Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272), examen et vote sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales :

–  Sécurité alimentaire (M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial) 2

–  Politiques de lagriculture, forêt, pêche et aquaculture ; compte spécial Développement agricole et rural (M. Hervé Pellois, rapporteur spécial)              2

–  Information relative à la commission................28

–  Présences en réunion...........................28


Mardi
22 octobre 2019

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

 

Mme Marie-Christine

Dalloz,

 

Secrétaire

 

 


  1 

La commission examine la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020 (n° 2272).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Tout d’abord, je vous informe que nous avons reçu, en application de l’article 12 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un projet de décret de transfert de crédits. Conformément à l’usage, ce document est à votre disposition dans la salle et auprès du secrétariat de la commission.

La première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 ayant été adoptée, il y a environ une demi-heure, notre ordre du jour appelle l’examen de la seconde partie, avant d’en venir aux articles non rattachés, que nous aborderons le mercredi 6 novembre matin, après-midi et soir, et le jeudi 7 novembre au matin.

Nous devons maintenant examiner l’ensemble des trente-deux missions du budget général, les deux budgets annexes et les quinze comptes spéciaux, en vue des séances publiques qui débuteront dès le 28 octobre et se tiendront jusqu’au 13 novembre.

Au seuil des onze réunions de la commission des finances consacrées à cet examen, qui sont programmées jusqu’au vendredi 25 octobre au soir, il est nécessaire de rappeler le contexte et les principes d’organisation des crédits du PLF pour 2020.

Les commissions pour avis se réuniront avant ou après notre commission, ce qui ne pose pas de problème dans la mesure où la procédure applicable au PLF est celle de l’examen en séance publique du texte du Gouvernement, et non pas de celui de la commission. Elles ont déjà auditionné ou auditionneront les ministres. Notre commission réservera bien sûr le meilleur accueil aux rapporteurs pour avis – cela vaudra particulièrement dans le cas où les commissions pour avis se seront réunies avant la commission des finances, les amendements éventuellement adoptés par ces commissions sur les crédits ou les articles rattachés pouvant alors être présentés et défendus par les rapporteurs pour avis.

La discussion en commission des finances sera structurée autour des unités de vote de la discussion budgétaire que sont les différentes missions du budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Je donnerai d’abord la parole aux rapporteurs spéciaux pour un propos liminaire d’une durée maximale de cinq minutes. Comme en séance publique, en cas de binôme de rapporteurs spéciaux, seul l’un d’entre eux pourra intervenir à ce stade.

Les rapporteurs pour avis, s’ils le souhaitent, pourront alors compléter les interventions, dans la limite de deux minutes.

Nous en viendrons ensuite aux crédits des différentes missions avec l’examen d’éventuels amendements de crédits. Le rapporteur spécial donnera son avis sur les crédits, puis les groupes pourront intervenir pour une explication de vote précédant le vote sur ces crédits.

Vous comprendrez qu’avec quarante-sept votes et huit groupes, chacun devra adapter la durée de son intervention en fonction du déroulement de nos réunions. Ce qui aura été dit lors de la discussion des amendements permettra aussi à l’orateur du groupe d’être plus concis au moment de l’explication de vote.

Il nous restera alors à examiner d’éventuels articles rattachés ou amendements portant articles additionnels rattachés.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur le fait qu’il peut arriver que des amendements que vous avez présentés comme des articles additionnels rattachés à une mission aient été jugés comme des dispositions devant trouver leur place parmi les articles non rattachés. Il ne faut pas dans ce cas vous étonner que ces amendements ne soient pas appelés ni examinés dans le cadre de l’examen des missions ; comme les années antérieures, leur examen interviendra lors de l’examen des articles non rattachés, les 6 et 7 novembre.

Nous commençons cet après-midi avec la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial (Politiques de l’agriculture, forêt, pêche et aquaculture). Le rapport spécial que j’ai le plaisir de vous présenter concerne deux programmes de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, ainsi que le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural, reconduit à hauteur de 136 millions d’euros. Je laisserai à mon collègue Michel Lauzzana commenter le programme Sécurité sanitaire.

Au titre de la mission, le Gouvernement demande pour 2020 l’ouverture de 3,01 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2,96 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit respectivement 6,3 % et 1,2 % de plus qu’en 2019. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cette hausse prouve que le soutien aux exploitations agricoles est prioritaire pour l’exécutif et notre majorité.

À titre liminaire, je vous précise que la mission et ses opérateurs porteront 15 130 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2020, ce qui représente 148 postes de plus que l’année 2019.

Plus de la moitié des crédits, soit 1,77 milliard d’euros, relèvent du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture. En cohérence avec l’objectif de décliner les mesures de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM, le ministre a souhaité suivre deux lignes complémentaires : préserver les dotations profitant directement aux agriculteurs et préparer l’avenir grâce à la transition agroécologique.

Les mesures en faveur de la structuration des filières atteindront 199,45 millions d’euros, tandis que les versements aux nouveaux exploitants, dont la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA), représenteront 55,97 millions d’euros.

Le volet agricole du grand plan d’investissement (GPI) bénéficiera d’une contribution de 244,2 millions d’euros.

L’enveloppe des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et des aides à la conversion vers l’agriculture biologique sera de 128,31 millions d’euros et je vous rappelle que le montant du fonds de structuration « avenir bio » a doublé depuis 2018, passant de 4 à 8 millions d’euros. Cette planification ambitieuse ne met pas de côté le fait que des difficultés peuvent survenir en cours d’année. Pour cette raison, en complément de l’action relative à la gestion des risques, une provision pour aléas de 174,8 millions d’euros est reconduite.

Vous connaissez comme moi le feuilleton – « retour à la normale », puis « poursuite du retour à la normale » – du calendrier de versement par l’Agence de services et de paiement (ASP) de certaines aides prévues au titre de la politique agricole commune (PAC). Les campagnes 2017 et 2018 devraient être soldées – avec les réserves d’usage – d’ici à décembre 2019 ; les prestations correspondant à l’exercice 2020 seront payées au printemps prochain.

Nous aurons l’occasion d’évoquer un certain nombre de sujets lors de l’examen des amendements, mais le programme 149 appellera dès à présent deux remarques de ma part.

S’agissant de la filière de la pêche, je me réjouis de la décision du ministère d’attribuer 2 millions d’euros supplémentaires à la modernisation des petites flottilles outre-mer, assortie d’un programme calibré pour prévenir la tentation du surinvestissement.

Concernant la réforme de la PAC, force est de constater que les négociations s’enlisent et que l’entrée en vigueur d’une série de règlements de fond et du cadre financier pluriannuel, prévue théoriquement au 1er janvier 2021, sera vraisemblablement repoussée, avec toutes les difficultés que l’on a déjà connues pour gérer la transition entre une programmation et la suivante.

Le programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture porte les moyens de fonctionnement du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Avec 619,38 millions d’euros, il se donne deux chantiers principaux : réussir entre septembre 2020 et mai 2021 le recensement agricole décennal, en mobilisant 7,60 millions d’euros à cette fin, avec un chantier informatique d’une grande technicité ; rationaliser l’implantation des personnels en commençant à regrouper plusieurs opérateurs – dans un premier temps l’Office national des forêts (ONF) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) sur le site de l’École vétérinaire à Maisons-Alfort, ce qui devrait dégager une économie de 17 millions d’euros par an.

Pour conclure, et malgré la vivacité des discussions que nous avons pu avoir dans cette salle et dans l’hémicycle pour défendre le réseau des chambres d’agriculture, il apparaît nettement que le budget du ministère de l’agriculture pour 2020 a été préparé de manière plus apaisée que dans le passé. Dès lors, je vous propose de le voter avec la même sérénité.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial (Sécurité alimentaire). Le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, dont je suis le rapporteur spécial, permet de mobiliser des dispositifs contribuant à renforcer la sécurité et la qualité sanitaires des aliments comme des filières de production animale et végétale, au service de la santé et de la sécurité des consommateurs, dans le respect du bien-être animal et du développement durable des filières agricoles, agroalimentaires, piscicoles et forestières. Il représente, tant en AE qu’en CP, un peu moins de 19 % des crédits de la mission agriculture.

La progression des autorisations d’engagement du programme dépasse légèrement, en proportion, celle des AE de la mission ; celle des CP le fait plus nettement. Je m’en félicite d’autant plus que ce programme fait l’objet de mesures de transfert sortantes.

Cette hausse des crédits permettra de maintenir un haut niveau de vigilance, notamment face aux maladies animales comme la tuberculose bovine et la peste porcine africaine : il est essentiel pour les débouchés de notre agriculture de préserver la qualification sanitaire « indemne » de l’élevage français. La situation épidémiologique de plusieurs départements impose des mesures strictes. Je ne peux donc que me féliciter de la forte progression des crédits dédiés à la gestion des maladies animales.

Pour ce qui est de la santé des végétaux, je salue l’entrée en vigueur d’une nouvelle réglementation européenne exigeante le 14 décembre prochain, d’autant que les moyens requis par son application sont bel et bien au rendez-vous, avec une progression de 6 millions d’euros de la dotation dédiée aux missions de gestion des risques pour la santé des végétaux déléguées aux directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et aux directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF).

À la veille du Brexit, les moyens nécessaires aux contrôles aux frontières ne sont pas non plus négligés, avec le recrutement de 300 ETP ; la préparation de la France semble bonne. Je n’envisage pas moins d’en faire un examen approfondi à l’occasion du prochain Printemps de l’évaluation.

Les crédits de ce programme nous donnent donc plusieurs motifs de satisfaction. Je souhaite cependant appeler votre attention sur plusieurs questions.

