Compte rendu

Commission
des lois constitutionnelles,
de la législation
et de l’administration
générale de la République

 

 Audition conjointe, en visioconférence, de Mme Christiane Féral-Schul, présidente du Conseil national des barreaux, MM. Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat et Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des commissaires de justice              2

 Audition conjointe, en visioconférence, de MM. Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris, et Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris              12

 

 

 


Mercredi
13 mai 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 61

session ordinaire de 2019-2020

Présidence de
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente
 

 


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La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne, en visioconférence, Mme Christiane Féral-Schul, présidente du Conseil national des barreaux, M. Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat et M. Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des commissaires de justice.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Outre l’examen des deux projets de loi relatifs à l’état d’urgence sanitaire, la commission des Lois procède depuis quelques semaines à un cycle d’auditions sur l’action des pouvoirs publics durant la crise épidémiologique. Après avoir abordé le thème de la détention, nous avons décidé de centrer notre travail sur le monde de la justice, et plus particulièrement son organisation et son fonctionnement pendant le confinement et après la levée de celui-ci. Aussi, cette semaine est organisée autour de trois auditions, qui nous permettront d’entendre des représentants des professions du droit, le président et le procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris et, enfin, la garde des Sceaux.

Nous débutons donc aujourd’hui avec trois représentants des professions du droit, qui ont été fortement touchées par le confinement : Mme Christiane Féral-Schul, présidente du Conseil national des barreaux, M. Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat, et M. Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des commissaires de justice.

Je laisse la parole à nos trois invités, que je remercie d’être avec nous ce matin.

Mme Christiane Féral-Schul, présidente du Conseil national des barreaux. Le confinement a révélé une « justice atomisée à 164 vitesses », soit le nombre de tribunaux judiciaires. L’activité des avocats s’est en effet fortement réduite à la suite de l’arrêt de l’activité juridictionnelle et de la suspension de la quasi-totalité des affaires civiles et d’une bonne part des affaires pénales.

Le déconfinement a, quant à lui, révélé une justice sans visibilité. Il est apparu que ce n’étaient pas les chefs de juridiction qui organisaient l’activité, mais les magistrats en charge des pôles, en fonction des dossiers.

Les avocats sont sinistrés par la période de confinement. En particulier, le sujet des masques les a profondément marqués car ils se sont sentis mis à la marge du monde judiciaire, alors même qu’ils remplissent une mission de service public. L’État ne garantit pas les conditions sanitaires suffisantes pour l’exercice de leur métier. Cette situation laissera une profonde cicatrice.

Nous avons formulé, avec le Conseil supérieur du notariat et la Chambre nationale des commissaires de justice, des demandes communes pour nos professions en difficulté. Nous souhaitons en particulier la mise en place d’un plan de sauvegarde qui intègre l’exonération des charges sociales et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) car beaucoup de nos cabinets sont en péril.

Nous pourrions également constituer une réserve de professionnels du droit, susceptibles d’intervenir dans le cadre de missions judiciaires aux côtés des juges. Nos professionnels disposent du savoir-faire et du savoir-être nécessaires pour mener ces missions à bien, et cette réserve constituerait pour les avocats un moyen d’être plus proches des magistrats et des fonctionnaires de justice.

Le Conseil national des barreaux a également évalué les conséquences de la crise sanitaire sur les avocats à travers un sondage qui a confirmé la gravité de la situation. Plus de 10 000 avocats y ont répondu en trois jours. La quasi-totalité d’entre eux ont vu leur activité touchée par la crise sanitaire et les mesures de confinement : 41 % des avocats individuels ont totalement arrêté leur activité depuis le début du confinement, 80 % ont déclaré que leur chiffre d’affaires s’était réduit de plus de 50 % durant la période, et 61 % ont ou vont solliciter le fonds de solidarité de l’État. 77 % des avocats individuels et des avocats associés ont déclaré qu’ils renonçaient totalement ou partiellement à leur rémunération. Plus de 80 % des avocats considèrent que leurs difficultés sont directement liées à la fermeture partielle ou totale des juridictions et dénoncent une absence de visibilité sur leurs plans de continuité.

Certaines des demandes du Conseil national des barreaux ont été entendues, comme celles relatives au bénéfice des indemnités journalières de l’assurance maladie pour les arrêts de travail pour garde d’enfants et pour les personnes vulnérables au-delà du 30 avril 2020, au report des échéances de l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), à la mise en place de l’activité partielle pour les salariés des cabinets, à l’inclusion des cabinets dans le périmètre du fonds de solidarité, à l’éligibilité au report des échéances des loyers et à la mise en place d’un dispositif d’avance, via les caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), pour les avocats qui exercent au titre de l’aide juridictionnelle.

En revanche, d’autres demandes n’ont pas reçu de réponse. Ainsi, de nombreux avocats exercent dans le cadre d’une association d’avocats à responsabilité professionnelle individuelle (AARPI) et rencontrent des difficultés à bénéficier des prêts garantis par l’État. Nous avons demandé que ces structures puissent bénéficier de l’exonération des charges accordées aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME), et qu’une franchise de TVA s’applique à la facturation des rétrocessions d’honoraires. Nous souhaitons également que l’ensemble des prestations rendues par les avocats aux particuliers soit exonéré de TVA.

Voici le constat à l’heure du déconfinement. Trop peu de dossiers ont été traités durant le confinement. En outre, d’importantes disparités ont été observées d’une juridiction à l’autre. Certaines juridictions ont été totalement à l’arrêt, par exemple à Montpellier ou à Toulouse. Nous avons attendu un signal de la ministre, afin que la réponse à la crise soit cohérente, mais nous n’avons pas été rassurés. Les plans de continuation ont été levés depuis le 11 mai mais aucun plan de reprise d’activité homogène sur le territoire n’est réellement déployé et nous ne disposons à ce jour que d’ordonnances de roulement. Le ministère n’entend pas mettre en place un système d’information centralisé qui nous aurait permis de connaître les modalités d’activité de tous les tribunaux de France. Nous savons seulement que la limitation des réunions à dix personnes ne s’applique pas à l’intérieur des palais de justice et des cités judiciaires.

S’agissant des procédures, nous avons compris que les ordonnances sur les procédures seront maintenues jusqu’au 23 août prochain. Par ailleurs, les procédures d’audience sans plaidoirie et les visioaudiences sont à l’ordre du jour de notre prochaine assemblée générale, prévue le 15 mai, qui décidera de la position de la profession. La Chancellerie souhaite les généraliser, mais le sujet fait débat au sein de la profession même si nous admettons qu’elles peuvent être justifiées dans certains cas.

Nous sommes régulièrement intervenus sur les atteintes aux libertés publiques. Nous saluons l’amendement adopté sur la prolongation de la détention provisoire. Nous souhaiterions qu’il en soit de même en matière d’assistance éducative qui peut être, aujourd’hui, prolongée sans débat contradictoire. Nous considérons également que le respect des libertés individuelles doit être inscrit dans le cahier des charges de l’application StopCovid, et nous avons fait part de nos inquiétudes vis-à-vis du décret « DataJust », considérant que tout algorithme, même expérimental, doit respecter les règles d’éthique du Conseil de l’Europe.

Je voudrais souligner deux points d’attention sur le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 actuellement en cours d’examen. La profession s’oppose à l’extension de l’expérimentation des cours criminelles car nous considérons que la commission d’évaluation devrait se prononcer avant que cette extension ne soit effective. En outre, nous sommes opposés à l’article 3 portant sur la centralisation des trésoreries des organismes privés ou publics, qui pourrait constituer une atteinte à l’indépendance de la profession des avocats.

Aujourd’hui, nous demandons la mise en œuvre d’un plan d’envergure pour la justice. Nous sommes prêts à présenter des propositions et nous pensons qu’il faut envisager toutes les options. Nous pouvons être des partenaires dans la poursuite de l’activité judiciaire.

Il nous semble également important d’accélérer l’augmentation de la rétribution des avocats qui interviennent dans le cadre de l’aide juridictionnelle par le doublement de l’unité de valeur et du nombre d’unités de valeur attribuées, de permettre un droit de visite des lieux de privation de liberté pour les bâtonniers, le président du Conseil national des barreaux, le président de la Conférence des bâtonniers et leurs délégués et de garantir un réel débat parlementaire, avec les professionnels, sur le code de la justice pénale des mineurs.

Enfin, la « commission Perben » qui avait été constituée par le Gouvernement pour répondre aux attentes de notre profession ne s’est pas réunie durant le confinement. Cette période n’a donc pas fait évoluer la fracture qui existe entre la profession et le Gouvernement. Alors que nos sujets sont sur la table depuis plus de deux ans, il serait souhaitable que le Parlement puisse s’en saisir.

M. Jean-François Humbert, président du Conseil supérieur du notariat. Le notariat regroupe 70 000 professionnels – 55 000 salariés et 15 000 notaires – répartis dans 6 200 études sur le territoire français. Conformément aux instructions qui ont été données, l’ensemble des études a fermé l’accueil physique au public dès le 17 mars 2020 et les personnels ont été redéployés en télétravail de telle sorte que, trois à quatre jours plus tard, 70 % des postes susceptibles de fonctionner en télétravail étaient en service, ce qui représente plus de 30 000 stations. Le public a continué à être accueilli par téléphone, mail ou visioconférence, ce qui n’a pas empêché une diminution de 80 % du nombre d’actes établis par les notaires. Pour autant, la mission de conseil de la profession a été poursuivie, avec notamment la mise en place d’un numéro d’appel « 3620 Notaires » afin d’informer les citoyens. 1 700 notaires ont participé à cette action et entre 10 000 et 15 000 appels ont été reçus à des fins de consultation.

