Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Audition conjointe, en visioconférence, de M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, et de M. Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale              2

 Audition conjointe, en visioconférence, de M. Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon, vice‑président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde, représentant de l’Association des maires de France (AMF) au sein de la Commission consultative des polices municipales, de M. Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne, président de Saint-Etienne Métropole, président de la commission Sécurité de France urbaine, et de M. Frédéric Gauthey, président du Groupement des entreprises de sécurité              15

 


Mercredi
22 avril 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 55

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 

 


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La réunion débute à 9 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne, en visioconférence, M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, et de M. Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous allons nous pencher sur les questions de sécurité, sous quatre angles : le contrôle du respect du confinement, la protection des policiers et des gendarmes, les conséquences du confinement sur la délinquance générale et le continuum de sécurité.

Nous commençons par l’audition de M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale, et de M. Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale.

M. Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. L’aspect sécuritaire de la crise sanitaire est géré par la cellule interministérielle de crise qui est placée sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur, la gendarmerie nationale ayant créé un centre pour la gestion des opérations déconcentrées, sous l’autorité des préfets de zone et de département. Nous faisons respecter le confinement tout en assurant la continuité de nos principales missions.

La manœuvre comporte trois lignes d’opérations qui couvrent toutes les dimensions : opérationnelles, ressources humaines, logistique, systèmes d’information, communication, innovation. Nous avons opté pour des circuits de décision clairs et courts, nous appuyant sur la subsidiarité et encourageant l’esprit d’initiative local.

Première ligne d’opération : le contrôle du respect de l’obligation de confinement. Chaque jour, 60 000 à 65 000 gendarmes, sur 100 000, sont mobilisés. Les gestes barrières et différents modes de fonctionnement ont permis de limiter le nombre de malades et donc de ne pas entamer la réserve opérationnelle, forte de 30 000 personnes, qui servira lors de la phase suivante.

Un peu plus de 8 millions de contrôles ont été réalisés, avec un taux de verbalisation de 4,4 %. Seuls 116 signalements sont parvenus à l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), dont seulement une quinzaine de mises en cause de gendarmes qui auraient manqué de discernement. Nous avons donné des directives de fermeté mais aussi de discernement car il existe beaucoup de cas particuliers, notamment des personnes qui se déplacent pour travailler. Les violences physiques et verbales contre les gendarmes ont augmenté de 73 % – + 36 % en métropole et + 241 % outre-mer pour les violences physiques ; + 75 % en métropole et + 57 % outre-mer pour les violences verbales.

Si la mission de contrôle est très visible, nous restons engagés dans la sécurisation des commerces et la lutte contre les violences intrafamiliales, les cybermenaces, les atteintes à la santé publique et les fraudes. Le réseau Cybergend, constitué de 5 500 membres, a traité 825 incidents cyber, qui ont fait l’objet de 235 procédures judiciaires et entraîné la fermeture de 80 sites internet. Le nombre d’opérations de prévention est remarquable : près de 7 000 sensibilisations de cibles potentielles, dont 60 hôpitaux, 40 industries de santé, une vingtaine de laboratoires, 900 pharmaciens, 1 300 élus locaux et 4 000 entreprises.

La deuxième ligne d’opérations consiste à préserver le potentiel opérationnel de la gendarmerie. Comme la police, nous avons vidé nos écoles : 3 700 élèves ont été envoyés dans les unités, tandis que les officiers en formation ont été affectés dans les structures internes, ministérielles ou interministérielles. Les missions non essentielles ont été mises en stand-by et toute la partie soutien est consacrée à la protection de la population, des institutions et des organes vitaux du pays.

Les unités fonctionnent en bordée (par roulement), de manière à éviter que les agents se croisent et puissent répandre l’infection à toute l’unité. Nous avons développé 6 400 moyens de télétravail sécurisés, notamment dans les états-majors.

La réserve devait intervenir quand le taux d’attrition serait le plus important mais nous l’avons préservée en anticipant la phase suivante : il faudra gérer l’été, le Tour de France, la reprise de nombreuses activités en septembre. Il s’agira de permettre à des personnels très engagés de se reposer, sans discontinuité du service.

Je craignais qu’on ait davantage d’infections. Nous avons lourdement insisté sur le respect des gestes barrières et la distanciation sociale, et nous avons aménagé les locaux. Au plus fort de l’épidémie, début avril, 2,3 % des gendarmes étaient confinés. Puis, pour éviter de fermer les brigades, nous avons demandé de ne confiner que les gens symptomatiques ou ayant été en leur présence. Finalement, 0,68 % de gendarmes sont confinés et un est malheureusement décédé. Au total, 471 gendarmes ont été testés positifs ; beaucoup sont déjà guéris et ont pu reprendre le service.

Nous avons appliqué la doctrine interministérielle de port des protections. La crainte du gendarme, qui habite en caserne avec sa famille, est de lui transmettre le virus. Il a fallu apprendre à appliquer les gestes barrières, avant de porter un masque. En moyenne, chaque gendarme consomme un peu moins d’un masque et demi par semaine, avec de fortes disparités en fonction des régions. Tous les véhicules disposent d’un kit de protection à utiliser par les gendarmes s’ils se sentent menacés, mais porter un masque de manière préventive ne sert à rien : deux gendarmes portant un masque dans leur voiture, c’est ridicule ! La propagation du virus dans nos rangs est finalement faible.

Au 21 avril la gendarmerie a reçu 2,25 millions de masques : cela permet d’en disposer dans toutes les brigades, mais aussi de constituer des stocks. Nous avons expérimenté des équipements alternatifs : 48 250 visières en plexiglas, qui couvrent les yeux, le nez et la bouche, ont été distribuées et les retours sont excellents. Dans les locaux accueillant du public, des dispositifs en plexiglas ont été installés pour éviter toute contamination entre gendarmes et public. Nous avons multiplié par cinq les effectifs de la brigade numérique, qui permet aux citoyens de tchater avec les gendarmes et les sollicitations se comptent en dizaines de milliers.

Troisième ligne d’opération : le maintien de la cohésion interne et l’accompagnement du personnel. Le numéro vert créé pour toute question touchant les gendarmes et leurs familles a reçu quelques centaines d’appels. Nous envoyons chaque jour des directives opérationnelles et des points de situation et avons des échanges avec les commandants de groupement via la messagerie Tchap. Mes visioconférences avec les commandants de région associent les instances de concertation et les syndicats des personnels civils ; les échanges sont francs et directs. Ce dispositif sera conservé après la crise car il maintient l’état d’esprit et l’engagement.

Dernier point sur nos capacités d’adaptation : l’innovation est importante, nous l’avons démontré en fabriquant nos propres visières. Notre laboratoire projetable travaille à l’amélioration de notre capacité de dépistage, avec l’aide de la police nationale, qui nous a renforcés en matériel.

Les personnes fragiles ou vulnérables étant de plus en plus nombreuses, nous souhaitons sortir du périmètre de notre mission en faisant preuve de solidarité. J’ai demandé à mes commandants de groupement de se rapprocher des personnes âgées, des victimes potentielles de violences intrafamiliales, ou des soignants, qui sont en première ligne et ont besoin de tout notre soutien.

Nous avons monté une opération baptisée « Répondre présent », centrée sur la solidarité et la cohésion de la nation. L’objectif est de proposer une offre de sécurité sur mesure, sous l’autorité des préfets. Ainsi, en Corse, où les villages de montagne sont parfois difficiles d’accès, les gendarmes apportent les médicaments aux personnes âgées ; à Auxerre, un escadron livre des pizzas aux soignants. Dans plusieurs départements, nous avons lancé l’opération « Tranquillité seniors », qui vise à rassurer leurs familles. De telles initiatives permettent de renouer des liens, de créer de la solidarité, de reconquérir la confiance de la population.

Nous cherchons à accompagner les élus locaux dans la cybersécurité car les collectivités territoriales sont particulièrement vulnérables. Nos référents sûreté sont capables d’auditer un réseau et de conseiller un maire sur ce sujet.

