Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Examen du projet de loi, modifié par le Sénat, prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (n° 2902) (Mme Marie Guévenoux, rapporteure)              2

 Information relative à la Commission.................14

 

 


Mercredi
6 mai 2020

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 58

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 

 


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La réunion débute à 12 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission examine le projet de loi, modifié par le Sénat, prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (n° 2902) (Mme Marie Guévenoux, rapporteure).

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, le Sénat ayant achevé l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire plus tard que prévu, au milieu de la nuit, j’ai été contrainte d’annuler l’audition du ministre de la santé qui était envisagée hier à 21 heures. J’ai fixé le délai de dépôt des amendements aujourd’hui à midi afin que vous puissiez, même dans un délai très court, amender le texte. Nous interromprons nos travaux après la discussion générale et les reprendrons à 14 heures.

Mme Marie Guévenoux, rapporteure. Notre Commission se trouve à nouveau réunie, près d’un mois et demi après l’adoption de la loi du 23 mars 2020, pour proroger l’état d’urgence sanitaire et en compléter les dispositions.

Il y a six semaines, la France était confrontée à la plus grande épidémie de son histoire récente. Afin de répondre à ce contexte exceptionnel, la loi du 23 mars a créé un nouveau régime défini aux articles L. 3131‑12 à L. 3131‑20 du code de la santé publique. Cet état d’urgence sanitaire a été déclaré par le Parlement pour une première durée de deux mois ; il prendra donc fin le 23 mai à minuit.

Si la situation s’est heureusement améliorée ces derniers jours, en particulier grâce aux effets positifs du confinement de la population qui a permis d’enrayer la propagation du virus et de prévenir une saturation de nos hôpitaux, elle reste préoccupante – vous connaissez les chiffres. Dans ces conditions, il nous revient de prendre nos responsabilités et de faire en sorte que les efforts consentis après cinquante jours de confinement ne soient pas gâchés par une seconde vague.

Le Parlement, lors de l’examen de la loi du 23 mars, avait prévu l’avis du Conseil scientifique si une prorogation de l’état d’urgence sanitaire était envisagée. Le Conseil a rendu son avis le 28 avril. Il a rappelé l’efficacité des mesures prises ainsi que la nécessité d’une sortie progressive et contrôlée du confinement. À l’unanimité, il a considéré qu’au vu de la situation, l’ensemble des dispositifs de lutte contre l’épidémie de Covid-19 restait nécessaire, dont ceux prévus par la loi du 23 mars.

Le déconfinement doit être organisé et accompagné par un certain nombre de mesures de régulation dont les fermetures imposées par le confinement nous dispensaient jusqu’à présent : ainsi la réglementation de l’accès aux transports publics – Air France vient d’ailleurs d’imposer le port du masque sur tous ses vols, dès le lundi 11 mai.

L’article 1er du projet de loi prévoyait initialement une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 23 juillet. Le Sénat a avancé cette date au 10 juillet. Les deux options me conviennent et je vous proposerai donc d’agréer celle retenue par les sénateurs.

L’article 2 précise les dispositions de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique relatives aux mesures générales relevant du Premier ministre. Ces ajustements permettent la réglementation des déplacements et des transports ainsi que l’ouverture des écoles et magasins. Nous sortons de la logique binaire interdiction-autorisation d’ouverture qui prévalait jusqu’à présent ; cela paraît pertinent.

La loi n’entre pas dans le détail de ces réglementations. On doit envisager, en effet, de mettre en œuvre des mesures différenciées selon les départements et les territoires, pour l’accès aux transports publics comme pour le port du masque. Le déconfinement progressera plus ou moins rapidement selon l’exposition de chaque territoire au virus. Nous donnons les moyens au Gouvernement de déterminer finement cette progression, non seulement par territoire, mais aussi selon le degré de danger qui prévaut dans les différents secteurs d’activité.

La quarantaine et l’isolement relèveront de la responsabilité de chacun, en dehors de la situation particulière des voyageurs entrant sur le territoire ou se rendant en Corse ou en outre-mer, pour qui des sanctions demeurent prévues afin d’éviter les contaminations importées. Les territoires d’outre-mer sont globalement parvenus à se préserver de l’épidémie jusqu’à présent : il ne faut pas remettre en cause ce succès.

L’édiction de ces mesures réglementaires relève du Premier ministre, celle des mesures individuelles du préfet.

Le Sénat a beaucoup modifié ces dispositions. Il a refusé d’assujettir les voyageurs venus de Corse et d’outre-mer sur le territoire métropolitain à un dispositif plus strict que celui applicable à ceux venus d’Europe, puisque le Président de la République a indiqué que l’espace Schengen demeurerait un espace de liberté.

Il a également prévu une mesure utile, évitant que les victimes de violences conjugales puissent être mises en quarantaine ou placées en isolement dans le même domicile que l’auteur de ces violences.

D’un point de vue juridictionnel, le Sénat a créé un bloc de compétence judiciaire pour le contentieux de l’isolement et de la quarantaine. C’est un gage de simplicité pour le justiciable et de bonne administration de la justice ; je serai d’avis, là encore, de préserver cette évolution.

