Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Audition conjointe, en visioconférence, de M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, de M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, et de M. François Bonneau, président délégué de Régions de France              2

 Audition conjointe, en visioconférence, de Mme Jacqueline Gourault, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de M. Sébastien Lecornu, Ministre auprès de la Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales              11

 


Jeudi
30 avril 2020

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 56

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 

 


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La réunion débute à 14 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne, en visioconférence, M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, et M. François Bonneau, président délégué de Régions de France.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous vous remercions, messieurs, d’avoir accepté cette invitation. Nous souhaitons connaître votre point de vue sur le fonctionnement des exécutifs locaux en cette période compliquée, sur les dispositions électorales en cours et à venir et sur la coordination entre les différents niveaux de collectivités, l’État et les parlementaires.

M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. L’état d’urgence sanitaire a été décidé par l’État, sans concertation avec les maires et les présidents d’intercommunalités. Les maires n’ont pas de responsabilité en matière de santé publique, ils agissent comme des agents de l’État. Mais, les « trous dans la raquette » étant incontestables, les maires ont pris de nombreuses initiatives pour répondre aux attentes de leurs administrés.

Le double pilotage du ministère de la Santé, ministère producteur de normes et régulateur budgétaire, et du ministère de l’Intérieur, compétent traditionnellement pour les gestions de crise, a compliqué les choses. À cela s’ajoute la suppression du Conseil national de la sécurité civile, en 2017, qui a désorganisé l’application des préconisations du ministère de la Santé, la logistique « du dernier kilomètre » et la coordination avec les élus locaux. L’exemple le plus révélateur a été le fonctionnement en silo du ministère de la Santé, essentiellement tourné vers la santé publique hospitalière. Les maires ont acheté des masques, non dans une logique de compétition avec l’État mais pour compléter ce qu’il ne pouvait faire puisqu’il distribuait les masques en priorité au personnel soignant hospitalier. Beaucoup de maires se sont ainsi organisés pour distribuer des masques aux médecins de ville afin de combler ce déficit et assurer la résistance du corps médical.

Pour le déconfinement, les préfets de département, et non de région, doivent avoir autorité sur toutes les administrations d’État. Pour la réouverture des écoles, un protocole de bonnes pratiques locales co-signé par le préfet et le maire doit établir ce que le maire peut faire, en fonction de critères à clarifier, le Premier ministre n’ayant pas dit tout à fait la même chose que le comité des experts. Si les maires ne peuvent pas faire ce qu’on leur demande, ils n’ouvriront pas les écoles. Profitez donc du texte prolongeant l’état d’urgence sanitaire pour améliorer la protection pénale des maires prévue dans la loi dite « Fauchon ». Ils ne souhaitent pas fuir leurs responsabilités mais refusent d’être des kamikazes appelés à exercer une responsabilité qui n’est pas la leur au départ, alors qu’ils n’ont pas la possibilité matérielle de mettre en œuvre les obligations qu’on leur impose. Par exemple, le ministère de l’Éducation nationale vient de nous transmettre un protocole de 63 pages d’une grande complexité ; sans doute la moitié des enfants retourneront-ils à l’école aux alentours du 12 mai, dans une première phase.

Le rôle du ministère de l’Intérieur dans la gestion du déconfinement doit aussi être clarifié par des protocoles cohérents définis par l’État en liaison avec les parlementaires. Pour les transports publics, les espaces publics et les établissements recevant du public, une ligne directrice doit être proposée, adaptable selon les communes. De plus en plus de maires veulent rendre le port du masque obligatoire dans l’espace public mais la décision négative du Conseil d’État sur l’arrêté pris par le maire de Sceaux rend presque impossibles des arrêtés municipaux en ce sens. Les parlementaires pourraient intervenir, car le port obligatoire du masque est un facteur de restauration progressive de la confiance, un moyen d’éviter des tensions entre ceux qui portent un masque et ceux qui n’en portent pas, donc des risques de débordements.

M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France. Le début de l’état d’urgence sanitaire a été chaotique en raison de l’absence de masques et de tests, de la soudaineté de la crise et de la dichotomie entre agences régionales de santé (ARS) et services du ministère de l’Intérieur. Le projet de loi « Décentralisation, différenciation et déconcentration » (« 3D ») doit renforcer le préfet du département, que certaines directions administratives court-circuitent. La gouvernance, technocratique, des ARS devrait être revue, et les élus locaux y avoir un rôle accru.

Nous avons assumé toutes nos missions classiques de solidarité et, après avoir participé à des achats groupés de masques chirurgicaux avec les régions et les grandes métropoles, de nombreux départements ont travaillé avec l’État pour fournir des masques alternatifs ; ils seront distribués à partir de la semaine prochaine. Nous avons obtenu, difficilement, que notre réseau de laboratoires d’analyses biologiques participe au dépistage systématique des populations des établissements médico-sociaux.

Pour le déconfinement, l’échelon départemental est le bon puisqu’il est le cadre classique de la solidarité sociale, mais il nous faut un droit d’adaptation selon les taux de contagion. Des problèmes financiers s’annoncent avec la chute, évaluée à 4 milliards d’euros, des droits de mutation, l’une de nos ressources principales. Nous travaillerons à la compensation de cette perte, avec Jean-René Cazeneuve, chargé par le Premier ministre d’une mission sur l’impact de la crise sur les finances locales. L’augmentation du chômage et avec elle l’accroissement du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), dont l’État ne payait déjà que la moitié, accentuera le problème ; nous aurons le plus grand mal à verser cette allocation. Une réflexion s’impose sur l’avenir à moyen terme des départements. Pour le court terme, nous avons demandé un assouplissement des règles budgétaires. Le Gouvernement semble travailler à des budgets annexes de crise ; il le faut, sinon de nombreuses collectivités se trouveront en déséquilibre financier à l’automne ou l’hiver prochain. Enfin, pour favoriser la relance économique par une meilleure gestion des choses sur le terrain, les conseils municipaux élus le 15 mars dernier doivent être installés au plus tôt, la coexistence des maires sortants et de ceux nouvellement élus étant parfois source de difficultés.

M. François Bonneau, président délégué de Régions de France. La crise sanitaire que nous traversons éclaire le fonctionnement des collectivités et l’organisation de la décision publique. Elle a notamment montré la difficulté d’apporter à nos concitoyens la prévention et la protection qui leur étaient dues.

Pour compléter l’action de l’État, les collectivités ont conjointement acheté des masques pour le secteur hospitalier, les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les soins à domicile et la médecine de ville. La crise a mis en évidence le fait que les collectivités locales devaient se mobiliser en complément de l’action de l’État, y compris en dehors de leur champ de responsabilité. Au début, cela n’allait pas de soi avec l’administration. Cette situation a également permis de renforcer la coopération entre les niveaux de collectivités locales. Cet épisode fait s’interroger sur l’autonomie des ARS par rapport au territoire où elles agissent. Il faudra repenser la relation entre ces agences et l’autorité préfectorale.

L’État et les collectivités territoriales doivent articuler leurs actions en faveur de la reprise économique. Les régions, appelées à contribuer fortement au Fonds national de solidarité, doivent avoir un droit de regard puisque l’économie est dans leur champ de compétence. Les dispositifs devront être co-construits par l’État et les collectivités locales, même dans l’urgence, et cette évolution doit se poursuivre dans les moments ordinaires de la vie publique. Les régions, ayant renforcé leurs outils d’intervention, disposent de mécanismes suffisamment variés pour répondre à la diversité des entreprises ; une articulation étroite s’impose entre elles et l’État pour assurer la visibilité et l’accès à ces dispositifs. Je veux à cet égard souligner le travail réalisé par les préfets de région, avec autour d’eux les chambres régionales de commerce et d’industrie, des métiers et de l’artisanat, et d’agriculture. Le souhait du Gouvernement d’être dans un dialogue constant avec les régions et leurs représentants a été un atout majeur dans cette période.