J’évoquerai tout d’abord l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail (ANSES), principal opérateur de ce programme. Par rapport au montant de 63,6 millions d’euros réellement versé en 2019, la subvention pour charge de service public allouée par le programme à l’ANSES progresse d’environ 900 000 euros. Cependant, cet organisme reconnu pour son excellence, comme en témoignent ses nouveaux mandats de laboratoire de référence de l’Union européenne, voit son activité croître continûment – en fonction des nécessités du moment, bien sûr, mais pas seulement. Ainsi, dès l’apparition des premiers cas de peste porcine africaine à la frontière franco-belge, l’Agence a constitué un groupe d’expertise collective en urgence. Le nombre de saisines urgentes de l’ANSES liées à cette pathologie n’a cessé de croître : alors qu’il n’y en avait aucune en 2017 ni au cours des neuf premiers mois de l’année 2018, leur nombre est passé à dix pour le seul dernier trimestre de l’année 2018 ; nous en avons compté huit au premier semestre de cette année. La réactivité de l’ANSES dans le traitement des saisines urgentes est l’objet de l’un des principaux indicateurs de performance de ce programme.

Au-delà de cette actualité, nous pouvons être inquiets d’une certaine tentation de toujours confier davantage de missions à l’ANSES, sans que cela s’accompagne d’une réflexion sur ses moyens. Ainsi est-il question de lui confier toutes les missions du Haut Conseil des biotechnologies (HCB), créé à la suite du Grenelle de l’environnement, notamment pour éclairer la décision publique en matière d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

J’appelle également votre attention sur la question de la prise en compte du bien-être animal, qui fut l’objet de plusieurs des auditions auxquelles j’ai procédé. Le diagnostic semble partagé : les effectifs sont insuffisants pour assurer la bonne application des règles dans les abattoirs. Un effort en la matière, même modeste, serait bienvenu. De 6 000 ETP il y a dix ans, les effectifs du programme budgétaire Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation sont passés à environ 4 500 ETP. Le recrutement de cinquante à cent vétérinaires pourrait contribuer à améliorer nettement la situation, a fortiori s’il s’accompagne d’un redéploiement des contrôles au sein des abattoirs en vue d’accroître les contrôles ante mortem.

La commission en vient à l’examen des amendements concernant la mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales.

Article 38 et état B

Elle examine l’amendement II-CF28 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement propose le lancement d’une expérimentation de 200 territoires « ambition + pour sortir des pesticides », afin de trouver une solution et de sortir de l’affrontement sur les arrêtés antipesticides.

D’un côté, les agriculteurs éprouvés par un long été de sécheresse ont l’impression, avec les discussions autour des zones de non-traitement, de faire face à une injustice et d’être traités comme des empoisonneurs et manifestent leur colère ; de l’autre, certains maires prennent des arrêtés antipesticides, non pas pour embêter les agriculteurs, mais pour protéger la santé publique.

Cet amendement propose de sortir de cet affrontement et de la discussion relative aux distances – quelle est la bonne distance entre trois mètres et cent cinquante mètres ? – et de retrouver une approche plus globale. Ces 200 territoires s’apparentent aux territoires « zéro déchet » ou aux territoires à énergie positive précédemment lancés. L’idée serait de concentrer sur 200 territoires volontaires des moyens supplémentaires pour aider les agriculteurs, tout en travaillant avec les collectivités et les élus locaux, afin d’identifier les moyens d’accélérer la fin de l’usage des produits phytosanitaires. Cette sélection correspond à environ deux territoires par département, ce qui permet de poursuivre les autres actions sur l’ensemble du territoire – les fermes DEPHY, le plan Écophyto II +, etc. Dans ces 200 territoires, les agriculteurs, les élus locaux et toutes les parties prenantes s’accorderont pour travailler ensemble à l’accélération de la sortie des pesticides. Outre les moyens supplémentaires, l’amendement prévoit des objectifs de résultat en matière de diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires, ainsi que des critères d’évaluation. Chaque acteur devra prendre ses responsabilités, notamment les élus locaux en matière de restauration collective.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Votre amendement propose de financer, à hauteur de 50 millions d’euros, le lancement d’une expérimentation de 200 territoires « ambition + pour sortir des pesticides ». Il est évident que je partage votre préoccupation quant à la transition agroécologique. Cependant, le dispositif que vous proposez me paraît soit déjà satisfait, soit défini de manière trop imprécise.

Des outils existent déjà pour apporter un soutien budgétaire aux exploitations qui s’engagent pour rendre leurs pratiques plus respectueuses de l’environnement. Les MAEC rémunèrent, dans le cadre d’un contrat pluriannuel, les surcoûts et les manques à gagner liés à la mise en œuvre de pratiques plus respectueuses de l’environnement. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation cofinance également des aides à la conversion en agriculture biologique. En 2020, l’enveloppe de ces deux dispositifs s’élèvera à 128,31 millions d’euros. Comme vous le rappelez vous-même, d’autres leviers accompagnent les agriculteurs dans cette transition, comme les contrats de transition écologique (CTE) ou les groupements d’agriculteurs biologiques (GAB).

De plus, le Gouvernement travaille à aller plus loin pour soutenir davantage les efforts des exploitants. Au niveau européen, la France insiste fortement pour que les « eco-schemes » prévus dans la réforme de la PAC portent un haut niveau d’ambition et soient obligatoires pour l’ensemble des États membres. Au niveau national, comme l’amendement le rappelle, un décret et un arrêté sur la largeur des zones de non-traitement (ZNT) sont en préparation. Contrairement à vous, je pense qu’il faut attendre les résultats de la consultation avant de conclure sur ce que pensent nos concitoyens. Je crois également qu’il faut faire confiance à l’intelligence des chartes locales.

Enfin, le calibrage de votre amendement me conduit à lui préférer d’autres solutions, notamment celle proposée dans l’amendement II‑CF123 de la commission des affaires économiques, relatif au réseau DEPHY.

Je vous invite donc à retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. L’objectif est d’en faire davantage sur un nombre limité de territoires dans lesquels agriculteurs et élus locaux seraient d’accord pour progresser ensemble. Mon amendement met en avant ces notions de territoire et d’expérimentation. C’est pourquoi je le maintiens, tout en ayant entendu les arguments du rapporteur.

La commission rejette l’amendement II-CF28.

Elle en vient à l’amendement II-CF141 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Les feux qui ont dévasté l’Amazonie ont ému et sensibilisé la population française ; mais surtout, ils posent la question de la protection des biens communs de l’humanité, au premier rang desquels la forêt, qui piège les émissions de carbone.

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, cet amendement d’appel propose d’augmenter les moyens dévolus au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB). L’idée serait d’atteindre la somme de un euro par tonne de carbone dédiée à la forêt et au bois, en cohérence avec la politique de la France, qui vise zéro émission d’ici à 2050. En outre, cet amendement est l’occasion de rappeler qu’avec 130 millions de tonnes de CO2 séquestrées chaque année, la forêt française compense plus de 25 % de ses émissions de gaz à effet de serre.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Nous sommes sensibles à votre argumentation, mais votre amendement conduirait à augmenter à hauteur de 30 millions d’euros les moyens du fonds stratégique de la forêt et du bois, actuellement pourvu de 18,05 millions d’euros…

Avant cet été, Émilie Cariou et moi-même avons demandé à la Cour des comptes une enquête, au titre de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), sur la structuration de la filière de la forêt et du bois et ses performances économique et environnementale. Ce rapport devrait nous être rendu au printemps 2020. Nous avons lancé cette mission en rencontrant les magistrates de la deuxième chambre chargées de ce travail et nous aurons bientôt l’occasion d’échanger à nouveau avec elles.

Par ailleurs, il me paraît utile de vous rappeler que le FSFB, dont vous proposez un quasi-triplement de l’enveloppe, n’est pas le seul levier de l’État en faveur de la forêt, loin de là. La démarche de classement en forêt de protection et de lutte phytosanitaire mobilise près de 300 000 euros ; la subvention du ministère à l’ONF est reconduite à 178,86 millions d’euros ; pour ce qui est de la forêt privée, l’État subventionne le CNPF à hauteur de 13,97 millions d’euros. Parallèlement, le ministère finance la restauration de terrains forestiers en montagne grâce à une enveloppe de 5,61 millions d’euros ; il soutient également les collectivités territoriales afin de protéger les forêts contre les incendies, ce qui nécessite 14,07 millions d’euros ; des subventions d’études sont attribuées par ailleurs, notamment à l’institut technologique « forêt-cellulose-bois-construction-ameublement » (FCBA), pour un total de 8,32 millions d’euros. Ajoutons que l’environnement fiscal est favorable à la filière de la forêt et du bois.

M. Fabrice Brun. Nous serons très attentifs au sujet du rapport que vous avez mentionné. J’espère que le retour de la taxe carbone fera partie des priorités présentées.

Par ailleurs, si hier nous avons longuement évoqué les chambres d’agriculture, nous avons également rendu un service aux propriétaires forestiers, puisque les financements de la filière de la forêt étaient concernés.

Enfin, nous ne pouvons parler de forêt sans parler de la forêt d’État et de la situation très délicate de l’ONF.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel. La meilleure solution ne serait-elle pas de rendre éligible à la bourse carbone les forêts éco-certifiées ? L’exposé sommaire de notre collègue Brun le rappelle, les forêts absorbent entre 20 % et 25 % des émissions de gaz à effet de serre, sans que leurs propriétaires en perçoivent une rémunération.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Cet argument est régulièrement présenté par les représentants des forêts. Nous avons conscience que les forêts jouent un rôle majeur dans la captation du carbone. Nous aurons très certainement l’occasion d’en discuter plus largement lorsque le rapport nous sera remis, avec l’ensemble des acteurs du secteur et de ceux de l’environnement. Bien évidemment, compte tenu du rôle qu’elle joue, la forêt pourrait légitimement prétendre à des aides supplémentaires pour encourager la plantation de nouvelles surfaces si nécessaire.