Nous avons vraiment tout fait pour nous adapter et pour anticiper car nous aurons encore des combats à mener demain.

M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale. Je salue l’engagement remarquable de la direction générale de la police nationale (DGPN), qui a tiré les enseignements de crises de toute nature et s’inspire des exemples étrangers. Nous appliquons des plans de continuité d’activité qui garantissent la permanence des missions prioritaires de service public. Nous avons répondu à la crise sanitaire dans des délais très rapides, dès le 25 janvier, lorsque la police aux frontières a dû prendre en charge des passagers en provenance de Chine potentiellement porteurs du virus.

J’ai fixé comme objectifs le maintien de nos capacités opérationnelles, la mobilisation de tous les personnels disponibles, la garantie de la sécurité et de l’ordre public, l’adaptation à l’évolution de la crise. Pour le contrôle du confinement, qui est notre mission prioritaire, nous avons réorganisé les services, employé des moyens, juridiques et techniques, nouveaux, appliqué des dispositifs dissuasifs pour faire respecter les restrictions des déplacements. Nous avons effectué des contrôles sur les axes majeurs de circulation, dans les gares et les aéroports, à l’aide, parfois, de moyens aériens. Entre le 17 mars et le 17 avril, 34,5 % des personnes contrôlées, et 45 % des personnes verbalisées l’ont été par la DGPN. Nous sommes mobilisés sur les frontières aériennes, maritimes et terrestres ; pour faciliter les contrôles, cinquante points de passage terrestres ont été fermés, en concertation avec nos voisins. Depuis le 18 mars, 3 631 refus d’entrée ont été prononcés.

Le confinement a entraîné une forte baisse des indicateurs de la délinquance ; si celle-ci a diminué, les victimes hésitent aussi à se déplacer pour porter plainte. Nous nous efforçons de les prendre en charge au mieux, par exemple grâce à un tchat ouvert sept jours sur sept. S’agissant des violences conjugales, les connexions à la plateforme dédiée et les interventions ont augmenté ; faible dans un premier temps, le nombre de faits enregistrés a retrouvé le niveau d’avril 2019. On relève par ailleurs des escroqueries liées à la crise sanitaire et une nette hausse des attaques cybercriminelles.

J’exprime ma reconnaissance aux membres de la police nationale. J’ai une pensée particulière pour le major Saïd M., emporté par la maladie, ainsi que pour les personnels souffrants. Chacun se sent concerné, malgré des inquiétudes légitimes. La majeure partie des effectifs est mobilisée ou mobilisable. Nous avons adapté les cycles de travail et renforcé les effectifs de la sécurité publique.

Pour protéger leur santé, nous faisons travailler les personnels en alternance et, si possible, en télétravail. Les personnels suspectés d’être contaminés ou d’avoir été en contact avec un malade ont été écartés ; 8 596 agents ont été confinés au plus fort de la crise. La question des moyens de protection individuels a été prise en compte sur la base des instructions du Gouvernement et des préconisations des autorités sanitaires. Par instruction du 13 mars, j’ai demandé que des kits de protection soient disponibles dans chaque véhicule de patrouille et d’intervention et dans les lieux accueillant du public. Les agents se sont vu indiquer une marche à suivre.

Au 16 avril, 1,557 million de masques chirurgicaux ont été distribués, grâce à la politique d’achat volontariste du ministère de l’intérieur et à des dons locaux ; 60 907 litres de gel hydroalcoolique ont été livrés, et 42 337 lunettes, sur 78 800 commandées. Des visières ou des masques en tissu sont aussi fournis. Des écrans en plexiglas ont été installés dans les services recevant du public. Une commande de 10,4 millions de gants a été passée. Le soutien psychologique et l’accompagnement des personnels ont été renforcés.

J’ai des échanges directs et partage les informations avec les syndicats. Les conditions de port du masque sont le sujet d’un désaccord persistant.

Nous devons préparer et accompagner la sortie du confinement.

M. Arnaud Viala. Je vous adresse ma reconnaissance, ainsi qu’à tous vos personnels. Percevez-vous une augmentation des tensions et des incivilités contre ces derniers de la part de personnes contournant les règles ? Quelles sont les orientations nationales en vue du déconfinement ?

M. Jean-Michel Fauvergue. Les cycles de repos sont-ils maintenus ? Le flux d’augmentation des heures supplémentaires a-t-il repris ? Comment vous répartissez-vous le travail de terrain avec les polices municipales ? Comment prolonger la tendance au recul de la vente de stupéfiants sur la voie publique ?

Mme Laurence Vichnievsky. Je rends à mon tour hommage aux forces de gendarmerie et de police. Quelles réponses vous paraissent adaptées au non-respect du confinement ? Le placement en détention en fait-il partie ? Comment avez-vous réorganisé vos priorités, compte tenu des troubles engendrés par la chute du trafic de drogue ? Continuerez-vous à utiliser certains outils numériques à l’avenir ? L’application Zoom à laquelle nous avons recours vous semble-t-elle sûre ?

Mme George Pau-Langevin. Je félicite également les forces de sécurité. Comment prévenir la hausse des tensions liée au confinement dans les quartiers populaires ? Dans quels territoires d’outre-mer des incidents contre des gendarmes sont-ils survenus et à quoi les attribuez-vous ? Alors que les expulsions ne sont plus possibles, que pensez-vous de la demande de fermeture des centres de rétention administrative (CRA), et comment la sécurité des fonctionnaires et des personnes retenues y est-elle assurée ?

M. Frédéric Veaux, directeur général de la police nationale. Globalement, les mesures de confinement sont bien acceptées et les gens font preuve de compréhension lorsqu’ils sont contrôlés, même si on relève des violences dans plusieurs quartiers sensibles. Le déconfinement n’est pas encore d’actualité pour la DGPN.

Nous avons réorganisé le travail et les cycles de repos pour assurer la permanence de la présence policière sur le terrain sans que les personnels se croisent. Le nombre d’heures supplémentaires baisse. La collaboration avec les polices municipales, qui participent aux contrôles et aux verbalisations, est inscrite dans l’action de la police nationale et se déroule très bien. Le trafic de stupéfiants est bouleversé, mais les produits restent disponibles et les réseaux s’adaptent, notamment pour la distribution. La police poursuit sa surveillance.

Les réponses au non-respect du confinement me semblent adaptées. Certains, réfractaires à toute contrainte, multiplient les infractions, mais il existe des parades. Le parquet de Riom a, par exemple, poursuivi pour délaissement les parents d’un enfant ayant violé le confinement à de multiples reprises.

La loupe des médias exagère certaines tensions dans les quartiers populaires : les statistiques montrent une diminution des violences et les faits ne sont pas d’une gravité exceptionnelle. Des tensions peuvent apparaître à cause de la perturbation des trafics. Mais la police répond de manière adéquate ; elle est présente partout avec engagement et courage.

Tous les CRA n’ont pas été fermés. Ils accueillent notamment les étrangers sortant de prison et faisant l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière. Je ne nie pas les difficultés que nous rencontrons pour y procéder, mais plusieurs ont lieu chaque jour. Les personnes accueillies étant moins nombreuses que d’habitude, les conditions sanitaires sont bonnes : je ne pense pas que la maladie se soit diffusée dans les CRA. Il faut donc garder ces centres ouverts.

M. Christian Rodriguez. Les violences observées sont le fait de nos « clients » habituels mais globalement, les contrôles sont bien acceptés et les règles respectées – le taux de verbalisation est de 4,4 %.

Outre-mer, c’est principalement Mayotte qui est concernée. Les caillassages, quotidiens, sont le fait de mineurs isolés d’autant plus désœuvrés que les écoles sont fermées. Nous procédons à des interpellations, mais il s’agit de mineurs… Nous essayons d’être présents et d’anticiper. Les territoires d’outre-mer sont moins touchés par le virus que la métropole, ce qui est une chance compte tenu des conditions de vie de nombreuses personnes. Globalement, la population y respecte le confinement.

