Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

  examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (n° 2820) (M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général)              2

– Présences en réunion...........................37

 


Jeudi
16 avril 2020

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 53

session ordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 


  1 

La commission, réunie selon les modalités arrêtées par la Conférence des présidents du 14 avril 2020, examine le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020 (n° 2820) (M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général).

 

M. le président Éric Woerth. Notre ordre du jour appelle l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, qui sera débattu en séance publique demain.

Le délai de dépôt des amendements de notre commission a expiré à minuit, celui valant pour la séance expirant quant à lui aujourd’hui à dix-neuf heures.

Comme lors de l’examen du précédent collectif il y a quatre semaines, nous nous réunissons dans des conditions dérogatoires, en respectant strictement les consignes sanitaires et en appliquant ce qui a été décidé en Conférence des présidents ce mardi 14 avril : le nombre de députés présents est limité à trois par groupe ; chaque amendement déposé par un député peut être défendu par l’un des députés membre du même groupe, même s’il n’en est pas cosignataire ; chaque président de groupe ou représentant du président de groupe vote pour l’ensemble des commissaires membres du groupe, sauf s’il indique expressément que certains membres du groupe expriment un vote en sens contraire.

Le projet de loi comporte un article liminaire et neuf articles. Sur deux cents amendements déposés, quarante ont été déclarés irrecevables, pour les raisons habituelles tenant aux exigences de l’article 40 de la Constitution ou de la loi organique relative aux lois de finances.

Certains d’entre vous ont notamment voulu proposer la modification de règles applicables aux collectivités territoriales, par exemple celles relatives à l’équilibre réel des budgets locaux. Or seules celles des dispositions concernant les collectivités qui ont trait à la fiscalité ou aux dotations ont leur place en loi de finances ; ce n’est donc pas le cas des dispositions relatives à la comptabilité locale. De même, les amendements qui proposaient d’étendre le niveau ou le champ des garanties apportées par l’État ont dû être déclarés irrecevables, car ils sont considérés comme toujours coûteux, dans la mesure où ladite garantie est susceptible d’être mise en œuvre.

Concernant les modalités d’examen du texte, sur lequel 160 amendements sont à examiner, je suggère que nous entamions directement leur examen dès à présent ; on peut en effet considérer que la discussion générale sur l’ensemble du texte a eu lieu hier lors de l’audition de Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons fait le choix il y a un mois de protéger les Français du coronavirus en mettant volontairement notre économie à l’arrêt.

Nous avons adopté dans la foulée un premier volet de mesures d’urgence qui devait répondre à plusieurs objectifs : amortir les conséquences économiques du confinement pour les entreprises, soutenir notre tissu productif face à l’inévitable récession de l’économie mondiale, protéger les emplois et les compétences afin de préserver la capacité de rebond de notre pays une fois la tempête passée.

Nous avons alors autorisé le Gouvernement à déployer un vaste filet de sécurité économique d’un montant de 45 milliards d’euros partagés entre quatre dispositifs : l’activité partielle, le fonds de solidarité en faveur de la trésorerie des petites entreprises, la garantie d’État pour les prêts bancaires et des reports de charges fiscales et sociales d’une ampleur inédite.

Nous savions alors déjà que les moyens substantiels engagés par ce premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) allaient devoir être complétés, « rechargés », tant il est difficile de prévoir comment évoluera la conjoncture économique selon l’évolution de l’épidémie.

Aussi l’objectif premier du présent PLFR bis est-il de prolonger l’effort budgétaire, de renforcer l’intensité du soutien à l’économie et d’élargir les dispositifs de protection existants.

Je tiens à saluer le travail de l’ensemble des députés, qui se sont fait les garants de l’application sur le terrain des mesures votées dans l’hémicycle. Leurs retours, tant sur les difficultés rencontrées et les angles morts constatés que sur les succès obtenus, ont nourri et enrichi ce nouveau PLFR. Grâce à cet effort de coconstruction, nous sommes aujourd’hui en mesure de resserrer les mailles du filet de sécurité économique que nous avons collectivement tissé.

Ce deuxième PLFR fait plus que doubler l’enveloppe consacrée aux mesures d’urgence, qui atteint désormais 110 milliards d’euros. Le dispositif d’activité partielle fonctionne : 8,7 millions de salariés en bénéficient désormais. Nous le dotons de 15,5 milliards d’euros supplémentaires, dont 10,5 à la seule charge de l’État, avec un montant cumulé de 24 milliards d’euros. Ce sont autant de salariés auxquels nous épargnons le risque du chômage, autant de compétences que nous préservons pour permettre à notre économie de repartir demain.

Près de 900 000 entreprises de moins de dix salariés ont fait appel au fonds de solidarité pour bénéficier, au minimum, du premier étage de la fusée, soit une aide mensuelle de 1 500 euros. Ce sont autant de petites structures viables et vitales pour notre tissu productif aidées pour ne pas devoir mettre la clé sous la porte.

Pour répondre aux besoins massifs qui se sont fait jour, la contribution de l’État au fonds de soutien passe donc de 750 millions à 5,5 milliards d’euros. Avec le concours des régions, des assureurs et des grandes entreprises, le montant global du fonds devrait atteindre près de 7 milliards d’euros.

Cette enveloppe élargie répond aussi à des considérations de fond : sur le terrain, nous avons observé que la première mouture du fonds de soutien était parfois trop restrictive pour répondre à toutes les situations. Le Gouvernement a donc étendu les critères d’éligibilité en faisant passer le seuil de perte de chiffre d’affaires de 70 % à 50 %. Pour mieux prendre en compte l’impact de la crise, cette perte pourra désormais être calculée à partir de la moyenne des douze mois d’activité, et non plus du seul mois de mars 2019. Les aides versées par le fonds seront exonérées d’impôts, et le plafond de la tranche d’aide supplémentaire versée au cas par cas, actuellement fixé à 2 000 euros, sera porté à 5 000 euros.

Les banques ont accordé à 200 000 entreprises 10 milliards d’euros de prêts garantis à 90 % par l’État. Les entreprises faisant l’objet d’une procédure collective, notamment celles placées en procédure de sauvegarde depuis le 1er janvier 2020, pourront désormais y accéder.

À ce filet de sécurité aux mailles resserrées s’ajouteront de nouveaux dispositifs à destination des entreprises. Pour protéger les secteurs stratégiques de la faillite ou de la prédation, l’État se dote d’une capacité de prise de participation financière de 20 milliards d’euros au travers du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Afin de protéger les entreprises fragiles, la capacité de prêt du fonds de développement économique et social (FDES) sera portée à un milliard d’euros. Enfin, pour protéger les entreprises exportatrices des risques d’impayés, le plafond de l’assurance crédit export sera rehaussé de 2 à 5 milliards d’euros.

En outre, nous étendons le filet de sécurité du côté de la demande aux ménages les plus fragiles, qui bénéficieront du soutien forfaitaire annoncé hier par le Premier ministre.

Enfin, le travail accompli dans des conditions extraordinaires par les agents publics hospitaliers, d’État et territoriaux est reconnu par le versement de primes exceptionnelles exonérées d’impôts et de cotisations et contributions sociales.

Ce qui compte, c’est que personne, aucune entreprise, aucun emploi, aucun territoire de la République ne soient laissés de côté. Je vous propose d’entamer l’examen des amendements, dans l’esprit de concorde et d’unité nationale qui avait fait notre force lors du premier PLFR.

 

Article liminaire : Prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour l’année 2020

La commission examine l’amendement CF129 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Reconnaissons-le : nous sommes en plein brouillard, et toute prévision macroéconomique relève d’un exercice un peu surréaliste. Je suis néanmoins choqué que le solde structurel soit réduit de  2,2 % à  2 %. Le taux de croissance potentielle sera forcément revu à la baisse en raison de la chute prévue de 17 % des investissements des entreprises non financières. Je propose d’en rester prudemment à un solde structurel à  2,2 % et d’ajuster le solde conjoncturel à  5,1 %.

J’aimerais par ailleurs connaître la ventilation du déficit public entre l’État et les organismes divers d’administration centrale (ODAC), la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Ces éléments figurent classiquement dans l’exposé des motifs des projets de loi financiers ; j’en avais fait la demande lors de l’examen du précédent PLFR, sans succès. D’après mes calculs, le déficit devrait se situer à 9 % du PIB, soit un peu plus de 200 milliards d’euros : 184 milliards d’euros de déficit pour l’État hors ODAC, 10 milliards d’euros d’excédent pour les collectivités territoriales (contre une quinzaine de milliards en loi de finance initiale) et quelque 43 milliards de déficit pour la sécurité sociale.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme dans chaque PLFR, le Gouvernement s’appuie sur ses propres prévisions macroéconomiques. Toutefois, je vous l’accorde, l’horizon n’est pas totalement éclairci, tout simplement parce que la crise sanitaire est loin d’être terminée. Et la reprise n’est pas pour demain.

On ne peut reprocher au Gouvernement un manque d’honnêteté quant à la trajectoire des finances publiques : quand on prévoit une récession de moins 8 %, un déficit public estimé à 9 points de PIB et un endettement à 115 points de PIB, c’est bien que l’on s’attend à un choc très brutal.

Concernant le solde structurel, je suis convaincu que nous pouvons parier sur une reprise rapide de notre économie et sur la capacité de résilience de notre pays, ce dont il a fait montre lors de précédentes crises, et ainsi espérer une fin d’année plus souriante. Il faut donc prendre les prévisions gouvernementales comme elles sont présentées aujourd’hui. Évolueront-elles d’ici au prochain projet de loi de finances ? Probablement.

Notre capacité de rebond sera déterminante pour la reprise, et tout ce que nous mettons en œuvre pour protéger nos entreprises et nos emplois concourt à la renforcer et à donner raison aux chiffres présentés.

S’agissant de votre deuxième préoccupation concernant les précisions propres à chaque catégorie d’administrations publiques, je la partage, mais on peut comprendre que les administrations aient du mal à assurer un suivi détaillé des déficits en raison même de la soudaineté de la crise et de l’urgence propres aux mesures proposées. Je relaierai néanmoins votre demande auprès du Gouvernement, comme je l’avais fait le mois dernier.

M. le président Éric Woerth. Les chiffres sont faux, tout simplement parce que personne n’a aucune certitude ; ils sont sans cesse réévalués. Comme nous l’avions pressenti, les prévisions du mois dernier sont aujourd’hui rectifiées : le déficit notamment est multiplié par neuf, mais cela reste une estimation. Tout dépendra des conditions de la reprise et du moment de la levée du filet de sécurité.

Le Gouvernement parie sur une reprise rapide, ce qui n’est pas impossible, mais la crise étant mondiale, il sera néanmoins assez difficile de remettre en route sans délai les chaînes de valeurs, d’autant que le niveau de l’épargne augmente, les habitudes de consommation vont changer, les gens resteront très prudents. Et quand on part de très bas, on met du temps à remonter l’escalier… c’est classique.

Il faut donc prendre ces chiffres comme ils sont : ils témoignent seulement d’un plongeon considérable.

M. Gilles Carrez. Le solde structurel est celui qui élimine les effets conjoncturels. Or la crise sanitaire a été présentée dès le début, et à juste titre, comme exceptionnelle, tant pour les dépenses que pour les recettes. Il eût donc été plus sage de laisser le solde structurel tel qu’il avait été prévu dans la loi de finances initiale, comme nous l’avions fait dans le premier collectif. C’est du simple bon sens.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ce qui importe, c’est que la trajectoire des prévisions soit cohérente avec les données dont nous disposons, et à cet égard on ne peut reprocher au Gouvernement un manque de sincérité. Comme je l’avais dit le mois dernier, tout sera réévalué. La modification du solde structurel correspond à une mise à jour récente portant sur l’année 2019, qui n’avait pas été effectuée le mois dernier.

Ces chiffres sont évidemment à prendre avec toutes les précautions nécessaires ; nous n’avons pas beaucoup plus de certitudes que nous n’en avions il y a un mois. Ce texte n’a d’autre but que de recharger nos batteries pour permettre un rebond le plus « enlevé » possible, pour reprendre les mots du Président de la République.

M. Charles de Courson. Il y a déjà un mois, j’ai demandé pourquoi on ne nous présentait pas un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS). L’impact de cette crise sur les comptes sociaux sera considérable : le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 40 milliards selon mes calculs.

Le rapporteur général avait alors repris à son compte l’idée de demander au Gouvernement de présenter cette répartition des déficits en séance. Le Gouvernement ne pourrait pas nous annoncer un déficit public de neuf points dans ce PLFR sans avoir réalisé ce calcul. Pourquoi ne pas nous le présenter ?

On nous répond qu’un PLFRSS est inutile car l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) n’est qu’indicatif ; certes, mais nous devons nous prononcer sur un article garantissant l’emprunt de l’UNEDIC, dont le déficit s’aggraverait de 7 milliards d’euros.

La commission rejette l’amendement CF129.

Elle adopte l’article liminaire sans modification.

Après l’article liminaire

La commission est saisie de l’amendement CF33 de Mme Valérie Rabault.

