Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen de la proposition de loi organique visant à permettre l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (n° 2500) (M. Philippe Gomès, rapporteur)                            2

 Examen de la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État (n° 1803 rectifié) (M. Thierry Benoit, rapporteur)               15

 Informations relatives à la Commission................ 36

 


Mercredi
22 janvier 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 36

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

 


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La réunion débute à 9 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente

La Commission examine la proposition de loi organique visant à permettre l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie (n° 2500) (M. Philippe Gomès, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à la première proposition de loi, de nature organique, inscrite à notre ordre du jour à l’initiative du groupe UDI, Agir et Indépendants. Elle vise à « permettre l’inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ». Son rapporteur est M. Philippe Gomès.

M. Philippe Gomès, rapporteur. Cette proposition de loi organique vise à permettre une inscription d’office sur la liste électorale spéciale à la consultation (LESC) sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Avant d’en venir au texte proprement dit, il ne me paraît pas inutile de rappeler le contexte calédonien et de retracer son évolution au cours des dernières décennies.

À la suite des événements qui se sont traduits, dans les années 1980, par la mort de plus de soixante-dix personnes – membres de la société civile, militaires et gendarmes engagés sur le terrain –, les accords dits de Matignon ont été signés par Jacques Lafleur, Jean-Marie Tjibaou et Michel Rocard, alors Premier ministre. Depuis un peu plus de trente ans, nous sommes engagés dans un processus de « décolonisation » et d’« émancipation » – pour reprendre les termes de l’Accord de Nouméa – au sein de la République.

Ce processus a connu une étape majeure en 1998, année au cours de laquelle un référendum d’autodétermination aurait dû être organisé selon les termes des accords de Matignon. Toutefois, les acteurs politiques calédoniens ont considéré que ce n’était pas opportun et qu’il convenait de proroger la période de transition pour vingt années supplémentaires. Il a donc été décidé de fixer le terme des accords de Nouméa à l’année 2018 et d’organiser à cette date un référendum d’autodétermination.

Ce premier scrutin référendaire, qui s’est déroulé le 4 novembre 2018, ne sera pas le dernier : l’Accord de Nouméa prévoit que, dans un délai de deux ans maximum, un deuxième référendum peut être organisé si le résultat de la première consultation est négatif. De fait, les formations politiques calédoniennes ont demandé – il suffit qu’un tiers des membres du congrès se prononcent en ce sens – la tenue d’un deuxième référendum en 2020. Et l’Accord de Nouméa prévoit la possibilité d’en organiser un troisième, toujours dans le délai des deux années qui suivent les opérations de vote, soit au plus tard en septembre 2022.

Le processus dans lequel nous sommes engagés nécessite pas moins de trois listes électorales. Une première liste – la liste générale (LEG) – est utilisée pour les élections nationales – municipales, présidentielle, législatives, européennes – ainsi que pour les référendums nationaux.

Une deuxième liste sert pour les élections provinciales, qui désignent les élus des provinces et du congrès de la Nouvelle-Calédonie. Ces électeurs sont des citoyens de la Nouvelle-Calédonie, la citoyenneté calédonienne venant s’ajouter aux citoyennetés française et européenne. Plusieurs cas sont prévus mais, pour simplifier, disons que l’inscription sur la liste suppose de justifier d’au minimum trente années de résidence sur le territoire – depuis 1988 précisément – ou d’être d’origine kanak, c’est-à-dire être Calédonien de statut coutumier. Les dernières élections provinciales ont eu lieu en mai 2019.

Enfin, la liste électorale spéciale pour la consultation à l’accession à la pleine souveraineté (LESC), dont nous allons parler, rassemble celles et ceux qui peuvent participer au référendum d’autodétermination. Ils ont une décision importante à prendre puisque c’est à eux qu’il appartient de décider si la Nouvelle‑Calédonie demeure partie intégrante de la nation française ou la quitte. Cette liste a été constituée par deux lois organiques. La loi organique du 5 août 2015 dispose que la liste électorale pour le référendum était d’abord constituée, de manière automatique, par l’inscription d’office de tous les Calédoniens inscrits sur la liste électorale pour les élections provinciales. C’est ainsi qu’on a constitué les trois quarts de la liste référendaire. Le dernier quart des inscrits résulte de demandes individuelles – les demandeurs remplissaient certaines conditions dûment constatées par des commissions administratives spéciales (CAS).

À partir de l’année 2016, un problème s’est posé avec une grande acuité : plusieurs milliers de Kanak – le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) avait initialement avancé le chiffre de 20 000 personnes – n’étaient pas inscrits sur la liste électorale générale et, partant, ne pouvaient figurer sur la liste référendaire. En effet, l’inscription sur la liste générale est le préalable à l’enregistrement sur la liste référendaire. Les partis indépendantistes ont naturellement affirmé que le résultat du référendum d’autodétermination ne pourrait être pleinement reconnu dans ces conditions, dans la mesure où la sincérité du scrutin ne serait pas garantie. Ils estimaient que les citoyens qui avaient vocation à y participer, au premier rang desquels les Calédoniens d’origine kanak, ne le pourraient pas pour une grande part d’entre eux : dès lors, le résultat serait vicié.

On s’engageait sur un chemin extrêmement glissant. Les indépendantistes réclamaient l’inscription d’office des Kanak – appelés en droit « Calédoniens de statut coutumier » – sur la liste référendaire. Les formations non indépendantistes se sont opposées, en règle générale, à cette proposition, pour deux raisons évidentes : d’une part, le refus de conditionner l’inscription sur une liste électorale à un critère ethnique ; d’autre part, la perspective d’une discrimination inacceptable entre Calédoniens, selon qu’ils sont de statut coutumier – autrement dit, kanak – ou de statut de droit commun – non kanak. Je rappelle que différentes ethnies, au fil du temps, ont contribué à la construction de la Nouvelle-Calédonie.

La formation politique à laquelle j’appartiens au plan local, Calédonie ensemble, a fait une proposition pour sortir par le haut de cette impasse, qui commençait à présenter une certaine acuité. Nous avons suggéré que tous les natifs, kanak ou non, puissent être inscrits d’office sur la liste électorale référendaire. C’était une manière de traiter le problème posé par les indépendantistes – il ne fallait pas que le résultat du référendum soit contestable – tout en évitant une discrimination injustifiable entre Calédoniens. Cette proposition, formulée au comité des signataires du 7 novembre 2016, a été reprise, quasiment une année après, par le comité des signataires du 2 novembre 2017.

Le principe de l’inscription d’office procède de deux mécanismes. D’une part, c’est l’inscription d’office sur la liste électorale générale de tous les Calédoniens qui justifient d’une durée de résidence de six mois, la loi prévoyant déjà que les Calédoniens d’origine kanak inscrits sur la liste générale apparaissent d’office sur la liste référendaire. D’autre part, c’est l’inscription d’office des non-Kanak, dès lors qu’ils sont natifs du territoire et qu’ils justifient d’une durée de résidence de trois ans – actuelle ou passée.

Dans le même temps, l’État avait engagé un travail, en lien avec les services de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, d’identification des électeurs potentiels qui n’étaient inscrits nulle part. Au bout du compte, après croisement avec des fichiers sociaux, on a finalement décompté un peu plus de 11 000 Calédoniens dans cette situation, dont 7 000 relevaient du statut coutumier et 4 000 du statut de droit commun. Grâce au dispositif adopté par le comité des signataires du 2 novembre 2017 et mis en œuvre par la loi organique du 19 avril 2018, ces 11 000 personnes ont pu figurer sur la liste référendaire. Tous les partenaires ont considéré que, dès lors, la légitimité et la sincérité du scrutin seraient au rendez-vous, et que chacun reconnaîtrait son résultat, ce qui a effectivement été le cas.

Pour indiquer l’état d’esprit dans lequel le comité des signataires et le législateur organique se sont prononcés, je précise que l’avant-projet de loi organique a été soumis pour avis au congrès de la Nouvelle-Calédonie, comme le prévoit le statut du territoire. Il me semble important de l’évoquer car cela permet de rappeler les positions de chacun et de resituer la présente proposition de loi dans le contexte. J’ai la chance d’être membre du congrès de la Nouvelle-Calédonie et conseiller de la province Sud, ce qui m’a permis d’intervenir largement sur le sujet dans les débats locaux. Le congrès a examiné l’avant-projet de loi organique le 23 novembre 2017. Il a émis un avis favorable à l’unanimité : le texte a donc été soutenu par tous les partis politiques, indépendantistes ou non.

Le congrès devait décider entre deux options. Le premier choix consistait à définir un cadre à usage unique, autrement dit à ne prévoir qu’une seule fois, pour la consultation de 2018, l’inscription sur la liste électorale générale et sur la liste électorale référendaire conformément au consensus atteint par le comité des signataires ; ce dispositif ne vaudrait pas en 2020 et en 2022. L’autre possibilité consistait fixer un cadre exceptionnel glissant, impliquant la mise en œuvre de procédures d’inscription d’office avant chaque consultation. Je rappelle que les consultations de 2020 et de 2022 ne sont organisées qu’à la demande écrite du tiers des membres du congrès après l’échec du référendum précédent ; autrement dit, elles ne sont pas automatiques. Dans cette deuxième option, un projet de loi organique ad hoc peut apporter des modifications à la loi statutaire et conférer un caractère glissant aux mesures retenues.

Le grand débat, au congrès, a consisté à déterminer si l’on prévoyait la mesure exclusivement pour la consultation de 2018, ou si elle devait également concerner les scrutins de 2020 et 2022. Le FLNKS était extrêmement réticent à ce que les Calédoniens de droit commun puissent bénéficier d’une procédure d’inscription d’office : à ses yeux, si le fait que les Kanak, qui constituent le peuple autochtone, bénéficient d’une telle procédure n’appelle aucun débat, la réciproque au profit des non-Kanak était beaucoup plus délicate. Nous avons débattu pendant vingt-six heures – c’est dire la profondeur de l’échange – au cours de deux réunions de commission et d’une séance publique. Nous avons abouti à un avis favorable unanime : il a été décidé que le dispositif ne s’appliquait aux Calédoniens de droit commun que pour la consultation de 2018.

Depuis lors, cette consultation a eu lieu. Chacun en connaît le résultat : 78 734 électeurs ont fait le choix du maintien dans la République française, un peu plus de 60 000 personnes se sont prononcées en faveur de l’indépendance. La participation a été élevée – l’abstention s’est établie à moins de 20 %.

Au terme d’une période de six mois suivant le scrutin, un nouveau référendum pouvait être demandé. Tel a été le cas. À cet égard, au-delà de l’analyse juridique et électorale, je voudrais résumer les positions politiques locales. La tenue d’une deuxième consultation a été demandée à la fois par des partis indépendantistes, comme le FLNKS, et non indépendantistes – l’Avenir en Confiance, alliance de formations composées pour l’essentiel de membres des Républicains. Pendant la campagne électorale, ces derniers avaient annoncé vouloir créer un « choc de confiance » – pour reprendre leurs termes – en accélérant la tenue des deux derniers référendums prévus par l’Accord de Nouméa. Ils avaient même souhaité que le deuxième référendum ait lieu avant la fin de l’année 2019 ; il est finalement convoqué le 6 septembre prochain.

La formation politique à laquelle j’appartiens, Calédonie ensemble, n’avait pas sollicité un nouveau référendum. Nous considérions que, le peuple calédonien ayant été consulté et ayant exprimé à une nette majorité – 57 % contre 43 % – le choix de rester au sein de la République française, il était inutile de se lancer dans l’organisation de deux référendums supplémentaires au risque de faire perdurer l’attentisme économique et de raviver des tensions ethniques et politiques. Nous avons estimé que nous ne devions plus nous opposer sur l’avenir mais, au contraire, essayer de nous rassembler. Au lieu de tenir encore des référendums d’autodétermination, nous estimions préférable de nous efforcer, comme l’ont fait Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou avec les accords de Matignon, ou le même Jacques Lafleur et M. Rock Wamytan avec l’Accord de Nouméa, de parvenir à un consensus avec tous les Calédoniens. Cette idée n’a pas prospéré puisque, pour l’instant, nous sommes engagés sur la voie d’un deuxième référendum.

Le comité des signataires du 10 octobre 2019 a été marqué par la division, contrairement ce qui s’était passé en 2015 et 2018. Aucun consensus n’a été trouvé sur la question du corps électoral, ainsi que le montre le relevé de ses conclusions : « Le comité des signataires confirme le principe que les électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et y résidant depuis au moins trois ans sont présumés y détenir leurs intérêts matériels et moraux, ouvrant droit à leur inscription sur la liste référendaire ». Cette disposition, qui concerne les Calédoniens de droit commun, ne prévoit donc pas leur inscription d’office, contrairement au précédent de 2018. J’appelle votre attention sur la phrase suivante : « Sans changer la loi organique, le Premier ministre propose que pour la prochaine consultation, un dispositif de détection exhaustive des électeurs concernés, associé à une démarche incitative de l’État à leur endroit, puisse venir produire les mêmes effets que ceux impliquant une inscription d’office. » Ceci signifie que, pour désamorcer les tensions sur le sujet de l’inscription d’office, l’État proposait d’aller chercher chaque électeur et de l’accompagner, ce qui devait aboutir au même résultat. Je cite toujours : « L’Avenir en Confiance et Calédonie ensemble estiment inacceptable qu’il y ait une différence de traitement s’agissant de l’inscription sur la LESC entre les personnes relevant du statut coutumier et les personnes de droit commun. À ce titre, l’Avenir en Confiance et Calédonie ensemble ont demandé comme en 2018 une modification de la loi organique visant à inscrire d’office les natifs ayant une durée de résidence de trois ans. »

Hélas, les résultats de la démarche alternative proposée par l’État se soldent par une catastrophe intégrale. Une commission présidée par le haut-commissaire s’est réunie le 10 janvier dernier pour un point de la situation : on a identifié 2 500 Calédoniens de statut de droit commun qui devraient être inscrits, pour la majeure partie d’entre eux, sur la liste référendaire, et qui ne le sont pas. L’administration leur a écrit pour les inviter à faire les démarches nécessaires à l’inscription. Les deux tiers d’entre eux, si ce n’est les trois quarts, n’ont pas retiré leur recommandé, voire n’ont pas été retrouvés faute d’adresse postale exploitable ! Au total, sur les 2 500 Calédoniens qui auraient dû être inscrits d’office si la loi organique l’avait prévu, 90 % d’entre eux ne seront probablement pas, au bout du compte, en situation de voter au référendum de 2020. Le Premier ministre assurait que cette démarche allait produire les mêmes effets que l’inscription d’office : le moins qu’on puisse dire est que ça n’a pas été le cas !