Pour établir des actes tout en ne recevant plus de public, la première des solutions qui s’est imposée a été la procuration assortie de garantie quant à la sécurité des signataires. Mais les actes solennels – c’est-à-dire ceux nécessitant une comparution devant le notaire – ne pouvaient être établis par voie de procuration. Aussi, je tiens à saluer la réactivité des services de la Chancellerie, qui ont accéléré la parution, le 4 avril dernier, du décret du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période de l’état d’urgence sanitaire. Ces comparutions à distance ont notamment permis de réaliser des ventes sur plan, ce qui était important pour la trésorerie des promoteurs immobiliers, ou des opérations de donation ou d’affectation hypothécaire.

Pour permettre l’établissement d’un acte par comparution à distance, il faut un certain nombre de prérequis : un système de visioconférence sécurisé, des actes sous format électronique – c’est le cas de 90 % des actes – et un outil de signature qualifié tel que défini par le règlement européen eIDAS portant sur l’identification numérique et les services de confiance dans le cadre des transactions électroniques. Si les notaires ont ce niveau de signature, il n’en va pas de même de la population. Nous nous sommes heurtés à l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques (ANSSI) qui s’est fait un devoir de compliquer la mise en œuvre de ce texte européen en confiant à une société américaine le monopole de fait de la délivrance aux Français de l’identité numérique nécessaire à la signature des actes traités en comparution à distance. Cette société n’est pas en mesure, dans la moitié des cas, de fournir le service attendu et réalise ses prestations dans le cadre du droit américain. Par conséquent, par application du Cloud Act, les autorités administratives américaines sont en droit de demander communication de toutes les données qui transitent par cette société, y compris les actes notariaux, sans qu’un juge judiciaire français puisse s’y opposer.

A l’inverse, les services de la Chancellerie ont été à l’écoute de nos demandes. Prenant en compte le fait que les deux tiers des offices notariaux sont aujourd’hui déficitaires, le ministère de la Justice a accepté de reporter au 1er janvier 2021 l’application de la baisse des tarifs des professions réglementées.

Par manque d’équipement et de moyens, la plupart des administrations n’ont pas pu assurer la continuité des services publics. Par exemple, les magistrats n’ont pas rendu d’ordonnances durant le confinement, ou bien celles-ci n’ont pas été transcrites, ce qui a bloqué nombre de successions et des ventes immobilières qui pourtant n’imposaient pas d’audience. En outre, beaucoup d’administrations municipales n’ont pas instruit les dossiers de demande d’autorisation administrative et de permis de construire, paralysant le marché immobilier. Enfin, les services fiscaux n’ont pratiquement plus procédé à l’enregistrement des conventions, parfois nécessaire pour souscrire un emprunt.

De plus, la crise a révélé l’ampleur de la fracture numérique. De nombreux territoires ne sont pas suffisamment équipés en téléphonie mobile et en réseau internet pour permettre les comparutions à distance ou la visioconférence.

Un besoin d’identité numérique se fait également constater. La délivrance de l’état civil constitue une prérogative de souveraineté, et les identités numériques devraient être délivrées par des autorités soumises aux pouvoirs publics français et non par une société régie par un droit étranger.

Enfin, différents reports de fiscalité ont été permis mais beaucoup de Français s’étonnent que des délais comparables n’aient pas été accordés, par exemple, pour le dépôt des déclarations de succession ou l’acquittement des droits de succession dès lors par exemple que les ventes immobilières pour régler une succession était devenue impossible. Nous partageons l’idée de la Chancellerie que les différents délais ne doivent pas conduire à un ralentissement de la reprise de l’activité. Il est encore prématuré de dire quelles seront toutes les conséquences de la crise sur notre profession.

M. Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des commissaires de justice. Cette audition prouve que le Parlement s’intéresse à nos professions. Je n’insisterai pas sur la gravité de la crise. La profession des huissiers est entrée en confinement de la même manière que le pays, avec précipitation et impréparation. Pour autant, nous avons pu constater une réelle volonté de la Chancellerie de renforcer les échanges avec notre ordre professionnel. La bonne marche des institutions a ainsi permis d’éviter une rupture de dialogue. Les ordonnances dites « Justice » du 25 mars 2020 ont correctement identifié les problèmes rencontrés par les professionnels du droit. La mise en place d’une période juridiquement protégée a permis d’éviter une catastrophe juridique, judiciaire et démocratique. La plupart des études n’ont pas fermé. Les huissiers ont traité les dossiers qui pouvaient l’être à distance et assuré des permanences dans chaque cour d’appel pour signifier les rares actes transmis.

Pour autant, la nature même des plans de continuation de l’activité des juridictions qui, à de rares exceptions, excluaient le contentieux civil a provoqué une chute brutale de l’activité des offices. La suspension, pour des raisons éthiques, des procédures de recouvrement par les grands donneurs d’ordre publics (URSSAF, RCI, DGFIP, etc.), mais également bancaires et privés, a entraîné une cessation de l’activité de recouvrement des créances.

Dans ce contexte, nous avons déployé une stratégie autour de deux axes : le développement des outils numériques et l’accompagnement des professionnels dans le but de maintenir l’activité sur le terrain. Nous avons étendu la signification électronique aux personnes physiques et mis en place le système gratuit « Urgence Médiation », afin de ne pas rompre le lien entre les débiteurs, les défendeurs et les créanciers. Nous avons également déployé « LegalPreuve.fr », une plateforme de constats d’huissier de justice adaptée à la crise sanitaire, et rédigé plusieurs protocoles (signification à personne sans contact, constats déportés lorsque la distanciation sociale est impossible, etc.) pour que les huissiers puissent continuer leur activité sur le terrain.

Toutefois, la profession des huissiers est inquiète pour l’avenir, car son activité a été réduite à la portion congrue. Le nombre de nouveaux dossiers enregistrés en avril 2020 ne représente que 10 % de ceux comptabilisé lors d’un mois normal, et les huissiers ont réalisé entre 5 et 10 % des actes qu’ils réalisent d’ordinaire. 90 % des 16 000 salariés employés dans les 4 000 offices existants ont été placés en activité partielle. Des faillites pourraient être constatées dans les semaines et les mois à venir, ce qui viendrait affaiblir le maillage territorial.

Par ailleurs, la Chambre nationale a suspendu et reporté toutes les cotisations professionnelles. Sa caisse des prêts et des restructurations est en train de se mettre en action pour répondre aux études les plus fragiles qui sollicitent des prêts de trésorerie.

Pour rappel, il peut s’écouler entre trois et six mois entre l’ouverture d’un dossier et le versement de la rémunération associée. Les pouvoirs publics doivent prendre en compte ce décalage dans le temps lorsqu’ils évaluent les conséquences de la baisse d’activité sur les études. Nous devons également discuter de la mise en place d’un dispositif d’aides ou d’un fonds de soutien destiné aux professions du droit.

Je souhaite également me faire l’écho d’informations qui m’ont été communiquées par Mme Agnès Carlier, présidente de la section des commissaires-priseurs judiciaires. Cette dernière est en quasi-inactivité depuis le 17 mars car les hôtels des ventes ont été contraints de fermer et les activités d’inventaire et de prisée ont été fortement réduites. Cette situation a fragilisé nombre d’offices. Les ventes aux enchères publiques sont de nouveau autorisées depuis le 11 mai, mais avec une limitation à dix du nombre des participants, ce qui aura également des conséquences sur l’activité. Dans ce contexte, les commissaires-priseurs plaident pour être associés aux procédures de liquidation judiciaire aux côtés des tribunaux judiciaires, des tribunaux de commerce et des mandataires judiciaires. Ils s’associent également aux demandes des huissiers pour bénéficier des mesures de l’État et notamment celles relatives à l’activité partielle.

Les professionnels du droit ont la possibilité d’aider l’État dans des matières où les juridictions sont débordées. Les officiers publics et ministériels et les auxiliaires de justice peuvent soulager les juges et les juridictions. Il faut leur faire confiance.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous avons conscience que vos professions, qui ont été très touchées par la crise, participent à l’œuvre de justice et au maillage territorial et nous devons en prendre soin.

M. Didier Paris. Les membres de la commission des Lois et les parlementaires dans leur ensemble sont particulièrement sensibles à la situation des professions du droit, qui constituent un élément déterminant de notre démocratie. Pour autant, je constate des différences dans votre ressenti vis-à-vis de vos relations avec la Chancellerie et les pouvoirs publics. Des difficultés, qui ne sont pas toujours nouvelles, se sont révélées au cours de la crise sanitaire. En ce sens, les Français ont été surpris de constater qu’une partie des avocats, en particulier les jeunes, percevaient des rémunérations très faibles. Ces difficultés ont été renforcées par la grève menée par les avocats contre la réforme des retraites et montrent que la profession se trouve parfois dans une situation économique délicate, même si les autres professions du droit ne sont pas non plus épargnées.