L’article 6 du projet de loi porte sur le renforcement des systèmes d’information pour un suivi effectif de l’épidémie. La lutte contre le Covid-19 repose, depuis le début de sa propagation sur le territoire national, sur l’identification des personnes contaminées et de celles avec lesquelles elles ont été en contact. Les personnels de santé et les brigades sanitaires se chargent actuellement de ce suivi. Toutefois, l’outillage numérique actuel des autorités sanitaires ne permet pas de disposer d’un dispositif complètement effectif.

Par conséquent, l’article prévoit, en premier lieu, la possibilité de déroger au secret médical pour permettre aux personnels de santé et aux autorités sanitaires de partager les données de santé de ces personnes, pour une durée strictement nécessaire à la lutte contre l’épidémie et dans la limite d’un an à compter de la publication de la loi.

Ce partage de données reposerait, d’une part, sur le service intégré de dépistage et de prévention (SIDEP), qui doit permettre de centraliser au niveau national les informations relatives aux tests de dépistage et, d’autre part, sur l’adaptation des systèmes d’information existants pour permettre, via le portail Contact Covid, le suivi des personnes contaminées et des cas contacts, la surveillance épidémiologique et la recherche du virus.

Je salue le travail du Sénat. Il a apporté des précisions utiles quant aux garanties concernant les personnes, au champ des données collectées et au contrôle de la nécessité et de la proportionnalité du dispositif, notamment par l’introduction d’un comité de suivi sociétal auquel le Parlement est associé.

Je vous proposerai toutefois de revenir sur certaines modifications problématiques, comme la durée de mise en œuvre du dispositif.

Je ne peux conclure sans évoquer deux initiatives prises par le Sénat en matière pénale et qui sont au cœur des préoccupations de la commission des Lois.

En premier lieu, le Sénat a souhaité modifier le régime de responsabilité pénale des décideurs publics et privés dans le contexte exceptionnel de la crise sanitaire.

Je rappelle brièvement le droit en vigueur. En l’absence d’intentionnalité, si le lien entre le manquement constaté et le dommage est direct, la responsabilité pénale de son auteur n’est engagée qu’en cas de négligence, d’imprudence ou d’absence de mise en œuvre des diligences normales au regard des moyens dont il est disposé et dans le contexte donné. Si le lien est indirect entre le manquement et le dommage, alors la responsabilité ne peut être recherchée qu’en cas de violation manifeste d’une obligation de prudence ou de sécurité, ou en cas de faute caractérisée.

Ce régime gradué de responsabilité est déjà très protecteur, comme l’ont rappelé le Premier ministre et la garde des Sceaux au Sénat. Toutefois, les sénateurs ont souhaité répondre à l’inquiétude légitime de certains décideurs, publics ou privés, de se voir reprocher dans l’avenir les décisions prises, notamment dans le cadre du déconfinement.

Cette initiative répond à un besoin de clarification. Toutefois, le dispositif retenu par le Sénat pose plusieurs problèmes de rédaction auxquels il conviendra de remédier. C’est la raison pour laquelle la majorité a travaillé à un dispositif à même de résoudre ces difficultés, tout en assurant la prise en considération par le juge des conditions exceptionnelles dans lesquelles il faut agir depuis le début de l’épidémie de Covid-19.

En second lieu, le Sénat a décidé que, dès le 24 mai, les règles dérogatoires de prorogation des détentions provisoires, prévues par ordonnance, n’auront plus cours. Il l’a fait dans une forme juridique sur laquelle mieux vaudrait sans doute revenir : il est peu courant de modifier une habilitation dont l’ordonnance a déjà été régulièrement publiée. Quoi qu’il en soit, je crois pouvoir dire que la commission des Lois approuve cette initiative sur le fond : nos travaux de suivi de l’action du Gouvernement ont montré toutes les réticences inspirées par une prolongation de plein droit et sans débat contradictoire. Tout au plus faudra-t-il gérer une période transitoire qui me semble nécessiter quelques précisions ; un amendement vous sera proposé en ce sens.

M. Florent Boudié. J’ai également plaisir à vous retrouver : la représentation nationale est totalement mobilisée, dans les territoires comme à l’Assemblée nationale. Je remercie notre présidente d’avoir su animer notre Commission et organiser de nombreuses auditions dans des conditions difficiles.

Le projet de loi qui prolonge l’état d’urgence doit donner au Gouvernement des moyens concernant le déconfinement à venir, dès la semaine prochaine. C’est pourquoi il devra être publié au Journal officiel au plus tard lundi prochain. Cela explique nos conditions de travail extrêmement contraignantes.

Je voudrais dissiper un malentendu : il ne s’agit pas d’un projet de loi sur le déconfinement, pas plus qu’il ne s’agit d’un projet de loi qui viserait à mettre en œuvre les déclarations du Premier ministre devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce texte est tout à la fois plus réduit et plus ciblé.

