Compte rendu

Délégation aux collectivités territoriales
et à la décentralisation

 Audition, conjointe avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de Mme Jacqueline GOURAULT, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de M. Sébastien LECORNU, Ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des Collectivités territoriales.                             2

 

 


Lundi
18 Mai 2020

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 21

session ordinaire de 2019-2020

Co-présidence de

M. Jean-René CAZENEUVE,
Président de la Délégation,

et Mme Barbara POMPILI,
Présidente de la commission
du développement durable et
de l’aménagement du territoire

 


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La réunion débute à 16 heures.

 

Présidence conjointe de M. Jean-René Cazeneuve, président,
et de Mme Barbara Pompili, présidente de la commission
du Développement durable et de l’Aménagement du territoire

 

 

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

 

http://assnat.fr/1xERmi

 

 

La Délégation procède, conjointement avec la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à l’audition de Mme Jacqueline GOURAULT, Ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de M. Sébastien LECORNU, Ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé des Collectivités territoriales.

Mme Barbara Pompili, présidente de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Les collectivités locales, quel que soit leur échelon, sont en première ligne pour affronter la crise. Celle-ci a mis en lumière des initiatives et des solidarités territoriales ainsi que la nécessité d’une réponse différenciée selon les territoires, qu’il faudra garder à l’esprit pour aborder l’après-crise. Comment analysez-vous la façon dont le couple État-collectivités locales a géré la crise ? Comment vos services ont-ils épaulé les territoires, en particulier ceux qui se trouvent le plus en difficulté ? Comment envisagez-vous la suite, notamment l’avenir du projet de loi décentralisation, différenciation et déconcentration, dit projet de loi « 3D » ? En quoi l’expérience de ces derniers mois enrichira‑t-elle ce texte ou conduira-t-elle à aménager la politique contractuelle ? Enfin, quelles réponses pourront être apportées aux collectivités alors que la crise, devenue économique et sociale, dégradera fortement leur situation financière ?

M. Jean-René Cazeneuve, président de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je tiens tout d’abord à souligner que l’État a pu assurer la continuité des services publics et de la démocratie dans l’ensemble du territoire, notamment avec l’ordonnance du 1er avril 2020. Les bonnes décisions ont été prises, dans des circonstances complexes. Le couple préfet-maire ou préfet-président d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) a été très efficace pour assouplir localement les réglementations quand l’État fournissait un cadre d’action. Mme Caroline Cayeux, présidente de Villes de France, parle à ce titre des « circuits courts de la décision », qu’il convient d’associer au droit de dérogation, récemment généralisé à l’ensemble des préfets. Ce mode de fonctionnement doit devenir la règle. Comment renforcer le pouvoir de ce couple ? Le projet de loi « 3D » permettra-t-il d’aller plus loin dans cette direction ? La crise conduit également à réfléchir à la répartition des compétences car si des succès ont été enregistrés par l’État, le département ou le bloc communal, un sentiment d’inégalité entre les territoires et de confusion a vu le jour lorsque les collectivités sortaient de leurs champs d’action. Comment comptez-vous préciser les compétences de chaque échelon territorial ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. En termes d’aménagement du territoire, il remonte du terrain un sentiment de reconnaissance envers l’État territorial, symbolisé par le couple préfet-maire, qui n’exclut pas le désir de renforcer celui-ci ou d’améliorer son organisation. Le volet relatif à la déconcentration du projet de loi « 3D » le prévoit. Par ailleurs, la crise a montré l’intérêt stratégique du numérique dans tous les domaines, qu’il s’agisse des consultations médicales ou du commerce. Nous devons poursuivre le développement de ses usages, ainsi que le raccordement de nouveaux foyers. À ce titre, le guichet du plan France Très Haut Débit a été rouvert – peut-être pas suffisamment, selon certains. Durant le confinement, les Français en télétravail ont trouvé beaucoup de vertus à la ruralité comme aux petites et moyennes villes, en lien avec le télétravail évidemment. La qualité de vie vient aujourd’hui au premier plan des préoccupations : les citadins des grandes villes réclament des villes plus vertes et plus mobiles. L’Agenda rural présenté en 2019 par le Gouvernement ou le programme « Action cœur de ville » pour les villes moyennes vont dans le sens d’un tel aménagement du territoire.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales ont confirmé leur capacité à confiner la population sans suspendre les services publics de l’eau, de l’assainissement, des déchets, ni les fonctions régaliennes d’état civil ou de police. Le déconfinement, notamment avec la reprise de l’école, représente un nouveau défi. Dans le contexte de l’entre-deux tours, le confinement a aussi revêtu un enjeu institutionnel afin de ne pas suspendre la démocratie locale et de faire fonctionner les exécutifs locaux. Outre l’organisation de visioconférences, le report des dates légales pour l’adoption des budgets et des mesures relatives à la commande publique ont permis de ne pas mettre la puissance publique locale en panne. Dans le cadre du retour progressif à une vie normale – les conseils municipaux élus au premier tour entrent en fonction dans 30 000 communes –, l’urgence sanitaire perdure pourtant. Nous remercions le Parlement de la confiance qu’il porte au Gouvernement, pour lui permettre de légiférer par ordonnance. La date du second tour des élections municipales, qui influencera celle de l’installation des conseils des intercommunalités, reste en suspens. L’enjeu financier, que nous traiterons en nous appuyant sur l’expertise des parlementaires, vise à gérer le risque lié aux dépenses exceptionnelles et aux recettes non perçues ainsi que les problèmes contemporains et à venir. L’État répondra présent, avec des outils ad hoc selon les différents niveaux de collectivités. Il faudra également définir le rôle des collectivités territoriales dans le redémarrage de l’économie, qu’il s’agisse de relancer la commande publique, de faire fonctionner les exécutifs locaux, d’assouplir ou de fluidifier les dispositifs comme de sanctuariser les outils d’investissement public, pour permettre au préfet un pilotage simple et opérationnel.