Pour définir des plans réalistes, les décisions relatives aux transports publics devront être élaborées en concertation avec les autorités organisatrices que sont les collectivités locales. On ne peut par exemple, au nom du respect de la distanciation sociale, leur demander l’agrandissement exponentiel et immédiat de leur parc d’autocars de transport scolaire – c’est irréalisable sur les plans financier et matériel. Si les messages relatifs à l’école ne sont pas compréhensibles, l’obligation scolaire peut se trouver remise en cause ; l’État doit fixer un cadre clair à tous, mais il n’est pas nécessaire de décider à Paris si l’on peut déjeuner dans tel réfectoire. La décentralisation bien comprise, c’est une règle générale s’appliquant de manière différenciée. Faute d’horizon de reprise, les acteurs du tourisme sont par exemple dans une anxiété absolue ; on voudra bien admettre que le risque sanitaire n’est pas le même si l’on va voir une exposition dans une salle où se trouvent 500 personnes ou si l’on se promène à bicyclette le long de la Loire. L’État doit en tenir compte et confier aux préfets l’application des directives.

Faute de produits, l’état des ressources des régions est catastrophique, et le tableau sera pire en 2021. Nous voulons absolument contribuer à la relance économique indispensable pour éviter un tsunami de pertes d’emplois et une crise sociale beaucoup plus violente que la crise sanitaire. Pour cela, nous demandons une approche budgétaire adaptée à une situation de crise et un budget à la hauteur des enjeux pour terminer l’exercice 2020 et repartir en 2021.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Avant de donner la parole à mes collègues je voudrais moi-même vous poser une question. La diversité des règles de déplacement décidées par les maires est source de confusion, les citoyens pouvant avoir le sentiment contre-productif et anxiogène d’être plus ou moins bien protégés selon leur lieu de résidence. Qu’en pensez-vous ?

M. Rémy Rebeyrotte. Comment la loi dite « Fauchon » devrait-elle être révisée ?

M. Philippe Gosselin. Que faire quand le duo élu local-préfet tourne au duel ? Il faut une cohérence ; comment éviter de trop grandes différences locales ? Comment comptez-vous associer les parlementaires aux décisions et qu’attendez-vous d’eux ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Comment se satisfaire d’intercommunalités où siégeraient des élus du premier tour de 2020 et des élus de 2014 ? Le plan communal de sauvegarde devrait-il être élargi ? Je regrette que toutes les collectivités ne procèdent pas à des achats groupés pour fournir la population en masques.

M. Jean-Félix Acquaviva. Quels enseignements tirer, en matière de financement et de gouvernance des crises sanitaires, de la décentralisation, au regard par exemple du rôle qu’ont joué les collectivités territoriales dans l’achat de matériel de protection ? Quand on est en guerre, on se bat sur le territoire pertinent, qui peut être parfois le département, parfois la métropole, et un toilettage institutionnel sera absolument nécessaire. Je suppose que la réflexion sur l’autonomie fiscale des collectivités avance ; quelles propositions feront vos associations ?

M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France. La gouvernance du secteur médico-social devra être réformée ; la double tutelle département-ARS sur les EHPAD ne peut durer. Elle nous a fait perdre plusieurs semaines sur les tests que nous souhaitions faire. Les départements peuvent faire mieux si l’organisation est simplifiée et qu’ils vont au bout de leurs compétences.

Pour les finances, je rappelle que l’autonomie fiscale n’est pas l’autonomie financière, le Conseil constitutionnel ayant toujours distingué les deux. Le modèle financier est très compliqué. La loi nous a enlevé la taxe foncière sur les propriétés bâties, ressource modulable que ne compensera pas la TVA si l’activité baisse comme en 2009-2010. Il faudra réorganiser complétement ce mécanisme financier, qui est inopérant en cas de crise.

M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. La confusion tient-elle aux initiatives des maires, ou la désorganisation et l’impréparation constatées les ont-elles contraints à les prendre ? En obligeant au port du masque dans l’espace public, le maire de Sceaux a signifié que chacun doit se protéger par tous les moyens dans le cadre des sorties autorisées. Ce choix a donné lieu à débat. Le Conseil d’État a été amené à se prononcer, et le Gouvernement a finalement modifié sa position sur les masques, il faut le reconnaître. Il est dans la nature des maires de servir ; ils ne l’ont pas fait pour troubler le jeu mais pour compléter les dispositions prises par l’État.

Que l’on se sente différemment protégé selon les territoires est une évidence : d’une manière générale, vous vous sentez sûrement mieux protégé si vous habitez une ville où est installé un centre hospitalo-universitaire. Les effectifs de la fonction publique d’État ont progressivement fondu ; les collectivités locales compensent cet effacement. Un rééquilibrage sera nécessaire, sur tout le territoire, avec les moyens afférents. On ne peut plus avoir des ARS qui ralentissent l’action car leur personnel ne peut remplir des missions pour lesquelles il n’a pas été formé. La santé de proximité doit être décentralisée. Dans les hôpitaux, il faut en revenir à des conseils d’administration pour que les élus reprennent la main et aller dans le sens d’une meilleure coordination avec le secteur privé.

Il doit y avoir un immense bond en avant en matière de décentralisation car nous sommes plus agiles, plus professionnels, plus engagés dans nos territoires. Il aurait déjà dû y avoir un avant et un après le mouvement des gilets jaunes. Il y aura des centaines de milliers de chômeurs supplémentaires à la rentrée ; l’organisation de Pôle emploi doit aussi être repensée. Cela vaut également pour le sport, le tourisme, la culture, le logement ; les parlementaires doivent avoir une grande ambition décentralisatrice.

Le sénateur Hervé Maurey a déposé une proposition de loi visant à améliorer la protection juridique du maire mais le bon véhicule serait la loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire. On cherche à dégager le plus possible les maires des risques de recours en cas de négligence ou d’imprudence. Lisez les 63 pages du protocole que nous a adressé l’Éducation nationale : l’immense majorité des communes sont incapables de répondre aux exigences relatives à l’équipement des locaux. Si les maires pensent courir un risque pénal, beaucoup d’écoles n’ouvriront pas.

Nous souhaitons que, dans le respect des préconisations en matière de santé publique que formuleront les experts dans leur rapport du 23 mai, les conseils municipaux élus au premier tour s’installent rapidement et que le deuxième tour ait lieu dans les meilleurs délais. Il conditionne la composition des intercommunalités, acteurs majeurs de la relance économique.

Le plan communal de sauvegarde devrait en effet être élargi.

L’humeur au sein des couples maire-préfet dépend des relations interpersonnelles, qui peuvent être changeantes. L’efficacité attendue sera atteinte si on oblige à des protocoles cosignés. Si des problèmes bloquaient l’application du déconfinement, nous demanderions au ministère de l’Intérieur de mettre un peu d’huile dans les rouages.

Pour les finances, je partage le point de vue de Dominique Bussereau. Il faudra revoir la suppression de la taxe d’habitation, qui a annihilé l’autonomie fiscale des départements. Faire dépendre la solidarité à l’égard des plus fragiles de la seule TVA à un moment où la consommation est bloquée, c’est mettre les départements sous tutelle de l’État. Et, selon France Stratégie, il faudrait supprimer les impôts de production car ils freinent l’économie ; où s’arrêterait alors l’effondrement de nos recettes ? Il importe de savoir comment l’État prendra à sa charge les conséquences financières du confinement qu’il a décrété, en nationalisant les pertes de recettes des administrations publiques territoriales de tous niveaux pour qu’elles conservent une capacité d’autofinancement et puissent agir en faveur de la relance. C’est l’amorce du débat sur la loi « 3D » : la décentralisation, ce sont des compétences, des moyens et des effectifs.

M. François Bonneau, président délégué de Régions de France. Républicain convaincu, je suis contraint de constater que le pilotage national uniforme des politiques publiques n’est pas un gage d’égalité. Certains territoires comptent quarante fois plus de psychiatres que d’autres et dans ma région, où l’accès aux soins des personnes atteintes de pathologies psychiques est impossible, il a fallu « tordre le bras » des administrations pour engager la construction de plus de cent maisons de santé pluridisciplinaires, alors que l’accès à un médecin est un droit.