Il s’agit de déterminer des mesures de restriction et de quarantaine. Sujet délicat : comment protéger la santé de tous sans que cela empiète sur la liberté des gens ?

Il s’agit aussi de mesures touchant au système d’information. En la matière, ce qui compte, c’est la finalité : l’objectif pour le Gouvernement est de remonter la chaîne de contamination. Nous aurions certes préféré que la collecte d’informations puisse être réalisée par les seuls médecins. Mais c’est matériellement impossible parce qu’il n’y a tout simplement pas assez de médecins en France pour le faire, pas plus que dans n’importe quel autre pays d’ailleurs. Le Premier ministre et le ministre de la santé annoncent jusqu’à 700 000 tests de dépistage : une telle masse justifie en soi le recours à un système d’information. Nous n’avons pas de goût particulier pour la collecte et les fichiers de données personnelles, mais il s’agit d’une nécessité. Tout comme le Sénat, nous serons vigilants sur les garanties apportées car l’efficacité ne doit pas s’obtenir au détriment de l’État de droit et des libertés fondamentales. C’est le sens des propositions du Gouvernement et des nôtres.

Le confinement s’appliquait à tous, ou presque ; le déconfinement, c’est beaucoup plus compliqué. Il doit être progressif et différent selon les catégories d’activités, les catégories de services – publics ou privés –, les territoires. Pour le mettre en œuvre, il faut un Gouvernement et un Parlement ; il faut aussi des agents de service public, des chefs d’entreprise, des élus locaux. C’est pourquoi la question de leur responsabilité se pose. Les membres du groupe La République en Marche veilleront attentivement à ce que les réponses apportées puissent les protéger en évitant tout ce qui pourrait ressembler, de près ou de loin, à une forme d’irresponsabilité. Nous ne voulons pas que le déconfinement se traduise pour les élus locaux qui le mettent en œuvre par une mise en danger sur le plan pénal. J’ajoute que si nous voulons un déconfinement dans de bonnes conditions, il faut que ces élus aient confiance dans les dispositions que nous adoptons.

M. Raphaël Schellenberger. En adoptant le texte instaurant l’état d’urgence sanitaire, nous avons conféré au Gouvernement de très larges pouvoirs de restriction des libertés des Français. Ce texte, nous l’avions adopté en cinq jours, dans des conditions de travail particulièrement dégradées, que nous avions acceptées au vu de l’urgence de la situation. Un mois et demi plus tard, il est beaucoup plus désagréable de se retrouver une nouvelle fois dans ces conditions, en découvrant ce projet de loi la veille seulement de son examen, dans une urgence que le contexte ne justifie plus.

Dès lors qu’il s’agit de restreindre la liberté des Français, il faut prendre le temps d’un travail convenable. Nous ne devrions pas être acculés à une date butoir artificiellement déterminée par l’effet d’annonce auquel s’est livré, il y a quelques semaines, le Président de la République, sur un déconfinement qui n’en sera au bout du compte pas vraiment un. Pour lundi, on nous demande d’entériner, dans la précipitation, la création d’outils juridiques nouveaux dont nous n’avons pas saisi tout à fait l’usage. C’est un premier biais qui nous dérange grandement.

Vient ensuite la constitution d’un énorme fichier de traçage des Français et de leur état de santé, sans information ni débat préalables sur la technologie retenue, qui pose des questions considérables sur la sauvegarde des libertés individuelles et collectives, ainsi que sur ce qui reste la pierre angulaire de notre système de santé : le secret médical. Toutes ces questions, nous allons devoir les balayer en très peu de temps alors même que nous aurions pu en débattre au cours des semaines écoulées. L’ébauche des discussions que nous avons eues au sein de la Commission portait sur une application qui n’est plus, aujourd’hui, le sujet : chacun aura bien compris que, techniquement, le Gouvernement n’avait pas été en mesure d’avancer. En conséquence, on nous propose une solution bien pire. Vous avez choisi d’aborder la question à travers le prisme de l’outil au détriment de l’usage qui en sera fait. C’est une mauvaise logique : en tant que parlementaires, notre devoir devrait être de veiller moins à la technique qu’à l’usage qui aboutit à restreindre la liberté des Français.

Autre point inquiétant : la durée de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Lors de nos débats précédents, nous avions acté le principe d’une instauration pour deux mois à compter du vote de la loi du 23 mars. Il avait également été convenu – ce qui ne figure pas dans la loi, mais on le retrouve dans les débats – qu’au terme de ces deux mois, toute prorogation serait envisagée mois après mois et ferait l’objet d’une discussion au Parlement. Or, le projet de loi prévoit une prolongation de deux mois. Nous nous y opposons. Le Sénat propose un compromis au 10 juillet ; nous maintenons qu’il faut discuter de la durée de cette reconduction.

La question de la responsabilité des décideurs publics est évidemment essentielle. Il n’est pas question pour nous d’accepter la moindre déresponsabilisation. En revanche, il faut débattre du cas des élus locaux amenés à appliquer nombre de décisions dont ils ne sont pas à l’origine. Les maires, auxquels on demande de rouvrir les écoles et à qui on va imposer certaines obligations dans l’organisation des services publics locaux, ne peuvent pas être tenus responsables de choix qui leur sont imposés, pas plus que de certaines modalités de leur mise en œuvre puisque l’État ne leur en donne pas toujours les moyens. Rappeler l’état de la jurisprudence, comme l’a fait le Sénat, nous semble éventuellement une belle solution.