M. Jean-Louis Bricout. Nous souhaitons également que le Gouvernement communique l’évolution du solde de déficit des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est trop tôt pour disposer de chiffres stabilisés, mais je partage le souhait de connaître le plus tôt possible le détail des déficits pour les trois catégories d’administrations publiques.

M. Charles de Courson. Avez-vous des informations sur la future loi de programmation des finances publiques, annoncée pour la fin du mois d’avril ? Si tel était le cas, cet amendement n’aurait plus d’objet.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Vous pouvez demander au ministre chargé des relations avec le Parlement le calendrier pour ce projet. Mais je crois qu’un tel exercice serait assez vain alors que nous discutons chaque mois d’un nouveau PLFR… Tant que nous ne serons pas sortis de la tempête, ce ne sera sans doute pas d’actualité.

M. le président Éric Woerth. Pouvons-nous considérer que l’article liminaire fait office de programme de stabilité ? Dans la mesure où il est évidemment impossible d’élaborer une trajectoire pluriannuelle, ces chiffres sont-ils ceux que nous allons envoyer à la Commission européenne dans les prochains jours ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Oui. Le programme de stabilité est concomitant au présent PLFR et leurs fondements sont communs, car les calendriers se superposent.

M. Charles de Courson. Le programme de stabilité ne portera que sur l’année 2020 et ne s’étendra pas aux années suivantes.

La commission rejette l’amendement CF33.

 


PREMIÈRE PARTIE :
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

MESURE FISCALE

Article 1er : Exonération des sommes versées par le fonds de solidarité aux entreprises

M. Charles de Courson. La région Grand Est a créé un fonds de solidarité régional, alimenté par la région, les départements, les intercommunalités et la Banque des territoires. Son montant est de 44 millions d’euros.

Monsieur le rapporteur général, êtes-vous d’accord pour que les fonds versés par ce fonds régional bénéficient du traitement fiscal que l’article 1er accorde au fonds national ? J’avais déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cette discussion doit se tenir entre les régions et l’État ; l’article 1er ne traite que du fonds national.

M. Charles de Courson. Je l’avais bien compris, mais pourriez-vous présenter un amendement pour étendre le régime de l’article 1er aux fonds de solidarité locaux ?

M. Marc Le Fur. Une initiative analogue est en cours en Bretagne, où communes, intercommunalités, départements et régions versent toutes 2 euros par habitant afin de constituer un fonds de cette nature. Le même traitement fiscal sera-t-il appliqué à ce type de fonds ?

M. Gilles Carrez. Il serait logique que ces fonds régionaux soient traités de la même manière que le fonds national, tout le monde est d’accord sur ce point.

M. le président Éric Woerth. Il faudra déposer un amendement en séance pour que le Gouvernement nous donne sa réponse. Ce n’est pas ce qui est prévu dans le texte à ce stade.

Mme Véronique Louwagie. L’article 1er prévoit d’exonérer les sommes versées par le fonds de solidarité de tout impôt et contribution sociale, mais qu’en est-il des cotisations sociales ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le ministre en a fait mention dans son allocution d’hier et l’exonération de cotisations sociales est expressément prévue dans le dispositif proposé.

M. le président Éric Woerth. Juridiquement, l’exonération de cotisations sociales est bien prévue, mais son coût n’est pas chiffré dans le projet de loi.

La commission adopte l’article 1er sans modification.


Après l’article 1er

La commission examine l’amendement CF70 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. Nous proposons la suppression de plusieurs niches fiscales dont bénéficient certains secteurs les plus polluants, comme le remboursement sur le kérosène aérien, dont le coût dépasse 3 milliards d’euros, et le remboursement du gazole pour le transport routier. Si nous voulons préparer l’entrée dans le monde d’après, il serait souhaitable de restituer ces recettes fiscales à l’État. En 2016, la Cour des comptes estimait que les dépenses nuisibles à l’environnement représentaient 13 milliards d’euros chaque année.

La suppression des niches fiscales proposées permettrait de financer l’augmentation des salaires demandée par les personnels soignants, pour un montant de 300 euros, ainsi que les recrutements nécessaires à l’hôpital. Il faut entrer dans une autre logique afin de préparer le monde d’après et une relance qui ne pourra être que verte.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis favorable à l’idée de réexaminer la pertinence de certains dispositifs fiscaux néfastes à l’environnement, mais en pleine tempête je ne crois pas opportun de s’attaquer aux secteurs, déjà fragilisés, qui bénéficient d’exonérations de TICPE. Je comprends qu’il s’agit d’un amendement d’appel et je peux souscrire à l’idée d’alerter sur le monde d’après, mais pour l’heure mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF70.

Elle en vient à l’amendement CF75 de Mme Sabine Rubin.

Mme Sabine Rubin. La pollution et les dégâts causés à l’environnement tuent également des millions de personnes. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas, il faut trouver des solutions.

Cet amendement, dans la même logique, reprend une proposition d’ATTAC tendant à instaurer unilatéralement et immédiatement une taxe carbone complémentaire pour l’ensemble des sites industriels français soumis au marché carbone européen. Ce rattrapage des exonérations de taxe carbone bénéficiant aux grandes entreprises permettrait d’assurer la mise à l’abri et le confinement des personnes sans domicile.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable : en cette période, je refuse toute aggravation de la situation fiscale de n’importe quelle industrie.

La commission rejette l’amendement CF75.

Elle en vient à l’amendement CF48 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. Le ministre de l’économie a parlé hier de relocalisations, le Président de la République lundi soir de nationalisations, mais nous ne constatons pas beaucoup d’efforts en ce sens.

Trois entreprises devraient être concernées par ces dispositifs si l’on considère sérieusement la souveraineté sanitaire : Luxfer, qui produit des bonbonnes d’oxygène pour les hôpitaux ; Famar, qui peut produire des médicaments, dont la chloroquine ; et Péters Surgical, le leader européen du dispositif médical à usage unique.

Cette dernière, qui réalise des bénéfices mirifiques, a prévu un plan social pour délocaliser son usine en Inde au mois de juin prochain. Mais elle fonctionne actuellement aux trois-huit pour produire les sondes Motin, essentielles à l’équipement des lits de réanimation. Si l’épidémie nous avait touchés en juillet, les 30 000 sondes excédentaires produites en ce moment nous auraient manqué, comme nous manquons de masques après la fermeture en 2018 de l’usine de Plaintel qui produisait 5 000 masques par heure.

Pour l’instant, rien n’est prévu dans ce PLFR pour nationaliser des entreprises qui produisent des équipements indispensables à la sécurité sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’augmentation de 20 milliards d’euros du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État a précisément pour but de financer des prises de participation et l’accompagnement à la relocalisation de certaines productions. Il n’est pas nécessaire de supprimer des dispositifs fiscaux pour ce faire.

La commission rejette l’amendement CF48.

Elle en vient à l’amendement CF119 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Après l’intervention du Président de la République, des collectivités locales se demandent si le fonds de compensation pour la TVA pourra couvrir les dépenses d’achat de protections individuelles.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le FCTVA est prévu pour rembourser des dépenses d’investissement, c’est ce qui justifie entre autres la tolérance des institutions européennes à son égard. Il ne me semble pas possible de l’utiliser pour des dépenses de fonctionnement, mais je vous invite à interroger le ministre à ce sujet en séance publique.

M. le président Éric Woerth. D’autant que nous allons demander une suppression de la TVA sur les équipements en question…

L’amendement CF119 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF142 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot. Cet amendement offre l’occasion de saluer le dispositif exceptionnel décidé pour soutenir les entreprises et éviter les faillites : suspension des cotisations, des factures d’eau et d’électricité, et engagement des bailleurs à suspendre une partie des loyers.

Le fonds de solidarité – complété par ce PLFR – et les prêts garantis par l’État offrent deux solutions aux entreprises pour les traites restantes, mais ils souffrent de deux limites. Tout d’abord, l’accumulation de dettes, fussent-elles garanties par les PGE, fait craindre pour la situation de certaines entreprises à l’issue de cette crise. De plus, si l’État prend à sa charge tous les loyers des artisans et des commerçants, la facture globale sera très lourde pour les finances publiques.

Nous proposons d’utiliser un dispositif existant, l’abandon de créances, en permettant au créancier, bailleur ou banquier, disposé à abandonner une créance, de la déduire de son résultat imposable. Cette mesure désendetterait l’artisan ou le commerçant et soulagerait les finances publiques.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’objectif est louable : il s’agit de poursuivre le soutien aux entreprises. Néanmoins, au-delà du fait que cet amendement n’est pas chiffré, ce qui me gêne toujours un peu, je me demande s’il est bien ciblé : profitera-t-il réellement aux structures les plus fragiles ? L’outil est probablement efficace, mais ne risque-t-il pas de bénéficier à des entreprises qui n’en auront pas nécessairement besoin, car elles iront plutôt bien à la sortie de la crise ? Je vous propose que nous en débattions demain en séance publique.

M. Gilles Carrez. Cet amendement est extrêmement intéressant : il faut creuser cette piste, d’autant que nous avons des retours assez inquiétants sur un sujet un peu voisin : les crédits-bailleurs maintiennent leurs exigences en ce qui concerne les échéances et leurs montants. Si on veut donner de l’oxygène aux entreprises, reporter, annuler ou réduire des loyers me paraît une très bonne idée. Cela permettra notamment d’économiser des fonds publics, même si l’amendement prévoit une déductibilité fiscale.

Mme Véronique Louwagie. Je soutiens totalement l’amendement. Le rapporteur général objecte que son coût, fiscal, n’est pas chiffré, mais je pense qu’il sera très inférieur à celui de l’injection de fonds publics.

M. Christophe Naegelen. Les biens commerciaux ou industriels peuvent appartenir à des banques mais aussi à des particuliers, par le biais de sociétés civiles immobilières (SCI) ou à titre personnel. Toutes les situations seront-elles prises en compte ? Si un particulier décide d’abandonner un loyer, y aura-t-il une déduction sur l’impôt sur le revenu ? Sur quelles bases sera-t-elle calculée ? Cela étant, cette proposition me paraît extrêmement intéressante. Elle permettrait d’arriver à une situation gagnant-gagnant, sans impact sur les finances de l’État.

M. Jean-Louis Bricout. Je trouve aussi cet amendement plutôt pertinent. Les petites entreprises, qui ont des charges fixes, s’endettent et vont se trouver acculées. Elles risquent d’être en grand danger. Le rapporteur général a dit que certains acteurs pourraient être avantagés, mais l’amendement aidera quand même des entreprises qui, compte tenu de leurs charges, ne pourraient pas s’en sortir autrement que grâce à des dépenses publiques. On réalisera ainsi des économies.

M. Marc Le Fur. Il semble qu’il y ait beaucoup de problèmes du côté des crédits-bailleurs, Gilles Carrez l’a dit : ils se refusent à toute concession vis-à-vis de leurs locataires. Il faudra s’atteler à cette difficulté d’une manière ou d’une autre ; cet amendement fait peut-être partie des solutions.

Mme Bénédicte Peyrol. Le dispositif qui nous est proposé peut être intéressant sur le plan des finances publiques ; encore faut-il vérifier s’il est bien ciblé sur les bailleurs et les entreprises. Je ne sais pas si nous pourrons le faire d’ici à demain, mais nous sommes prêts à y réfléchir.

M. Charles de Courson. L’affaire est compliquée. L’exposé des motifs souligne que l’abandon de créances est déjà prévu par la loi, mais d’une façon très encadrée : il ne peut répondre qu’à des motifs commerciaux. L’amendement va-t-il au-delà ? Il me semble que oui, sinon il n’y aurait aucune raison de le proposer. Mais j’ai du mal à en percevoir les conséquences : n’y a-t-il pas un risque de détournement dans le cadre des relations intragroupe et de tentations d’optimisation fiscale ?

M. le président Éric Woerth. Sans doute, mais il y a par exemple également des risques de détournement avec le chômage partiel…

Mme Christine Pires Beaune. L’idée est intéressante mais je crois, moi aussi, qu’il faut cibler davantage. L’amendement s’appliquerait indistinctement à tout type d’entreprise. Par ailleurs, on devrait peut-être s’interroger sur la manière d’amener les bailleurs à participer à l’effort. S’agissant des baux commerciaux, je n’ai rien vu venir pour l’instant.

M. Jean-Noël Barrot. Je vais retirer l’amendement pour le retravailler.

Des chefs d’entreprise nous disent qu’ils sont en train d’accumuler beaucoup de dettes. Or il faut penser à la reprise : on n’a plus tellement envie de repartir quand on est surendetté. Plutôt que de donner 5 000 euros à un indépendant, on obtiendrait un abandon de créance de la part du bailleur ; peut-être devrions-nous nous caler sur le champ des bénéficiaires du fonds de solidarité : ce serait ou l’un ou l’autre, l’abandon de créance ou les 5 000 euros.

L’utilisation de ces mesures dans un cadre intragroupe sera normalement exclue. Nous en avons discuté lorsque j’ai déposé l’amendement, mais je vais quand même m’en assurer.

On pourrait imaginer d’étendre le dispositif aux particuliers, par le biais d’une déduction ou d’un crédit d’impôt. Les bailleurs sont en principe inclus, puisqu’ils ont des créances sur les entreprises.

