Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition de M. Bruno Cabrillac, directeur général adjoint de la Banque de France, et de M. Guillaume Chabert, chef du service des affaires multilatérales et du développement de la direction générale du Trésor              2

  Information relative à la commission................20

– Présences en réunion...........................21

 


Mercredi
12 février 2020

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 43

session ordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

puis de

 

Mme Olivia Gregoire,

Vice-présidente


  1 

M. le président Éric Woerth. Mes chers collègues, je souhaite, au début de cette séance, que nous rendions hommage à notre collègue François André, décédé dans la nuit de lundi à mardi. Chacun dentre vous sait quil était atteint dun cancer. Depuis des mois, il luttait contre la maladie, tout en continuant courageusement dexercer ses fonctions au sein de notre commission des finances, ses fonctions de député et ses fonctions de rapporteur spécial. Cet automne, il avait tenu à être présent lors de l’examen des crédits des programmes dont il était le rapporteur, Statistiques et études économiques et Stratégie économique et fiscale de la mission Économie et du compte Accords monétaires internationaux. Vous vous souvenez de sa silhouette touchée par cette maladie terrible, qui est le cancer.

Je pense pouvoir dire, au nom de toutes et de tous, quil nous laissera le souvenir dun parlementaire présent, même aux moments les plus difficiles de sa vie, et attentif aux autres. Il mavait prévenu quil ne pourrait pas assister à toutes les réunions, me demandant de len excuser, comme si ce nétait pas évident. Il a traversé cette épreuve avec une très grande dignité, et cest un exemple pour chacun.

Ses obsèques auront lieu samedi 15 février à dix heures, en léglise Saint-Luc à Rennes. Sa famille ma fait savoir quelle ne souhaitait pas de fleurs, mais des dons en faveur de la recherche contre le cancer. Nous ferons donc un don en faveur de la recherche contre le cancer. Je vous propose dobserver une minute de silence en sa mémoire.

(Une minute de silence est observée.)

(Mme Olivia Gregoire, vice-présidente de la commission, remplace M. le président Éric Woerth.)

La commission entend M. Bruno Cabrillac, directeur général adjoint de la Banque de France, et M. Guillaume Chabert, chef du service des affaires multilatérales et du développement de la direction générale du Trésor.

 

Mme Olivia Gregoire, vice-présidente. En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à M. Bruno Cabrillac, directeur général adjoint de la Banque de France, et à M. Guillaume Chabert, chef du service des affaires multilatérales et du développement de la direction générale du Trésor. Un nouvel accord de coopération entre la France et les États membres de lUnion économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a été signé le 21 décembre 2019. Cet accord comporte des mesures très importantes, telles que la fin de la centralisation au Trésor français des réserves de change de la Banque centrale des États dAfrique de lOuest (BCEAO) ainsi que le retrait de la France des instances de gouvernance. Afin de mieux comprendre le calendrier de cette réforme et de mieux en saisir les enjeux et les conséquences, nous avons le plaisir de vous entendre.

M. Guillaume Chabert, chef du service des affaires multilatérales et du développement de la direction générale du Trésor. Madame la vice-présidente, mesdames et messieurs les députés, je commencerai par présenter le contexte de la réforme du 21 décembre 2019.

Le franc CFA est un franc ayant une parité fixe avec leuro. Historiquement, avant leuro, 1 franc français valait 100 francs CFA. Maintenant, 1 euro équivaut à 655,95 francs CFA. Depuis lindépendance des États de lUEMOA, il y a 60 ans environ, un seul changement de parité a eu lieu, en 1994. Le franc CFA est ainsi une monnaie extrêmement stable dans le temps.

Cette stabilité est liée à la présence dune garantie apportée par la France : la garantie de convertibilité illimitée. Autrement dit, si les réserves de change sont insuffisantes pour couvrir les engagements extérieurs de la zone, la France apporte alors des euros pour les compenser. Un ensemble de dispositions institutionnelles, associées à ce franc CFA, existe également, mais jy reviendrai après.

Il nexiste pas un franc CFA mais trois francs CFA, liés à la France par des accords de coopération monétaire. Le premier franc CFA, dit dAfrique de lOuest, concerne les huit pays qui forment lUEMOA, à savoir la Côte dIvoire, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Bénin, le Togo et la Guinée-Bissau.  Le deuxième franc CFA est rattaché à une seconde union monétaire, indépendante de la précédente. Elle concerne lAfrique centrale et plus précisément les pays qui forment la Communauté économique et monétaire dAfrique centrale (CEMAC) : le Cameroun, le Gabon, le Congo, la République centrafricaine, le Tchad et la Guinée Équatoriale. Enfin, lUnion des Comores a un franc comorien qui bénéficie lui aussi dune parité fixe avec leuro et dune garantie illimitée de convertibilité de la France. Il existe ainsi trois francs CFA, dont deux correspondant à des unions monétaires en Afrique de lOuest et en Afrique Centrale. Et la réforme du 21 décembre 2019 concerne une de ces trois zones : la zone UEMOA, dAfrique de lOuest.

Nous parlons daccords de coopération monétaire, parce quils renvoient à lapprovisionnement en euros en cas dépuisement des réserves de change dans une de ces trois zones. Mais, pour la France, ce dispositif passe non pas par la Banque de France mais par le budget de lÉtat. Il existe un compte de concours financiers Accords monétaires internationaux doté de trois programmes : un programme pour lUEMOA, un programme pour la CEMAC et un programme pour lUnion des Comores. Il a été fait appel à la garantie à la fin des années 1980, mais plus depuis. Aussi, en cas dappel de la garantie, cest par le biais du compte de concours financiers Accords monétaires internationaux que la France apporterait des euros à la banque centrale dont les réserves de change seraient insuffisantes.

Il existe plusieurs dispositions institutionnelles spécifiques liées aux accords de coopération monétaire. Trois aspects importants des accords avec l’UEMOA doivent être retenus. Premièrement, en cas dinsuffisance des réserves, cest auprès de la BCEAO que la France apporterait des euros. Cest l’unique banque centrale des huit pays de la zone monétaire  ce qui est différent du cas de la zone euro, où il existe une Banque centrale européenne (BCE) et des banques centrales nationales. Deuxièmement, en contrepartie, les accords actuels prévoient quà tout moment, la BCEAO doit centraliser auprès du Trésor français au moins 50 % de ses réserves de change sur un compte courant, cest-à-dire un compte dopérations parfaitement liquide. La BCEAO peut ainsi, à tout moment, retirer des liquidités pour couvrir ses propres engagements. Ce compte dopérations donne lieu à une rémunération, avec un intérêt qui est favorable. Troisièmement, la France est présente dans un certain nombre dinstances : le conseil dadministration de la Banque centrale, le comité de politique monétaire (CPM) et la commission bancaire, cest-à-dire lorgane de supervision des banques de la zone UEMOA. Par contre, la France nest pas présente dans les instances politiques que sont le conseil des ministres de lUEMOA ou la conférence des chefs dÉtat. La présence dans les instances dites techniques donne droit à un siège parmi neuf. Bien entendu, chacun des États a sa place dans les instances. Cette présence extrêmement minoritaire ne confère pas à la France des droits de gouvernance particuliers.

Des aspects essentiels ne changent pas avec la réforme : les chefs dÉtat de lUEMOA ont décidé de maintenir la parité fixe avec leuro, sans changement du taux de change, ainsi que la garantie illimitée de convertibilité apportée par la France afin de sécuriser la crédibilité de cette parité fixe.