Une autre discrimination importante concerne les jeunes majeurs. 2 300 d’entre eux ont eu dix-huit ans au cours de l’année 2019. Ils devaient accomplir les formalités avant le 31 décembre 2019 pour s’inscrire sur la liste référendaire et avoir la possibilité de voter le 6 septembre 2020. Une moitié d’entre eux, sans doute, sont de statut coutumier et inscrits d’office. L’autre moitié de ces jeunes, qui relèvent du droit commun, ne voteront pas s’ils n’effectuent pas une démarche individuelle – et, à dix-huit ans, on ne va pas spontanément courir à la mairie. Il en ira de même des 1 200 jeunes majeurs qui auront dix-huit ans entre le 1er janvier et le 6 septembre 2020.

Autrement dit : la procédure alternative proposée par l’État lors du comité des signataires du 10 novembre 2019 se solde par un échec total. Dans ces conditions, il est permis de s’interroger, d’un point de vue politique, sur la sincérité et la légitimité du résultat des urnes le 6 septembre prochain. Cette discrimination, acceptée par l’État lors du dernier comité des signataires et qui n’existait pas à l’occasion du référendum de 2018, ne va-t-elle pas conduire une partie des Calédoniens à considérer que le vote de 2020 n’aura pas l’assise démocratique, la légitimité nécessaire pour être totalement accepté ? De manière plus fondamentale, la question est de savoir si on n’a pas créé deux couloirs, l’un alimenté de manière mécanique par des Calédoniens de droit coutumier, d’origine kanak – qui, très majoritairement, votent pour l’indépendance afin que Kanaky devienne une réalité –, et l’autre pour les Calédoniens de droit commun qui, eux, ne sont plus inscrits d’office et qui votent essentiellement pour le maintien au sein de la République. Quel sera le résultat le 6 septembre 2020 étant donné qu’on favorise les Calédoniens d’origine kanak au détriment des Calédoniens d’origine non-kanak ? Quel sera, le cas échéant, celui de septembre 2022, puisqu’on aura continué d’abonder un flux en faveur de l’indépendance au détriment d’un courant qui y est opposé ?

J’ai été un peu long, mais vous comprendrez que le sujet me tienne particulièrement à cœur. Le premier alinéa de l’article 218-3 de la loi organique du 19 mars 1999 commence par les mots : « À titre exceptionnel, l’année de la consultation qui sera organisée au cours du quatrième mandat du congrès, et sans préjudice […] », ce qui signifie que l’inscription d’office des Calédoniens de droit commun n’était prévue que pour le référendum de 2018. Nous proposons d’écrire tout simplement « L’année du scrutin, et sans préjudice […] », ce qui permettra d’appliquer cette disposition aux référendums de 2020 et 2022.

Tel est, madame la présidente, mes chers collègues, le sens de la proposition de loi organique que j’ai l’honneur de présenter devant votre Commission.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

Mme Naïma Moutchou. Je voudrais rappeler que tout ce que nous faisons ensemble pour la Nouvelle-Calédonie, et pour les Calédoniens, s’inscrit dans un souci de favoriser le dialogue et le consensus. La recherche même du consensus est la base fondamentale de la mise en œuvre de l’Accord de Nouméa. C’est notre responsabilité vis-à-vis des Calédoniens. C’est ce qui explique que le groupe La République en Marche ne votera pas cette proposition de loi.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé le processus historique dans lequel la Nouvelle-Calédonie est engagée. Je le répète souvent quand j’évoque le destin commun de tous ceux qui habitent le territoire calédonien : pour construire l’avenir, il faut se souvenir. En réponse aux propositions que vous formulez, je voudrais rappeler la genèse de la question centrale qu’il soulève : celle du corps électoral appelé à participer au référendum d’autodétermination.

Ce corps électoral ne comprend pas l’ensemble des électeurs inscrits sur la liste électorale générale. En Nouvelle-Calédonie, il existe effectivement trois listes, dont celle qui intéresse au premier chef : la liste spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, qui comprend les populations intéressées à l’avenir du territoire au sens de l’Accord de Nouméa et de l’article 77 de la Constitution.

Pour le premier référendum de 2018, le seizième comité des signataires réuni le 2 novembre 2017 avait acté le principe d’une inscription d’office des natifs de Nouvelle-Calédonie qui y résident depuis au moins trois ans. Le Gouvernement, fort de ce consensus, avait traduit cette disposition à l’article 2 de l’avant-projet de loi organique qui transcrivait en droit cet accord politique. Le comité n’ayant pas précisé si cette inscription d’office devait se limiter, ou non, à la seule consultation de 2018, l’avant-projet, en toute logique, ne prévoyait aucune restriction.

L’avis rendu par le congrès de Nouvelle-Calédonie le 23 novembre 2017 a rappelé de manière exigeante que, s’il fallait respecter le consensus atteint au comité des signataires, la procédure d’inscription d’office « doit nécessairement avoir un caractère exceptionnel lors de la procédure de révision de la liste électorale spéciale à la consultation engagée en 2018 ». Autrement dit, le congrès demandait – à l’unanimité – de réserver les cas d’inscription d’office au seul premier référendum.

Tenant compte de cet avis unanime du congrès, le Gouvernement a donc modifié la rédaction de son projet de loi organique pour indiquer que les inscriptions d’office ne valaient que pour 2018, qu’elles n’auraient pas de caractère automatique, et que la présomption de détention d’un centre des intérêts matériels et moraux était une présomption simple. Les choses étaient donc claires et connues de l’ensemble des forces politiques de Nouvelle-Calédonie. Dans le même esprit de concorde, à l’occasion de l’examen parlementaire de ce qui allait devenir la loi organique n° 2018‑280 du 19 avril 2018, l’article correspondant fut adopté au Sénat sans débat particulier ; il en alla de même à l’Assemblée nationale. Vous aviez d’ailleurs pris la parole, monsieur le rapporteur, comme notre collègue Philippe Dunoyer, pour saluer le consensus qui a permis l’adoption de cette disposition. Vous aviez raison dans la mesure où la voie de l’accord sera toujours la meilleure.

À l’occasion du retour d’expérience sur le référendum par les forces politiques calédoniennes, environ un mois après le premier scrutin, la question de l’inscription d’office pour les deux autres référendums éventuels n’a jamais été évoquée. Le relevé de conclusions du comité des signataires du 14 décembre 2018 exclut même l’hypothèse d’une nouvelle révision de la loi organique : « Les partenaires ont échangé sur ces points. Ils sont convenus que, sans modifier la loi organique, et dans l’hypothèse d’une seconde consultation, des améliorations réglementaires et techniques à ces dispositifs pourraient être envisagées. »

Il n’y avait pas encore, à ce moment, de difficulté particulière. La question de la révision ou de l’actualisation de la liste référendaire ne s’est posée que récemment. Vous proposez aujourd’hui, monsieur le rapporteur, une nouvelle dérogation électorale pour les consultations à venir même si, vous le savez, d’autres forces politiques s’y opposent. Il faut prendre acte, me semble-t-il, de cette divergence majeure : force est de constater qu’il n’existe pas à ce jour de consensus autre que celui qui s’est dégagé en 2017, matérialisé par la loi organique en son temps. Et, au-delà du consensus politique, il n’y a pas davantage d’argument juridique de nature à nous convaincre de voter en faveur de votre proposition de loi.

Cela étant, vous soulevez une question qui ne doit pas être éludée : le fait que les inscriptions d’office ne soient pas reconduites en vue du prochain référendum entraînerait-il une forme de rupture d’égalité, donc une fragilité juridique ? Les plus hautes juridictions ont répondu par la négative. Le Conseil d’État, d’abord, saisi de la loi organique du 19 avril 2018, n’a formulé aucune objection au fait que la nouvelle inscription d’office soit circonscrite au scrutin de 2018. Le Conseil constitutionnel, ensuite, a confirmé la constitutionnalité du dispositif. En particulier, il n’a pas jugé que la disposition contrevenait au principe d’égalité devant la loi. Il n’y a donc pas d’obstacle juridique, pas plus que de vide juridique au détriment des Calédoniens qui pourraient être inscrits sur la liste référendaire et qui ne le sont pas.

Je rappelle que, conformément au droit en vigueur, la deuxième consultation sera soumise aux dispositions suivantes : tous ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui y résident depuis plus de trois ans sont présumés intéressés par la consultation, comme le dispose la loi organique statutaire. La volonté de l’État, ainsi que l’a rappelé le Premier ministre le 10 octobre 2019 en clôture du dix-neuvième comité des signataires, est que tous les électeurs soient identifiés et contactés personnellement afin de les inciter à s’inscrire. Le haut-commissaire s’est engagé dans un plan d’accompagnement et d’encouragement à l’inscription qui concerne deux catégories de personnes : d’une part, celles qui sont présentes sur la liste électorale générale depuis 2017 mais absentes de la liste référendaire dont le nombre est évalué, d’après les chiffres dont je dispose, à 914 ; d’autre part, les personnes présentes sur les fichiers sociaux de manière continue depuis trois ans mais absentes des listes, au nombre de 1 606. Un travail minutieux a été mené sur place ; les groupes politiques ont été informés régulièrement, à chaque nouvelle étape, de l’avancement des travaux.

Enfin, le risque existe, si votre proposition de loi organique devait être adoptée, que la date du référendum du 6 septembre ne soit pas tenue, entre les aléas du calendrier parlementaire, la saisine du Conseil constitutionnel et la période complémentaire de sept semaines minimum de révision des listes électorales.

Les conditions politiques, juridiques et même pratiques ne sont donc pas réunies pour justifier que nous nous écartions de la route balisée en 2017. Nous rejetterons cette proposition de loi.

M. Philippe Gosselin. C’est un sujet délicat qui nous réunit ce matin. Nous connaissons tous l’extrême sensibilité du dossier calédonien : compliqué, douloureux, chargé de symboles. Il ne faudrait pas qu’en voulant bien faire, nous bousculions des équilibres précaires. Les résultats du premier référendum de 2018, en ne répondant pas exactement aux attentes de certains, ont malmené des certitudes. C’est ce qui a conduit le dix-neuvième comité des signataires à se séparer, à la fin de l’année 2019, sur un constat de désaccord concernant l’inscription d’office sur les listes électorales. Depuis l’origine, ce sujet pose bien des questions, à tel point que nous nous retrouvons avec trois corps électoraux, situation à ce point exorbitante du droit commun qu’il nous a fallu modifier la Constitution. Dans un contexte aussi délicat, chacun d’entre nous marche sur des œufs en veillant à ne pas jeter de l’huile sur le feu.

Pour résumer, sans doute maladroitement, la situation, nous avons le choix entre deux options : ou bien nous tenons compte des décisions – ou plutôt de l’absence de décision – du dernier comité des signataires ; ou bien nous nous raccrochons, sinon à la lettre, du moins à l’esprit des institutions et à l’exigence de sincérité du scrutin qui se juge notamment au bon déroulement des opérations, unanimement salué en 2018. Se pose aussi la question de la légitimité, qui repose sur l’acceptation du corps électoral, en tenant compte des singularités locales et en nous inscrivant dans le cadre plus large de la République française et de l’égalité d’accès au scrutin.

Le comité des signataires et la loi organique du 19 avril 2018, qui avait fait suite à l’accord, ayant reconnu une égalité d’accès entre les Calédoniens de droit commun et ceux de statut coutumier, il me paraît assez logique d’étendre la possibilité d’inscription d’office à la deuxième consultation – et le cas échéant à la troisième – pour ne pas attenter à l’exigence d’égalité. Au demeurant, cette disposition ne bouleverserait pas le corps électoral existant, qui reste un corps particulier appelé à se déterminer sur la pleine souveraineté de cet archipel. Elle ne concernerait, selon les chiffres que chacun avance et les données du dernier recensement, guère que 3 000 à 4 500 personnes. Si les enjeux symboliques et juridiques de la mesure sont réels, elle n’est clairement pas de nature à faire basculer le résultat du scrutin.

Dans ces conditions, même en l’absence d’accord, nous ne trahirions, me semble-t-il, ni les accords de Matignon ni les conclusions du seizième comité des signataires, en faisant droit à cette demande d’égalité entre les citoyens. Pour ces raisons, sans vouloir jouer les apprentis sorciers et sans allumer quelque mèche que ce soit, le groupe Les Républicains apportera son soutien à cette proposition de loi organique.