Les gendarmes ont droit à 48 heures de repos hebdomadaire, qu’ils passent confinés chez eux. Nous veillons au respect de ce cycle car les personnels doivent récupérer de leur fatigue physique et mentale. Par ailleurs, nous travaillons en bonne coordination avec les polices municipales.

S’agissant des stupéfiants, l’Office anti-stupéfiant (OFAST) travaille. Le confinement a entraîné la recrudescence de certains actes destinés à récupérer de l’argent, tels que la casse de distributeurs automatiques. Nous avons renforcé notre présence dans les zones sensibles. L’OFAST prépare aussi l’après-déconfinement.

Madame Vichnievsky, la réponse me paraît adaptée. Il est vrai que placer certaines personnes en détention tandis qu’on régule la population carcérale n’aurait pas de sens.

Nous établissons des priorités : les violences aux personnes sont traitées normalement mais les dossiers non urgents restent sur les étagères. À partir du 11 mai, beaucoup de gens voudront rattraper le temps perdu et demanderont que leur affaire soit traitée, mais nous devrons continuer à prioriser, car nos agents, eux, n’auront pas été confinés ; ils sont même extrêmement engagés.

Dans son périmètre, la gendarmerie ne constate pas beaucoup de problèmes dans les quartiers populaires, mais elle les surveille attentivement.

Effectivement, Zoom n’est pas entièrement sécurisé. Nous utilisons la messagerie Tchap et, pour les visioconférences, Cisco. L’essentiel est de réfléchir à ce qui doit être sécurisé : des échanges qui seront mis en ligne peuvent passer par des dispositifs plus classiques. Certains outils ont été développés pour le télétravail.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous confirme que cette réunion est diffusée en direct sur le site de l’Assemblée nationale, qu’elle n’est donc pas du tout confidentielle et c’est très bien ainsi car les Français ont le droit d’entendre les réponses que vous nous faites.

Mme Alice Thourot. Je remercie les policiers et les gendarmes mobilisés sur le terrain. Quelle est l’évolution de la délinquance sur internet ? Quid de la radicalisation en ligne ? Comment remédier à notre vulnérabilité aux cybermenaces ?

M. Éric Diard. Avant le confinement, la radicalisation se développait dans des lieux comme les clubs de sport. Avec leur fermeture, on observe un regain de la radicalisation en ligne.

Quels sont les chiffres de la violence physique et verbale envers les policiers ?

Qu’en est-il précisément de l’augmentation des cyberattaques, et en connaissez-vous l’origine ?

Mme Isabelle Florennes. Je salue l’action de la police et sa coordination avec les polices municipales. Même si la loupe des médias attire l’attention sur des phénomènes en réalité circonscrits, certains actes de délinquance inquiètent la population, tels, à la suite de l’accident de Villeneuve-la-Garenne, les tirs de mortier d’artifice. Pourriez-vous préciser les renforts fournis dans les Hauts-de-Seine par la préfecture de police ?

Enfin, quel sera le rôle des médiateurs locaux lors du déconfinement ? Pour l’instant, j’ai reçu peu de réponses des municipalités.

M. Stéphane Peu. Député de Seine-Saint-Denis, je constate que certains médias confinés diffusent des informations bien éloignées de la réalité des quartiers. On ne peut absolument pas parler d’un embrasement des banlieues. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas être vigilant, comme il faudra l’être au moment du déconfinement – d’où la nécessité de nouer un dialogue avec les collectivités.

S’agissant des masques, vous vous êtes voulus très rassurants mais, sur le terrain, je vois des policiers en demander aux collectivités locales. Ils vivent le manque de masques comme une maltraitance. Sommes-nous incapables de protéger nos forces de l’ordre ?

Dans certains quartiers, on a vu apparaître des drones, parfois équipés de haut-parleurs. De telles périodes sont propices aux expérimentations en matière de sécurité publique : est-ce le cas ici ? Des consignes ont-elles été données, ou bien s’agit-il de cas isolés, ne portant pas à conséquence ?

Mme Danièle Obono. Vos propos concernant le taux d’infraction et l’atmosphère générale montrent que, dans l’ensemble, la population respecte les consignes. J’en retiens également que les forces de police et de sécurité sont là pour assurer la sécurité sanitaire. Un protocole permet-il d’uniformiser les pratiques et éviter les verbalisations abusives, même si les cas rapportés sont minoritaires ?

Quelles consignes ont été données pour l’usage de la force et des techniques d’intervention, certains problèmes étant également signalés ? Votre approche intègre-t-elle la désescalade et la prévention des biais discriminants ?

Enfin, sur quelle base les agents peuvent-ils considérer qu’ils se sentent en danger ? Dans un espace confiné comme un véhicule de patrouille, la distanciation sociale est difficile. Le port du masque, à tout le moins, participerait à la prévention.

M. Christian Rodriguez. L’augmentation de la délinquance sur internet n’est pas manifeste. Nous n’observons pas d’augmentation des ransomwares, même si toutes les victimes ne s’en vantent pas. Nous avons fait fermer quatre-vingts sites frauduleux qui prétendaient vendre des masques. Beaucoup de personnes passent du temps devant leur ordinateur et nombre d’individus essaient de les escroquer. Des précautions élémentaires permettent de l’éviter : souvent le problème est entre la chaise et l’ordinateur… D’où l’importance de conseiller les gens. La cybercriminalité sera une source de contentieux de plus en plus importante.

S’agissant des masques, la doctrine gouvernementale est simple : quand un agent se sent en danger, il doit en porter.

Nous avons environ 300 drones ; nous en utilisons tous les jours, notamment pour surveiller la circulation automobile, sans jamais enregistrer les images, et il n’y a pas de doctrine spécifique pour le confinement.

Une contravention peut toujours être contestée. On rapporte seulement 15 cas transmis à l’IGGN, sur plus de 8 millions de contrôles, dans lesquels le discernement des gendarmes a été mis en cause – et encore, dans certaines affaires rapportées par les médias, l’agent concerné avait fait son travail comme il le devait. Certes, ce sont 15 cas de trop, mais, dans l’immense majorité des cas, les protocoles fonctionnent. Nous appelons constamment nos agents à faire preuve de discernement.

M. Frédéric Veaux. S’agissant de la cybercriminalité et des cyberattaques, le confinement a eu pour effet de maintenir les gens chez eux et d’augmenter leur recours à internet. La police a constaté une forte augmentation des signalements depuis le mois de mars : la plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (PHAROS) en a traité 1 794 relatifs à des infractions sur internet en lien avec la pandémie, et la plateforme téléphonique « info escroqueries » de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLTCIC) a reçu plus de 1 700 appels. Très souvent, ces escroqueries sont en lien avec des sites proposant du matériel sanitaire. Un certain nombre d’escrocs opèrent de l’étranger. Les cyberattaques n’ont pas diminué – la ville de Marseille en a par exemple été victime récemment.

En ce qui concerne la radicalisation, les islamistes sont eux aussi touchés par la crise sanitaire, avec la fermeture des lieux de culte et la limitation des déplacements ; ils se tournent vers internet. Le phénomène fait l’objet d’un suivi très attentif. Le renseignement territorial n’a pas détecté d’activité particulière, en dehors des discours selon lesquels la pandémie serait une punition pour les mécréants. Nous ne baissons absolument pas la garde.

Les violences contre les personnes dépositaires de l’ordre public ont baissé de 11 % au mois de mars, les seules violences physiques de 23 %.

Dans les Hauts-de-Seine, comme à Paris et dans les autres départements de la petite couronne, qui ne dépendent pas directement de la DGPN, nous contribuons au rétablissement de l’ordre en mettant à la disposition du préfet de police des unités de forces mobiles. L’arrêté pris par ce dernier pour interdire la vente de mortiers de feux d’artifice devrait contribuer à faire cesser leurs tirs, susceptibles de provoquer des blessures graves.