Il faut évidemment faire en sorte que les finances publiques ne soient pas perdantes au total. Mais le créancier, de son côté, ne récupérera que 33 % de ce qui lui est dû : il acceptera une perte immédiate. S’il le fait, c’est qu’il considère qu’il court le risque de ne pas être remboursé à terme.

M. le président Éric Woerth. C’est un mécanisme analogue à ce qui prévaut pour la fiscalité des dons.

M. Gilles Carrez. J’ai posé la question des loyers lors de la réunion de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui s’est tenue la semaine dernière – la CDC encaisse beaucoup de loyers, soit directement, soit par le biais de filiales, comme Icade. Dans le cadre du rôle d’amortisseur ou d’investisseur de long terme de la Caisse, ne peut-on pas envisager des mesures d’étalement, de report ou de diminution temporaire des loyers ? Mes collègues y étaient plutôt favorables, mais le représentant du Trésor s’y est catégoriquement opposé. Bercy tient le raisonnement suivant : on accorde des aides, à travers le fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État, mais tout le reste doit fonctionner comme avant, faute de se retrouver face à des problèmes en cascade. Il est très important d’en débattre demain.

M. Christophe Naegelen. J’ai un problème avec les généralités au sujet des bailleurs. Beaucoup d’artisans et de commerçants détiennent le bien immobilier qu’ils utilisent dans le cadre d’une SCI, imposée à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu. Ces personnes ont investi leur propre argent pour être propriétaires et ne pas avoir de bailleur. Cette situation sera-t-elle traitée de la même façon que les relations intragroupes ? Si tel est le cas, des entreprises ne bénéficieront pas du dispositif alors qu’elles sont en difficulté, leur seule faute, si je puis dire, étant d’être propriétaire de leur bien. Des petits artisans et commerçants pourraient se trouver fortement pénalisés. Soyons très vigilants.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je voudrais revenir au cœur de l’amendement, qui ne concerne pas les créances des bailleurs en particulier : son objet est beaucoup plus large. Je suis d’accord avec M. de Courson : ceux qui vont bien bénéficieront de ce dispositif, par un effet d’aubaine, et la question des relations intragroupe reste posée. Par ailleurs, on ne peut pas dire qu’il n’y aura pas d’impact sur les finances publiques : on va forcément réduire des assiettes fiscales.

L’amendement CF142 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CF4 de M. Pierre Cordier.

M. Marc Le Fur. Cet amendement est relatif à des dispositifs importants d’aménagement du territoire, dont bénéficient des secteurs déjà en difficulté et qui devaient arriver à leur terme à la fin de l’année. Nous proposons de les proroger jusqu’en 2022. Il s’agit des bassins d’emploi à redynamiser (BER), qui concernent essentiellement les régions Grand Est et Occitanie ; mais la même question pourrait se poser à propos d’autres mesures, notamment les zones de revitalisation rurale (ZRR). Il faut que ces dispositifs, pour l’instant à l’arrêt, puissent concourir à la reprise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement tend à proroger, sans apporter d’autres modifications, les exonérations prévues dans le cadre des BER, qui concernent les Ardennes et l’Ariège. Or ce dispositif a pour objet d’attirer des entreprises et d’inciter à leur implantation sur ces territoires, non d’apporter un soutien : c’est un peu en décalage avec les mesures prévues pour soutenir la trésorerie et permettre à tout le monde d’être encore à flot après la tempête.

Par ailleurs, je crois qu’on aurait tort de territorialiser les aides dans le contexte actuel, qui est celui de la gestion d’urgence. Les outils proposés par le Gouvernement ont une grande vertu : ils permettent d’arroser large, au bénéfice de la trésorerie de toutes les structures, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, et ce sur l’ensemble du territoire national, incluant donc les outre-mer. En effet, tout le monde a besoin d’aides à la trésorerie. Les mesures applicables aux BER ont leur propre pertinence, comme celles prévues par d’autres dispositifs de zonage. Mais elles ne procèdent pas de la même logique, j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer. Qui plus est, il n’y aurait aucune raison de ne pas en faire de même pour les autres dispositifs zonés, tels que les ZRR.

En conséquence, j’émets un avis défavorable à l’amendement. Nous devons rester dans une perspective nationale afin d’aider tout le monde de la même manière et de ne pas créer des déséquilibres et des inégalités à la sortie de la crise.

M. Marc Le Fur. Il s’agit de tenir compte de la situation de territoires qui avaient des difficultés avant la crise et qui en connaîtront encore par la suite, et plus sévères qu’ailleurs. C’est la logique suivie par le Gouvernement en ce qui concerne les particuliers : cet amendement ne me semble donc pas déplacé. Par ailleurs, l’idée n’est pas de créer un nouveau système d’aides mais de pérenniser, pour une période relativement brève, un dispositif existant.

La commission rejette l’amendement CF4.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CF81 du président Éric Woerth et CF165 de M. Jean-Noël Barrot.

M. le président Éric Woerth. Mon amendement CF81 me paraît relever du bon sens : nous l’avions déjà présenté le mois dernier. C’est bien de prévoir des primes pour les heures supplémentaires, mais les exonérations fiscales et sociales prévues sont plafonnées à 5 000 euros. Nous proposons que les heures supplémentaires réalisées pendant l’état d’urgence sanitaire ne soient pas incluses dans ce plafond, qui n’est pas adapté à la situation de crise que nous vivons – on le voit bien dans un certain nombre de professions, notamment dans le domaine de la santé.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Ma réponse sera proche de celle que je vous avais faite le mois dernier : la question du plafond de la défiscalisation et de la désocialisation des heures supplémentaires ne me paraît pas prioritaire en ce moment. À peu près 95 % des gens concernés se trouvent en dessous de ce plafond. Les dispositions adoptées dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, en décembre 2018 fonctionnent bien ; il faut poursuivre cette dynamique. S’agissant des cotisations patronales, la prime Macron fonctionne bien elle aussi ; la ministre du travail vient d’annoncer qu’elle n’était plus conditionnée à un accord d’intéressement, au niveau de l’entreprise ou de la branche. Nous disposons donc déjà d’un outil souple et efficace. Votre amendement est satisfait à 95 %.

M. le président Éric Woerth. Ce n’est pas vraiment le cas.

J’observe que le Gouvernement reprend à son compte bon nombre de nos propositions, notamment s’agissant des heures supplémentaires. La majorité s’y était opposée au nom du même argument, et voilà qu’à cause des gilets jaunes, elles sont tout à coup devenues une nécessité absolue… Il en a été de même avec le plafonnement du fonds de solidarité.

Ayons l’honnêteté de reconnaître que les heures supplémentaires actuelles ne devraient pas être conditionnées au plafond habituel, compte tenu du surcroît de travail lié à la crise. Ce serait mieux que de prévoir des primes.

M. Gilles Carrez. Je comprends que l’amendement n’ait pas été accepté dans le premier collectif mais la présente loi de finances rectificative met en place, précisément pour la période de crise, une prime exceptionnelle : ne pas inclure les heures supplémentaires dans le plafond d’heures ouvrant droit à des exonérations pendant cette même période me paraît totalement cohérent avec cette mesure.

Mme Cendra Motin. En droit social, on ne remplace pas des heures supplémentaires par une prime exceptionnelle. Quand quelqu’un fait des heures, on les lui paye !

Cela étant, je suis complètement d’accord sur le fait qu’il ne faille pas modifier ce plafond. Des secteurs aujourd’hui en tension, comme la logistique ou la grande distribution, cherchent à embaucher. Il est désormais possible de signer une convention interentreprises pour que des salariés actuellement en chômage partiel puissent être prêtés à des entreprises à coût zéro : cela permet aux travailleurs de conserver 100 % de leur salaire tout en exerçant dans des secteurs en tension. Une plateforme a été créée par le ministère du travail pour proposer des postes à tous les demandeurs d’emploi afin de renforcer les équipes dans ces filières en tension. Nous avons davantage intérêt à faire travailler des personnes privées d’emploi que d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires de ceux qui donnent déjà beaucoup et qui travaillent tous les jours. Des dispositifs ont été créés : appliquons-les au lieu de chercher à déplafonner les heures supplémentaires.

M. le président Éric Woerth. Vous y viendrez, et vous trouverez les arguments pour nous dire « On pensait le faire » ; mais vous le ferez, tout simplement parce qu’il y a une incohérence intellectuelle aujourd’hui !

Mme Véronique Louwagie. Nous devons mettre en place tous les dispositifs possibles car la situation sur le terrain est exceptionnelle, avec des entreprises en tension, qui ont des besoins particuliers. Il faut inciter, mais aussi récompenser. Si les entreprises ont recours à des heures supplémentaires au-delà du plafond annuel de 5 000 euros, ce n’est pas par choix mais parce qu’elles y sont contraintes, d’autant qu’elles n’ont pas toujours le temps de former des travailleurs. De plus, ce dispositif ne serait pas pérenne : il ne vaudrait que pour cette période de crise – ce n’est pas trop demander ! La situation est exceptionnelle et tous les moyens doivent être mobilisés pour aider nos entreprises et pour éviter qu’elles perdent leurs compétences. Je ne comprends pas que l’on se restreigne alors que notre économie est mise à mal.

M. Charles de Courson. Lors de l’examen de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, nous avons accepté de lever toutes les barrières pour effectuer des heures supplémentaires. Les amendements Woerth et Barrot vont dans le sens de ces mesures d’urgence : il me semble donc tout à fait logique de les adopter. Sinon, avec la très forte progressivité de l’impôt sur le revenu, vous désinciterez par le biais fiscal alors que vous encouragez par le biais du droit du travail : ce n’est pas cohérent !

M. Jean-Noël Barrot. Les primes sont une manière concrète de témoigner de notre gratitude, tandis que les heures supplémentaires sont un outil d’incitation au travail dans les secteurs les plus en tension. Nous sommes peut-être en avance ; ce dispositif prendra tout son sens au moment de la reprise d’activité. J’entends les arguments développés ; je retire mon amendement CF165 mais cela ne nous interdira pas de le redéposer en séance publique pour entendre l’avis des ministres sur ce sujet.

L’amendement CF165 est retiré.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. L’exonération de charges patronales proposée dans vos amendements me dérange plus que la modification du plafond de 5 000 euros. Cette exonération pose un problème de fond : loin d’aider les secteurs en difficulté, elle aide au contraire ceux qui ont la chance de pouvoir encore travailler. Quant au plafond, cela ne concernerait que 5 % des heures supplémentaires : ce n’est donc pas un enjeu, même si je comprends l’objectif politique poursuivi.

M. le président Éric Woerth. Il n’y a pas de cotisations patronales sur le chômage partiel…

La commission rejette l’amendement CF81.

Elle examine, en discussion commune, l’amendement CF63 de M. Fabien Roussel et les amendements identiques CF44 de M. Jean-Louis Bricout et CF59 de Mme Sabine Rubin.

M. Fabien Roussel. Mon amendement CF63 vise à porter le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes à 75 %, en augmentant le taux forfaitaire d’impôt sur le revenu, aujourd’hui fixé à 12,8 %. La distribution de dividendes en période de pandémie fait débat. Le ministre de l’économie a recommandé que les entreprises ne versent pas de dividendes – ce n’est qu’une recommandation – et prévenu qu’il n’accorderait pas de prêt garanti par l’État ni de reports de charges aux entreprises qui en verseraient. Or certaines entreprises préféreront y renoncer pour continuer à distribuer des dividendes : c’est la raison pour laquelle nous proposons de taxer à 75 % les dividendes des entreprises qui feraient ce choix.

M. Jean-Louis Bricout. L’objet de l’amendement CF44 est de supprimer le prélèvement forfaitaire unique, dit flat tax. Cette mesure est symbolique des politiques qui ont été menées jusqu’à présent par ce gouvernement. Les réponses sociales apportées à la crise sont encore faibles. On connaît les dégâts provoqués par la flat tax sur les emplois aidés, la baisse des aides personnalisées au logement, le gel ou la sous-revalorisation des prestations sociales, la réforme du chômage, etc. Cela n’a pas été sans incidences sur la cohésion sociale.

Mme Sabine Rubin. L’amendement CF59 a le même objet. La suppression du prélèvement forfaitaire unique permettrait de dégager 2,5 milliards d’euros, soit trois fois plus que le montant proposé, pour verser des primes non seulement aux soignants mais aussi à ceux qui travaillent en deuxième ligne, dans des secteurs essentiels à la société, c’est-à-dire les caissières, les femmes de ménage, les livreurs, etc. Tout ce chamboulement permet de revoir l’échelle des salaires à l’aune de nouvelles valeurs.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le prélèvement forfaitaire unique est tout sauf symbolique : en deux ans et demi, il a permis d’attirer des investissements, de stimuler la croissance et d’attirer des emplois sur notre territoire. Si tout n’a pas été parfait ces trois dernières années, il faut noter les bons résultats avant l’arrivée de cette crise, concernant les créations nettes d’emplois, notamment dans l’industrie, et l’amélioration des marges et des capacités d’investissement de nos entreprises, du fait d’une fiscalité plus favorable. En outre, ceux qui pensent que la flat tax à 30 % ramène moins d’argent dans les caisses de l’État ont tort : l’assiette s’étant élargie, l’État a récupéré plus d’argent, même avec un taux plus bas. Le prélèvement forfaitaire unique, cela fonctionne ! Je ne vois donc pas de raison de revenir sur ce dispositif fiscal, aujourd’hui ou après la crise. Avis défavorable.