M. Vincent Thiébaut. Complémentaires de l’État, dont elles sont le relais, les collectivités territoriales ont été au rendez-vous pour assurer la protection sanitaire et la continuité des services publics. Si leur engagement et leur action ont souvent été décisifs, des limites ont été relevées dans la gouvernance ou l’échelon territorial. Tout en assumant les difficultés liées à la prise de décision ou à la baisse attendue de leurs ressources, les collectivités ont un rôle majeur à jouer pour la relance. Comment le Gouvernement envisage‑t-il ce rôle et la façon d’accompagner les collectivités, notamment dans l’application des volets environnemental et écologique du plan de relance ?

M. Jean-Marie Sermier. Le très haut débit est essentiel au télétravail, à la formation ou aux téléconsultations. Comment permettrez-vous à tous les Français d’y accéder rapidement ?

Quelles mesures proposez-vous pour les collectivités qui connaîtront une baisse substantielle de leurs recettes ? Je pense notamment aux communes touristiques et thermales. Comptez-vous reprendre les propositions de l’Association des maires de France pour limiter l’impact financier de la crise sur les budgets locaux ? Quelles actions mènerez-vous en faveur des commerçants des villes, petites et moyennes, afin de renforcer l’attractivité de leur cœur de ville, un élément essentiel de la politique d’aménagement du territoire du Gouvernement ?

M. Bruno Millienne. Les mesures d’accompagnement financier que le Gouvernement a prises en urgence pendant le confinement en faveur des collectivités territoriales ne sauraient suffire pour répondre aux difficultés budgétaires à venir. Que contiendra le troisième projet de loi de finances rectificative qui a été évoqué ? Tout en accueillant les chiffres avec prudence, nous garderons à l’esprit que les conséquences de la crise ne seront pas partout identiques ni de même ampleur. À ce titre, les Outre-Mer ne devront pas être oubliés. Bercy ayant appelé à étaler ces charges exceptionnelles ou à recourir à l’emprunt, les dépenses liées au covid-19 seront-elles intégrées à un budget annexe ou à un compte dédié ? Par ailleurs, pourrez-vous garantir aux élus de préserver leurs recettes fiscales après la crise, comme ils le demandent ? Alors que les collectivités ont su s’organiser pendant la crise, parfois pour combler des retards de l’État central, les EPCI ont été plus absents. Une nouvelle étape de décentralisation paraît évidente, pour conférer une plus grande liberté d’action, au plus près des réalités des territoires, par la différenciation. Une nouvelle étape de déconcentration est aussi attendue. Ainsi, quel avenir pour le projet de loi « 3D » que vous prépariez ? Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés appelle à ne pas y renoncer.