La commission rejette l’amendement II-CF141.

Elle en vient à l’amendement II-CF190 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Cet amendement a pour but d’appeler votre attention sur la situation de l’ONF, victime au fil des ans d’un effet de ciseaux entre les diminutions d’effectifs et l’externalisation de certaines activités. Cela n’est pas sans poser problème dans plusieurs territoires où l’on a besoin du contact avec les forestiers, mais également avec les communes et les différents usagers, vététistes et autres.

Nous proposons de déplacer des moyens de l’administration centrale vers l’ONF pour la conduite et le pilotage des politiques de l’agriculture. Nous sommes d’accord sur la nécessité de réduire le nombre de fonctionnaires, mais jamais sur l’endroit où cette réduction doit s’appliquer. Nous sommes persuadés que ces réductions doivent s’appliquer progressivement au niveau de l’administration centrale, afin de concentrer les moyens au plus près du terrain.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Nous connaissons tous la situation difficile de l’ONF sur le plan financier, ainsi que son endettement. Cela étant, l’Office n’est pas dépourvu de ressources : il bénéficie du produit de l’entretien et de l’exploitation des forêts publiques, égales à 344,3 millions d’euros en 2018, soit 20 millions de plus que l’année précédente. Le ministère lui attribue trois types de subventions pour charges de service public : un versement compensateur de 140,4 millions d’euros, une dotation pour ses missions d’intérêt général (MIG), comme la contention des dunes du littoral atlantique, de 26,02 millions d’euros, et une contribution exceptionnelle de 12,4 millions d’euros pour faire face à ses difficultés.

Vous indiquez dans votre exposé sommaire que « les solutions, comme la filialisation d’activités ou la réduction des effectifs, suscitent de nombreuses inquiétudes, notamment celle d’une privatisation future de l’ONF, eu égard au rôle irremplaçable qu’il joue pour les forêts et dans les territoires ». En juillet dernier, l’Inspection générale des finances (IGF), l’Inspection générale de l’administration (IGA), le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ont rendu un rapport particulièrement intéressant sur l’actuel contrat d’objectifs et de performance de l’ONF, en vue de préparer le prochain. Ses propositions s’inscrivent dans trois scenarii : maintenir le modèle actuel de gestion pour compte propre de la forêt domaniale et de gestion pour compte de tiers de la forêt communale en l’améliorant sur des points clefs ; instaurer un mandat de gestion des forêts domaniales sur le modèle de la gestion d’actifs pour compte de tiers ; créer une agence nationale des forêts publiques pour la gestion du bien commun forestier. Aucune de ces recommandations ne fait état d’une privatisation de l’ONF ; tout au contraire, la mission inter-inspections estime qu’il n’est pas nécessaire de modifier le statut juridique de l’établissement.

Enfin, rien n’interdit à l’ONF de s’améliorer sur certains points. Il me paraîtrait utile d’envisager de faire de l’ONF un établissement public industriel et commercial (EPIC) – j’ai bien dit public – de droit commun, qui puisse mieux gérer ses ressources humaines et améliorer la transparence financière concernant ses activités concurrentielles. Le Gouvernement ne demande pas à l’ONF un effort disproportionné de maîtrise de ses effectifs ; son directeur général, que nous avons auditionné il y a quelques mois, avait jugé cette démarche faisable et même justifiée.

M. Fabien Di Filippo. Si je remercie le rapporteur spécial d’avoir détaillé les mesures d’urgence, je ne nourris aucune illusion sur les chances de voir mon amendement adopté… J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que dans les années à venir, les scolytes, les chenilles processionnaires du pin ainsi que le changement climatique auront un impact sur nos forêts, et exigeront la présence permanente d’équipes de forestiers sur le terrain : il faudra donc l’intégrer à notre réflexion collective.

La commission rejette l’amendement II-CF190.

Puis elle examine l’amendement II-CF511 de Mme Sabine Rubin.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement, dans la continuité de celui de notre collègue Fabien Di Filippo, visa à allouer des crédits supplémentaires à l’ONF. On a expliqué à quel point les forêts participaient au maintien d’écosystèmes complexes et à quel point elles contribuaient à une meilleure protection contre les aléas climatiques, comme les tempêtes, les canicules, les sécheresses et les incendies. Elles constituent en outre des puits de carbone qui absorbent en France une bonne partie de nos émissions de gaz à effets de serre : elles rendent donc un service écosystémique primordial.

Les forêts de France occupent 24,6 millions d’hectares, soit plus d’un tiers du territoire national. Pourtant, le secteur forestier n’emploie plus que 440 000 agents contre 1,5 million en Allemagne, où la surface forestière est pourtant deux fois moindre.

Monsieur le rapporteur, vous nous parlez de moyens financiers et vous évoquez l’environnement fiscal favorable à la forêt. Mais à quel type de forêt est-il réellement favorable ? Telle est bien la question que je pose au travers de cet amendement. La gestion d’une forêt qui ne serait pas mono-spécifique exige des moyens et donc du personnel. L’environnement fiscal ne doit pas inciter à une industrialisation de l’utilisation de la forêt ; il doit au contraire permettre de confier de nouvelles missions à l’ONF afin de restaurer une forêt multi-spécifique à même de rendre véritablement des services. Vous ne pouvez pas soutenir que les moyens humains attribués à l’ONF n’ont pas baissé : un forestier suit aujourd’hui cinq à six fois plus de surface forestière qu’auparavant. Le directeur général de l’ONF a beau jeu de répéter que tout va bien : c’est lui-même qui appuie sur la tête des agents placés sous son autorité et qui aujourd’hui s’élève contre la façon dont les ressources humaines y sont gérées !

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. J’ajoute que les nouveaux moyens numériques permettent des explorations bien plus importantes que celles que l’on pouvait mener précédemment et vous invite à rendre visite, au salon de l’agriculture, aux agents de l’ONF : ils vous montreront tous les outils techniques qu’ils ont aujourd’hui à leur disposition. Cet élément peut jouer, même si je vous accorde qu’il n’économisera pas nécessairement des centaines d’emplois.

Je précise enfin, en réponse à la critique entendue tout à l’heure, que l’administration centrale elle aussi réduit ses effectifs…

La commission rejette l’amendement II-CF511.

Elle se saisit de l’amendement II-CF189 de M. Fabien Di Filippo.

M. Fabien Di Filippo. Cet amendement, que je vais retirer, avait été déposé dans l’hypothèse où la baisse des crédits alloués aux chambres d’agriculture aurait été entérinée lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Il visait à souligner une fois encore le rôle de proximité joué par leurs agents, notamment dans l’installation des jeunes agriculteurs, dans l’aide à l’évolution des pratiques agricoles ainsi qu’en matière de conseil aux communes dans l’élaboration de leur plan local d’urbanisme ; il tendait également à retirer une partie des moyens affectés à l’administration centrale, c’est-à-dire à la bureaucratie, pour les redéployer sur le terrain.

L’amendement II-CF189 est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CF289 et II-CF290 de M. Julien Dive, et l’amendement II-CF495 de Mme Sabine Rubin.

M. Julien Dive. Il s’agit de faire respecter l’engagement pris par le président de la République, par le ministre de l’agriculture ainsi que par plusieurs parlementaires de faire sortir la filière agricole du glyphosate fin 2021, en réalité en 2022, sachant que l’usage de cet herbicide est déjà interdit aux particuliers comme aux collectivités.

On demande en effet à nos agriculteurs d’assurer cette transition et de se passer de ce même herbicide : il est donc nécessaire d’identifier des alternatives, qu’elles soient mécaniques ou issues de la recherche.

L’amendement II-CF289 propose donc d’abonder, à hauteur de 10 millions d’euros, les crédits alloués à l’action 23 Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt de la pêche et de l’aquaculture, afin d’assurer précisément l’accompagnement de la filière agricole.

Je retire par ailleurs l’amendement II-CF290 qui participait de la même logique, tout en poursuivant un objectif différent.

L’amendement II-CF290 est retiré.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement II-CF495 est de la même veine puisqu’il tend à créer un fonds de soutien aux paysans en vue de sortir du glyphosate et, plus largement, à réduire l’usage des pesticides.

Contrairement à certains de mes collègues, je prétends que toutes les solutions existent, même si elles impliquent bien sûr un changement de notre modèle et des pratiques agricoles. Il est donc nécessaire d’accompagner nos agriculteurs dans cette voie, afin qu’ils se passent des pesticides dont ils sont les premiers prisonniers.

Ces produits leur coûtent en effet très cher. En outre, ils réduisent à néant les compétences agronomiques qu’ils ont souvent acquises au cours de longues études : de spécialistes, ils les transforment en applicateurs calendaires de pesticides.

Il est donc nécessaire à mon sens d’allouer des crédits à ce changement des pratiques agricoles.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Vos amendements visent tous deux, chers collègues, à financer, à hauteur de 10 millions d’euros, la sortie du glyphosate. Je n’ai pas besoin de vous rappeler le caractère prioritaire qu’ont assigné tant le Gouvernement que la majorité à la transition agroécologique ainsi qu’à la lutte contre les pesticides.

Les MAEC bénéficient ainsi de 128 millions d’euros de crédits. L’élargissement de l’assiette et la hausse des taux de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) ont été prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2019.

Parallèlement, un débat courageux et démocratique est en cours sur les zones de non-traitement (ZNT). Par ailleurs, la confiance dans l’intelligence du terrain, avec les chartes locales, ne se dément pas.

Je vous suggère donc plutôt de nous rejoindre et d’adopter l’amendement qui nous sera proposé par la commission des affaires économiques ; en tout état de cause, mon avis sur ces deux amendements est défavorable.