Au-delà des aides que vous attendez des pouvoirs publics, quelles mesures de plus long terme vous permettraient de restructurer vos professions et de répondre aux évolutions économiques et sociales que nous constatons ? Peut-on imaginer un numerus clausus pour les jeunes avocats ? Comment résorber la fracture numérique ?

M. Arnaud Viala. J’aurai trois questions. Premièrement, madame la Présidente du Conseil national des barreaux, êtes-vous en mesure de quantifier le retard pris dans les procédures à la suite de la grève contre la réforme des retraites et de la crise du covid-19 ?

Deuxièmement, durant la période de confinement, il semble que des décisions de justice, notamment s’agissant des jugements de garde d’enfants, n’aient pas pu être communiquées, parce que le juge n’avait pas pu apposer sa signature ou parce que le greffe n’avait pas transmis les documents nécessaires. Ces cas sont-ils courants et comment les éviter ?

Troisièmement, monsieur le Président du Conseil supérieur du notariat, jugez-vous opportun de remettre sur le métier une réflexion sur la transmission du patrimoine et la facilitation des cessions de biens à la descendance ?

Mme Elodie Jacquier-Laforge. La commission des Lois a entendu l’inquiétude des professions et la volonté de nos invités de soulager les juridictions et de participer à la modernisation de la justice. La question de la fracture numérique a également été évoquée. Nous vivons une crise inédite, et dans l’Histoire, les crises ont constitué des moments propices à une remise en question collective. Quelle est votre position sur la numérisation de la justice qui semble pouvoir être beaucoup améliorée ?

Mme Christiane Féral-Schul. La grève des avocats, qui constituait une première pour la profession, a été organisée parce que nous considérions que la situation était particulièrement grave. Elle a révélé un barreau engagé, qui travaille dans des conditions difficiles, en particulier les avocats qui participent à l’aide juridictionnelle, et des dysfonctionnements sur lesquels nous alertons depuis longtemps. La crise du covid-19 a ensuite mis en exergue le caractère désastreux de la situation de la justice, aussi bien sur le plan du numérique que sur celui des ressources humaines. En France, les avocats restent, rapportés à la population, moins nombreux que dans les autres pays de l’Union européenne. Pour notre part, nous travaillons plus particulièrement sur la formation et la spécialisation dans de nouveaux domaines (cybersécurité, données personnelles, compliance) afin de mieux répondre aux attentes des citoyens. Ce n’est donc pas une question de numerus clausus mais de formation.

Par ailleurs, nous ne sommes pas en mesure d’apprécier le retard pris au cours des derniers mois. Nous avons demandé plusieurs fois à la garde des Sceaux des statistiques en temps réel concernant l’écoulement des stocks. Nous craignions d’être confrontés, lors de la levée du confinement, à une accumulation de jugements que nos clients attendent depuis longtemps – sans que ce retard soit dû à la crise du covid-19. Toutefois, à ce stade, nous ne disposons pas de ces données.

Néanmoins, nous sommes en mesure d’accompagner les juridictions, en particulier dans le cadre des règlements amiables. Nous incitons les avocats à accepter les procédures conventionnelles, de manière à résorber les retards. Pour autant, la profession a le sentiment que les mesures proposées visent avant tout à réaliser des économies et ne constituent pas des mesures d’investissement.

En outre, nous avons proposé à la Chancellerie de faciliter l’accès à certaines bases de données, comme la communication électronique des données de l’État civil (COMEDEC), qui nous permettraient d’obtenir par voie dématérialisée les éléments dont nous avons besoin dans le cadre des procédures.

S’agissant du numérique, la crise du covid-19 a révélé l’ampleur des difficultés qui existaient en termes de transmission des pièces. Par exemple, les greffiers n’ont pas été en mesure d’avoir recours au télétravail et les juridictions n’acceptent ni les liens hypertextes, ni les clés USB, ni les fichiers trop volumineux envoyés par voie dématérialisée. Il est donc essentiel aujourd’hui d’investir dans le numérique.

M. Jean-François Humbert. Nous entretenons des relations constructives avec la Chancellerie. Toutes les demandes ne donnent pas lieu aux réponses que nous attendons mais les travaux se poursuivent, notamment sur le transfert au notariat de tâches qui peuvent apparaître secondaires, comme les apostilles ou les légalisations.

Toutefois, trop souvent, ces mesures de déjudiciarisation sont en réalité des mesures d’économies, et non d’investissement, bien que des propositions plus ambitieuses aient été présentées dans le cadre de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Il serait possible de s’appuyer davantage sur les professionnels, en particulier dans les procédures non contentieuses, pour décharger les tribunaux. Nous poursuivons également des projets avec les services de Bercy afin de dématérialiser les relations avec les services de publicité foncière.

La crise du covid-19 a accéléré l’obligation de recourir au numérique. C’est irréversible donc il faut adapter le territoire. En dehors des 22 métropoles, les territoires ruraux restent sous-équipés en matière de téléphonie et de flux internet. Or, le télétravail et la visioconférence ne peuvent être développés sans progresser sur ces points. De même, la question de l’équipement des administrations se pose, certains services n’ayant pu être en télétravail durant le confinement, faute d’équipements adaptés.

Pour autant, 90 % des actes notariés sont aujourd’hui établis sur un support informatique. Ce mouvement, déjà engagé avant la crise, doit être poursuivi.

S’agissant de la transmission du patrimoine, il s’agit d’une réflexion que nous relançons régulièrement avec les ministères et les parlementaires. Tant que la fiscalité des donations sera identique à celle des transmissions successorales, les personnes ne donneront pas de leur vivant. En France, pendant longtemps, les deux régimes étaient distincts, mais les abattements relatifs aux donations ont été supprimés en 2011. Or, d’un point de vue macroéconomique, il est préférable que le patrimoine soit mieux réparti entre les générations. Pour accélérer la transmission du patrimoine dans le pays, il est nécessaire de remettre en place des outils incitatifs.

M. Patrick Sannino. La profession d’huissier de justice souhaite participer au redémarrage de l’économie mais, pour cela, il est nécessaire que la profession soit aidée par les juridictions. Or, des magistrats demandent encore aujourd’hui aux huissiers de signifier des actes en matière pénale à un tarif de 4,50 euros pour un trajet de 80 kilomètres.

En ce sens, nous ne comprenons pas pourquoi la mise en place de la juridiction nationale des injonctions de payer (JUNIP) serait reportée au 1er septembre 2021, alors qu’elle constitue un moyen de désengorger les juridictions et de faire repartir l’activité relative aux petites créances. Face à la crise sanitaire, tout le monde est de bonne volonté, mais il est nécessaire de se mettre au travail ensemble, dans le même sens, sans quoi ce sera le chaos économique et le populisme. La justice doit être modernisée, mais cela suppose que les budgets soient suffisants.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je retiens de vos interventions que vous êtes tous les trois prêts à engager vos professions dans une plus grande coopération avec l’organisation judiciaire.

M. Bruno Questel. Vous avez évoqué dans vos interventions la question de la justice dans les territoires. Avez-vous des idées plus abouties sur ce sujet ?

Par ailleurs, le budget de la justice sera augmenté de 25 % au cours du mandat, ce qui est significatif, même si cela peut encore paraître insuffisant. Avez-vous travaillé sur les besoins budgétaires relatifs à chacune de vos professions ?

Mme Cécile Untermaier. Je suis sensible aux inquiétudes que vous avez exprimées. La crise actuelle nous montre qu’on ne sait jamais de quoi demain sera fait. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi dite « Macron », nous avions envisagé un fonds interprofessionnel car l’interprofessionalité constitue, dans les moments de grande difficulté, un moyen de faire acte de solidarité sans dépendre totalement de l’État.

Pourriez-vous nous donner des éléments sur les difficultés rencontrées par les notaires et les huissiers qui se sont installés dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme de ces professions ?

Concernant les avocats, ils ont été confrontés aux difficultés des juridictions à organiser le télétravail, en particulier en l’absence de certains outils numériques. Or, notre justice devrait être capable, quelle que soit la situation, de fournir un service minimal.

Par ailleurs, un projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances, qui sera discuté dans l’hémicycle demain, prévoit de reporter plusieurs dates d’entrée en vigueur ou d’application de dispositions législatives. Ne faut-il pas reporter la date d’application de règles de procédure prévue au 1er septembre 2020 comme cela est proposé pour la réforme du divorce ?

M. Ugo Bernalicis. Je partage la position du Président du Conseil supérieur du notariat concernant le choix d’une entreprise américaine pour délivrer une identité numérique. Quels dispositifs ont-ils été mis en place chez nos voisins européens au regard de vos professions ?

Mme Coralie Dubost. Dans ma circonscription de Montpellier, les auditions de correctionnelles d’urgence ont été maintenues, tout comme celles relatives aux violences conjugales ou aux situations familiales d’urgence. Je m’étonne donc, madame la Présidente du Conseil national des barreaux, que vous indiquiez que son activité s’est arrêtée.

M. Raphaël Gauvain. Madame la Présidente du Conseil national des barreaux, au-delà des demandes légitimes en matière budgétaire, que proposent les avocats en matière de réforme structurelle afin de faire face à la crise et au malaise constaté au sein de la profession ?

