Compte rendu

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

–  Audition de M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor, sur les besoins de financement de l'État 2

– Présences en réunion...........................13

 


Mercredi
13 mai 2020

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 60

session ordinaire de 2019-2020

 

 

Présidence de

 

M. Éric Woerth,

Président

 


  1 

La commission entend M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor, sur les besoins de financement de l'État.

 

M. le président Éric Woerth. Nous avons souhaité entendre M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor (AFT), que nous avions déjà auditionné au début de cette année, sur les besoins de financement de l’État dans le contexte extrêmement chahuté que nous connaissons. Nous avons déjà constaté une augmentation considérable des besoins de financement, qui sont passés de 230 à 325 milliards d’euros entre la loi de finances initiale et la deuxième loi de finances rectificative (LFR). L’encours de la dette négociable de l’État est désormais proche des 2 000 milliards d’euros même si, paradoxalement, les charges de la dette seraient moins élevées en 2020 qu’en 2019 compte tenu des conditions de son financement.

Dans ce contexte, l’AFT joue un rôle fondamental afin de couvrir ces besoins de financement et de gérer au jour le jour la trésorerie de l’État. Jusqu’à présent, elle assure cette mission sans incident. Nous souhaitons que vous nous précisiez ce qu’il en est exactement.

M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor. Mon intervention débutera par quelques mots sur le comportement actuel des marchés et sur l’adaptation de nos émissions à la suite du projet de loi de finances rectificative du mois d’avril.

Nous avons connu des marchés compliqués à partir du mois de février et, surtout, de la deuxième quinzaine du mois de mars. Dans une course effrénée à la liquidité, les opérateurs économiques ont vendu les titres les plus liquides de leur portefeuille. Or la dette française comme celle des États-Unis ou de l’Allemagne figure parmi les instruments les plus liquides sur le marché. Nous avons donc assisté à de nombreuses ventes de titres du trésor français, allemand ou américain.

Cependant, compte tenu des contraintes en termes de solvabilité, les spécialistes en valeur du trésor ont rencontré des difficultés pour absorber, recycler et redistribuer ces liquidités. Ce phénomène a généré de la volatilité sur les obligations, y compris les dettes des États, et ce jusqu’aux annonces des banques centrales des pays de l’OCDE, qui ont déclaré qu’elles allaient soutenir les marchés. Cette situation a été aggravée par la désorganisation opérationnelle observée chez les teneurs des marchés à la suite des mesures de confinement. Les ressources capables de traiter ces opérations étant réduites, l’appétit pour le risque a été limité. Dans le même temps, les opérateurs économiques devaient tenir compte de la présentation de leur bilan de fin de trimestre, qui se traduit par la recherche d’une moindre exposition au risque.

Nous nous sommes heurtés à ce contexte compliqué concernant l’adjudication de nos titres à court terme, comme celle de nos obligations de moyen et long terme. La dette française a été moins demandée. Nos ratios de couverture se sont dégradés, même si nous n’avons pas constaté d’adjudication infructueuse et même si nos indicateurs de performance sont restés au-dessus de la cible fixée par le Parlement.

La situation a totalement changé après le passage de fin de trimestre, à partir du début du mois d’avril. Si nous nous trouvons dans une situation beaucoup plus confortable aujourd’hui, nous le devons pour l’essentiel à l’action des banques centrales et, en particulier, de la Banque centrale européenne (BCE). Ses annonces, comme le renforcement des programmes d’achat, ont fortement contribué à stabiliser les marchés. Cela confirme l’extraordinaire puissance des instruments financiers européens quand ils ont été correctement façonnés et quand ils supportent des politiques communes.

La liquidité est progressivement revenue sur les marchés. Les achats de titres publics par les banques centrales sont venus doper la demande. Nos indicateurs de performance soustendant nos opérations d’émission se sont améliorés. Cela nous aide grandement puisque nous devons absorber près de 90 milliards d’euros de besoins de financement supplémentaires.

D’une part, nous avons annoncé aux marchés des émissions à moyen terme à hauteur de 40 milliards d’euros supplémentaires, ce qui nous conduit à atteindre un niveau record de 245 milliards d’euros d’encours de dette à moyen et long terme, contre 200 milliards en 2019. D’autre part, nous avons un programme d’émission de titres à court terme supplémentaires à hauteur de 64 milliards d’euros, alors que leur encours avoisinait 110 milliards d’euros fin 2019.

Nous avons commencé à rehausser nos appels de fonds aux marchés au cours du mois d’avril.