M. Julien Dive. Monsieur le rapporteur, vous mélangez quelque peu les enjeux. Une trajectoire de sortie des intrants a d’ores et déjà été définie dans notre pays, avec une réduction par deux des pesticides à l’horizon 2025.

Vous venez de citer les enveloppes budgétaires finançant cet objectif ainsi que la transition agroécologique ; encore faut-il définir l’agroécologie, ce que le ministre n’a pas encore fait.

Nous visons un objectif précis : s’affranchir d’un herbicide. Là où je ne suis pas d’accord avec notre collègue Loïc Prud’homme, c’est lorsqu’il nous faut faire face à des situations d’impasse : dans le cas de certaines techniques de culture, comme l’agriculture dite de conservation des sols, il n’est pas possible en l’état de faire autrement. C’est précisément pour aider nos agriculteurs à en sortir que je propose la création d’un fonds.

La commission rejette successivement les amendements II-CF289 et II-CF495.

La commission est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements II-CF514, II-CF509 et II-CF498 de M. Éric Coquerel.

M. Loïc Prud’homme. J’avais déjà, l’année dernière, déposé un amendement identique à l’amendement II-CF514 : il s’agit d’un amendement d’appel portant sur les pollutions diffuses, notamment celles causées par les nitrates du fait de l’utilisation massive d’engrais azotés et des épandages de lisier. La France a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la directive sur les nitrates.

Moins connue, la pollution aux phosphates n’en est pas moins alarmante : elle provoque en effet l’eutrophisation des milieux aquatiques et l’apparition d’algues vertes, notamment du fait du faible bouclage du cycle du phosphore et de sa dispersion dans le milieu.

L’utilisation massive d’engrais phosphatés pose un autre problème par le fait qu’elle repose sur l’exploitation d’une ressource extractive, c’est-à-dire d’une ressource minière : à l’image du peak oil attendu pour le pétrole, d’ici à trente à cinquante ans, la production d’engrais phosphatés atteindra son maximum, avant de se tarir progressivement.

Il convient donc de s’occuper sans attendre du bouclage du cycle du phosphore. L’idée est donc de faire respecter en la matière le principe pollueur-payeur en instaurant une taxe assise sur les engrais azotés et phosphatés utilisés par les exploitants agricoles.

Une telle proposition est techniquement réaliste : nous disposons déjà des données sur les quantités d’azote et de phosphore contenues dans les sols, c’est-à-dire sur le stock existant, produites par les travaux du groupement d’intérêt scientifique sol (GIS sol). Les agriculteurs, qui sont désormais des techniciens très bien formés, réalisent consciencieusement des bilans des éléments minéraux contenus dans leurs sols. Par conséquent, aucun obstacle technique ne s’oppose à la mise en œuvre d’une telle disposition qui permettrait de lutter efficacement contre les pollutions diffuses dues aux nitrates et aux phosphates.

L’amendement II-CF509, qui est également un amendement d’appel, porte sur la certification « agriculture biologique » (AB). Celle-ci coûte en moyenne 350 euros pour une petite exploitation, 800 euros par an pour les plus grandes, auxquels il faut ajouter le coût des contrôles, soit un budget moyen de 1 660 euros par an pour garantir et conserver sa certification. Je ne trouve pas normal que les agriculteurs produisant de façon saine et durable, ce qui devrait aujourd’hui constituer la norme, aient à subir des contraintes financières supplémentaires du fait de leurs pratiques vertueuses : alors qu’ils ont rempli les critères du cahier des charges AB, ils ne devraient pas avoir à supporter le coût de leur certification ni celui des contrôles annuels afférents, sauf évidemment en cas de rejet par l’organisme certificateur.

Un changement de paradigme, avec un label « agriculture chimique » (AC), serait plus cohérent : une telle certification désignerait les produits issus de l’agriculture utilisant des pesticides nocifs. Ce contre-label AC devrait être soumis à la taxation aujourd’hui supportée uniquement par l’agriculture sous label AB. Les montants ainsi collectés permettraient de soutenir la conversion des agriculteurs.

Aujourd’hui, seule l’agriculture biologique est taxée, autrement dit les agriculteurs qui travaillent bien. Il s’agit donc d’inverser la logique.

L’amendement II-CF498 vise quant à lui à revenir sur la suppression des aides au maintien en agriculture biologique, en transférant des crédits de l’action 21 Adaptation des filières à l’évolution des marchés et de l’action 23 Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles réservées au développement du modèle exportateur du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture vers un nouveau programme visant à financer une aide aux agriculteurs déjà convertis à l’agriculture biologique et qui ont besoin, les premières années suivant leur conversion, de bénéficier d’une aide au maintien, le temps de la mener à bien et, surtout, de renforcer et de pérenniser leur nouveau modèle économique – et du coup leur apport à l’économie globale – afin d’assurer la viabilité de leurs exploitations et la protection de l’environnement sur les territoires.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. On ne saurait prétendre que les pouvoirs publics ne feraient rien pour lutter contre l’utilisation excessive de produits phytosanitaires ; Vous n’avez sans doute pas, cher collègue, examiné toutes les dispositions prises, notamment au travers des lois de finances : j’ai d’ailleurs rappelé certaines d’entre elles.

L’idée d’une taxe sur les produits azotés et phosphatés peut être débattue : si vous avez souhaité qu’elle le soit dès à présent, vous pourriez, en redéposant votre amendement II-CF514 en vue de la séance publique, faire en sorte qu’elle le soit dans l’hémicycle, en interrogeant le ministre de l’agriculture à son sujet.

Vous pourriez également faire poser cette question par votre collègue Éric Coquerel puisqu’il est rapporteur spécial de certains des programmes de la mission Écologie, développement et mobilité durables, c’est-à-dire des crédits affectés au ministère de la transition écologique et solidaire. Il pourrait par conséquent interroger madame la ministre Élisabeth Borne à ce sujet. J’émets donc un avis défavorable à l’amendement II-CF514.

Pour ce qui est de l’amendement II-CF509, si l’étiquette bio a effectivement un certain coût, elle est également très rémunératrice et présente clairement un intérêt en termes de marketing pour les agriculteurs engagés dans cette démarche. Je ne connais pour ma part pas beaucoup d’éleveurs ou de producteurs en bio qui refusent les contrôles actuellement menés. Je suis donc également défavorable à cet amendement.

Enfin, votre amendement II-CF498 procède d’un raccourci véritablement dommageable à nos débats. Le Gouvernement n’a jamais supprimé les aides au maintien, mais seulement recentré la part de l’État sur les aides à la conversion. Les conseils régionaux ainsi que les agences de l’eau conservent toute latitude pour poursuivre le versement de telles aides. L’État respecte par ailleurs ses engagements antérieurs à 2017, c’est-à-dire qu’il continuera à aider les éleveurs en conversion et assurera le maintien en agriculture biologique jusqu’en 2021.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Je rappelle que le Gouvernement a mis en place le plan Écophyto, qui d’ailleurs ne porte pas tous les fruits que nous en attendions. Il n’en reste pas moins qu’il est très actif en la matière et que son engagement continue d’être amélioré avec le plan Écophyto II +.

Par ailleurs, cessons de montrer du doigt et de taxer les agriculteurs en leur collant une étiquette « agriculture chimique ». On leur a demandé, après la dernière guerre mondiale, de nourrir la France, et ils ont rempli leur mission. Ils sont depuis engagés dans une démarche d’évolution profonde : cela saute aux yeux pour qui se déplace dans les exploitations.

M. Loïc Prud’homme. Je réponds uniquement sur l’amendement II-CF514. Les réponses apportées par les deux rapporteurs spéciaux sont assez emblématiques, dans la mesure où ils ne donnent aucun argument pour s’opposer à l’inclusion des phosphates et des nitrates dans le champ des pollutions diffuses. Et pour cause, c’est une réalité agronomique techniquement inattaquable ! Il ne s’agit pas de montrer les agriculteurs du doigt, mais de résoudre le problème des pollutions diffuses et de trouver des solutions. Il faut dès à présent s’emparer de cette question du bouclage des cycles de l’azote : il existe des solutions autres que les engrais chimiques. Le bouclage de celui du phosphore est une affaire encore plus problématique. Vous pouvez certes la balayer d’un revers de la main sans développer le moindre argument, mais votre position ne tient pas une seule seconde face à des arguments très clairement exposés, particulièrement pour ce qui touche aux engrais phosphatés : je suis quelque peu atterré par le niveau des débats sur ces trois amendements.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Monsieur Prud’homme, il existe des plans d’épandage : vous ne pouvez pas affirmer aujourd’hui que certains agriculteurs essaieraient de ne pas les respecter.

Nous avons tous intérêt à limiter le plus possible la dispersion de ces matières utiles à la croissance des plantes, mais qui disparaissent dans le sol.

La commission rejette successivement les amendements II-CF514, II-CF509 et II-CF498.

Puis elle examine l’amendement II-CF291 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’amendement II-CF291 tend à renforcer les moyens alloués au fonds dédié au plan « ambition bio ». Je rappelle que le Gouvernement a fixé l’objectif d’atteindre 15 % de surface agricole utile (SAU) cultivés en agriculture biologique en 2022. Au 31 décembre 2018, la part de la SAU ainsi cultivée atteignait 7,5 % : on constate, c’est certain, une progression. Ainsi les crédits alloués au plan « ambition bio » ne représentaient il y a encore quelques années que la moitié de ceux qui lui sont alloués aujourd’hui.

Pour en faire l’outil d’une véritable politique publique ambitieuse et pour atteindre l’objectif de 2022, il faut lui octroyer des moyens : c’est la raison pour laquelle je propose d’abonder les crédits qui lui sont alloués de 2 millions d’euros.

Je rappelle que 2022 correspond également à l’échéance à laquelle les repas proposés en restauration collective, et en particulier par les cantines scolaires, devront, à hauteur de 50 %, être respectueux de l’environnement, et, à hauteur de 20 %, être issus de l’agriculture biologique.