En revanche, trois éléments clés sont modifiés. Premièrement, les chefs dÉtat de lUEMOA ont décidé de changer le nom de la monnaie. Deuxièmement, il est proposé de retirer la France des instances dans lesquelles elle était présente, cest-à-dire le conseil dadministration de la BCEAO, le comité de politique monétaire et la commission bancaire. Troisièmement, il est proposé de supprimer la centralisation des réserves de change au Trésor français. Dautres moyens pourront permettre à la France de maîtriser son risque, notamment le reporting et le dialogue en cas de crise. Les moyens traditionnels ne seront plus utilisés.

L’accord international conclu le 21 décembre 2019 appelle une autorisation de ratification par le Parlement. Actuellement, nous constituons le dossier du projet de loi autorisant la ratification, qui devrait être présentée au cours de lannée 2020, parce que lidée est daller vite. Des textes secondaires dapplication sont également en cours de rédaction. Laccord actuel, qui remonte à 1973, renvoie à une convention de garantie. Le nouvel accord renverra de son côté à une convention de garantie, afin de préciser les modalités techniques dactivation de la garantie accordée par la France.

Lors dune conférence des chefs dÉtat, le 22 novembre 2019, à Yaoundé, les six chefs dÉtat dAfrique centrale ont décidé dengager une réflexion au sujet de lévolution du franc CFA dAfrique centrale. Il convient de prendre en compte les fortes différences entre les deux zones, notamment au niveau de la situation conjoncturelle macroéconomique. La zone CEMAC nest pas complètement sortie de la grave crise subie en 2014 et 2015 du fait de leffondrement des prix du pétrole. Le pétrole est très important pour léconomie dAfrique centrale. Les organisations institutionnelles et lintégration réelle sont également différentes entre lAfrique centrale et lAfrique de lOuest. Il est donc probable que les réformes ne pourront pas être dupliquées.

LUEMOA est constituée de huit pays. Ils sont membres de la Communauté économique des États de lAfrique de lOuest (CEDEAO) qui comprend quinze pays : les huit pays de lUEMOA, le Nigéria, le Ghana, la Guinée-Conakry, le Libéria, la Sierra Léone, le Cap-Vert et la Gambie. Depuis 1983, tous ces pays travaillent sur un projet de monnaie unique. En 2009, la CEDEAO sétait fixée comme objectif dengager lémission de cette monnaie unique en 2020. En 2015, une première étape aurait dû amener à la constitution, aux côtés de lUEMOA, dune seconde zone monétaire rassemblant les sept autres pays, puis ces deux zones auraient ensuite fusionné. Toutefois, cette première étape ne sest pas réalisée en 2015.

En 2019, les pays de la CEDEAO ont opté pour une approche graduelle, consistant à intégrer petit à petit les pays qui respectent un certain nombre de critères de convergence, afin de passer à la monnaie unique de la CEDEAO, l’eco.

Parmi les critères de convergence retenus par la CEDEAO, en particulier, on peut relever l’exigence d’une inflation inférieure à 10 %  ce qui est très élevé –, de déficits inférieures à 3 % et qui ne doivent être financés par la banque centrale que dans la limite de 10 % des recettes fiscales de l’année précédente  ce qui nest plus le cas ni dans lUEMOA, ni dans la CEMAC, où il nexiste plus de financement monétaire des déficits budgétaires  et une variation du taux de change nominal qui peut être assez élevée, de l’ordre de plus ou moins 10 %. Ces critères sont donc assez flexibles. Ils renvoient probablement à lidée que la perspective de la monnaie unique de la CEDEAO est à relativement long terme.

Concernant lévolution du taux de change de leuro par rapport aux différentes monnaies de la CEDEAO, elle est stable pour les pays de lUEMOA. Mais il existe une tendance à la volatilité et à la dépréciation des monnaies des autres pays. Ces monnaies ont des caractéristiques assez différentes pour le moment. Le passage à la monnaie unique pour ces quinze pays prendra donc un certain temps. Mais la France a clairement souhaité sinscrire dans un mouvement de réforme pour faciliter cette perspective de monnaie unique à quinze pays. Cest un des objectifs de la réforme du 21 décembre 2019.

M. Bruno Cabrillac, directeur général adjoint de la Banque de France. Madame la vice-présidente, mesdames et messieurs les députés, je vais centrer mon propos, en complément de celui de M. Guillaume Chabert, sur les éléments clés qui vont perdurer dans le système après la réforme.

Si la zone franc comprend trois zones monétaires en Afrique, elle nest pas une zone monétaire en elle-même. Cest une zone structurée autour daccords bilatéraux entre la France et ces trois zones monétaires, mais il ny a pas daccord entre ces trois zones monétaires. Les trois monnaies nont pas de régime particulier les unes par rapport aux autres. Par exemple, elles ne sont pas librement convertibles les unes avec les autres. Le régime de convertibilité est similaire à celui de toutes les monnaies du monde. La zone franc nest donc pas une zone monétaire.

Deuxièmement, les accords de coopération monétaire avec la France sont destinés à aider ces pays dans le maintien de leur choix du régime de change. Les pays de lUEMOA, comme les pays de la CEMAC ou les Comores, ont choisi un régime de change fixe. Ce régime de change fixe donne un cadre à la politique monétaire de ces trois zones, dont le principal objectif est de maintenir la parité au titre de ce change fixe.

À travers la garantie inconditionnelle et illimitée que la France apporte, les accords de coopération visent à soutenir le choix dun régime de change fixe. La France doit fournir, de manière inconditionnelle et illimitée, des devises en cas dépuisement des réserves. Cest pourquoi il est important que nous ayons aussi la garantie que les États centralisent la totalité de leurs réserves dans leur banque centrale commune. Cest une condition importante de laccord.

Ce régime de change fixe nest pas un choix aberrant ou exceptionnel. Une majorité de pays africains ont choisi des régimes de change fixe. Daprès le Fonds monétaire international (FMI), le seul pays d’Afrique avec un régime de flottement libre est la Somalie, parce quil ne contrôle rien. Ce choix de régime de change fixe est normal dans des pays qui nont pas encore une crédibilité monétaire suffisante et qui ont besoin davoir un ancrage externe. Les pays en voie dacquérir cette crédibilité ont des régimes de change gérés, dans lesquels existe une banque centrale qui intervient pour réguler le taux de change, afin déviter une dépréciation ou une appréciation trop rapide du taux de change, qui entraînerait des effets macroéconomiques difficiles à gérer. Les pays de lUEMOA appartiennent à la catégorie des pays à faibles revenus. Et la majorité des pays de cette catégorie ont choisi un régime de change fixe. Étant donné le développement de leur économie et de leur système financier, le choix dune ancre externe est ainsi particulièrement pertinent.

Durant les deux dernières décennies, ce régime de change fixe a été particulièrement efficace pour maintenir cette ancre avec des taux dinflation qui, dans les zones UEMOA et CEMAC, ont été proches de leur cible de 3 % et même légèrement inférieurs à cette cible. Au contraire, dans le reste de lAfrique subsaharienne, les taux dinflation approchent les deux chiffres  ce qui est perturbant sur le plan macroéconomique.

Le choix dun régime de change fixe est lié à celui davoir une union monétaire. Dans une union monétaire, il faut partager et mutualiser ses réserves de change. La politique de change est donc commune. Elle est facile quand une règle simple existe, cest-à-dire un régime de change fixe dans lequel une parité donnée est défendue, ou un régime de flottement complètement libre comme dans la zone euro. Mais si ces règles simples nexistent pas et si le taux de change doit être géré, il faut une politique de change active afin de déterminer le meilleur taux de change et les interventions de la banque centrale, avec des niveaux de réserves parfois limités. Et au sein dune union monétaire, ce serait compliqué de trouver un consensus suffisant pour gérer cette politique de change.

Deux éléments confortent ainsi le choix dun taux de change fixe dans ces pays : leur développement économique et leur choix davoir une union monétaire.

Lautre union monétaire, en dehors de la zone euro, celle des Caraïbes, a également fait le choix dun taux de change fixe.