M. Fabien Roussel. Le monde d’après, il faut le préparer dès maintenant. Nous ne pourrons plus faire comme avant. La flat tax a surtout permis de distribuer des dividendes, et non d’investir et de relocaliser notre industrie. On réclame que la France retrouve sa souveraineté économique et mène une politique ambitieuse de relocalisations : c’est bien la preuve que cela n’a pas fonctionné et qu’il faut revoir complètement notre modèle économique. Et cela commence dès maintenant : pour empêcher les grands groupes de verser des milliards de dividendes – 51 milliards d’euros en 2019 : c’est une sacrée somme ! –, il faut une taxe sur les dividendes suffisamment dissuasive, dont le produit servira exclusivement à relancer notre économie et à soutenir notre tissu économique national.

Mme Christine Pires Beaune. Nous présenterons plusieurs amendements visant les contribuables les plus aisés. Après chaque crise, un effort exceptionnel est demandé à une toute petite partie de la population : tel est le signal que nous devons envoyer, que ce soit à travers la flat tax, le rétablissement d’un ISF corrigé de ses effets pervers, ou encore une contribution exceptionnelle sur l’assurance-vie.

Si je salue les mesures économiques qui ont été mises sur la table par le Gouvernement, ainsi que les mesures sociales que nous serons amenés à voter dans ce PLFR, tout ne peut pas reposer sur la dette : un effort exceptionnel devra être demandé aux personnes les plus aisées et aux entreprises.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Pour financer la première et la deuxième ligne, nous mettons en place un système de primes dans les fonctions publiques d’État et hospitalière. Nous le faisons davantage par du crédit budgétaire que par du transfert de fiscalité, en effet, mais nous le faisons !

Je suis d’accord avec l’analyse de Mme Pires Beaune : une réflexion sur une fiscalité exceptionnelle devra effectivement être menée, mais il serait particulièrement maladroit et contre-productif que cela touche la flat tax, qui porte ses fruits.

La commission rejette l’amendement CF63 puis les amendements identiques CF44 et CF59.

Elle examine l’amendement CF52 de M. Éric Coquerel.

M. Éric Coquerel. La crise actuelle est certes sanitaire, mais c’est aussi une crise de la recherche française et de la souveraineté dans l’approvisionnement en médicaments. Cela fait des années que nous critiquons le crédit d’impôt recherche (CIR), véritable aubaine pour les entreprises qui en bénéficient, au détriment de la recherche publique française. Tous les intervenants dans le domaine de l’immunologie et des épidémies expliquent que cela fait des années qu’il n’y a plus assez d’argent dans la recherche publique fondamentale. Nous proposons donc d’en finir avec les 6 milliards d’euros affectés au CIR pour les réaffecter à une politique publique du médicament et de la recherche.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il est assez ironique, comme j’ai eu l’occasion de le dire au président Mélenchon le mois dernier lors de la discussion d’un amendement identique, de vouloir supprimer une dépense fiscale ayant pour objectif de soutenir, encourager et renforcer le travail de recherche, même si cela concerne davantage, je vous l’accorde, la recherche appliquée. Celle dernière n’en demeure pas moins tout aussi importante pour nos entreprises et attire des emplois sur notre territoire. Le CIR et le crédit d’impôt innovation (CII) ne sont pas réservés aux grands groupes du CAC40 : de nombreuses PME et entreprises de taille intermédiaire en bénéficient. Vous parliez de relocalisations : j’y souscris, et cela passe par nos chercheurs et nos ingénieurs en France.

Mme Sabine Rubin. Cette crise a l’avantage de nous révéler ce dont nous avions l’intuition concernant la recherche : les quelques avancées enregistrées dans la recherche sur le coronavirus sont dues à la recherche fondamentale publique. Nous devrions donc réfléchir, pour le monde d’après, à la nécessité de renforcer les programmes de recherche publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je trouve problématique d’opposer recherche fondamentale publique et recherche appliquée, qu’elle soit publique ou privée. Les universités et les laboratoires de recherche bénéficient indirectement, par le biais de projets collaboratifs, du crédit d’impôt recherche. Quand j’ai dit que cela bénéficiait aux PME, vous avez immédiatement répondu en citant des noms de grands groupes : c’est plus par réflexe que le fruit d’une véritable vérification de l’effectivité du crédit d’impôt recherche ! Celui-ci bénéficie majoritairement aux PME et aux ETI de notre pays : il est efficace !

La commission rejette l’amendement CF52.

Puis elle examine l’amendement CF65 de M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Il faudra tout de même revoir l’ensemble de notre politique fiscale, sinon rien ne changera : comptez sur nous pour relancer le débat !

En période de crise, une contribution exceptionnelle a toujours été demandée aux plus riches. Nicolas Sarkozy a lui-même introduit en 2011 une contribution additionnelle à l’impôt sur le revenu, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le taux est de 3 % pour un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros et de 4 % au-delà de 500 000 euros. Nous proposons de porter ces taux respectivement à 8 et 10 %.

M. le président Éric Woerth. À l’époque, nous faisions face à une crise financière : ce n’est pas tout à fait la même chose.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous aurons un débat sur la fiscalité lors de l’examen du projet de loi de finances, mais je refuse de détricoter notre système fiscal aujourd’hui. Surtout, je répète que nous ne financerons pas la reprise par une hausse des prélèvements obligatoires : ce n’est pas la bonne méthode. C’est d’ailleurs la leçon que nous pouvons tirer de la sortie de crise de 2008.

La commission rejette l’amendement CF65.

La commission examine l’amendement CF124 de M. Lionel Causse.

Mme Bénédicte Peyrol. Le présent amendement propose de moduler le mécanisme de la taxe sur les excédents de provisions des entreprises d’assurance dommages.

Ce mécanisme taxe les excédents des provisions au moment où elles sont réintégrées dans leur résultat par les entreprises d’assurance. S’il est parfaitement possible à ces acteurs de sortir de leurs résultats les moyens financiers mis de côté en vue du paiement de l’indemnisation, il est appliqué un taux d’intérêt à cette réintégration pour éviter un effet d’aubaine et traiter les sommes provisionnées de façon excessive comme si elles avaient dû être acquittées au moment de leur provisionnement. Cet amendement propose de faire passer le taux mensuel d’intérêts de 0,40 à 0,50 % en 2020, puis à 0,60 % à en 2021. En accentuant les conséquences financières d’un surprovisionnement, cet amendement doit amener les assureurs à un plus juste provisionnement.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement va me donner l’occasion de m’exprimer d’une manière générale sur le secteur assurantiel.

Les assurances doivent jouer un rôle plus important que celui qu’elles ont assumé depuis le début de cette crise : nous sommes nombreux à le penser et nous l’avons dit à la présidente de la Fédération française de l’assurance (FFA), que nous avons auditionnée hier.

Lors de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative, il y a un mois, des amendements proposaient, comme le vôtre, de taxer davantage les assurances. Je m’y étais opposé, à la condition que les assureurs s’engagent davantage dans le financement des mesures de protection que nous avons introduites. Ils l’ont fait, certes tardivement, mais ils l’ont tout de même fait, puisqu’ils ont accepté d’abonder le fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d’euros, au lieu des 200 millions d’euros initialement prévus. Par ailleurs, ils se sont engagés à investir jusqu’à 3,2 milliards, via leurs fonds d’investissement, tels que les fonds NOV, pour alimenter en fonds propres des secteurs clé, dont celui de la santé.

Je prends donc acte des engagements du secteur assurantiel, et maintiens qu’ils constituent des véhicules plus efficaces et directs qu’une taxe. Votre amendement a le mérite de rappeler que nous attendons beaucoup des assurances, mais je vous invite à le retirer. Nous demanderons au Gouvernement de s’assurer que les assureurs jouent bien leur rôle, au travers d’un reporting très fin.

M. Charles de Courson. Combien cet amendement est-il censé rapporter ?

Mme Bénédicte Peyrol. N’en étant pas l’auteur, je n’ai pas cette information. Peut-être M. le rapporteur général l’a-t-il ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. On estime qu’il rapporterait quelques dizaines de millions d’euros : on est très loin des 3,2 milliards d’euros d’engagements pris par le secteur. D’une manière générale, je préfère les actions volontaires à la coercition. Avant la crise, nous avions procédé de la même manière avec les banques au sujet des frais bancaires : il me paraît toujours préférable de travailler en confiance avec les secteurs concernés et de trouver un accord avec eux, même si cela nécessite parfois que le ministre fasse longuement pression.

M. Gilles Carrez. Je n’ai pas déposé d’amendement sur cette question mais j’aimerais dire un mot de l’assurance-crédit interentreprises pour laquelle l’on constate, comme en 2008, une forme de désengagement – c’est le cas par exemple d’Euler-Hermes. Or il faut que le crédit interentreprises continue de fonctionner. L’article 6 de ce PLFR prévoit certes d’augmenter la garantie publique sur le crédit-export, mais il ne faut pas oublier le crédit interentreprises au niveau national.

M. le président Éric Woerth. Notre groupe a déposé il y a plus d’un mois une proposition de loi d’urgence qui visait à indemniser les pertes d’exploitation. Ceux d’entre nous qui résident dans les régions qui ont été frappées le plus tôt par l’épidémie ont vu les hôtels et les restaurants fermer du jour au lendemain et ont compris que c’était un enjeu essentiel.

Je pense que le secteur des assurances a fait une profonde erreur de communication, car il met plus d’argent sur la table qu’on ne le croit. Les Français ont surtout retenu qu’il n’avait pas pris en charge les pertes d’exploitation, alors qu’on l’attendait là-dessus – même s’il est bien évident qu’il doit faire face à d’autres formes de sinistralité. Même si les assureurs ont fini par s’engager, ils l’ont fait d’une façon un peu dispersée, alors qu’ils auraient dû, comme le groupe Allianz en Allemagne, se concentrer sur les pertes d’exploitation. Cela a fortement nui à leur image.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Il faut effectivement prêter attention au désengagement des assureurs-crédit au niveau national. Dans le premier PLFR pour 2020, un amendement gouvernemental avait conduit à remonter de 10 milliards le plafond de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Il faudra voir si cette mesure est suffisante. Ce qui est certain, c’est qu’il y a un effet ciseaux et que c’est au moment où les entreprises ont besoin des assureurs-crédit que ceux-ci se désengagent. C’est terrible et c’est là que la réassurance publique doit jouer son rôle. Cela est également vrai pour le crédit-export et c’est pourquoi l’article 6 fait effectivement passer de 2 à 5 milliards le montant de crédit-export garanti par l’État.

M. le président Éric Woerth. Après la crise, nous pourrons très bien demander au secteur de l’assurance de nous faire un point global sur la réalité de la sur-sinistralité en période de crise, qui n’est pas évidente a priori.

Mme Christine Pires Beaune. Nous reconnaissons tous que les assurances font un effort plus important que celui initialement annoncé. Je voterai néanmoins cet amendement, car il ne vise pas la même chose que l’engagement portant sur 3,2 milliards d’euros. Les quelques dizaines de millions d’euros qu’il rapportera pourraient précisément servir à couvrir les pertes d’exploitation. Cet amendement aurait un autre mérite : il éviterait le risque, bien réel, de surprovisionnement.

Mme Véronique Louwagie. Les assurances ont effectivement accru leur effort, par rapport aux 200 millions d’euros initialement annoncés. J’ai demandé à la présidente de la FFA quelle était la catastrophe naturelle la plus importante que les assurances avaient eue à couvrir, et pour quel montant : elle m’a répondu que c’était la tempête de 1999 et qu’elles avaient versé 7 milliards d’euros. Depuis cette date, les compagnies d’assurances ont dû reconstituer leurs réserves et j’imagine qu’elles seraient en mesure de faire face à une catastrophe naturelle de grande ampleur. J’entends bien que l’épidémie que nous connaissons n’est pas une catastrophe naturelle, mais cette somme de 7 milliards d’euros devrait nous servir de référence. En comparaison, la somme annoncée par les assureurs ne me paraît pas suffisante, ce qui doit nous conduire à poursuivre notre discussion avec la FFA.

La commission rejette l’amendement CF124.

Elle examine l’amendement CF60 de M. Coquerel.

Mme Sabine Rubin. Cet amendement vise à renforcer les aides en faveur des plus démunis, à travers trois mesures. Nous proposons, d’abord, la gratuité pour toutes et tous des quantités nécessaires au bien-être pour l’électricité, l’eau et le gaz, dont la consommation augmente en cette période de confinement. Nous proposons, ensuite, la baisse des remboursements des prêts bancaires des particuliers à proportion de la baisse des revenus et l’annulation des frais d’incidents bancaires pour découvert. Nous souhaitons, enfin, que chacun puisse appeler ses proches sans que sa facture de téléphone augmente. Je pense surtout aux personnes incarcérées qui sont privées de visites.

