je vois dans votre amendement l’expression d’un léger opportunisme de la part du monde associatif. Je regrette que la demande n’ait pas été plus forte au moment de l’examen de la loi PACTE, quand nous avons avancé sur le forfait social.

Par ailleurs, alors que dans les petites associations, on a avant tout affaire à des problèmes de trésorerie, je ne vois pas très bien comment on peut concilier cela avec le versement d’une prime. Je crains que l’amendement ne profite réellement qu’à de grandes associations très organisées, qui auront une trésorerie suffisante. En l’occurrence, comme Éric Alauzet, je pense que vous devriez défendre votre amendement devant le ministre, qui peut vouloir élargir la base des bénéficiaires. Pour ma part, je suis très réservée.

M. Jean-Louis Bricout. Je suis un peu surpris et choqué d’entendre que le milieu associatif ne pourrait pas être performant. Son utilité, en matière de services rendus, relève d’une forme de performance. Beaucoup d’associations contractualisent sur plusieurs années sur des objectifs de moyens et de performance.

Mme Sarah El Haïry. Évidemment qu’il faut un contrat spécifique pour le monde associatif ! Mais, en attendant, il ne faut pas exclure une partie du champ. Souhaitons‑nous aujourd’hui simplifier et permettre aux salariés du monde associatif de bénéficier de la prime Macron ? Comment expliquer que nous excluions une partie des salariés du bénéfice d’une prime que nous avons imaginée ? Au delà, se pose la question de l’intéressement dans nos structures associatives, qui sont des acteurs de l’économie.

Pour clarifier la genèse de notre amendement, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’un lobbying mené a posteriori par les associations, mais d’un trou noir que nous avons repéré avec nos collaborateurs, après qu’une association territoriale, qui souhaitait le faire, n’a pas pu verser la prime.

M. le président Éric Woerth. Il est heureusement toujours possible de verser une prime – moins incitative, certes, car soumise à cotisations et à impôt.

La commission rejette l’amendement CF7.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification.

Article 8 : Ajustement du calcul des allégements généraux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification.

Après l’article 8

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF29 de M. Éric Woerth et CF12 de M. JeanNoël Barrot.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF29 vise à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Alors que cela fait plusieurs années que nous parlons beaucoup des impôts de production, pas grand‑chose n’a été fait. Il faut passer aux actes. Sa suppression ne remettrait pas en cause la fiscalité des collectivités locales. La C3S est probablement l’impôt le plus sensible. Il représente presque 4 milliards d’euros et pèse beaucoup sur l’industrie manufacturière. Je propose de le supprimer en une seule fois, quand Jean‑Noël Barrot, dans l’amendement CF12, suggère de procéder par étapes, ce qui serait probablement plus raisonnable d’un point de vue financier. Si cette suppression représenterait assurément un coût pour l’État, ce serait en réalité une autre manière de voir les baisses fiscales. Bruno Le Maire, au cours d’une réunion sur le pacte productif, a dit à peu près la même chose. Le Gouvernement aurait pu proposer, dès cette année, une trajectoire de réduction des impôts de production pour montrer clairement sa volonté.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF12 vise à sortir progressivement de la C3S. Il s’inscrit dans l’esprit des annonces de Bruno Le Maire sur le pacte productif 2025 et de certains engagements pris récemment par le Président de la République. Cette taxe sur le chiffre d’affaires est l’impôt que les entreprises détestent le plus. D’ailleurs, en 2015, un abattement de 19 millions d’euros avait été instauré. Les entreprises comprennent qu’on leur prenne plus d’impôts quand elles vont bien et moins quand elles vont mal ; mais qu’on les taxe au niveau du chiffre d’affaires, selon le même taux dans des situations différentes, elles ne le comprennent pas.

Grâce aux tables rondes organisées par la commission des finances, nous avons eu l’occasion d’entendre des économistes nous dire que c’était un impôt qui était très toxique pour l’économie française, dans la mesure où il fonctionne comme une subvention à l’importation. Les biens produits en France sont frappés par la C3S, ce qui crée une véritable discrimination vis‑à‑vis de la concurrence étrangère.

Comme la C3S rapporte 3,5 milliards d’euros, il n’est pas possible de la supprimer d’un seul coup sans risquer de déséquilibrer très fortement les comptes publics. On pourrait cependant s’engager sur une trajectoire très progressive de sortie de la taxe.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. La majorité serait évidemment favorable à l’objectif de votre amendement. Nous connaissons le poids des impôts de production. Je vous remercie d’ailleurs pour l’historique de la C3S que vous faites dans votre exposé sommaire. Vous oubliez cependant de mentionner le projet de baisse de l’impôt sur les sociétés, qui concerne à peu près la même masse financière que votre mesure. La C3S a déjà été supprimée pour environ 40 % des entreprises, principalement des PME et des entreprises de taille intermédiaire.