M. Guillaume Garot. Les collectivités ont mené une action déterminante pour que le pays continue à vivre durant le confinement. Leur réactivité a aussi compensé des insuffisances et les défaillances de l’État, notamment pour fournir du gel et des masques ou soutenir les entreprises. Quelle en sera la facture ? Comment l’État interviendra-t-il pour compenser l’effort consenti ? Il existe des différences marquées en termes de richesse et de capacité à agir d’un territoire à l’autre. En quoi la différenciation met-elle en cause l’égalité d’accès au service public et aux aides publiques ? Comment analysez-vous cette période du point de vue de l’égal accès des Français aux prestations de service public ?

Mme Patricia Lemoine. La crise sanitaire, conjuguée au dérèglement climatique, doit nous conduire à repenser la ville car la métropolisation a montré ses limites. En tirerons‑nous les enseignements, en plaçant les collectivités territoriales au cœur de la bataille pour la relance économique et en leur permettant de disposer d’outils simples et adaptables à leurs spécificités locales ? Comment accompagner les collectivités, alors que certaines d’entre elles, telles les communes touristiques, sont confrontées à des pertes de recettes très élevées ?

M. François-Michel Lambert. Dans quelle mesure allez-vous revoir vos objectifs et renforcer les piliers de la décentralisation et de la différenciation ? À quel calendrier obéira l’élaboration du projet de loi « 3D », dont le troisième « D » me semble moins important ? Alors que la crise a réhabilité les villes moyennes, quelle part prendra le programme « Action cœur de ville » à la relance ? Son enveloppe évoluera-t-elle ? Sera-t-il recentré sur des secteurs prioritaires ? Intégrera-t-il une réflexion sur le télétravail ? Comment repenser l’aménagement du territoire pour mieux respecter les différences ?

Mme Bénédicte Taurine. Un dispositif d’aide spécifique est-il prévu en faveur des collectivités ultramarines pour compenser la perte de recettes d’octroi de mer ? Entendez-vous affecter aux collectivités territoriales une part du produit de la contribution climat-énergie pour appuyer la rénovation énergétique, le logement social ou encore la mobilité durable ? Comment sera financée la prime aux personnels du secteur médico-social ?