Pour financer ces mesures, nous proposons, une fois de plus, de porter à 0,5 % le taux de la taxe sur les transactions financières (TTF), comme le recommandent de nombreuses associations.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme sur les amendements précédents, j’émettrai un avis défavorable, car je suis soucieux de préserver l’efficacité de notre système fiscal, à la fois en matière d’investissement et d’attractivité de l’emploi dans notre pays.

La commission rejette l’amendement CF60.

La commission examine l’amendement CF74 de M. Éric Woerth.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à soutenir les bailleurs de locaux professionnels.

Afin de protéger les locataires et les entreprises, l’ordonnance du 25 mars 2020 a interdit aux bailleurs de locaux professionnels de demander, pendant la durée de la crise, des pénalités financières ou des intérêts de retard. Il importe évidemment de protéger les locataires, mais il ne faut pas oublier les propriétaires de locaux professionnels, sur qui pèse une charge financière importante.

Notre collègue Christophe Naegelen a évoqué tout à l’heure les artisans et les commerçants modestes : pour soutenir ces propriétaires, qui n’ont rien à voir avec les grandes foncières publiques ou la Caisse des dépôts, nous proposons de leur accorder une réduction d’impôt.

 

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Votre amendement est intéressant, mais il me pose deux problèmes. Pour commencer, vous connaissez mon goût modéré pour la dépense fiscale : non seulement la mesure que vous proposez créerait une nouvelle niche, mais elle risquerait de manquer sa cible, puisqu’elle ne s’appliquera qu’avec une année de retard. Mais surtout, vous proposez une réduction d’impôt destinée à compenser un report du paiement du loyer, et non une annulation. Les bailleurs finiront bien par toucher leurs revenus : l’incitation fiscale que vous proposez est donc discutable.

Mme Véronique Louwagie. Il ne s’agit pas d’instaurer une réduction d’impôt sur le report mais sur la charge supplémentaire qu’occasionnera ce report. Si le bailleur reporte des échéances d’emprunts ou l’encaissement de loyers pendant plusieurs mois, il aura des charges. Cette réduction d’impôt porte sur la dépense supplémentaire ainsi occasionnée.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. C’est bien ce que j’avais compris : il s’agit bien de traiter un sujet en cas de report.

M. le président Éric Woerth. Il s’agit d’intérêts. Il s’agit de faire en sorte que les bailleurs, qui apportent un soutien à l’économie, obtiennent une compensation. La mesure ne porte pas sur le loyer lui-même mais sur les intérêts.

La commission rejette l’amendement CF74.

Elle examine l’amendement CF104 de M. Philippe Vigier.

M. François Pupponi. La crise que nous traversons mobilise fortement les travailleurs du secteur sanitaire et médico-social. Cet amendement vise à encourager leurs employeurs à leur verser une prime exceptionnelle, via un dispositif de crédit d’impôt. Les travailleurs du secteur public bénéficieront de primes dont nous parlerons tout à l’heure, mais les personnels des cliniques privées et des EHPAD ont eux aussi été fortement sollicités : il serait normal qu’ils bénéficient d’une prime.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les primes dans le secteur privé existent : elles sont défiscalisées et désocialisées et le dispositif a encore été assoupli dans le cadre de l’urgence sanitaire. Tout employeur privé peut distribuer des primes, avec une exonération de charges sociales et fiscales. En proposant une réduction d’impôt égale à 66 % du montant des primes, vous cherchez en fait à aligner cette fiscalité sur celle qui s’applique aux dons. Un employeur privé peut d’ores et déjà accorder une prime à ses salariés dans les meilleures conditions, sans qu’un accord d’intéressement soit nécessaire.

M. Jean-Louis Bricout. La prime Macron a été mise en place début 2019 en réponse au mouvement des gilets jaunes, en même temps que le CICE était transformé en baisse de charges patronales. Si elle a connu un certain succès, cela s’explique donc en partie par le fait que les entreprises ont reçu à ce moment un double cadeau – quasiment deux fois 20 milliards d’euros. Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans le même contexte : certaines entreprises peuvent trouver le moyen de s’arranger de la crise, mais ce n’est pas le cas de toutes, et je ne suis donc pas persuadé que la nouvelle prime fonctionnera aussi bien que la précédente.

Mme Cendra Motin. S’il a été décidé d’exonérer de charges fiscales et sociales la prime exceptionnelle pour 2020, sans condition jusqu’à 1 000 euros, c’est bien pour récompenser ceux qui sont au travail aujourd’hui, en d’autres termes la « deuxième ligne ». Les entreprises concernées sont celles qui continuent à fonctionner, autrement dit qui auront les moyens de la verser. Nous avons même amélioré le dispositif en permettant à celles qui ont signé un accord d’intéressement d’octroyer des primes allant jusqu’à 2 000 euros. De nombreuses entreprises de la grande distribution se sont du reste immédiatement saisies de l’opportunité qui leur était donnée de récompenser ceux qui nous permettent d’aller faire nos courses tous les jours.

Cette semaine, il a été décidé d’étendre ce dispositif aux agents publics de la fonction publique, qu’elle soit hospitalière, d’État ou territoriale, grâce auxquels la France continue de tourner.

M. le président Éric Woerth. Je rappelle que ce sont les employeurs qui payent la prime.

M. Jean-Louis Bricout. Ce n’est pas parce qu’une entreprise continue son activité que sa situation lui permet de verser une prime à ses salariés. Ainsi, les entreprises du bâtiment peuvent continuer à travailler, mais dans des conditions difficiles et en faisant prendre des risques à leurs employés : à mon avis, toutes ces entreprises ne sont pas forcément en mesure de leur verser une prime.

M. Charles de Courson. Des mesures ont été prises pour récompenser les efforts des agents publics du secteur sanitaire et médico-social, mais il me semble que les personnels de certaines cliniques privées se sont tout autant dévoués et que, pour eux, les primes ne sont que facultatives – et il en est de même au sein des EHPAD, qui ne sont pas tous publics. Dans tous ces établissements, ce sont les mêmes personnes qui soignent les mêmes malades : il serait juste qu’ils soient traités de la même manière. Telle était l’idée de l’amendement CF104.

Mme Véronique Louwagie. Effectivement, la mesure proposée permettrait d’équilibrer les droits des employés du secteur médical. Je discutais hier avec un ambulancier d’une entreprise privée : alors qu’il avait transporté des personnes susceptibles d’être atteintes du Covid-19, il ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas droit à cette prime. Il faudrait donc un dispositif incitant les employeurs du secteur privé à verser une prime à leurs salariés afin qu’ils puissent être récompensés au même titre que les agents de la fonction publique. Pour ma part, je voterai donc cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF104.

Article additionnel après l’article 1er : Taux réduit de 5,5 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid 19

La commission examine l’amendement CF173 de Mme Christine Pires Beaune et, en discussion commune, l’amendement CF1 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques CF2 de M. Marc Le Fur, CF61 de M. Fabien Roussel, CF115 de M. Jean-Noël Barrot, CF152 de Mme Sylvia Pinel et CF171 de M. Olivier Faure, l’amendement CF218 du rapporteur général, l’amendement CF210 de M. Christophe Naegelen, l’amendement CF86 de M. Marc Le Fur, et les amendements identiques CF3 de M. Marc Le Fur, CF116 de M. Jean-Noël Barrot, CF149 de Mme Sylvia Pinel et CF172 de M. Olivier Faure.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF173 vise à appliquer aux équipements de protection individuelle – notamment les masques et visières – et aux solutions hydroalcooliques le taux réduit de TVA à 5,5 %, au lieu du taux normal à 20 % qui s’applique actuellement. Le Gouvernement a déjà fait un geste en faveur des entreprises qui font des dons de matériels de ce type, en leur permettant de déduire la TVA. C’est très bien, mais ce n’est pas suffisant car les entreprises qui sont obligées d’acheter des équipements de protection individuelle doivent toujours s’acquitter d’une TVA à 20 %.

M. Marc Le Fur. Nous avons une ambition collective gigantesque, celle de voir nos concitoyens pouvoir tous disposer, dans quelques semaines, de masques leur offrant une protection optimale. Or les équipements de protection individuelle sont actuellement soumis au taux normal de TVA à 20 %. Je rappelle que le taux de TVA dépend en principe du caractère plus ou moins indispensable du produit auquel il s’applique : ainsi les produits ordinaires sont taxés à 20 %, l’alimentation à 5,5 % et d’autres produits à 2,1 %, et certains sont complètement exonérés.

Je ne sais pas quel taux est le plus adapté pour les équipements de protection individuelle, c’est pourquoi, en plus de l’amendement CF1 prévoyant une exonération totale de TVA, j’ai prévu des amendements de repli proposant des taux réduits. De même, on peut envisager que certains équipements – à commencer par les masques, mais également les gels et les blouses – bénéficient du taux réduit. En tout état de cause, nous devons nous doter d’un dispositif de TVA constituant une affirmation fiscale de notre ambition collective de protéger nos concitoyens.

M. le président Éric Woerth. Je me demandais d’ailleurs quel était le régime fiscal applicable aux masques importés.

M. Marc Le Fur. Dans ma circonscription, j’ai eu l’occasion d’accompagner le don de 100 000 masques venant de Chine et offerts par l’entreprise Algae. Quand un don est fait à la puissance publique – hôpitaux ou services sociaux –, il ne donne lieu ni à TVA ni à droits de douane : mais cette forme de dérogation oblige à fournir une documentation de vingt-cinq pages – renseignements sur l’entreprise, signature de tous les destinataires du don, par exemple les responsables des hôpitaux concernés. Du coup, des masques se sont trouvés au moins par deux fois bloqués pendant quarante-huit heures à Roissy à cause de ces formalités préalables. Il faut en finir avec cette situation digne de Kafka ! Tel est l’objet de mes amendements CF1, CF2, CF86 et CF3.

M. Fabien Roussel. L’amendement CF61 vise à exonérer de TVA les équipements de protection individuelle – masques, visières, blouses, gel hydroalcoolique – achetés par les employeurs, privés ou publics pour protéger leurs salariés et par les collectivités locales pour protéger leurs administrés. Il faut en effet que la fiscalité soit au niveau de l’effort que la nation doit consentir pour que chacun soit équipé au mieux afin de faire face à l’épidémie.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF115 est défendu.

M. François Pupponi. L’amendement CF152 l’est également.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF171 vise également à exonérer de TVA les équipements de protection individuelle achetés par les employeurs privés ou publics pour protéger leurs salariés et par les collectivités locales pour protéger leurs administrés.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage l’esprit qui vous anime et notamment la volonté exprimée par M. Le Fur d’avoir une affirmation fiscale répondant à l’ambition collective de protection et permettant d’en finir avec Kafka ; je propose un amendement qui va dans le même sens.

En l’état actuel, les équipements de protection individuelle sont soumis au taux de TVA à 20 %, ainsi qu’à des droits de douane s’élevant à 6,3 %, conformément au droit européen. Par exception, il est admis que l’import de masques en vue de dons bénéficie d’une franchise de droits et de taxes. Par ailleurs, un employeur qui fabrique ou achète des masques aux fins de dons peut également déduire la TVA.

Les seuls équipements ne bénéficiant pas de dispositions dérogatoires sont ceux achetés pour être revendus, soumis à la TVA à 20 %. Mon amendement CF218 propose donc l’application d’un taux de TVA réduit à 5,5 %, seulement pour les masques – le cas des gels est un peu différent, leur prix est bloqué –, et de façon limitée dans le temps, jusqu’en 2022 : cette solution de compromis nous donnera le maximum de chances pour faire passer cette mesure au niveau européen. J’invite les auteurs de tous les autres amendements à bien vouloir s’y rallier et à retirer les leurs.

M. le président Éric Woerth. Puisqu’il s’agit d’équipements en lien avec l’univers médical, pourquoi ne pas appliquer le taux réduit de 2,1 %, monsieur le rapporteur général ? Compte tenu des milliards de déficit qu’affichent en ce moment les États membres de l’Union européenne, on peut penser que la Commission serait encline à faire preuve d’une certaine souplesse.

Par ailleurs, si je comprends ce qui justifie d’exclure les gels du dispositif, qu’en est-il des tests de dépistage ? Ils ne seront pas tous distribués gratuitement…

M. Gilles Carrez. L’adoption du taux de 2,1 % me semble parfaitement eurocompatible, puisque ce taux fait partie de ceux qui ont été acceptés dans le cadre communautaire, et il serait logique que les masques soient soumis à ce taux.

M. Marc Le Fur. La proposition du rapporteur général constitue une avancée, et je trouve raisonnable de limiter l’application du dispositif jusqu’à 2022. En revanche, le taux de 5,5 % correspond en principe aux produits alimentaires : pour les médicaments et les équipements médicaux, c’est le taux de 2,1 % qui a vocation à s’appliquer. Pour ce qui est des gels, si je comprends bien, soit leur prix est bloqué, soit ils peuvent bénéficier d’un taux réduit de TVA : pourriez-vous nous expliquer ce qui justifie cette alternative ?