Je souhaitais aussi lever deux ambiguïtés afin de démentir les idées fausses à propos du système actuel. La première concerne le fait dutiliser lexpression convention monétaire, car, du côté de la France, ce nest pas une convention monétaire. Le financement est entièrement assuré par des fonds budgétaires. Cest pourquoi ni la Banque de France ni a fortiori lEurosystème et la BCE ne participent directement ou indirectement au financement de cet accord. La seconde concerne l’idée que la France donnerait une garantie de convertibilité de la monnaie. Toutefois, elle la donne uniquement aux banques centrales, cest-à-dire quen cas dépuisement des réserves, ces banques centrales peuvent retirer des euros sur le compte du Trésor français. Et cela nimplique ni la convertibilité de cette monnaie ni lapprovisionnement en euros de tous les porteurs, que ce soient des agents économiques ou des États. Cette garantie de convertibilité est tout à fait compatible avec une convertibilité limitée des monnaies, grâce au contrôle des changes.

Certaines idées fausses circulent également parmi les adversaires de la zone franc. Tout dabord, lidée selon laquelle la France contrôlerait lémission monétaire de la monnaie, parce que les billets sont imprimés par la Banque de France est évidemment totalement fausse. Les banques centrales émettrices bénéficient du seigneuriage sur cette monnaie, la Banque de France imprimant des billets au titre de relations commerciales. Dans la plupart des pays africains, limpression est faite par des sociétés privées européennes, autres que la Banque de France. Cette dernière intervient pour sa part pour imprimer des billets dans dautres pays extérieurs à la zone franc, par exemple à Madagascar. Limpression des billets est donc réalisée dans un cadre purement commercial.

On entend aussi que les réserves de change de lUEMOA ont été bloquées au Trésor français : la réforme vise précisément à apporter une réponse à cette assertion. Mais, en réalité, ces réserves nétaient pas bloquées au Trésor français. Il ne sagissait pas dun compte séquestre servant de collatéral pour la garantie. Lorsque ces pays ont eu besoin dutiliser leurs réserves de change, ils les ont retirées sur le compte du Trésor français, parce que cétait un compte à vue. En fait, la garantie commençait à jouer lorsquil ny avait plus de réserves, cest-à-dire lorsque le compte lui-même était totalement épuisé. Lidée que ce compte puisse servir de collatéral à la garantie est fausse.

Enfin, la dernière idée fausse est que la France aurait un droit de veto sur les décisions de la BCEAO. Au sein des organes de gouvernance technique de la banque centrale, elle na en réalité quune voix parmi neuf. Ce nest en aucun cas un droit de veto.

Le rôle de la Banque de France est dapporter son concours à lÉtat, dans le cadre d’une convention de services, pour lanalyse du risque et des différentes activités liées aux relations avec la zone franc. La Banque de France est simplement mandataire de lÉtat. Elle ne participe en aucun cas à lengagement financier de la France.

La Banque de France a des relations étroites avec la BCEAO, comme avec les autres banques centrales de la zone franc, au moyen daccords de coopération bilatérale. Ces accords existent avec dautres banques centrales, même si ceux liant la Banque de France et la BCEAO sont extrêmement développés. Ils concernent tous les métiers de la banque centrale. Leur nature est la même que celle des accords que nous avons par exemple avec la Banque du Maroc ; cela nest pas lié à la zone franc. La réforme ne remet pas ce fait en cause.

La Banque de France a également des relations commerciales avec la BCEAO, parce quelle lui fournit les billets. Cest un client important, le deuxième après la zone euro pour limpression des billets. La Banque de France a évidemment aussi des relations bancaires avec la BCEAO, parce que nous lui fournissons des services bancaires. Celle-ci a un compte à la Banque de France, comme beaucoup dautres banques centrales. Elle a aussi un compte-titres. La Banque de France a donc des relations de clientèle avec la BCEAO, comme avec beaucoup dautres banques centrales. Mais elles ne sont pas directement liées à la zone franc.

Mme Olivia Gregoire, vice-présidente. Au regard des objectifs évoqués, quel bilan tirez-vous de notre coopération monétaire en Afrique de lOuest ?

Compte tenu du retrait des instances de gouvernance et de la fin de la centralisation au Trésor dune partie des réserves de change, quels nouveaux mécanismes de reporting permettraient de contrôler le risque financier supporté par la France, en tant que garante de la parité en euros ?

Enfin, la Banque de France détient le marché de limpression des billets en franc CFA. Comment abordez-vous la perspective de lémission des futurs billets en eco ? Pourraient-ils ne pas être imprimés par la Banque de France ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je souhaiterais vous poser trois questions techniques et macroéconomiques.

Si leuro nétait pas lunique monnaie de référence pour leco, comment la France pourrait-elle garantir la parité fixe ? Aujourdhui, il semble que nous soyons dans un entre-deux. Pourrions-nous avoir simultanément deux options, cest-à-dire dune part avoir un panier de devises sur lequel leco serait indexé et dautre part avoir une même responsabilité de la France en termes de parité fixe ?

Au sujet de la maîtrise de linflation, qui était permise jusquici par le statut du franc CFA vis-à-vis de leuro, avec un peu de recul, pourriez-vous nous dire si elle a grevé les capacités de développement de ces pays, du fait de la production de la masse monétaire, ou non ? Une même logique de maîtrise de linflation serait-elle bénéfique pour la nouvelle monnaie ? Ou un autre modèle pourrait-il être envisagé ?

Concernant un sujet dintégration régionale, économique et monétaire, si le Nigéria venait effectivement à entrer dans la zone de leco, cela déstabiliserait fortement les poids économiques, même si ce pays a demandé une intégration décalée dans le temps, et cela modifierait le fonctionnement de la CEDEAO, puisque le produit intérieur brut (PIB) du Nigéria représente 60 % de la zone, voire plus. Cela pose donc des questions en termes de stabilité monétaire dans la zone.

M. Guillaume Chabert. Au sujet du bilan de la coopération monétaire en Afrique de lOuest, les objectifs qui lui étaient assignés comprenaient la stabilité, incluant notamment une inflation faible et un cadrage macroéconomique favorable au développement et à la croissance. Et cela a fonctionné. Cest la raison pour laquelle nous sommes favorables à la poursuite de cette coopération monétaire avec les fondamentaux que sont la parité fixe et, afin que cette parité soit crédible, la garantie de la France.

En matière dinflation, la zone UEMOA, comme la CEMAC, est significativement plus performante que lensemble de lAfrique subsaharienne. Lorsque nous comparons par exemple la Côte dIvoire et le Ghana, le taux de change du franc CFA est stable, de même que linflation qui est autour de 3 %, voire moins. Au contraire, le cedi ghanéen na cessé de se déprécier, dans un pays où linflation a régulièrement été au delà de 10 %. Cela constitue ainsi une perte évidente pour les acteurs économiques en termes de pouvoir dachat des entreprises et des particuliers, et donc dimpact sur la pauvreté.

La croissance de lUEMOA est l’une des plus fortes au monde : plus de 6 % par an depuis presque dix ans. La Côte dIvoire, le Sénégal et le Bénin font partie désormais, régulièrement, des dix pays dont la croissance est la plus élevée dans le monde. La coopération monétaire fonctionne puisque nous avons à la fois la stabilité macroéconomique et le développement. Bien entendu, la croissance et le développement ne sont pas uniquement liés à la monnaie, mais le cadrage macroéconomique y contribue. Le bilan que nous faisons de la situation est très positif.