Cela ne peut plus durer. Une décentralisation et une déconcentration conçues pour que l’autorité de l’État et les compétences des collectivités s’articulent sont indispensables pour parvenir à une action publique mieux déployée, avec des couples préfets-élus locaux qui fonctionnent bien. La crise doit conduire à clarifier les compétences. Chacun salue les progrès permis par les couples région-intercommunalités pour le déploiement de la compétence économique. Le transfert des TER aux régions montre aussi que la décentralisation est nécessaire. Le champ de la solidarité, confié aux départements, peut s’élargir aux EHPAD. Il faut reconnaître qu’un pays qui avance, c’est un pays décentralisé.

Sur le budget, gardons-nous de solutions faciles. Certains responsables d’entreprise rêvent d’une baisse des impôts de production. Mais ces entreprises, qui ont demandé un accompagnement soutenu à l’État et aux collectivités territoriales en période de croissance, attendent aujourd’hui de ces dernières une aide significative pour passer un cap très difficile. Autant dire que la baisse des impôts de production, qui entraînerait une moindre capacité à agir en faveur du développement économique, serait un bienfait illusoire.

M. Thomas Rudigoz. La plupart des conseils municipaux élus au premier tour s’installeront probablement dès que les réunions seront autorisées. Mais, sur l’organisation du deuxième tour, mon opinion diffère de celle de M. Baroin, car chacun a ressenti l’appréhension et parfois la colère des électeurs et de ceux qui tenaient les bureaux de vote ; plusieurs ont été très malades, certains sont morts. On peut attendre encore un peu avant de renouveler les intercommunalités ; les élus sortants, forts d’une expérience de six ans, peuvent poursuivre leur ouvrage jusqu’en mars 2021.

M. Xavier Breton. Les nombreux dysfonctionnements dans la gestion de la crise doivent conduire à une réflexion urgente sur l’organisation de l’État, qu’il s’agisse du système de santé ou de l’Éducation nationale. Donner une compétence exclusive aux préfets de département sur les services déconcentrés de l’État réduirait le poids de la technostructure, qui freine. Les intercommunalités, qui font écran entre l’État et les communes, alourdissent souvent les démarches des collectivités locales. Comment les interventions de soutien à l’économie des diverses collectivités s’articuleront-elles dans le cadre du plan de relance ?

Mme Laurence Vichnievsky. J’aimerais rassurer les élus : ce que propose le sénateur Maurey sur la responsabilité des élus locaux correspond à la jurisprudence appliquée par les juridictions judiciaires. Les communes sont hétérogènes ; ont-elles les moyens, l’autonomie financière et les compétences pour faire face à la crise et à la gestion du déconfinement ?

Mme Cécile Untermaier. La réouverture des collèges et des lycées est conditionnée à la couleur, rouge ou verte, attribuée au département. Curieusement, on s’abstient de lier la circulation du virus à la réouverture des écoles primaires, qui met les maires en première ligne ; cela les aurait pourtant rassurés. Alors que les petits commerces souffrent des effets du confinement, les masques devraient être vendus partout, au lieu d’être un produit d’appel réservé aux pharmacies ou à la grande distribution qui, elle, prospère. Il y va de la santé publique et de la revitalisation des centres-villes.

M. Sacha Houlié. La décentralisation implique de ne pas saper l’autorité de l’État dans une période de crise, où chacun a sa tâche et ses responsabilités. Vos remarques sur les mécanismes de financement impliqueront probablement de revoir, comme nous avons commencé de le faire, les baisses de dotations intervenues depuis 2011. Il faudra aussi réfléchir au fonctionnement des ARS, mécanisme recentralisé en 2005, et à la fusion de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et de l’Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) survenue en 2009. L’évaluation des dysfonctionnements pourrait renvoyer à des responsabilités qui ne sont pas seulement celles du législateur actuel. Là où je me trouve, les acquisitions de masques font l’objet d’une concurrence entre niveaux de collectivités, non d’une mutualisation. Un mécanisme d’achats groupés mutualisés a-t-il été mis au point dans les EPCI au bénéfice des communes les moins nanties ?

M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Les maires sont unanimes : les commissions d’appels d’offres doivent être installées et les structures intercommunales opérationnelles pour faire l’évaluation exhaustive des pertes de recettes. La négociation avec l’État à ce sujet demande des équipes stables, et le plus tôt sera le mieux, dans les conditions sanitaires requises. J’ajoute que nous parlons de la démocratie. Des parlementaires auraient-ils la même approche distanciée si l’on parlait de reporter l’élection présidentielle ou législative ? C’est important. Les désaccords sont de nature politique, mais je m’adresse à des membres de la commission des Lois, pas à des militants.

Toutes les interventions devront en effet être articulées.

Alors qu’on s’interroge sur l’évolution potentielle de la maladie chez les enfants, les maires devront éviter bien des chausse-trapes, des négligences commises en dépit de leur bonne volonté. Nous souhaitons des garanties complémentaires pour persuader le plus grand nombre de maires de rouvrir les écoles dans les meilleurs délais, y compris dans les départements « rouges », où ils auront le sentiment de prendre un risque supplémentaire. On verra d’ailleurs si le nombre d’ouvertures varie selon la couleur attribuée au département.

Il n’est pas interdit de tirer les leçons des expériences passées, y compris sur le plan économique : ainsi, des augmentations d’impôts et des réductions de dépenses trop calibrées auraient un impact récessif. Les collectivités locales ne veulent pas concurrencer l’État ; celui-ci ayant été incapable de fournir des masques à la médecine de ville, elles l’ont fait. Reconnaître qu’il y a eu une défaillance n’est pas déshonorant, c’est se mettre en situation de ne pas la répéter ; or, la même doctrine de réquisition en silo vaut pour les tests, si bien que le débat va se poser dans les mêmes termes sous peu. Les élus locaux prennent des initiatives pour protéger leurs administrés, et ils ont travaillé ensemble, loyalement.

M. François Bonneau, président délégué de Régions de France. La loi a permis de déployer les agences de développement économique à l’échelle des régions mais avec deux niveaux d’intervention, et une nouvelle clarification s’impose.

Un mot sur les masques : le constat de pénurie étant alarmant, les régions ont passé des commandes et, une fois les masques arrivés, ont travaillé avec les autres niveaux de collectivités, souvent associées à l’achat, et avec les ARS pour déterminer les destinataires prioritaires. Face à l’immensité des besoins, il y a bien eu mutualisation, et non des concurrences inutiles et nuisibles entre collectivités.

M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France. Les parlementaires doivent être tenus informés des décisions prises dans cette crise ; j’y veille dans mon département. Ils devront être associés aux comités de pilotage organisés au niveau des départements et des arrondissements. Il est heureux que nous ayons acheté des masques au moment où il n’y en avait pas ! Quatre-vingts pour cent ont été distribués aux ARS, département par département. Peut-être certains en ont-ils profité pour mener des opérations de communication, mais qui n’en a jamais fait ? Enfin, une loi de décentralisation n’est pas une loi contre l’État mais pour mieux d’État.

M. Guillaume Vuilletet. Quelques exemples de concurrence entre institutions locales sont néanmoins avérés… Stéphane Viry a déposé une proposition de loi permettant aux conseils départementaux de bénéficier d’une compétence économique dérogatoire en cas de catastrophe sanitaire. Qu’en pensez-vous ?

M. Sébastien Huyghe. Un maire qui, considérant ne pas avoir les moyens d’ouvrir des écoles en toute sécurité, les laisserait fermées, risquerait-il d’être sanctionné ?

M. Fabien Matras. L’une des leçons de la crise est qu’il faut réindustrialiser la France. Quelle collaboration envisager entre l’État et les collectivités, singulièrement les régions, pour permettre cette réindustrialisation ? Des schémas existent-ils pour attirer les entreprises ?

M. Didier Paris. Que penseriez-vous de la réintroduction de la clause générale de compétence pour les collectivités territoriales ?