M. Gabriel Serville. Pourquoi installer dans l’urgence les conseils municipaux élus, alors que, comme vous l’avez reconnu, on pourrait être amené à revoter, pour les deux tours de scrutin, si le second tour n’avait pas lieu en juin ? Le débat au Parlement sera-t-il suivi d’un vote ? Il faut aider les collectivités éprouvant des difficultés spécifiques, même si elles ne sont pas les plus frappées par la maladie – je pense en particulier à la Guyane. Les collectivités ultramarines souhaitent être davantage écoutées.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avant le confinement, nous avions commencé à négocier des contrats de plan État-région qui étaient en partie différenciés, car ils tenaient compte des programmes de développement et des difficultés des territoires. Nous allons actualiser ces plans et les intégrer à la relance économique, en distinguant les projets prêts à être contractualisés de ceux qui s’inscrivent dans le long terme. Nous négocions parallèlement la nouvelle génération de fonds européens. À cela s’ajoutent d’autres outils de politique publique, tels ceux mis en œuvre par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), comme « Action cœur de ville ». Pour ce programme, nous avons dépensé 1,3 milliard d’euros sur un total de 5 milliards. Nous allons nous concentrer sur le commerce de centre-ville, à travers les loyers, le numérique, les circuits courts, les plateformes communes. Nous allons aussi lancer le programme « Petites villes de demain », qui concerne les cœurs de bourg. Tous les étages territoriaux participeront à la relance. Les politiques d’aménagement du territoire impliquent aussi le ministère de la transition écologique et solidaire – avec la ville verte, les contrats de transition écologique – et le ministère de l’économie et des finances – avec le programme « Territoires d’industrie ». Il faut déterminer le niveau le plus pertinent d’exercice des compétences en tirant les leçons de la crise sanitaire ; les attributions sanitaires et sociales des départements pourraient ainsi être développées. À côté de la relation verticale avec l’État, les collectivités territoriales doivent aussi apprendre à travailler ensemble, éventuellement par délégation. Les « 3D » doivent avoir une importance égale : la déconcentration a un rôle primordial. Il faut continuer à développer le numérique – grâce auquel les collectivités ont continué, en vertu de l’ordonnance que nous avons prise, à élaborer les documents d’urbanisme pendant la crise. Nous allons finaliser le déploiement de la fibre optique dans vingt départements. Nous avons injecté 280 millions d’euros dans le guichet France Très Haut Débit, qui a été rouvert. Par ailleurs, le New Deal sur la téléphonie mobile a permis le passage à la 4G pour de très nombreux Français. Nous devons poursuivre ces efforts, tout en renforçant l’inclusion numérique.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Il est trop tôt pour chiffrer les pertes de recettes des collectivités. De nombreuses voix se sont élevées pour que les dépenses liées au Covid soient considérées comme de l’investissement ; or, cela serait insincère d’un point de vue comptable et profiterait surtout aux grandes collectivités. Inciter les petites collectivités rurales à s’endetter par ce biais reviendrait à les fragiliser. Nous proposons d’enregistrer ces dépenses – telles que l’achat de produits, l’embauche de vacataires – dans un compte dédié pour les lisser sur plusieurs exercices et permettre éventuellement l’octroi de financements. Les pertes de recettes touristiques et d’octroi de mer sont souvent irrécupérables et réclament un traitement urgent. Nous accordons des avances de douzièmes de dotation globale de fonctionnement (DGF) ou de fiscalité à toutes les collectivités ayant des difficultés pour équilibrer leur trésorerie. Outre-mer, nous travaillons en priorité sur l’octroi de mer. Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place dès cette année la péréquation, que l’on attend depuis vingt ans, en faveur des communes d’Outre‑Mer : la DGF est positive dans chacune d’elles. Il faut aussi continuer à travailler sur les dépenses des collectivités d’outre-mer – je vous renvoie au rapport du sénateur M. Georges Patient – sans tabou et sans querelle politicienne. Parmi les autres chantiers, au titre de 2020, figurent les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont les pertes seront irrécupérables pour les départements et les communes de plus de 5 000 habitants, et décalées d’un an pour les autres communes. Les collectivités territoriales auront perçu cette année leur DGF et leurs douzièmes de fiscalité, mais, en 2021, se posera la question des impôts de production. Au titre des pertes de recettes – objet de notre réflexion actuelle – nous soutiendrons, par exemple, les départements, étant rappelé que les DMTO permettent d’assurer la péréquation entre eux. L’essentiel des mesures figureront dans le projet de loi de finances (PLF) ; le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR), quant à lui, pourra contenir des dispositions d’urgence. C’est l’efficacité de la puissance publique que regardent nos concitoyens, qu’il s’agisse des collectivités territoriales ou de l’État. Les premières sont parfois plus agiles car elles sont plus proches : c’est le principe même d’une République décentralisée. Il faut désormais réfléchir à ce que l’on attend de l’État. On est plutôt en train de mutualiser les pertes financières pour les collectivités – l’État va aider – mais pas les gains. En ce qui concerne les départements, on pourrait pourtant utiliser les évolutions positives des DMTO pour créer un vrai fonds de secours. Par ailleurs, je note que ceux qui veulent mutualiser les pertes souhaitaient parfois consacrer dans la Constitution l’autonomie fiscale des collectivités…

M. Christophe Jerretie. Vous répondez clairement à M. François Baroin, président de l’AMF, que toutes les pertes ne seront pas prises en compte par l’État. Les négociations sur les aspects financiers ont-elles commencé ? En ce qui concerne le projet de loi « 3D », une nouvelle date est-elle prévue ? Ne faudrait-il en faire un texte sur les responsabilités financières ?