Comme vous, je pense que les impôts de production pénalisent les entreprises. Mais ils ont le mérite d’échapper à l’optimisation fiscale, ce qui n’est pas le cas de l’impôt sur les sociétés. Jean‑Noël Barrot a dit que les entreprises étaient prêtes à payer l’impôt sur les sociétés quand tout va bien : moyennement quand même ! Le fait de baisser l’IS permet de rendre moins tentante l’optimisation fiscale. Mais il faudrait du donnant-donnant. Réglons le problème de l’optimisation fiscale et je serai encore plus favorable qu’aujourd’hui à la baisse des impôts de production.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur pour avis, je pense que vous ignorez la situation sur le terrain. Vous nous dites qu’il faut régler la question de l’optimisation fiscale avant de nous attaquer aux impôts de production. Mais c’est cette situation qui a conduit à la désindustrialisation actuelle ! Les impôts sur la production représentent en effet 3 % du PIB en France, alors que la moyenne dans la zone euro est de 1,6 %. C’est pour cette raison que certaines entreprises quittent le territoire français. Il est primordial de nous soucier des impôts de production. Vous ne pouvez pas repousser le débat comme vous le faites. À force d’attendre, le moment viendra où toutes les entreprises seront parties ! (Exclamations.)

Mme Christine Pires Beaune. Restons prudents pour ce qui est des impôts de production ! Ils représentent une masse d’environ 72 milliards d’euros, dont la majorité va aux collectivités locales. Le budget de l’État participe de façon importante au titre des dégrèvements et des exonérations. Quand on parle des impôts de production, il faut regarder ce que l’État paie déjà à la place des entreprises. Prenez par exemple la barémisation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ! Il faudrait commencer par nous accorder sur une définition des impôts de production, surtout si nous voulons les comparer aux pays voisins.

Mme Olivia Grégoire. Je rejoins totalement les propos de monsieur Alauzet et de madame Pires Beaune. Cela fait deux ans et demi que le ministre de l’économie en parle : je confirme qu’il a annoncé, hier, lors de la conférence de presse sur le pacte productif, que ce sujet serait intégré dans le PLF pour 2021. Nous n’évitons pas le sujet ; bien au contraire.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien repoussé !

Mme Olivia Grégoire. Madame Dalloz, entre la baisse de l’IS, la réforme courageuse de la fiscalité du capital, l’évolution des seuils sociaux et les mesures de la loi PACTE, vous m’accorderez qu’en matière de compétitivité et de soutien aux entreprises nous n’avons pas grand‑chose à nous reprocher de notre côté.

Le sujet est important. Il y a en réalité un dilemme entre C3S et CVAE. L’inspection générale des finances a d’ailleurs rendu une étude il y a quelque temps proposant la suppression de la C3S et la diminution d’un point du taux de CVAE. Dans le même temps, madame Dalloz, vous nous expliquez à longueur de journée que les collectivités locales ne sont pas financées et que nous avons une gestion irresponsable de notre budget.

Comme l’a dit madame Pires Beaune, avant de couper des milliards d’impôts de production, dont on sait pertinemment qu’ils grèvent la compétitivité de nos entreprises, regardons comment on les compense.

 

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, la question est rapidement évoquée par Éric Woerth dans l’exposé des motifs : d’où vient ce débat ? Tout le monde constate la perversité économique de cet impôt dont le produit est affecté à la sécurité sociale. Sous François Hollande, il avait été décidé de le supprimer progressivement. Mais, comme à la fin de son mandat, il a monté l’usine à gaz du CICE, à laquelle vous êtes en train de mettre fin à juste raison, il n’a pas été possible de supprimer entièrement la C3S. C’est pourquoi il ne reste qu’une part de C3S, qui représentera quand même près de 4 milliards d’euros en 2020.

Le président Woerth relève que la C3S pénalise l’industrie, qui en paie à peu près 22 %, soit le double de sa part dans le PIB. Mais il faut dire toute la vérité à la commission ! Les grands bénéficiaires d’une suppression de la C3S seraient les banques et les assurances. Or, a‑t‑on 3,8 milliards d’euros à leur donner ? Bien sûr qu’il faudrait supprimer cet impôt ! Aucune personne de bon sens ne peut le nier. Mais en avons‑nous les moyens ?