Ayant entendu les précisions de Mme Vichnievsky sur la responsabilité des maires, je suis surpris que l’AMF n’ait pas réfléchi davantage à une question qu’elle présente comme centrale, demandant l’adoption urgente d’une disposition dont je ne comprends pas l’utilité.

Une ordonnance a été prise pour faciliter la commande publique. Quelles autres dispositions devraient découler de la situation actuelle ?

M. Éric Ciotti. Les conditions de l’arrivée des enfants dans les écoles primaires en toute sécurité le 11 mai n’étant, à mon avis, pas réunies, j’ai demandé le report de la rentrée scolaire au Premier ministre ; qu’en pensez-vous ? Si la rentrée était maintenue à cette date, il faudrait garantir la sécurité juridique des maires par un amendement au projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

M. Bruno Questel. J’aimerais une définition précise de la République idéale dans le monde ultra-décentralisé que vous appelez de vos vœux. Pour ce qui est des masques, en Normandie, on a surtout assisté à une bataille de logos entre le président de la région et les présidents de départements. La proposition de loi Maurey est inutile, et il ne faut pas oublier que la responsabilité de toutes les personnes chargées, en première ligne, d’une mission de service public, tels les directeurs d’EHPAD, pourrait être éventuellement engagée. Ces choses doivent être envisagées dans l’intérêt général et non simplement dans un intérêt électoral.

Mme Emmanuelle Ménard. Il est urgent d’installer les conseils municipaux complétement élus le 15 mars dernier, et l’urgence n’est pas moindre pour les conseils communautaires. Il est regrettable que certains exécutifs en place, mathématiquement amenés à passer la main, mettent des bâtons dans les roues pour certains dossiers. Si le deuxième tour de l’élection était reporté, seriez-vous favorable à l’installation d’un exécutif provisoire pour les conseils communautaires ou à la prorogation de l’exécutif en place pour quelques mois ?

Mme Émilie Chalas. L’envie de servir n’est pas le propre des maires, elle existe aussi chez les fonctionnaires, tous ceux qui ont des missions de service public et les députés. Je le dis d’autant plus librement que j’espère être un jour maire de Grenoble. Quant à l’expérience politique, elle nous a conduits à la France d’aujourd’hui, dont nous critiquons tous le fonctionnement avec plus ou moins de vigueur. Vous souhaitez une décentralisation renforcée, qui entraîne des responsabilités renforcées, tout en demandant l’allégement de la responsabilité pénale des maires ; comment combiner ces exigences ? Au-delà des enjeux de décentralisation, il y a des problèmes de tuilage entre les compétences des différentes collectivités. Les strates administratives entre l’État et la commune sont-elles trop nombreuses ?

M. Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France. Trop de strates administratives ? Le sujet appelle à la prudence. Notre système est bien organisé : les communes incarnent la proximité, les intercommunalités portent les projets et les mutualisent, les départements assurent la solidarité sociale et territoriale et les régions le développement économique et les grandes infrastructures. Mais il faut renforcer les compétences de la région en matière d’emploi et de formation professionnelle, du département pour la solidarité sociale et territoriale, et aussi celles des intercommunalités. C’est le rôle de la loi décentralisation, différenciation et déconcentration – et le volet « déconcentration » ne doit pas, une nouvelle fois, l’emporter sur le volet « décentralisation ».

Je m’honore d’avoir combattu la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, mais elle existe ; il faut donc l’améliorer. Actuellement, certains départements votent l’octroi de petites aides économiques ; je souhaite beaucoup de courage aux préfets qui déféreront ces délibérations devant la juridiction administrative. Il faut de l’intelligence collective, et que l’État, en cette période particulière, adapte la loi comme il l’a fait pour la commande publique. Des mesures de ce type sont préférables à un Grand soir législatif. Mais nous aurons besoin d’une vraie loi de décentralisation parce que la technocratie a pour terrible habitude d’annoncer de la décentralisation pour finir, parfois, par des mesurettes. Ce n’est bon ni pour notre pays ni pour la démocratie.

M. François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Rouvrir le débat sur la clause de compétence générale, pourquoi pas ? Mais résumer la réforme de la décentralisation à la sempiternelle question des strates administratives serait désespérant. La question n’est pas celle du nombre de strates mais de leur efficacité. En raison de sa dette obèse et de son effacement, de sa culture, l’État n’est plus capable de répondre en tous lieux, en tout temps et en toutes circonstances à l’ambition légitime qu’il avait par le passé. Le vrai chemin à prendre, c’est plutôt celui auquel vous aspirez à Grenoble madame la députée, et je vous souhaite avec malice moi aussi bonne réussite pour conquérir sa mairie... La décentralisation, c’est un changement de culture, une modification de regard. Le problème que vous allez avoir, vous, parlementaires, sera d’affronter une haute administration qui ne veut pas changer de culture, et ce sera votre rôle de peser sur les décisions. Le projet que nous portons tous les trois n’est pas une posture d’opposants mais un projet de conviction.

Un maire qui déciderait de ne pas rouvrir les écoles pourra en théorie être sanctionné. Il en ira autrement si le couple préfet-maire applique la différenciation territoriale. Il y aura un arrêté municipal, non déféré par le préfet et accepté dans un protocole co-signé.

Régions, départements et intercommunalités devront contribuer au plan de relance avec pragmatisme. Vous aurez un travail conséquent : il faudra s’entendre sur la définition des axes stratégiques – selon moi, l’agro-alimentaire, la santé, le numérique, l’environnement. Cela suppose un grand emprunt permettant d’investir dans tous les départements.

Nous demandons au législateur, dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, de renforcer la protection des maires, non pour leur permettre de fuir leurs responsabilités mais pour qu’ils les assument pleinement.

Proposer le report de la rentrée scolaire est une prise de position politique. Pour leur part, les maires, agents de l’État, essayent d’adapter les établissements pour leur permettre d’accueillir les enfants au mieux et de rassurer les parents. Là où ce ne sera pas possible le 12 mai, cela ne se fera pas.

Un récidiviste de la provocation, Monsieur Questel, a cru bon de dire que les maires qui achètent des masques pour en fournir là où il n’y en a pas agissent dans un intérêt électoraliste. Ça fait deux fois, ça fait beaucoup, une représentante de l’AMF a déjà été traitée de façon insultante par vous, ces nouvelles insultes sont décidément de trop. Il est vrai, en revanche, que tous ceux qui sont en première ligne voient leur responsabilité engagée, et ce qui vaut pour les directeurs d’établissement recevant du public vaut aussi pour les chefs d’entreprise. Si le législateur ne définit pas pour eux une protection juridique sécurisante, chacun ouvrira le parapluie et la reprise prendra des mois.

Enfin, on ne peut envisager des intercommunalités à l’exécutif instable pendant des mois alors qu’un plan de relance économique va être mis en œuvre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Messieurs, je vous remercie, comme je remercie les élus locaux qui font un travail remarquable au service des citoyens et les élus nationaux qui s’attachent à adapter les dispositifs pour servir au mieux, eux aussi, leurs concitoyens.

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La Commission auditionne, en visioconférence, Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et M. ébastien Lecornu, ministre auprès de la Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous venons d’entendre les présidents des principales associations d’élus locaux sur le fonctionnement des collectivités territoriales pendant l’état d’urgence sanitaire, la préparation du déconfinement, la réouverture des écoles, les mesures sanitaires, mais également la future loi « 3D » et des éventuels aménagements en matière de responsabilité pénale des élus.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Depuis le début du confinement, nous avons entretenu des contacts quasi quotidiens avec les élus et notamment leurs associations. Dans le prolongement de la loi d’urgence sanitaire, plusieurs ordonnances ont été prises pour simplifier la vie des collectivités territoriales, à travers notamment l’autorisation des réunions de l’organe délibérant en visioconférence ou l’octroi de moyens financiers pour faire face à des dépenses imprévues.