M. Christophe Naegelen. Comme celui du rapporteur général, mon amendement CF210 ne vise que les masques. Dès l’instant où c’est une entreprise qui achète des masques pour ses salariés, elle bénéficie de certains avantages fiscaux. Reste que le port du masque est appelé à se généraliser, y compris en France et pour une durée assez longue : tôt ou tard les particuliers seront amenés à acheter leurs propres masques, qui vont donc devenir un produit de première nécessité. Si, pour ma part, je n’ai pas prévu de limiter l’application de ce dispositif à 2022, c’est parce que l’OMS a prévenu que la pandémie pourrait revenir de façon régulière : que se passera-t-il en 2023 ou en 2025 si les Français doivent se remettre à porter des masques ?

M. Marc Le Fur. Il faut que la gamme des équipements de protection individuelle entrant dans le dispositif soit la plus large possible et qu’elle bénéficie du taux à 2,1 %. Tel est l’objet de mes amendements CF86 et CF3.

M. Jean-Noël Barrot. L’amendement CF116 est défendu.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF172 également.

Mme Cendra Motin. Les dispositifs médicaux et le matériel d’aide à la vie se voient appliquer les taux de 20 %, 10 % et 5,5 %, mais jamais le taux de 2,1 %. Faire passer le taux applicable aux masques de 20 % à 5,5 %, comme le propose l’amendement du rapporteur général, constituerait donc déjà une belle avancée, tout en restant cohérent avec ce que nous votons chaque année dans le cadre du PLFSS.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement CF173 visait à faire passer le taux de TVA de 20 % à 5,5 % compte tenu de la nature des produits en question. En l’occurrence, les masques sont essentiels. Mais pourquoi n’en irait-il pas de même avec les gels hydroalcooliques ? Ce n’est pas parce que leur prix de vente est réglementé que leur coût n’est pas important pour les collectivités locales. Le taux de TVA qui leur est appliqué devrait être également de 5,5 %.

M. Charles de Courson. Une baisse du taux à 2,1 % est-elle possible, monsieur le rapporteur général, ou bien, comme je le crains, serait-elle contraire à la directive TVA ? Si c’est possible, seriez-vous d’accord pour voter une telle diminution en séance publique ?

J’ajoute qu’il existe quantité de types de masques et qu’ils ne peuvent pas tous être concernés, d’où la nécessité de l’arrêté prévu par l’amendement CF218.

Mme Patricia Lemoine. Je soutiens la proposition de Mme Pires Beaune : alors que l’on s’apprête à déconfiner les écoles, le gel hydroalcoolique doit bénéficier d’un taux de TVA réduit à 5,5 % au même titre que les masques.

M. Gilles Carrez. L’approche de Mme Pires Beaune me semble en effet la plus cohérente.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous devons faire en sorte d’avoir un taux de TVA le plus bas possible tout en s’assurant de la sécurité juridique. Il me paraît très risqué d’appliquer le taux super-réduit de 2,1 %, applicable notamment aux médicaments remboursés par la sécurité sociale et toléré dans la directive européenne au titre des legs historiques en la matière. Le taux de 5,5 % appliqué aux biens de première nécessité me semble en revanche adéquat et solide juridiquement. Je propose donc de nous en tenir à la TVA à 5,5 % pour les seuls masques et pour une durée précise.

M. de Courson a raison de préciser que tous les types de masques ne sont pas concernés. Mon amendement en fait état : masques FFP, masques à usage médical dits chirurgicaux, ceux qui sont réservés à des usages non sanitaires relevant des deux catégories d’équipement de travail créées par la note interministérielle du 29 mars, et ceux qui seront spécifiquement développés pour l’usage du grand public, notamment ceux dont le port serait rendu obligatoire.

M. le président Éric Woerth. Les dons ne sont pas soumis à TVA ni aux droits de douane. Nous sommes bien d’accord que la TVA ne s’applique pas non plus aux entreprises nationales qui fabriquent des masques pour en faire don et non pour les vendre.

M. Marc Le Fur. Les dons doivent être affectés à des hôpitaux ou à d’autres services publics. C’était la condition posée par l’administration des douanes.

M. le président Éric Woerth. Les fabricants français doivent être en tout cas traités de la même manière.

M. Marc Le Fur. Bien sûr.

Un taux de 2,1 % pourrait être appliqué, même si nous serions limite au regard de la réglementation européenne. L’Europe est en train de s’adapter à la crise, en particulier en termes de liberté budgétaire, et il peut également en être ainsi sur le plan fiscal. J’admets que le passage à 5,5 % est déjà une avancée mais il s’agit en l’occurrence du produit aujourd’hui le plus essentiel pour nos compatriotes. Son taux doit donc être le plus faible possible.

M. le président Éric Woerth. Nous aurons l’occasion d’en reparler longuement demain, en séance publique.

Mme Christine Pires Beaune. Je suis d’accord pour me rallier à l’amendement du rapporteur général mais nous déposerons par cohérence un amendement sur le gel hydroalcoolique. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un risque juridique alors que ce produit est essentiel et que les sommes en jeu sont considérables, notamment pour les collectivités locales.

M. le président Éric Woerth. Je souhaite que le ministre réponde aussi en ce qui concerne le taux de TVA appliqué aux tests de dépistage.

Les amendements CF173 et CF1, les amendements identiques CF2, CF61, CF115, CF152 et CF171, les amendements CF210 et CF86 et les amendements identiques CF3, CF116, CF149 et CF172 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CF218 (amendement 238).

Après l’article 1er

La commission examine les amendements CF87, CF6, CF8 et CF11 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ces amendements concernent l’application des taux de TVA aux gels hydroalcooliques. Je les retire et nous en discuterons demain.

Les amendements CF87, CF6, CF8 et CF11 sont retirés.

La commission examine l’amendement CF36 de Mme Martine Leguille-Balloy.

M. Belkhir Belhaddad. La filière des établissements équestres emploie environ 40 000 personnes. Notre collègue propose d’appliquer un taux de 5,5 % à l’ensemble des prestations facturées à partir de la reprise de l’activité afin de sauver la plupart de ces petites exploitations agricoles en attendant la réforme de la directive européenne.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Compte tenu de nos terres d’élection, vous et moi sommes particulièrement attachés à cette question, mais ce véhicule législatif n’est pas adéquat. Je rappelle que nous avons été condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne, en 2012, pour cet usage abusif du taux réduit.

M. le président Éric Woerth. La question de la TVA est essentielle pour cette filière en raison notamment de la directive européenne. Des espoirs existent mais ils sont assez lointains.

La commission rejette l’amendement CF36.

Elle examine l’amendement CF177 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Il s’agit encore d’abaisser le taux de TVA afin de soutenir le secteur du BTP, particulièrement touché par la hausse des prix des matières premières, mais également des coûts de main-d’œuvre en raison des mesures de distanciation qui obligent à mettre moins de salariés sur les chantiers. Nous proposons de compenser ces surcoûts en appliquant un taux de 10 % à compter du 1er avril 2020 et jusqu’au trentième jour suivant la levée de l’état d’urgence sanitaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je partage votre préoccupation. Il s’agit d’un amendement d’appel qui devra être examiné en présence du ministre en séance publique. Je vous invite donc à le redéposer demain. Je préfère renvoyer à la séance ces sujets sectoriels.

M. Jean-Louis Bricout. C’est en effet une question importante qui, dans mon département, a été posée par la fédération départementale de la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB). Les surcoûts sont liés à la distanciation sociale, à l’achat des protections mais aussi aux difficultés d’approvisionnement qui donnent parfois lieu à des surenchères. Si des aménagements existent pour les appels d’offres publics, il n’en est pas de même pour les contrats avec le secteur privé.

M. Charles de Courson. Certains chefs d’entreprise du BTP demandent une augmentation des prix pour pouvoir reprendre les travaux compte tenu des surcoûts liés aux mesures de sécurité. La possibilité d’obtenir une révision des prix n’a pas été traitée au fond lors de l’examen des mesures d’urgence. C’est un sujet particulièrement difficile.

M. Gilles Carrez. Je suis très partagé sur la possibilité de recourir à un abattement du taux de TVA dans ce secteur.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Nous avons tous compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. L’abattement de TVA n’est certainement pas le bon outil et je suis d’accord, s’agissant du problème de fond, avec M. de Courson : ce sera très compliqué.

Mme Cendra Motin. Nous savons que des promoteurs veulent imposer des règles très drastiques et coûteuses à certaines entreprises sans rien payer en plus, mais cette question ne se pose pas uniquement dans le secteur du bâtiment. L’enjeu de la santé au travail sera essentiel pendant le déconfinement mais aussi pour l’après : comment allons-nous assurer l’effectivité des politiques de santé et de prévention au sein des entreprises ? Au-delà de la question des coûts, il faudra changer les pratiques. Il faut à cet égard saluer l’action menée par les équipes de Muriel Pénicaud et de Laurent Pietraszewski au ministère du travail à travers les guides élaborés avec les professionnels ; mais nous devrons aussi nous interroger, peut-être filière par filière, sur certaines exigences imposées à des sous-traitants. Si elles sont insuffisantes, il conviendra de s’assurer du respect de la sécurité sanitaire ; si elles sont excessives, il conviendra de s’assurer que les coûts induits sont pris en charge par les donneurs d’ordre. Cela me semble plus efficace qu’une modification du taux de TVA.

M. le président Éric Woerth. D’une manière générale, je ne suis pas sûr que la TVA soit un outil formidable dans cette crise, en dehors du cas très exceptionnel des dispositifs médicaux. L’État s’est engagé dans un processus différent en injectant de l’argent pour soutenir les secteurs qui en ont besoin ; ce faisant, on continue à percevoir les produits de la fiscalité, ce qui est plus utile et efficace.

Mme Christine Pires Beaune. Je retire mon amendement.

Je souhaitais appeler l’attention sur ce secteur car il fait partie de ceux qui souffriront plus que d’autres. Des artisans qui se rendent sur un chantier y vont ensemble, dans le même véhicule, ce qui est bien différent que de se rendre au travail dans sa voiture. L’approvisionnement en matière première est aussi une réalité. La TVA n’est peut-être pas le bon levier, mais au moins pourrons-nous en discuter en séance publique.

L’amendement CF177 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF51 de M. Éric Woerth et CF20 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Tout le monde en convient : les hôtels, les cafés, les restaurants ont beaucoup souffert. Le coût de la redevance audiovisuelle peut être très important. Dans un hôtel de taille moyenne, il peut s’élever à 4 000 ou 5 000 euros par an alors même que personne en ce moment n’y regarde la télévision. L’échéance pour le paiement tombait le 16 avril, autrement dit aujourd’hui. Le Gouvernement a décalé le paiement mais il conviendrait de l’annuler pour ces professionnels. Deux solutions peuvent être envisagées : mon amendement CF51 propose une exonération totale durant la période de confinement à partir de la mi-mars ; celui du président Woerth prévoit une annulation totale sur l’année en fonction de la perte de chiffre d’affaires.

M. le président Éric Woerth. Le Président de la République a proposé un plan spécifique en faveur de ces professions, mais il serait de bonne politique de voter l’un ou l’autre de ces amendements de bon sens, compte tenu des charges indues qui pèsent aujourd’hui sur les professionnels du tourisme.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis d’accord avec votre préoccupation. Un report du paiement de la redevance audiovisuelle a en effet été annoncé le 6 avril par M. Gérald Darmanin, qui travaille avec le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne sur la question de l’annulation des charges dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du tourisme. Je vous propose d’attendre la fin de ces travaux, de retirer vos amendements et de les présenter au ministre demain en séance publique.

Les amendements CF51 et CF20 sont retirés.

La commission est saisie de l’amendement CF170 de M. Régis Juanico.

M. Jean-Louis Bricout. Cet amendement vise à soutenir financièrement les clubs sportifs, fortement pénalisés par les conséquences de la crise sanitaire, en supprimant le plafond de deux taxes affectées à l’Agence nationale du sport : le prélèvement sur les paris sportifs en ligne et la taxe dite Buffet.

Un tel déplafonnement s’inscrit dans une logique de financement du sport par les activités sportives. Jusqu’en 2017, un tiers du produit des taxes affectées aux politiques sportives était reversé au budget de l’État, les deux autres tiers étant alloués au budget du sport. Cette proportion s’est désormais inversée : en 2019, sur 387 millions d’euros de recettes attendues, 241 millions, soit 62 %, sont reversés au budget de l’État et seulement 38 % reviennent au sport. Il faut revenir à la répartition antérieure.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends très bien le problème, qui est souvent soulevé par M. Juanico. Hélas, de nombreuses politiques publiques sont affectées par cette crise. Je ne crois pas que le moment soit venu de repenser l’affectation et le plafond des taxes. Nous pourrons en discuter pendant le Printemps de l’évaluation, lors de l’examen des missions et des programmes budgétaires.

M. Charles de Courson. J’ajoute que l’on observe un effondrement des paris sportifs.

M. le président Éric Woerth. Comme des paris hippiques !

M. Charles de Courson. Cet amendement me paraît donc imprudent ; il devrait être retiré. Mieux vaut avoir une réflexion globale sur le secteur.