M. Philippe Latombe. Comme cela a été dit, la Nouvelle‑Calédonie est depuis les années 1980 engagée dans un processus d’autodétermination à la suite des accords de Matignon et de l’Accord de Nouméa, lequel a défini le principe d’un référendum sur l’accession à la pleine souveraineté aux modalités fixées par la loi organique du 19 mars 1999. Un corps électoral spécifique a été défini à cette occasion : seules pourraient participer au scrutin les personnes répondant à des conditions précises de naissance, de résidence et de centre d’intérêts matériels et moraux. Le 4 novembre 2018, un premier référendum a abouti au rejet de l’indépendance par plus de 56 % des suffrages exprimés. Conformément à l’Accord de Nouméa, des élus du congrès ont demandé la tenue d’un deuxième référendum dont la date a été fixée au 6 septembre 2020.

La proposition de loi organique que nous examinons vise à modifier la loi organique du 19 mars 1999 afin d’étendre une dérogation prévue pour le référendum de 2018 aux deux référendums à venir en 2020 et 2022. Il s’agit d’inscrire d’office sur la liste référendaire des natifs de la Nouvelle‑Calédonie, présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux, dès lors qu’ils y ont été domiciliés de manière continue pendant trois ans.

Le groupe Modem et apparentés est défavorable à cette évolution. Le maintien de la dérogation n’a été ni demandé, ni validé par le comité des signataires – l’instance chargée du suivi de l’Accord de Nouméa. En outre, l’adoption de la proposition de loi organique conduirait à un report du référendum prévu en septembre prochain, alors même que cette date est issue d’un compromis. Compte tenu de la sensibilité des enjeux, il n’apparaît pas opportun que le législateur national interfère en l’absence de consensus local. La dérogation permettant l’inscription d’office sur la liste référendaire des personnes relevant du droit commun natives de Nouvelle‑Calédonie et y détenant le centre de leurs intérêts matériels et moraux avait été prévue uniquement pour le premier référendum.

Pour ces raisons, mon groupe votera contre la proposition de loi.

M. Hervé Saulignac. Cette proposition de loi touche un sujet important : l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle‑Calédonie, dont chacun connaît l’histoire parfois chaotique, parfois douloureuse. Je serais tenté de dire qu’à enjeux démocratiques exceptionnels, moyens exceptionnels et surtout mesures exceptionnelles pour éviter toute forme de contestation et tout procès en illégitimité, même si je ne méconnais pas la nécessité de tenir le calendrier. À l’évidence, la bonne intention de l’État n’a pas produit les résultats escomptés : la consultation risque de faire l’objet de contestations.

De notre point de vue, l’inscription d’office sur une liste électorale ne peut être vue comme une mesure de nature à entraîner une rupture d’égalité ou une forme de manipulation : personne ne serait fondé à faire un tel procès. Rappelons également que ce débat revient de manière récurrente en métropole. Les décisions prises – je pense notamment à la loi n° 2016‑1048 du 1er août 2016 – ne l’ont pas toujours été dans un parfait consensus. Le législateur a moins cherché l’unanimité que l’intérêt général et le bon fonctionnement de la démocratie.

Ce sont ces éléments qui doivent guider notre réflexion : l’intérêt général, la sincérité du scrutin, l’implication maximale des Calédoniens dans une consultation majeure. Considérant que la proposition de loi organique répond à ces trois points, nous lui apporterons notre soutien.

M. Michel Zumkeller. Un chiffre résume l’enjeu de l’inscription d’office des électeurs calédoniens appelés à voter pour les prochains référendums d’auto‑détermination : le résultat du précédent référendum, où l’indépendance a été rejetée par 78 734 voix contre 60 199. L’indépendance de la Nouvelle‑Calédonie ou son maintien au sein de la République française se jouait hier à 18 000 voix. Si le référendum du 6 septembre prochain voit une nouvelle fois le choix de la France remporter la majorité des suffrages, il y aura une nouvelle consultation en 2022. Le chemin est donc long et les équilibres entre les forces en présence fragiles. C’est pourquoi toute modification des contours du corps électoral se doit d’être incontestable.

Face à des enjeux aussi cruciaux, imaginerait‑on mettre au bilan de cette législature la perte de la Nouvelle‑Calédonie ? La question de l’inscription sur les listes électorales est absolument centrale. Or, pour assurer la sincérité du scrutin, porteur d’enjeux aussi conséquents que ceux attachés à l’indépendance ou à la pleine souveraineté d’un territoire, il est nécessaire que la consultation soit la plus large possible tout en répondant à des règles de légitimité du corps électoral appelé à se prononcer. C’est pourquoi les deux procédures d’inscription d’office entérinées par le comité des signataires en 2017 et transcrites dans la loi organique du 19 avril 2018 étaient des mesures de bon sens, politiquement justes. Le Conseil constitutionnel avait d’ailleurs validé ces options en affirmant que le législateur organique avait entendu favoriser la participation la plus large possible à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.

Le dix-neuvième comité des signataires, réuni à Matignon le 10 octobre 2019, a pourtant fixé les modalités de préparation de la seconde consultation en rupture avec l’équilibre issu de l’accord politique entre indépendantistes et non‑indépendantistes deux ans plus tôt. Si le principe que les électeurs nés en Nouvelle‑Calédonie et y résidant depuis au moins trois ans sont présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux a été confirmé, leur inscription d’office n’a pas fait l’objet d’une reconduction. La proposition du Premier ministre en faveur d’une campagne de sensibilisation est bienvenue ; l’efficacité de cette démarche incitative ne saurait être comparée à celle d’une inscription d’office par les commissions administratives spéciales. Ces dissymétries constituent une rupture d’égalité en faveur des électeurs de statut coutumier, toujours inscrits d’office quand l’électeur de statut civil de droit commun ne pourra valablement se prononcer sur l’avenir de son territoire sans une démarche préalable.

Le rapporteur propose la reconduction, avant chacune des consultations sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle‑Calédonie, de l’inscription d’office sur la liste référendaire des électeurs nés en Nouvelle‑Calédonie, qui y demeurant de manière continue depuis au moins trois ans sont présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutient vivement cette démarche sans laquelle le scrutin à venir ne saurait bénéficier des meilleures conditions de légitimité et de sincérité.

M. Paul Molac. Le groupe Libertés et Territoires est profondément attaché à l’esprit et à la lettre de l’Accord de Nouméa, qui a ramené sérénité et dialogue en Nouvelle‑Calédonie. En ce sens, nous pensons que toute modification porte en elle les germes de difficultés.

Le dix-neuvième comité des signataires, réuni le 10 octobre 2019, a conclu à un accord entre des indépendantistes et une majorité de loyalistes – pas tous, il est vrai. Pourquoi reviendrions‑nous sur un accord local sachant que les ressortissants d’origine européenne ont reçu de l’État un document les incitant à s’inscrire sur la liste référendaire ? Cette inscription est rendue beaucoup plus difficile pour les autochtones dont l’habitat est bien plus diffus, voire mobile. Le compromis trouvé me semblant bon, il ne faut pas le remettre en cause.

Le groupe Libertés et territoires s’opposera à la proposition de loi.

M. Moetai Brotherson. Avant toute chose, je tiens à remercier les intervenants pour avoir tous souligné le caractère délicat du dossier.

La Nouvelle‑Calédonie et la Polynésie française ont deux histoires parallèles, à telle enseigne qu’elles sont toutes deux inscrites sur la liste établie par les Nations unies des territoires à décoloniser – la Nouvelle‑Calédonie depuis 1986 et la Polynésie française depuis 2017. Il convient de considérer non seulement la perspective nationale, mais également ce qu’en pense la communauté internationale.

Tout comme M. Paul Molac, je suis très attaché à l’esprit et à la lettre de l’Accord de Nouméa. Il faut d’ailleurs saluer la sagesse qui avait prévalu de la part du Premier ministre socialiste de l’époque. Cette sagesse, je l’ai retrouvée dans la manière dont le Premier ministre et le Gouvernement actuels ont accompagné le premier référendum – comme quoi on peut être de l’opposition et dire de temps en temps du bien de la majorité.

Lorsque cette proposition de loi organique s’est profilée dans notre horizon législatif, j’ai cherché à savoir si des auditions avaient été menées. Je n’en ai pas trouvé la moindre trace. Il serait pourtant bon d’avoir l’avis de tout le monde. La Nouvelle‑Calédonie étant à un petit « vol d’oiseau » de la Polynésie, j’y ai contacté mes nombreux amis, aussi bien au FLNKS que dans le camp loyaliste, pour savoir ce qu’ils pensaient de cette proposition. Force est de constater que le FLNKS y est totalement opposé, mais qu’elle ne fait pas pour autant consensus dans le camp loyaliste : certains, que je ne rejoins pas, vont jusqu’à la soupçonner d’être motivée par d’autres perspectives électorales plus proches. Reste qu’une majorité sur le terrain y est opposée !

C’est la raison pour laquelle le groupe GDR ne la soutiendra pas.

M. Philippe Gomès, rapporteur. Je remercie l’ensemble des collègues qui se sont exprimés.

Avant toute chose, je souhaite revenir un instant sur le dispositif actuel pour que vous compreniez à quel point il peut être perçu douloureusement non pas par les « Européens » – puisque j’ai entendu cette expression – mais par tous les Calédoniens de statut de droit commun qui ont rejoint la Nouvelle‑Calédonie au cours des cent soixante dernières années. Ils proviennent de toutes origines : à côté des Calédoniens de souche européenne issus de la colonisation pénale ou de la colonisation libre, il y a des Calédoniens de souche asiatique, japonaise, chinoise ou vietnamienne, issus de l’immigration de main d’œuvre venue travailler dans les mines de nickel à la fin du XIXe siècle ; il y a aussi les Calédoniens de souche polynésienne, wallisienne et futunienne, venus construire le pays tout au long du XXe siècle. Et bien évidemment, il y a toute la population métissée qui représente au moins un tiers de la population totale. Aussi est-ce bien de Calédoniens de statut de droit coutumier, d’origine kanak, et de Calédoniens de statut de droit commun que nous parlons !

Le dispositif adopté en 2018, qui avait fait l’objet d’un consensus, visait à régler le problème politique soulevé par les indépendantistes dans le cadre du scrutin relatif à l’accession à la pleine souveraineté. Ils avançaient à l’époque le nombre de 20 000 Kanak non inscrits sur les listes électorales, ce qui leur aurait interdit de reconnaître le résultat du référendum. Or, on sait qu’un résultat non reconnu conduit aussitôt à des boycotts actifs ou passifs, avec toutes les conséquences qui en découlent. Il était de notre responsabilité de trouver le moyen de sortir par le haut de cette problématique politique tout à fait particulière. C’est ainsi qu’a été avancée à l’époque l’idée d’une inscription d’office de tous les Calédoniens sur la liste électorale générale, ce qui permettait d’inscrire d’office les Calédoniens d’origine kanak sur la liste référendaire. Cependant, en ne traitant que le problème indépendantiste, on créait une discrimination inacceptable à l’égard des autres Calédoniens. C’est pourquoi un dispositif d’inscription d’office des Calédoniens de statut de droit commun sur la liste référendaire avait été prévu. Toutefois, si nous avons définitivement réglé le problème des Calédoniens d’origine kanak, qui continuent de bénéficier de la procédure créée alors, nous en avons suscité un autre avec les Calédoniens de droit commun, puisqu’ils ne sont plus inscrits d’office sur la liste référendaire.

Si je suis revenu aux sources du dispositif, c’est pour montrer que les formations politiques non indépendantistes ont témoigné d’une volonté collective d’apporter une solution au problème indépendantiste pour assurer la sincérité du scrutin. Nous pouvons d’ailleurs nous réjouir du résultat qui a été reconnu par tous, notamment par les Nations-unies.

Il n’en reste pas moins que nous abordons la consultation référendaire de 2020 avec une discrimination majeure. Dès le comité des signataires de 2017, l’UC‑FLNKS, la principale formation politique indépendantiste avec le Palika, s’était montrée réticente à l’inscription d’office des Calédoniens de statut de droit commun. Si elle est d’accord sur le processus politique, elle ne l’est pas sur la modification de la loi organique. Vous comprendrez que, dans ces conditions, le congrès, qui n’est pourtant composé que de cinquante‑quatre élus, ait passé vingt‑six heures sur l’examen d’un seul article… Ce sont des sujets extrêmement sensibles, que l’on aborde en responsabilité, sans chercher à faire de la petite politique politicienne comme on le constate parfois ailleurs.

Étant donné les réticences de l’Union calédonienne sur la modification de la loi organique, tout le débat visait à circonscrire l’inscription des Calédoniens de droit commun à l’année de la première consultation référendaire. Pour commencer, rien ne disait qu’il y en aurait d’autres, et encore fallait-il qu’elles soient demandées ! Certains indépendantistes, persuadés qu’il n’y aurait qu’un seul référendum qui consacrerait l’indépendance de Kanaky, ne voyaient pas l’intérêt de perdre son temps dans ces affaires. D’autres indépendantistes, quant à eux, ne voyaient pas d’inconvénient à ce que l’inscription soit automatique pour les trois consultations prévues. M. Charles Washetine, porte‑parole du Palika, rappelait ainsi la possibilité d’une pluralité de référendums et l’importance, dès lors, de ne pas évoquer uniquement la consultation de 2018, mais de se référer à la notion de consultation générale sur la sortie de l’Accord de Nouméa. Le problème n’étant pas le Palika, mais l’Union calédonienne, nous avons fini par proposer à l’État de réécrire l’article pour trouver un point d’équilibre qui la satisfasse, en nous permettant d’aller plus sereinement vers le référendum de 2018.