La coordination entre police nationale et police municipale, désormais inscrite dans la pratique des services, est plus utile encore en temps de crise.

La police nationale reste bien entendu en étroite relation avec les élus, les associations et les médiateurs, très importants pour faire retomber la pression dans les quartiers.

Les policiers, malgré leur inquiétude quant au risque de contaminer leurs proches, sont prêts à ce sacrifice. La doctrine de protection des personnels découle de la stratégie du Gouvernement. Les règles ne peuvent embrasser toutes les situations. Je fais confiance au professionnalisme, au sens des responsabilités et au discernement des policiers.

Nous expérimentons les drones : ils permettent de détecter des rassemblements et nous évaluerons s’ils ont un effet dissuasif sur ceux qui seraient tentés de ne pas respecter les limitations de déplacements.

Toute contravention peut être contestée ; le délai de contestation a d’ailleurs été porté de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours durant le confinement. Le cadre des contrôles est le même qu’en temps normal. Il appartient au policier d’apprécier la situation, notamment la nécessité d’user de la force. Il ne me paraît pas utile, par exemple, de fouiller les sacs de course si l’attestation est en règle.

Mme Alexandra Louis. En matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, la police s’est adaptée, notamment en verbalisant les acheteurs qui ne peuvent justifier leur présence à un point de vente. Ne pourrait-on pas s’appuyer sur cette expérimentation en vue de la généralisation de l’amende forfaitaire pour usage de stupéfiants ?

Comment avez-vous adapté votre mode opératoire – interventions, confrontations, auditions – de lutte contre les violences intrafamiliales aux contraintes du confinement ?

Un rapport d’INTERPOL a mis en évidence l’augmentation de la pédocriminalité en ligne. Avez-vous des éléments d’information ?

M. Raphaël Schellenberger. Deux casernes de gendarmerie ont été confinées en raison de la présence du coronavirus, dont une dans ma circonscription. Quelle stratégie avez-vous suivie en matière de tests et pour protéger les gendarmes et leurs familles ?

Une hausse des agressions contre les forces de l’ordre a été constatée – par exemple, certains contrevenants crachent sur les agents, en affirmant qu’ils seraient porteurs du virus. Font-elles l’objet d’un suivi particulier ? Sont-elles une circonstance aggravante devant un tribunal ? Les réponses de l’institution judiciaire sont-elles adaptées ?

M. Vincent Bru. Les drones et les hélicoptères sont utilisés pour repérer des contrevenants au confinement. Quelles conséquences en tirez-vous quant aux investissements matériels pour adapter votre action ?

Un dispositif spécifique est-il prévu pour éviter les rassemblements et les troubles susceptibles d’intervenir le soir et la nuit pendant la durée du ramadan, qui débute demain ?

Mme Cécile Untermaier. Nous manquons de visibilité quant à la liberté laissée à chacun dans le cadre du confinement à mesure que des assouplissements y sont apportés, ce qui rend le contrôle difficile. Avez-vous réfléchi à ce problème ?

Les professionnels de santé préconisent une généralisation du port du masque lors du déconfinement. Le port de la visière ne serait-il pas plus adapté au travail des forces de l’ordre ?

Je soutiens la politique de libération des détenus et de retour à un encellulement individuel. Une communication est-elle prévue pour qu’elle soit bien acceptée par les forces de l’ordre ?

Mme Emmanuelle Ménard. Vous avez annoncé un taux de verbalisation de 4,4 % pour les infractions au confinement, alors qu’il est de 12 % à Béziers ; comment expliquer la variabilité selon les zones géographiques ? En outre, les agressions physiques et verbales sont l’œuvre d’un public plus large que les coutumiers du fait.

Est-il vrai que les contrôles seraient limités dans certains quartiers sensibles en raison du manque de moyens matériels et humains ? Avez-vous reçu des consignes en ce sens ?

Craignez-vous que le respect du confinement soit plus difficile à faire respecter en soirée avec l’arrivée des beaux jours, le début du ramadan, les conséquences de l’état d’urgence sanitaire sur les trafics de stupéfiants et l’approche du 11 mai ? Avez-vous prévu un dispositif spécifique ?

Des mesures de désinfection particulières sont-elles appliquées dans les bâtiments et les véhicules des forces de sécurité ? Sont-elles suffisantes ?

M. Frédéric Veaux. Marseille est une ville pilote dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, que j’ai dirigée pendant trois ans. Un dispositif particulier de coordination entre les services a été mis en place depuis quelques années, et la verbalisation des acheteurs, déjà appliquée avant la crise, a fait ses preuves et sera une expérience utile pour la suite.

Le signalement des violences intrafamiliales, rendu plus compliqué par la présence continue du conjoint violent au domicile, est désormais possible par SMS au 114 et en pharmacie ou dans les centres commerciaux. L’augmentation du nombre d’interventions de la police montre que ce dispositif fonctionne. Le traitement de ces situations par des unités spécialisées est le même qu’avant la crise, et nous en avons fait une priorité depuis le début du confinement, bien conscients aussi des retombées pour les enfants.

Tous les services spécialisés dans la pédocriminalité sont mobilisés dans le cadre d’une coopération internationale, les victimes se trouvant souvent à l’étranger. Le rôle d’INTERPOL est décisif pour identifier enfants et prédateurs.

Les agressions contre les forces de l’ordre font l’objet d’un suivi au cas par cas. Les crachats sur les policiers ont reçu une réponse judiciaire très ferme – j’ai en tête une condamnation à un an de prison –, à la hauteur de la gravité des faits.

Les représentants du culte musulman, en lien avec les préfets et les associations, sauront faire en sorte que les musulmans de France pratiquent le ramadan le plus paisiblement possible. La police nationale apportera une réponse adaptée aux manifestations bruyantes ou violentes qui pourraient survenir.

Le respect du confinement ne semble pas soulever de problème de lisibilité car la presse, les sites internet ou le Gouvernement ont fourni de nombreuses explications. Des mécanismes de solidarité se mettent en place pour les personnes exclues, notamment dans les territoires ruraux.

Pour le déconfinement, nous attendons les instructions du Gouvernement.

La libération des détenus en fin de peine obéit à des règles particulières. Je n’ai pas l’habitude de commenter les décisions de justice. Dans un État de droit, la mission de la police nationale est de faire respecter la loi.

Il n’y a pas de logique d’évitement en raison d’un manque de moyens ou de personnel. Lorsqu’ils interviennent, les policiers apprécient la situation et décident s’ils doivent renoncer à appliquer un remède qui serait pire que le mal. Le temps joue toujours pour la police : elle doit savoir intervenir au moment opportun. Personne ne peut bénéficier d’un traitement de faveur.

L’arrivée des beaux jours, le début du ramadan ou le poids de plus d’un mois de confinement peuvent inciter la population à sortir, d’autant que, le ministre de l’Intérieur l’a rappelé, les conditions du confinement sont disparates. Nous prenons en considération ces éléments, qui constituent autant de points de vigilance.

Enfin, la police nationale procède bien à la désinfection de ses locaux et véhicules, en premier lieu à Sanary-sur-Mer, où un policier avait été testé positif. Elle applique également les procédures de nettoyage de ses bureaux, supports et véhicules.

M. Christian Rodriguez. S’agissant de la pédocriminalité, nous réalisons de nombreuses enquêtes sous pseudonyme sur l’internet clandestin. Le prédateur ayant besoin d’établir un contact physique avec sa victime, nous serons particulièrement mobilisés à partir du 11 mai, lorsque les déplacements deviendront plus faciles.

Dans le Haut-Rhin, département qui a subi la vague en premier, deux unités ont été fermées. La réaction des gendarmes, confinés avec leurs familles, a été admirable. Ils ont, depuis, repris le travail.

Je ne commenterai pas davantage les décisions de justice. Les juges ont bien à l’esprit la circonstance aggravante que constitue l’agression d’un représentant des forces de l’ordre.