J’avais songé à une solution, mais je crains qu’elle ne soit anti‑européenne. Il s’agirait de supprimer la C3S uniquement pour les industries. À supposer que l’on adopte ma solution, 22 % de 3,8 milliards, cela représenterait environ 800 millions d’euros à étaler sur trois ans, à des fins de compétitivité. Qu’en pensent les rapporteurs ?

M. Jean-Noël Barrot. Effectivement, on ne peut pas réfléchir à ces sujets sans tenir compte des pertes de recettes. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à fixer un taux minimal d’impôt sur les sociétés – solution vers laquelle semblent converger les négociations avec l’OCDE. Dès lors qu’un tel taux serait en place, nous pourrions avancer rapidement sur la question des impôts de production.

M. le président Éric Woerth. J’ai bien conscience de tout cela. Je crois quand même que les impôts de production sont un boulet qui n’existe pas dans d’autres pays.

Dans le domaine fiscal, faire baisser l’impôt sur les sociétés, c’est ce que font tous les pays. Il est donc pertinent de nous maintenir à peu près au même niveau que les autres pays ou plutôt de conserver les mêmes écarts avec eux. La question de la baisse de l’impôt sur les sociétés ne se pose même pas, dans la mesure où le monde entier le baisse.

En revanche, les impôts de production à un tel niveau sont une anomalie française que nous devons tenter de régler. Nous devons légiférer pour véritablement réformer la fiscalité locale, ce que ne fait assurément pas l’article 5 du projet de loi de finances qui vise seulement à financer la suppression de la taxe d’habitation. Nous devrions, à tout le moins, définir une trajectoire de réduction des impôts de production. Je sais bien que l’industrie n’est pas la seule concernée. Cela étant, notre tissu bancaire est extrêmement fragilisé, et la baisse des taux continue de le fragiliser. Le modèle bancaire est également en train d’évoluer. Quant à la grande distribution, elle est désormais fortement concurrencée par les plateformes numériques. N’oublions pas qu’il y a quand même quelques salariés français qui y travaillent… Augmenter les marges de la grande distribution reviendrait aussi à augmenter la possibilité de redistribuer aux salariés.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Monsieur le président, vous nous avez parlé de 3D dans votre discours sur le projet de loi de finances : là, nous entrons dans la quatrième dimension ! 4 milliards d’euros ce n’est pas rien ! Compenser une telle somme dans le budget de la sécurité sociale ne serait pas une mince affaire… Sur le fond, nous partageons tous votre constat sur les effets d’un tel mode d’imposition. Nous avons pris une décision, en décidant de faire baisser progressivement l’impôt sur les sociétés, pour nous rapprocher d’un taux d’imposition plus acceptable au niveau européen et mondial. La question de la C3S et des impôts de production n’a pas été évacuée pour autant. Néanmoins, nous devons aussi nous assurer que cet allégement conséquent de 4 milliards d’euros se ferait dans le cadre d’un pacte donnant‑donnant exigeant avec les entreprises.

Mme Émilie Cariou. Depuis le début de la réunion, on nous explique qu’on pourrait tout résoudre à coups d’amendements valant plusieurs milliards d’euros. Je rappelle que la C3S a été créée dans les années 90 et qu’on a ajouté une contribution additionnelle en 2005. J’entends que les impôts de production sont difficiles à supporter pour nos entreprises, parce qu’ils pèsent directement dans leur résultat d’exploitation. Mais ils ne sont pas nés il y a deux ans ! Nous sommes en train d’inverser la tendance, puisque nous avons d’ores et déjà fait baisser l’impôt sur les sociétés et plusieurs charges sociales. Nous réformons aussi le code du travail.

Il est difficile d’entendre de la part de personnes qui ont été en responsabilité ces trente dernières années, qui ont institué les taxes additionnelles à l’IS, la C3S ou la T2A, qu’il faudrait revenir sur vingt ans de prélèvements obligatoires qui se sont surajoutés, notamment pour assurer le financement des caisses sociales, dans ce PLFSS qui prévoit des mesures d’urgence pour résoudre plusieurs crises !

Nous sommes conscients qu’il faut faire des efforts sur les impôts de production. Mais sachez que les autres États ont eux aussi des impôts de production. Nous ferons des efforts sur cette question, dans la mesure du possible et de l’équilibre des comptes. Le débat est ouvert pour l’année prochaine.

M. le président Éric Woerth. L’opposition a encore le droit de déposer des amendements !

Mme Olivia Grégoire. Et nous avons celui de les commenter !