Une nouvelle phase de travail intense a commencé avec le discours du Président de la République puis avec la présentation par le Premier ministre de l’architecture du plan de déconfinement ; une réunion s’est tenue hier matin avec les associations d’élus. Les collectivités territoriales seront étroitement associées, comme elles l’avaient demandé.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Il y a un mois et demi, l’enjeu était de mettre entre parenthèses un certain nombre de services publics locaux, dont l’école, tout en continuant à en faire fonctionner d’autres, indispensables à la vie de la Nation : collecte des déchets, eau, assainissement. Le service public local a tenu grâce au couple maire-préfet, et les élus ont été associés à la gestion du confinement, qu’il s’agisse de la tenue des marchés ou du rôle des polices municipales.

Les questions financières vont également beaucoup nous occuper, c’est l’objet de la mission sur l’impact de la crise sur les finances locales, qui vient d’être confiée à Jean-René Cazeneuve, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de votre assemblée.

M. Rémy Rebeyrotte. En matière de responsabilité pénale, bon nombre de maires aimeraient compter sur une forme de réassurance : quel est votre avis sur cette question, qui va nécessairement se poser avec le prolongement de l’état d’urgence sanitaire ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Le président de l’association des maires de France (AMF) m’a assuré que le plan communal de sauvegarde pourrait être élargi à l’ensemble des communes et mis à jour plus régulièrement. Comment est-il possible de l’améliorer ?

Plusieurs voix ont demandé que le rôle des préfets soit aménagé dans le cadre de la gestion de cette crise, notamment dans leurs relations avec les agences régionales de santé (ARS). Quelle est votre position ?

Mme Marietta Karamanli. Qu’en est-il de l’application du « pacte de Cahors » ? Il est prévu que les concours financiers de l’État aux collectivités ne baissent pas, mais celles-ci devront-elles continuer à limiter la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an ? Les dotations de fonctionnement seront-elles améliorées pour faire face aux dépenses supplémentaires et aux baisses de ressources liées à la crise ? Les a-t-on estimées ? Les petites communes pourront-elles mettre leurs personnels à disposition de leurs voisines, notamment pour accueillir les enfants ? Concernant la relance des investissements, quelles sont les pistes à moyen terme ? Enfin, certains prônent la tenue rapide du second tour des municipales, mais ne faut-il pas craindre un possible rebond de l’épidémie à l’automne ?

M. Paul Molac. Dans les 30 000 communes dont les élections sont d’ores et déjà terminées, certains maires sur le départ – dont certains battus sèchement – ne peuvent pas partir tant que le conseil municipal ne s’est pas réuni. Ne pourrait-on modifier la loi afin de permettre un vote par correspondance ?

Les budgets des collectivités risquent d’exploser ; qu’en sera-t-il du respect de la règle d’or ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. La responsabilité pénale a toujours été une préoccupation des élus, à plus forte raison dans une société qui s’est judiciarisée : autrefois, les problèmes se réglaient en direct avec le maire ; désormais, ouvrir une procédure judiciaire est presque devenu un réflexe naturel. Certes, l’engagement et l’action supposent toujours une part de responsabilité. La garde des Sceaux a rappelé hier au Sénat l’état du droit. La loi « Fauchon » du 10 juillet 2000 avait créé le délit non intentionnel, mais peut-être a-t-elle besoin d’être actualisée. Plusieurs propositions de loi ont été déposées dans ce sens et le Sénat ne manquera pas de se saisir du sujet.

L’idée selon laquelle le préfet doit être celui qui représente et coordonne l’ensemble des services de l’État dans les territoires s’est renforcée durant cette crise ; la question des ARS avait été soulevée il y a quelques mois, nous devrons y revenir.

Les plans communaux de sauvegarde ne sont pour l’heure obligatoires que dans les zones soumises à un plan de prévention des risques naturels, mais nous pourrions discuter de leur élargissement.

Enfin, l’élection des maires et celle des adjoints se font impérativement à bulletin secret, ce qui oblige à une présence physique. Le système a été assoupli, puisqu’il est désormais possible de donner deux pouvoirs à une même personne, et le quorum abaissé, ce qui facilite déjà les choses, particulièrement dans les petits conseils municipaux.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. En matière de responsabilité pénale, les maires ne demandent aucun privilège, que leurs administrés ne comprendraient du reste pas ; ce dont ils ne veulent pas, c’est d’une responsabilité déraisonnable ou inappropriée aux regards de leurs compétences. La loi « Fauchon » a constitué une belle révolution juridique en 2000 et mis fin à toutes ces procédures pour homicide involontaire, en posant clairement le principe que la négligence devait être intentionnelle, et le non-respect de la loi ou du règlement délibéré. On ne part donc pas de rien, et les maires ne courent pas un risque judiciaire imminent dans cette période d’épidémie. Et si l’ouverture des écoles ou la distribution de masques peut donner lieu à interrogations, la discussion du projet de loi la semaine prochaine et les navettes seront l’occasion de préciser le droit et la jurisprudence en la matière.

Le « pacte de Cahors » est suspendu jusqu’à nouvel ordre, car il correspond au monde d’avant… On imagine difficilement expliquer à un président de conseil départemental qu’il doit contenir ses dépenses de fonctionnement alors que ses dépenses sociales explosent.

Les baisses de ressources sont très précisément documentées. Dans certains cas – taxes de séjour, casinos, budgets annexes enfance et jeunesse, versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) –, les pertes sont immédiates ; dans d’autres – dotation globale de fonctionnement (DGF), dont les enveloppes ont été votées en loi de finances, taxe d’habitation, taxe foncière –, les conséquences financières se feront plutôt sentir l’année prochaine. Cela nous laisse le temps de les chiffrer et surtout d’en analyser l’incidence par strates de collectivités : les conseils départementaux seront probablement les plus affectés : entre l’augmentation des dépenses sociales et la chute des DMTO, l’effet de ciseaux est évident. Les effets sur la fiscalité de production qui, outre les régions, intéresseront principalement les intercommunalités, seront très divers : certaines activités économiques ont continué à prospérer, d’autres ont été mises totalement à l’arrêt. La mission confiée à Jean-René Cazeneuve nous permettra de disposer d’outils adéquats au moment de la loi de finances. Mais là où il y a urgence, il y a une solution : ainsi, dans les collectivités en butte à des difficultés particulières de trésorerie, notamment outre-mer, nous avons autorisé les préfets à verser des avances de fiscalité ou de DGF par douzièmes, tandis que les dépenses de fonctionnement seront lissées sur plusieurs années.

La mutualisation de personnels entre communes est déjà possible et pratiquée, surtout dans le domaine de l’accompagnement scolaire.

Il est trop tôt pour faire des annonces en matière de relance de l’investissement, mais les collectivités territoriales, qui représentent 70 % de la commande publique globale, joueront évidemment un rôle majeur. Non seulement la DGF ne diminue plus depuis 2017, mais la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ont été sanctuarisées. Faut-il imaginer une nouvelle dotation d’investissement, afin de doper l’activité locale ? C’est une possibilité. En tout état de cause, les collectivités territoriales peuvent compter sur des mécanismes au long cours et seront plus à même d’amortir le choc que certaines entreprises ou associations d’autoentrepreneurs.

S’agissant de l’installation des conseils municipaux, le caractère secret du suffrage ne peut relever d’une modification de la loi : la Constitution dispose que le suffrage, qu’il soit direct ou indirect, est toujours universel, égal et secret. On pourra faire beaucoup de choses par visioconférence, y compris voter le budget, réviser un projet local d’urbanisme (PLU), mais en aucun cas élire le maire, ses adjoints ni même désigner les membres de la commission d’appel d’offres.

M. Guillaume Vuilletet. Les élections municipales se dérouleront-elles dans le cadre législatif voté le mois dernier ? Dans les communes de moins de mille habitants, les élus du premier tour seront-ils bien confirmés, quelle que soit la date du scrutin ?

Outre la diminution de leurs ressources, les collectivités subissent une augmentation insidieuse de certaines charges – la gestion des stocks dans les cantines scolaires, par exemple. Comment l’État compte-t-il agir ?