En quelques semaines, nous avons doublé la taille de nos émissions de titres à court terme – les fameux bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF). Nous en émettons 9 à 10 milliards d’euros chaque semaine, contre 4,5 à 5 milliards d’euros par semaine au début de l’année. Nous n’avons aucune difficulté à lever ces montants revus à la hausse car ce marché fonctionne admirablement bien. L’appétit pour ces titres est assez fort avec un ajustement à la hausse des prix limité, entre 15 à 20 points de base.

Nous rencontrons une pression relative concernant l’émission des titres à moyen et long termes. L’année dernière, nous avons émis 200 milliards d’euros de titres en net mais 245 milliards d’euros en brut, dans la mesure où nous avons exécuté 45 milliards d’euros de rachat de titres constitués essentiellement de rachats sur les années N+1 et N+2 afin de lisser pluri-annuellement nos appels de fonds sur le marché. Nous avons souligné que nos appels de fonds actuels, revus à la hausse, étaient parfaitement compatibles avec les opérations déjà exécutées. Il n’y a donc pas eu de choc trop important sur le marché. Nous émettons de l’ordre de 10 à 11 milliards d’euros tous les quinze jours, contre 8,5 et 9 milliards d’euros auparavant, et nous pouvons porter occasionnellement ce montant à 13 milliards d’euros. Le marché assimile bien ces sommes avec des taux d’intérêt à 10 ans proches de zéro.

L’action des banques centrales nous a permis d’éviter un choc de taux massif et a facilité les adjudications. Grâce à cette augmentation de nos émissions, nous avons pu reconstituer des marges de sécurité sur le compte unique du trésor. Ce point est important car le profil de la trésorerie de l’État a quelque peu évolué à la suite des mesures qui ont été annoncées par les pouvoirs publics pour faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises (remboursement de la TVA, facilités de trésorerie, reports de charges…). En somme, je ne suis pas inquiet quant à notre capacité à honorer nos engagements et les autorisations d’émission qui nous ont été confiées par le Parlement dans le cadre de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020.

Nous ne devons pas oublier, du reste, que l’État est le prêteur en dernier ressort pour l’ensemble du secteur public. Les opérateurs publics se tournent naturellement vers lui pour demander un soutien en cas de difficultés de financement ou de gel de certains segments de marché. En mars, nous sommes par exemple venus en aide à l’Acoss.

M. le président Éric Woerth. Merci beaucoup pour cet historique sur les deux derniers mois. Je comprends que nous n’avons pas de souci de financement, mais quel est le niveau de la trésorerie de l’État ? Rencontrons-nous des difficultés à ce niveau ?

Quelles seraient les conséquences d’une élévation de notre taux d’endettement qui se poursuivrait, au-delà des 115 % du produit intérieur brut (PIB, notamment vis-à-vis de l’Allemagne ?

L’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 prévoit d’habiliter le Gouvernement à prévoir la centralisation de la trésorerie de plusieurs organismes publics et privés sur le compte unique du trésor. À quel niveau devonsnous arrêter cette liste ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas envisager d’étendre la coordination des émissions de dette publique à celles de l’Acoss et de l’Unedic ?

Enfin, nous parlons beaucoup de dettes perpétuelles, convaincus que ces sommes ne pourraient jamais être remboursées. Quelle est votre définition de cette notion ? Approuvezvous cette idée ?

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général. Considérons avec attention la réaction des investisseurs alors qu’il n’est pas exclu que la notation de la France sur les marchés financiers soit susceptible d’être mise en perspective de façon négative.

Vous avez dit que les annonces de la BCE avaient contribué à la stabilisation des marchés. Selon vous, les investisseurs anticipent-ils des limites à cette action qui pourraient peser, demain, sur la confiance qu’ils accordent à notre dette ? Quels sont, selon eux, les principaux risques qui pourraient venir dégrader la notation de la France ? De plus, comment évaluez-vous notre dette souveraine par rapport à celle de nos autres partenaires européens ?

Quelles sont les conséquences de l’augmentation des besoins de financement de court terme sur la maturité moyenne de la dette négociable ?

Quelle est votre analyse concernant le projet de mutualisation des nouveaux programmes européens d’investissement, ou EU recovery fund ?

Ma dernière question porte sur le rôle de prêteur en dernier ressort de l’État. Selon vous, quel serait le bon moyen de financement de l’ensemble des dettes des administrations publiques ? Quel serait le meilleur projet, à la fois pour l’endettement de l’État et pour celui du champ social ?

M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor. Je vous remercie pour ces questions très pertinentes.