Concernant le retrait des instances de gouvernance et la maîtrise du risque par la France, nous sommes désormais dans une position de pur garant financier et non plus de co-décideur, même si, jusquici, nous étions en position très minoritaire dans les instances. Comme tout garant financier, il nous faut les moyens de piloter notre risque et, le cas échéant, des canaux de dialogue si notre risque devait se concrétiser. Dans la pratique, nous avons travaillé avec les autorités de lUEMOA, en particulier la BCEAO, sur un cadre de reporting concernant les éléments dinformation financière, sur lévolution des réserves, les perspectives et les évolutions monétaires dans la zone. Cela nous permet davoir le même niveau dinformation du suivi de notre risque quauparavant, sans être co-décideur, et un canal de dialogue lorsque la situation est critique, cest-à-dire lorsque nous nous approchons dune situation où la garantie de lÉtat pourrait être appelée. Ce canal de dialogue nous permet de faire valoir notre point de vue sur la restauration des grands équilibres. Fondamentalement, cette réforme de gouvernance est politique. Du côté français, elle garantit la maîtrise de notre risque. Cétait évidemment un des enjeux de la réforme.

La demande des huit pays de lUEMOA était de conserver la parité fixe avec leuro. L’idée n’est pas de passer à un panier de devises ou daller vers une autre situation. Si la demande en était exprimée, nous nous poserions cette question à ce moment-là. Mais la situation de la France est différente si elle apporte une garantie en euros, puisque cest notre monnaie, ou si elle apporte une garantie sur un panier de devises, sur lequel il y a un risque de change relatif à lévolution des autres monnaies par rapport à leuro. Sagissant de la maîtrise du risque, cela conduirait à une situation très différente. Mais  jinsiste  la question ne sest pas posée.

Au sujet de la maîtrise de linflation et de limpact sur le développement, les accords de coopération monétaire ont donc contribué à la stabilité, à la croissance et au développement, même si le développement et la croissance reposent sur une multiplicité de facteurs. La monnaie nest pas le seul facteur expliquant les trajectoires de développement et de croissance des différents pays.

Concernant lintégration régionale, il me semble que le PIB du Nigéria constitue 70 % du PIB total de la CEDEAO. Cest une proportion massive. Cet aspect devrait faire lobjet dune discussion entre les pays de la CEDEAO, mais nous ny prendrons pas part, bien que nous y soyons favorables. La France est effectivement favorable à lintégration régionale dans lUEMOA et aussi plus largement au sein de la CEDEAO, parce que lintégration régionale réelle permet le développement, la croissance et la stabilité. Néanmoins, la question des équilibres institutionnels au sein de la CEDEAO concerne les pays membres.

M. Bruno Cabrillac. Les accords de coopération monétaire ont été créés pour soutenir le choix fait par ces pays et ces unions monétaires davoir un régime de change fixe. Le bilan est globalement positif, puisque ce régime de change fixe a pu être maintenu avec une seule dévaluation en soixante ans. Cest une réussite.

La deuxième réussite est la stabilité monétaire. La conjonction des unions monétaires et du régime de change fixe protège la monnaie de toutes les crises sociopolitiques quont connues malheureusement ces pays, comme ceux du reste de lAfrique subsaharienne. Même lors des crises politiques les plus graves, les gens ont bénéficié dune monnaie locale leur permettant dacheter. Cest un aspect relativement important. Lorsque nous observons par exemple la République démocratique du Congo ou le Zimbabwe, leurs économies post-conflits subissent une hyper inflation dollarisée. Et laccès à une monnaie, comme le dollar ou leuro, est beaucoup plus compliqué pour les pauvres que laccès à leur monnaie nationale. Cest un élément important à inclure dans le bilan de la zone franc.

Concernant les mécanismes de garantie, lobjectif de la politique monétaire dun régime de change fixe est le maintien de ce taux de change. Parmi les dispositions légales de ces pays, notamment dans les statuts de la BCEAO, certaines obligent la politique monétaire à sadapter lorsque le niveau des réserves de change devient inquiétant. Un seuil existe lorsque les réserves de change couvrent moins de 20 % du passif de lémission monétaire de la banque centrale. Dans ce cas, au regard de leurs textes, ces pays doivent prendre des mesures appropriées. Cest aussi un élément de confort pour les accords de convention monétaire avec la France.

Il nexiste quun seul pays dans le monde où le régime de change fixe repose sur un panier de devises, parce que cest une situation compliquée à gérer. Cela présente quelques avantages et de la flexibilité supplémentaire, mais sans que cela soit à la hauteur des inconvénients liés aux difficultés de gestion.

Concernant les commandes de billets en eco, nous nen avons pas encore reçu. Plusieurs déclarations de responsables politiques, dont celle du président du Comité ministériel de lUEMOA, ont bien indiqué quentre le moment où est décidé le changement de monnaie et le moment où apparaîtront les nouveaux billets, il y aura des délais importants et incompressibles. Ce nest donc pas inquiétant.

M. Michel Lauzzana. Il me semble que nous pouvons exprimer les mêmes interrogations que celles que nous avions au sujet de leuro. Nous pouvons aussi en tirer des conséquences, parce que laspect monétaire a bien évidemment des implications politiques très importantes. Je ne reviens pas sur le fait que nous sommes un ancien pays colonial et quaux yeux de certains, nous sommes toujours suspects. Mais vous avez bien montré que techniquement, ces accords entraînent de la croissance et de linflation maîtrisée, ce qui est très important.

Je souhaiterais vous poser une question au sujet de la volonté de convergence macroéconomique. Vous nous avez parlé des critères de convergence. Pourriez-vous nous dire de quelle manière ces critères de convergence représentent la traduction politique de la volonté de mettre en place cette nouvelle monnaie ? Cette volonté est-elle constante, malgré la demande de report du Nigéria ? De plus, quels pourraient être les critères permettant de conduire à une révision de cette parité fixe ? Une révision a eu lieu en 1994. Quels ont été ses critères ?

M. Marc Le Fur. En tant que rapporteur spécial des crédits de laide publique au développement, jai rencontré les responsables de la Banque centrale de lOuest africain. Je souhaiterais vous faire part de certains sentiments très explicitement exprimés à cette occasion.

Historiquement, ces responsables constatent lintérêt majeur du franc CFA dans leur développement économique, que ce soit pour la stabilité, la convertibilité ou la réalisation de cette zone de libre-échange de lOuest africain. La preuve en est quaucun pays ne la quittée. La Guinée-Bissau, qui nétait pas historiquement associée à la France, la également rejointe. Ces économies sont en croissance, alors même que la guerre est à leurs portes. La croissance est spectaculaire en Côte dIvoire, comme au Sénégal. Ces pays ont aussi échappé à la crise de 2008, à la différence des pays européens. Cest tout à fait significatif. Ajoutons, avec une certaine ironie, que leur taux dendettement est proportionnellement inférieur aux nôtres.

Concernant la nouvelle monnaie, ils ne sont pas pressés. Ils souhaitent que la stabilité lemporte sur lévolution, quils ne veulent pas précipiter.

Ils condamnent les critiques dun certain nombre dorganes de presse, financés par largent public français, qui se déploient dans ces pays au nom dune logique anticolonialiste. Ils critiquent aussi le retrait des banques françaises dAfrique. Ce retrait, qui n’est pas total, laisse la place à des banques marocaines ou turques.

Ils expriment aussi une certaine inquiétude concernant la situation à venir avec le Nigéria.

Enfin, il existe encore des traces de contrôle des changes. Elles sont assez limitées, mais elles peuvent pénaliser linvestissement étranger dans ces pays, dans la mesure où le retour dargent doit être documenté. Quelles sont les perspectives d’évolution ? Du point de vue de nos entreprises, comme de celui du développement de ces pays, nous avons intérêt à faire disparaître ces traces, afin que linvestisseur sache quil peut rapatrier facilement des capitaux ou des résultats.

M. Bruno Duvergé. Je tiens tout dabord à saluer lannonce du Président de la République concernant la sortie du franc CFA. Au delà de laspect purement technique, cette décision forte est aussi symbolique. Elle marque une véritable rupture avec une certaine logique de la Françafrique. Cette réforme historique, qui engage la fin du franc CFA, est une bonne chose.