Mme Christiane Féral-Schul. S’agissant des territoires, certains barreaux m’indiquent rencontrer des difficultés à recruter des avocats dans des domaines de spécialité pour compléter l’offre de service. Il nous paraît donc important d’insister sur la formation et la qualification. Les solutions envisagées dans la réforme de la justice, qui consistent à éloigner les juridictions, risquent de concentrer les avocats dans les métropoles et de créer des déserts judiciaires. La question n’est alors pas tant celle du nombre des avocats que celle de leur répartition et de la présence des juridictions sur les territoires.

En ce qui concerne les règles de procédure, le report de la réforme du divorce et de l’entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs a été annoncé. Nous considérons qu’il faut profiter de ce report pour revoir un certain nombre de dispositions de ce code. En revanche, nous sommes prêts à appliquer la réforme du divorce au 1er septembre 2020.

S’agissant des autres pays européens, nous avons organisé deux séances de comparaison des mesures mises en place, l’une avec nos homologues du G7 et l’autre avec les représentants des barreaux francophones de l’Union européenne. Il en ressort que l’activité des avocats est considérée comme essentielle dans la plupart des pays, ce qui n’est pas le cas en France, et que la profession a bénéficié d’aides, de soutien et de considération de la part des gouvernements.

Par ailleurs, je prends note des propos de Mme Dubost s’agissant de la juridiction de Montpellier, qui ne correspondent pas aux retours des avocats et du bâtonnier.

Enfin, la question des réformes structurelles fait partie de celles étudiées par la commission dite « Perben ». Les débats sur le numerus clausus et l’avocat en entreprise sont ouverts, et doivent se tenir en assemblée générale du Conseil national des barreaux, mais la priorité est de mettre en place des modes alternatifs de règlement des litiges. En outre, nous estimons que le budget de la justice n’a pas augmenté de manière à tenir compte des besoins des citoyens.

M. Jean-François Humbert. Je souhaite rappeler que le maillage territorial, c’est l’identité du notariat. La France compte 7 500 points de réception de la clientèle. Nous travaillons en permanence à ce maillage au travers de plans d’assistance, en subventionnant par exemple l’équipement des offices – en particulier ceux qui sont situés dans des communes de moins de 10 000 habitants et qui s’engagent à y rester – en systèmes de visioconférence sécurisés. Ce maillage est décorrélé de la carte judiciaire. Ces plans intègrent également des compensations du plafonnement des émoluments sur les petites opérations, que subissent plus particulièrement les notaires ruraux. Des offices ont reçu des compensations de 80 000 ou 100 000 euros dans des départements comme les Vosges ou la Meuse.

Par ailleurs, s’agissant des créations d’offices, ce n’est pas la loi dite « Macron » qui doit être mise en cause, mais son application. En effet, la cartographie utilisée ne correspond pas aux domaines d’intervention du notaire. À la demande de l’Autorité de la concurrence, ce sont les zones d’emploi qui ont été retenues pour répartir les nouveaux offices et non les bassins de vie. Compte tenu de la possibilité de déplacer son office au sein de la zone, la quasi-totalité des 2 200 créations d’offices intervenues ces dernières années ont été réalisées dans des centres urbains. En outre, la concentration des créations génère des difficultés économiques. Ainsi, sur ces nouveaux offices, 250 ont déjà fermé, et 632 sont en passe de disparaître, faute d’activité suffisante.

Les 22 notariats européens sont réunis au sein du Conseil des notariats de l’Union européenne. Ils ont continué à travailler ensemble durant la crise du covid-19. De nombreux pays comme la Belgique, l’Autriche ou les pays baltes ont rapidement mis en place l’acte par comparution à distance, de manière temporaire ou pérenne. En France, il est possible à titre expérimental jusqu’au 10 août 2020. Nous travaillerons avec la Chancellerie pour pérenniser cette modalité.

M. Patrick Sannino. Je partage les propos de Jean-François Humbert en ce qui concerne les territoires. L’huissier est un professionnel du quotidien, présent auprès de l’ensemble de la population, aussi bien dans les HLM que dans les zones rurales. Il connaît donc particulièrement bien le tissu social.

Pour répondre à Mme Untermaier, nous sommes en train d’apporter des aides financières aux nouveaux professionnels mais il faudrait prendre en compte les études qui ont fait faillite avant d’en recréer aux mêmes endroits. Il faut raisonner en termes de bassins de vie.

Par ailleurs, dans certains pays européens, des lois ont été votées pour suspendre totalement l’exécution des actes jusqu’au 31 décembre 2020. Des confrères en Roumanie déposeront le bilan parce qu’ils ne peuvent plus travailler. La justice privée remplacera alors la justice publique et ministérielle. Il est donc essentiel de reprendre l’exécution des actes, dans le respect des mesures sanitaires.

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La Commission auditionne, en visioconférence, M. Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris, et M. Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous accueillons le président du tribunal judiciaire de Paris et le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris. Messieurs, nous souhaiterions savoir comment vous avez organisé votre juridiction dans le cadre de la période de confinement et comment vous comptez organiser la reprise de l’activité. Nous savons que certaines juridictions ont été partiellement, voire totalement, à l’arrêt.

M. Stéphane Noël, président du tribunal judiciaire de Paris. Merci de nous accueillir aujourd’hui devant votre commission.

Notre juridiction n’a connu que peu de cas de covid-19. Une centaine de membres du personnel ont été concernés et nous n’avons eu à déplorer aucune hospitalisation en réanimation. Cela a permis de maintenir la cohésion et l’ambiance de notre juridiction pendant cette période.

Nous avons déployé un plan de continuation d’activité une dizaine de jours avant le début du confinement, en y associant tous les services, afin de maintenir l’activité dans ces conditions particulières. Cela nous a permis de ne pas être désorganisés au moment où le confinement a été décidé. Nous avons continué à traiter les contentieux principaux, essentiels ou urgents et veillé à ce que les personnels soient confinés autant que faire se pouvait. Nous avons cherché à préserver la santé du personnel, tout en garantissant l’activité. Ainsi, tous les services du tribunal de Paris ont assuré une activité minimale ainsi que l’accueil des justiciables ; les avocats ont toujours pu continuer à accéder au tribunal.

Nous avons bien sûr été attentifs à préserver le traitement de tous les contentieux urgents, qu’il s’agisse d’urgence civile ou pénale, des référés ou encore concernant les affaires familiales ou les contentieux liés aux tutelles ; la permanence du juge des tutelles a été assurée quasi continument pendant toute cette période.

Dès le début du confinement, deux activités majeures ont mobilisé la juridiction de Paris : le contentieux relatif à la libération des détenus en fin de peine ou aux aménagements destinés notamment aux personnes en semi-liberté, et le contentieux lié aux demandes de mise en liberté. Le service d’application des peines a ainsi été particulièrement mobilisé au début de la période de confinement. En deux mois, les juges des libertés et de la détention (JLD) ont été saisis de 1 014 demandes de mise en liberté, l’équivalent d’un an d’activité. Pour autant, les services ont fait preuve d’une grande réactivité et ont traité les contentieux dans les délais requis.

Par ailleurs, l’ordonnance relative à la prolongation de la détention provisoire a suscité un certain débat. Durant la période, les JLD ont rendu 137 décisions donnant lieu à une prolongation de la détention provisoire. Je tiens à préciser que la juridiction de Paris – la plus grande de France et qui est confrontée au nombre le plus important de détentions provisoires – n’était pas demandeuse d’un dispositif spécifique sur ce point. Nous avions toujours considéré que le contentieux de la détention provisoire devait être traité en priorité, aussi bien par les juges d’instruction que par les services du greffe ou les services des JLD.

Des critiques ont pu être émises sur l’arrêt apparent de l’activité judiciaire. Pourtant, durant la période, les juges ont été en télétravail et les seuls juges civilistes ont rendu 5 610 décisions. Au 11 mai 2020, la quasi-totalité des décisions en délibéré étaient prêtes. En outre, les juges d’instruction ont rendu, ou sont sur le point de rendre, 484 ordonnances de règlement. Ces missions représentent un travail très important qui a été réalisé pendant cette période et ce malgré des circonstances très particulières.

La réelle difficulté que nous avons rencontrée est que les greffiers, qui étaient confinés, ne disposaient pas d’ordinateur portable, et que les applications informatiques « métiers » de l’institution judiciaire ne sont pas consultables à distance. Par conséquent, nous nous retrouvons dans une situation de tension : les juges ont rendu une grande production intellectuelle et judiciaire, mais il s’agit aujourd’hui pour les greffiers de résorber le stock des décisions rendues.

Durant la période, nous avons souhaité être particulièrement attentifs aux situations liées à la vulnérabilité, en particulier les violences conjugales, l’enfance maltraitée et les personnes sous tutelle. S’agissant des premières, nous n’avons pas constaté un afflux massif de saisies en matière d’ordonnances de protection – en moyenne, cinq ont été rendues par semaine, ce qui correspond à une activité ordinaire. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas eu d’augmentation des cas de violences conjugales, mais, à ce jour, nous n’avons pas été saisis de situations particulièrement urgentes ou critiques. Cela pourrait toutefois tout à fait apparaître pendant cette période de reprise d’activité et nous restons, bien sûr, très mobilisés, sur ce sujet.

Le constat est identique en ce qui concerne la protection de l’enfance. Nous n’avons pas été confrontés à une augmentation de cas urgents et difficiles. La permanence assurée au tribunal nous a permis de répondre aux enjeux auxquels nous avons pu être ponctuellement confrontés. Enfin, les juges des tutelles ont été fortement mobilisés, et ont été en contact aussi bien avec les tuteurs que les mandataires, afin de répondre rapidement aux sollicitations des familles, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), des maisons de retraite, etc. Le niveau de leur activité a été maintenu à hauteur de 20 à 25 % de l’activité normale.