Enfin, nous insistons sur la nécessité de revoir certains délais instaurés dans le cadre de l’état d’urgence, concernant notamment les centres de rétention administrative et les enquêtes publiques en matière d’urbanisme.

Mme Laurence Vichnievsky. Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet de proroger l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020, à compter du 24 mai et pour une durée de deux mois – du moins dans sa rédaction initiale puisque le Sénat a limité cette prorogation au 10 juillet. Je ne vois pas bien l’intérêt d’une telle réduction ; la durée prévue à l’origine par le Gouvernement me paraissait mesurée. Cette prorogation intervient alors que la période de confinement général aura cessé depuis le 11 mai et elle fixe un cadre législatif pour la reprise de l’activité.

Outre la prorogation, le projet de loi complète le dispositif de l’état d’urgence. Il faut évoquer ici une initiative de nos collègues du Sénat, qui se sont montrés préoccupés par la question de la responsabilité pénale des responsables publics et privés, dans le cadre ou à l’occasion de la mise en œuvre des politiques publiques de lutte contre l’épidémie de Covid‑19. Le Sénat a adopté un amendement à l’article 1er qui traite de cette question. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés y est hostile pour deux raisons.

Il n’est pas souhaitable d’instaurer un régime de responsabilité pénale applicable à la seule lutte contre le Covid-19. La rapporteure a rappelé que la loi du 10 juillet de 2000 est équilibrée puisqu’elle protège tout en préservant le principe de responsabilité pénale. Nous partageons les réserves exprimées par le Premier ministre devant le Sénat à ce sujet.

Le Sénat reprend, sous une forme certes élégante et pédagogique, les dispositions de l’article L. 121‑3 du code pénal sans y apporter de particulier : cela ne justifie pas l’adoption d’un texte nouveau. Nous proposons plutôt d’insérer dans la rédaction en vigueur du code pénal un alinéa très court, précisant seulement qu’il est tenu compte, en cas de catastrophe sanitaire, de l’état des connaissances scientifiques au moment des faits. Nous sommes heureux d’avoir été, sur ce sujet, à l’origine d’une rédaction commune au sein de la majorité.

L’article 2 détermine les conditions dans lesquelles des personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l’infection peuvent être placées en quarantaine à leur entrée sur le territoire national. Il me semble que les choses doivent être précisées : une personne ayant séjourné à Bergame ou dans la région de Milan présente-t-elle moins de risques qu’une autre ayant résidé à Mulhouse ?

L’article 6 prévoit la création d’un système d’information ayant pour objet le traitement et le partage des données à caractère personnel concernant la santé des personnes atteintes par le virus. La durée de vie de ce système fait débat ; le groupe MODEM estime qu’une durée de six mois à compter de la promulgation de la présente loi serait raisonnable.

Le consentement des personnes au traitement et au partage de leurs données médicales est un autre sujet de débat. Le problème dépasse la question de la compatibilité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) d’un système qui négligerait ce consentement ou celle de l’obstacle technique que représenterait, pour la bonne marche du système, la sollicitation de ce consentement. Le problème est de savoir jusqu’où une société est capable de remettre en cause les valeurs de liberté, de respect de la vie privée et d’affirmation de l’individu pour limiter la contagion d’une maladie capable de provoquer des dizaines de milliers de morts. Si le consentement préalable et explicite des intéressés peut paraître difficile à exiger, notre groupe souhaite que leur acceptation, même si elle n’est que tacite – mais libre –, soit requise pour la mise en œuvre de ce système d’information.

M. Pascal Brindeau. Chacun peut comprendre que nous ayons dû renoncer à auditionner le ministre de la santé hier soir, mais je regrette qu’il ne soit pas présent ce matin. J’aurais aimé entendre la position du Gouvernement, notamment sur la responsabilité pénale, dans la mesure où il s’est opposé hier à la rédaction adoptée par le Sénat.

La prolongation de l’état d’urgence pose quelques questions. On peut craindre, comme c’est arrivé au lendemain des attentats terroristes de 2015, qu’à force de prolonger mécaniquement l’état d’urgence, certaines dispositions restreignant les libertés publiques ne finissent par entrer dans le droit commun. Ce n’est pas notre conception philosophique du droit.

Il serait également bon d’évaluer l’efficience de mesures dont on s’apprête à voter la prorogation, comme y a du reste invité le Conseil d’État dans son avis, qui demande au Gouvernement et au Parlement d’auditer chacune des dispositions pour voir celles qui méritent d’être prolongées, et pour combien de temps.