Une réflexion capacitaire sur les investissements en matériels avait été engagée avec la sécurité civile avant la crise, dans la perspective du Livre blanc. Elle se nourrira de nos observations, notamment pour le renouvellement des hélicoptères, avant le débat budgétaire.

Testées avec succès, les visières seront utilisées car elles semblent protéger plus efficacement que les masques et les lunettes. Après le 11 mai, les gendarmes continueront à appliquer la doctrine du Gouvernement.

La libération des détenus n’appelle pas de commentaire. Une bonne communication est nécessaire entre la justice et les forces de l’ordre, pour que le lieu de domicile des personnes faisant l’objet d’une assignation à résidence soit connu. Cette situation ne soulève pas d’inquiétude.

Les moyens humains ne manquent pas. La question est d’anticiper, pour savoir où engager nos forces. Nous y travaillons, sous l’autorité du ministre.

Les gendarmes désinfectent très régulièrement les bureaux et les véhicules. Le matériel est disponible. Des innovations sont en cours, notamment à Rennes, pour permettre des échanges en visioconférence avec les magistrats, afin d’éviter déplacements et mises en contact. Ces mesures efficaces devront être pérennisées après la crise par des évolutions réglementaires ou législatives.

M. Fabien Matras. Chaque week-end, des mouvements vers les résidences secondaires nous sont rapportés. Un dispositif particulier est-il prévu pour les ponts du mois de mai ?

M. Éric Ciotti. La libération de quelque 20 000 détenus et de retenus fait craindre une explosion de la délinquance lors du déconfinement. Comment l’anticipez-vous ? Comment faire face aux tensions qui se multiplient dans de nombreux quartiers ? Les réserves de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que l’armée seront-elles sollicitées ?

Mme Marietta Karamanli. Combien de policiers et de gendarmes ont été contaminés jusqu’à présent ? Disposerez-vous de moyens suffisants de protection après le 11 mai ? Combien de recours ont été enregistrés contre les infractions ? Qui les examinera ?

M. Ugo Bernalicis. Pouvez-vous préciser le dispositif « Masque 19 », qui ne semble pas être redescendu vers les policiers et les gendarmes ? Il a été indiqué le 1er avril que les personnels techniques et scientifiques de la police et de la gendarmerie pourraient être mis à contribution pour effectuer des tests. Disposez-vous de telles capacités ? Enfin, exercez-vous une vigilance particulière contre les escroqueries en ligne et la délinquance économique et financière ?

Mme Bérangère Abba. Les atteintes à l’environnement et le trafic d’espèces perdurent durant la crise sanitaire, alors que les inspecteurs de l’environnement sont mis à contribution dans le cadre de la surveillance du respect du confinement bien qu’ils ne puissent pas verbaliser. Une réflexion sur les moyens de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est-elle envisagée ?

M. Stéphane Mazars. Les brigades de contact du dispositif « Répondre présent » permettent-elles d’accompagner efficacement les citoyens, notamment dans les territoires ruraux, ou de détecter des violences intrafamiliales ?

M. Rémy Rebeyrotte. Comment envisagez-vous les enjeux du plan de déconfinement ? Police et gendarmerie y travaillent-elles en commun ?

M. Christophe Lejeune. Les aides massives de l’État aux entreprises offrent des occasions de détournement aux organisations criminelles. Comment anticipez-vous cette menace ?

M. Philippe Gosselin. Quel est l’apport des réservistes ? Sont-ils suffisamment mobilisés ?

M. Erwan Balanant. Avez-vous adopté un dispositif spécifique contre le cyberharcèlement, qui s’est accru durant le confinement ?

M. Christian Rodriguez. Nos ressources sont très mobilisées contre le cyberharcèlement, en partenariat avec l’association e-Enfance.

J’ai choisi de conserver nos 30 000 réservistes pour le moment où nous en aurons besoin. Certains ont déjà été engagés pour accompagner la réouverture des bureaux de postes et au sein du dispositif « Répondre présent ». D’autres pourront bientôt être affectés à des missions de proximité.

Si certaines personnes ont effectivement réussi à rejoindre leur résidence secondaire en présentant une attestation en bonne et due forme, on a observé une diminution de 95 % de la circulation automobile les week-ends. Le dispositif de contrôle restera inchangé pour les prochains week-ends : nous serons très présents à proximité des grandes villes, sur les lieux de destination et sur les itinéraires secondaires, afin de contrer les stratégies d’évitement.

L’OFAST continue à lutter contre les trafics de stupéfiants. Je ne peux évoquer ici les opérations en cours.

471 gendarmes ont été dépistés positifs, certains malades restant asymptomatiques. Même si le port du masque devient obligatoire le 11 mai, nous aurons largement de quoi tenir trois semaines, car nous recevons régulièrement des équipements. Le port d’un masque ou d’une visière ne doit pas faire oublier l’importance des gestes barrières, que je rappelle régulièrement.

L’IGGN a été saisie à 116 reprises, mais quinze cas semblent vraiment poser problème. Je ne pense pas qu’on puisse comparer contrôles au faciès et contrôles d’attestation et j’estime que globalement les choses se font de manière satisfaisante, même si on peut toujours faire mieux.

L’assouplissement des règles du droit du travail offre des possibilités aux fraudeurs. Nous avons fait parvenir à tous nos enquêteurs une fiche réflexe, et des actions sont menées par les comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF) auprès des entreprises continuant leur activité alors que leurs salariés sont censés être en chômage partiel. Des gendarmes et des policiers collaborent au sein d’autres structures départementales pilotées par les préfets et les procureurs. Le service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale (SCRCGN) et l’office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) sont très actifs. 790 gendarmes sont affectés à la lutte contre la délinquance économique et financière.

L’OCLAESP étant très impliqué dans la lutte contre la vente de chloroquine et d’autres médicaments contrefaits, j’envisage d’augmenter considérablement ses effectifs et je m’engage à ouvrir deux antennes supplémentaires. Il faudrait compléter le dispositif par une gouvernance interministérielle.

Nous attendons de connaître les orientations du plan de déconfinement et contribuons à la réflexion. Son application ne devrait pas nous poser de problèmes, dans la mesure où nous disposons des moyens nécessaires et pouvons compter sur un fort engagement de nos personnels. L’essentiel consistera à établir des priorités et à faire comprendre à certains que leurs demandes, mêmes légitimes, peuvent attendre septembre.

Grâce à nos effectifs, le dispositif « Répondre présent » correspond aux fortes attentes de la population en matière de relation de proximité : nous ne devons pas seulement contrôler, mais aussi aider les personnes en difficulté, assister les élus et faciliter la tâche des soignants. C’est un travail proche de celui des brigades de contact, mais à très large échelle. Nous devons multiplier les contacts pour mieux détecter les violences intrafamiliales, et être capables d’accueillir les victimes potentielles en des lieux où on ne nous attend pas, par exemple les bureaux de poste et les centres commerciaux. La gendarmerie a un rôle de solidarité à jouer : si nous ne rendons pas à la population les services qu’elle attend de nous, nous ne servons à rien.

M. Frédéric Veaux. Pour les résidences secondaires, nous avons reçu des instructions très strictes du ministère de l’Intérieur afin que des contrôles soient effectués lors des week-ends et des départs en vacances. En région parisienne, la police a installé des dispositifs sur les axes routiers et dans les gares. Certains avaient pris les devants en partant avant le confinement…

La police est prête à faire face à une explosion de la délinquance au moment du déconfinement, et s’efforce d’anticiper. On ne peut pas tout demander à l’armée : déjà présente dans le cadre des opérations « Sentinelle » et « Résilience » et ayant contribué au traitement de la crise sanitaire, elle n’a pas vocation à intervenir aussi pour le maintien de l’ordre dans les quartiers sensibles. Je confirme que la police est très attachée à ce que la loi de la République s’applique partout.