M. Xavier Breton. Ne serait-il pas opportun de confier la gestion des services déconcentrés aux préfets de département ?

Quels nouveaux secteurs pourraient être décentralisés, dans les domaines de la santé, par exemple, ou de l’éducation ?

Ne pourrait-on réfléchir à une redéfinition de la place des intercommunalités ?

M. Vincent Bru. En dépit de l’apparente sécurité juridique apportée par la loi « Fauchon » et la jurisprudence du Conseil d’État, bon nombre de maires sont inquiets. Comment les rassurer ? De nombreux chefs d’entreprise également s’interrogent sur leur responsabilité pénale.

Les équipes élues le 15 mars dernier ne comprennent pas qu’il ne soit pas possible d’organiser leur installation dans des conditions un peu différentes, par exemple en utilisant des salles communales où ils pourraient siéger dans des conditions sanitaires satisfaisantes.

Les communes de moins de mille habitants dans lesquelles dix conseillers sur onze ont été définitivement élus devront-elles attendre le mois d’octobre ou le mois de mars 2021 pour que leur conseil municipal soit installé ?

Enfin, la nécessité de déconcentrer les services des agences régionales de santé au niveau départemental me semble de plus en plus patente.

Mme Cécile Untermaier. La responsabilité pénale existera toujours dans le monde d’après : il y aura toujours une obligation de moyens, si ce n’est de résultat. Il faut surtout accompagner les maires. Nous avions proposé qu’ils bénéficient de l’assistance de déontologues. Je trouve en tout cas surprenant que l’on cherche à atténuer la responsabilité pénale des maires tout en leur laissant la possibilité d’ouvrir les écoles primaires dans les départements classés en rouge. Nombre de maires ruraux y sont disposés, mais certains sont partis en courant en découvrant le projet de protocole sanitaire…

Parmi les critères indispensables pour bénéficier des aides de l’État – la DETR par exemple – avez-vous réfléchi à l’éco-conditionnalité ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Les conseillers municipaux élus au premier tour sont définitivement élus, y compris dans les communes de moins de mille habitants où prévaut le scrutin uninominal, où il peut effectivement arriver qu’un membre de la liste n’ait pas obtenu la majorité absolue, mais il est très délicat d’installer des conseils municipaux incomplets. Mais partout où le vote est définitivement acquis, il faut le faire le plus vite possible, quitte à les réunir dans une autre salle, plus vaste. Pour les autres communes, le Conseil d’État s’est d’ores et déjà prononcé : il faudra refaire les deux tours si la date du second est trop éloignée de celle du premier.

Nous entendons la volonté des élus que le « patron » représentant l’État dans les départements soit le préfet. Reste que les ARS sont des agences régionales, et qu’elles ont réalisé dans cette bataille un travail assez formidable même si des dysfonctionnements ont été constatés. Le souhait d’une meilleure coordination avec les préfets a été bien entendu.

S’agissant des écoles, le Gouvernement a donné un cadre dont les conditions d’application sont laissées à l’appréciation des territoires, avec toute la souplesse nécessaire. Le fait pour un département d’être classé en rouge ne signifie pas que des écoles ne puissent pas être rouvertes à tel ou tel endroit. En revanche, il n’est pas possible de s’opposer à une réouverture en invoquant de simples motifs politiques ou idéologiques : la loi a vocation à s’appliquer et les préfets ont d’ailleurs déjà demandé à des conseils municipaux de retirer leurs délibérations, dès lors qu’elles ne s’appuyaient pas sur des raisons sanitaires. Mais il sera toujours possible de décaler une réouverture d’un jour ou deux, le temps de procéder aux aménagements nécessaires. Je précise que le protocole sanitaire définitif n’a pas encore été envoyé.

S’agissant de la loi « 3D », nous avons besoin d’un État fort et déconcentré dans les territoires et la différenciation apparaît sans doute encore plus nécessaire. Il faudra également réfléchir à y intégrer les différents secteurs relevant du domaine médico-social. Le calendrier de son examen n’est pas encore arrêté, mais nous avons plus que jamais besoin d’un travail complémentaire.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je me souviens qu’en commission vous aviez rajouté un quatrième D à la loi 3D, celui de la détermination !

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Je suis très favorable à une installation rapide des conseils municipaux complets issus du premier tour ; mais chercher à installer des conseils incomplets serait le plus sûr moyen d’égarer nos concitoyens…

Il faut saluer le travail des personnels des ARS, mais également se demander si l’échelon retenu, en l’occurrence celui des grandes régions, est heureux en termes de proximité ? Ce à quoi viennent s’ajouter les effets structurels d’une « agenciarisation » de l’organisation de l’État – on en a vu les effets avec l’agence de la transition écologique (ADEME) comme avec les ARS.

Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne sont jamais que l’émanation des communes et la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique portera ses fruits. Force est de constater qu’en matière de gestion de l’eau, des déchets ou de l’assainissement, le système des intercommunalités a montré sa robustesse.

S’agissant de la responsabilité pénale, le débat soulevé par les sénateurs est utile mais des réponses ont été apportées : le droit existant est déjà très protecteur pour les élus, et l’on ne peut effectivement pas agir sans responsabilité. Quant à la présence d’un déontologue, elle avait été acceptée par le Gouvernement et l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi « engagement et proximité » mais n’avait pas résisté à la commission mixte paritaire. Le Gouvernement n’a pas changé d’avis là-dessus.

Des projets de protocole sanitaire ont en effet circulé mais pas le protocole définitif.

La DSIL, qui repose sur des critères nationaux, est déjà très « verdie » et écologique mais de nombreux amendements, souvent sénatoriaux, ont visé à y introduire des critères locaux. Or la DETR repose déjà sur des critères locaux et 30 % en sont obligatoirement affectés à des projets écologiques ; pour le reste, ce sont les commissions départementales qui décident et font parfois passer les projets écologiques au second rang.

M. Éric Diard. Confirmez-vous que l’installation des conseils municipaux d’ores et déjà élus pourrait avoir lieu à partir du 25 mai ?

Je remarque que les élus locaux et des parents continuent à s’interroger sur le protocole sanitaire, les limites des responsabilités et l’apparition de la maladie dite de « Kawazaki ».

M. Erwan Balanant. La crise met en lumière la question de l’articulation de l’État avec les différents niveaux de collectivité. Ne faudrait-il pas réfléchir, dans le cadre du projet de loi « 3D », à une institutionnalisation du lien entre préfet, élus locaux et parlementaires ?

Mme Emmanuelle Ménard. Que pouvez-vous faire pour étendre aux collectivités qui ont déjà adopté leur budget pour 2020 la possibilité offerte par l’ordonnance du 25 mars d’augmenter le plafond de dépenses imprévues et de procéder à des mouvements budgétaires entre chapitres ?

Les communes doivent pouvoir demander la création rapide de zones franches urbaines dans les centres-villes, qui ont souffert du confinement. Il est également nécessaire d’étendre la possibilité de déroger au zonage de la loi Pinel à d’autres communes que Poitiers et Angers.

En cas de report à l’automne du second tour des élections municipales, un nouveau vote pourra-t-il être organisé au sein des EPCI afin de désigner un nouvel exécutif provisoire ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. On peut féliciter régions et départements de s’être rapidement lancées dans des dépenses de solidarité dont le Sénat évalue le montant à presque 5 milliards d’euros. Comment envisagez-vous d’aider ces collectivités au cours du second semestre ?

Dans mon département, le duo préfet-maire a bien fonctionné, en lien avec les parlementaires. Les ARS ont également joué un rôle essentiel dans la gestion de la crise. Ces constats doivent nourrir notre réflexion dans le cadre du projet de loi « 3D ».

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. En ce qui concerne l’installation des conseils municipaux renouvelés dès le premier tour, le Gouvernement entend respecter la date de parution du rapport scientifique prévue par la loi sur l’état d’urgence sanitaire pour le 23 mai, mais plus vite nous irons, mieux ce sera. Dès lors, ces conseils municipaux pourraient même être installés dès la dernière semaine de mai – si tant est que cela soit possible.