Le dernier comité des signataires n’est pas parvenu à un consensus, contrairement à ce qu’ont affirmé plusieurs d’entre vous. C’est d’ailleurs bien ce qui le distingue des précédents ! C’est aussi pour cela que je me suis permis de déposer cette proposition de loi organique. Le relevé de décision est clair : « L’Avenir en Confiance et Calédonie ensemble – qui comptent tout de même vingt‑quatre élus au congrès de la Nouvelle‑Calédonie – estiment inacceptable qu’il y ait une différence de traitement s’agissant de l’inscription sur la LESC entre les personnes relevant du statut coutumier et les personnes de droit commun. » C’est tout de même la marque d’un vrai désaccord de fond, non une nuance cosmétique ! À ce titre, l’Avenir en confiance et Calédonie ensemble ont demandé, comme en 2018, une modification de la loi organique, visant à inscrire d’office les natifs résidant depuis au moins trois ans en Nouvelle‑Calédonie. Je ne sais pas quelles sont les sources, visiblement peu fiables, des collègues intervenus au titre des groupes GDR et Libertés et territoires, mais la totalité – je dis bien la totalité ! – des élus non indépendantistes du congrès sont opposés à la discrimination actée lors du dernier comité des signataires. Ils ont d’ailleurs rédigé à destination du président de l’Assemblée nationale une lettre indiquant qu’ils soutenaient la proposition de loi organique que je défends ce matin. Il ne serait, du reste, pas inutile de la diffuser aux membres de notre Commission pour leur parfaite information, ne serait-ce que pour rectifier des positions erronées.

Le comité des signataires n’ayant pas trouvé de solution, l’État a proposé une procédure permettant de faire comme si les citoyens de statut de droit commun pouvaient être inscrits d’office. Si c’était regrettable sur le plan des principes, cela permettait de se montrer pragmatique dans la mesure où le résultat devait être le même. C’est exactement ce qu’a dit le Premier ministre, qui a pris la peine de présider le dernier comité des signataires pendant une douzaine d’heures, en proposant un dispositif de détection exhaustive des électeurs concernés associé à une démarche incitative de l’État à leur endroit.

Mais, trois mois plus tard, nous connaissons le résultat : c’est un désastre. Les chiffres ont été dévoilés lors de la dernière réunion au haut‑commissariat de la République en Nouvelle‑Calédonie, le 10 janvier.

Sur 1 606 Calédoniens natifs de droit commun – ceux dont nous demandons l’inscription d’office – nouvellement répertoriés dans les fichiers sociaux, 553 n’ont pas pu être contactés. Sur 1 053 courriers qui ont été envoyés, seuls 490 ont atteint leur destinataire car une centaine n’a pas pu être distribuée et 442 n’ont pas été réclamés. Sur les quelque 500 personnes qui ont reçu le courrier, combien vont constituer leur dossier d’inscription ?

En ce qui concerne les 940 natifs de droit commun inscrits sur la liste électorale générale en 2017 et non inscrits sur la liste référendaire, 228 courriers ont pu être remis – soit moins d’un quart –, 504 n’ont pas été réclamés et 208 n’ont pas été distribués…

Nous en sommes donc au point où moins d’un tiers – et même plutôt un quart – des Calédoniens concernés ont pu être contactés. Au bout du compte, tout porte à croire que seulement 5 % à 10 % du total de ceux qui auraient dû être inscrits d’office finiront par s’inscrire. La proposition de l’État est donc un échec total. On n’aboutit pas du tout au même résultat que celui qu’on aurait pu espérer dans le cadre d’une inscription d’office.

Je remercie M. Philippe Gosselin de la position exprimée en son nom ou en celui du groupe Les Républicains. Oui, c’est une rupture d’égalité : on ne rend pas service à la Nouvelle-Calédonie en la cautionnant au Parlement. Oui, il faut la réparer. Cela n’aurait d’ailleurs rien de nouveau : cela a déjà été fait en 2018. Ce n’est pas une atteinte extraordinaire et irrémédiable : il s’agit de la même consultation, auprès du même corps électoral, renouvelée en 2020.

M. Philippe Latombe s’est inquiété de la date du référendum, prévue pour le 6 septembre, craignant que l’on n’ait pas le temps de respecter le calendrier. Je rappelle que le Conseil d’État a émis un avis sur cette question, indiquant que la date-limite pour l’organisation du référendum était le 3 novembre 2020. On dispose donc du temps nécessaire, si on le veut, une fois la proposition de loi adoptée, pour mettre en place la procédure dans les délais légaux, dès lors que l’on décale légèrement la date de la consultation en la faisant passer du 6 septembre au 3 novembre 2020. Décider si l’on sort ou pas de la République, cela mérite de prendre les quelques semaines nécessaires pour assurer la sincérité du scrutin.

Je remercie également Hervé Saulignac et Michel Zumkeller pour leurs interventions. Oui, le risque le plus important est celui de l’illégitimité du résultat : si une part de la population calédonienne – celle qui est défavorable à l’indépendance et qui est composée principalement de Calédoniens de statut civil de droit commun – considère que le résultat du 6 septembre 2020 n’est pas légitime parce que les uns ont été avantagés par rapport aux autres, non seulement on n’aura pas réglé un problème, mais on en aura créé un autre. Oui, la question de la légitimité des résultats est essentielle.

Enfin, monsieur Molac, je répète que la totalité des non-indépendantistes qui siègent au congrès sont défavorables au dispositif acté par l’État au comité des signataires. Aucun compromis n’a été trouvé ; c’est au contraire un constat de désaccord qui a été fait, ce qui est exceptionnel, puisque, habituellement, au bout du compte, et même si cela prend du temps, on trouve une voie médiane.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments d’information que je souhaitais porter à votre connaissance à la suite de vos interventions – dont je vous remercie.

M. Éric Diard. Je salue les explications données par le rapporteur. J’avais eu le plaisir de discuter avec lui de la situation de la Nouvelle-Calédonie avant le premier référendum. Il m’avait donné des explications très précises, aussi bien concernant la situation que son évolution. Je voudrais saluer sa tempérance.

Je pense qu’il est légitime de rétablir l’équité avec l’inscription d’office des Calédoniens de statut civil de droit commun. Tout comme mon collègue Philippe Gosselin, je soutiens donc évidemment cette proposition de loi.

La Commission aborde l’examen de l’article unique de la proposition de loi.

Article unique (art. L. 218‑3 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie) : Inscription d’office sur la liste électorale spéciale des électeurs nés en Nouvelle-Calédonie et présumés y détenir le centre de leurs intérêts matériels et moraux

La Commission est saisie de l’amendement de suppression CL1 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Tout a été dit : l’amendement est défendu.

M. Philippe Gomès, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article unique est supprimé.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La suppression de l’article unique vaut rejet de la proposition de loi organique par la Commission. En conséquence, le texte sera examiné dans les termes de son dépôt le jeudi 30 janvier prochain. Monsieur le rapporteur, nous vous remercions.

M. Philippe Gosselin. Le résultat est ce qu’il est et, compte tenu des débats, malheureusement, un autre n’était pas envisageable. Mais peut-être pourrions-nous, dans l’intérêt collectif, au-delà des sensibilités des uns et des autres, nous retrouver d’ici à jeudi prochain. Prenons bien garde à ne pas faire de la Nouvelle-Calédonie un enjeu de politique politicienne – et en disant cela, je ne décoche aucune flèche aux précédents orateurs, car tout le monde fait très attention. Mais je tiens à rappeler que les principes d’égalité et de sincérité du scrutin sont vraiment essentiels.

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*     *

La Commission examine la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État (n° 1803 rectifié) (M. Thierry Benoit, rapporteur).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous sommes saisis de la proposition de loi visant à interdire le cumul d’une pension de retraite et d’une indemnité d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel et dans les agences de l’État. Cette proposition de loi a été déposée par le groupe UDI dans le cadre de son ordre du jour réservé et est rapportée par M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Merci à vous, Madame la présidente, et aux membres de la commission des Lois, de m’accueillir afin d’examiner cette proposition de loi qui est relative, dans sa version initiale, à l’interdiction du cumul des pensions de retraite et des indemnités d’activité pour les personnes nommées au Conseil constitutionnel, dans les autorités administratives et publiques indépendantes et dans les agences de l’État.

Je me suis penché sur cette question pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est que j’en suis à mon troisième mandat de député. L’expérience aidant, j’ai découvert, au fil des ans, des pratiques dont, il y a treize ans, lorsque je suis arrivé à l’Assemblée nationale, j’ignorais l’existence. Je veux parler d’un certain nombre d’exceptions qui méritent d’être corrigées.

L’élément déclencheur de ce texte est survenu au moment du grand débat national, voulu par le Président de la République et auquel ont participé, outre le Président de la République lui-même, les membres du Gouvernement et les députés. À maintes reprises, nos concitoyens ont pointé ce qu’ils considéraient comme des anomalies, un manque de transparence et de clarté dans certaines pratiques ayant cours au plus haut sommet de l’État. Pour ma part, j’ai toujours été très sensible à tout ce qui militait pour plus de transparence, d’équité, de justice et d’exemplarité s’agissant aussi bien du comportement des élus que de ce qui touche à la sphère publique et à la gestion des deniers publics – car, avec cette proposition de loi, naturellement, on parle de la bonne utilisation de l’argent public. C’est pour cette raison qu’il y a un an j’ai rédigé, avec la collaboratrice de mon groupe, que je remercie de son aide précieuse, et avec mon collaborateur personnel, une proposition de loi ordinaire et une proposition de loi organique que nous avons ensuite soumises à la signature des autres députés. Plus de cent soixante collègues, issus de tous les bancs, ont cosigné le texte que nous examinons aujourd’hui.

Initialement, ma proposition de loi visait à supprimer la dérogation permettant aux personnalités nommées au Conseil constitutionnel, dans les autorités administratives et publiques indépendantes et dans les agences de l’État de cumuler allègrement des sommes pouvant se chiffrer en dizaines de milliers d’euros. Dans mes travaux, je me suis appuyé notamment sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux autorités administratives indépendantes (AAI) et aux autorités publiques indépendantes (API). Je me suis fondé également sur les travaux de la commission d’enquête sénatoriale de 2015, dont le rapporteur était M. Jacques Mézard, lequel, depuis lors, a participé au gouvernement d’Édouard Philippe et siège désormais au Conseil constitutionnel. Son rapport est riche d’enseignements. Je me suis aussi servi d’éléments de réflexion qui m’ont été remis, à ma demande, par la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP). Enfin, je me suis fondé sur les travaux de l’Observatoire de l’éthique publique, présidé par M. René Dosière, député honoraire.

Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas de régler des comptes avec qui que ce soit : je n’ai aucun problème avec la fonction publique, encore moins avec les fonctionnaires eux-mêmes. Notre proposition de loi ne vise pas à réviser la grille de rémunération des fonctionnaires ; il s’agit de mettre fin à des règles dérogatoires au droit commun, à des exceptions qui permettent à certaines personnalités de cumuler intégralement leur rémunération et leur pension de retraite, mais également à l’« opacité » et à l’« entre-soi » qu’évoquait le rapport de la Cour des comptes. La Cour, de même que la commission d’enquête sénatoriale, pointait aussi le fait que certaines pratiques manquaient de contrôle. Or qui doit exercer ce contrôle ? Selon moi, c’est aux parlementaires, plus précisément aux députés, qu’il revient de le faire.

Au fil de mes travaux, il m’est apparu essentiel de limiter, dans un premier temps, la proposition de loi aux autorités administratives indépendantes et aux autorités publiques indépendantes : je fais le choix de mettre de côté, à dessein, les neuf membres du Conseil constitutionnel, afin de faire un pas en direction du Gouvernement. Il n’aura échappé à personne que, lorsqu’il prépare un projet de loi, le Gouvernement a derrière lui toute une administration pour travailler sur le texte, tandis que, quand un député dépose une proposition de loi, il n’a pour l’aider qu’un seul administrateur de l’Assemblée nationale – dont je me permets de saluer la très grande qualité. De ce fait, une proposition de loi a nécessairement, par nature, des ambitions modestes par rapport à un projet de loi. Je ne prétends pas tout révolutionner. De toute façon, vouloir tout changer du jour au lendemain, c’est la meilleure manière pour que rien ne change… C’est pour cela que je propose d’être pragmatique, très mesuré et de finalement nous concentrer sur un objet particulier, en l’occurrence les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

Étant, par leur nature même, indépendantes, les AAI et les API ne sont pas rattachées directement à un ministère. Je ne trouve rien à redire à leur fonctionnement en lui-même. On compte vingt-cinq autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes, qui regroupent à peu près 3 000 agents, pour un budget global de 600 millions d’euros. Les 3 000 fonctionnaires employés par ces autorités ne sont pas concernés par les dispositions du texte, lesquelles visent uniquement les personnalités nommées.

L’article 1er met fin à la dérogation qui permet à ces dernières de cumuler intégralement pension de retraite et indemnité d’activité.

L’article 2, quant à lui, vise à plafonner la rémunération des membres de ces autorités, notamment celle de leurs présidents, qui ne pourront plus percevoir une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Même s’il ne s’agit pas ici d’attaquer des personnes, disons les choses, d’autant que le fait en question est de notoriété publique : au moment du grand débat national voulu par le Président de la République, il a été révélé que la présidente de la Commission nationale du débat public touchait une rémunération relativement élevée, qui pouvait interpeller nos concitoyens, voire les choquer – à tel point que cette commission n’a pas été en mesure d’animer le grand débat, ce qui pose question.

L’article 3 visait à renforcer la transparence en prévoyant de communiquer au Parlement les rémunérations des membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État. Or il a été satisfait par l’adoption d’un amendement que j’avais déposé, au nom du groupe UDI, dans le cadre de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, il y a quelques mois. Cette disposition, qui a été adoptée par des députés de tous les groupes politiques, puis confirmée au Sénat, est devenue l’article 95 de la loi de transformation de la fonction publique. Je proposerai donc la suppression de l’article 3.