Le Nigéria a demandé un report de la transformation du franc CFA en eco, au motif que les autres pays africains nont pas atteint les critères de convergence pour adopter cette monnaie. La situation économique du Nigéria nest pas comparable à celle des autres pays africains, ce qui peut expliquer sa réticence. En raison notamment de son poids économique, le Nigéria paraît être le leader naturel pour piloter cette monnaie unique, élargie à lensemble de la CEDEAO. Mais est-ce vraiment judicieux, étant donné les grandes disparités avec les autres pays ? Ny a-t-il pas un risque, à terme, daggraver davantage ces disparités, notamment au regard de lévolution du prix du pétrole, dont les autres économies dépendent moins ?

Par ailleurs, quel rôle et quelle position la France peut-elle avoir à lavenir ? Il y a un mois, la Banque mondiale a présenté ses perspectives économiques pour le continent africain. Son endettement doit attirer toute notre attention. Cela sajoute à un ralentissement de la croissance internationale. Je souhaiterais avoir votre avis sur cet endettement, au regard notamment de laide au développement fournie par la France aux pays africains.

M. Jean-Louis Bricout. Le 18 décembre 2019, en réponse à une question au gouvernement du député Serge Letchimy, du Groupe socialiste et apparentés, concernant lavenir du franc CFA, M. Bruno Le Maire a déclaré : « Ce nest pas à nous den décider. Cest aux Etats africains et à eux seulement ». Pourtant, le 21 décembre 2019, Emmanuel Macron a déclaré quil avait engagé la réforme du franc CFA. Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir engagé cette réforme sur lensemble de la zone franc ?

En outre, si le franc CFA a incontestablement permis dapporter une stabilité financière au sein de la zone franc, il est clair quil obère également la compétitivité prix à lexport des pays membres.

Dautres questions se posent aussi par rapport au comportement des investisseurs ou à lévolution des taux dinflation. Quelle est votre analyse concernant lévolution de ces différents indicateurs ?

Comme lindiquait M. Marc Le Fur, il semble que la mise en place dune nouvelle monnaie nest pas si urgente. De nombreux analystes sont sceptiques quant à un lancement aussi rapide de leco. Ils soulignent de grandes disparités économiques, monétaires et budgétaires entre les pays de la zone, en plus des difficultés techniques inhérentes à la naissance dune nouvelle monnaie. Quen pensez-vous ?

M. Vincent Ledoux. Concernant le bilan de la coopération monétaire, vous avez déclaré que cela fonctionnait. Néanmoins, le franc CFA n’a-t-il pas pu constituer une contrainte pour nos partenaires africains ? La suppression du franc CFA permettra-t-elle de fournir aux États dAfrique de lOuest davantage de liquidités ? Et inversement, la fin du franc CFA pourrait-elle fragiliser la capacité de certains États à faire face à leurs engagements ?

Quels sont les enjeux, pour la France, de la perspective dune monnaie unique dans la CEDEAO ?

Concernant le dépôt de réserves, quelle est la rémunération actuelle pour la BCEAO ? Avec le retrait de ces réserves, quelles seront les options de la BCEAO ? Où pourra-t-elle les placer, et avec quelle rémunération ? Au final, cela ne constituera-t-il pas une économie pour le budget de l’État français ?

Quels sont les enjeux de coopération monétaire avec la zone dAfrique centrale ? Le compte dopérations des États de lAfrique centrale sera-t-il maintenu ?

Nous savons que la monnaie a été et demeure un irritant dans nos relations avec nos partenaires africains. En témoignent les fausses vérités présentées précédemment. Nous vivons aussi dans la période des vérités alternatives. Quelle est donc la stratégie daccompagnement de cet évènement symbolique et politique, dans la relation avec nos partenaires africains ? Et avez-vous prévu une stratégie populaire ? Il sagit non seulement de gagner lopinion publique populaire, mais aussi de gagner les cœurs.

M. Mjid El Guerrab. Au niveau des élites et des gouvernants, la création dune nouvelle monnaie nest pas une urgence. On peut le comprendre, parce quelle engendre de linconnu qui peut inquiéter. Mais, au niveau des peuples et de la société civile, cette vérité alternative que M. Vincent Ledoux vient de décrire est réelle et très forte. Le fait quune monnaie sappelle franc peut choquer la société civile. En tant que député des Français du Maghreb et dAfrique de lOuest, je peux vous assurer que cest un des sujets les plus fréquents.

Le fait davoir pu assister à cette annonce, le 21 décembre 2019, a été pour moi plus quun soulagement : cest une nouvelle page qui va sécrire. Cest un moment historique. Et cela a été vécu comme tel au niveau local, même si en France, nous nen avons pas beaucoup parlé, parce que cétait avant Noël. Localement, cela a eu un impact politique énorme. Dans lintérêt commun, il faut que cette sortie annoncée se passe au mieux. Cest dailleurs comme cela que je comprends la garantie accordée gratuitement par la France.

De ce point de vue, je souhaiterais vous poser quelques questions techniques. Depuis la création du franc CFA, combien de fois a-t-on utilisé cette garantie ?

Pouvons-nous évaluer combien le dépôt des réserves, que la France va redonner aux États africains, a coûté et combien cela a rapporté à lÉtat français ? Il sagit aussi dun des grands fantasmes populaires : nous nous ferions de largent sur le dos des Africains.

Concernant la monnaie, nous ne frappons plus le franc français depuis quelques années. Allons-nous frapper leco ? Jai bien compris quil ny avait pas encore eu de commandes. Mais notre industrie monétaire frappe encore la monnaie dune dizaine de pays. Pouvons-nous continuer à frapper leur monnaie ? Et si nous arrêtions, quelles seraient les conséquences pour notre industrie monétaire ?

À terme, pourrions-nous imaginer une intégration beaucoup plus large des pays dans la zone monétaire de leco ? Étant donné la réaction du Conseil des ministres de la zone voisine, pouvons-nous réellement imaginer, dans les années à venir, une coopération plus large ?

M. Éric Coquerel. Comme la souligné M. Bruno Cabrillac, cette question de la transformation du franc CFA en eco nest évidemment pas simplement technique ; elle est aussi éminemment politique. Le franc CFA est un acronyme qui désignait dabord les colonies françaises dAfrique, puis les communautés françaises dAfrique et enfin la « communauté financière africaine ».

Mais, au delà des acronymes, cela indique en réalité une persistance d’une politique monétaire néocoloniale, avec lobligation pour ces pays de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français et une fixation sur le franc puis leuro, qui sont des devises trop fortes au vu des faibles capacités productives des économies africaines. Cette économie a ainsi été artificiellement surévaluée. Cette surévaluation a pénalisé les exportations, miné la compétitivité et découragé la production locale.

Quelle est la situation actuellement ? Passer du franc CFA à leco constitue-t-il une transformation aussi radicale que nous le prétendons ?

Il sagit dune timide avancée. Auparavant, 50 % a minima des réserves de change des pays membres de la zone franc CFA devaient être placées auprès du Trésor français. Désormais, ces pays peuvent placer leurs devises là où ils le souhaitent. Évidemment, cela constitue un progrès. Toutefois, je souhaite fortement nuancer cette appréciation pour plusieurs raisons. Dune part, la manière dont le chef de lÉtat a communiqué sur ce sujet montre encore un rapport pour le moins bizarre entre la France et les pays dAfrique francophone. Dautre part, leco conservera une parité fixe avec leuro. Cette décision réitérera un des principaux problèmes du franc CFA. Le fait que leco soit surévalué et piloté par la BCE pénalisera encore les exportations et la compétitivité des économies africaines. Ne pas pouvoir dévaluer ou réévaluer sa monnaie revient à ne conserver que le coût du travail et les politiques de baisse des dépenses publiques comme variables dajustement lors des crises économiques conjoncturelles.