M. le président Éric Woerth. Vous avez évidemment le droit de les contester. Mais il ne faut pas nous accuser systématiquement de crime budgétaire ! Posez‑vous d’abord la question des 20 milliards d’euros que coûte la suppression de la taxe d’habitation ou celle des 5 milliards d’euros que coûte la réforme de l’impôt sur le revenu. Vous faites un choix dans vos baisses d’impôts et nous pouvons contester la pertinence de vos choix.

Mme Émilie Cariou. Nous défendons nos choix politiques !

M. le président Éric Woerth. Le rôle de l’opposition n’est pas de reconstruire la totalité du budget : nous contestons votre logique. Je pense qu’il aurait été pertinent de faire baisser les impôts de production, pour aller plus loin en matière de compétitivité. Vous ne pouvez pas nous reprocher la perte de 4 milliards d’euros pour la sécurité sociale alors que vous refusez de compenser les pertes qu’elle subit du fait de vos choix politiques !

Madame Cariou, , il n’y a pas eu que des erreurs commises pendant vingt ans puis, depuis deux ans, uniquement des décisions optimales. C’est nettement plus compliqué que cela ! …

La commission rejette successivement les amendements CF29 et CF12.

 

Article 9 : Non-assujettissement aux cotisations et contributions sociales des indemnités spécifiques de rupture conventionnelle dans la fonction publique

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 sans modification.

(Mme Olivia Grégoire, vice-présidente de la commission, remplace M. le président Éric Woerth.)

Après l’article 9

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF9 et CF10 de M. Cyrille IsaacSibille.

Mme Sarah El Haïry. L’idée de ces deux amendements est simple. Puisque les produits transformés, qui contiennent beaucoup de sucres ajoutés, ne sont pas bons pour la santé, nous allons créer des recettes en les taxant.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Nous sommes en effet confrontés à un fléau. Nous sommes d’accord avec votre objectif, mais le chemin n’est pas toujours facile à définir. Or c’est l’efficacité qui importe. Toutefois, pour une raison de lisibilité de la norme fiscale et puisque votre amendement calque sa rédaction sur la disposition qui l’a créée, je vous invite plutôt à travailler sur une extension de l’existant, soit de la taxe dite soda. Ne multiplions pas les dispositifs ! Dans la mesure où nous partageons la même volonté, si nous trouvons de bonnes propositions, je pense qu’elles seront adoptées. Je vous invite à poursuivre en ce sens, pour protéger la santé de nos concitoyens. L’absence de chiffrage de votre amendement me contrarie également. Je prononce un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Chers collègues, nous avons eu ce débat avec madame Peyrol, lors de la présentation de son rapport. La meilleure solution pour lutter contre l’obésité, c’est quand même de faire évoluer les pratiques alimentaires. Bientôt on va croire que ce sont les industriels qui commandent tout ! Il y a un vrai problème d’éducation dans les familles. La meilleure taxe, c’est de modifier les comportements. Les industriels suivront, comme nous l’avons vu dans d’autres domaines.

Mme Olivia Grégoire, présidente. Je crains que cela ne coûte très cher de taxer l’éducation !

M. Charles de Courson. L’effet de la taxe sur les produits risquerait d’être si faible qu’elle ne changerait rien.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Les barèmes proposés sont applicables par quintal de produit transformé. Pour en avoir discuté avec monsieur Isaac­Sibille, j’ai bien compris son objectif qui est de traquer les sucres ajoutés dans les produits très transformés. On trouve, de fait, du sucre absolument partout, et même là où on ne l’attendrait pas. Il y a du sucre, par exemple, dans une tranche de jambon. Monsieur IsaacSibille, qui est en pointe sur les sujets de prévention et d’éducation à la santé, voudrait trouver une solution pour inciter les industriels à mettre moins de sucre dans leurs recettes. Si l’idée est intéressante, créer une nouvelle taxe n’est pas forcément le meilleur moyen. Malgré tout, cela répondrait à une demande de nos concitoyens et à un enjeu de santé publique, parce que nous savons que les plats transformés sont majoritairement consommés par des familles qui ne sont pas toujours les plus perméables à l’éducation à l’alimentation et qui font avec leurs moyens. Cela étant, même si nous devons trouver des leviers pour inciter les industriels à utiliser moins de sucre dans leurs produits transformés, ce véhicule ne nous semble pas le bon.

Mme Sarah El Haïry. Les amendements posent également la question de l’attribution du produit de la taxe. Doit‑il être affecté à la sécurité sociale ou à l’agence en charge de la santé publique ? Nous allons retravailler ces amendements en vue de la séance.

Les amendements CF9 et CF10 sont retirés.

La commission passe à l’examen de l’amendement CF8 de M. Richard Ramos.