Nous n’avons pas encouru de risque sur un horizon de très court terme sur la trésorerie de l’État. À la fin de l’année, nous disposions d’une trésorerie assez confortable, supérieure à 40 milliards d’euros. Nous bénéficions ainsi d’un coussin d’absorption pour faire face à ces chocs. Néanmoins, une course-poursuite s’est engagée entre notre capacité à garder un rythme soutenu d’émission pour préserver nos encours de trésorerie et les annonces de l’État pour venir au secours du tissu économique français et pour soutenir les acteurs affectés par la fermeture de certains segments des marchés financiers. Fort heureusement, nous ne nous sommes pas placés en situation de risque. Les marchés ont bien répondu à nos appels de fonds et nous avons reconstitué nos encours de trésorerie sans jamais descendre en dessous d’un seuil critique.

 

Je sais qu’un taux d’endettement correspondant à 100 % du PIB constitue un repère. Mais les investisseurs et les agences de notation accordent plus d’importance à la trajectoire d’endettement qu’au niveau de cet endettement. Nous devons montrer que nous maîtrisons l’évolution de la dette publique pour maintenir notre crédibilité et la confiance des marchés. Il convient de présenter une courbe descendante, que cette baisse soit graduelle ou plus marquée. C’est plus important qu’une hausse du taux d’endettement de 90 à 110 % du PIB à la suite d’un choc.

À la fin de l’année 2019, nous étions parvenus à stabiliser le ratio entre la dette et le PIB. Toutes les organisations internationales et toutes les agences de notation voyaient la trajectoire de cette dette diminuer à un horizon prévisible, de façon plus ou moins forte. Certaines agences avaient requalifié la perspective de la notation de la France de « stable » à « positif ». Elles examineront demain l’évolution du déficit structurel et la trajectoire de notre dette publique dans les années à venir. Il sera important de tenir un langage rassurant.

La France ne se singularise pas par rapport aux autres pays du monde car, malheureusement, ce choc est vécu par tous. Nous ne sommes donc pas dans une situation défavorable à ce stade. Cela pourrait se produire si les pays adoptaient des comportements très différenciés en ce qui concerne l’évolution de leur ratio dette sur PIB en sortie de crise. Les agences de notation traiteront mieux ceux qui parviendront à le réduire par rapport à ceux qui le maintiendront ou qui ne réussiront pas à le contenir.

La France n’a toujours pas démontré qu’elle était repartie sur le chemin de la vertu en ce qui concerne l’évolution de sa dette publique. Au cours des trente dernières années, le ratio d’endettement par rapport au PIB s’est dégradé à chaque récession avant de se stabiliser grâce aux efforts engagés. Nous n’avons jamais pu enchaîner un cycle de croissance économique susceptible de le réduire.

Vous m’interrogez sur l’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, qui est relatif à la centralisation des ressources de trésorerie de certains organismes. Notre centralisation de la trésorerie sur un compte unique du trésor est un véritable bien public que nous envient de nombreux trésors dans le monde, notamment parce qu’elle permet de diminuer le besoin d’emprunts sur le marché. Nous avons une pratique historique dans ce domaine. Nous avons estimé que cette centralisation avait entraîné, depuis le début des années 2000, une réduction de près de 200 milliards d’euros du niveau d’endettement de la France par le biais d’une diminution des besoins de financement, mais aussi en minimisant la facture des charges d’intérêt. Les derniers grands rapatriements de fonds ont concerné la Coface, les fonds de garantie de la BPI et la CADES. Ces actions ont été menées de façon constante par les gouvernements qui se sont succédé au cours des quinze dernières années. Le projet de loi, en habilitant à légiférer par voie d’ordonnance, ne vise pas à rapatrier les trésoreries des caisses de retraite.

Devons-nous centraliser les émissions publiques ? La plateforme constituée de l’AFT et de la CADES pourrait être utilisée par d’autres émetteurs, mais cela suppose que leurs techniques de financement soient similaires, et donc que nous nous adressions à des établissements dont les programmes de financement sont de taille importante, pouvant avoir recours à des syndications ou aux marchés de financement de court terme. Nous pourrions imaginer, dans ce contexte, que des organismes publics puissent nouer des relations avec cette plateforme et avec l’État afin de mutualiser les moyens.

Précisons d’emblée qu’une telle mutualisation des moyens ne signifie pas une unification des signatures. En d’autres termes, les dettes ne sont pas fusionnées. La signature et la dette de la CADES demeurent bien différentes de celles de l’État. Tant que ce dernier parvient à offrir le degré de liquidité recherché par le marché sur sa propre dette, il n’y a pas de raison de remettre en cause ce dispositif incluant plusieurs émetteurs suivant leur logique propre et utilisant différents leviers de financement. Par exemple, la CADES peut se montrer plus opportuniste que l’État sur certains marchés, notamment en émettant sur les marchés de devises, ce que s’interdit l’État. La duplication des signatures permet de moins peser sur les émissions de l’État en zone euro.