1 694 personnels de la police ont été atteints par le Covid-19, soit 1,46 % des 116 000 fonctionnaires relevant de mon autorité – sur un effectif total de 146 000 policiers – et il y a aujourd’hui 289 malades détectés ou déclarés, soit 1,25 % de mes personnels. Nous attendons les préconisations des autorités de santé quant aux équipements de protection qui seront nécessaires au moment du déconfinement.

Les contraventions étant soumises à un délai de recours de quatre-vingt-dix jours, nous ne pourrons vous donner des chiffres que dans plusieurs semaines.

Je n’ai pas d’éléments de réponse au sujet de « Masque 19 ».

La police technique et scientifique (PTS) a mis à disposition des matériels provenant aussi bien de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) que de laboratoires publics, mais ses personnels n’ont pas été engagés sur d’autres missions que celles qui leur sont habituelles.

Les circonstances peuvent conduire certains criminels à investir de nouveaux champs d’action, dont la criminalité économique et financière, et nous sommes très vigilants. Des entreprises faisant travailler des salariés en chômage partiel peuvent être l’objet de signalements auprès de l’inspection du travail. Dès lors que la police est saisie, elle mène une enquête.

Pour le déconfinement, je répète que nous nous en remettrons aux décisions que le Gouvernement annoncera.

Si les organisations criminelles ne sont pas aussi implantées en France que dans d’autres pays européens, notamment dans les Balkans ou en Italie, les entreprises les plus fragiles sont tout de même exposées à leurs agissements, ainsi qu’à ceux de puissances étrangères qui pourraient être tentées de faire main basse sur quelques pépites industrielles : les services de renseignements exercent donc une vigilance accrue.

Comme nous ne pouvons recourir à des réservistes que 150 jours par an, je préfère garder ces moyens pour l’après-confinement.

Les phénomènes de harcèlement, notamment le « ficha », sont très préoccupants. À partir de septembre, la plateforme dédiée aux violences sexuelles et sexistes sera compétente pour recevoir les signalements relatifs au cyberharcèlement.

Je remercie les parlementaires qui m’ont fait parvenir des messages de soutien à l’intention des policiers. Vous pouvez être assurés de leur mobilisation et fiers d’eux.

M. Christian Rodriguez. Je vous remercie également pour votre soutien.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous pouvez faire part aux personnels de la police et de la gendarmerie de la reconnaissance et de l’admiration de la représentation nationale pour leur engagement.

*

La Commission auditionne, en visioconférence, M. Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon, vice-président de la communauté de communes Entre Juine et Renarde, représentant de l’Association des maires de France (AMF) au sein de la commission consultative des polices municipales, M. Gaël Perdriau, maire de Saint-Étienne, président de Saint-Étienne Métropole, président de la commission Sécurité de France urbaine, et M. Frédéric Gauthey, président du Groupement des entreprises de sécurité.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Alors que nous nous interrogeons au sujet du continuum de sécurité durant les périodes de confinement et de déconfinement, nous avons souhaité entendre des élus locaux, ainsi qu’un représentant des entreprises de sécurité.

M. Alexandre Touzet, représentant de l’association des maires de France (AMF) au sein de la commission consultative des polices municipales. La plus importante des seize communes rurales et périurbaines de notre communauté de communes compte 8 000 habitants. L’activité de police municipale intercommunale en milieu rural diffère de celle de la police en milieu urbain car on y trouve davantage de parcs et jardins, et des catégories socioprofessionnelles un peu plus favorisées.

Nous avons commencé par protéger nos personnels en les dotant de masques et de gants, qu’ils portent en permanence, et par former des demi-équipes intervenant une semaine sur deux. Nous avons informé tous les habitants des dispositifs de contrôle et mis des attestations pré–imprimées à disposition des personnes les plus éloignées du numérique, notamment certaines personnes âgées.

Nous avons dû attendre quinze jours pour que la réglementation permette à la police municipale d’effectuer des contrôles et de verbaliser. Sont effectués environ 150 contrôles chaque jour pour une dizaine de verbalisations, en privilégiant la pédagogie. Le respect des gestes barrières semble poser quelques difficultés lors des contrôles sur smartphone. Nous recevons un bon accueil du public, satisfait de voir que le service public est bien présent.

Du fait du confinement et des contrôles, les actes de délinquance habituels diminuent, en particulier les cambriolages. La mobilisation de la police municipale en matière funéraire représente une prise de risque, notamment dans les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et nécessite beaucoup de temps.

En lien avec la gendarmerie, nous avons mené une action visant à prévenir les personnes âgées des arnaques relatives aux attestations ou à certains services proposés. S’agissant des violences intrafamiliales dont peuvent être victimes les femmes et les enfants, nous avons distribué des affichettes aux commerçants et mis la police municipale en rapport avec les pharmaciens, chargés d’une mission d’accueil, d’orientation et de signalement. Nous avons, avec le département, un plan de continuité des associations accompagnant les femmes victimes. Nous sommes particulièrement attentifs aux violences intrafamiliales et aux conflits de voisinage, qui peuvent vite dégénérer en cette période de crise.

Pour l’après-crise, nous devons engager une réflexion sur la sécurisation de nos circuits informatiques, mais aussi sur l’actualisation des plans communaux de sauvegarde.

Au moment du déconfinement, nous devrons rapidement réactiver le réseau de prévention primaire constitué par les associations qui organisent des activités sportives, culturelles, éducatives, afin que les jeunes ne soient pas livrés à eux-mêmes.

Autre point de vigilance : la précarité sociale et médicale pourrait engendrer certains comportements déviants.

Enfin, il faudra être attentif à la résurgence des actes de délinquance comme les cambriolages, en forte régression pendant le confinement.

M. Gaël Perdriau, président de la commission Sécurité de l’association France urbaine. France urbaine représente les trente plus grosses villes de France. Sa commission Sécurité se réunit chaque semaine depuis le début de la crise.

Nous pouvons nous féliciter qu’une grande majorité de villes dispose d’une police municipale, complément indispensable à la police nationale. À Saint-Étienne, nous avons signé une convention avec cette dernière afin de définir nos champs d’action respectifs. Plusieurs villes ont le sentiment que les rapports entre police nationale et polices municipales se distendent et qu’un transfert de charge s’opère de la première vers les secondes. Nous avons alerté le ministre de l’Intérieur sur ce désengagement, qui a conduit à la résurgence d’incivilités et du trafic de drogue, qui avaient disparu au début du confinement. La police nationale semble moins réactive qu’avant la crise : elle n’est pas à effectif complet et elle est particulièrement sollicitée pour faire respecter le confinement.

En outre, les décisions nationales – couvre-feu, fermeture des marchés – sont appliquées de manière très hétérogène par les préfets. Cela met les maires en difficulté et crée des tensions car les habitants, ne comprennent pas pourquoi les directives du Président de la République et des ministres ne sont pas appliquées partout de la même façon.

Les maires ont équipé leur police municipale de gel hydroalcoolique et de masques avant que la police nationale en soit dotée. Cette inégalité a aussi entraîné des tensions.

France urbaine a proposé au ministre des solutions constructives. Nous vivons l’absence de réponse comme un manque de considération. Nous avions proposé d’ouvrir les écoles, non seulement aux enfants des personnels soignants, mais aussi à ceux des personnels de la police nationale, de la gendarmerie, des polices municipales, également en première ligne. L’absence de réponse a abouti à un traitement hétérogène.

Nous regrettons également les décisions prises sans concertation avec les polices municipales : ainsi, personne ne s’est soucié de savoir comment elles pourraient contrôler les autorisations de sortie numérique. J’ai d’excellentes relations avec le préfet de la Loire, mais il est parfois en difficulté, recevant la même semaine ordres et contrordres…

Pour détenir une arme, les policiers municipaux doivent justifier d’un certain nombre d’heures de tir. Or les entraînements sont suspendus. La responsabilité des maires est donc engagée. Nous n’avons pas eu de réponse ministérielle sur ce point non plus. De même, le flou autour de la formation pour détenir des bombes lacrymogènes n’a pas été dissipé.