Mme Sarah El Haïry. L’amendement de monsieur Ramos a été adopté hier en commission des affaires sociales de façon transpartisane. La logique est la même : l’excès d’additifs nitrités, en particulier dans la charcuterie, étant dangereux pour la santé, il doit être taxé. Nous envoyons un signal, et procurons une recette ! L’ajout d’additifs dangereux doit être assumé.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. J’ai eu l’occasion de discuter avec monsieur Ramos de son amendement dont je comprends tout à fait l’objectif. Les nitrites sont considérés par l’OMS comme étant extrêmement dangereux pour la santé. Ils font courir un risque avéré de cancer colorectal. Cela étant, la rédaction de l’amendement n’atteint pas le but recherché, puisque ce sont les produits dans lesquels il y a un ajout de nitrites qui sont taxés, alors que l’objectif est de taxer les sels de nitrite. Nous n’allons pas taxer les produits, quand la filière porcine subit de plein fouet les effets de la fièvre porcine en Chine, que le prix des matières premières a flambé et que les transformateurs en sont à une deuxième renégociation. Je suggère à monsieur Ramos de récrire son amendement pour qu’il atteigne réellement le but qu’il s’est fixé.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, si les sels de nitrite sont dangereux pour la santé, il faut les interdire ou les limiter à une certaine proportion. Cette question ne relève pas du domaine de la taxe, mais de la santé publique ! J’ai peut‑être des idées bizarres…

M. Paul Molac. C’est effectivement très bizarre, puisque cette taxation est presque d’ordre moral : il y aurait des choses bonnes à manger et d’autres qui ne le sont pas. Vous pouvez ajouter le beurre, les fromages et le vin ! On peut aller très loin sur ce chemin‑là ! À un moment donné, il faut laisser les gens se déterminer. Je n’aime pas McDonald’s et n’y vais jamais, mais je constate que c’est plein. Devons‑nous aussi interdire les McDo ? Vous allez trop loin !

M. Jean-Noël Barrot. Les sels nitrités servent à rendre le jambon bien rose et donnent le cancer du côlon. Avec la taxe comportementale sur les sodas, il ne s’agissait pas d’interdire les sodas, mais puisqu’il y a dans les sodas des sucres mauvais pour la santé, qui coûtent à terme de l’argent à la sécurité sociale, d’en augmenter le prix.

L’amendement ne fragilise pas la filière porcine : il envoie un signal, en instaurant une taxe dont l’effet est quasiment neutre. Le taux de la contribution étant fixé à 10 centimes par kilogramme, l’effet sera effectivement quasiment indolore pour le consommateur sur un paquet de jambon. Nous faisons savoir aux transformateurs que s’ils continuent d’utiliser des sels nitrités, on envisagera une hausse, comme cela a été fait pour le sucre dans les sodas, afin de décourager la consommation de produits mauvais pour la santé. Si vous voulez aider les consommateurs, votez l’amendement. Si vous voulez laisser prospérer des pratiques mauvaises pour la santé, ne le votez pas !

M. Paul Molac. Dans ce cas-là, ce n’est pas compliqué : il faut interdire les additifs s’ils sont mauvais.

La commission rejette l’amendement CF8.

Elle examine ensuite l’amendement CF11 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Mme Sarah El Haïry. Toujours dans cet esprit visant à protéger la santé et à orienter la fiscalité dans le bon sens, nous proposons d’augmenter le droit spécifique perçu sur les bières dont le titre alcoométrique dépasse les 11 %, soit, sur celles qui sont extrêmement alcoolisées.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. La question des taux n’est pas simple, que ce soit pour l’alcool ou le sucre. Encore une fois, veillons à opérer des distinctions dans nos débats.

En l’occurrence, nous doutons du ciblage de la taxe car le marché compte soit des bières très fortes produites en très peu de quantité par des industriels et vendues à des prix plus élevés, soit des bières moins fortes, entre 7 % et 12 %, qui sont, elles, distribuées massivement à des prix plus bas. Une différenciation existe donc déjà.

L’année dernière, lors de la discussion du PLFSS, j’ai moi-même ouvert le débat sur la fiscalisation des boissons aromatisées à base de vin, les « vinipops », en nous inspirant de la taxe existante sur les « prémix ».

En l’état, nous ne pouvons pas vous donner un avis favorable car, outre ce que je viens de dire, il conviendrait de discuter avec des brasseurs. Je vous prie de retirer cet amendement mais je vous encourage à continuer de travailler sur des questions aussi importantes.

La commission rejette l’amendement CF11.