Le renforcement de la centralisation pourrait donc être initié si les émetteurs considèrent que cette mutualisation contribue à la diminution de leurs coûts opérationnels tout en renforçant leur sécurité et leur expertise.

Nous avons effectivement vu fleurir les propositions concernant la dette perpétuelle en raison, probablement, du choc d’endettement provoqué par la crise actuelle. Certains observateurs et certains économistes ont avancé l’idée d’émettre des titres de dette perpétuelle dont l’État n’aurait pas à rembourser le capital. Il en rembourserait uniquement les intérêts. Cette idée renvoie, en France, à une réalité historique, celle du marché de la rente des XVIIIe et du XIXe siècles, qui contribuait à la fois au financement de l’État et au recyclage d’une épargne. C’était, un véhicule d’épargne prisé par la bourgeoisie. Mais tout au long du XXe siècle, les États ont cherché à sortir progressivement de ce mécanisme de rente, qui coûtait très cher, y compris par des conversions forcées, pour basculer vers le système d’émissions que nous connaissons aujourd’hui.

Avant de décider de créer un nouveau marché, du jour au lendemain, il faut s’assurer qu’il existe bien une demande. L’AFT bénéficie d’une expérience en matière d’émissions de titres à très long terme. Depuis 2005, nous avons émis trois souches avec des horizons de cinquante ans, qui représentent un stock de 30 à 40 milliards d’euros. Même si certains pays, tels que l’Autriche, émettent des titres à 70 ou 100 ans, plus les maturités sont éloignées dans le temps, et plus les marchés sont étroits. Même si l’idée est séduisante sur le plan intellectuel et sauf à ce que les banques centrales se décident à acheter ces dettes perpétuelles, je ne pense pas que ces segments de marchés soient suffisamment profonds et significatifs au regard de l’échelle des besoins de l’État. Nous ne pouvons pas les considérer comme un outil de financement pérenne et d’avenir.

Les investisseurs anticipent-ils des limites à l’action de la BCE ? Certes, nous ne sommes jamais à l’abri d’une décision allant dans ce sens. Certains d’entre vous peuvent penser à la récente décision de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Toutefois, les analystes ne considèrent pas que cette dernière limite la capacité d’action de la BCE. Ils n’ont pas d’inquiétude à ce sujet. Ils sont davantage préoccupés par l’intégrité de la zone euro et le risque de conflit politique au sein de celle-ci, qui pourrait fragiliser l’environnement de taux et provoquer un choc sur les marchés financiers. Mais ils voient plutôt d’un bon œil le policy mix entre les décisions des autorités budgétaires et monétaires de la zone. Ils constatent également que les États mettent en place des outils pour gérer la crise, malgré les divergences politiques sur la gestion de celle-ci. Ils sont frappés par l’accélération du tempo dans ce domaine, surtout en comparaison avec la réponse qui avait été apportée lors de la dernière grande crise financière.

Existe-t-il un risque de périphérisation de la dette française ? Actuellement, nous ne le constatons pas puisque le choc d’endettement est subi par les autres pays de la zone euro. La dette française n’a pas été discriminée à ce stade. Les notations de crédit qui préexistaient avant la crise demeurent avec les pays cœur, l’Allemagne et les Pays-Bas, et les pays « semi-cœur », à savoir la France, la Belgique, l’Autriche ou encore la Finlande. Les pays périphériques sont, dans l’ordre, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Comme je l’indiquais, il faudra veiller avec une attention particulière à la trajectoire de la dette publique française post-crise.

La dette française a atteint, à la fin de l’année dernière, un niveau de maturité historiquement long, à 8,3 années. Quant à nos émissions nouvelles, elles se situent au même niveau que l’année dernière avec un horizon, toujours très élevé, d’un peu plus de 11 années. Dans le contexte actuel, nous émettons davantage de titres à court terme. Il faut garder en tête que pour 20 milliards d’euros d’encours supplémentaires pour lesdits titres, nous réduisons de 0,1 point d’année la maturité moyenne de la dette française.