J’invite celles et ceux qui en auront le loisir entre nos travaux en commission et l’examen du texte dans l’hémicycle dans une semaine, le jeudi 30 janvier, à lire le rapport de la Cour des comptes que j’évoquais. Celui-ci distingue l’indépendance fonctionnelle des AAI et des API, qui doit être respectée, et l’autonomie de gestion en matière administrative et financière, qui doit être encadrée : certaines de ces autorités indépendantes sont qualifiées d’OVNI juridiques : de fait, il y a matière à questionnement et à contrôle.

Le Gouvernement, par la voix du ministre chargé de la fonction publique, m’a fait savoir que le problème du cumul entre la pension de retraite et les indemnités perçues allait être réglé car il allait très prochainement, dans les heures ou les jours à venir, publier un décret. Mais je conteste cette proposition : le décret, par nature, dépend du bon vouloir de la haute administration et des ministres ; ce n’est pas le Parlement – notamment les députés – qui va fixer les conditions. Le décret pourra par ailleurs retenir des règles dérogatoires du droit commun. Ma proposition de loi, que vous avez été 160 à cosigner, vise quant à elle à soumettre tous les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes au droit commun. Or celui-ci permet tout à fait de cumuler, dans une certaine mesure, retraite et rémunération. En effet, l’article L. 85 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le montant brut des revenus d’activité perçus « ne peut, par année civile, excéder le tiers du montant brut de la pension pour l’année considérée », auquel s’ajoute un montant forfaitaire égal à la moitié du minimum garanti. Il existe donc un cadre bien précis, notamment pour les retraités des fonctions publiques, qui leur permet de cumuler retraite et indemnités. Ce cadre doit s’appliquer à tous les fonctionnaires, quelle que soit leur catégorie, y compris aux hauts fonctionnaires.

Ma proposition de loi, enfin, correspond tout à fait aux objectifs affichés par le Président de la République, le Gouvernement et la majorité présidentielle, à savoir l’équité, la transparence et la justice. Je salue notamment la décision du Président de la République de ne pas faire valoir ses droits à retraite spécifiques à la fin de son mandat – soit parce qu’il n’en solliciterait pas un nouveau, soit parce qu’il ne serait plus président en 2022. J’indique également que plusieurs d’entre nous ont demandé que le régime de retraite des députés soit aligné sur le régime général, ce qui relève d’une décision du bureau de l’Assemblée nationale. Pour ma part, j’avais écrit dès 2010 un courrier en ce sens au président de l’Assemblée nationale de l’époque, Bernard Accoyer. Ce courrier, que je tiens à votre disposition, cosigné par Charles de Courson et Philippe Vigier, s’est vu opposer une fin de non-recevoir. J’ai écrit une nouvelle fois, au cours de mon deuxième mandat, au président Claude Bartolone pour lui demander l’alignement du régime de retraite des députés sur le régime général.

Mme Cécile Untermaier. Ce que nous avons fait.

M. Thierry Benoit, rapporteur. La proposition que je défends devant vous aujourd’hui, en espérant vivement qu’elle deviendra nôtre, s’inscrit dans le droit fil de cette démarche.

M. Guillaume Vuilletet. Mon intervention sera quelque peu paradoxale, car je vais dire beaucoup de bien du travail du rapporteur, tout en indiquant que nous voterons contre sa proposition à la fin.

M. Philippe Gomès. Nous en avons l’habitude ! (Sourires.)

M. Guillaume Vuilletet. Il ne faut pas dire des choses pareilles…

Force est de vous reconnaître, monsieur le rapporteur, le bénéfice de l’antériorité, mais également l’opiniâtreté dont vous faites preuve sur ces questions. Je vous remercie, par ailleurs, des mots aimables que vous avez eus à l’égard du Président de la République et de la majorité. Le Président, qui sera un jour, c’est certain, un ancien président, s’est effectivement engagé à renoncer aux avantages traditionnellement réservés aux anciens locataires de l’Élysée en matière de retraite. La majorité, quant à elle, en début de législature, a voté, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, un certain nombre de dispositions visant à nous rapprocher d’abord du statut général des fonctionnaires en matière de retraites, puis, demain, du droit commun.

Comme vous l’avez signalé, vous avez déposé cette proposition de loi il y a plus d’un an. Or, entre-temps, du fait notamment de son existence et de votre effort de conviction, un certain nombre de choses ont beaucoup avancé, en particulier durant l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique.

J’évoquerai d’abord les articles 1er et 3, et garderai le meilleur pour la fin, à savoir l’article 2, qui constitue le cœur de nos discussions.

En ce qui concerne l’article 1er, vous l’avez dit, un décret est en préparation, dont le contenu doit je crois nous être communiqué avant la séance du 30 janvier – j’ai cru comprendre que le ministre s’y était engagé –, ce qui doit nous permettre de débattre sur ce texte. Un décret n’est pas un acte administratif anodin : attendons de connaître le contenu de celui-ci avant de conclure s’il revient à la représentation nationale de se prononcer elle-même pour remédier au problème que pose, de l’avis unanime, le cumul excessif entre pensions de retraite et rémunérations.

L’article 3, vous l’avez signalé, a d’ores et déjà trouvé satisfaction dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique. L’un de vos amendements vise à le supprimer. Mais, encore une fois, force est de reconnaître votre antériorité et votre opiniâtreté, puisque c’est à votre initiative que la disposition en question – en l’occurrence, la remise d’un rapport – a été votée.

L’article 2 vise à limiter la rémunération des membres des AAI et des API, en particulier celle de leurs présidents, qui ne saurait dépasser celle du Président de la République. Toutefois, l’exemple que vous avez cité est un peu contre-intuitif par rapport à votre démarche. Il se trouve que je suis membre de la Commission nationale du débat public ‑ non indemnisé, je tiens à le préciser.

Ce n’est pas en raison de la rémunération de sa présidente que la Commission nationale du débat public n’a pas souhaité assumer le grand débat : la décision est liée à d’autres considérations, notamment aux faibles moyens de fonctionnement dont elle dispose, auxquelles est venu s’ajouter une discussion assez baroque en interne sur la question de savoir si le fait d’animer ce débat respectait l’indépendance de cette commission – j’avais d’ailleurs, sur cette question précise, un avis différent de celui d’un certain nombre de membres, dont la présidente. Quoi qu’il en soit, il me semble que la rémunération de sa présidente, qui a été révélée à cette occasion, est, sauf erreur de ma part, inférieure à celle du chef de l’État. À supposer que cette rémunération soit excessive au regard de la fonction exercée, votre proposition de loi n’y changerait rien.

Ce qui pose problème, dans l’article 2, c’est le fait même de placer le curseur à un niveau précis – qui correspond, en l’occurrence, à la rémunération du chef de l’État. Sur le plan symbolique, l’idée peut s’entendre : on peut considérer que le chef de l’État doit être le mieux payé au sein de la puissance publique. Toutefois, l’enjeu, avec les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes, est de permettre à des personnes qui sont expertes dans leur domaine, reconnues, inattaquables, incontestables, d’éclairer la décision publique, d’y participer et de la contrôler. Or, même si l’on peut trouver cela choquant ou bizarre, dans le secteur privé, les rémunérations de personnes travaillant dans un certain nombre de domaines scientifiques ou artistiques sont très supérieures à celles qui ont cours dans la fonction publique et, incidemment, à celle du chef de l’État. Les personnes en question sont généralement en fin de carrière car elles doivent jouir d’une certaine expérience pour pouvoir légitimer les prérogatives auxquelles elles prétendent. Je vous le dis avec sincérité : demander à des personnes en fin de carrière de diviser par deux ou par trois leur rémunération pour satisfaire à une obligation d’intérêt général, ce n’est pas raisonnable. Il faut donc garder de la souplesse : je crois vraiment qu’il n’est pas souhaitable d’introduire une telle rigidité. Je remarque par ailleurs, et même s’il est vrai que l’État n’est pas en avance, qu’un décret viendra bientôt encadrer la rémunération des membres des AAI et des API, toujours dans le cadre des dispositions de la loi de transformation de la fonction publique. Le débat dans l’hémicycle sur la proposition de loi sera l’occasion de rappeler au Gouvernement qu’il serait bien qu’il avance un peu et que le décret en question soit publié.

Pour toutes ces raisons, nous allons voter contre les articles de la proposition de loi. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés au principe d’un encadrement et d’une plus grande transparence de la rémunération des présidents et des membres des AAI et des API, mais il faut continuer à travailler d’ici à la séance et avoir un débat avec le Gouvernement. J’ajoute que le rapport dont la remise a été votée n’est pas anodin : c’est aussi là une forme de contrôle et d’exigence de transparence. C’est parce que nous saurons quelles sont les rémunérations des présidents et des membres des API et des AAI que nous serons en mesure d’exercer une influence, de définir une nouvelle trajectoire, si nécessaire, pour chacune d’entre elles. Encore une fois, conservons une forme de souplesse, soyons pragmatiques et raisonnables dans la fixation de ces rémunérations.

M. Arnaud Viala. Monsieur le rapporteur, merci pour la présentation que vous avez faite et pour votre travail. Je fais partie des 160 députés qui ont cosigné votre proposition de loi car je partage votre point de vue : il faut plus de clarté s’agissant de la rémunération d’un certain nombre de responsables et de personnes investies de fonctions dans la sphère publique. À cet égard, le mouvement des gilets jaunes, aussi bien que la contestation actuelle contre la réforme des retraites – y compris la radicalisation que nous avons observée ces derniers jours, et que nous déplorons –, sont sous-tendus par une défiance très forte vis-à-vis de l’ensemble du personnel politique et des personnes engagées dans la sphère publique. Défiance au demeurant puissamment alimentée par des informations – ou de la désinformation – sur les rémunérations.

Cela dit, mon intervention, comme celle de notre collègue de La République en marche, sera un peu paradoxale, puisque je m’exprime au nom du groupe Les Républicains et que celui-ci est partagé : certains de mes collègues ont, comme moi, cosigné la proposition de loi, d’autres n’y sont pas favorables, et d’autres encore considèrent qu’elle n’est pas directement opérante, notamment en raison du fait que, depuis que vous y avez travaillé, un certain nombre d’éléments nouveaux sont intervenus, qui viennent éclairer un peu différemment vos propositions. En effet, comme vous l’avez rappelé, vous avez élaboré ce texte il y a quasiment un an. En janvier 2019, une polémique avait éclaté sur le cumul de rémunérations du Défenseur des droits.

Votre proposition vise, pour l’essentiel, à interdire le cumul entre salaire et pension de retraite pour les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État – tel est l’objet de l’article 1er.

L’article 2 prévoit que ces membres ne puissent plus gagner davantage que le Président de la République.

L’article 3 demande un rapport sur la rémunération de ces personnalités. Or la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a déjà prévu un certain nombre de dispositions pour les hauts fonctionnaires. Son article 38 plafonne la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes ; il renvoie à un décret en Conseil d’État – que nous attendons encore à ce jour – le soin d’en déterminer les modalités. Le décret précisera également les conditions dans lesquelles le montant des pensions de retraite perçues par les membres retraités est déduit de la rémunération qui leur est versée. L’article 39 de la même loi instaure une limite d’âge à 69 ans au moment de la nomination ou du renouvellement des présidents des autorités administratives et publiques indépendantes. L’article 95 satisfait l’article 3 de votre proposition de loi : un rapport indiquera le montant des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État. Enfin, l’article 4 du futur projet de loi portant réforme des retraites prévoit que le président et les membres du Conseil constitutionnel perçoivent une rémunération égale au traitement afférent au premier groupe supérieur des emplois de l’État classés hors échelle, complétée par une indemnité de fonction dont le montant est fixé par arrêté du Premier ministre et du ministre chargé du budget.

Votre proposition de loi pose en outre un problème d’applicabilité, puisque tout ce qui concerne la rémunération des membres du Conseil constitutionnel relève d’une loi organique ; il en va de même pour le Défenseur des droits. Dès lors, même si les dispositions de l’article 2 les concernent, elles ne pourront pas être appliquées. Si notre groupe comprend et partage complètement les objectifs de votre proposition de loi, il s’inquiète donc de son manque de caractère opérant dans sa rédaction actuelle et préférerait que nous attendions le décret en Conseil d’État – qui, certes, tarde à venir, mais est censé déterminer toutes ces modalités de rémunération – avant de légiférer à nouveau si, une fois le décret publié, il apparaissait que nous ayons encore besoin de le faire.

Mme Laurence Vichnievsky. Je voudrais d’abord vous remercier, monsieur le rapporteur, pour votre engagement, qui ne date pas de cette proposition de loi, et pour la constance avec laquelle vous avez défendu vos positions. Notre groupe, vous le savez, a toujours été particulièrement sensible à la défense des objectifs poursuivis par ce texte, et s’est d’ailleurs exprimé à ce propos à l’occasion d’amendements qu’il avait déposés, que ce soit au moment de l’examen du projet de loi pour la confiance dans la vie politique ou du projet de loi de transformation de la fonction publique.

Toutefois, votre texte vient ou trop tôt, ou trop tard. S’il a été déposé à l’Assemblée nationale en mars 2019, c’est seulement aujourd’hui que nous l’examinons. Or entre-temps, nous avons adopté le projet de loi de transformation de la fonction publique. J’observe d’ailleurs qu’une majorité des membres de votre groupe s’est abstenue de voter ce texte, qui comportait pourtant des avancées que les orateurs précédents ont déjà évoquées, notamment la remise d’un rapport, adoptée à votre initiative et qui fait l’objet de l’article 3 de la proposition de loi. Je n’y reviendrai pas : ce serait redondant, et je ne veux pas vous lasser.