Chapitre 2
Simplifier et moderniser les relations avec l’administration

Article 10 : Unification du recouvrement dans la sphère sociale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Article 11 : Simplification des démarches des travailleurs indépendants

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

Article 12 : Simplifier et créer un cadre de prise en compte contemporaine des aides en faveur des particuliers employeurs dans le cadre des services à la personne

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 sans modification.

Article 13 : Simplification des démarches pour les redevables et renforcement de la sécurité juridique

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 sans modification.

Article 14 : Mesures de lutte contre la fraude

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 sans modification.

Chapitre 3
Réguler le secteur des produits de santé

Article 15 : Clause de sauvegarde des dispositifs médicaux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 sans modification.

Article 16 : Fixation du taux M pour 2020

La commission est saisie de l’amendement CF6 de Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Lorsque les entreprises de médicaments réalisent un certain volume de chiffre d’affaires, elles versent une somme à la sécurité sociale à partir du fameux coefficient M, lequel est calculé à partir du chiffre d’affaires de l’année précédente.

Le PLFSS propose de le réajuster pour 2020 d’une manière un peu supérieure à ce qui était prévu ou réalisé habituellement.

Alors qu’un Français sur quatre a déjà été touché par la pénurie ou la rupture de stock de médicaments – le Gouvernement a annoncé un plan à ce sujet –, je souhaite par cet amendement qu’un coefficient différencié soit appliqué aux entreprises qui ont maintenu un stock et qui ont fait en sorte qu’il n’y ait pas de pénurie, et à celles qui n’ont pas réalisé un tel effort. Je rappellerai ici ce qui s’est passé pour la cortisone et pour un certain nombre d’autres médicaments. Je ne vois pas pourquoi ces entreprises bénéficieraient du bonus de la majoration du coefficient. Je sais que cet amendement peut présenter des limites en termes de rupture d’égalité mais je crois important d’envoyer un signal en la matière.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Vous soulevez là un vrai problème et explorez une piste, un peu à tâtons, avec des chiffres qui pourraient être discutés.

Avis défavorable. Ce sont les modalités que vous proposez qui me paraissent incertaines.

Mme Valérie Rabault. Je retire l’amendement. Je le redéposerai en séance publique afin d’avoir l’avis de la ministre.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Très bien.

L’amendement CF6 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 sans modification.

TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
DE LA SÉCURITE SOCIALE

Article 17 : Transfert de recettes entre la sécurité sociale et l’État et entre régimes de sécurité sociale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 sans modification.

Article 18 : Approbation du montant de la compensation des exonérations mentionnées à l’annexe 5

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 sans modification.

Articles 19 et 20 : Approbation des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires, du régime général et du FSV pour 2020

La commission émet un avis favorable à l’adoption des articles 19 et 20 sans modification.

Article 21 : Approbation de l’annexe C, de l’objectif d’amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 sans modification.

Article 22 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 sans modification.

Article 23 : Approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 sans modification.

 

 

 

 

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2020

TITRE IER
POURSUIVRE LA TRANSFORMATION DU SYSTÈME DE SOINS

Chapitre 1er
Réformer le financement de notre système de santé

Article 24 : Réforme du financement des hôpitaux de proximité

La commission est saisie de l’amendement CF19 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Je remarque, tout d’abord, que la discussion dure une heure lorsqu’il s’agit d’alléger les cotisations des entreprises mais que lorsque je propose d’augmenter la taxe sur certaines entreprises pharmaceutiques, l’amendement est balayé.

Mme Olivia Grégoire, présidente. C’est la mission de la commission des finances d’examiner les amendements et c’est ce qu’elle fait.

Mme Sabine Rubin. Quoi qu’il en soit, si nous sommes ravis du confortement des hôpitaux de proximité dans les zones rurales, urbaines ou périurbaines grâce à l’engagement salutaire de l’État, cet article entérine également leur ouverture à l’exercice libéral. Or, celui-ci ne répond pas aux principes d’un véritable service public de santé – liberté d’installation, liberté tarifaire, remboursements moins bons.

Par cet amendement, nous demandons donc l’interdiction de la pratique libérale au sein de ces hôpitaux de proximité.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Je suis un peu embarrassé, ne sachant sur quel mode vous répondre. Dans quel monde vivez-vous ? Notre système de santé repose tout de même depuis longtemps sur un équilibre entre le secteurs public et le secteur libéral, et ce dernier est extrêmement encadré et donne entièrement satisfaction.

Vous ne proposez pas de mettre un terme à un dispositif que nous proposerions mais de revenir sur un état de fait que nous souhaitons pour notre part amplifier afin de créer des liens beaucoup plus forts, dont nous avons absolument besoin – à travers les communautés professionnelles territoriales de santé – entre les médecines libérale et hospitalière.