Gageons que ces repas issus de l’agriculture biologique proviendront de l’agriculture française.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Je ne suis, d’une manière générale, pas d’accord avec l’idée selon laquelle le budget du ministère de l’agriculture pour 2020, que nous examinons, ne serait pas favorable à la conversion à l’agriculture biologique.

M. Julien Dive. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Je vous rappelle tous les efforts faits en matière de MAEC, de dispositions fiscales, ou dans le cadre du fonds de structuration du plan « ambition bio » qui, dès 2018, a bénéficié de crédits budgétaires. La dynamique de la conversion a donc été engagée : les représentants de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l’agriculture, que j’ai auditionnés à ce sujet, doivent me transmettre cette semaine des graphiques et des cartes, que je vous communiquerai volontiers. Car il y a des différences entre régions pour ce qui touche à l’installation de producteurs bio : il serait intéressant que nous en ayons, les uns comme les autres, connaissance afin de comprendre pourquoi les objectifs seront atteints dans certaines régions et pas dans d’autres.

M. Julien Dive. Je ne m’inscris pas en faux contre vos propos… J’abonde tellement dans votre sens que je propose de donner du poids à ce budget ainsi qu’à ce plan « ambition bio » en augmentant, à hauteur de 2 millions d’euros, les crédits qui lui sont consacrés : alors qu’ils s’élèvent actuellement à 8 millions d’euros, je propose de les porter à 10 millions d’euros. Une fois l’objectif arrêté pour 2022 atteint, on pourra songer à les réduire, ou en fixer un nouveau. En l’occurrence, monsieur le rapporteur spécial, je ne fais qu’abonder dans votre sens.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Les crédits qui sont consacrés à ce plan sont déjà passés de 4 millions d’euros à 8 millions d’euros.

M. Julien Dive. C’était en 2016 !

Suivant l’avis défavorable du rapporteur spécial, la commission rejette l’amendement II-CF291.

Puis elle examine l’amendement II-CF292 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. L’amendement II-CF292 tend à augmenter les crédits alloués à l’action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole. L’année 2019 s’est montrée de ce point de vue particulièrement instable puisqu’elle a été marquée par des sécheresses ainsi que par des aléas climatiques à n’en plus finir, sans parler de l’incendie de l’usine Lubrizol.

Il faut cependant garder à l’esprit que ce dernier épisode a atteint, au-delà des producteurs laitiers, qui ont dû gaspiller 750 000 litres de lait par jour, certains exploitants agricoles, notamment dans la filière betteravière, car ils n’ont pas pu collecter leur production et, de ce fait, ont dû faire face à un manque à gagner.

Je propose, en raison de ces aléas, mais également en raison de ces évolutions climatiques, de renforcer les crédits alloués à l’action en question.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Si l’exposé sommaire de l’amendement II-CF292 est très succinct, il propose de flécher 500 000 euros de crédits supplémentaires vers l’action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole.

Je crains, cher collègue, que vous fassiez une erreur de lecture de la documentation annexée, ce qui rend votre proposition largement satisfaite. Vous faites en effet référence à l’action 22, dotée de 5,37 millions d’euros en 2020, c’est-à-dire d’un montant identique à celui voté en loi de finances initiale pour 2019. D’autres lignes budgétaires, même si elles ne portent pas la même appellation, peuvent également être mobilisées afin de faire face aux imprévus.

Une provision pour aléas est ainsi prévue à hauteur de 174,8 millions d’euros. Par ailleurs, un soutien au cas par cas est accordé à FranceAgriMer au titre des marchés en crise. En outre, le fonds d’allégement des charges, doté de 1,84 million d’euros, fait certes partie de l’action que vous avez, cher collègue, citée, mais il comporte des volets de garantie bancaire permettant aux exploitants de bénéficier d’un effet multiplicateur.

Il existe par conséquent des outils mobilisables : je ne crois donc pas nécessaire d’inscrire 500 000 euros de crédits supplémentaires. Mon avis est donc défavorable.

L’amendement II-CF292 est retiré.

La commission est ensuite saisie de l’amendement II-CF122 de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Soutenir et développer l’organisation collective de l’amont agricole constitue l’un des objectifs de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM.

L’amendement II-CF122 vise à aider les organisations de producteurs ainsi que leurs associations, qui agissent en vue de rééquilibrer les relations commerciales que les producteurs entretiennent avec les acteurs économiques de l’aval de leurs filières.

Elles sont également à l’origine d’une meilleure adaptation de l’offre à la demande et de l’instauration d’une transparence des transactions. Ces organisations soutiennent des méthodes de production respectueuses de l’environnement.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. L’amendement II-CF122 vise à abonder le financement des organisations de producteurs ainsi que leurs associations. Nous avons été un certain nombre de commissaires aux finances à siéger au sein de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs.

Le rapport qu’elle a déposé présentait un réel intérêt, et ses travaux nous ont donné l’occasion de rencontrer un certain nombre d’organisations de producteurs, d’ailleurs plus ou moins unies : elles se présentent en effet de façon assez dispersée sur notre territoire.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite Sapin 2, renforce les mesures encadrant les négociations commerciales agricoles par le biais de mécanismes de transparence en matière de prix et d’incitations à la contractualisation. La loi EGALIM a poursuivi dans la même voie.

Ces organisations de producteurs valorisent les efforts des agriculteurs et réalisent des opérations commerciales dans les meilleures conditions.

D’importantes difficultés doivent cependant être levées : leur articulation avec les coopératives et les interprofessions, les différences de traitement, ressenties ou avérées, de la part de l’Autorité de la concurrence entre les organisations de producteurs et les enseignes de la grande distribution qui ont constitué des centrales d’achat gérant l’approvisionnement de multiples points de vente alors que les organisations de producteurs n’atteignent pas toujours une taille critique leur permettant de peser sur les commandes, et enfin leur capacité technique à se saisir de la compétence que leur confie le règlement européen omnibus en matière de détermination des prix de référence.

Il est à mon sens important d’engager une discussion à ce sujet avec le ministre en séance publique : il faut aider davantage les organisations de producteurs. Pour toutes ces raisons, je soutiens cet amendement.

M. Guillaume Garot. Le groupe Socialistes et apparentés soutient, pour en avoir avec d’autres été à l’origine, en commission des affaires économiques, cet amendement. Hervé Pellois a bien cerné le sujet, en évoquant notamment les lois Sapin 2 et EGALIM, et plus récemment les conclusions de la commission d’enquête auxquelles nous sommes un certain nombre à avoir pris part.

Que savons-nous, tous autant que nous sommes ? Qu’il faut aujourd’hui rééquilibrer le rapport de force entre les producteurs, les transformateurs et la grande distribution. Il faut pour cela donner aux premiers les moyens concrets et tangibles de s’organiser, soit à travers leurs organisations, soit à travers leurs associations, afin – il faut le dire très simplement – qu’ils puissent engager des dépenses en matière d’ingénierie et d’accompagnement.

C’est sur cet aspect que nous devons leur donner un coup de main : tel est le sens de cet amendement.

La commission adopte l’amendement II-CF122 (II-160).

La commission se saisit ensuite des amendements II-CF294 de M. Dominique Potier et II-CF490 de M. Éric Coquerel, ainsi que des amendements II-CF683 et II-CF-682 de M. Mathieu Orphelin, ces deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

M. Guillaume Garot. Nous nous situons dans le prolongement de la loi EGALIM qui a confié le soin à la restauration collective, et en particulier à ses opérateurs publics, c’est-à-dire aux collectivités territoriales, de produire des repas de qualité comportant du bio, du local et composés à partir de produits sous signe de qualité.

C’est une très bonne chose : encore faut-il, cependant, que nos collectivités disposent de la capacité financière à opérer cette transition. Or, si certaines le peuvent, d’autres ont bien du mal. Ce n’est pas seulement une question de structuration de l’offre, considérée du point de vue des agriculteurs : même si l’offre est structurée, on sait très bien que l’investissement en restauration collective en gestion directe nécessite une aide, une prime que nous qualifions de « sociale ». Tel est le sens de notre amendement II-CF294, que nous avions déjà défendu l’an dernier, avec l’appui de collègues de différentes sensibilités.

On sait très bien que, si l’on veut passer un cap en matière de transition alimentaire, il faut mobiliser ces crédits, qui nous permettraient de soutenir les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale (DSR) et à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), mais aussi les établissements publics de coopération intercommunale, dès lors qu’au moins deux tiers de leurs habitants résident dans une commune éligible à ces dotations. Vous l’avez compris, c’est un amendement de solidarité. Nous sommes engagés de longue date dans des discussions à ce sujet avec des ONG, qui estiment, à juste raison, qu’il faut unir nos forces et engager des moyens financiers. C’est aussi une question de crédibilité : si l’on croit à la transition alimentaire – ce qui est, je crois, notre cas à tous –, il faut des moyens sonnants et trébuchants pour la concrétiser.

M. Loïc Prud’homme. Nous proposons, par l’amendement II-CF490, qui est dans la même veine, d’instituer un « bonus cantine bio et locale » pour atteindre les objectifs de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Ce serait un soutien temporaire qui aiderait les restaurants collectifs à atteindre les objectifs d’amélioration de la qualité des repas par la mise en place de nouvelles pratiques dans la restauration collective publique et privée. Même si ces objectifs, à nos yeux, manquent d’ambition, ils ne pourront être atteints que par l’octroi d’une aide financière. En effet, un changement de pratiques implique des besoins en matériel – on parle beaucoup de légumeries pour traiter des légumes locaux et de saison, ainsi que d’ateliers de découpe, pour faire travailler les éleveurs dans le cadre de circuits de proximité – et la mise en place de formations aux achats responsables, aux nouvelles techniques culinaires − l’utilisation accrue de protéines végétales, par exemple – ou à la lutte contre le gaspillage. Notre amendement vise à soutenir le basculement vers des cantines bio et locales.

M. Matthieu Orphelin. Mes amendements II-CF683 et II-CF682 vont dans le même sens : il faut accompagner les petites communes, qui ont le moins de moyens, dans la mise en œuvre d’une restauration collective plus durable, qu’il s’agisse des restaurants scolaires, des maisons de retraite ou de tous les autres restaurants collectifs. L’amendement II-CF683 est très similaire à celui qu’a présenté notre collègue Garot ; il s’en distingue uniquement par la définition d’un mode opératoire, à savoir d’appels à projets par les DRAAF. Je retire mes deux amendements au profit de son amendement II-CF294, dans la mesure où ils partagent une ambition commune : concrétiser la transition alimentaire dans la restauration collective, par la mise à disposition de moyens ciblés – c’est là que réside le progrès par rapport à ce que nous avions présenté l’année dernière. Tout en saluant le travail de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’Homme et du réseau Restau’co, je dois admettre que nos propositions n’étaient sans doute pas assez ciblées en 2018 ; elles sont à présent beaucoup plus efficaces.

Les amendements II-CF683 et II-CF682 sont retirés.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Nous sommes nous aussi très attachés aux objectifs – 50 % de produits durables et 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective d’ici à 2022 – fixés par la loi ÉGALIM. Toutefois, je ne suis pas absolument convaincu que ces changements exigent des surcoûts. Je vous invite à venir constater ce qui est réalisé dans mon département du Lot-et-Garonne. Monsieur Saint-Martin pourrait témoigner de ce qui s’y est fait en matière de restauration collective. Certes, cela suppose d’instituer des procédures, de recourir à la concertation et de former les cuisiniers, mais le coût final n’en est pas pour autant supérieur. Je le dis d’autant plus librement que la sensibilité politique de la majorité départementale diffère de la mienne. Venez voir, vous constaterez par vous-même que le travail, la concertation et les procédures engagés n’entraînent pas de coûts supplémentaires. L’expérimentation, d’abord menée dans les collèges, sera bientôt étendue à la restauration collective des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ainsi qu’à d’autres structures. Enfin, ce n’est peut-être pas le rôle du ministère d’opérer des choix qui relèvent de l’intendance des établissements. Avis défavorable.

M. Julien Dive. En commission des affaires économiques, nous avions adopté à l’unanimité l’amendement de Dominique Potier, que Guillaume Garot vient de défendre. Il pose la question de l’éducation alimentaire et des moyens que nous souhaitons engager pour accompagner nos écoles, nos cantines scolaires afin que celles-ci proposent des produits de qualité tout en offrant une éducation à l’alimentation qui a disparu dans notre pays. En France, certains gamins ne connaissent pas la différence entre une courgette et une carotte, par exemple… Notre rapport à la consommation des produits saisonniers est totalement éclaté ; tout cela nécessite un retour de l’éducation dans ce domaine et, à cette fin, l’accompagnement des projets par les communes.

Par ailleurs, n’oublions pas l’objectif défini par les états généraux de l’alimentation. Certaines communes prennent des initiatives – cela rejoint le débat que nous avions eu il y a quelques semaines –, en installant, par exemple, un jardin à côté de la cantine, en produisant des légumes… que la loi interdit de consommer ! Le législateur se devrait d’y réfléchir.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le rapporteur spécial se référait à son expérience dans le Lot-et-Garonne. J’ai mené une expérience de ce type en tant que président du conseil général de l’Allier : j’ai recruté un cuisinier référent, qui assurait des formations, des partages d’expériences. Tel est le sens de cet amendement : engager des moyens permettant de conduire des initiatives qui vont nous faire progresser ensemble. C’est un amendement important, qu’il faut adopter.

Mme Anne-Laure Cattelot. Je comprends l’intention de mes collègues lorsqu’ils souhaitent engager davantage de moyens pour la formation et l’accompagnement à l’investissement dans la restauration collective. Toutefois, à bien y regarder, les crédits existants offrent déjà un large éventail de solutions. Selon le niveau scolaire, la dotation de soutien à l’investissement public local (DSIL) ou la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) – notamment à l’échelle intercommunale – peuvent être mobilisées : la première pour réaliser des cuisines centrales, la seconde pour refaire des cantines scolaires dans le cadre de regroupements ou de rénovations d’écoles rurales. Le taux d’investissement, par exemple dans le département du Nord, est de l’ordre de 40 %, parce qu’il s’agit de dépenses de développement durable.

De leur côté, les caisses d’allocations familiales (CAF) ont des lignes budgétaires permettant d’organiser des ateliers de formation et de sensibilisation, notamment dans les quartiers populaires, pour sensibiliser sur le budget alimentaire, mais également
– monsieur Dive l’a remarqué à juste titre – pour remédier à la méconnaissance, hélas !, des composantes de l’alimentation chez certains publics.

Enfin, des crédits existent, sur les lignes budgétaires dédiées à la fonction publique, que chaque collectivité peut mettre à profit pour instituer des formations en lien avec la chambre de métiers et de l’artisanat.

Il existe donc un éventail de solutions, et beaucoup d’initiatives ont été lancées. On peut trouver des exemples d’actions engagées dans des départements tels que le Gers, l’Allier ou le Nord, pour ne citer qu’eux. Au ministère de les coordonner pour établir une feuille de route inspirée des meilleurs exemples. Tout va très bien dans certains territoires ; il suffit de diffuser les bonnes pratiques.

La commission rejette successivement les amendements II-CF294 et II-CF490.

Elle examine l’amendement II-CF73 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. Tous les députés ont leurs marronniers ; pour moi, ce seraient plutôt des châtaigniers ! (Sourires). En tant que président de l’amicale parlementaire de la châtaigneraie, je voudrais rappeler les objectifs défendus par plus de vingt députés des régions castanéicoles, dont l’Ardèche, premier producteur de châtaignes de notre pays. Ces objectifs, qui ont fait l’objet d’une concertation avec la profession, ont été consignés dans un appel national remis aux ministres concernés : renforcer la recherche sur la maladie de l’encre, développer un porte-greffe résistant à cette maladie et adapté aux conditions de culture du châtaignier en zone traditionnelle, prendre en compte les effets des sécheresses récurrentes et étudier les modalités d’adaptation de la filière au réchauffement climatique, poursuivre la lutte biologique contre le cynips et construire un projet relevant du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CASDAR) avec tous les partenaires scientifiques – l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTFL) et les stations expérimentales. Mon amendement a pour objet de doter ce plan national de 5 millions d’euros pour conforter notre potentiel de production de châtaignes. Je ne doute pas que nos collègues, du Val-d’Oise à la Corse, le soutiendront.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Je ne pense pas, monsieur Brun, que vous ayez besoin de cette disposition pour bénéficier du soutien du CASDAR. Plus généralement, il ne me paraît pas nécessaire de prévoir un dispositif spécifique à chaque filière. Sachez que les crédits de l’action 01 Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale du programme 206 vont croître de 23 %. Par ailleurs, une directive européenne va entrer en application pour ce qui touche à la protection des végétaux, ce qui comprend les recherches sur les maladies et la surveillance. Ces dispositions vaudront bien entendu pour les châtaignes.

M. Fabrice Brun. La filière de la châtaigne a été totalement abandonnée par les pouvoirs publics depuis six ou sept ans. L’amendement vise à prélever 5 millions d’euros sur le budget de l’administration centrale, qui devrait s’en remettre. Pour la filière, en revanche, ces 5 millions d’euros sont stratégiques et déterminants : nous avons des marchés, mais pas suffisamment de production.

La commission rejette l’amendement II-CF73.

Elle en vient à l’amendement II-CF77 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun. En raison d’un effet croisé entre le dérèglement climatique et l’augmentation des échanges planétaires, un nombre croissant d’espèces invasives, pour la plupart originaires d’Asie, se propagent sur notre sol en l’absence de leurs prédateurs naturels. Pour revenir aux châtaigniers, on connaît le cynips, contre lequel des résultats ont été obtenus par le recours à son prédateur, le torymus – même si les efforts doivent être poursuivis –, mais je pourrai aussi citer le frelon asiatique, la pyrale du buis, le scolyte de l’épicéa ou encore la bactérie Xylella fastidiosa, qui menace tous nos vergers d’oliviers en France et en Europe. Notre objectif est d’arrêter de subir et de réagir au coup par coup, et de déployer un plan de prévention et de lutte contre les espèces invasives. C’est un réel sujet de préoccupation pour nos concitoyens : il n’est que de voir, sur le terrain, les dégâts occasionnés par la pyrale du buis, en termes de paysage, de biodiversité, de risque d’incendie et de nuisances au quotidien. Mon amendement vise à mettre en place, à l’échelle du ministère, un plan destiné à prévenir la diffusion de ces espèces invasives en développement et de lutter contre elles.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous sommes tous sensibles aux parasites, aux espèces invasives, dont nous subissons les effets dans nos territoires : on ne trouve plus de buis dans le Jura, ils ont tous été dévorés par la pyrale. Quel est l’avis du rapporteur spécial sur cet amendement de bon sens, si vous me pardonnez ce commentaire personnel ?

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Je ferai une réponse similaire à celle que j’ai apportée précédemment : ce problème est déjà largement pris en compte par le programme 206. L’attention particulière qui est portée à cette question va être renforcée, pour les végétaux, par l’application de la nouvelle réglementation européenne. Vous évoquez la xylella, qui est en forte augmentation et soulève bien des interrogations : j’y consacre deux pages de mon rapport. L’Europe a pris en considération ce phénomène et a établi un plan européen de surveillance et de traitement des végétaux. C’est une préoccupation portée au plus haut niveau. Avis défavorable.

M. François Pupponi. Je ne partage pas tout à fait votre avis sur la xylella. Cette bactérie a fait disparaître une partie de l’oliveraie des Pouilles et commence à gagner la France continentale et la Corse. Il y aurait des solutions très simples – par exemple pour la Corse : interdire l’importation de végétaux et autoriser la production locale. Aujourd’hui, l’administration du ministère de l’agriculture n’accorde pas aux pépiniéristes l’autorisation de reproduire des plants et des variétés endémiques. On est obligé d’importer des végétaux, au risque d’importer la maladie. Il faut gérer le problème de manière complètement différente. À l’heure actuelle, les végétaux arrivent en Corse par bateaux entiers, qui peuvent être infestés – les contrôles sont très aléatoires – alors qu’on ne permet pas la production locale. Il y a là un dysfonctionnement majeur qui nous fait courir des risques trop importants.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. C’est plus compliqué que cela. Il existe plusieurs variétés de Xylella fastidiosa, dont l’une est présente de manière endémique depuis des années, pour des raisons qui nous échappent. La recherche est fortement engagée à ce sujet. On ignore s’il y a des voies de passage avec la forme beaucoup plus agressive que l’on vient de retrouver sur des oliviers d’ornement en métropole.

M. François Pupponi. Des oliviers importés…

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. On la surveille, on la contient, tout en menant des recherches sur cette bactérie, que l’on trouve de manière plus ou moins endémique en Corse, sous une forme beaucoup moins agressive.

M. Fabrice Brun. Ce débat révèle un problème de coordination des plans de lutte et de prévention, auquel cet amendement a précisément pour objet de remédier.

La commission rejette l’amendement II-CF77.

Elle se saisit de l’amendement II-CF123 de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’accroître les crédits destinés aux fermes DEPHY par l’augmentation, à hauteur de 450 000 euros, du budget de l’action 01 du programme 206, dont l’objectif est de promouvoir les méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires. Les crédits seraient ponctionnés sur les actions 21, 24 et 27 du programme 149. Nous souhaitons cependant que le gage soit levé. Les fermes DEPHY sont un pilier du plan ECOPHYTO et de la transition vers une agriculture respectueuse des hommes et de l’environnement, moins utilisatrice de produits phytopharmaceutiques. Les fermes expérimentales ont d’ailleurs montré leur utilité dans le cadre du plan de réduction de l’usage de ces produits, en particulier dans la perspective de la sortie de l’utilisation du glyphosate d’ici à la fin de l’année prochaine. Elles sont un véritable levier, à l’échelle d’une exploitation, pour mettre en œuvre de nouvelles techniques d’action, culture par culture, partout en France. Elles sont indispensables pour expérimenter et promouvoir des techniques économiquement et socialement performantes. Cet amendement vise à soutenir, mais aussi à étendre les 3 000 exploitations du réseau. Je rappelle que le Gouvernement s’est engagé à multiplier leur nombre par dix d’ici à 2021.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. J’aurai l’occasion, en donnant mon avis sur cet amendement, de répondre également à monsieur Prud’homme. Les fermes DEPHY sont très importantes car on recherche, en leur sein, de nouveaux processus et de nouvelles manières de faire de l’agriculture. En effet, on n’a pas encore tous les éléments qui nous permettraient de nous passer du glyphosate. Dans ces fermes sont développées des recherches sur tous les types d’agriculture pour déterminer comment on pourrait répondre, au cas par cas, à la suppression des produits phytopharmaceutiques. Cet amendement avait, me semble-t-il, été adopté par notre assemblée l’année dernière. Je perçois toutefois une difficulté : il est très difficile de recruter dans ces fermes, car cela demande un investissement particulier, beaucoup de temps, de la concertation, un partage des pratiques de terrain. Théoriquement, on a des solutions, mais les pratiques de terrain sont très difficiles à appliquer. C’est au sein des fermes DEPHY que sont engagées ces concertations et ces procédures. Je suis un peu embêté : le Gouvernement me dit que ces structures sont déjà prises en compte dans la maquette budgétaire, mais je n’ai pas trouvé le montant qui leur était dévolu… Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Guillaume Garot. Je soutiens cet amendement. Rappelons-nous que le Gouvernement a pour objectif de multiplier par dix, d’ici à 2021, le nombre de fermes expérimentales DEPHY. Il faut se demander quels moyens on mobilise à cette fin.

M. Loïc Prud’homme. Monsieur Lauzzana, vous évoquez la transition vers une agriculture qui utilise moins de produits phytosanitaires et de pesticides ; vous avez fait allusion au plan ECOPHYTO. Je vous rappelle que je suis membre de la mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate ; et avant d’être élu député, j’ai travaillé à l’INRA. Je vous remercie de m’avoir rappelé comment on pouvait sortir des produits phytosanitaires…

La commission adopte l’amendement II-CF123 (II-161).

Elle passe à l’amendement II-CF124 de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’accroître les moyens dévolus aux projets alimentaires territoriaux, en abondant l’action 08 Qualité de l’alimentation et offre alimentaire du programme 206 à hauteur de 450 000 euros, qui seraient ponctionnés sur l’action 01 Moyens de l’administration centrale du programme 215.

Les projets alimentaires territoriaux sont élaborés par les acteurs locaux. Ils constituent une déclinaison territoriale possible des actions qui visent à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs, et à développer l’agriculture dans les territoires et la qualité de l’alimentation. Ils sont importants en ce qu’ils apportent une réponse personnalisée et coordonnée aux spécificités des territoires ; ils s’appuient sur un diagnostic partagé quant à la production agricole et alimentaire locale, aux besoins alimentaires du bassin de vie, aux atouts et contraintes socio-économiques et environnementales du territoire. C’est un beau dispositif, qui apporte une réponse au plus près des enjeux locaux. Toutefois, depuis 2014, ces projets ont du mal à démarrer. Cet amendement entend soutenir leur dynamique de développement.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Comme vous le savez, le ministre s’est engagé à nous remettre un rapport sur le sujet. Les projets alimentaires territoriaux sont une question complexe. Leur nombre est modeste, et une partie des fonds du programme national pour l’alimentation leur est dévolue. Par ailleurs – signe des efforts en cours –, le ministère a élaboré un plan pour assurer leur développement. Je vous demande de retirer votre amendement et de le présenter en séance publique, afin que le ministre nous apporte des réponses, en particulier à propos du rapport qu’il s’est engagé à nous remettre en 2020, et qui nous permettrait de dresser un bilan des projets territoriaux.

L’amendement II-CF124 est retiré.

La commission examine l’amendement II-CF125 de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Cet amendement a recueilli le vote unanime de la commission des affaires économiques ; il a pour objet d’accroître les moyens du médiateur des relations commerciales agricoles, en le faisant bénéficier du concours de deux équivalents temps plein, par l’augmentation des crédits de l’action 1 du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture, transférés de l’action 27 du programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Je ne sais pas si ces deux temps plein coûteront effectivement 440 000 euros, mais il serait certainement utile de les adjoindre au médiateur, en les faisant bénéficier d’un environnement favorable. Dans le rapport de la commission d’enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de ses groupements dans leurs relations commerciales avec leurs fournisseurs, évoqué tout à l’heure, nous avons exprimé la volonté, par la proposition n° 17, de consolider le travail du médiateur. À l’heure actuelle, ce dernier ne bénéficie que du concours de quatre médiateurs délégués et de quelques renforts temporaires. J’émets donc un avis favorable.

La commission adopte l’amendement II-CF125 (II-162).

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Je vais demander l’avis des rapporteurs spéciaux sur les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

M. Michel Lauzzana, rapporteur spécial. Avis favorable.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. Avis également favorable.

Mme Marie-Christine Dalloz, présidente. Nous allons à présent entendre les porte-parole des groupes sur les crédits de la mission.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. Je voudrais remercier nos deux rapporteurs spéciaux pour la présentation des crédits de la mission, ainsi que ceux de nos collègues qui ont permis d’amender le texte, avec la participation de la commission des affaires économiques. Nous examinerons plus en détail certaines dispositions en séance publique, et prêterons une attention particulière à l’avis du ministre.

M. Fabrice Brun. On ne peut que souscrire aux objectifs poursuivis par ce budget, qui connaît une reprise après deux années de baisse. En revanche, des doutes subsistent quant à l’adéquation des moyens engagés pour les atteindre. En effet, alors que les aides de la PAC sont appelées à baisser substantiellement, notamment en raison d’un certain délaissement de la cause agricole par le Gouvernement – c’est en tout cas ce qu’on ressent –, ce budget ne répondra pas tout à fait aux attentes du secteur agricole. On perçoit un manque de vision, alors que la loi EGALIM, très attendue par le monde agricole, a largement échoué à remplir ses objectifs. Je rappelle que ce texte devait redonner du pouvoir d’achat aux agriculteurs ; or ses effets sur le revenu agricole tardent à se faire sentir… Le secteur agricole souffre de nouvelles difficultés. Il est particulièrement inquiet des aléas climatiques récurrents, comme les sécheresses qui ont marqué les derniers étés. Cela nous appelle à travailler collectivement à une refonte du système des calamités agricoles, de l’assurance, en particulier de l’assurance récolte.

À ce propos, je veux dire un mot de l’irrigation et du stockage hivernal de l’eau. Le temps de l’intensification, qui a marqué les années 1980, est bel et bien terminé. Aujourd’hui, stocker l’eau l’hiver pour l’utiliser l’été est la meilleure des assurances récolte pour sécuriser le revenu des agriculteurs. De ce point de vue, nous avons beaucoup de choses à améliorer dans notre pays, au regard, par exemple, des avancées de nos concurrents espagnols, sur fond de surtransposition des normes et de distorsions de concurrence – deux poisons auxquels il n’existe qu’un seul antidote : la volonté politique !

M. Guillaume Garot. Les agriculteurs, dans plusieurs départements, nous ont déclaré qu’ils se sentaient mal-aimés, ou à tout le moins incompris par notre société. Nous devons être capables de leur apporter une réponse, avec un cap clair ; nous proposons celui de l’agro-écologie, auquel le groupe Socialistes et apparentés travaille depuis plusieurs années déjà. Ce mouvement ne doit pas s’arrêter ; pour qu’il se poursuive, encore faut-il lui en fournir des moyens, mais aussi rassurer ceux que les changements de pratiques inquiètent. Cela est à notre portée ; encore faut-il que nos agriculteurs puissent dégager des revenus, afin de s’engager dans la transition agricole et alimentaire. Ce défi se pose à notre pays, mais aussi à l’échelle européenne : rien ne sera possible uniquement en France. La PAC doit partager cette ambition en matière d’agro-écologie si nous voulons emmener les agriculteurs français vers une évolution très attendue par l’ensemble de la société.

Mme Lise Magnier. Je souhaite en premier lieu remercier les deux rapporteurs pour leur travail. Concernant cette mission, le volume budgétaire ne pose pas de problème particulier. Nous voyons bien, à travers la présentation des rapports, que les crédits consacrés à la mission Agriculture, soit environ 2,9 milliards d’euros, sont similaires à ceux des années précédentes. Même en ajoutant les 2 milliards d’euros de l’enseignement agricole, cela ne représente toujours que la moitié des aides européennes, qui s’élèvent à 9 milliards d’euros. Dans ce secteur comme dans d’autres, n’oublions pas ce que l’Europe peut nous apporter.

Parmi les points positifs que nous pouvons retenir figurent le fameux grand plan d’investissement, pour un montant de 245 millions d’euros, l’augmentation de 24 % des aides en faveur de l’agriculture biologique et des MAEC, ainsi que le financement d’1,1 million d’euros pour le plan « ambition bio 2022 ».

Je rappelle également que le plan Écophyto II, qui vise à réduire de moitié le recours aux produits phytosanitaires d’ici à 2025, est une avancée importante qui vient s’ajouter à la loi EGALIM et ses fameuses chartes de bonnes pratiques d’utilisation des produits phytosanitaires. Les arrêtés municipaux relatifs au glyphosate ne sont pas la bonne méthode et il est important de l’affirmer avec force.

Ceux qui aiment l’agriculture et qui font nos territoires militent pour une agriculture diverse, en soutenant aussi bien l’agriculture biologique et les circuits courts que l’agriculture conventionnelle et l’agriculture agro-industrielle : avec 28 millions d’hectares de surface agricole utile, la France est le premier pays agricole européen et nous devons en être fiers.

L’enjeu actuel consiste donc à aider l’agriculture à assurer la transition alimentaire, la transition écologique et la transition énergétique. Le président de la République s’était engagé dans son programme électoral à consacrer 5 milliards d’euros supplémentaires à l’agriculture. À mi-mandat, j’aimerais que nous fassions un bilan et une évaluation de cet engagement. Le printemps de l’évaluation me semble être le moment opportun pour ce faire.

Enfin, nous nous félicitons de l’adoption de l’amendement de Thierry Benoit, président de la commission d’enquête sur les pratiques de la grande distribution, visant à renforcer les moyens du médiateur des relations commerciales agricoles. Il s’agit en effet d’un point crucial pour le revenu des agriculteurs.

Par conséquent, le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur des crédits de cette mission.

M. Charles de Courson. Le groupe Libertés et territoires estime qu’il est impossible d’avoir un jugement sur un budget national indépendamment de l’évolution des crédits européens ; or la programmation est de l’ordre de – 5 %.

L’enjeu consiste à avoir une politique agro-industrielle, car les producteurs de biens agricoles ne vendent pas directement aux consommateurs finaux. On ne peut être compétitif que dans une politique globale agro-industrielle et pas uniquement dans une politique agricole. La dégradation continue de la filière du bois nous apporte malheureusement une confirmation en la matière. De même, la filière des fruits et des légumes a connu une perte complète de compétitivité. Or, cet enjeu est central, notamment pour parvenir à garantir aux agriculteurs des revenus cohérents avec le reste de la société.

Ce projet de budget permet-il à cet égard d’améliorer la situation ? Globalement non. C’est pourquoi l’ancien rapporteur du budget de l’agriculture qui sommeille toujours en moi − je l’ai été durant dix ans – est désespéré de constater que nous persistons dans les errements passés.

M. Loïc Prud’homme. Partout où je me rends, je rencontre des citoyens qui aiment les paysans, que ce soit dans des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) biologique ou non, dans des coopératives de producteurs, conventionnels ou en agriculture raisonnée, ou encore dans les marchés de plein-vent que nous connaissons tous.

Pourtant, j’habite dans une zone où l’urbain et le périurbain sont censés être le terreau de cette défiance à l’égard du monde rural et des agriculteurs. « Agribashing » préférez-vous dire, pour avoir l’air de ne pas être responsables de la politique agricole de notre pays. Mais c’est bien votre budget qui promeut l’« agribashing » : il ne comporte pas l’esquisse d’une politique agricole lisible et aucun contrat social clair proposé à nos agriculteurs.

Qu’attendez-vous d’eux : produire sainement ou exporter des matières premières bas de gamme vers la Chine ? Vivre dignement ou courir derrière les prêts bancaires ? Que faites-vous face à l’industrie agroalimentaire et à la grande distribution qui pressurent les prix et enfoncent la tête de nos éleveurs encore un peu plus sous l’eau ? Où est l’interdiction d’acheter un produit agricole en dessous de son coût de production ? Quels sont les résultats de la loi dite EGALIM votée l’année dernière ? Il n’y en a aucun, comme je l’avais annoncé. Pourquoi soutenez-vous encore le CETA, qui aura comme conséquence le dumping environnemental, social et commercial ? Quand allez-vous protéger notre agriculture et permettre au contraire que les exigences sanitaires et environnementales en fassent la plus saine et la plus valorisée du continent ? Je ne vois rien dans votre budget qui soit à la hauteur de ce défi.

Enfin, et c’est sans doute le point le plus significatif : où sont les lignes budgétaires permettant le désendettement des exploitations ? De nombreux agriculteurs voudraient changer leur façon de travailler, redonner du sens et de la fierté à leur métier, et surtout produire un revenu pour leur famille. Ils ne le peuvent pas, car ils sont esclaves de crédits insoutenables qui sont la cause de tant de suicides. Or vous ne prévoyez aucun plan pour sortir les banquiers de nos champs.

Ce terme d’« agribashing » est un écran de fumée ; c’est le refrain de ceux qui voudraient nous faire oublier leurs propres turpitudes. Vous pouvez continuer à vous cacher derrière des mots et des formules toutes faites, pendant qu’un tiers des Français sont touchés par des maladies chroniques en lien avec leur alimentation. Ces pathologies nous coûtent 50 milliards d’euros par an, c’est-à-dire dix fois le budget du ministère. Qu’allez-vous faire pour qu’enfin notre agriculture soit capable de produire une alimentation saine pour tous et de garantir des revenus décents aux agriculteurs ?

Mme  Marie-Christine Dalloz, présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Loïc Prud’homme. Si nous continuons dans la voie actuelle, dans dix ans il ne restera plus dans nos champs que des industriels et des banquiers !

C’est le respect des agriculteurs que je défends !

Mme  Marie-Christine Dalloz, présidente. Certes, mais vous avez déjà pris la parole à de nombreuses reprises.

M. Jean-Paul Dufrègne. Nous n’avons pas une agriculture, mais des agricultures. Je suis élu d’un département d’élevage de bovins destinés à la production de viande, avec des systèmes extensifs en zone défavorisée. À ce titre, je souhaite insister sur trois points. Tout d’abord, l’impérieuse nécessité d’une meilleure valorisation de produits de grande qualité ; or la loi EGALIM n’y répond pas.

Ensuite, l’installation de jeunes agriculteurs peut assurer le renouvellement et lutter contre l’agrandissement de structures de plus en plus difficiles à transmettre. Ainsi, dans mon secteur, 700 000 à 800 000 euros sont nécessaires pour acquérir une exploitation de 180 à 200 hectares. Comment financer l’installation d’un jeune agriculteur dans ces conditions ?

Enfin, il nous faut être beaucoup plus ambitieux concernant les conversions à l’agriculture biologique, domaine dans lequel nous sommes déficitaires. L’incertitude qui plane sur la négociation de la PAC n’envoie pas un signal positif. Or, l’agriculture a parfois besoin de se projeter plus loin que d’autres activités.

Mme  Marie-Christine Dalloz, présidente. La discussion étant terminée, je mets aux voix les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales, qui ont reçu un avis favorable des deux rapporteurs spéciaux.

La commission adopte les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales ainsi modifiés.

Mme la présidente Marie-Christine Dalloz. Nous en arrivons à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural.

M. Hervé Pellois, rapporteur spécial. J’émets un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural.

 

 

 


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Information relative à la commission

La commission a reçu en application de l’article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret de transfert de crédits d’un montant de 6 974 728 euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission Action extérieure de l’État à destination du programme 178 Préparation et emploi des forces de la mission Défense.

Ce transfert a pour objet de compenser, auprès du ministère des armées, l’avance faite par celui-ci pour financer les frais afférents aux formations de sécurité et de défense dispensées aux stagiaires militaires étrangers.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 18 heures 30

 

Présents. - M. François André, Mme Émilie Bonnivard, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. François Jolivet, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. François Pupponi, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas

 

Excusés. - M. David Habib, M. Marc Le Fur, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva, M. Éric Woerth

 

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, M. Guillaume Garot, M. Matthieu Orphelin, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Bernard Sempastous

 

 

 

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