Au regard de ces éléments, nous estimons que l’institution judiciaire a été à la hauteur de ses responsabilités durant le confinement.

Le plan de reprise de l’activité a été anticipé de trois semaines, en lien avec tous les services, ainsi qu’en matière civile, avec le barreau, monsieur le bâtonnier et les membres du Conseil de l’ordre en charge des affaires civiles. Aujourd’hui, l’activité a repris à hauteur de 45 à 50 % en matière pénale. En matière civile, nous avons privilégié les procédures avec représentation obligatoire ou dépôt de dossier. Cela est opérationnel depuis une dizaine de jours. Pour autant, la semaine dernière, nous n’avons reçu que 240 dossiers de contentieux général et 60 dossiers relevant des affaires familiales. Nous espérons que les avocats, reprenant également leur activité, sauront saisir l’opportunité qui leur est offerte de déposer des dossiers dans les procédures qui le justifient. Les avocats pourront plaider, éventuellement via une téléaudience ou une visioaudience, dans la limite de nos capacités bien sûr. Ils ont donc la possibilité de faire juger, le plus rapidement possible, les affaires qui n’ont pas pu l’être, sachant que 6 000 procédures civiles n’ont pas pu être traitées durant la période de confinement. Les coordonnateurs de tous les services sont disponibles pour que les avocats apprécient avec eux les modalités de reprise de l’activité.

Nous avons également réactivé le service des référés. À compter de juin, nous doublerons son activité, afin que les affaires qui n’ont pas été traitées pendant le confinement soient rappelées sur une période d’un mois. L’objectif est ainsi de permettre d’être à jour d’ici au début de l’été.

De plus, 50 % des effectifs des greffes ont repris leur activité. Nous souhaitons nous mettre à jour du courrier et des messages du réseau privé virtuel des avocats (RPVA) et que la mise en état puisse fonctionner à nouveau.

S’agissant du contentieux de proximité, nous sommes également mobilisés pour faire repartir l’activité, tant en matière civile qu’en matière d’injonction de payer ou encore de surendettement. Nous retarderons certains contentieux, comme celui des saisies sur salaire. L’activité du juge aux affaires familiales a également repris à travers les dépôts de dossier et nous espérons que les procédures orales repartiront au mois de juin. Le juge des enfants, tant en matière civile que pénale, reprend lui aussi son activité dès le mois de mai. Dans l’ensemble, la communauté des magistrats du siège et du greffe du tribunal de Paris s’inscrit volontairement et raisonnablement dans une reprise progressive de l’activité.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Comment avez-vous organisé l’accueil des magistrats et des justiciables, afin qu’ils évoluent dans des conditions sanitaires satisfaisantes ? Avez-vous tout le matériel nécessaire ? Poursuivez-vous le télétravail ? Pouvez-vous nous expliquer comment, très concrètement, vous organisez la circulation au sein du tribunal, des salles d’audience, etc. ? Fournissez-vous également des protections sanitaires aux auxiliaires de justice ? En résumé : l’organisation sanitaire est-elle d’ores et déjà fluide ou rencontrez-vous certaines difficultés ?

M. Stéphane Noël. Nous avons commencé à préparer le dispositif sanitaire quinze jours avant la reprise de l’activité. Nous avons établi un vademecum sanitaire, qui a été présenté en comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et en commission plénière. Ce dispositif couvre l’ensemble des sujets pratiques pour garantir la protection sanitaire. Des masques, des visières et du gel hydro-alcoolique sont disponibles dans les juridictions ; tout a été distribué la semaine précédente. Tous les services d’accueil du public ont rouvert le 11 mai 2020. L’accès des personnes non masquées au tribunal n’est pas interdit, mais le port du masque est fortement recommandé ; il est obligatoire dans les ascenseurs. Nous avons mis en place une signalétique adaptée pour rappeler les gestes barrière et toute personne accédant au tribunal doit obligatoirement se nettoyer les mains avec du gel hydro-alcoolique mis à sa disposition. Nous disposons également de masques jetables, à l’entrée du tribunal, dans les salles d’audience ou encore dans les services spécialisés, afin que les entretiens puissent avoir lieu dans les meilleures conditions de sécurité sanitaire. Il conviendra d’être vigilants quant au renouvellement de ce stock de masques pour nous permettre de maintenir ces conditions.

M. Rémy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris. Dans l’ensemble, la mise en œuvre du plan de continuation d’activité s’est avéré assez adapté et a donné satisfaction. Durant le confinement, 20 magistrats étaient présents dans les locaux, sur les 125 que compte le parquet de Paris, ainsi que 40 fonctionnaires du greffe, sur un effectif de 350, afin d’assurer le traitement des urgences, notamment les dossiers relatifs aux atteintes aux personnes. Toutes les permanences ont été maintenues ; tous les délits et crimes flagrants ont été traités. Trois ou quatre audiences du siège du ministère public ainsi que deux ou trois audiences de comparution immédiate et une audience pour juger les détenus des autres chambres ont été organisées chaque jour. Nous avons maintenu un volume d’audiences relativement important, car nous avions beaucoup de renvois des deux mois précédents, en raison notamment de la grève des avocats.

Ce plan a évolué au fil du temps avec, par exemple, la mise en place d’une permanence pour les personnes vulnérables, pour les dossiers de tutelle ou de curatelle. Il s’est avéré adapté, en raison d’une très forte baisse de la délinquance et de l’activité des services de police et de gendarmerie en conséquence : on a ainsi enregistré une baisse de 70 % des cambriolages, de 80 % des vols à la tire, de 60 % des atteintes à l’intégrité physique entre avril 2019 et avril 2020. Les affaires de violences conjugales sont restées stables, mais elles ont pris une part importante dans notre activité en valeur relative, car il s’agissait des contentieux les plus prioritaires. Le nombre de plaintes relatives aux violences conjugales a diminué, mais il pourrait augmenter à nouveau avec la levée du confinement ; certaines personnes ayant été victimes ont sans doute été contraintes de décaler leur dépôt de plainte. Pendant cette période, nous avons délivré six téléphones grave danger.

Le parquet de Paris a traité 20 à 30 gardes à vue par jour en mars (pour 10 déferrements), et de 40 à 50 en avril (pour 15 à 20 déferrements), contre 120 gardes à vue habituellement (et 45 déferrements). Nous avons donc maintenu une activité de déferrement relativement importante mais nous avons arrêté certaines activités, comme les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Par ailleurs, nous avons travaillé sur les conditions sanitaires d’intervention de l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, notamment des avocats, et le bâtonnier a repris la désignation de ces derniers le 9 avril dernier.

Le parquet disposait d’un stock de 680 dossiers à régler au début du confinement. Il en a traité 536 en télétravail, soit près de 80 %. Ce télétravail, très important comme vous pouvez le voir, a été en partie invisible pendant le confinement, mais il sera au cœur de la reprise de l’activité en permettant de clore les dossiers. La section qui traite des enquêtes préliminaires a géré 5 279 courriels donnant des instructions dans les dossiers. La relation avec les services de police a donc été maintenue.

Plus de 1 000 demandes de remise en liberté ont été traitées et le service de l’exécution des peines a ainsi connu une forte activité qui a abouti à une diminution importante de la population carcérale. La maison d’arrêt de la Santé comptait 852 détenus au début de la période et 595 à la fin, soit une baisse significative due en partie aux mises en liberté prévues dans le cadre des instructions, mais également aux dispositifs de réduction de peine exceptionnelle qui ont été très efficaces.

Des infractions nouvelles ont été traitées. 281 délits de non-respect du confinement ont impliqué, le plus souvent, un déferrement et une procédure de composition pénale avec un travail d’intérêt général de 60 heures. Cela représente sur la période près de 300 déferrements et a donc constitué une part importante de l’activité. Des délits d’opportunité, en lien avec la crise sanitaire, ont également été constatés, dont 32 affaires de trafic de masques ou encore des attaques de pharmacie par exemple.

Le tribunal de commerce a quant à lui organisé ses audiences en visioconférence dès le 1er avril et 211 dossiers ont depuis été traités.

Nous avons annulé plus de 400 audiences. Cela représente par semaine 435 dossiers qui n’ont pas été examinés. Sur l’ensemble des huit semaines (avec deux semaines plus creuses correspondant aux vacances scolaires) cela fait 3 200 dossiers qui doivent aujourd’hui être réorientés, ce qui a déjà été fait pour un tiers d’entre eux. Parmi ces dossiers, nous allons en re-citer environ un tiers. Pour un tiers d’entre eux, nous allons choisir d’autres orientations pour ne pas engorger le système, notamment les ordonnances pénales pour lesquelles le président a mis en place un nouveau système de traitement. Et pour le dernier tiers, il y aura sans nul doute des classements sans suite. Nous ne rencontrerons donc pas de difficulté à traiter les flux courants. En raison de la baisse de la délinquance, nous avons même retrouvé certaines marges dans nos convocations car, pendant deux mois, nous n’avons pas créé de stock supplémentaire. En revanche, comme nous avons réglé beaucoup de dossiers d’instruction et comme un certain nombre de grands procès ont été reportés, les files d’attente seront importantes et l’audiencement s’alourdira.