Un tel système est inscrit dans le code de la santé et il donne satisfaction. Je connais ainsi des médecins libéraux qui se rendent dans des hôpitaux, dans ce que l’on appelle des services de porte ou de garde avancée pour soulager les urgences et qui travaillent comme ils le feraient dans leur cabinet.

M. Joël Giraud, rapporteur général. Absolument !

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Ils effectuent simplement ce travail de façon parallèle et je ne vois pas ce qu’il y a de critiquable.

Nous avons du mal à dialoguer sur cette question tant nous vivons dans deux mondes différents. J’ai du mal à comprendre où vous voulez en venir.

Avis évidemment défavorable.

La commission rejette l’amendement CF19.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 sans modification.

Article 25 : Réforme du financement de la psychiatrie et évolution du modèle cible de financement des soins de suite et de réadaptation

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.

Article 26 : Réforme du ticket modérateur à l’hôpital

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 26 sans modification.

Article 27 : Réforme du financement : nomenclatures de ville

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 sans modification.

Article 28 : Prise en charge des dispositifs médicaux : sécurisation des dépenses, négociation des prix en cas de concurrence             

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 sans modification.

Article 29 : Prise en charge de médicaments particuliers

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 sans modification.

Article 30 : Sécurisation et imputation (pluriannuelle) des mesures de paiement des remises ATU/post ATU

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 sans modification.

Article 31 : Transfert du financement de l’Agence nationale de sécurité du médicament et de l’Agence nationale de santé publique à l’assurance maladie

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 sans modification.

Chapitre 2
Améliorer l’accès aux soins

Article 32 : Lissage de la fin de droit à la protection complémentaire en matière de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 sans modification.

Article 33 : Prise en charge intégrale des frais liés à la contraception pour l’ensemble des mineures

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 sans modification.

Article 34 : Renforcement du dispositif en matière de prévention et de lutte contre les ruptures de stock de médicaments

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 sans modification.

Article 35 : Bilan de santé obligatoire pour les entrées dans l’aide sociale à l’enfance

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 35 sans modification.

Article 36 : Mesures en faveur de l’installation des jeunes médecins

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 sans modification.

Article 37 : Faciliter l’accès aux soins pour les femmes enceintes les plus éloignées des maternités

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 37 sans modification.

Article 38 : Financement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des établissements à l’étranger accueillant des adultes handicapés français

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 38 sans modification.

Article 39 : Recentralisation des centres de lutte contre la tuberculose et des centres de lutte contre la lèpre

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 39 sans modification.

Chapitre 3
Renforcer la qualité, la pertinence et l’efficience des soins

Article 40 : Mise en place d’un parcours de soins global après le traitement d’un cancer

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 40 sans modification.

Article 41 : Simplification des règles applicables à la présentation de certificats médicaux d’absence de contre-indication à la pratique sportive

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 41 sans modification.

Article 42 : Évolution du contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins et adaptation du dispositif de financement à la qualité

La commission est saisie de l’amendement CF23 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Il s’agit de mettre fin au contrat d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins car, d’une part, il est fondé sur une mise en concurrence des établissements entre eux et, d’autre part, l’enveloppe globale étant constante, il ne fonctionne que par les sanctions ou les incitations. D’expérience, il s’agit plus d’améliorer les indicateurs que la prise en charge des patients.

M. Éric Alauzet, rapporteur pour avis. Il faut évaluer, améliorer la qualité des soins, la performance, le bon usage des produits de santé, ce à quoi concourent ces dispositifs. Je conviens qu’ils ne sont pas dénués d’inconvénients, donc, veillons à réduire ces derniers, mais ces mesures, comme la rémunération sur objectifs de santé publique – ROSP – pour la médecine libérale, contribuent largement à améliorer la situation. Les professionnels s’interrogent ainsi sur la pertinence de leurs soins, sur leur propre évaluation, et c’est, je crois, une avancée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CF23.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 42 sans modification.

Article 43 : Favoriser la pertinence des prescriptions de médicaments

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 43 sans modification.

Article 44 : Mesures diverses pour le secteur des transports de patients et extension des dérogations prévues à l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 sans modification.

TITRE II

PROMOUVOIR LA JUSTICE SOCIALE

Chapitre 1er
Protéger les Français contre les nouveaux risques

Article 45 : Indemnisation du congé de proche aidant

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 sans modification.

Article 46 : Création d’un fonds d’indemnisation des victimes de pesticides

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 46 sans modification.