Mais la proposition de monsieur le ministre de l’économie et des finances de création d’un fonds de relance européen est favorablement perçue par les marchés. Ils considèrent que c’est un moyen de doter les États d’un outil pour apporter des réponses communes à la crise tout en mutualisant les dettes européennes pour un temps et un montant donnés. Ces sommes seraient ajustées en fonction des besoins des pays et non de la taille de leurs économies respectives. Ce fonds renforcerait la solidarité entre les membres tout en dépassant les clivages Nord-Sud sur la gestion de la dette passée. De plus, cela permettrait de créer un segment de dette européen présentant tous les prérequis en termes de liquidité, de sécurité et de sûreté. Il pourrait même faire figure d’alternative à la dette américaine.

Comment optimiser les dettes des émetteurs publics ? Il existe déjà un forum annuel de coordination associant ces différents acteurs, dont l’Unedic, qui peut émettre avec la garantie de l’État grâce à l’autorisation qui lui a été délivrée par le Parlement. L’architecture de gestion de la dette publique est bien établie. Pour la sphère sociale, l’Acoss fait figure d’émetteur de court terme et la CADES d’émetteur de moyen et de long termes. Puisque l’État joue le rôle de prêteur en dernier ressort, nous pourrions renforcer la circulation de l’information entre ces acteurs, ainsi que la visibilité des programmes liés à leurs besoins de financement.

M. Fabien Roussel. Vous avez expliqué que les intérêts évolueraient en fonction de la trajectoire des différents pays, dont la France, en matière de réduction de la dette et de baisse de la dépense publique. Mais ce sont ces dogmes qui ont conduit à fragiliser nos services publics, ainsi que le rôle de l’État dans la gestion de cette pandémie. Par conséquent, nous souhaitons que la BCE participe aux investissements nécessaires aux pays, notamment pour financer la santé ou la transition écologique. Ce débat est-il aujourd’hui ouvert ? Il est d’autant plus nécessaire que les besoins de financement, qui sont déjà passés de 90 à 180 milliards d’euros, vont encore augmenter, notamment à la suite de l’annonce, par les pouvoirs publics, de la prise en charge des pertes de cotisations sociales.

M. Daniel Labaronne. Sur certains segments d’obligations, l’AFT procède à des émissions indexées sur l’inflation française ou européenne. Quelles sont vos anticipations concernant l’évolution de ces taux ?

L’AFT continue-t-elle d’abonder les obligations vertes, créées en 2015 ? Si oui, pouvez-vous nous rappeler les seuils fixés pour 2020 ?

Avez-vous observé une évolution des taux des credits default swap (CDS), qui permettent aux investisseurs de se prémunir contre les défauts de paiement des emprunteurs ?

Mme Véronique Louwagie. En avril dernier, vous avez augmenté les primes d’émission, qui avaient déjà progressé en avril 2019 pour atteindre 20 milliards d’euros contre 10 milliards d’euros en 2018. Vous avez modifié ce mécanisme en passant d’une émission de 500 millions d’euros par mois à un peu plus d’un milliard en avril. Selon vous, à quel niveau devons-nous nous attendre d’ici à la fin de l’année 2020 ?

Avez-vous chiffré l’impact financier sur les années futures des émissions auxquelles vous avez récemment procédé ?

Au regard de la maturité moyenne de la dette française, notre pays peut-il garantir un remboursement de celle-ci ?

M. Mohamed Laqhila. Merci de nous avoir rassurés concernant l’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, qui ne servira pas à rapatrier les réserves des caisses de retraite. La crise sanitaire sans précédent pèse lourd sur les finances publiques, et plus encore sur la trésorerie. Vous êtes revenu sur l’évolution de notre endettement. J’aimerais connaître votre avis sur ce dernier. Par exemple, l’État a-t-il les moyens de prendre en charge la dette de la sécurité sociale et des hôpitaux ?

Une alternative au financement des hauts de bilan existe-t-elle et d’autres recettes pourraient-elles être sollicitées ?

Enfin, comment éviter un déclassement de la note de la France par les agences ?

Mme Valérie Rabault. Nous confirmez-vous les difficultés rencontrées par l’Acoss pour lever de la dette au mois d’avril et, si oui, quels sont les montants en jeu ?

L’État va sans doute s’endetter à hauteur de 340, 360 voire 380 milliards d’euros cette année. Cette hausse aura-t-elle des conséquences sur la structure de cette dette ? Avezvous le choix des maturités ?

Nous confirmez-vous que la France sera le pays de la zone euro qui émettra le plus de dette cette année ? Je vous remercie d’avoir souligné le rôle extraordinaire de la BCE en ce moment car elle est souvent dénigrée. Si elle n’existait pas, votre mission serait impossible. Mais disposons-nous de suffisamment de souches pour financer la dette de tous les États ?