L’ouverture des écoles n’est pas liée au classement, rouge ou vert, du département, car certains secteurs d’un département classé rouge peuvent ne pas être concernés par l’épidémie. Une grande souplesse sera laissée, afin de s’adapter à la réalité des territoires.

Normalement, la relation entre le préfet, les élus locaux et les parlementaires fonctionne, lorsque l’entente entre eux est bonne. Je ne suis pas certaine qu’il faille l’institutionnaliser.

Sur les zonages, les conclusions de la mission de l’Inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) seront connues à la fin de l’année. Des expériences sont possibles, comme nous le faisons en région Bretagne.

Avant le vote de son budget, une commune peut effectuer des virements entre chapitres dans la limite de 15 % et, au moment du vote, elle peut prévoir une dotation pour dépenses imprévues et la ventiler ensuite dans les différents chapitres budgétaires. C’est une facilité prévue dans l’ordonnance.

S’agissant des EPCI, aux termes de la loi d’urgence sanitaire, c’est seulement après le second tour des élections municipales que les intercommunalités et leurs exécutifs seront définitivement installés. Je sais que cette situation soulève des questions dans certains territoires, mais tel est l’état du droit.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Si une commune souhaite effectuer des virements entre chapitres, son conseil municipal peut, en vertu de l’ordonnance prise en application de la loi d’urgence sanitaire, adopter une délibération en visioconférence. Mais si un problème se pose localement, je m’engage à l’examiner.

Les parlementaires sont déjà présents dans les commissions départementales de coopération intercommunale et les commissions de la dotation d’équipement des territoires ruraux, par exemple. On peut imaginer, par petites touches, des moments de la vie départementale dans lesquels élus locaux, parlementaires et préfet soient associés, mais n’oublions pas que le député est un élu de la Nation. C’est un beau sujet auquel il faut réfléchir paisiblement.

D’ici au renouvellement de l’ensemble des conseils municipaux, la composition des EPCI sera mixte. Est néanmoins tranché le cas des intercommunalités dont l’intégralité des communes ont vu leur conseil municipal renouvelé dès le premier tour.

La mission Cazeneuve est chargée de documenter les charges insidieuses des collectivités, mais il ne faut pas oublier les non-charges insidieuses, c’est-à-dire les dépenses qui ne sont plus réalisées actuellement – dans le domaine de l’événementiel, par exemple. Tout cela devra être documenté de la manière la plus objective.

Quant à la somme de 5 milliards d’euros évoquée par le Sénat, attendons d’en connaître le détail. Ce qui intéresse les élus et les contribuables, c’est de savoir où sont localisées les pertes, car il y aura des distorsions entre niveaux de collectivité et entre territoires riches et territoires pauvres.

M. Dimitri Houbron. Pour les collectivités territoriales, le retour à la normale n’interviendra pas avant 2021, voire 2022. Les importantes pertes de recettes qu’elles ont subies conduiront sans doute à une refonte de la fiscalité locale. Nous aurons alors besoin de l’expertise de ceux qui ont affronté cette épreuve. Il ne me paraît donc pas déplacé de s’interroger sur un report des élections départementales et régionales. Quelle sera la méthodologie utilisée pour récolter les retours d’expérience et les préconisations des exécutifs locaux ?

M. Didier Paris. Si le second tour des élections municipales est organisé en septembre, faudra-t-il, selon vous, modifier la loi électorale pour tenir compte des évolutions intervenues depuis le premier tour ?

Si son département est rouge, on se sentira stigmatisé ; s’il est vert, on aura le sentiment que la vigilance n’est plus de mise. Comment pourrions-nous faciliter la compréhension de ce classement par les élus locaux et nos concitoyens et éviter les jugements trop hâtifs ?

M. Jean Terlier. Si le législateur envisage de retoucher la notion de responsabilité pénale des maires, il devra le faire avec prudence.

Pour relancer l’investissement des collectivités, ne serait-il pas opportun, plutôt que de mettre en place de nouvelles dotations, d’accélérer l’exécution des grands projets structurants prévus dans les contrats de plan État-région ?

Mme Marie-France Lorho. Les cantines devront-elles rouvrir en même temps que les écoles ? Si oui, les maires auront-ils carte blanche pour les gérer comme ils l’entendent ?

M. Sacha Houlié. Quel est le calendrier des modifications qui doivent être apportées à la loi sur l’état d’urgence sanitaire, dans l’attente de la publication, le 23 mai, du rapport du conseil scientifique ?

Comment envisagez-vous de régler le fonctionnement transitoire des EPCI entre l’installation des conseils municipaux renouvelés dès le premier tour et la tenue du second tour ? Un maire qui n’aurait pas été élu au premier tour pourrait-il conserver de façon temporaire la présidence d’un EPCI ?

M. Sébastien Huyghe. Le ministre a appelé les maires à prendre leurs responsabilités, mais la réouverture des établissements scolaires leur est imposée par l’État. S’ils estiment ne pas avoir les moyens d’assurer la sécurité des enfants, ont-ils la possibilité de maintenir la fermeture des établissements ? En cas de désaccord sur ce point entre le maire et le préfet, comment ce dernier contraindra-t-il le maire à rouvrir les établissements et, dans ce cas, assumera-t-il la responsabilité de cette décision à la place du maire ?

M. Philippe Latombe. Le conseil départemental de Vendée a refusé de revenir sur une aide qu’il a accordée aux chefs d’entreprise, jugée illégale par le préfet. Plusieurs départements, insatisfaits de ne plus exercer la compétence économique, ont d’ailleurs demandé au Gouvernement de modifier la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) sur ce point. Une telle modification est-elle envisageable ? Allez-vous demander au préfet de Vendée de revenir sur sa décision ou laissez-vous perdurer ce conflit, qui suscite l’inquiétude des maires alors que se prépare le déconfinement ?

M. Arnaud Viala. Pour les EPCI, qui alimentent la commande publique locale, 2020 risque d’être une année blanche en matière d’investissements. Que va-t-il se passer dans les cas où leur président n’est plus élu dans sa commune ? Pourra-t-il conserver son poste jusqu’à l’achèvement du processus électoral, une fois les premiers conseils municipaux installés ? Plus généralement, quel scénario électoral privilégiez-vous ?

M. Éric Ciotti. Beaucoup de départements se sont mobilisés pour soutenir l’activité économique, en chute libre, et éviter aux commerçants et aux artisans de mettre la clef sous la porte. Compte tenu de la disparition funeste de la clause de compétence générale, comment peuvent-ils concilier cette mobilisation avec le strict respect de la légalité ? Quel est votre degré de souplesse en la matière ?

Les recettes tirées des impôts de production par les collectivités vont s’effondrer, tout comme DMTO, ce qui, couplé à la hausse prévisible des dépenses sociales, va créer dans les départements un redoutable effet de ciseaux. En outre, la péréquation, calculée sur les chiffres records de 2019, aboutit à un prélèvement très important en 2020. Comment pouvez-vous compenser ce manque à gagner, puisque, contrairement à l’État, une collectivité n’a pas le droit de présenter un budget en déficit ?

M. Jean-René Cazeneuve. La crise a montré que l’État pouvait réagir très rapidement – les chiffres très précis dont nous disposons sur le chômage partiel ou l’emploi du Fonds de solidarité en témoignent –, plus rapidement que les régions, pourtant censées être plus réactives.

Les présidents des trois grandes associations d’élus se sont montrés très critiques sur l’articulation entre l’ARS et les collectivités, et prêchent évidemment pour un renforcement du rôle des collectivités territoriales et des préfets en matière de politique de santé. Pourtant, chaque fois que les maires ont pris des initiatives en matière de sécurité sanitaire, cela a créé de la confusion. Ne devrait-on donc pas considérer qu’en période de crise il faut renforcer le rôle des préfets, qui sont au plus près du terrain ?

M. Fabien Matras. Les maires, particulièrement dans les petites communes, n’ont pas toujours les ressources humaines pour assumer leurs nouveaux pouvoirs de police sanitaire.