M. Vincent Descoeur. L’effondrement des DMTO a déjà été évoqué : il faudra établir une péréquation durable et structurelle. Les départements sont très sollicités mais ils ne disposent pas tous des mêmes moyens.

M. Patrick Loiseau. Le duo préfet-maire fonctionne bien à peu près partout – c’est une nouveauté intéressante. L’État remboursera 50 % des achats de masques des collectivités, mais qu’en sera-t-il du gel hydroalcoolique, des blouses et des gants ? Enfin, est-il toujours prévu que les départements ne peuvent pas accorder des aides économiques aux entreprises en difficulté et doivent se limiter à des aides sociales ?

Mme Élisabeth Toutut-Picard. Quelle solution pourrait-on trouver pour mieux associer les maires à la gouvernance territoriale des plans nationaux santé environnement ?

M. Guy Bricout. Que deviendra la réforme des services de la fiscalité locale ? Vous avez annoncé des mesures d’urgence, dans le cadre d’un troisième PLFR, pour aider les collectivités les plus touchées : quels critères envisagez-vous ? Aurons-nous connaissance du rapport que doit remettre M. Jean-René Cazeneuve avant l’examen du troisième PLFR ? Enfin, où en est le développement des agences régionales de la biodiversité ?

Mme la présidente Barbara Pompili. Les régions doivent s’en emparer.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert. On compte sur vous pour le déploiement du numérique. En ce qui concerne la transition écologique et énergétique, le projet de loi « 3D » permettra-t-il de mettre enfin en cohérence les outils de pilotage locaux, régionaux et nationaux ? Ne serait-il pas temps d’ajouter un objectif de résilience face aux crises et d’adaptation au changement climatique, de compléter la loi NOTRe et d’associer davantage les citoyens ?

M. Martial Saddier. Les compétences en matière d’eau, d’assainissement, de protection contre les inondations et de biodiversité sont souvent exercées par des syndicats intercommunaux, dont les délégués ne seront probablement désignés qu’à partir de l’automne. Or nous avons absolument besoin que ces structures continuent à fonctionner et qu’elles prennent toute leur part à la relance économique.

M. Didier Le Gac. Quid de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) ? Elle paraît en stand-by : les préfets attendent-ils de nouveaux montants ? Y aura-t-il un coup de pouce tout de suite, avant le plan de relance ?

M. Paul-André Colombani. La gestion du déconfinement est un défi dans un pays aussi centralisé que le nôtre, compte tenu des réalités différentes auxquelles les territoires font face. On l’a vu avec la réouverture des écoles et des plages. Comptez-vous faire confiance aux élus locaux dans le monde d’après ? Sinon, le projet de loi « 3D » risque d’être une nouvelle occasion manquée.

M. Sébastien Jumel. La crise conduit-elle, selon vous, à se poser de nouvelles questions en matière de péréquation ? Par ailleurs, serez-vous au chevet des communes affectées par des pertes de produits des jeux, issus de casinos ou de sociétés hippiques ?

Mme Danielle Brulebois. Pensez-vous que la ruralité a une carte à jouer dans le contexte actuel, avec le développement du télétravail notamment ? Qu’en est-il des cafés fermés ? Enfin, ne faudrait-il pas des déclinaisons territoriales des règles du déconfinement au lieu d’une carte en vert et en rouge ?

M. Jean-Luc Poudroux. La situation des collectivités d’outre-mer est particulièrement difficile du fait notamment de la baisse de l’octroi de mer. Les recettes diminuent, il y a des dépenses nouvelles et la capacité d’emprunt se réduit : il va être un peu compliqué de relancer l’économie à travers les collectivités. Vous avez laissé entendre que certaines dépenses sont presque inutiles, mais nous ne sommes pas les danseuses de la République ! S’agissant de la différenciation, les conférences territoriales de l’action publique pourront-elles servir de cadre pour appliquer localement la future loi ? Je tiens à dire que le préfet de La Réunion a réalisé un très bon travail avec l’ensemble des acteurs concernés.

M. Yannick Haury. Comment le Gouvernement entend-il accompagner les communes touristiques ? Elles vont se trouver dans une situation financière difficile, notamment celles qui tirent une partie importante de leurs ressources de l’activité des casinos.

Mme Valérie Lacroute. L’installation des conseils municipaux élus dès le premier tour est une bonne chose, notamment pour relancer l’activité économique au niveau local. Certaines communes souhaitent soutenir les commerces des centres-villes. Est‑il possible d’aller au-delà du dispositif « Action cœur de ville » ?

M. Éric Poulliat. Ma conviction est que l’État doit maintenir fermement ses compétences régaliennes dans les territoires. Afin d’éviter toute rupture d’égalité et de préserver les valeurs de la République, le Gouvernement est-il prêt à renforcer et à moderniser l’administration de l’État dans les régions à la faveur d’une décentralisation assumée ?

Mme Anne Brugnera. Nous voulons croire que le retour à la normale est engagé. Le conseil scientifique donnera peut-être un avis positif à la tenue d’un second tour avant la fin du mois de juin, mais les Français restent méfiants et on peut craindre une participation en baisse. Ne faudrait-il pas se donner le temps de la sérénité ?

M. Didier Martin. Quelles mesures d’accompagnement envisagez-vous pour soutenir la politique d’investissement des collectivités locales ?

M. Arnaud Viala. Quel regard portez-vous sur les relations entre les préfets et certaines agences ? Elles échappent trop souvent à leur regard et à celui des élus locaux.

M. Rémy Rebeyrotte. Je voudrais remercier autant l’État que les collectivités territoriales. Au lieu d’approfondir la décentralisation, le futur projet de loi « 3D » pourrait être l’occasion de rééquilibrer la situation à l’intérieur des deux blocs et de réorganiser l’ensemble. Je note au passage que des maires de villes importantes et des présidents de régions ont réussi, en plus du travail lié à la crise, à trouver le temps de critiquer l’État : ils ont une capacité extraordinaire à se dédoubler. Enfin, pouvez-vous confirmer que le programme « Petites villes de demain » se mettra en place avant l’été ?

M. Jacques Krabal. S’agissant des incompatibilités, ne conviendrait-il pas de faire commencer le délai d’option à compter du second tour pour tous les élus communautaires ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je n’ai pas de date pour l’examen du projet de loi « 3D » mais l’épidémie a montré qu’il était d’actualité. Il précisera les rôles et les modalités d’association des différentes collectivités territoriales en matière de santé et d’environnement. La gestion des déchets en Corse relève de la collectivité mais si elle ne trouve pas de solution acceptable, l’État, responsable de la sécurité sanitaire du pays, devra intervenir. La loi de finances pour 2020 consacre 90 millions d’euros à la solidarité rurale ; le Gouvernement poursuivra cette politique avec l’Agenda rural. Le soutien au petit commerce a été transféré par la plupart des communes aux intercommunalités mais ce transfert n’est pas une obligation. La France est attachée aux libertés locales mais souhaite également que l’État soit le garant de l’équité et de l’égalité. L’État doit tisser un lien plus étroit avec les agences car il n’est pas normal qu’elles fonctionnent sans rattachement à leur ministère ou au préfet. La République contractuelle permettra d’apporter des réponses locales à des projets locaux. Enfin, nous lancerons le programme « Petites villes de demain » avant l’été.

M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Non, je ne réponds pas à M. François Baroin. Les recettes sont notre axe de travail principal et les discussions se poursuivent avec les collectivités locales ; celles-ci, à la différence des entreprises et des associations, ne sont pas à une semaine près. Nous avons, avec l’Assemblée des départements de France, imaginé une péréquation durable de 1,6 milliard d’euros. Le problème est de l’alimenter. Les masques achetés par les collectivités à compter de la date de déconfinement seront remboursés par l’État à hauteur de 50 %, afin qu’elles continuent à en acheter. Un département ne peut pas verser directement une subvention à une entreprise ou à un commerce : c’est la loi. Beaucoup de dépenses sociales et sanitaires sont à prévoir : il ne faut pas se disperser. Les départements qui se lancent dans l’aide économique reçoivent une lettre d’observation. Si nous n’avons pas demandé aux préfets de déférer, un tiers qui attaquerait la délibération du conseil départemental pourrait faire tomber les subventions accordées. Les communes disposent de quatre semaines après le second tour pour installer leurs conseils syndicaux. Il n’y a pas d’urgence : les syndicats peuvent vivre avec la gouvernance actuelle. Nous allons adresser une circulaire aux préfets sur ce point. Les enveloppes de la DETR ont été notifiées : elles sont dans la même épure que l’année dernière, même s’il peut y avoir des variations en fonction des critères de pauvreté ou de potentiel financier. Nous avons donné un coup de pouce au pilotage en permettant aux préfets de réemployer les crédits pour de nouveaux projets. La péréquation signifie que l’on sollicite les communes dont le potentiel financier est le plus fort. Nous avons fait le choix politique d’augmenter la DSR, la DSU ainsi que la péréquation pour l’outre-mer, ce qu’aucune majorité n’avait fait avant nous. Jusqu’où faut-il aller ? C’est un débat que vous pourriez avoir au sein de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Luc Poudroux, ne me faites pas de procès d’intention. L’équation des finances locales en outre-mer se regarde autant en recettes qu’en dépenses. Les contribuables veulent savoir : ce n’est pas une insulte ! Certaines dépenses sont parfois inutiles. Il ne faut pas les traiter avec une approche polémique. Les mesures d’accompagnement financier posent la question du devenir du fonds de solidarité et du FCTVA : nous ne sommes fermés à rien. Personne ne peut découvrir qu’il existe une incompatibilité entre les fonctions de conseiller communautaire et un emploi dans une collectivité territoriale : c’est la loi. Mais ce sujet n’a pas été évoqué, en effet, lors de la concertation avec les associations d’élus et le Parlement en vue de la rédaction des ordonnances.

M. le président Jean-René Cazeneuve. J’ai bien noté que le projet de loi « 3D » était encore plus d’actualité et qu’aucune collectivité ne serait abandonnée.

 

La réunion s’est achevée à 17 heures 55.

 

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Membres présents ou excusés

 

Présents. M. Stéphane Baudu, Mme Anne Blanc, Mme Anne Brugnera, M. Jean‑René Cazeneuve, M. Charles de Courson, Mme Stella Dupont, M. Christophe Jerretie, M. Sébastien Jumel, Mme Fadila Khattabi, Mme Valérie Lacroute, M. Jean‑Claude Leclabart, M. Didier Le Gac, Mme Patricia Lemoine, Mme Monique Limon, Mme Véronique Louwagie, M. Didier Martin, Mme Monica Michel, M. Bruno Millienne, M. Bernard Perrut, Mme Christine Pires Beaune, M. Éric Poulliat, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert, M. Arnaud Viala.

 

 

Assistaient également à la réunion.Mme Bérangère Abba, M. Éric Alauzet, M. Christophe Arend, Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean‑Charles Colas‑Roy, M. Paul-André Colombani, Mme Bérengère Couillard, M. Stéphane Demilly, M. Vincent Descoeur, M. Loïc Dombreval, Mme Nadia Essayan, M. Olivier Gaillard, Mme Camille Galliard-Minier, M. Guillaume Garot, M. Yannick Haury, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, M. Pascal Lavergne, M. Patrick Loiseau, M. David Lorion, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, Mme Marjolaine Meynier‑Millefert, Mme Claire O’Petit, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, M. Jean-Luc Poudroux, Mme Véronique Riotton, M. Martial Saddier, M. Jean‑Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Élisabeth Toutut‑Picard, Mme Souad Zitouni, M. Jean‑Marc Zulesi.