En ce qui concerne l’article 1er, il y a l’article 38 de la loi de transformation de la fonction publique, que nous avons tous évoqué ; il ne se contente pas de renvoyer à un décret en Conseil d’État, puisqu’il pose en fait le principe du plafonnement du cumul des pensions perçues par les membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes avec les indemnités qui leur sont versées au titre de leur activité. J’ai été sensible à vos propos lorsque vous avez dit que c’est au législateur qu’il appartient de s’occuper de cette matière. J’en suis bien d’accord, mais c’est précisément ce que nous avons fait, puisque nous avons fixé le principe ; restent les modalités, lesquelles doivent être déterminées par un décret en Conseil d’État. Il est vrai que ce décret tarde un peu à arriver, car sa publication était prévue en décembre dernier pour qu’il puisse s’appliquer dès janvier. Nous savons qu’il devrait être prêt sous peu – je pense que nous en connaîtrons le contenu lors de notre discussion dans l’hémicycle. Il est sage d’attendre de connaître le contenu de ce décret. Notre discussion sur l’article 1er sera alors plus utile qu’elle ne l’est aujourd’hui.

S’agissant de l’article 2 de la proposition de loi, seule une loi organique peut traiter les cas du Défenseur des droits et des membres du Conseil constitutionnel. Le projet de loi organique sur la réforme des retraites, que nous allons bientôt examiner, prévoit dans un de ses articles de préciser les modalités de rémunération des membres du Conseil constitutionnel, et de définir un écrêtement limitant la possibilité de cumuler indemnités d’activité et pension de retraite.

Reste le cas des membres des AAI et des API. À cet égard, je nuancerais les propos de M. Vuilletet, car je ne suis pas certaine qu’il ne soit pas souhaitable de prévoir une référence. Ces autorités travaillent pour l’intérêt général et public ; dès lors, il ne nous paraît pas choquant qu’une référence soit prévue. Doit-elle être fixée à hauteur de l’indemnité perçue par le Président de la République ? Cela mérite aussi discussion, et l’hémicycle sera le lieu propice pour ce faire.

Compte tenu des réserves formulées, et même si nous sommes d’accord sur les principes et les objectifs de cette proposition de loi, nous allons pour l’heure nous abstenir ; nous souhaitons disposer du décret prévu par la loi de transformation de la fonction publique et connaître son contenu avant de discuter plus avant.

Mme Cécile Untermaier. Cette proposition de loi doit toutes et tous nous rassembler autour d’une préoccupation commune : restaurer un climat de confiance par le versement de rémunérations raisonnables aux personnes qui se voient confier des missions de service public.

Ce texte intervient opportunément, au moment où nous nous apprêtons à discuter de la réforme des retraites. S’agissant des fonctionnaires, la question du cumul a été en partie réglée par la loi de 2014 garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, mais elle mérite d’être réexaminée à la lumière du projet de loi instaurant un système universel de retraite. En tant que députés, nous sommes d’autant plus à l’aise sur ce sujet que nous avons fait notre travail en alignant notre régime de retraite sur le régime général de droit commun ; nous attendons désormais que le Sénat en fasse autant.

Quelques-uns d’entre nous sont membres de l’observatoire de l’éthique publique – préoccupation majeure qui doit accompagner toutes les réformes démocratiques que nous menons. Avec cette proposition de loi, vous avez le mérite de rappeler l’exigence de transparence qui doit nous guider, et qui n’est toujours pas au rendez-vous. Peut-être le décret le permettra-t-il – mais est-il besoin de l’attendre ? Quoi qu’il en soit, il est pour l’heure très difficile de connaître les rémunérations des membres des AAI et des API. Votre rapport a en tout cas le mérite de mettre ce sujet en lumière.

La Cour des comptes elle-même nous invite à réfléchir à cette question de la liquidation de la pension de retraite dans la fonction publique. 30 % des présidents d’AAI ou d’API sont d’anciens conseillers d’État, de la Cour des comptes ou de la Cour de cassation ; quelle que soit l’excellence du travail mené par ces personnalités, nous devons nous interroger sur l’évolution de leur rémunération une fois leur retraite liquidée. Nous ne pouvons pas engager la réforme des retraites sans nous préoccuper de cette question, en allant au-delà de ce qui a été fait dans la loi de transformation de la fonction publique publiée au Journal officiel en août 2019.

Vous ne cherchez évidemment pas dans cette proposition de loi à remettre en cause l’utilité des AAI et des API ni la qualité des personnalités qui les dirigent, indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie. Il pourrait d’ailleurs être souhaitable de lancer une réflexion sur la constitutionnalisation de certaines d’entre elles : je pense notamment à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à l’image du Défenseur des droits.

Dans un souci – qui est tout à votre honneur – de conciliation avec l’administration, vous avez retiré le Conseil constitutionnel du champ d’application de la proposition de loi. Je voudrais rappeler à ce sujet que nous n’avons pour le moment pas pu obtenir du Conseil constitutionnel que ses membres transmettent une déclaration d’intérêts et de patrimoine, alors que les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont tenus de le faire, et qu’une telle déclaration devrait être obligatoire. Une proposition de loi organique relative aux obligations déontologiques applicables aux membres du Conseil constitutionnel a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en février 2017, et transmise au Sénat. Et dans le cas d’une autorité amenée à prendre des décisions susceptibles de servir à trancher des litiges en cas de recours, nous devons nous assurer qu’elle le fait sans conflit d’intérêts, ce qui dépasse largement la question du cumul d’indemnités d’activité et de pensions de retraite.

Enfin, si nous voulons aller plus loin dans le sens de la transparence et de la déontologie, nous devons aussi nous interroger sur le cumul d’indemnités et d’activités par les élus ; c’est ce que nous avons commencé à faire dans le cadre des lois de septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique. Les rémunérations associées à un ou plusieurs mandats importants exercés par un élu doivent être encadrées.

Il est vrai qu’un décret en Conseil d’État, prévu par l’article 38 de la loi du 6 août 2019 sur la transformation de la fonction publique, doit bientôt venir traiter la question. Reste que les parlementaires se doivent de faire en sorte que ces décrets soient publiés dans un délai raisonnable, et de se donner la possibilité de travailler sur la question plutôt que de devoir se prononcer sur un amendement présenté au tout dernier moment, le jour de la séance. Je redoute que les hauts fonctionnaires en charge de la rédaction du décret prennent tout leur temps pour le faire paraître ; il serait de bonne pratique législative d’accompagner cette proposition de loi et de l’adopter. Nous pourrions alors, d’ici à la séance, nous assurer de la conformité du décret une fois celui-ci publié, tout en respectant les exigences de transparence sur lesquelles notre présidente avait beaucoup travaillé dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique, mais dont nous ne voyons pour l’heure aucune concrétisation… Emparons-nous de ce sujet, soutenons cette proposition de loi afin de mettre le Gouvernement, en séance, en situation de nous convaincre du caractère inopportun ou inadapté du texte proposé.

À ce stade, au regard de ces préconisations essentielles à nos yeux, le groupe Socialistes et apparentés votera pour ce texte.

M. Michel Zumkeller. Le groupe UDI, Agir et Indépendants soutient bien évidemment ce texte, qu’il a été très heureux d’inscrire à l’ordre du jour à la demande de notre collègue Thierry Benoit. C’est un sujet très important, sur lequel beaucoup de choses ont été dites. Tout le monde trouve que ce texte est très bien, même si les trois quarts expliquent qu’ils ne le voteront pas… Mais ce n’est pas grave : le seul fait qu’il ait été déposé constitue déjà en soi une avancée.

Le problème est parfois pris à l’envers : ce texte n’est pas fait pour dénigrer les hauts fonctionnaires. C’est tout le contraire ; c’est peut-être même la meilleure manière de les réhabiliter, car un fonctionnement qui devient transparent n’est plus contestable. Nous avons besoin d’institutions qui contrôlent la haute fonction publique : c’est lorsque le doute s’installe, quand les choses ne sont pas très claires, que les gens finissent par se poser des questions sur son utilité.

Ce texte parle d’égalité : ce que l’on exige des citoyens, pourquoi ne le demanderait-on pas aux hauts fonctionnaires ? Il parle aussi de transparence : il me semble que par les temps qui courent, nos concitoyens en ont vraiment besoin, tout comme nos institutions, car c’est ainsi qu’elles seront réhabilitées.

On nous dit de ne pas nous inquiéter, qu’un décret sera bientôt publié, en application du texte précédent. Reste qu’un décret est élaboré par des hauts fonctionnaires… Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de pays dans lesquels on confie aux hauts fonctionnaires le soin de fixer les règles qui leur seront applicables… Demandons-le plutôt aux parlementaires… Il serait bon de réhabiliter la fonction du Parlement en confiant à ceux qui sont l’émanation du peuple le soin d’en décider. Personne n’aurait à y perdre ; au contraire, cela permettrait de montrer que les députés servent encore à quelque chose, à fixer des règles, à garantir et à nous assurer le concours de hauts fonctionnaires efficaces et sérieux, ce dont nous ne doutons pas.

Un argument m’étonne enfin : si l’on ne rémunère pas suffisamment ces gens, ils ne viendront pas. Mais alors, pourquoi viennent-ils ? Pour l’intérêt général ou pour la rémunération ? On est en droit de se poser la question. Je ne pense pas qu’ils viennent pour la rémunération, mais tout de même ! Certaines responsabilités, au sein d’une autorité administrative, méritent-elles une rémunération supérieure à celle du Président de la République ? Personnellement, je ne le pense pas. Notre collègue de la République en marche demande pourquoi il faudrait fixer un plafond de rémunération…

M. Guillaume Vuilletet. Je n’ai pas dit cela !

M. Michel Zumkeller. Les rémunérations des élus sont plafonnées, et c’est une très bonne chose. Pourquoi n’en irait-il pas de même pour les hauts fonctionnaires et leurs retraites ? Je pense que ce texte a vraiment du sens, et que nous en avons besoin pour réhabiliter nos institutions. Il faut cesser de cautionner certaines pratiques : certes, notre haute fonction publique et nos agences administratives sont utiles, mais il faut en finir avec certaines rémunérations exorbitantes. En effet, nos concitoyens, avec un salaire médian s’élevant à 1 700 euros par mois, ne peuvent pas comprendre ces chiffres qui circulent. En autorisant cela, nous allons à l’encontre de ce que nous voulons, c’est-à-dire un pays dans lequel les élus, l’organisation administrative et les citoyens avancent tous ensemble.

Nous sommes donc bien évidemment très heureux d’avoir déposé cette proposition de loi, que nous soutenons ardemment. J’espère que le décret sera publié avant le 30 janvier, mais nous pouvons en douter – ce sera plus probablement le 31 janvier ou au début du mois de février. Nous félicitons Thierry Benoit pour cet excellent travail, qui porte sur un sujet essentiel. Si 160 parlementaires l’ont soutenu, c’est qu’eux aussi y ont vu un sujet important.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je rappelle que le Gouvernement – nous l’avions relevé dans notre rapport sur l’activité de la commission des Lois – est exemplaire pour ce qui est de la publication des décrets : jusqu’à présent, plus de 95 % des décrets ont été publiés dans les temps ; je ne doute pas que celui-ci le sera également, je l’espère en tout cas comme vous.

M. Paul Molac. Je comprends bien la préoccupation de notre collègue M. Benoit. La sociologie de ma circonscription, en Bretagne, est comparable à celle de la sienne : des gens durs à la tâche, qui travaillent parfois dans des conditions difficiles, marquées par des travaux pénibles. Ils finiront par se retrouver avec des retraites modestes, autour de 800 euros par mois ; ils s’estimeront heureux s’ils parviennent à 1 000 euros. Ces gens ont une réelle utilité sociale. Quand ils observent les rémunérations qui ont cours dans la haute fonction publique, et qui peuvent paraître très confortables – au-dessus de 15 000 euros mensuels –, ils s’interrogent. La lutte contre les inégalités sociales et de revenu est un enjeu que nous ne devons pas perdre de vue ; c’est en effet quelque chose qui mine notre société. Les gens dont je parle sont souvent très polis, ce qui fait qu’ils ne nous le disent pas. Les plus vindicatifs diront que les élites se gavent. Vous l’avez certainement entendu dans vos campagnes, et c’est peut-être pour cela que vous avez voulu faire une loi sur la moralisation de la vie publique. Des réponses ont déjà été apportées à cette question ; je crois que cette proposition de loi en est une de plus. Elle est bienvenue, car il s’agit d’argent public, qui vient des impôts – de tout le monde, donc, puisque tout le monde paie des impôts, ne serait-ce qu’à travers la TVA. Il me paraît tout à fait légitime de se poser ce genre de questions, tant certaines rémunérations peuvent paraître choquantes à des personnes dont les revenus sont très faibles.

Adam Smith, le père du libéralisme économique, disait qu’il était immoral qu’un patron gagne plus de douze fois ce que gagnent ses ouvriers. Que dire du degré d’immoralité atteint par les grands patrons aujourd’hui ! Ce n’est pas douze fois, mais cent fois ! Comment peut-on justifier que quelqu’un soit payé un million d’euros par mois en expliquant qu’il travaille beaucoup mieux que les autres ? Je dois avouer que je n’y crois pas un seul instant. Certes, nous n’en sommes pas là, mais la lutte contre les inégalités est quelque chose qui me paraît important.