S’agissant de la responsabilité pénale des élus locaux et des chefs d’entreprise, la majorité dit avoir des propositions à faire. Mais le Gouvernement a défendu hier un amendement tendant à supprimer la rédaction des sénateurs… Nous souhaitons protéger les élus locaux dans leurs fonctions, les employeurs et les agents publics qui exécutent des décisions. En revanche, nous ne voulons pas l’amnistie générale et a priori de tous les responsables publics qui ont pris des décisions relatives à la lutte contre le Covid-19. La rédaction actuelle du texte, qui couvre une période antérieure au déconfinement, ne nous satisfait pas. Nous ferons des propositions pour l’améliorer.

Nous nous interrogeons enfin sur l’opportunité de créer un fichier central contenant des données personnelles d’ordre médical et partagé par quelques milliers de personnes : cela pose des questions relatives à la protection des libertés publiques et de la vie privée. Il faudra un équilibre entre la nécessité de disposer de données pour limiter la propagation du virus et la protection de la vie privée de nos concitoyens.

Mme Cécile Untermaier. La lutte contre le Covid-19 nous impose de prendre des mesures d’urgence afin de préserver la santé de nos concitoyens, sans pour autant tourner le dos à l’État de droit qui fonde notre démocratie. Il faut un équilibre, comme nous avons essayé de le faire en 2015 avec l’état d’urgence, en essuyant les mêmes critiques.

Le Sénat a décidé de limiter la prolongation de l’état d’urgence sanitaire au 10 juillet, ce qui convient au groupe Socialistes et apparentés.

Le projet de loi ne modifie que l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 : de portée limitée, il ne prend pas en compte les questions sociales et les conséquences graves de certaines ordonnances sur notre démocratie. La justice, qui en est l’un des piliers, doit absolument redémarrer. À cet égard, nous saluons la décision du Sénat d’abroger les dispositions prises par ordonnance relatives à l’allongement automatique de la détention provisoire, qui sont profondément choquantes. Nous pensons d’ailleurs que cette disposition devrait entrer en vigueur immédiatement, sans attendre le 24 mai.

Sur le fond, toutes les mesures de l’état d’urgence ont pour objet de déroger au droit normalement applicable pour parer aux conséquences de la pandémie. Elles disparaîtront donc à la fin de la crise. Elles trouvent pourtant leur place dans le code de la santé publique, dans un nouveau chapitre consacré à l’état d’urgence sanitaire, qui perdurera jusqu’au 1er avril 2021. Cela introduit une certaine confusion, puisqu’on ne sait pas toujours si les mesures dont nous discutons ont une valeur générale, rattachée à un état d’urgence sanitaire qui pourrait être à nouveau mobilisé, ou si elles n’ont qu’une valeur ponctuelle. Pour clarifier les choses, nous rappellerons régulièrement que les mesures dont nous débattons se rapportent exclusivement au Covid-19.

Quelques points retiennent particulièrement l’attention de notre groupe. S’agissant de la responsabilité des acteurs publics et privés, nous rejoignons les observations faites tant par la rapporteure que par Mme Laurence Vichnievsky : le droit positif et la jurisprudence protègent déjà les élus et, du même coup, les citoyens. Je suis convaincue que le juge prend en compte les circonstances exceptionnelles d’une décision. Nous vous soumettrons toutefois une proposition pragmatique : une validation par le préfet dès lors qu’un maire souhaitera prendre des précautions.

Notre deuxième interrogation concerne l’évaluation et le contrôle des mesures prises pendant l’état d’urgence. Le Sénat a amélioré les choses, mais nous devrions reprendre les modes de contrôle instaurés en 2015. Les parlementaires et les citoyens ont le droit de connaître précisément l’impact du Covid-19 puisque c’est ce qui justifie le présent texte – en particulier le nombre exact de personnes décédées chez elles à cause du virus, que les médecins Sentinelle parviennent pourtant à comptabiliser dans le cadre d’une épidémie ordinaire. Les citoyens ne sont pas des enfants : ils doivent avoir accès à l’intégralité des chiffres relatifs à cette pandémie.

Il faut, plus encore que ne l’a fait le Sénat, faciliter les recours juridiques pour les personnes qui se verraient imposer une mesure de quarantaine ou d’isolement.

Nous sommes étonnés, enfin, que les masques et les tests, qui sont des outils essentiels de la lutte contre le Covid-19, n’aient pas leur place dans ce projet de loi. L’accès aux masques importe plus que les contraventions que commettront ceux qui n’en porteront pas, notamment dans les transports publics.

L’article 6 a pour objet de lever le secret médical. Ce n’est pas rien. Le fichier que vous voulez créer sera accessible à 30 000 personnes, dont un certain nombre ne sont pas des professionnels de santé et n’ont pas la culture du secret médical. Si l’on ne peut faire autrement, il faudra les y sensibiliser.

Nous défendrons avec force et d’une manière constructive les libertés publiques et le respect de la vie privée.

M. Paul Molac. Le confinement était nécessaire ; le déconfinement risque de poser des difficultés parce que nos faiblesses structurelles perdurent – manque de masques, de tests, de places dans les hôpitaux. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire me semble donc nécessaire, même si je n’ai aucun goût pour les situations ou les juridictions d’exception.