Quelle est votre analyse concernant l’évolution des CDS, dont le marché a plus que doublé ? Ce coût se révèle deux fois plus élevé pour la France que pour l’Allemagne mais ce prix pourrait être faussé car il repose sur un très petit nombre de transactions.

Mme Patricia Lemoine. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a rendu un jugement controversé le 5 mai dernier. Elle accorde trois mois maximum à la BCE pour justifier son programme de rachats de dette publique, qui permet de réduire les coûts de financement des États sur les marchés. Un tel recours pourrait-il remettre en cause la crédibilité des Étatsmembres, ainsi que les conditions auxquelles ils se financent sur les marchés ? Pensezvous que nous devrions innover et rechercher d’autres méthodes de financement ?

Quel est votre sentiment concernant l’éventualité d’une hausse des taux d’intérêt ? Selon vous, une hausse d’un point entraînerait une augmentation de la charge de la dette de 2 milliards d’euros la première année, de 4,4 milliards d’euros la deuxième année et de 21 milliards d’euros dans dix ans.

M. Michel Castellani. D’une part, nos besoins de financement se chiffrent en centaines de milliards d’euros. D’autre part, notre taux d’endettement a progressé de 15 à 20 %. Au nom de mon groupe, j’avais déposé un amendement dans le cadre du PLFR permettant de mobiliser l’épargne intérieure via l’émission d’obligations assimilables du trésor (OAT). Elles réduiraient la dépendance aux marchés extérieurs et permettraient de proposer aux citoyens de faire un geste, de participer au financement du tissu productif. Quid de la faisabilité de cette proposition ?

Mme Sabine Rubin. Vous avez émis certaines réserves concernant la notion de dette perpétuelle. S’il est admis que les dettes souveraines cumulées ne seront jamais remboursées, comment assurer un financement des politiques publiques non soumis au marché si nous excluons un rachat de ces dettes par la BCE ou le financement direct des États ? La question n’est pas de savoir si c’est une bonne idée au regard du fonctionnement actuel de la BCE, mais plutôt d’adapter ce dernier à cette solution qui apparaît comme la seule perspective raisonnable pour de nombreux observateurs.

M. Jean-Noël Barrot. Pouvez-vous revenir sur la vision des marchés en ce qui concerne la signature différenciée de la CADES par rapport à celle de l’État ? Quelles sont les conséquences sur les finances publiques ?

M. Xavier Paluszkiewicz. En janvier 2020, je vous interrogeais déjà sur la boucle qui unit le risque bancaire au risque souverain. Selon vous, les risques bancaires avaient été écartés grâce à des mesures micro et macro-prudentielles. Pouvons-nous formuler le même constat pour le risque souverain ? Il ne me semble pas envisageable que la France accroisse le poids de sa dette pour financer davantage de dépenses, surtout dans le contexte actuel. Le risque de taux est-il élevé ou écarté grâce à la politique de taux de la BCE ?

Mme Valérie Rabault. La trésorerie des collectivités territoriales s’élève à 36 milliards d’euros mais son niveau diminue. Pouvez-vous nous éclairer sur la procédure exceptionnelle de versement anticipé d’avances de fiscalité ?

Nous confirmez-vous que les ordonnances liées à l’article 3 du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 ne viennent pas compenser le manque de trésorerie de l’État ?

M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor. Conformément aux traités européens ratifiés par l’ensemble des États, la BCE ne peut pas racheter directement de la dette sur le marché primaire. En revanche, elle en achète sur le marché secondaire afin de s’assurer que la progression des prix atteint la cible qu’elle a fixée autour de 2 %. Elle met en place des programmes exceptionnels en cas de risque de déflation. Même si elle sert des objectifs monétaires, tout se passe comme si, aujourd’hui, elle concourrait aux besoins de financement des États. Le stock de dette française détenu par la banque centrale européenne est estimé à 20 %. La question qui est posée me semble en réalité plus théorique que pratique.

Dans nos projections, nous retenons le taux d’inflation figurant dans le cadrage du projet de loi de finances, qui a été révisé à la baisse à l’occasion du PLFR.

Une question a également porté sur les dépenses vertes éligibles aux obligations d’État. En 2020, elles s’élèvent à 8 milliards d’euros.

Plusieurs interrogations ont trait aux CDS. Ils suscitent beaucoup moins d’intérêt que lors de la crise de 2012, probablement parce que les volumes échangés aujourd’hui sur ces marchés sont beaucoup plus faibles depuis l’interdiction des ventes à découvert par le législateur européen. Ce marché suit le mouvement que nous pouvons observer sur celui des dettes souveraines. Il n’est plus directeur. Nous n’avons pas vu apparaître de risque de dénomination, même dans le cas de l’Italie. Les tensions sont moins fortes que celles qui étaient apparues en mai 2018 autour de la dette de ce pays.