Pour toutes ces raisons, je me demande si ce changement de nom  ne signifie pas tout simplement que nous transférons, au niveau de lUnion européenne, les mêmes inconvénients et la même logique néocoloniale que recouvrait le franc CFA.

Mme Véronique Louwagie. Concernant les banques de proximité, pourriez-vous nous faire un état des lieux de leur évolution et de la place de la France parmi elles ? Il me semble que les banques BNP Paribas et la Société Générale sont les principaux acteurs. Ont-elles actuellement une place identique ? Ou y a-t-il eu une évolution ? La BCEAO joue-t-elle également un rôle dans lévolution de ces banques de proximité ?

Concernant les levées de fonds queffectuent les start-ups africaines, pourriez-vous nous indiquer quelle monnaie est utilisée pour les effectuer ? Et y a-t-il eu une évolution, comme la progression des levées de fonds en dollars ?

Enfin, le Congo a connu une période de troubles à la fin de lannée. Elle a conduit à une confusion politique et financière, puisque les réserves de change ont été limitées à une semaine. La coopération bilatérale a-t-elle joué un rôle ?

M. Xavier Paluszkiewicz. Messieurs, cest lancien « trésoriste » concerné par le régime de change flexible qui sinterroge. En effet, danciennes lectures estudiantines me sont revenues à lesprit. Ce sont des lectures de théorie économique bien connues de ceux qui sinquiètent de limpact du régime de change flexible sur les politiques budgétaires, régime qui va de facto contraindre les pays concernés. Il sagit des théories de MM. Robert A. Mundell et John M. Fleming. Leurs travaux ont démontré quen situation de change flexible, les politiques budgétaires présentaient un effet nul. Ce phénomène est appelé léviction complète. Autrement dit, toute dépense publique conduit à une perte de compétitivité et à une contraction des échanges entre les pays intégrés dans des zones et les partenaires mondiaux. Cest pourquoi je souhaiterais en savoir davantage sur les perspectives du passage à leco dans un régime de change qui sera flexible à terme, puisquil ne sera plus ancré à leuro, comme le prévoit le projet actuel.

Par ailleurs, croyez-vous que les États concernés par leco soient en mesure dimpacter cette flexibilité de change, étant donné quune contraction probable des échanges peut être néfaste à leur économie et les contraindre à revoir leur politique ?

Enfin, si lobjectif politiquement souhaitable est dassurer une réelle souveraineté monétaire à la zone eco, pensez-vous que ces probables changements dans la politique budgétaire puissent avoir un impact défavorable pour le commerce international ?

M. Hervé Pellois. Certains économistes africains plaident pour lindexation de leco sur un panier comportant les principales devises mondiales, et non pas seulement leuro. Ils souhaitent y ajouter le dollar et le yuan, car les États-Unis et la Chine font aussi partie des principaux partenaires économiques de lAfrique. Bien entendu, cela peut paraître comme de la méfiance à légard de notre pays. Pourriez-vous nous donner un ordre de grandeur de linfluence de ces trois monnaies dans cette zone actuellement ? Et quel est votre avis sur cette position économique ?

M. Benoit Simian. Je souhaiterais profiter de votre présence devant notre commission pour aborder un sujet relatif à lInstitut démission doutre-mer (IEOM). Le franc Pacifique, actuellement en vigueur en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, est aussi fondé sur la parité fixe. Les Polynésiens sont des citoyens européens, mais ils nutilisent pas leuro, alors que cette zone est aujourdhui sous une influence chinoise grandissante. À lépoque, M. Jacques Chirac disait que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie passeraient à leuro ensemble, et non séparément. Compte tenu de la situation calédonienne, et dans ce contexte de guerre commerciale, quelle est votre position ? Avez-vous envisagé de renforcer linfluence européenne en Polynésie française, avec une mise en place de leuro ? Les Polynésiens sont très attachés à cette idée et elle leur permettrait de légitimer un peu plus leur citoyenneté européenne.

M. Guillaume Chabert. M. Michel Lauzzana évoquait la convergence macroéconomique, les traditions politiques de la nouvelle monnaie et la question du Nigéria, qui est revenue à plusieurs reprises. La monnaie a une dimension évidemment politique, puisquelle traduit la volonté de vivre ensemble.

Jai évoqué les critères de convergence que la CEDEAO sest donnés pour un futur passage à la monnaie unique dans quinze pays, ces critères étant relativement souples et flexibles, voire un peu laxistes. Il faut savoir que lUEMOA a aussi des critères de convergence. Comme dans la zone euro, il faut se fixer des critères, notamment de discipline budgétaire. Et ils sont beaucoup plus rigoureux dans les huit pays de lUEMOA que ceux fixés par la CEDEAO afin de passer à la monnaie unique. Les critères de convergence de lUEMOA comprennent notamment une inflation en dessous de 3 %, et une dette publique en dessous de 70 %. À la différence d’autres pays de la CEDEAO, le financement monétaire des déficits budgétaires est juridiquement interdit en UEMOA. Ces critères sont robustes. Et ils expliquent pourquoi la zone économique subsiste. La question des critères de convergence renvoie évidemment à des choix de finances publiques. Et ces choix, qui sont politiques, sont totalement liés à la faisabilité dune monnaie unique.

Dans le monde, il ny a que quatre unions monétaires : la zone euro qui est difficile à faire fonctionner, les deux zones franc que sont lUEMOA et la CEMAC, et lunion monétaire des Caraïbes orientales, qui comprend huit îles des Caraïbes. Une union monétaire est une structure particulière. Elle implique la mise en commun dune partie des choix de politique budgétaire. Comme en zone euro, les pays de lUEMOA ont des questions sur la concurrence et lintégration fiscale, sur lintégration réelle et sur le commerce.

Autrement dit, la perspective de lintégration du Nigéria, par exemple, est à très long terme. Il me semble que des étapes longues sont nécessaires avant denvisager une union monétaire et une monnaie unique à léchelle des quinze pays de la CEDEAO. Actuellement, nous parlons dun eco au niveau uniquement des huit pays de lUEMOA, avec une parité fixe, une intégration réelle, qui est déjà bien engagée, et avec des dispositifs de discussion sur les politiques budgétaires et sur lintégration fiscale. Cela ne concerne pas les autres pays de la CEDEAO.

Sur la question dun passage rapide, ou non, à leco, il existe deux débats parallèles. Les huit pays de lUEMOA ont le choix de changer le nom de la monnaie et ils ont indiqué quils souhaitaient prendre le nom eco parce quil sinscrit dans la perspective à long terme de leco de la CEDEAO. Mais cet « eco UEMOA » sera en parité fixe avec leuro et il bénéficiera de la garantie de la France. La discussion est un peu compliquée parce que, parallèlement, la perspective de l« eco CEDEAO » est à très long terme. Le Nigéria indique quil nest pas pressé de ladopter. Et les autres pays ont des questions sur la faisabilité dune union à quinze pays.

Le nom eco renvoie à deux réalités différentes. M. Éric Coquerel indiquait que le nom du franc CFA était chargé dun certain poids politique. À travers ce changement du nom de la monnaie, lUEMOA a bien la volonté de sortir des irritants politiques : le nom, la question de la présence de la France dans les instances et la centralisation de 50 % des réserves de change. Ces éléments ne sont pas nécessaires pour assurer la parité fixe et la garantie de la France. Ces changements peuvent être faits rapidement. Toutefois, dans lesprit dun certain nombre de dirigeants africains, il ny a pas durgence à créer une union monétaire à quinze pays. La parité fixe de « leco UEMOA » avec leuro va probablement durer un certain temps.