Le Sénat a introduit quelques dispositions bienvenues, par exemple sur l’encadrement du prix des masques et sur la verbalisation. L’article 6 pose effectivement problème dans la mesure où il remet en cause le secret médical. Le Gouvernement nous a donné un certain nombre de garanties qu’il devra réitérer en séance publique. Il semble important de recueillir le consentement des personnes concernées et il faut que le système soit déclaratif : chacun doit être libre d’indiquer quelles sont les personnes avec qui il a été en contact. Il importe aussi de ne pas croiser ce fichier avec d’autres. Il sera intéressant de connaître l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). D’après ce que j’ai compris, le Gouvernement n’a pas totalement renoncé à créer une application de « tracing », ce qui m’inquiète beaucoup plus.

Plusieurs questions restent en suspens. Certaines ont été posées au Sénat : le cas de la Corse, par exemple, qui accueille 8 millions de touristes par an pour une population de 340 000 habitants. Il faut absolument veiller à ce que la maladie ne se répande pas dans cette île : ce serait dramatique, à la fois pour la population locale comme pour l’activité touristique qui représente 30 % de son PIB. Je pense aussi au littoral atlantique : on y autorise les activités nautiques mais on interdit l’accès aux plages : il faudra expliquer comment procéder. On ne peut pas traiter de la même manière le littoral atlantique, qui compte des centaines de kilomètres de plages, et la côte méditerranéenne. Il faut différencier les territoires. La question de la quarantaine pour les personnes venant de l’étranger pose également question : on veut l’imposer à des pays qui ont des liens forts avec la France, par exemple le Maroc, mais on ne l’imposera pas aux personnes venant d’Espagne…

S’agissant de la responsabilité des maires, quand j’ai vu la note de soixante-trois pages relative à la scolarisation des enfants dans les écoles maternelles, je me suis dit que le ministère de l’éducation nationale cherchait à se protéger et à mettre les maires en première ligne. On ne peut pas empêcher des enfants de se toucher. Le virus continuera à se répandre en maternelle, c’est inévitable, et on essaie de se défausser sur les maires !

M. Éric Coquerel. Ce projet de loi est triplement problématique.

Premièrement, pourquoi nous demander de proroger l’état d’urgence dès aujourd’hui, et non le 23 mai ? Le risque, c’est que les dispositions d’urgence entrent dans le droit commun. Rappelons-nous ce qui est arrivé avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT) ! Ce projet de loi prévoit la prorogation de toutes les ordonnances, y compris des pires, contre l’avis du Conseil d’État qui appelait au réexamen systématique de chaque disposition et à une évaluation au cas par cas. Ce n’est pas parce que le Gouvernement a été incapable de planifier le confinement, puis le déconfinement, qu’il doit maintenant confiner les libertés !

Deuxièmement, le déconfinement n’a pas été planifié et rien, dans ce projet de loi, ne permet de corriger le tir : on n’y trouve ni réquisition d’entreprises, ni nationalisation, ni planification sanitaire. Il nous semblerait normal de fournir des masques gratuitement au moins aux personnes particulièrement exposées dans leur travail ; on en est toujours à 50 000 tests par jour à une semaine du déconfinement, loin des 100 000 tests préconisés par le conseil scientifique. Et que dire des volte-face sur la question de l’école et des transports ! L’État reporte les difficultés sur les collectivités territoriales et les entreprises en leur demandant de se débrouiller, faute d’avoir organisé les choses.

Troisièmement, nous sommes confrontés à une crise mondiale et globale, environnementale, sanitaire, alimentaire et sociale, qui ignore les frontières. Or, rien n’est fait pour résoudre les difficultés des Français. Aucune mesure d’aide alimentaire, pas de blocage des prix, alors que dans le département de Seine-Saint-Denis, 15 000 à 20 000 personnes sont, aux dires du préfet, en situation de malnutrition ! Aucune aide sociale pour le logement ! Le 23 mars, nous avions proposé la gratuité des obsèques, une mesure qui aurait dû être votée par tout le monde. Vous ne demandez aucune contrepartie aux entreprises qui licencient ou qui continuent de distribuer des dividendes – 36 milliards pour les entreprises du CAC 40 en juin. Vous n’imposez pas de taxe exceptionnelle aux entreprises qui profitent de la crise, et il y en a !

Aucune mesure n’est prise en faveur des plus fragiles alors qu’il faudrait fermer les centres de rétention administrative, régulariser les sans-papiers et réquisitionner des logements pour reloger les victimes de violences conjugales. Vous ne prenez aucune des mesures économiques qu’il faudrait prendre pour faire face à la crise : nationalisation d’Air France, fin de l’ouverture à la concurrence de la SNCF au profit d’un pôle public de transport, création d’un pôle public du médicament.

Cette loi est dangereuse pour les libertés avec la création de ce fichier et les mesures relatives à la verbalisation. Surtout, l’idée qu’un malade serait déjà un coupable nous inquiète. Nous sommes favorables à l’amendement du Sénat relatif à la responsabilité des élus locaux. Il faut les protéger. Mais nous ne voulons pas que cette disposition permette l’amnistie de tous ceux qui ont pris des décisions dans ce pays depuis plusieurs mois, et même davantage. Rien, dans ce texte, ne témoigne d’une volonté de rompre avec les erreurs passées. Nous voterons donc contre ce projet de loi, à moins que nos amendements ne soient pris en compte.

M. Stéphane Peu. Lorsque nous avons discuté et voté le projet de loi instituant l’état d’urgence, le 23 mars, le pays était dans un état de sidération. Deux mois plus tard, nous avons un peu plus de recul et nous pensons qu’il aurait été important de faire un bilan de l’état d’urgence avant de le proroger.

Les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont la conviction que l’état d’urgence, qui a consisté à concentrer les pouvoirs dans les mains de l’exécutif et à mettre la démocratie sous cloche, a été contre-productif. Il n’est pas surprenant que la France soit le pays d’Europe où le peuple a le moins confiance dans ses dirigeants pour mener la lutte contre le Covid-19. Le professeur Jean-François Delfraissy et la communauté médicale ont bien montré que la lutte contre le Covid-19, pour être efficace, nécessite l’adhésion et la confiance de la population. On peut se demander si l’état d’urgence, et toutes les décisions autoritaires et antidémocratiques qui l’accompagnent, n’est pas pour une part responsable de cette défiance.

Au moment où l’on nous demande de prolonger l’état d’urgence de deux mois, nous entrons dans une période de déconfinement qui se traduit par une déresponsabilisation du pouvoir exécutif, qui se décharge sur les chefs d’entreprise, les maires et les directeurs d’école. C’est paradoxal ! On demande la concentration des pouvoirs dans les mains du Gouvernement au moment même où celui-ci reporte ses responsabilités vers une multitude d’autorités économiques et politiques à travers le pays.

Madame la rapporteure, il n’y a pas d’équivalence entre confinement et état d’urgence. Le confinement a été instauré le 15 mars : cela prouve bien que nous n’avions pas besoin de l’état d’urgence pour en décider. Je remarque que dans son discours annonçant le confinement, le Président de la République a fait référence à la solidarité nationale, au civisme et à la responsabilité de tous les Français. Après le 23 mars, il a prononcé un discours martial et il a parlé d’une guerre : cela a changé la philosophie de la lutte contre le Covid-19 ! Le président allemand, M. Frank-Walter Steinmeier, a répondu à Emmanuel Macron que la lutte contre le Covid-19 nétait pas une guerre, mais un test dhumanité. Ces différences expliquent peut-être les résultats différents obtenus par nos deux pays dans la lutte contre la pandémie, et létat de confiance de leurs populations !

La Représentation nationale aurait été en droit de demander un bilan de ces deux mois. Pour retrouver la confiance des Français, pour lutter contre la pandémie, ce nest pas de létat durgence dont nous avons besoin, mais de plus de démocratie. Il faut restaurer le débat et la décision partagée, qui sont le propre de la démocratie.

Pour conclure, je citerai le général de Gaulle, ce qui fera plaisir à certains dentre vous  Ah ! » parmi les députés du groupe Les Républicains). Dans ses Mémoires de guerre, il se félicitait que l’Assemblée nationale ait pu, tout au long de la guerre de 1914-18, contrôler et évaluer l’action du Gouvernement. Il concluait que cela n’avait pas pesé pour rien dans la victoire de la France. La démocratie n’est pas l’ennemie de l’efficacité. Confiner la démocratie, c’est perdre la confiance des Français. Et sans leur confiance, nous ne gagnerons pas contre le Covid-19.

M. Sacha Houlié. Alors que nous sommes une trentaine de députés réunis en Commission, nous ne pouvons pas nous émouvoir de la dégradation du fonctionnement du Parlement. Les Français travaillent, eux aussi, dans des conditions très particulières. Par ailleurs, le plan de déconfinement ne doit pas être confondu avec l’état d’urgence sanitaire, qui a succédé au confinement et survivra au déconfinement. Le Premier ministre a déjà répondu, en séance publique, la semaine dernière, aux questions que pose M. Coquerel.

Si le Sénat a amélioré certains aspects du texte, d’autres restent à l’être à l’article 6. Certains ajouts devront être regardés de près, notamment la définition du champ d’application des systèmes d’information. Il conviendra de préciser que les fichiers déployés sont analogues à ceux qui existent ; d’interdire la rémunération proposée par le directeur de l’Assurance maladie ; d’étendre le secret professionnel et d’encadrer le recours à la sous‑traitance ; de faire en sorte que le Parlement puisse exercer un contrôle, comme il l’a fait dans le cadre de l’état d’urgence fondé sur la loi de 1955.

M. Arnaud Viala. Pourquoi proroger l’état d’urgence de deux mois et non pas d’un, par parallélisme avec l’état d’urgence proclamé sous la précédente législature pour lutter contre le terrorisme, que nous avons reconduit à maintes reprises ? Le Parlement est en mesure de se réunir. Il n’y a aucune raison de le priver de son droit de se prononcer à intervalles réguliers. Une fréquence mensuelle me paraît tout à fait raisonnable.