M. Jean-Louis Bricout. Je comprends qu’il soit urgent d’attendre, mais il s’agit d’une véritable question : les clubs sportifs comme les petites associations vont rencontrer d’importants problèmes de financement.

M. le président Éric Woerth. Avec une récession de 10 %, les problèmes vont se poser partout.

L’amendement CF170 est retiré.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CF43 de Mme Christine Pires Beaune, CF145 de M. François-Michel Lambert, CF83 et CF88 de M. Éric Coquerel, CF85, CF53 et CF80 de Mme Sabine Rubin, et CF64 de M. Fabien Roussel.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CF43 vise à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont la suppression est un des marqueurs de la politique du Gouvernement. M. le rapporteur général m’opposera sans doute que cette suppression, dont nous connaissons les conséquences sociales, a été efficace, mais le moment paraît opportun pour rétablir cet impôt de solidarité. Jusqu’à présent, le Gouvernement a très largement privilégié une politique de l’offre, au détriment parfois du pouvoir d’achat et d’une relance économique par la demande. Peut-être le moment est-il venu de revenir sur cette politique et de faire en sorte que les gens qui se portent le mieux participent à l’effort de relance.

Mme Sabine Rubin. La suppression de l’ISF n’est pas aussi efficace que vous le dites, monsieur le rapporteur général – nous y reviendrons. Il est nécessaire que la France suive les recommandations pressantes de l’Organisation mondiale de la santé en testant le plus grand nombre possible de personnes suspectées d’être atteintes par le Covid-19. Or nous sommes loin du compte, puisque seulement 30 000 tests quotidiens sont effectués, au lieu des 100 000 nécessaires, selon le président du conseil scientifique.

Par l’amendement CF83, nous proposons de nous donner les moyens, grâce au rétablissement de l’ISF, de tester le plus grand nombre de personnes avant d’envisager tout déconfinement.

M. Éric Coquerel. Hier, le Gouvernement a annoncé, comme il l’avait fait il y a quelques semaines, le versement d’une prime différenciée en lieu et place de l’augmentation généralisée des salaires demandée par l’ensemble des soignants – que nous désignons, à juste titre, comme nos héros. Par l’amendement CF85, nous entendons rappeler qu’il est nécessaire que soit présenté très rapidement un plan d’urgence pour l’hôpital qui prévoie non seulement une revalorisation salariale mais aussi la création de lits, puisqu’on en a supprimé 69 000 depuis 2003, et l’allocation de matériels. Il s’agit de rompre avec les politiques, menées depuis trop longtemps dans ce pays, qui ont fragilisé l’hôpital public. J’ignore si un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale nous sera proposé en urgence – en tout cas, ce n’est pas prévu par le Gouvernement – pour répondre aux exigences exprimées par les soignants depuis un an et demi, mais un tel texte est tout la fois nécessaire et particulièrement légitime.

Mme Sabine Rubin. Par l’amendement CF88, nous proposons que le Gouvernement mène une politique d’aide en faveur du logement des plus démunis, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

M. Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, vous nous avez indiqué que le changement ne passerait pas par la fiscalité. Vous ne me semblez pas prêt à vous réinventer, comme vous y invite pourtant le chef de l’État ! De fait, il va bien falloir toucher à la fiscalité pour trouver les financements nécessaires, et recourir notamment à l’ISF pour solliciter ceux qui ont le plus profité de la politique du Gouvernement. Cet impôt est un symbole, à cet égard. Son rétablissement ne réglera pas tout à lui seul, mais les 3,5 milliards que sa suppression coûte chaque année à la collectivité seront bien utiles pour financer certaines politiques sociales.

Mme Sabine Rubin. L’État consacre actuellement 24 milliards au financement du chômage partiel à hauteur de 80 % du salaire net. Par l’amendement CF53, nous proposons d’utiliser le produit de l’ISF pour porter ce financement à 100 % du salaire, jusqu’à 4,5 SMIC. Une telle mesure contribuerait à la timide politique de relance mise en œuvre par la majorité.

J’en viens maintenant à l’amendement CF80. Vous prétendez, monsieur le rapporteur général, que la suppression de l’ISF a eu des effets positifs. Mais parlons de ses effets négatifs : je maintiens qu’au-delà du symbole, elle a eu pour conséquence un accroissement des inégalités ainsi qu’un affaiblissement du budget de l’État et qu’elle n’a eu aucune contrepartie positive en matière de création d’emplois. Le rétablissement de cet impôt serait véritablement la marque du monde d’après.

M. Fabien Roussel. L’amendement CF64 tend également à rétablir l’ISF. Après la crise des gilets jaunes, l’engagement a été pris d’évaluer, en 2020, l’utilité d’un éventuel rétablissement de cet impôt. Il nous semble que la survenue de cette pandémie est un argument supplémentaire en faveur de ce rétablissement – mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus longuement en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Monsieur Coquerel, vous l’avez dit, l’ISF est pour vous un symbole – je comprends, à cet égard, que vous proposiez de le rétablir. La fiscalité est un outil efficace pour financer nos politiques publiques, redistribuer les richesses et encourager, ou décourager, certains comportements ou usages. Nous pourrons donc, et je ne botte pas en touche, en reparler par la suite. Mais je crois profondément que ce n’est pas avec des dispositifs fiscaux que l’on affronte la tempête.

Par ailleurs, se réinventer, ce n’est pas renier ses convictions – et nous n’avons pas les mêmes. Dès lors que nous pensons que certains outils fiscaux ont été efficaces pour renforcer l’attractivité de notre pays, l’investissement et l’emploi, nous sommes en droit de considérer que leur remise en cause n’est pas une bonne idée.

Mme Bénédicte Peyrol. Nous devrons tous nous réinventer, y compris les députés de la majorité. Mais ce n’est pas, me semble-t-il, en mettant l’ISF à toutes les sauces que nous avancerons. Je ne dis pas qu’il ne faudra pas aborder la question de la fiscalité lorsque nous réfléchirons à la relance, et ce dans tous les domaines : social, écologique… Le rapporteur général et la majorité seront au rendez-vous.

Mme Sabine Rubin. Il ne s’agit plus de croire, monsieur le rapporteur général. Les chiffres sont éloquents et ils nous disent que le chemin emprunté jusqu’ici n’est pas le bon. Il faut donc tout remettre à plat. C’est pourquoi nous réaffirmons qu’il faut, à la lumière de cette crise, examiner certaines mesures de façon plus sérieuse que vous ne l’avez fait en balayant ces amendements d’un revers de main.

M. le président Éric Woerth. Nous pouvons ne pas partager les mêmes convictions, mais ces questions sont bien connues.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Un mot de méthode, madame Rubin. Tout d’abord, vous proposez des dispositifs fiscaux pour en fait évoquer des dépenses et des charges ; vos amendements sont donc, intellectuellement, à la limite de la recevabilité. Néanmoins, j’ai pris le soin de vous répondre ; nous pouvons ne pas partager les mêmes convictions. Ensuite, lorsque j’affirme que cette mesure a créé de l’emploi, cela ne relève pas de la croyance puisque, depuis deux ans et demi, les créations nettes d’emploi sont en hausse : le taux de chômage a bien baissé de deux points. Quoi qu’il en soit, ce texte a pour objet, non pas de dresser le bilan de la politique économique et sociale du Gouvernement, mais de tenter de sauver notre économie et nos emplois. Ne me reprochez pas de balayer vos amendements d’un revers de main alors que je prends largement le temps d’y répondre !

La commission rejette successivement les amendements CF43, CF145, CF83, CF88, CF85, CF53, CF80 et CF64.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques CF45 de M. Arnaud Viala et CF117 de M. Dino Cinieri.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF45 vise à soutenir les acteurs du transport routier, qui sont en difficulté en raison de l’arrêt de pans entiers de l’économie. Il est important d’agir très rapidement en la matière, car il y va de la continuité de la chaîne logistique.

La loi de finances pour 2020 prévoit une augmentation de 2 euros par hectolitre du remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole acquis en France, pour les conducteurs de véhicules de 7,5 tonnes et plus. Cette augmentation doit prendre effet au 1er juillet prochain, compte tenu des délais de remboursement de la TICPE. Par cet amendement, nous proposons de reporter l’application de cette mesure au 1er janvier 2022, afin d’apporter un soutien simple et immédiat à l’ensemble des acteurs du transport routier, qui en ont vraiment besoin et qui le demandent.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Effectivement, le secteur du transport routier est aux prises avec de sérieuses difficultés, mais il continue de travailler. Toutefois, la mesure que vous proposez n’est pas parfaitement justifiée. Tout d’abord, les entreprises de ce secteur sont en activité, dans des conditions, certes, très difficiles. Ensuite et surtout, les cours du pétrole sont actuellement particulièrement bas, de sorte que cette augmentation de deux centimes n’empêche pas le secteur du transport routier de marchandises de poursuivre son activité. Je vous suggère néanmoins de redéposer cet amendement en séance publique, afin d’appeler l’attention sur les difficultés que rencontre ce secteur dont nous avons grand besoin – il faut d’ailleurs remercier les travailleurs qui continuent de transporter les marchandises.

Mme Cendra Motin. La préoccupation écologique sera l’un des enjeux de l’après-crise et ce serait envoyer un mauvais signal que de revenir sur une mesure qui contribue à la prise de conscience dans ce domaine, surtout à un moment où le prix du pétrole est particulièrement bas. Restons fermes sur ces convictions.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le rapporteur général, un certain nombre des entreprises du secteur continuent de travailler, certes, mais avec une partie de leur flotte. Or, le risque existe, compte tenu de la faiblesse de leur activité, qu’ils ne puissent faire face à leurs engagements concernant l’ensemble de leur flotte et que ce secteur soit en péril. Nous vous offrons le moyen d’agir, en vous proposant d’uniquement reporter – précisément pour tenir compte des enjeux écologiques – l’application de cette mesure.

La commission rejette les amendements identiques CF45 et CF117.

Puis elle examine l’amendement CF121 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il s’agit d’un amendement d’appel. La crise a également des conséquences budgétaires pour les collectivités locales. Elles ne seront pas toutes en mesure de verser la prime prévue. Les inégalités actuelles vont donc s’aggraver. Mais j’interrogerai le Gouvernement à ce sujet en séance publique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Dont acte. Nous aurons cette discussion en séance publique. Je rappelle que le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a été communiqué pour le bloc communal et les départements et que son niveau global est maintenu en 2020 au niveau de 2019.

La commission rejette l’amendement CF121.

Elle en vient à l’examen, en discussion commune, des amendements CF21 de M. Marc Le Fur, et CF47 et CF49 de M. Éric Woerth.

M. Marc Le Fur. Si tous les secteurs affectés par la crise méritent d’être soutenus, il convient d’accorder une attention particulière aux entreprises qui se sont vu imposer une fermeture administrative, car celle-ci a des conséquences considérables. Par l’amendement CF21, nous proposons donc que l’ensemble des charges dont ces entreprises doivent s’acquitter soient supprimées pendant la période correspondant à cette fermeture.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement CF47 vise à transformer le dispositif de report du paiement des cotisations sociales et des impôts en une annulation. La situation des entreprises est telle qu’il importe de leur permettre de disposer de trésorerie, notamment pour redémarrer leur activité à l’issue de la crise. Or un report ne suffira pas.

M. le président Éric Woerth. L’amendement CF49 est un amendement de repli. Le Gouvernement a décidé un report dans le cadre du premier PLFR pour 2020 – et il fallait le faire. Dans le second, il faut être un peu plus clair. Qui peut penser que, pour un certain nombre de secteurs, le report ne se transformera pas en annulation ?

Lors de la mise en œuvre du prélèvement à la source, il a bien fallu organiser une année blanche. En l’espèce, c’est un peu la même chose : reporter revient à mettre la poussière sous le tapis. Même si l’on donne trois, quatre ou cinq ans aux entreprises pour payer les charges et impôts du passé, il leur sera difficile, le moment venu, de les acquitter en plus des charges et impôts de l’année en cours.

Cet amendement concerne les entreprises qui subissent une rupture très importante de leur chiffre d’affaires, d’au moins 70 %, c’est-à-dire non seulement celles qui ont été fermées administrativement, mais aussi les hôtels, par exemple. J’ai compris que cette mesure pourrait être incluse dans le plan pour la filière du tourisme. Mais pourquoi ne pas adopter les mesures de ce plan dans le cadre de ce PLFR plutôt que de le faire dans un mois ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Prévoir un report avant d’en venir éventuellement à une annulation permet d’identifier, au fur et à mesure que la crise se déroule, les secteurs les plus touchés. Nous avons ainsi d’abord proposé à tous ceux qui en ressentaient le besoin de demander un report de charges et d’impôts, report qui leur a été systématiquement accordé. Ensuite, Gérald Darmanin l’a annoncé, ces charges et impôts seront annulés, à hauteur de 750 millions d’euros à ce stade, pour les secteurs les plus touchés, à savoir ceux de l’hôtellerie, de la restauration, du tourisme et de l’événementiel. S’il apparaît, d’ici quelques semaines, que d’autres secteurs doivent bénéficier d’une telle annulation, le Gouvernement le décidera. Je rappelle que les prochaines échéances d’impôt sur les sociétés sont dans un mois, puis mi-juin, de sorte que nous avons un peu de temps. Il faut surtout avoir une idée précise, forcément a posteriori, des conséquences de la crise pour déterminer qui doit bénéficier d’un report, qui d’une annulation. Le rythme est bon ; il est donc trop tôt pour adopter cet amendement, mais vous avez raison de rester attentif à cette question.