Je vous rappelle que le montant des primes et décotes à l’émission est largement dépendant des taux d’intérêt. S’il a augmenté de 10 à 20 milliards d’euros en 2019, c’est parce que nous avions subi un choc de taux de 60 points de base à la baisse. Dès que ce type de phénomène se reproduira, nous observerons à nouveau une hausse des primes à l’émission. Quand j’émets de la dette à taux négatif, mon coupon ne peut pas se situer en deçà de zéro, et je dégage donc une prime de trésorerie à l’émission. L’AFT ne détermine pas le montant des primes à l’émission : il est défini par le marché, en fonction des taux d’intérêt et de la nature des titres demandés. En 2019, les investisseurs ont exprimé un très fort appétit pour les dettes à très long terme, notamment pour les souches 2050, 2055 et 2060 des dettes de la France. L’augmentation des primes à l’émission sera compensée, à terme, par la revalorisation des coupons à la sortie. Cette opération est totalement neutre d’un point de vue actuariel. Il n’y a pas de manipulation comptable ou de marché.

De nombreuses questions ont porté sur la façon dont nous allions honorer notre dette. Précisons qu’aucun État n’a réduit celle-ci à zéro. Tout au plus peut-on diminuer le ratio entre la dette et le PIB, contribuant ainsi à la réduction de la dépense publique. En réalité, les États ne remboursent pas leur dette. Ils la refinancent. Ils procèdent ainsi depuis des années. Ce sera le cas de la dette actuelle, comme de la dette passée.

Concernant la dette de la sécurité sociale et des hôpitaux, je rappelle que la CADES constitue un remarquable instrument de financement. À la fin de l’année dernière, nous espérions le remboursement total de cette dette sociale à l’horizon 2024, qui représente pour l’essentiel des dépenses courantes que nous ne pouvons léguer aux générations futures. Cette perspective a été complètement bouleversée par la crise que nous vivons actuellement. Des expressions publiques ont envisagé un nouveau transfert de la dette de l’Acoss vers la CADES dans les mois à venir.

L’Acoss n’a jamais connu de difficultés de trésorerie car celles-ci ont été anticipées. Ses canaux de financement habituels, comme le recours aux bons de court terme, ont pu être temporairement gelés car les investisseurs ne souhaitaient pas placer leurs liquidités sur le marché. L’Acoss n’a pu lever que 200 millions d’euros certains jours alors qu’elle ciblait de lever un milliard d’euros. La situation s’est heureusement normalisée à partir d’avril. Mais cet organisme dispose d’une encaisse de trésorerie. Il sait aussi pouvoir compter sur le soutien de l’AFT.

Je vous invite à distinguer le programme de financement à moyen et long termes de l’État, qui avoisine les 245 milliards d’euros, des besoins de financement, qui s’élèvent à 325 milliards d’euros. Quant à l’évolution de la maturité de la dette française, elle influe bien, partiellement, sur la structure de cette dernière. La part de la dette à court terme augmentera au cours de l’année à venir. Elle était tombée à son plus bas niveau historique (5 %), car nous l’avions pilotée pour reconstituer une capacité d’absorption des chocs et avoir une marge de sécurité.

Lors de la crise de 2009, la part de la dette court terme dans la dette globale française était passée de 6 % à 18,7 %. Ce niveau n’était ni soutenable, ni satisfaisant. Il était souhaitable de le réduire. C’est ce que nous avons fait. Je ne pensais pas avoir à utiliser ces marges de manœuvre dès l’année 2020.

Nous disposons de près de 70 souches différentes pour pouvoir mener nos programmes d’émissions obligataires : des titres de deux à cinq ans, des titres à cinq, dix ou quinze ans, des obligations vertes, des titres indexés ou nominaux… Les marchés recherchent des titres liquides, dont les encours sont compris entre 20 et 40 milliards d’euros. Je n’anticipe pas de difficultés à ce sujet.

Concernant l’éventualité de l’augmentation des taux, je dirais que le risque est davantage déflationniste compte tenu des indicateurs enregistrés aux États-Unis. La BCE a annoncé que les taux resteraient bas, et pour très longtemps. Elle mène une politique très accommodante en la matière.