Où en sommes-nous dans le déploiement du système d’information dans les territoires ? Hier, lors d’une réunion avec le préfet de mon département, les directeurs de l’agence régionale de santé et de la caisse primaire d’assurance-maladie nous ont appris que le travail était déjà bien avancé : le fichier doit fonctionner dès la semaine prochaine alors même que le Parlement n’a pas encore voté la loi.

Les améliorations apportées par le Sénat sont autant de garde-fous, en matière de confidentialité, de droit à l’oubli et d’effacement des données.

M. Philippe Gosselin. La date du 10 juillet fait l’effet d’une cote mal taillée : une prorogation d’un mois me semblait préférable en offrant un rendez-vous supplémentaire au Parlement, gardien des libertés individuelles et publiques.

Le Sénat a limité l’ampleur de l’article 6, lequel permet non seulement de créer un nouveau système d’information, mais aussi d’adapter tous ceux qui existent. Parallèlement se développe une plateforme des données de santé sur laquelle la CNIL s’est prononcée il y a quelques semaines. Hier, le secrétaire d’État chargé du numérique nous apprenait que l’application StopCovid pourrait se déployer à partir du 2 juin. Ne balayons pas d’un revers de main la technologie, qui peut nous aider à lutter contre l’épidémie, mais c’est aller un peu loin ! Il faudra également clarifier des questions essentielles qui relèvent du secret médical et professionnel, étant donné le grand nombre d’intervenants qui auront accès aux données.

M. Erwan Balanant. Nous pouvons nous réjouir du déconfinement progressif de l’Assemblée nationale. Nous approuvons les dispositions adoptées par le Sénat pour renforcer le contrôle du juge des libertés et de la détention sur les mesures sanitaires. Elles garantissent l’équilibre entre le respect des libertés et l’efficacité en matière de santé publique.

M. Éric Diard. Le Sénat a réduit, à raison, la durée de prorogation de l’état d’urgence sanitaire en ramenant la date au 10 juillet. Mais choisir le 1er juillet aurait été plus approprié dans la mesure où nous serions restés dans le cadre de la session ordinaire.

Si j’entends qu’il faille protéger les élus locaux et ceux qui travaillent à leurs côtés de certains risques pénaux, je suis clairement défavorable à une amnistie générale.

Enfin, s’agissant de l’article 6, quelles sont les garanties de protection des données ? Quel sera le mode d’action ? Dans la mesure où les médecins ne suffiront pas – pour un malade dépisté, ce sont vingt contacts à retrouver –, il faudrait que les membres des brigades de traçage soient choisis parmi des personnels soumis au secret médical.

M. Bruno Questel. Concernant la question des responsabilités, avec des collègues du MODEM, nous déposons un amendement qui fera entrer les cas concernés dans le droit commun.

Mme Marietta Karamanli. Le projet de loi a vu le nombre de ses articles augmenter après son passage au Sénat, ce qui prouve qu’il avait besoin d’être précisé. Il en a encore besoin. Certains articles, par exemple, n’apparaissaient pas limités dans le temps. Il faut aller à l’essentiel en matière de libertés individuelles et publiques : toute limitation doit être interprétée strictement, notamment pour ce qui touche à la quarantaine et aux outils informatiques.

Le Sénat a rétabli de façon claire certaines garanties, notamment dans le domaine de la procédure pénale. Mais les juridictions administratives, judiciaires et constitutionnelle doivent retrouver un fonctionnement normal. Ceci suppose le plein rétablissement des garanties d’un procès équitable, la levée des mesures prises en matière de détention provisoire et d’assistance éducative. Enfin, le fait que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ait été décidée sur l’avis du conseil scientifique, dont l’indépendance n’est pas garantie, pose problème.

Mme Coralie Dubost. L’enjeu du débat n’est assurément pas d’opposer liberté et sûreté. Montesquieu a montré que la liberté politique résidait dans la capacité de l’État à garantir la sûreté de ses citoyens. L’état d’urgence sanitaire impose d’articuler les sûretés sanitaires apportées par le Gouvernement avec les libertés. À cette fin, des innovations sont nécessaires. La liberté que nous allons restituer à nos concitoyens ne sera pas une liberté aveugle ; ce sera celle qui lui permettra de vivre, en étant garanti dans son intégrité physique et morale.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La discussion générale est close.

Je rappelle que le port des masques est désormais obligatoire en Commission. Je vous remercie d’en prendre note pour la prochaine réunion prévue à 14 heures, à l’occasion de laquelle nous entamerons l’examen des articles du projet de loi.

La réunion se termine à 13 heures 15


Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mme Marie Guévenoux, rapporteure, sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (n° 2902).

 


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Laetitia Avia, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, M. Pascal Brindeau, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, M. Jean‑‑rançois Eliaou, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Marietta Karamanli, M. Stéphane Mazars, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Stéphane Peu, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Thomas Rudigoz, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, Mme Hélène Zannier

 

Assistait également à la réunion. - M. Éric Coquerel