Dans le cadre de la préparation du rapport des députés Fauvergue et Thourot et du Livre blanc sur la sécurité intérieure, nous avions émis des propositions : nous regrettons l’absence de retour, comme le fait que le groupe de travail « partenariats et continuum de sécurité » n’ait pas associé les maires à ses travaux.

Alors que le Parlement s’est prononcé pour une délégation aux maires, la fermeture administrative des établissements reste du seul ressort des préfets, La consultation des fichiers d’immatriculation des véhicules par les polices municipales n’a toujours pas été généralisée – c’est un handicap au quotidien. Quand un policier municipal arrête quelqu’un sur la voie publique et veut contrôler son identité, il doit téléphoner à un officier de police judiciaire : si ce dernier n’est pas disponible, la personne peut partir…

Les agents de sécurité privée sont particulièrement présents à l’entrée des magasins. D’autres questions vont se poser avec le déconfinement : s’il est rendu obligatoire, qui va contrôler le port du masque dans les transports en commun et verbaliser les contrevenants ? Les polices municipales, avec l’appui d’agents de sécurité embauchés par les délégataires de transports ?

Des réponses à ces questions amélioreraient sensiblement le continuum de sécurité, tout en préservant le partage entre les missions régaliennes de sécurité publique de la police nationale et celles relatives à la tranquillité publique des polices municipales.

M. Frédéric Gauthey, président du Groupement des entreprises de sécurité. Lors de l’attentat du Stade de France, c’est un agent privé de sécurité qui a évité le carnage grâce à son respect scrupuleux des consignes. C’est également un agent de sécurité qui a apporté les premiers soins à un enseignant du Pôle universitaire Léonard de Vinci violemment agressé par un de ses anciens élèves.

Ces 180 000 personnes contribuent à la sécurité de la nation. Notre secteur représente un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros et compte 3 500 entreprises et 8 000 autoentrepreneurs. Nos marges sont proches de zéro et la moitié de nos effectifs sont payés au SMIC, avec un taux de rotation de 30 %. Il y a un peu plus d’un an, nous avions décidé de transformer notre secteur en profondeur. La crise du coronavirus, après celle des gilets jaunes, tombe vraiment très mal.

Nous voulions faire adopter différentes mesures – notamment législatives – pour assurer notre pérennité : garantie financière pour les entreprises, sous-traitance à un seul niveau – contre parfois cinq, voire dix actuellement, au détriment de la sécurité –, instauration d’un indice des coûts de revient réaliste. Nous voulions également soutenir la transformation sociale du secteur, en conférant à nos agents un statut juridique leur permettant d’invoquer des circonstances aggravantes en cas d’agression, et en développant l’assermentation. À l’horizon 2022, les hausses de salaires devaient représenter 10 % de la masse salariale et rendre enfin attractive une profession qui a du mal à recruter : il nous manque 15 % d’effectifs, que nous compensons par des heures supplémentaires. Cet objectif ambitieux visait à nous permettre de jouer notre rôle lors des Jeux olympiques de 2024.

Quelles sont nos deux grandes préoccupations ? Nous enregistrons une perte d’activité de 20 à 25 % et un taux de chômage partiel de 20 %, les disparités étant très fortes selon les secteurs : dans la distribution non alimentaire, l’événementiel ou la culture, l’activité est quasiment nulle. Dans l’industrie, elle se maintient plus ou moins. Dans la grande distribution alimentaire ou la logistique des entrepôts alimentaires, la demande est en hausse pour éviter incivilités et vandalisme.

Nos agents font un travail remarquable. Travailleurs de l’ombre, ils n’ont pas droit à beaucoup de reconnaissance publique. Cela nous laisse pantois quand chacun plaide pour un continuum de sécurité. Seul le Président de la République les a cités la semaine dernière, avant les journalistes.

Les équipements de protection individuelle (EPI) sont notre deuxième sujet d’inquiétude. La première préoccupation d’un chef d’entreprise est d’assurer la sécurité de ses salariés. Notre branche applique strictement les directives du ministère de la Santé et les gestes barrières. Mais le port du masque reste problématique : certes, les entreprises tentent de s’approvisionner, en Chine ou ailleurs, mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle volte-face des autorités sanitaires. Si le masque devient obligatoire, nos entreprises seront dans une situation extrêmement délicate. En outre, certains donneurs d’ordres – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) ou inspections du travail – indiquent que son port est obligatoire, en contradiction avec les préconisations des autorités sanitaires.

Enfin, il y a beaucoup trop d’incertitudes concernant la période de déconfinement alors qu’il faudrait pouvoir transmettre des directives claires à nos entreprises.

M. Jean-Michel Fauvergue. Nous avons ouvert la possibilité de donner des pouvoirs contraventionnels supplémentaires aux polices municipales. Cela semble très bien fonctionner. Y êtes-vous favorables ? Confirmez-vous que les policiers municipaux peuvent dresser ces contraventions uniquement en l’absence de récidive ?

Les représentants des communes sont-ils favorables à un transfert de certains pouvoirs aux agglomérations ?

Avec Alice Thourot, nous avons soulevé les problèmes de garantie financière, sous-traitance, protection juridique des agents privés de sécurité, dans notre rapport sur le continuum de sécurité. Nous l’avons également inscrit dans une proposition de loi. Quelles sont vos propositions s’agissant de la formation et de la qualification de vos agents ?

Mme Alice Thourot. Dans le cadre de la mission qui nous avait été confiée par le Gouvernement, Jean-Michel Fauvergue et moi avions auditionné France urbaine et l’Association des maires de France – à deux reprises. Nous avons également participé ensemble à des tables rondes. Notre rapport vise à permettre aux élus locaux de disposer d’une plus grande marge de manœuvre, sans jamais rien imposer.

Monsieur Gauthey, vous déplorez « l’occasion manquée » par l’État. L’Assemblée nationale entend souvent le secteur de la sécurité privée. J’exprime toute ma reconnaissance à ses entreprises et à ses agents, qui sont en première ligne.

Pendant le confinement, puis pour le déconfinement, avez-vous pu obtenir une dérogation en matière de temps de travail ? C’est important pour les transports de fonds, les installateurs et dépanneurs de dispositifs de télésurveillance, la sécurité des hôpitaux et de la distribution alimentaire.

Mme Emmanuelle Ménard. De nombreux maires déplorent l’écart entre discours et réalité : l’action des élus locaux est vantée mais les préfets s’opposent à leurs initiatives.

Dans le cadre du continuum de sécurité, donner davantage de prérogatives à la police municipale soulagerait la police nationale : accès plus large aux fichiers, autorisation de pratiquer des contrôles d’identité et de prendre en charge les personnes en état d’ébriété sur la voie publique.

Je plaide en faveur d’une extension du champ d’action de la police municipale en cas de mise en commun des agents rattachés à différentes communes par un relèvement du seuil de 80 000 habitants à 120 000 habitants, ce qui permettrait de couvrir une communauté de communes ou une communauté d’agglomération.

Soulignons enfin le rôle précieux, en milieu rural comme urbain, des gardes-champêtres dont il conviendrait de renforcer les moyens d’intervention.

M. Jean-Michel Mis. Quelles sont vos propositions pour renforcer la nécessaire coordination entre police nationale, police municipale et agents de sécurité privée ?

Les maires, devenus bien souvent « premiers de corvée », appliquent une politique sanitaire qui passe par le port de masques chez les policiers municipaux. Que pensez-vous de la possibilité, pour les agents de sécurité, de contrôler les attestations de déplacement ?

Quel serait, pour les municipalités, l’apport des nouvelles technologies en matière de sécurité des biens et des personnes ?

M. Rémy Rebeyrotte. Monsieur Perdriau, voulez-vous que l’État affirme davantage son autorité ou souhaitez-vous, au contraire, que plus de marges soient données aux maires et aux élus locaux afin d’apprécier les situations locales et prendre des mesures appropriées ? Je pense, en particulier, aux décisions d’ouverture de marchés ou de généralisation du port des masques.