C’est pour cela que nous soutenons la proposition de notre collègue M. Benoit. Un certain nombre de députés du groupe Libertés et Territoires ont formulé des propositions qui vont dans le même sens, et nous pensons que cela peut contribuer à la paix sociale et à la sérénité du pays.

M. Stéphane Peu. Notre groupe est signataire de cette proposition de loi ; il va donc sans dire que nous la soutiendrons. Je ne sais si l’opiniâtreté de notre rapporteur est liée à ses origines bretonnes ou à sa seule personnalité ; reste qu’il a le mérite de la constance et c’est une vertu, surtout sur ce type de sujets. Au-delà des efforts déjà réalisés – souvent sous la contrainte, souvent sous la pression, pour ne pas dire à reculons –, il serait bon d’anticiper une aspiration irréversible afin de faire en sorte que la vertu républicaine et le sens de l’intérêt général soient rétablis dans notre pays. C’est le prix à payer si l’on veut restaurer la confiance des Français envers l’action publique. Ces derniers mois, la révélation du cumul emploi-retraite du Défenseur des droits a par exemple beaucoup choqué ; puis, lorsque le Président de la République a lancé le grand débat national et qu’il a été question que la présidente de la commission nationale du débat public, Mme Jouanno, en assure l’organisation, sa seule rémunération, qui ne s’ajoutait pourtant pas à une pension de retraite, est apparue si scandaleuse à l’opinion publique, dans le contexte des « gilets jaunes », qu’elle a dû renoncer – même si d’autres raisons y ont contribué.

Il y a donc là un sujet essentiel. Je ne comprends pas l’argument développé par M. Vuilletet à propos du secteur privé : ce n’est pas parce que des dérives existent dans le secteur privé que l’on doit mettre le secteur public au diapason de celles-ci. Au contraire, il doit montrer un exemple vertueux. Rappelons, sans remonter jusqu’à Adam Smith, qu’au moment de la négociation des accords de Grenelle en 1968, le Conseil national du patronat français (CNPF), ancêtre du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), considérait comme acceptable que l’échelle des salaires en France aille de 1 à 20. Aujourd’hui, elle va de 1 à 2 000, voire davantage… Il y a bien eu une dérive dans le creusement des inégalités ; si nous n’y mettons pas fin et si le secteur public ne montre pas l’exemple de ce que doivent être l’intérêt général, l’intérêt public, la probité et le sens de la mesure, personne ne le fera à sa place.

Une partie du problème va être traitée par le projet de loi organique sur la réforme des retraites. S’agissant des membres du Conseil constitutionnel, j’observe qu’ils se verront appliquer la clause du grand-père, dans la mesure où les futures dispositions ne s’appliqueront qu’aux nouveaux arrivants. Heureux membres du Conseil constitutionnel, qui se voient reconnaître une clause dont d’autres, bien plus modestes, auraient aimé bénéficier !

Cette proposition de loi constitue un premier pas ; il en faudra bien d’autres. Mon groupe politique a lui-même déposé une proposition de loi visant à renforcer l’intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale, et qui porte notamment sur le Conseil constitutionnel. Le cumul emploi retraite est inacceptable et le niveau des rémunérations doit être encadré, mais nous avons aussi intégré d’autres sujets dans notre proposition – je pense notamment à l’obligation de présenter un casier judiciaire vierge pour candidater à une élection : ce sujet avait été évoqué au moment de l’audition de M. Juppé. Et cette condition exigée de tout fonctionnaire devrait l’être aussi pour les responsables publics, quelles que soient leur histoire ou leur fonction.

M. Alexis Corbière. Au sein du groupe de La France Insoumise, nous sommes attachés à ce que l’éthique soit scrupuleusement respectée par l’ensemble de la représentation politique, à l’échelle tant locale que nationale. Les élections municipales seront d’ailleurs, nous l’espérons, l’occasion de travailler, dans certaines communes, à des avancées significatives pour mettre en œuvre un contrôle citoyen réel et actif en dehors des périodes électorales. Il s’agit de faire en sorte que le citoyen ne soit pas dépossédé de son pouvoir et dispose d’outils efficaces pour faire respecter cette éthique. Je pense notamment à l’instauration d’une possibilité – encadrée – de révoquer des élus au cours de leur mandat. Les citoyens pourraient ainsi continuer à être actifs entre deux élections, et exercer un contrôle sur les élus qui ne respecteraient pas les règles d’éthique. Cette mesure, comme d’autres que nous proposons, vise à rendre un pouvoir pérenne aux citoyens sur celles et ceux qui ont l’honneur de les représenter. Nous sommes des mandataires du peuple et nous ne devons jamais en être détachés ; le peuple doit garder un pouvoir de rappel et de révocation, comme cela avait déjà été dit durant la Révolution française.

De grands progrès restent à accomplir pour faire régner cette éthique et mettre fin aux abus, quels qu’ils soient, qui décrédibilisent la représentation politique aux yeux de nos concitoyens. Tout ce qui transige avec l’éthique produit non seulement du déshonneur, mais aussi de la désertion dans les urnes. La question de la rémunération perçue par le personnel politique est essentielle.

À l’échelle locale, certaines indemnités perçues par les maires ou d’autres élus apparaissent bien souvent comme déconnectées de la situation financière moyenne de leurs administrés. Cela provoque de la méfiance et du mépris, et contribue à créer un fossé entre les citoyens et leurs représentants.

À l’échelle nationale, certaines situations sont peut-être encore plus déraisonnables. Le cumul d’indemnités pour des mandats ou des fonctions en cours avec des pensions de retraite aboutit parfois à des revenus mensuels exorbitants. Je ne citerai pas de cas individuels – il y en a beaucoup – car le problème n’est pas celui de telle ou telle personne, qu’il serait aisé de pointer du doigt ; il est celui d’un système qui permet une addition, sans fin, de traitements, de salaires, d’indemnités, de pensions, et parfois même d’avantages matériels mis à disposition par l’État.

Je me réjouis donc que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui propose de poser certaines limites à ce système défaillant ou, en tout cas, insuffisamment ambitieux lorsqu’il s’agit de préserver l’éthique.

J’insiste sur la situation des élus car ils se doivent à mon avis d’être exemplaires. Mais un encadrement du cumul des revenus doit – vous avez raison de le souligner – s’appliquer également à celles et ceux qui sont amenés à exercer les hautes fonctions de la République.

Votre proposition, qui consiste à instaurer un plafonnement des rémunérations à hauteur des indemnités allouées au Président de la République, ne nous paraît cependant pas suffisamment ambitieuse. En effet, le Président de la République peut lui-même fixer sa rémunération par décret, et donc moduler son montant pour modifier le plafonnement dont il est ici question. Qui plus est, cela revient à mettre en place un système pyramidal dans lequel le Président se trouverait au sommet, sans que rien ne puisse le dépasser. Cette conception nous paraît tout à fait arbitraire et non conforme à notre histoire républicaine. Pourquoi ne pas imaginer que tous les élus, députés, ministres et Président, aient la même rémunération ? Après tout, notre emploi du temps est au moins aussi chargé que celui d’un ministre ou du Président de la République. Cette conception patronale, dans laquelle personne ne doit gagner autant que le patron, ne correspond de mon point de vue à aucune éthique républicaine. La République doit garantir notre indépendance matérielle et notre capacité à travailler, mais je ne vois pas ce qui justifie que le Président de la République gagne plus qu’un ministre. C’est idéologiquement contestable, à moins que l’on considère qu’il travaille plus que les autres. La France n’est pas une entreprise, ce n’est pas une start-up, et Emmanuel Macron n’est pas le patron de la France. Il est un élu parmi d’autres, un élu national, et il serait plus juste de donner à tous la même indemnité.

Afin d’éviter cet écueil, il nous semblerait pertinent d’inscrire dans la loi un mode de calcul de la rémunération du Président de la République, qui pourrait par exemple s’élever à un certain nombre de fois le salaire médian des Français, ou un certain nombre de fois le SMIC. Serait ainsi mise en place une corrélation directe entre certains hauts revenus du secteur politique ou public, et ceux de la majorité de nos concitoyens.

Mais les plus grands abus qui existent en matière de rémunération, de retraites et d’accumulation de richesses, ne sont pas le fait de ceux qui exercent un mandat électoral ou public. C’est évidemment dans le secteur privé que l’éthique est le plus mise à mal, et que la situation choque le plus nos concitoyens. C’est l’illustration de la célèbre phrase de Jaurès : « la République a rendu les Français rois dans la cité, et les a laissés serfs dans l’entreprise. » Pourquoi fixons-nous des règles dans la vie publique que nous ne voulons pas appliquer dans l’entreprise ? Les deux sont liés, comme l’a évoqué mon collègue et ami Stéphane Peu. Dans certains groupes du CAC 40, les plus hauts revenus sont parfois mille fois supérieurs aux plus bas salaires de l’entreprise, et Carlos Ghosn poursuit Renault aux prud’hommes pour obtenir coûte que coûte sa retraite-chapeau, estimée à 770 000 euros annuels !

Cette proposition de loi allant dans le bon sens, nous la soutiendrons en dépit de ses limites.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je voudrais remercier l’ensemble des porte-parole des groupes et je me réjouis, indépendamment des votes attendus en commission ou plus tard dans l’hémicycle, que nos vues sur le sujet soient globalement convergentes.

Je rappelle à M. Arnaud Viala que seule la question de la rémunération des membres du Conseil constitutionnel nécessitait l’élaboration d’une loi organique. Nous l’avons d’ailleurs rédigée, et les 160 députés cosignataires de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui l’ont également cosignée. Cependant, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, j’ai, au fil de mes travaux, modifié le périmètre d’application du texte pour le circonscrire aux seules AAI et aux API.

Par ailleurs, il ne faut pas confondre les autorités concernées, qui sont au nombre de vingt-cinq, avec les agences de l’État. Lorsque notre collègue Guillaume Vuilletet nous indique que certaines personnes nommées à ces postes auraient du mal à accepter de voir leur rémunération divisée par deux ou trois, il se trompe. Ils ne seront pas si malheureux qu’il le dit…

Sur les vingt-cinq présidents d’AAI et d’API, seuls huit ont une rémunération supérieure à celle du Président de la République. Rappelons, pour mémoire, que le traitement du Président de la République s’élève à 182 400 euros annuels. Les huit autorités concernées sont l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) – son président perçoit 191 833 euros annuels ; l’Autorité de la concurrence – 194 980 euros ; l’Autorité nationale des jeux (ANJ) – 195 294 euros ; l’Autorité des marchés financiers (AMF) – 241 908 euros ; l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – 220 000 euros ; la Haute autorité de santé (HAS) – 210 197 euros ; la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – 200 201 euros ; le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) – 189 168 euros. Voilà les huit fonctions concernées par l’article 2 de la proposition de loi, qui vise à ramener les rémunérations dans un cadre plus raisonnable, autrement dit à environ 180 000 euros.

Sans doute est-ce mon côté loyaliste et légitimiste qui m’a fait prendre comme repère la rémunération du Président de la République, cher Alexis Corbière. Dans la circonscription dans laquelle je vis, située dans les Marches de Bretagne, nous sommes loyalistes et légitimistes ; on connaît la valeur travail mais on respecte les élus, on respecte le patron, et on se respecte les uns les autres.

Cependant, lorsque nous avons rédigé l’article 2 en décidant de plafonner le montant des rémunérations à hauteur de celle du Président de la République, nous avons fixé un volume financier – 182 400 euros annuels. Or je concède qu’il faut, pour donner du crédit et de la solidité à la proposition, notamment sur le plan juridique, que cet article 2 soit adossé à la grille indiciaire de rémunération de la fonction publique. Nous allons y travailler d’ici à la séance afin de fixer un cadre juridique précis.

Notre texte se concentre donc uniquement sur les autorités administratives. S’agissant des agences de l’État, comme la compagnie nationale du Rhône (CNR) – nous avons auditionné il y a quelques mois la personne qui était pressentie pour être nommée à sa tête par le Président de la République –, leurs membres touchent des rémunérations qui n’ont rien à voir avec les sommes que je viens d’évoquer. Mais le moment venu, je vous assure qu’il faudra également s’en occuper, comme il faudra s’occuper du Conseil constitutionnel.

Chacun votera naturellement en conscience, mais je le dis pour celles et ceux qui ne sont pas convaincus : ce sujet ne vous lâchera pas. Depuis dix ans, j’ai vu cette question se concentrer uniquement sur les parlementaires, souvent jetés en pâture à l’opinion publique. Ils avaient, disait-on, une enveloppe pour payer leur personnel, la réserve parlementaire, l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), ils se promenaient avec des valises d’argent liquide ; quand cela les arrangeait, ils s’en servaient pour payer leurs collaborateurs parlementaires ; à d’autres moments, ils le destinaient aux maires ou aux associations de leur circonscription. Tout cela a été dit, redit, répété à l’envi dans les médias, télévision, radio ou presse écrite. Et cela s’est terminé comme on sait.

Pour ma part, je n’ai jamais eu aucun problème à cet égard : depuis que je suis devenu député, en 2007, j’ai toujours rendu transparent l’usage de ma réserve parlementaire, et j’ai moi-même écrêté ma propre rémunération. Rappelons au passage, pour ceux qui nous regardent, que la rémunération des parlementaires, et singulièrement des députés, est fixée dans un cadre réglementaire, et qu’elle se trouve plafonnée à une fois et demie le montant de l’indemnité parlementaire.