J’ajoute que si nous annulons systématiquement les charges d’un certain nombre de secteurs, ceux des entrepreneurs de ce secteur qui n’avaient pas demandé le report, parce qu’ils n’en éprouvaient pas le besoin, bénéficieront automatiquement de cette annulation. Ce n’est peut-être pas la manière la plus optimisée de procéder… En résumé, le report s’applique potentiellement à tout le monde ; quant aux annulations, elles seront décidées de manière sectorielle en fonction de l’impact de la crise.

M. le président Éric Woerth. Sans doute était-il trop tôt pour prendre une telle mesure dans le premier PLFR, mais, aujourd’hui, nous sommes en mesure d’identifier les secteurs qui ont été très touchés, notamment ceux, en particulier les commerçants, qui n’ont pas le droit d’exercer leur activité. Il conviendrait donc, me semble-t-il, d’afficher la couleur en annonçant clairement les choses. S’il s’agit simplement pour l’État de percevoir les charges et impôts quatre mois plus tard, le plan de 110 milliards du Gouvernement n’est pas un plan de sauvegarde, mais un plan d’aide à la trésorerie. Je comprends bien que l’annulation de ces charges et impôts n’est pas comprise dans les 9 % de déficit public ; je sais l’effort supplémentaire que cela représente.

M. Fabien Roussel. Une fois n’est pas coutume, les communistes soutiennent la proposition d’annuler les cotisations sociales incombant aux entreprises car nous avons été, nous aussi, sollicités par des commerçants et des entrepreneurs qui se sont vu imposer par décret de cesser leur activité et qui ne perçoivent donc aucune recette. Un simple report ne les aiderait pas à reprendre leur activité. Ils souhaitent qu’on leur donne des éléments de confiance : plus tôt on leur annoncera une annulation, mieux ce sera.

M. François Pupponi. Il est urgent que le Gouvernement communique de manière plus précise. Prenons le secteur de l’hôtellerie et de la restauration : certains établissements auront été contraints de fermer pendant quatre mois, voire, dans l’Oise notamment, cinq mois. Les entrepreneurs du secteur ont besoin de savoir dans quelles conditions ils vont pouvoir reprendre leur activité. On ne rouvre pas un hôtel important en quarante-huit heures. Vont-ils pouvoir recruter des saisonniers, par exemple ? Si la saison ne dure que deux mois, ces derniers ne viendront pas travailler car ils ne pourront pas percevoir le chômage à l’issue de leur contrat. Des questions très précises se posent. Les messages du Gouvernement doivent être très clairs pour rassurer les entrepreneurs et les salariés.

Mme Véronique Louwagie. Nous avons la chance, en France, d’avoir de très belles entreprises, dirigées par des battants. Il importe donc qu’on leur envoie des signaux qui leur permettent de préparer la sortie de la crise pour que l’activité redémarre rapidement. Si nous adoptons cet amendement, il sera donné une impulsion qui permettra à la croissance de repartir très vite après la crise ; nous y avons tous intérêt.

M. le président Éric Woerth. Ces dettes fiscales et sociales vont peser sur le bilan des entreprises.

M. Éric Coquerel. Chers collègues Les Républicains, nous partageons votre préoccupation, mais si vous souhaitez que les forces de gauche votent vos amendements, préférez au mot « charges » celui de « cotisations », puisqu’il s’agit d’un salaire différé. En outre, il conviendrait de prévoir une contrepartie à ces annulations : les entreprises pourraient, par exemple, s’engager à ne pas licencier ; mais là, vous ne posez aucune condition. Aussi allons-nous nous abstenir.

Mme Cendra Motin. Je précise tout d’abord qu’il est surtout question des cotisations patronales, précisément pour ne pas priver les salariés de leurs droits.

Ensuite, des discussions ont lieu entre le Gouvernement et les comités de filière qui permettront une parfaite adéquation des dispositifs aux besoins des professionnels. Laissons donc se faire le travail de coconstruction.

M. le président Éric Woerth. Je suis pour ma part convaincu que les comités de filière se satisferaient pleinement d’une annulation de leur dette fiscale et sociale sur la période de la crise… Il n’y a même pas besoin de le leur demander !

Mme Patricia Lemoine. Le groupe UDI, Agir et indépendants soutient ces amendements. Les entreprises comme les salariés doivent retrouver confiance en l’avenir, et l’annulation des charges est de nature à rassurer, à encourager l’investissement et la consommation. Le plus grand danger, c’est que la reprise ne soit freinée par des comportements d’épargne ; c’est cela qu’il faut à tout prix éviter, et c’est tout l’intérêt de ces propositions.

M. Jean-Louis Bricout. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra également ces initiatives : les entreprises ont besoin de visibilité compte tenu des nombreuses incertitudes qui demeurent à l’heure actuelle. Ces mesures enverraient un signal positif dans cette période particulièrement difficile.

La commission rejette successivement les amendements CF21, CF47 et CF49.

La commission en vient à l’amendement CF37 de M. Jean-Baptiste Moreau.

M. Belkhir Belhaddad. Cet amendement vise à ce que les exploitants agricoles ayant fait des efforts d’épargne sous l’empire du dispositif de la déduction pour aléas (DPA), désormais abrogé, puissent l’utiliser dans les conditions simples du dispositif de la déduction pour épargne de précaution (DEP), qui l’a remplacé, sans risquer une remise en cause des sommes rapportées au résultat.

L’utilisation de ces sommes par les exploitants présenterait l’intérêt d’améliorer leur trésorerie et, le cas échéant, d’augmenter leur résultat imposable, source de recettes fiscales précieuses pour l’État.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je comprends bien l’objectif du député Jean-Baptiste Moreau, et j’ai d’ailleurs eu l’occasion de me déplacer dans sa circonscription au sujet de la fiscalité agricole. Je m’interroge cependant sur l’opportunité de sa proposition.

Parmi les modalités d’utilisation de la DPA, certes moins larges que celles de la DEP, figuraient le paiement des cotisations d’assurance pour perte d’exploitation et les aléas sanitaires et économiques. Sans qu’il soit nécessaire d’aligner les modalités de l’ancien dispositif sur le nouveau, les sommes déduites sous le régime antérieur me semblent pouvoir être utilisées au titre de la crise actuelle. Il ne semble donc pas nécessaire de leur appliquer les modalités de la DEP.

J’ajoute que les exploitants bénéficient en outre des reports de charges fiscales et sociales, des prêts garantis – selon des conditions qui pourront être rappelées demain en séance publique –, du fonds de solidarité, qui vient d’être étendu aux groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), et des avances d’aides de la politique agricole commune (PAC).

Mon avis est donc défavorable.

M. Marc Le Fur. Le nouveau dispositif de couverture des aléas est une des rares actions positives pour l’agriculture entreprises ces trois dernières années. Puisqu’il est beaucoup plus simple et plus favorable aux agriculteurs que l’ancien, je ne vois pas ce qui nous empêche d’utiliser les sommes épargnées antérieurement selon ces règles nouvellement établies.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Le nouveau système est en effet meilleur, tout le monde le reconnaît, mais il n’est pas nécessaire de changer le régime des règles pour pouvoir utiliser les sommes épargnées sous l’empire de l’ancienne DPA dans le contexte actuel.

M. Marc Le Fur. Le régime antérieur était très restrictif et s’en tenir à ses règles sera plus contraignant que d’appliquer le nouveau dispositif.

L’amendement CF37 est rejeté.

La commission est saisie de l’amendement CF126 de M. Lionel Causse.

Mme Bénédicte Peyrol. Nos collègues signataires de cet amendement proposent de rétablir la taxe exceptionnelle sur la réserve de capitalisation des acteurs de l’assurance, fixée à 10 % et payable en deux temps, mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Les acteurs de l’assurance sont appelés à contribuer plus massivement au soutien à l’économie et cette contribution écarterait tout effet d’aubaine qui nuirait à la crédibilité économique des acteurs de l’assurance - l’immobilisation des Français entraînant mécaniquement une réduction du nombre de sinistres.

Les auteurs de l’amendement recommandent que le produit de cette taxe soit utilisé en soutien des petites et moyennes entreprises touchées par la crise.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement, eu égard aux engagements du secteur de l’assurance que j’ai rappelés dans ce débat, engagements dont nous suivrons l’application avec grande attention.

La commission rejette l’amendement CF126.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CF66 de M. Fabien Roussel et CF168 de M. David Habib.

M. Stéphane Peu. Le rôle des assurances suscite de l’incompréhension, et parfois de la colère, notamment chez les petits commerçants et artisans qui avaient souscrit des contrats pour pertes d’exploitation et se voient refuser tout remboursement.

Dans le Journal du Dimanche de la semaine dernière, le patron d’Axa expliquait qu’il était hors de question que les assurances couvrent les pertes d’exploitation mais qu’il verserait des dividendes à ses actionnaires… Le pays ne peut pas comprendre une telle attitude.

Je ne pense pas que l’on puisse obtenir le juste concours des assureurs au relèvement économique des secteurs sinistrés avec des incitations ou des génuflexions. Pour les assurances comme pour chaque citoyen, la loi doit fixer les règles.

C’est pourquoi, comme l’avait décidé le gouvernement de François Fillon en 2011, puis, dans une moindre mesure, celui de Jean-Marc Ayrault en 2013, nous demandons l’instauration d’une taxe additionnelle sur la capitalisation des assurances. D’un rendement évalué à 2 milliards d’euros, elle pourrait venir combler les pertes d’exploitation des petits commerçants ayant souscrit de tels contrats. Ce n’est pas aux assurances de décider de ce qu’elles doivent apporter dans cette période, mais au législateur.

M. Éric Coquerel. Ces amendements sont indispensables. Si nous attendons que les assureurs procèdent d’eux-mêmes à ces versements, je crains qu’il ne nous reste que les yeux pour pleurer.

J’ai entendu qu’en dernier ressort, l’État mettrait la main au porte-monnaie si les petites entreprises ne trouvent pas l’écoute suffisante de la part des banques. Il en va de même pour les assurances, il faut les contraindre à contribuer en instaurant une taxe.

M. Jean-Louis Bricout. M. Peu a raison de rapporter l’incompréhension et la colère des petits artisans et commerçants, dont les cotisations en assurances pour pertes d’exploitation s’élèvent à 2 milliards d’euros.

L’amendement CF168 reprend une proposition de loi de notre groupe instaurant une contribution obligatoire exceptionnelle, d’un montant de 500 millions d’euros, incluant les 200 millions déjà prévus au bénéfice du fonds de solidarité.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Je rappelle que nous serons très attentifs au respect des engagements financiers des assureurs, à hauteur de 3,5 milliards d’euros.

La commission rejette successivement les amendements CF66 et CF168.

Elle est saisie de l’amendement CF167 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Jean-Louis Bricout. Il est proposé d’instaurer un prélèvement exceptionnel de solidarité sur les encours d’assurance-vie, évalués à 1 800 milliards d’euros au début 2020. Une faible mobilisation de ces réserves permettrait de cofinancer les mesures de soutien à destination des entreprises et des ménages en difficulté.

Un prélèvement exceptionnel unique de 0,5 % sur ces encours dégagerait une recette de 9 milliards d’euros. Afin de ne pas pénaliser les ménages de la classe moyenne, il serait limité aux personnes physiques ayant des encours d’assurance vie supérieurs ou égaux à 30 000 euros.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Cet amendement fait porter le fardeau sur les titulaires des contrats : ce n’est pas un bon signal à envoyer aux Français qui souffrent de cette crise et qui ont besoin de stabilité fiscale pour envisager l’avenir.

Je saisis cette occasion pour rappeler que j’avais demandé à la présidente de la Fédération française des assurances de nous décrire les comportements des titulaires d’assurance-vie en monétaire et en unités de compte. J’attends toujours sa réponse.

M. Charles de Courson. Il est incohérent de taxer à 0,5 % les contrats d’assurance-vie et pas le reste du patrimoine…

La commission rejette l’amendement CF167.

Elle est saisie de l’amendement CF169 de M. Boris Vallaud.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit d’interdire aux entreprises ayant bénéficié de la solidarité nationale dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire de verser des dividendes pour 2020.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement CF169.

 

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

 

Article 2 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

La commission adopte l’article 2 et l’état A annexé, sans modification.

Elle adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative, modifiée.

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du jeudi 16 avril 2020 à 10 heures 30

Présents. – M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, M. Gilles Carrez, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, Mme Véronique Louwagie, Mme Cendra Motin, M. Christophe Naegelen, M. Stéphane Peu, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Éric Woerth

Assistait également à la réunion. – M. Belkhir Belhaddad