Concernant la mobilisation de l’épargne domestique, sachez qu’aujourd’hui, les particuliers peuvent déjà acheter des OAT. Ils peuvent demander à leur banque d’en souscrire et de les créditer sur leur compte-titres. Il n’est nul besoin de réaliser une émission particulière. Cette facilité est pourtant très faiblement employée. Les achats-ventes des particuliers sur la dette française étaient évalués, en 2019, à environ 300 millions d’euros par an. Ce financement est très marginal en raison du niveau actuel des taux, puisque l’OAT à dix ans est proche de 0 %. Il est difficile d’attirer le particulier vers ces supports d’investissement. Il s’oriente vers des placements plus risqués et plus rémunérateurs. Si cet investissement devait être rendu plus intéressant pour le grand public, il ne le serait plus autant pour le contribuable français. Le détenteur de dette publique française serait également exposé à un risque de taux très important.

Il faut donc y réfléchir à deux fois avant de recourir à l’épargne domestique. Les pouvoirs publics souhaiteraient plutôt l’utiliser pour relancer la consommation. Un grand emprunt public la ponctionnerait. Elle ne serait plus disponible pour financer la relance intérieure et la croissance.

Détenir des actions donne le droit de participer à la prise de décisions stratégiques fondamentales. Mais détenir des titres de dette français n’ouvre pas la possibilité d’influer sur les orientations de notre politique économique nationale. Plus de la moitié des détenteurs nonrésidents de notre dette sont des banques centrales ou des investisseurs intéressés par sa sécurité et sa liquidité. Ils n’adoptent pas un comportement spéculatif et ne sont pas prêts à lâcher ces titres du jour au lendemain.

Je l’ai déjà dit : la BCE n’est pas autorisée à acheter directement la dette des États. Si nous voulions qu’elle achète des titres de dette perpétuelle, il faudrait réviser les traités et obtenir l’accord de tous les États membres de l’UE, pour certains d’entre eux sans doute via un référendum.

Vous m’avez également interrogé sur la signature différente de la CADES. Quand une agence publique émet des titres, elle le fait généralement à des conditions de taux très légèrement supérieures à celle de l’État – c’est l’écart de taux que nous appelons le spread d’agence, qui est estimé entre 10 et 30 points de base en fonction des conditions de marché. La CADES bénéficie du spread le moins élevé parmi l’ensemble des opérateurs publics et elle parvient à le compenser en partie en se positionnant sur les marchés de devises. Après la correction du risque de change, elle réussit même à obtenir un spread inférieur à ces 10 points de base.

J’insiste une nouvelle fois. Grâce à l’action de la BCE, nous ne subissons pas de choc de taux. Nous émettons des titres à moyen et long termes à un taux moyen qui s’avère inférieur à  0,04 % au lieu de 0,11 % l’année dernière. À la fin du mois de mars, nous avons assisté à un écart des spreads entre la France et l’Allemagne, de l’ordre de 80 points de base. Il est revenu entre 40 et 50 points de base. Même si cet écart ne revient pas au niveau antérieur, à savoir entre 20 et 30 points de base, les spreads ne sont pas orientés à la hausse.

L’État français n’a absolument pas cherché à compenser un éventuel manque de trésorerie via les collectivités territoriales. En tout état de cause, la trésorerie de celles-ci est déposée sur le compte unique du trésor. Il n’est pas possible de jouer sur le niveau d’avance ou le rythme des dépenses.

Mme Sabine Rubin. Comment permettre aux États de procéder aux financements nécessaires si la BCE ne peut pas intervenir ?

M. Anthony Requin, directeur général de l’Agence France Trésor. Les budgets d’investissement sont votés par le Parlement. Il peut les voter à la hausse ou procéder à des arbitrages entre les investissements et le budget correspondant aux dépenses courantes, réduisant ainsi les appels aux marchés de l’AFT. Si cette politique se traduit par une hausse de la dépense publique, nous irions emprunter des montants plus importants. Le programme d’achats de titres publics pour gérer l’épidémie à l’échelle européenne, qui représente 750 milliards d’euros, est comparable à l’augmentation des déficits sur l’ensemble de la zone euro. La BCE aurait donc les moyens de racheter l’intégralité de la dette publique générée par cette crise.

M. le président Éric Woerth. Je vous remercie pour vos réponses très claires.

 

 

 

 


Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

 

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 11 heures

 

Présents. - M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Michel Castellani, M. Olivier Damaisin, Mme Jennifer De Temmerman, Mme Stella Dupont, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, Mme Olivia Gregoire, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, M. Marc Le Fur, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Valérie Rabault, M. Robin Reda, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Éric Woerth

 

Excusés. - M. Damien Abad, M. Jean-René Cazeneuve, M. Jean-Paul Dufrègne, M. Joël Giraud, M. David Habib, M. Olivier Serva