Ce qui est problèmatique avec le décret, c’est son caractère discrétionnaire. Le Président Emmanuel Macron a fait la campagne des élections présidentielles dans le contexte particulier de « l’affaire Fillon » – celui-ci a payé pour une époque et pour des pratiques qui n’étaient certes pas généralisées, mais plus ou moins admises ; il régnait en tout cas une forme d’opacité quant à l’utilisation et la gestion des enveloppes parlementaires. Or je suis profondément déçu qu’Emmanuel Macron ait fait subsister cette opacité dans la gestion des autorités administratives dites indépendantes, et ce d’abord au stade de la nomination. Vous nous dites qu’il sera difficile de trouver des candidats, mais ce n’est pas vrai. Ce peut être le cas pour les agences de l’État, car les candidats potentiels se trouvent dans des champs fortement concurrentiels, par exemple quand il s’agit de la gestion des barrages du Rhône ou du réseau de transport d’électricité. Mais ce sont des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ou des établissements publics à caractère administratif, alors que ma proposition de loi se cantonne aux autorités administratives indépendantes, c’est-à-dire à celles que nous créons en tant que législateurs, ou que le Gouvernement crée – la première d’entre elles a été la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), instituée dès 1978. Il faut mettre fin à ce caractère discrétionnaire, à cette opacité qui nourrit, comme l’a dit Paul Molac, une défiance terrible.

Ma proposition de loi est de portée modeste. Mais c’est une première pierre à un édifice qui, j’en suis certain, en comprendra d’autres. Il faudra sans doute un jour aller bien au-delà. C’est ce que le Président de la République et nous-mêmes avons entendu lors du grand débat national.

Mme Cécile Untermaier a insisté sur le caractère d’exemplarité et rappelé, comme l’indique le rapport de la Cour des comptes et celui de la commission d’enquête dont le rapporteur était M. Jacques Mézard, que 30 % des personnes nommées dans ces autorités sont issues de la Cour des comptes, de la Cour de cassation ou du conseil d’État. Cela ne me gêne pas, mais je veux que leur rémunération soit clairement définie, non par la voie d’un décret discrétionnaire, au gré du gouvernement ou du ministre en place.

S’agissant du cumul entre la pension de retraite, la rémunération et l’indemnité, je considère qu’on ne doit pas procéder par un écrêtement spécifique. Pourquoi ces hauts fonctionnaires, qui ont le sens de l’État, qui exercent les plus hautes responsabilités au cours de leur carrière, bénéficieraient-ils d’une dérogation lorsqu’ils feraient valoir leurs droits à la retraite, tandis qu’un fonctionnaire de catégorie C, B, A, autrement dit un fonctionnaire lambda ne peut pas déroger au droit ? Ces anciens fonctionnaires ont eu de belles rémunérations, tant mieux pour eux ; pourquoi devraient-ils pouvoir cumuler plus que les autres ? J’ai entendu sur une radio il y a peu un haut fonctionnaire, dont la rémunération a oscillé pendant quarante ans entre 9 000 euros et 16 000 euros par mois, expliquer à la journaliste qui l’interrogeait que sa retraite de base ne sera que de 5 000 euros, et se demander ce qu’il allait bien pouvoir transmettre à ses enfants avec une pareille retraite… J’ai honte d’entendre de tels propos ! Si vous le voulez, je pourrai vous donner en privé le nom de ce haut fonctionnaire qui a été ministre sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy et celui de François Hollande.

M. Rémy Rebeyrotte. Qui donc est cet anonyme ? (Sourires.)

M. Guillaume Vuilletet. Avec tous ces indices, on devrait trouver…

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je le dis à celles et ceux qui s’opposent à ce texte : cette question ne vous lâchera pas !

Monsieur Viala, le texte est clair : il porte uniquement sur les AAI et les API.

L’article 1er vise à assujettir les présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes au droit commun régissant le cumul rémunération-pension de retraite en supprimant la dérogation dont ils bénéficient.

L’article 2 prévoit que la rémunération des présidents et des membres des AAI et des API ne pourra plus excéder 182 000 euros. Nous trouverons, d’ici à l’examen du texte en séance publique, un adossement juridique précis.

Nos concitoyens observent depuis quelques dizaines d’années que les élus locaux, les élus territoriaux et les représentants de la nation que sont les députés sont dépourvus de moyens, ce qui révèle une forme d’impuissance publique. C’est la raison pour laquelle ils sont allés sur les ronds-points s’adresser directement au Président de la République. J’ai le plus profond respect pour le Président de la République, mais vous savez comme moi, chers collègues de la majorité, qu’il a commis une erreur au début de son mandat en affichant une forme de mépris à l’égard des élus municipaux et en ayant tendance à minorer le rôle des acteurs locaux et territoriaux. Depuis, il a corrigé cette attitude, et c’est très bien.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous vous concentrer sur votre proposition de loi ?

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je suis totalement concentré sur ma proposition de loi, madame la présidente, car elle est la conséquence de ce que j’ai entendu pendant le grand débat national. C’est au pouvoir législatif, c’est à nous, députés, de fixer le cadre de rémunération des fonctionnaires, et notamment des hauts fonctionnaires nommés dans ces hautes autorités administratives indépendantes et qui, par nature, comme le rappellent la commission d’enquête et la Cour des comptes, font l’objet de très peu de contrôles. Ces AAI et API échappent au contrôle budgétaire de droit commun, leurs pratiques de gestion relevant de fait largement de l’autocontrôle. L’autocontrôle doit cesser et le contrôle doit être effectué par les parlementaires, notamment par les députés.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er (art. L. 86 du code des pensions civiles et militaires de retraite, art. L. 161-22 du code de la sécurité sociale) : Suppression de la dérogation par laquelle les membres du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État peuvent bénéficier d’un cumul intégral de leur rémunération et de leur pension de retraite

La Commission examine l’amendement CL4 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement vise à recentrer la proposition de loi sur les AAI et les API.

M. Guillaume Vuilletet. Mon explication de vote sur cet amendement vaudra aussi pour l’ensemble du texte.

Je précise que lorsque je parlais de rémunérations divisées par deux ou trois, je faisais référence aux rémunérations potentielles d’origine des personnes et non aux rémunérations d’ores et déjà pratiquées dans les AAI et les API.

Je veux bien qu’on nous accuse de beaucoup de choses, y compris d’être trop jeunes dans la fonction parce que nous ne sommes pas là depuis longtemps. Mais je ferai remarquer à nos collègues qui sont là depuis plus longtemps que c’est ce Gouvernement et cette majorité qui ont fait le plus des choses en matière de transparence et de limitation des avantages.

Mme Cécile Untermaier. Vous oubliez la Haute autorité pour la transparence de la vie publique !

M. Stéphane Peu. Faites attention à l’autosatisfaction !

M. Guillaume Vuilletet. Entre la loi pour la confiance dans la vie politique, l’alignement des retraites…

M. Stéphane Peu. Vous êtes persuadés qu’avant vous rien n’a été fait, et c’est cela le problème !

M. Philippe Gomès. Incroyable !

Mme Cécile Untermaier. Quelle honte !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Madame Untermaier, monsieur Peu, monsieur Zumkeller, laissez M. Vuilletet poursuivre son propos. Vous pourrez prendre la parole ensuite si vous le souhaitez.

M. Guillaume Vuilletet. D’autres avaient eu l’occasion de le faire sur la retraite des députés, sur la transparence et sur les frais de mandat !

Mme George Pau-Langevin. La moralisation de la vie publique avait commencé avant vous !

M. Guillaume Vuilletet. Peut-être, mais il serait bon de se souvenir que des choses fondamentales ont été faites par cette majorité.

Mme Cécile Untermaier. La vertu, c’est de reconnaître le travail de ses prédécesseurs !

Mme George Pau-Langevin. La moralisation de la vie publique avait commencé avant vous !

M. Michel Zumkeller. C’est scandaleux d’entendre cela !

M. Guillaume Vuilletet. Monsieur Zumkeller, moi, je ne suis pas là depuis 2002 et je n’ai pas participé à différentes majorités !

Personne ne dit qu’il ne faut pas d’encadrement, qu’il ne faut pas réguler tout cela. Il y a sans aucun doute encore du travail à faire d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Je remarque que notre préoccupation traverse les différents bancs, ce qui est une très bonne chose.

Nous voterons contre tous les amendements et les articles, mais nous poursuivrons le débat jusqu’à l’examen du texte en séance publique.

Mme Cécile Untermaier. Madame la présidente, si j’ai bondi c’est parce que je ne peux pas admettre les propos que vient de tenir M. Vuilletet. La première des vertus, c’est de reconnaître le travail de ses prédécesseurs. J’ai toujours veillé à ce que l’héritage de ceux qui avaient travaillé avant moi soit reconnu.

S’agissant de la moralisation de la vie publique, vous faites votre chemin et nous sommes les premiers à le reconnaître. Mais convenez aussi que dans des situations compliquées nous avons, nous aussi, fait notre travail. C’est nous qui avons mis en place le non-cumul des mandats, et cela n’a pas été facile. Et nous vous attendons toujours pour ce qui est de la constitutionnalisation de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. C’est grâce à des dispositifs que nous avons mis en place comme la déclaration d’intérêts et la déclaration de patrimoine que des déviances ont pu être évitées, telles que celles que nous avons connues lors de la réforme des retraites avec M. Delevoye. C’est grâce à ces dispositifs de transparence que nous avons pu jouer notre rôle et que vous pouvez jouer le vôtre. Il n’y a pas d’un côté les vertueux et de l’autre les sans-grade. Nous travaillons tous sur ce dossier. La moralisation de la vie publique n’est pas l’apanage d’un seul groupe ; elle appartient à tous.

Mme George Pau-Langevin. Absolument !

M. Stéphane Peu. Madame la présidente, moi aussi j’ai bondi en entendant les propos de notre collègue.

Il est assez fréquent chez les députés de la majorité de considérer que 2017 est l’an zéro de la vie politique alors que des choses, des bonnes et des moins bonnes, ont été faites avant qu’ils arrivent aux responsabilités. J’ajoute que c’est ce Gouvernement qui, en deux ans et demi, a battu tous les records en ce qui concerne le nombre de ministres contraints de démissionner pour des questions de probité et de mise en examen.

Mme Naïma Moutchou. Que faites-vous de la présomption d’innocence ?

M. Stéphane Peu. Huit ministres ont dû quitter le Gouvernement pour des raisons, soit de mise en examen, soit de conflit d’intérêts. Vous savez ce qu’on dit : quand on monte à l’arbre…

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Encadrement de la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

La Commission examine l’amendement CL5 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’article 2 ne s’applique qu’aux membres et aux présidents des autorités administratives indépendantes de l’État.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Information du Parlement sur les rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État

La Commission examine l’amendement CL6 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Comme l’a dit Mme Laurence Vichnievsky, l’article 3 a été satisfait par l’amendement qui a été voté par des députés de tous les groupes lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, contre l’avis du Gouvernement, ce dont je les remercie. Je propose donc de supprimer cet article.

M. Guillaume Vuilletet. Pour le coup, nous voterons cet amendement !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je précise que lors de l’examen de la loi de transformation de la fonction publique, nous avons voté, à votre initiative et à la mienne – une fois n’est pas coutume –, plusieurs dispositions prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les rémunérations de la haute fonction publique et des autorités.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé.

Titre

La Commission est saisie de l’amendement CL3 du rapporteur.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Cet amendement visait à rédiger le titre de la proposition de loi de la façon suivante : « Proposition de loi visant à encadrer la rémunération des membres des autorités administratives et publiques indépendantes ainsi que son cumul avec une pension de retraite ». Il s’agissait de tirer les conséquences du recentrage du texte sur les autorités administratives indépendantes et les autorités publiques indépendantes.

La Commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission des Lois. L’Assemblée nationale sera donc saisie, lors de la séance publique du jeudi 30 janvier, du texte initial de la proposition de loi déposée par M. Thierry Benoit et plusieurs collègues.

M. Thierry Benoit, rapporteur. Je remercie mes collègues.

Les questions de transparence, d’équité, de justice et d’exemplarité font partie des préoccupations des députés depuis trois législatures. J’ai noté le changement entre le mandat de Nicolas Sarkozy et le mandat d’Emmanuel Macron, en passant par celui de François Hollande.

Je veux dire aux députés de la majorité que les Français ont fait confiance au Président de la République pour mettre de l’ordre dans certaines pratiques. Nous, députés, avons commencé à mettre de l’ordre dans notre maison lors de la législature précédente, entreprise que cette majorité a poursuivie. J’espère que d’ici à l’examen du texte en séance publique, nous trouverons, avec les députés de la majorité, des voies de convergence pour faire aboutir cette proposition de loi. Cela renforcerait l’image de l’Assemblée : je préfère que ce soit nous qui mettions de l’ordre et portions le regard sur les AAI et les API plutôt que le Sénat qui a déjà fait une commission d’enquête dont le rapporteur était M. Jacques Mézard. C’est à nous de nous saisir, au nom de nos concitoyens, de ces problématiques.

M. Rémy Rebeyrotte. Que le Sénat vous entende !

Mme Cécile Untermaier. Je suis d’accord avec vous !

La réunion se termine à 12 heures 20.

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Informations relatives à la Commission

 

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Erwan Balanant, M. Thierry Benoit, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Moetai Brotherson, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, Mme Bérangère Couillard, M. Éric Diard, Mme Jeanine Dubié, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Philippe Gomès, M. Philippe Gosselin, Mme Émilie Guerel, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Sandrine Josso, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier

Excusés. - Mme Laetitia Avia, M. Éric Ciotti, Mme Paula Forteza, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Marietta Karamanli, Mme Marie-France Lorho, M. Fabien Matras, Mme Valérie Oppelt, Mme Maina Sage

Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Corbière, M. Paul Molac, M. Pierre Person, M. Michel Zumkeller