Le contrôle des changes s’applique en cas de sortie dargent de lUEMOA. La situation est identique dans la CEMAC et dans tous les pays à change fixe. Ce contrôle exige de justifier lemploi de devises autres que la monnaie locale et la raison pour laquelle les personnes souhaitent les acquérir. Ce système est fluide, mais il faut effectivement remplir un certain nombre de documents administratifs pour pouvoir faire sortir de largent de tous les pays en régime de change fixe.

Toutes les questions concernant le Nigéria et le fait quil pourrait piloter la CEDEAO ou que sa présence dans la zone monétaire pourrait créer des disparités entre les pays sinscrivent dans une perspective à très long terme. Des débats existent manifestement entre les quinze États de la CEDEAO. Et cela reste uniquement une perspective. Mais cette situation est compatible avec la réforme annoncée pour lUEMOA.

Concernant le rôle futur de la France et les questions dendettement, des questions de finances publiques et de soutenabilité des dettes existent dans un grand nombre de pays dans le monde et en particulier en Afrique subsaharienne. Cest une contradiction que nous avons à résoudre : financer le développement, notamment les infrastructures dans les pays à faibles revenus, tout en maintenant la dette sur une trajectoire soutenable. Cela crée des tensions et des contradictions dans tous les pays. Mais il sagit de les résoudre en travaillant sur différents vecteurs, comme la mobilisation des ressources domestiques et laugmentation de la fiscalité. Rapporté au PIB, le taux de prélèvements obligatoires de ces pays est très bas. Il est nettement en dessous de 20 %, alors que la communauté financière internationale estime quil devrait être légèrement au-dessus de 20 % pour avoir une trajectoire soutenable. Laide au développement est également importante, et la France y contribue via laugmentation de notre aide publique au développement (APD).

En termes de ratio de dettes sur le PIB, lUEMOA se porte mieux que ses voisins. Par exemple, le taux de croissance du Ghana est fort, mais sa situation de dettes est jugée à haut risque de surendettement par le FMI, cest-à-dire à haut risque de ne pas pouvoir rembourser la dette. Ce nest pas le cas pour les pays de lUEMOA.

Concernant le taux de change fixe et la compétitivité à lexport, et à linverse limpact sur lattractivité pour les investissements étrangers, notre analyse indique quil nexiste pas de désalignement du taux de change dans lUEMOA ni dans la CEMAC. Autrement dit, le taux de change est en ligne avec les fondamentaux.

Au sujet des investissements directs étrangers, la parité fixe avec leuro est évidemment très attractive, puisque les investisseurs étrangers savent quils pourront avoir léquivalent en euros de leurs investissements dans la zone monétaire.

Concernant la liquidité, larrêt du compte dopérations va-t-il produire des liquidités nouvelles dans la zone monétaire ? Non, parce que les 50 % de réserves de change centralisées à Paris constituaient un mécanisme de compte à vue ou de compte courant. Cette liquidité existait déjà : elle ne disparaît ou n’apparaît pas au moment où le compte dopérations est fermé. Mais cela donne plus de marge à la banque centrale pour faire des choix de placements. La fin de lobligation de centraliser 50 % des réserves de change va amener la BCEAO à choisir, en fonction des rendements des différents placements.

Jusqu’à présent, la partie des réserves de change obligatoirement centralisée était rémunérée en fonction de laccord passé, cest-à-dire suivant le taux de la facilité de prêt marginal de la BCE, qui est un taux élevé, avec un plancher à 0,75 %. Aujourdhui, le taux de la facilité de prêt marginal de la BCE s’élève à 0,25 %, en dessous du plancher de 0,75 %, qui trouve à s’appliquer. Depuis 2016 au moins, nous rémunérons donc les réserves placées à Paris au taux de 0,75 %, alors même qu’il s’agit d’un placement à vue, habituellement rémunéré à  0,40 %, voire  0,50 %. Cest évidemment très avantageux pour les banques centrales de la zone franc davoir aujourdhui ce placement.

Le sujet du coût de ces opérations et de sa reconstitution historique est extrêmement compliqué. Une partie purement monétaire peut être calculée, mais selon une méthodologie complexe. Les bénéfices récupérés par la France, ou les pays concernés, en termes de dynamisme et de retombées économiques ainsi que de croissance sont également complexes à calculer.

Pour ce qui concerne la question relative aux vérités alternatives, ces réserves de change nont jamais été pour la France une source denrichissement. La dette de la France nest pas financée grâce à elles. Il faut être très clair. Le montant centralisé à Paris est de l’ordre de 10 à 12 milliards deuros, en fonction des années. Or, la dette de la France est de lordre de 1 700 milliards.

La garantie a bien été utilisée à plusieurs reprises à différentes périodes. Elle a notamment été utilisée entre 1987 et 1991 de manière oscillante, avant la dévaluation de 1994. Depuis, elle na plus été utilisée.

La question de lintégration plus large rejoint celle du Nigéria et de son intégration en zone CEDEAO. La France est très favorable à son intégration réelle au sein des pays de lUEMOA. D’autres pays sont déjà dans cette démarche : la Gambie est associée au Sénégal, le Ghana est très proche de la Côte dIvoire. Cette intégration est donc possible. Elle se fera probablement par lagrégation progressive de certains pays qui pourraient avoir un intérêt à rejoindre lUEMOA.

Notre analyse ne permet pas de constater une surévaluation du taux de change. Elle rejoint celle du FMI et celle dautres observateurs : le taux de change nest pas désaligné par rapport aux fondamentaux.

Au sujet des levées de fonds de start-up, elles ne sont pas nombreuses. Et ce ne sont pas des levées de fonds en appel public à lépargne, sous la forme dinsertion dans les circuits boursiers. Les financements se font en monnaie locale. Dailleurs, outre les accords de coopération monétaire, il existe des accords et des actions de soutien au développement  via nos différents canaux, notamment lAgence française de développement. Notre initiative, qui sappelle Choose Africa , vient en soutien aux start-ups africaines, avec des devises locales. Certains financements se font en dollars, à New York ou à Londres, mais ils restent relativement marginaux.

Concernant le Congo Brazzaville, qui est dans la zone franc, il ne dispose pas de réserves de change spécifiques.

Au sujet des banques de proximité, il existe effectivement un mouvement de retrait des banques françaises classiques dans les pays africains. M. Marc Le Fur la évoqué, ce fait est regretté par un certain nombre dacteurs. Nous essayons de comprendre les raisons de ces choix commerciaux, mais ils relèvent avant tout des stratégies commerciales des banques concernées. Nous dialoguons avec elles, bien entendu, parce quil y a des opportunités daffaires intéressantes à léchelle du continent africain.

M. Marc Le Fur. Un certain nombre de nos entreprises se disent quelles courent plus de risques dans ce type de pays. Et de fait, elles se retirent. Cest mauvais.

M. Guillaume Chabert. Il existe un phénomène malheureusement plus large de retrait de toutes les grandes banques internationales, à cause des questions de compliance. Les questions de correspondances bancaires sont devenues extrêmement importantes pour des raisons légitimes. Elles sous-tendent notamment la lutte contre le blanchiment dargent. Mais leurs conséquences posent des difficultés. Nous nous employons à trouver un équilibre, qui nest pas encore optimal, pour la lutte contre la criminalité financière. Cette lutte est nécessaire, y compris au Sahel. Toutefois, il faut aussi maintenir les canaux de financement. Les banques françaises participent à ce mouvement, mais il relève dun phénomène plus large, initié par les grandes banques internationales. Nous partageons ce constat.

M. Bruno Cabrillac. Concernant le retrait des banques françaises, cest un phénomène effectivement mondial. Il est dû au changement de stratégie des banques françaises. Il nest pas nécessairement irréversible. La Société Générale a annoncé que lAfrique reste dans ses priorités stratégiques. Ce déclin est donc relatif, car la présence française reste forte. Le Crédit Agricole a vendu ses parts à des banques marocaines, mais il reste actionnaire majoritaire de ces banques.