Article 47 : Élargissement des missions du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés au secteur médico-social pour la modernisation des structures de réadaptation des accidentés de la route

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 sans modification.

Chapitre 2
Lutter contre la reproduction des inégalités sociales et territoriales

Article 48 : Création du service public de versement des pensions alimentaires

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 48 sans modification.

Article 49 : Améliorer l’information sur l’accès aux modes d’accueil des jeunes enfants

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 49 sans modification.

Article 50 : Mesures de convergence des prestations familiales à Mayotte

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 50 sans modification.

Article 51 : Faciliter la création de caisses communes de sécurité sociale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 51 sans modification.

Chapitre 3
Prendre en compte les parcours, les situations et les transitions

Article 52 : Revalorisation différenciée des prestations sociales

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 52 sans modification.

Article 53 : Simplification de la transition vers la retraite des bénéfices de minima sociaux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 53 sans modification.

Article 54 : Suppression du dispositif de rachat de rente d’accident du travail (AT) ou de maladie professionnelle (MP) et simplification de la notification du taux AT-MP aux employeurs

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 54 sans modification.

Article 55 : Rénovation des politiques d’indemnisation de l’incapacité de travail de longue durée

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 55 sans modification.

Article 56 : Assouplissement des conditions de recours au travail aménagé ou à temps partiel et évolution des modalités de versement des indemnités journalières

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 56 sans modification.

TITRE III – DOTATIONS ET OBJECTIFS DE DÉPENSE DES BRANCHES
ET DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT
DES RÉGIMES OBLIGATOIRES

Article 57 : Dotation de l’assurance-maladie au Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, et de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux agences régionales de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 57 sans modification.

Article 58 : Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 58 sans modification.

Article 59 : ONDAM et sous-ONDAM

La commission examine l’amendement CF28 de M. Éric Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement propose d’augmenter de 10 milliards la dotation aux EHPAD.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. Nous nous demandions tous comment financer la dépendance, le grand âge et l’autonomie mais… vous avez trouvé ! On prend à droite, on donne à gauche, et c’est terminé !

Je vous taquine mais, plus sérieusement, je ne peux pas accepter un tel amendement. Nous réalisons un véritable effort en faveur des EHPAD, pour la prise en compte du grand âge et de l’autonomie. Les EHPAD ne sont d’ailleurs pas tout : nos concitoyens nous disent également vouloir prendre le virage domiciliaire, ce qui est très important.

Nous serons donc raisonnables : avis défavorable.

Mme Sabine Rubin. Vous pouvez me taquiner : j’ai lancé un chiffre important mais s’il s’agit de trouver 10 milliards, vous savez très bien que nous le pouvons.

Mme Cendra Motin, rapporteure pour avis. La baguette magique !

Mme Sandrine Rubin. Nous n’arrêtons pas de vous en suggérer les moyens dans la discussion du PLF !

La commission rejette l’amendement CF28.

Puis, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 59 sans modification.

Article 60 : Dotations au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante et transfert au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 60 sans modification.

Article 61 : Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 61 sans modification.

Article 62 : Objectifs de dépenses de la branche vieillesse

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 sans modification.

Article 63 : Objectif de dépenses de la branche famille

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 63 sans modification.

Article 64 : Prévision des charges des organismes concourant au financement des régimes obligatoires en 2019

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 64 sans modification.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi sans modification.

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Informations relatives à la commission

La commission a reçu en application de l’article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 596 092 euros en titre 2, du programme 349 Fonds pour la transformation de laction publique de la mission Action et transformation publiques à destination du programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de lemploi et du travail de la mission Travail et emploi, du programme 214 Soutien de la politique de léducation nationale de la mission Enseignement scolaire et du programme 333 Moyens mutualisés des administrations déconcentrées de la mission Direction de laction du Gouvernement.

Le présent décret de transfert vise à permettre la couverture, sur lexercice 2019, des besoins en titre 2 (dépenses de personnel) de certains projets lauréats du Fonds de transformation de laction publique (FTAP).

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

– programme 349 : 596 092 euros en titre 2.

Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :

– programme 155 : 86 291 euros en titre 2 ;

– programme 214 : 204 301 euros en titre 2 ;

– programme 333 : 305 500 euros en titre 2.

 

 

 

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9 heures 30

 

 

Présents. - M. Damien Abad, M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. François André, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne‑Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie‑Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Benjamin Dirx, M. Jean‑Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Olivia Gregoire, M. David Habib, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, Mme Patricia Lemoine, Mme Marine Le Pen, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Xavier Breton, M. Jean-Louis Masson, M. Paul Molac

 

 

 

 

 

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