Le plan de reprise d’activité a été déployé à compter du 11 mai dernier. Les mesures sanitaires sont respectées et nous n’avons pas constaté de difficultés majeures avec le retour de 50 % des effectifs. La reprise de l’audiencement correctionnel est organisée en deux phases : du 11 mai au 2 juin, 45 % de l’activité correctionnelle reprend, puis du 2 juin au 10 juillet, ce taux sera porté à 60 %.

Pour organiser au mieux les flux de personnes et s’assurer de la présence des personnes aux audiences qui reprennent, nous avons mis en place une plateforme d’appels assurée par quatre assistants de justice. Ils contactent les personnes concernées (prévenus, victimes, avocats) afin de les informer que leur dossier sera examiné la semaine suivante ou les avertir qu’au contraire l’audience n’aura pas lieu. Vingt-sept dossiers ont été jugés lors de la première audience de la matinée du 11 mai, et dix-huit l’ont été le 12 mai. Nous utiliserons également cette plateforme pour les dossiers réorientés.

Je suis donc confiant pour la reprise de l’activité et je considère que, durant le confinement, la justice pénale a bien fonctionné, bien sûr en étant recentrée sur les priorités et les urgences, mais en assurant sa mission de service public, grâce aussi à des infrastructures adaptées et à des équipes mobilisées.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Des dossiers ont été traités, mais les greffiers n’étaient pas équipés pour effectuer leur mission à distance. À combien évaluez-vous le manque d’ordinateurs portables ? De plus, quels outils pourraient être mis en place pour continuer à contenir la population carcérale ? Quels outils de pilotage seraient peut-être nécessaires pour mieux articuler les missions des procureurs de la République, des juges d’application des peines, des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et des maisons d’arrêt ?

M. Didier Paris. Je suis heureux d’entendre que le tribunal de Paris a été en mesure de mettre en œuvre le service public de la justice pendant la récente période de confinement. Durant l’audition précédente, Mme Christiane Féral-Schul, la présidente du Conseil national des barreaux, a évoqué une « justice atomisée », un arrêt complet des juridictions et un manque de visibilité. Sa description est en somme peu cohérente avec celle que vous nous faites. Entre son discours et le vôtre, nous pouvons nous demander lequel rend compte de la réalité actuelle. Votre dialogue avec les avocats a-t-il été fructueux ?

En outre, les magistrats, n’ayant pas d’audience à assurer, ont traité de nombreux dossiers ou rendu des décisions de fond, mais des blocages peuvent être constatés. Ils peuvent être d’ordre technique, notamment le manque d’ordinateurs portables, mais ils peuvent également révéler une fragilité de la chaîne de justice. Quelle est, selon vous, la source de ces blocages ?

Enfin, quelles conséquences tirez-vous, sur le long terme, des choix de réorientation et d’alternatives à la prison que vous avez faits au cours de la période ?

Mme Cécile Untermaier. Si la continuation de l’activité s’est bien déroulée au tribunal judiciaire de Paris, il semble toutefois que cela n’ait pas été le cas partout sur le territoire, notamment en raison de problèmes techniques et numériques. Monsieur le procureur de la République, vous avez évoqué la possibilité de classer sans suite certains dossiers. Or le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 que nous discuterons demain exclut cette possibilité. Il s’agit pourtant d’une solution pour désengorger les tribunaux – et je proposerai d’ailleurs un amendement en ce sens.

En outre, les avocats regrettent qu’il n’existe pas un plan d’ensemble de reprise de la justice sur l’ensemble du territoire. Il me semblerait en effet utile d’avoir un dénominateur commun sur le plan de reprise.

N’y aurait-il pas nécessité d’institutionnaliser un point de rencontre entre les magistrats et les auxiliaires de justice, afin que les difficultés et les avancées puissent être partagées de manière plus opérationnelle ?

Par ailleurs, pourquoi demandez-vous le report de la réforme du divorce ?

Mme Danièle Obono. Les inégalités constatées entre les tribunaux judiciaires, par exemple entre Paris et le reste de l’Île-de-France, semblent importantes. Avez-vous des retours sur ce point ?

Les barreaux de Paris et du Val-de-Marne ont signalé auprès des procureurs de la République des mineurs isolés vivant dans la rue et donc en situation de danger – plus de 200 à Paris et une trentaine dans le Val-de-Marne – , mais certaines ordonnances de placement provisoire prises par des juges des enfants ne semblent pas exécutées. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Les familles monoparentales, dont 84 % sont organisées autour de la mère, sont également particulièrement fragilisées par la crise. Le versement des pensions alimentaires ainsi que les gardes d’enfants posent parfois problème, par exemple avec l’un des parents en garde partagée qui serait parti hors de son lieu de résidence habituelle, ce qui peut conduire à la non-présentation de l’enfant. Comment avez-vous géré ces situations ?

M. Stéphane Noël. S’agissant des questions relatives à l’équipement informatique du greffe, le tribunal de Paris emploie environ 1 000 fonctionnaires, parmi lesquels tous n’ont pas vocation à être dotés d’ultraportables pour travailler à domicile. Pour autant, cette période de crise a bien montré que si le greffe avait été en mesure de traiter en direct les 5 610 décisions rendues par les juges durant le confinement, nous aurions été bien plus opérationnels et les avocats auraient été destinataires presque en temps réel de celles-ci.

Toutefois, au-delà de la question du matériel, la difficulté majeure à laquelle est confronté le ministère de la Justice, et ce depuis plusieurs années, est que les applications informatiques « métiers » ne sont pas, pour la plupart, accessibles à distance, et sont très complexes et peu fonctionnelles. S’agissant de la chaîne pénale par exemple, il est essentiel de progresser sur l’application Cassiopée, pour laquelle les utilisateurs – magistrats et greffiers – demandent depuis sa création des évolutions techniques pour la rendre plus fonctionnelle et d’un maniement plus pratique. En outre, nous ne disposons toujours pas de la signature électronique, alors que celle-ci est discutée au sein de la Chancellerie depuis treize ans : nous sommes ainsi en retard sur des sujets qui ne sont finalement pas si compliqués.

Par ailleurs, les réformes législatives et réglementaires se succèdent depuis des années à un rythme extrêmement soutenu, sans que les études d’impact soient toujours réalisées et sans que les applications informatiques soient parfaitement corrélées à leurs enjeux. Ainsi, la crise sanitaire renvoie à une crise de fonctionnement de l’administration. Nous devons résolument mettre en œuvre les objectifs de modernisation de la justice. Vous avez voté la loi de programmation, qui prévoit des moyens importants en matière de modernisation informatique, et son application doit être une priorité.

Les réformes comme celles du divorce ou de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante doivent être reportées, car nous ne serons pas en mesure de gérer tout à la fois les stocks traditionnels que nous avions déjà à gérer, les retards liés à la crise que nous venons de traverser pendant deux mois et ces réformes majeures. Concernant l’ordonnance de 1945, je veux être clair : nous avons un stock d’une année à prendre en compte et la première juridiction de France n’est actuellement pas en capacité de faire face à une telle réforme, quand bien même celle-ci serait reportée au 1er mars 2021.

La mise en œuvre effective des réformes législatives ou réglementaires doit prendre en compte les échéances informatiques, ce qui n’est, trop souvent, pas le cas pour le moment. Par exemple, dans le cadre de la réforme de la procédure civile, l’assignation avec prise de date devait entrer en application le 1er janvier 2020 mais a été reportée à une date ultérieure au cours de l’année parce que l’application informatique n’était pas prête. L’assignation avec prise de date est certainement une évolution informatique et de procédure importante, mais ce dispositif doit d’abord être testé dans les juridictions afin d’en mesurer la faisabilité et l’applicabilité. À Paris par exemple, on compte 60 000 à 70 000 assignations par an et il n’est pas envisageable de modifier du jour au lendemain ces procédures civiles et applications informatiques sans les avoir préalablement testées.

Un autre exemple que je tiens à mentionner est celui de la réforme du contentieux de l’injonction de payer avec la mise en place d’une juridiction unique. Reflétant un choix de centraliser ce contentieux sur un seul site de juridiction, cette réforme nécessite là aussi un dispositif de traitement informatique adapté, en lien étroit avec les huissiers. Or, un report de cette réforme, qui devait entrer en application le 1er janvier 2021, est d’ores et déjà prévu. Là encore, nous ne sommes pas au rendez-vous des échéances informatiques qui doivent accompagner la mise en œuvre des réformes législatives ou réglementaires. C’est pour moi un enjeu absolument essentiel.

Concernant la question relative aux inégalités territoriales, cela constitue une réalité. Sur le ressort de la cour d’appel de Paris, un dialogue a été ouvert entre les chefs de juridiction d’Île-de-France pour identifier les priorités pendant les périodes de confinement et de reprise de l’activité. Au final, dans toutes les juridictions, priorité a été donnée, au-delà du contentieux pénal d’urgence, au contentieux familial, aux référés et au droit des personnes. Le cœur du droit des personnes est ainsi resté au centre de l’activité des juridictions.