Les communes qui ne respectent pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) sont soumises à des pénalités, sauf si elles réinvestissent le montant de celles-ci dans la production de logement social. Certains maires concernés proposent que, de manière dérogatoire, ces pénalités soient versées cette année au fonds de concours créé par l’État pour relancer l’activité économique. Que pensez-vous de cette proposition ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Pourriez-vous apporter à Isabelle Florennes, qui a dû nous quitter mais qui nourrit quelques inquiétudes à ce sujet, des précisions sur l’élection du nouveau président du conseil départemental des Hauts-de-Seine ?

M. Raphaël Schellenberger. Aux termes de loi « engagement et proximité », les exécutifs des communes de moins de 1 000 habitants peuvent siéger avec des conseils municipaux auxquels il manque deux élus. Au regard de cette disposition, comment considérer les conseils municipaux qui n’ont été que partiellement élus lors du premier tour des élections municipales de mars ? Dans les 5 000 communes dont le conseil municipal reste à élire ou à compléter, quelle est la part des communes de moins de 1 000 habitants ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Le Conseil d’État a été très précis dans son avis : il considère qu’au-delà du mois de juin, le délai sera trop long et qu’il faudra refaire les deux tours de l’élection.

Des outils existent déjà pour relancer l’investissement au niveau territorial, notamment les contrats de plan État-régions (CPER). Nous réfléchissons aux moyens de poursuivre les négociations avec les régions, tout en mettant en place un plan de relance. La solution passe par une contractualisation globale. Nous avons identifié, grâce aux secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR), de nombreux projets prêts à démarrer, et nous avons donné des consignes pour qu’ils soient financés par la DSIL.

Les communes ont la liberté d’organiser la pause déjeuner du midi comme elles l’entendent, en concertation avec les directeurs d’école. L’autorisation d’ouverture des écoles relève en revanche du directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN). Cela étant, on n’imagine pas que cette décision puisse être l’enjeu d’un conflit avec les maires et les préfets, et le ministre souhaite que la concertation permette au bon sens de l’emporter et que les écoles rouvrent partout où c’est possible. Nous ne sommes pas à quelques jours près, l’important est que les enfants retrouvent l’école, en particulier les quelque 4 % qui ne suivent pas l’enseignement à distance.

La compétence économique appartient aux régions et aux EPCI. Par ailleurs, dans la mesure où leurs dépenses sociales vont très fortement augmenter en même temps que leurs recettes vont baisser, les conseils départementaux devront se concentrer sur leur mission : le champ social au sens large. L’aide de proximité peut être apportée par les intercommunalités et par les régions. Par ailleurs, l’État a autorisé les départements à contribuer au fonds de solidarité de 7 milliards d’euros, cofinancé par les régions à hauteur de 500 millions d’euros ; ils peuvent donc participer par ce biais à la relance économique. Mais on ne saurait en même temps se plaindre que les recettes baissent et vouloir assumer de nouvelles dépenses hors de son champ de compétences.

Un conseil départemental peut octroyer des aides à la personne, mais sous forme de mesures individuelles : les réserver à une catégorie spécifique, comme les chefs d’entreprise, revient à en faire des aides économiques indirectes. C’est la raison pour laquelle le préfet a demandé au président du conseil départemental de Vendée de retirer sa délibération. Il accepte néanmoins que soit examiné le cas de personnels, de salariés, voire d’entrepreneurs en difficulté, qui pourraient alors entrer dans le champ des aides sociales.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Sur les 5 000 communes qui n’ont pas complètement élu leur conseil municipal, 3 253 communes ont moins de mille habitants.

La disposition de la loi « engagement et proximité », qui vise à pallier le manque d’engagement citoyen, ne s’applique, après le second tour de l’élection, qu’aux conseils municipaux incomplets faute d’un nombre de candidats suffisant. Elle ne s’applique pas lorsque le conseil municipal n’est pas complet car il reste des candidats à départager à l’issue du premier tour.

En ce qui concerne le département des Hauts-de-Seine, je ferai une réponse par écrit. Une ordonnance, clarifiant notamment le système des incompatibilités pour l’élu assurant l’intérim, a déjà été prise pour ces cas malheureux d’exécutifs endeuillés par la disparition de leur chef.

Je n’ai pas dit que les maires n’avaient qu’à prendre leurs responsabilités, mais simplement qu’ils ne voulaient pas donner le sentiment de jouir d’un supposé privilège. Cela étant, aux yeux de la loi, la décision d’ouvrir ou de fermer une école appartient à l’État, le pouvoir du maire se bornant à pouvoir en aménager les horaires. Ce qui est en jeu ici, c’est sa capacité, compte tenu des bâtiments, du personnel, du matériel et des fournitures dont il dispose, d’ouvrir l’école. Pour les rassurer, le Gouvernement met en œuvre une stratégie différenciée, département par département. Le vert et le rouge sont des outils d’aide à la décision. Aucun maire ne se verra forcer la main. Au demeurant, sa responsabilité pourra être engagée sur d’autres décisions, comme ce maire attaqué pour avoir réservé la distribution de masques à ses seuls résidents principaux.

Nous ne modifions pas la structure des pouvoirs de police ; la police sanitaire reste une police de l’État ; la police du maire est une police générale, qui recouvre une notion de salubrité bordée par quatre-vingts ans de jurisprudences du Conseil d’État. C’est ainsi que des arrêtés municipaux obligeant nos concitoyens à porter des masques dans la rue constituent un détournement du pouvoir de police du maire. Un arrêté doit reposer sur des bases légales, telles quel le législateur les a décidées.

Même s’ils le disent moins publiquement, les présidents de conseil régional nous demandent de ne pas rouvrir le débat sur la compétence économique. Le Gouvernement reste ouvert sur la question, mais il va falloir en venir au moment de vérité, et en finir avec les demandes contradictoires, selon que l’on est en « on » ou en « off ». Je partage en revanche ce qu’a dit Éric Ciotti sur l’effet ciseau et sur la péréquation. Départementaliste convaincu, je plaide pour que ce choc financier soit l’occasion de remettre à plat les rapports entre l’État et les départements sur la question des dépenses sociales et des ressources qui vont avec.

En Vendée, le préfet de la République applique la loi. La délibération prise par le conseil départemental est illégale, et le préfet est payé pour assurer le contrôle de la légalité. Il n’y a aucun conflit, mais seulement un fonctionnement normal des institutions.

En ce qui concerne les EPCI, soit toutes les communes ont élu leurs conseils municipaux et l’intercommunalité est installée, soit certaines communes ont encore des sièges à pourvoir, auquel cas on se retrouve avec un conseil mixte, qui conjugue le millésime 2014 avec le millésime 2020. Si le président ou le vice-président sortants n’ont pas été réélus, il est mis fin à leur mandat communautaire, et on applique la règle ordinaire de l’intérim, en suivant l’ordre du tableau.

Le calendrier législatif sera adapté en fonction des décisions prises d’après les différents rapports sanitaires.

La relance économique doit se fonder sur les grands projets, dans le cadre notamment des CPER, mais également sur les petits investissements locaux. En s’appuyant sur la DETR et la DSIL, il faudra équilibrer ces deux outils de relance.

À titre personnel enfin, je pense que les élections départementales et régionales ont vocation à se tenir au moment où elles étaient prévues.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci Madame et Monsieur le Ministre d’avoir été avec nous aujourd’hui. Je retiens de nos débats que nous devons réinventer notre rôle au plan local. La loi « 3D » ou « 4D » nous fournira sans doute l’occasion de mieux inclure les parlementaires dans le déploiement des politiques locales qui se dessine autour du couple préfet-maire.

 

La réunion se termine à 18 heures 15


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Bérangère Abba, M. Jean-Félix Acquaviva, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier‑Cha, Mme Marie Guévenoux, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Pierre Person, M. Jean-Pierre Pont, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier

 

Excusé. - M. Stéphane Peu

 

Assistaient également à la réunion. - Mme Danielle Brulebois, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Poulliat