Ce phénomène correspond aussi à un mouvement dintégration plus fort du commerce à lintérieur de lAfrique. La création de groupes bancaires panafricains est en pleine expansion, que ce soit des groupes marocains, nigériens... Ce phénomène nest pas forcément négatif. Il correspond à lidée que ces groupes panafricains ont une meilleure connaissance des spécificités du tissu économique africain.

Cette question est liée au problème du correspondent banking. Il sagit dun avantage comparatif pour les grandes banques françaises et internationales. Alors que les banques locales ont de plus en plus de difficultés à obtenir des comptes dans les banques européennes et américaines, du fait de la lutte anti-blanchiment et des principes de la compliance, les banques étrangères et françaises implantées localement fournissent plus aisément un accès aux services bancaires européens. Autrement dit, si les banques françaises et étrangères restent, elles ont un avantage comparatif.

La zone monétaire CEDEAO est un projet politique. Il y a beaucoup de projets politiques dintégration en Afrique continentale, comme le programme panafricain. Cest un défi important, parce que lUEMOA nest pas une zone monétaire optimale. Mais la zone CEDEAO est encore moins une zone monétaire optimale. Et cest encore plus vrai avec le Nigéria, qui est un pays pétrolier, parce que cela introduit la possibilité de chocs asymétriques, lorsque le prix du pétrole augmente, alors que les autres pays de la zone sont essentiellement importateurs de pétrole.

Ce défi peut être relevé plus facilement si cette union monétaire a un taux de change fixe et se fixe un horizon de très long terme pour adopter un taux de change flexible. Le Ghana est allé beaucoup plus loin dans la flexibilité des changes, en passant à un système dit de ciblage dinflation qui devait lui permettre davoir une ancre interne à la valeur de la monnaie. Mais cela na pas vraiment fonctionné, notamment à cause de la variation du taux de change de la monnaie ghanéenne, qui a pu dépasser 10 ou 15 % ces dernières années. Cette variation a perturbé la situation économique.

Le régime de change fixe correspond au fameux triangle de M. Robert A. Mundell. Dans une certaine mesure, il contraint la politique monétaire, puisquil est impossible davoir à la fois une autonomie totale de cette politique, un régime de change fixe et une liberté des changes. Mais le contrôle des changes rétablit justement en partie lautonomie de la politique monétaire. Les politiques monétaires de lUEMOA et de la CEMAC ont été autonomes durant les périodes récentes grâce au contrôle des changes.

Et ce contrôle des changes correspond également au niveau de développement de ces pays. Les pays à faibles revenus et les pays émergents de catégorie inférieure ont un contrôle des changes. La Chine a encore un contrôle des changes. Le saut dans la liberté des changes est peut-être encore trop précoce pour tous ces pays, compte tenu de leur développement et de celui de leurs systèmes financiers.

Au sujet de la compétitivité prix, le FMI estime quil ny a pas de surévaluation des francs CFA aujourdhui, et ce depuis 1994. Quel facteur avait entraîné le besoin de dévaluation en 1994 ? Cétait une baisse des prix, sur le très long terme, des produits exportés par cette zone, notamment des matières premières agroalimentaires et du coton produits localement.

La garantie française élimine le risque de transferts et non le risque de changes. Autrement dit, lorsque vous faites une opération autorisée par le contrôle des changes, vous allez utiliser des devises afin de les échanger contre votre propre monnaie, puisque la garantie française permet de fournir ces devises à la banque centrale. Lélimination du risque de transfert est très importante.

La question du transfert à la BCE ou à lEurosystème, ne se pose pas, parce que ce nest pas un accord de coopération monétaire. Compte tenu de la structure et de la conception institutionnelle de la zone euro, il me semble que cela ne pourra pas se produire.

Il y a plusieurs années, jai travaillé sur la question du coût pour lÉtat français de l’obligation de centralisation des réserves de change. Lorsque la quotité de centralisation a été abaissée de 67 % à 50 %, la France a reconnu quelle faisait des économies, parce quelle offrait une rémunération sur ces comptes bien supérieure à celle quelle obtenait lorsquelle déposait sa trésorerie à la BCE. Lorsque les taux de centralisation ont été abaissés, la France a donné une aide publique régionale budgétaire, en contrepartie de cette baisse de la subvention donnée à travers cette sur-rémunération du compte dopérations.

 

 

Concernant limpression des billets, la Banque de France, à travers sa filiale, continue à imprimer des billets pour la zone euro. Elle imprime des billets pour un certain nombre dautres pays. La BCEAO et la Banque des États de lAfrique centrale (BEAC) sont ses deux principaux clients extérieurs à la zone euro. Ils représentent plus de 40 %, voire même presque la moitié, de son plan de charge pour lavenir. Ce sont des clients importants pour le futur de cette activité en France. Ils sont donc choyés commercialement afin de les garder.

Mme Olivia Gregoire, vice-présidente. Au nom de la commission des finances, je vous remercie pour vos réponses précises et étayées concernant un sujet certes lointain mais néanmoins important pour lÉtat français.

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Informations relatives à la commission

1. La commission a désigné M. Alexis Corbière, rapporteur sur la proposition de loi visant à plafonner les frais bancaires (n° 2599).

2. La commission a désigné :

 M. Philippe Chassaing rapporteur spécial sur les programmes Statistiques et études économiques et Stratégie économique et fiscale, de la mission Économie et sur le compte Accords monétaires internationaux, en remplacement de M. Benoit Potterie ;

 M. Benoit Potterie rapporteur spécial sur le programme Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines et la mission Crédits non répartis (avec Mme Valérie Petit), en remplacement de M. Philippe Chassaing.

3. La commission a reçu en application de larticle 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret portant annulation de crédits dun montant de 34 020 898 euros en autorisations dengagement (AE) et de 372 654 euros en crédits de paiement (CP), dont 93 233 euros en titre 2, portant sur 12 programmes du budget général.

Ce mouvement, à caractère exclusivement technique, est destiné à régulariser, en fin de gestion 2019, les rattachements de crédits de fonds de concours et dattributions de produits, afin dassurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.

Il vise également, dans le cas dopérations dinvestissement cofinancées ayant donné lieu à ouverture dAE en application du décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 modifié, à annuler les AE excédentaires constatées à la suite de la réduction ou de lannulation dordres de recouvrer.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

 programme 113 : 960 000 euros en AE ;

 programme 134 : 93 233 euros en AE et CP, dont : 92 233 euros en titre 2 ;

 programme 144 : 158 638 euros en AE et CP ;

 programme 149 : 16 725 euros en AE et CP ;

 programme 150 : 3 702 518 euros en AE ;

 programme 142 : 3 350 euros en AE et CP ;

 programme 181 : 22 370 euros en AE et 17 836 euros en CP ;

 programme 203 : 28 981 192 euros en AE ;

 programme 205 : 300 euros en AE et CP ;

 programme 216 : 2 650 euros en AE et CP ;

 programme 218 : 16 900 euros en AE et CP ;

 programme 307 : 63 022 euros en AE et CP.

 

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de léconomie générale et du contrôle budgétaire

 

 

Réunion du mercredi 12 février 2020 à 11 heures

 

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, Mme Émilie Cariou, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Francis Chouat, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. Bruno Duvergé, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Olivia Gregoire, M. David Habib, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. François Jolivet, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, Mme Marine Le Pen, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme MarieAnge Magne, Mme Lise Magnier, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Benoit Potterie, M. François Pupponi, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Émilie Bonnivard, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Sophie Errante, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

 

Assistaient également à la réunion. - M. Pierre Cordier, M. Mjid El Guerrab, Mme Sabine Rubin