Vous avez insisté sur la nécessité de co-construire avec les auxiliaires de justice – le barreau en particulier – la politique de juridiction. Si nous voulons être crédibles sur un ressort judiciaire, nous devons travailler en proximité avec tous les professionnels du droit, et en particulier les avocats et les huissiers. Toutefois, si la mise en place d’instances de concertation est possible dans les juridictions de petite taille, la juridiction de Paris compte 36 000 avocats et la co-construction y est donc plus complexe. Par conséquent, j’ai demandé au bâtonnier d’identifier, auprès du Conseil de l’ordre, des avocats référents avec lesquels nous pourrons travailler étroitement, en particulier dans le cadre de la reprise de l’activité. La reprise de l’activité civile a été formalisée sous forme fiches, envoyées au barreau et disponibles sur le site de la juridiction, afin que les avocats en soient informés et qu’un échange puisse exister s’il fallait approfondir certains sujets.

M. Rémy Heitz. En matière d’outils informatiques, nous avons vu se creuser un écart important entre la situation des magistrats et celles des fonctionnaires de justice
– greffiers et adjoints administratifs. Les premiers ont pu travailler à leur domicile en ayant accès aux dossiers des procédures, alors que les seconds n’ont pas pu être en télétravail. C’est donc un sujet sur lequel nous devons réfléchir, même s’il faut sans doute distinguer le civil et le pénal, puisque dans ce dernier cas se posent aussi des questions de sécurité. Un accès à Cassiopée depuis le domicile pourrait par exemple s’avérer problématique.

S’agissant de la régulation carcérale, la situation actuelle est exceptionnelle, car le taux d’occupation des prisons est inférieur à 100 %. Cet acquis devra être conservé très précieusement. Il n’est pas seulement dû aux mesures spécifiques à la crise, mais également à une baisse des entrées car la délinquance a largement décru pendant cette période. La loi de programmation et de réforme pour la justice (LPJ) apporte également des outils concrets qui doivent nous permettre de maîtriser la population carcérale et de ne pas retrouver une situation de surpopulation. Pour atteindre les objectifs qui ont été fixés, nous utiliserons ces outils, ainsi que les peines alternatives comme les travaux d’intérêt général et la détention à domicile sous surveillance électronique et nous devrons également resserrer les liens avec les directeurs d’établissement. D’ailleurs, cette voie a déjà été prise au cours de cette crise : nous avons largement échangé avec les établissements et les déferrements liés au non‑respect du confinement ont été orientés vers la réalisation de travaux d’intérêt général.

Par ailleurs, des classements sans suite seront nécessaires, car il revient au parquet d’apprécier l’opportunité des poursuites. Ces classements seront décidés par deux magistrats : un magistrat de la section de poursuite et un procureur adjoint, afin d’avoir un double regard sur ces décisions. Les dossiers seront classés avec une codification particulière, de manière à pouvoir être retrouvés facilement. Ainsi, si le prévenu concerné commet de nouveaux faits, il pourra être poursuivi pour ceux-ci et ceux classés sans suite. Un classement sans suite est toujours une décision provisoire et le dossier peut toujours être repris en cas de nouvelle interpellation de l’auteur présumé des faits.

En ce qui concerne les inégalités territoriales, les juridictions de la région parisienne ont régulièrement échangé entre elles, afin que les solutions offertes aux justiciables soient cohérentes entre les départements.

Les mineurs isolés constituent une problématique particulièrement aiguë à Paris. J’ai été saisi de la situation d’environ 200 mineurs isolés, qui étaient pour la plupart connus et pris en compte par la justice. La ville de Paris a mis en place des hébergements pour les accueillir et nous avons pris des ordonnances de placement provisoire. La justice n’a pas oublié la question des mineurs isolés. En outre, nous avons toujours considéré comme prioritaires les problématiques liées aux gardes d’enfants.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. À mon sens, les seuls outils législatifs de la nouvelle échelle des peines et des peines alternatives sont indispensables mais insuffisants pour assurer une régulation carcérale satisfaisante. Sans outils supplémentaires, nous ne parviendrons pas à atteindre les objectifs.

La commission des Lois a lancé une mission d’information sur les mineurs isolés qui est en attente pour le moment.

Par ailleurs, pensez-vous que la loi qui sera discutée demain doit inclure la possibilité du classement sans suite ?

M. Rémy Heitz. Un sentiment très fort de responsabilité partagée peut être constaté à la fois chez les acteurs de l’exécution et de l’aménagement des peines, mais également des acteurs du correctionnel, vis-à-vis de la régulation carcérale. Il y aura un avant et un après cette période. La LPJ s’est appliquée à partir du 23 mars et ses outils, dont nous devons encore pleinement nous saisir, nous permettront d’en finir avec la surpopulation carcérale.

En outre, selon moi, nous disposons des outils nécessaires pour réorienter les dossiers dont les audiences ont été annulées. L’idée de proscrire les classements sans suite est inquiétante, car elle remet en cause le principe de l’opportunité des poursuites qui est la clef de voûte du fonctionnement du ministère public. Nous avons les outils et il faut laisser les juridictions faire leur travail, dans le cadre de projets de juridiction reposant sur la définition, en commun avec le siège, de priorités. Vouloir trop encadrer ce dispositif risque d’être contreproductif.

Mme Nicole Dubré-Chirat. Quelle durée sera nécessaire pour rattraper le retard de transcription des décisions ?

Par ailleurs, la garde des Sceaux envisage des recrutements de greffiers. Ces recrutements ont-ils commencé dans votre juridiction ?

La visioconférence pourra-t-elle être utilisée de manière pérenne pour améliorer l’audiencement ?

Quelle est votre position sur l’extension de l’expérimentation relative aux cours criminelles ?

Pensez-vous que l’on puisse envisager un travail prolongé sur la période d’été pour absorber le stock des affaires suspendues, comme les grands procès ou encore les séances d’assises ?

M. Eric Diard. Nous pouvons constater une différence dans le fonctionnement de la justice entre Paris et la province. La justice a souvent été à l’arrêt en dehors de la région parisienne. En outre, si tous les tribunaux ont reçu un plan d’hygiène et de sécurité, à l’heure actuelle, 50 % de leurs effectifs sont contraints de rester à domicile en raison de la garde des enfants. Il faudra donc du temps pour mettre en œuvre un plan de reprise de l’activité. Comment envisagez-vous de traiter le stock accumulé ?

M. Vincent Bru. Vous avez évoqué des retards dans les investissements informatiques et des applications trop complexes. Les efforts ont sans doute trop porté sur la mise à disposition des justiciables de dispositifs numériques et pas suffisamment sur le fonctionnement interne des juridictions. Espérez-vous pouvoir amender les plans d’investissement afin d’augmenter les équipements informatiques et d’améliorer le fonctionnement des juridictions ?

M. Raphael Gauvain. Le code de procédure pénale actuel prévoit déjà des ressorts procéduraux pour la réorientation des dossiers. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi le Gouvernement nous demande de modifier la procédure pénale ? Il semble que l’impossibilité de classer sans suite ne s’applique que dans les cas où les tribunaux ont déjà pris la décision de poursuivre le justiciable, ce qui constitue une garantie pour les Français que le dispositif des réorientations ne soit pas surutilisé dans un contexte de stock important de dossiers à traiter. Quel serait votre éclairage de terrain sur ce point ?

M. Ugo Bernalicis. S’agissant de la prolongation de la détention provisoire, pourquoi des référés de détention ont-ils été systématiquement émis, notamment pour les remises en liberté décidées par les juges d’instruction ?

En outre, le fait que des magistrats du siège doivent appliquer une circulaire de la Chancellerie ne pose-t-il pas des problèmes d’indépendance ou de séparation des pouvoirs ?

Par ailleurs, vous semble-t-il pertinent de maintenir l’absence de présentation obligatoire au magistrat dans le cadre des gardes à vue des mineurs de plus de seize ans, en période de déconfinement ?

Pouvez-vous également préciser les critères de classement sans suite ?

Enfin, la baisse de la délinquance entraîne une diminution des comparutions immédiates. Pensez-vous que l’activité de la comparution immédiate – qui ne saurait constituer un idéal de justice – pourrait rester faible dans les mois à venir ? Quelle est votre position vis-à-vis d’une loi d’amnistie défendue aujourd’hui par plusieurs députés et par la contrôleure générale des lieux de privation de liberté ?

M. Rémy Rebeyrotte. Une loi d’adaptation de la justice à l’ère numérique, qui implique une adaptation des procédures, ne s’impose-t-elle pas ? Je ne considère pas que le numérique soit nécessairement une version dégradée de la justice.

M. Rémy Heitz. Nous sommes favorables au développement de l’usage de la visioconférence. Nous nous y sommes d’ailleurs collectivement habitués depuis deux mois. Le tribunal de commerce, s’appuyant sur un greffe privé, a par exemple réussi à élaborer un système très opérationnel et dans des délais rapides.

L’expérimentation des cours criminelles concerne davantage le parquet général et la cour d’appel de Paris, qui s’est d’ailleurs portée candidate dans le cadre de son extension. Le stock des dossiers à traiter a augmenté au cours des deux derniers mois et il faudra juger ces dossiers dans des conditions particulières. Dans les conditions sanitaires actuelles, il est certain qu’il est plus facile de juger avec une cour d’assises professionnelle qu’avec un jury populaire.