M. Gaël Perdriau. France urbaine souhaite que les maires disposent de plus de pouvoirs en matière de fermetures administratives. Nous appelons de nos vœux la publication d’un décret relatif à la consultation du fichier des immatriculations par la police municipale et souhaitons que celle-ci soit autorisée à effectuer des contrôles d’identité et à verbaliser en cas de récidive car la nécessité de joindre la police nationale affecte son autorité et sa légitimité et constitue une entrave dans le continuum de sécurité. En revanche, nous ne sommes pas favorables à une extension du champ d’action intercommunal, excepté pour la mutualisation des moyens de vidéosurveillance.

Nous déplorons que les représentants de l’AMF et de France urbaine n’aient pas été invités à participer à l’élaboration du Livre blanc de la sécurité intérieure alors même que le Gouvernement avait promis de placer la concertation avec les élus locaux au cœur de cette démarche. Il est encore temps de rectifier le tir.

Si nous sommes partisans d’un renforcement de la police municipale, il faut veiller à ce que cela n’aboutisse pas à une baisse des effectifs de la police nationale, tendance que nous avons déjà pu observer par le passé. Si la police nationale assumait pleinement ses fonctions régaliennes, les maires n’auraient pas eu besoin de créer des polices municipales.

Les maires ont fourni rapidement des équipements de protection à leurs policiers municipaux, ce qui a créé quelques tensions au sein de la police nationale et poussé certains à exercer leur droit de retrait.

S’agissant des nouvelles technologies, la balle est dans le camp du Parlement puisque la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) appelle à un encadrement législatif de dispositifs comme le couplage des capteurs sonores et du réseau des caméras de vidéo-protection expérimenté dans la métropole stéphanoise. Le prochain débat sur le traçage vous donnera sans doute l’occasion d’aborder ces questions, notamment le recours à la reconnaissance faciale demandé par le maire de Nice.

Le Gouvernement a interdit les marchés, sauf lorsqu’ils constituent le seul moyen d’accéder à des produits alimentaires frais ; dans ce cas, il appartient au maire de demander une dérogation. Nous voyons là un moyen pour l’État de se défausser de ses responsabilités : s’il y avait le moindre incident, la population se retournerait contre les maires. Nous déplorons, en outre, la grande hétérogénéité des réponses apportées par les préfets aux demandes de dérogation.

Nous abondons dans le sens du Premier ministre quand il met en avant la pertinence du couple « maire-préfet ». Une marge d’initiative doit être laissée par l’État aux maires et par le ministère de l’Intérieur aux préfets. Il faut leur faire confiance. Rappelons que c’est sur injonction du ministre de l’Intérieur que le préfet a attaqué en justice l’arrêté du maire de Sceaux.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Que pensez-vous de l’hétérogénéité des arrêtés pris par les maires concernant l’accès à l’espace public ou le port des masques ? Ne croyez-vous pas que cela contribue à rendre difficile la compréhension des règles du confinement par la population ?

M. Gaël Perdriau. On ne saurait accepter qu’il y ait des interprétations trop hétérogènes de la parole de l’État. Cela risque d’être source de confusion chez nos concitoyens et de rendre difficile le respect des ordonnances. Une pression très forte a été exercée sur les maires des grandes villes ayant interdit les marchés. Il y a eu un important lobbying du secteur agroalimentaire. Et des contradictions sont apparues entre le ministre de l’Agriculture, favorable au maintien des marchés, et le ministre de l’Intérieur, qui a rappelé aux préfets le principe de l’interdiction.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Vous reconnaissez donc que les maires doivent contribuer à ce que la parole de l’État soit interprétée de façon uniforme afin de la rendre lisible.

M. Alexandre Touzet. Je suis favorable à une extension des prérogatives des polices municipales, dont le travail de proximité est bien accueilli par la population. Il faut inverser la logique actuelle en leur donnant accès à tous les fichiers disponibles et en les autorisant à faire des contrôles d’identité, sauf si des motifs d’ordre public ou d’intérêt national s’y opposaient.

S’agissant de l’extension des prérogatives contraventionnelles, j’émettrai une réserve : cela ne doit pas entraîner un transfert des responsabilités de l’État vers les maires.

Pour l’échelon intercommunal, il faut privilégier une collaboration étroite avec les maires, à qui il revient de définir les priorités de leur police.

Enfin l’Assemblée des départements de France s’est penchée sur la mutualisation, sur la base du volontariat, des moyens des centres de visionnage afin d’offrir de nouvelles possibilités de vidéo-protection aux maires de communes rurales.

M. Frédéric Gauthey. Nous voulons réviser la classification des métiers de la sécurité privée qui, vieille de quatorze ans, empêche toute flexibilité. Notre but est de faire monter nos personnels en compétences et de rendre notre secteur plus attractif. Nous avons créé, avec le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, une formation à la surveillance des sites sensibles, et, avec la région Île-de-France, une autre consacrée à la sécurité des transports publics ainsi qu’un BTS d’encadrement de premier niveau. Nous comptons augmenter nos effectifs et justifier une hausse de tarifs.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Le Premier ministre a évoqué l’idée de rendre le port du masque obligatoire dans les transports en commun après le déconfinement. Travaillez-vous avec les régions à la préparation d’un tel scénario ?

M. Frédéric Gauthey. C’est une piste, au même titre que le contrôle des attestations de déplacement. Toutefois, dès lors que les agents de sécurité privée seraient amenés à verbaliser, il faudrait s’assurer de la légalité et de la constitutionnalité des procédures.

Notre profession est marquée par de grandes disparités : certaines missions comme la surveillance des sites industriels connaissent une suractivité quand d’autres, comme celle des établissements de la grande distribution, sont en sous-activité. Il est très difficile d’opérer des transferts d’un domaine à l’autre, ne serait-ce que pour des raisons géographiques.

Nous avons demandé à être inclus dans les secteurs nécessaires à la sécurité de la nation et nous attendons avec impatience la publication du décret du ministère du Travail relatif aux dérogations au temps de travail.

Autre sujet de préoccupation : la prise de température par les agents de sécurité. Le ministère de l’Intérieur considère qu’elle ne peut pas faire partie de leurs compétences ; le ministère de la Santé est d’un autre avis. Si l’État parlait d’une seule voix, cela nous faciliterait grandement la tâche, d’autant que nous sommes confrontés à une pression grandissante de nos donneurs d’ordres.

Mme Cécile Untermaier. S’agissant de la coordination entre police nationale et police municipale, ne faudrait-il pas envisager, en prévision du déconfinement, un cadre d’action plus structuré, pensé à l’échelon national, associant aussi la sécurité privée dont on ne peut ignorer le travail ? Qu’attendez-vous du législateur ?

M. Gaël Perdriau. Les maires n’ont pas la moindre réticence à faire collaborer leurs polices municipales avec la police nationale. France urbaine estime toutefois que nous gagnerions à disposer d’un cadre législatif bien défini pour la répartition des compétences – tranquillité publique d’un côté, maintien de l’ordre, de l’autre – en associant pleinement les sociétés de sécurité privée qui jouent un rôle indispensable. Il faut aller au bout de la logique du Livre blanc.

Je vous invite d’ailleurs, dans ce domaine, à veiller à la bonne application de vos décisions sur le terrain.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La commission des Lois, qui fait très régulièrement le point sur les décrets d’application des lois qui relèvent de sa compétence, a constaté peu de retards. Elle reste vigilante, même si son mode de fonctionnement actuel est inhabituel.

Je vous remercie, Messieurs, d’avoir participé à ces auditions.

 

La réunion se termine à 13 heures 40


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Christophe Euzet, M. Jean‑Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Hervé Saulignac, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, Mme Hélène Zannier

 

Assistait également à la réunion. - M. Christophe Lejeune