Par ailleurs, nous avons maintenu les dates de vacations d’été, qui débuteront le 10 juillet. Toutefois, nous nous adapterons aux décisions qui pourraient être prises par la Chancellerie ou la cour d’appel sur ce point. Nous sommes prêts à fournir des efforts pour écluser le stock, y compris durant l’été, sachant que les vacations supposent un allègement des audiences et non un arrêt de l’activité.

La circulaire reprenant le plan d’hygiène et de sécurité adressée par la Chancellerie a été déclinée localement et adaptée par chaque juridiction, dans le cadre d’un dialogue social renforcé.

Nous sommes demandeurs en matière d’amélioration des moyens informatiques et du fonctionnement interne de notre juridiction, mais nous n’avons que peu de marges de manœuvre car les moyens informatiques nous sont alloués par la cour d’appel en fonction des dotations annuelles décidées par l’administration centrale. Nous sommes par exemple toujours en attente de nouveaux ultraportables. Notre autonomie est très faible en la matière.

La question de la réorientation des procédures pénales est complexe et technique. Le projet de la Chancellerie porte plus particulièrement sur les convocations par officier de police judiciaire (COPJ). Quand une convocation est remise en justice, le tribunal est saisi et le ministère public ne peut pas, en principe, revenir sur cette saisine du tribunal. Le projet de la Chancellerie vise une possibilité de réorientation pour les COPJ qui ont déjà été délivrées, ce qui permettrait de reconsidérer l’orientation de certaines procédures déjà engagées, rendant possible le traitement plus rapide d’autres procédures jugées prioritaires.

Quels sont nos critères de classement sans suite ? Nous classons sans suite des procédures qui concernent des faits de gravité très relative et qui ont fait l’objet de citations directes ou de convocations, qui n’impliquent pas de victime – sinon la juridiction doit évidemment être saisie pour que la victime puisse faire valoir ses droits – ou pour lesquelles la citation ne peut pas être délivrée. Ces classements sont provisoires. Si la personne est à nouveau interpellée, elle sera doublement poursuivie.

En outre, il est inexact de dire que nous avons formé systématiquement des référés-détention. Nous ne l’avons fait que lorsqu’il est apparu au parquet que la remise en liberté n’était pas justifiée. Dans la moitié des cas, nous avons été suivis par la chambre des instructions. Chacun était ainsi dans son rôle et ce n’était pas une politique systématique, puisque nous avons réservé les référés détention aux cas les plus graves.

Par ailleurs, la présentation obligatoire au magistrat des mineurs de plus de seize ans constitue un sujet en soi, qui n’est pas lié à la situation actuelle.

Enfin, il n’est pas de notre responsabilité de nous prononcer pour ou contre une loi d’amnistie. Il s’agit d’une responsabilité d’ordre politique.

En conclusion, je dirais que les besoins d’adaptation de la justice à l’ère du numérique sont encore considérables. En ce sens, nous attendons beaucoup du projet de procédure pénale numérique. Nous avons besoin de progresser rapidement et il me semble que la Chancellerie fait beaucoup d’efforts en ce sens.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Dans le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 qui sera discuté demain, la possibilité de classer sans suite lorsque vous aurez pris la décision de poursuivre par COPJ ne vous sera pas offerte. Est-ce cela que vous souhaitez ou pensez-vous qu’il soit nécessaire que vous ayez toute latitude en la matière ?

M. Rémy Heitz. Les parquets s’autorisent aujourd’hui à classer sans suite – en fonction des critères que j’ai pu évoquer précédemment – les dossiers qui font l’objet de COPJ, alors qu’en principe, une juridiction étant saisie, l’affaire devrait être présentée auprès de celle-ci. Il est absolument indispensable que cette possibilité leur reste offerte.

Si un justiciable demande à être jugé, par exemple parce qu’il souhaite que son innocence soit reconnue, une audience pourra toujours être organisée. De plus, les dossiers classés sans suite sont ceux dont les enjeux sont minimes. Si l’on nous refuse cette possibilité et que nous étions contraints de replacer dans la chaîne pénale les dossiers ayant fait l’objet d’une COPJ, une embolie des juridictions est à craindre et le fonctionnement serait trop rigide et absurde. Il me semble que nous devons faire confiance aux parquets qui ne feront pas un usage abusif de ces classements sans suite, qui sont en réalité une variable d’ajustement qui a toujours été utilisée. Il serait en outre absurde de faire une telle distinction entre les citations directes et les COPJ.

Dans le contexte actuel, des dispositifs efficaces et opérationnels doivent être mis en place, d’autant que les juridictions ont connu, non pas deux mois de dysfonctionnements, mais six mois, en raison des deux mois de grève des transports, des deux mois de grève des avocats et des deux mois de confinement. Nous avons besoin d’un peu de souplesse pour gérer notre stock si nous voulons éviter l’embolie et des délais insupportables. À l’inverse, une telle rigidité ne conduirait qu’à des audiences où les personnes concernées ne viendraient pas, des jugements par défaut, des jugements contradictoires à signifier. Bref, cela nous conduirait à « faire du papier », alors que c’est justement ce que nous voulons éviter pour nous concentrer sur les audiences qui ont du sens.

M. Stéphane Noël. La grève des avocats a eu de lourdes conséquences sur le fonctionnement de la justice. Par exemple, l’aide juridictionnelle a été arrêtée et le barreau ne participe plus depuis plusieurs mois à l’activité du réseau de l’accès au droit dans les maisons de justice et du droit et des points d’accès au droit. S’agissant du bureau d’aide juridictionnelle, 1 000 décisions étant en attente de désignation, par le bâtonnier, d’avocats pour venir en soutien des justiciables éligibles à l’aide juridictionnelle. Si la présidente du Conseil national des barreaux peut estimer qu’il appartient aux juridictions de se remettre au travail, je tiens toutefois à rappeler que nous héritons d’une situation fortement obérée par les événements survenus depuis le début de l’année. Il me semble d’ailleurs opportun que le barreau réinvestisse, à nos côtés, l’ensemble du secteur aidé.

S’agissant des recrutements, madame la garde des Sceaux a annoncé une aide en matière de vacataires et non, à ma connaissance, à destination du greffe. Toutefois, dans cette période critique, nous avons besoin d’une forte mobilisation des greffiers, de vacataires au soutien des agents de catégorie C pour réaliser le travail d’enregistrement et de notification des justiciables et des avocats, les procédures étant encore très souvent manuelles. Nous ne savons pas encore de quelles marges de manœuvre nous disposerons pour faire face à ces besoins. Je précise également que, dans la gestion budgétaire, les chefs de cours en lien avec l’administration centrale disposent du volet budgétaire sur les non-titulaires qui permet de trouver des marges de manœuvre au cours de l’année.

Par ailleurs, une loi d’adaptation des procédures aux enjeux du numérique me paraît nécessaire. C’est une évidence que nous devons nous engager dans cette voie même si cela est complexe. Il ne saurait toutefois être question que le numérique détermine les réformes. Les parlementaires et les juges sont les garants d’un certain nombre de principes. Ces réformes doivent rester fondées sur les principes fondamentaux de l’équilibre des procédures, mais ceux-ci doivent être articulés avec les enjeux du numérique. Sur ce point, un fort décalage peut être constaté depuis de nombreuses années dans le fonctionnement du ministère de la Justice.

Nous devons par exemple moderniser nos bureaux d’aide juridictionnelle où les dossiers se déposent aujourd’hui en format papier ; il me semble opportun de mettre en place un système numérique plus simple d’accès par le justiciable ou par les lieux du réseau de l’accès au droit. Je vous renvoie à ce sujet aux travaux conduits par l’ancien vice-président de votre commission M. Jean-Yves Le Bouillonnec qui avait également préconisé ces évolutions qui feraient gagner un temps considérable aux justiciables et aux barreaux. Il s’agit là d’une priorité sur laquelle nous avons pourtant du mal à progresser de manière concrète.

Les retards s’expliquent en partie par le fait que les fonctions relatives au numérique ont été externalisées vers des prestataires qui ne sont pas du sérail judiciaire et avec qui le dialogue est parfois difficile. Nous devons réorienter ce dialogue vers une meilleure articulation technique et la simplification de l’utilisation des outils numériques.

En ce qui concerne la prolongation de la détention provisoire, les juges n’ont pas été limités au respect d’une circulaire. L’ordonnance a été prise après une loi d’habilitation, qui prévoit des dispositions sur la détention provisoire. En outre, les juges, dans leur totale indépendance, ont apprécié souverainement ces dispositions et les ont appliquées ; cela a d’ailleurs fait l’objet de concertations au sein des services des JLD en lien avec les juges d’instruction. Les chambres de l’instruction ont également confirmé l’appréciation des JLD sur ces dispositions. Les juges ont donc appliqué de nouvelles dispositions qui sont le fruit d’une loi d’habilitation. J’ai veillé à faire remonter les inquiétudes ou interrogations qui ont pu se poser sur ce sujet.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci, monsieur le président et monsieur le procureur, de nous avoir consacré de votre temps.

La réunion se termine à 12 heures 50


Membres présents ou excusés

 

Présents. - Mme Bérangère Abba, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Vincent Bru, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, M. Guillaume Gouffier‑Cha, Mme Émilie Guerel, M. Dimitri Houbron, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Guillaume Larrivé, Mme Marie-France Lorho, M. Jean-Louis Masson, M. Stéphane Mazars, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Danièle Obono, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Antoine Savignat, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, Mme Alice Thourot, Mme Cécile Untermaier, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann