Compte rendu

Commission
des affaires culturelles
et de l’éducation

– Examen, en nouvelle lecture, sur sollicitation de la commission des affaires économiques, des articles 24 bis, 24 ter A et 24 ter du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (n° 3469) (Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis)              2


Mardi
3 novembre 2020

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 13

session ordinaire 2020-2021

Présidence de
M. Stéphane Testé,
Vice-président
 

 


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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 3 novembre 2020

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence M. Stéphane Testé, Vice-président)

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La Commission examine, en nouvelle lecture, sur sollicitation de la commission des affaires économiques, les articles 24 bis, 24 ter A et 24 ter du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (n° 3469) (Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis).

M. Stéphane Testé, président. Après l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes à nouveau saisis du texte portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, adopté par notre assemblée en première lecture. Nous en examinons cet après-midi, en nouvelle lecture, sur délégation de la commission des affaires économiques, les articles 24 bis, 24 ter A et 24 ter.

L’examen au fond du projet de loi par la commission des affaires économiques aura lieu demain, mercredi 4 novembre. L’examen en séance aura lieu dès ce vendredi 6 novembre.

Je laisse le soin à notre rapporteure pour avis de faire le point sur l’évolution du texte depuis son examen en première lecture par notre commission, le 9 septembre dernier.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. Le deuxième confinement qui, nous l’espérons, permettra de juguler une crise sanitaire inédite et mondiale, a rendu plus difficile encore la période que nous vivons. Cette crise a déjà un effet terrible sur le monde de la culture, et notamment sur le cinéma : nouvelle fermeture des salles, fort ralentissement des tournages, quand ce n’est pas leur interruption totale. A contrario, les grandes plateformes en ligne devraient poursuivre leur progression, déjà constatée lors du premier confinement, tout comme possiblement, malheureusement, le piratage. C’est pourquoi il était particulièrement important d’inscrire rapidement cette nouvelle lecture à notre ordre du jour, en vue de son adoption définitive le 18 novembre prochain.

L’enjeu est bien d’instaurer des conditions équitables de contribution à la production audiovisuelle et cinématographique. Faire contribuer les plateformes à la création française a pu être une nécessité ; aujourd’hui, c’est une urgence.

Permettez-moi de revenir très brièvement sur le contenu de ce texte, et notamment sur les ajouts que nous lui avons apportés, à l’unanimité, en séance publique, en première lecture.

L’article 24 bis transpose la directive relative aux droits d’auteur, qui reprend une partie du droit d’auteur à la française pour l’étendre à l’ensemble de l’Union européenne. Il met fin au régime d’irresponsabilité des plateformes, qui devront désormais répondre des contenus mis en ligne par leur intermédiaire et assurer du mieux qu’elles peuvent le respect des droits d’auteurs et des droits voisins attachés à ceux-ci.

L’examen en séance publique a permis d’apporter des précisions indispensables. Le projet de loi dispose désormais que les sites dont l’objet principal est de porter atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins, autrement dit les sites pirates, ne pourront pas bénéficier du mécanisme d’exonération de responsabilité prévu à l’article 17 de la directive. C’est là un point important pour éviter que des acteurs malveillants ne profitent du nouveau régime que nous instaurons.

Un amendement a rappelé le principe de liberté contractuelle dans les relations entre les titulaires de droits et les plateformes, l’objectif étant de permettre aux auteurs et aux artistes interprètes de choisir s’ils souhaitent ou non autoriser la mise en ligne sur les plateformes de partage de contenus des œuvres ou objets protégés sur lesquels ils détiennent des droits.

Outre ces dispositions, la discussion en séance publique a permis d’apporter des garanties aux auteurs et aux artistes interprètes, grâce aux prises de parole de la ministre. C’est le cas des conditions de rémunération des artistes interprètes, qui doivent bénéficier d’une rémunération supplémentaire si leur rémunération initiale est exagérément faible. Il s’agit, en définitive, de préserver l’équilibre trouvé en commission lors de l’examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique : nous avions retenu le principe d’une rémunération « appropriée et proportionnelle ». En séance, le Gouvernement s’est clairement engagé à garantir cet équilibre : nous pouvons nous en féliciter.

Le Gouvernement s’est également engagé à respecter le principe de proportionnalité dans la transposition de la directive, s’agissant de son article 17 et de l’obligation faite aux plateformes de retirer les contenus publiés en violation du droit d’auteur et des droits voisins. C’est également important, car les créateurs sur les plateformes en ont besoin pour continuer à produire leurs contenus dans de bonnes conditions.

Depuis le dernier passage du projet de loi en commission, un nouvel article 24 ter A a été ajouté. Il était indispensable pour venir en aide au monde de la création, à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 8 septembre 2020 relative aux « irrépartissables juridiques ». Dans cette décision, qui défie le principe de réciprocité, la Cour a en effet jugé que les sommes provenant de la diffusion d’œuvres d’artistes interprètes situés hors de l’Union européenne, notamment américains, devaient être reversées à ces artistes, et ce quand bien même les artistes interprètes européens ne tireraient aucun bénéfice de la diffusion de leurs œuvres aux États-Unis.

Ces sommes étaient jusqu’alors utilisées sous forme d’aides à la création, pour un montant total de près de 30 millions d’euros par an. Nous pouvons certes déplorer les conséquences de cette décision, mais nous pouvons surtout agir pour en limiter les effets. C’est ce que nous avons fait grâce à ce nouvel article, qui valide les aides versées par le passé au titre des irrépartissables juridiques et qui prémunit donc les artistes et les organismes de gestion collective contre le risque de remboursement massif des aides perçues. Il faudra évidemment être attentif à l’avenir aux conséquences qui découleront de cette décision.

Enfin, nous réexaminons aujourd’hui l’article 24 ter qui permettra de faire contribuer au financement d’œuvres françaises les chaînes et les plateformes étrangères qui ciblent la France. Il s’agit d’une avancée considérable dans une période de crise du financement de la création.

L’examen en commission avait permis d’apporter plusieurs précisions, également adoptées à l’unanimité, quant au champ de l’habilitation, s’agissant notamment des couloirs distincts de contribution entre l’audiovisuel et le cinéma, de l’association des auteurs aux accords professionnels dans ces deux secteurs, ou encore de l’accessibilité des programmes notamment aux personnes handicapées.

La question des « droits monde » avait également fait l’objet d’un amendement et de prises de parole tout à fait explicites. Nous pouvons nous féliciter, à cet égard, que le décret en cours de préparation soit fidèle aux équilibres trouvés.

S’agissant de la contribution à la production indépendante, pilier de ce que nous défendons et que nous avions incluse dans le texte lors de la première lecture en commission, le Gouvernement s’est engagé à ne pas y intégrer les investissements des plateformes en parts de coproduction. Il s’agit d’un engagement salutaire si l’on ne veut pas déséquilibrer les relations entre les producteurs français et les grands acteurs internationaux.

Outre ces sujets, plusieurs amendements ont enrichi l’article en séance publique.

Un amendement du groupe La République en marche a ainsi affiné le périmètre de mutualisation de la contribution à la production des sociétés éditant plusieurs services. Le texte indique désormais avec précision que cette mutualisation pourra être effectuée au niveau d’un éditeur, d’un éditeur et de ses filiales ou d’un éditeur et des filiales de la société qui le contrôle. Dans le même esprit, l’amendement a rappelé que les contributions à la production d’œuvres cinématographiques, d’une part, et audiovisuelles, d’autre part, devront être prises en compte de façon distincte.

Enfin, un amendement du Gouvernement a élargi le champ de l’habilitation à la chronologie des médias. Passé un délai de négociation de six mois au maximum, et jusqu’à l’entrée en vigueur d’un tel accord au-delà de ce délai, un décret en Conseil d’État pourra déterminer la durée de chaque fenêtre d’exploitation. Il s’agit de donner les moyens à l’État de faire avancer les plateformes dans la chronologie des médias, contrepartie essentielle aux nouvelles obligations qui leur sont imposées, qui doivent s’exercer dans le respect des équilibres et des principes établis dans notre pays.

En définitive, je vous propose d’adopter conforme ces articles que nous avons largement enrichis en première lecture. Dans un moment extrêmement tendu, ils viendront en aide aux auteurs, aux artistes interprètes, au monde de la création et en particulier de la création audiovisuelle et cinématographique. Nous enverrons ainsi un signe extrêmement salutaire et significatif.

Mme Céline Calvez. L’article 24 bis transpose deux directives essentielles pour garantir le droit des auteurs et des artistes à une rémunération proportionnelle à l’exploitation de leurs œuvres, ce qui permettra in fine de mieux protéger leurs droits sur les plateformes de partage de contenus. Il traduit une victoire de la France, qui a toujours été au cœur des négociations, au niveau européen : Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, avait d’ailleurs défendu cet article dans l’hémicycle.

L’article 24 ter nous a permis de défendre la diversité culturelle française au travers de l’extension de la régulation assurée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) aux plateformes, et surtout de leur assujettissement tant attendu aux obligations de contribution au système français de soutien à la création, alors même qu’elles connaissent un fort succès en ce moment.

Nos débats, il y a quelques semaines, tant en commission que dans l’hémicycle, ont été riches. Nous avons pu faire valoir nos arguments et obtenir de véritables avancées répondant aux attentes exprimées par les auteurs, les artistes et les professionnels des médias ainsi que par les industries culturelles, accomplissant ainsi notre devoir de parlementaires.

En adoptant un amendement de la rapporteure portant sur les « irrépartissables juridiques », nous avons répondu à l’inquiétude que la décision de la Cour de justice de l’Union européenne avait suscitée. Pour prévenir les terribles conséquences que cette décision pouvait avoir pour le secteur, nous avons sécurisé les versements déjà effectués.

Nous avons également favorisé la mutualisation des obligations et permis que la chronologie des médias puisse faire l’objet d’aménagements, dans le cadre de cette transposition.

Le législateur a donc pleinement joué son rôle, en concertation avec le secteur et en confiance avec le Gouvernement, notamment avec la ministre de la culture à laquelle je veux témoigner du soutien du groupe La République en marche. Ses membres voteront à nouveau ce projet de loi qui assure l’indispensable transposition des directives, affirmant ainsi notre plein soutien à l’industrie audiovisuelle et cinématographique française dans la crise qu’elle traverse, pour assurer la pérennité de notre création et protéger nos entreprises, nos artistes et nos auteurs, bref, notre culture.

Mme Constance Le Grip. Nous avions déjà longuement débattu des articles 24 bis et 24 ter il y a quelques semaines, tant en commission qu’en séance publique. L’échec de la commission mixte paritaire nous oblige à remettre l’ouvrage sur le métier, ce que le groupe Les Républicains déplore fortement. Ses deux représentants avaient œuvré de la manière la plus constructive, la plus utile et la plus sereine possible pour trouver un accord avec nos collègues sénateurs. Précisons que c’est l’article 4 bis, introduit par le Sénat, qui a constitué la pierre d’achoppement empêchant la CMP d’être conclusive, et non les articles 24 bis et 24 ter.

Face à cette perte de temps, le groupe Les Républicains fera preuve du même sens des responsabilités et du même esprit constructif qu’en première lecture : cette fois encore, il votera le projet de loi autorisant le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnances les directives européennes « droit d’auteur », « services de médias audiovisuels » (SMA) et « câble et satellite », dont il souhaite également l’adoption conforme, afin d’aller vite.

Nous avons toujours œuvré pour la reconnaissance pleine et entière du droit d’auteur ainsi que pour la défense des droits des auteurs, des artistes et des créateurs face aux nouveaux entrants sur le marché audiovisuel et culturel, ce qui nous semblait appeler des mesures indispensables. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours voté, au sein des institutions européennes, en faveur de ces directives très importantes dont la transposition doit intervenir le plus rapidement possible, conformément à l’engagement pris par le Gouvernement d’en respecter la lettre et l’esprit.

Je m’inscris tout à fait dans la ligne des propos tenus par notre rapporteure pour avis. La question des « irrépartissables juridiques » a été utilement traitée lors de nos travaux au sein de l’assemblée : il importe de maintenir la version votée en première lecture.

Il faut, en allant vite, envoyer un signal positif aux différents secteurs intéressés par cette transposition. Nous ne nous déroberons pas et attendons que le Gouvernement soit également au rendez-vous et tienne tous ses engagements.

Mme Géraldine Bannier. Le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, résultat d’un dialogue constructif entre les deux chambres, est d’importance majeure. Je suis convaincue qu’il contribuera à améliorer la vie de nos concitoyens.

De fait, il comporte des avancées majeures sur de nombreuses thématiques, telles que l’adaptation du droit de la consommation à l’ère du numérique, l’amélioration de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales et la responsabilisation des plateformes de vente en ligne. Il permettra notamment de rendre plus efficace et plus rapide le droit de la concurrence et de moderniser le droit des communications électroniques.

Je me réjouis tout particulièrement de la transposition des directives « droit d’auteur » et « services de médias audiovisuels » révisée, qui nous permettra d’harmoniser nos pratiques avec celles de l’Union européenne, pour faire entrer par là même l’audiovisuel français dans le XXIe siècle, sous bien des aspects.

La directive « droit d’auteur » entend développer un nouveau dispositif permettant aux ayants droit de réellement faire valoir la nécessaire protection de leurs œuvres tout en respectant la capacité des utilisateurs de contester les mesures de blocage et de retrait. Il faut nous en féliciter, car la France fait preuve d’exemplarité en étant l’un des premiers États membres à la transposer.

Le groupe MODEM et Démocrates apparentés se réjouit également des apports introduits à la suite des discussions menées en commissions, tant dans la nôtre, saisie pour avis, que dans celle des finances et celle des affaires économiques. Le travail accompli au sein de notre commission a ainsi permis de préciser le champ d’habilitation des deux articles dont elle a été saisie au fond, et de sécuriser le régime des « irrépartissables juridiques » ainsi que de nouvelles dispositions sur la chronologie des médias. En commission des finances, les discussions ont permis de veiller à l’alignement des délais d’habilitation sur les délais de transposition, tandis qu’en commission des affaires économiques, les échanges ont contribué à apporter des clarifications rédactionnelles et juridiques.

Dans ce contexte, une des principales modifications a été la suppression de l’article 4 bis, disposition issue d’une proposition de loi de Mme Sophie Primas « visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace ». Ce retrait se justifie par le fait que l’article constituait un cavalier législatif mais aussi parce que l’Union européenne effectue un travail en ce sens et prend des engagements forts dans le cadre de l’élaboration du Digital Services Act.

Le groupe MODEM et Démocrates apparentés ne peut que regretter qu’aucun accord n’ait pu être trouvé avec le Sénat dans le cadre de la commission mixte paritaire. Sur ce projet de loi qui aborde des thématiques vastes et complexes, les débats fructueux menés au sein des deux assemblées ont témoigné de la volonté de nos groupes politiques d’adopter rapidement ce texte qui nous rassemble. Pour preuve, malgré la technicité et la sensibilité des dispositions envisagées, nos assemblées se sont retrouvées sur la quasi-totalité des sujets.

Seul l’article 4 bis portant sur la régulation des plateformes numériques a fait l’objet de désaccords : tandis que nous demandions sa suppression, le Sénat a souhaité que l’article soit intégré au projet de loi. Ce sujet prend une importance grandissante en cette période où nous sommes conduits à développer l’usage du numérique, nous en convenons. Dès lors, notre groupe préférerait que nous lui consacrions un véritable débat au sein de notre assemblée, plutôt que de l’aborder à l’occasion de l’examen d’un amendement adopté au Sénat. Nous appelons donc de nos vœux un débat approfondi, comme l’a fait le Sénat, sur un texte dédié aux problématiques que soulèvent les géants du numérique.

Dans cette attente, nous espérons que la nouvelle lecture ouvrira un dialogue constructif débouchant sur l’adoption de ce projet de loi auquel notre groupe apporte tout son assentiment.

M. Pierre-Yves Bournazel. Je partage pleinement les propos de Mme la rapporteure pour avis. Ce texte marque une étape cruciale sur le chemin de la défense et de la préservation de notre modèle d’exception culturelle. Je me réjouis que la France se soit battue pour faire adopter la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique en 2019. Elle s’est trouvée aux avant-postes, ce dont nous pouvons être fiers. Il s’agit, par ce projet de loi, de transposer les dispositions de la directive dans notre droit. Nous faisons partie des premiers pays à le faire et, là encore, nous pouvons nous en enorgueillir. Il était essentiel d’agir rapidement, compte tenu des délais de transposition.

Nous devons chérir et protéger notre exception culturelle ; nous devons soutenir et permettre le développement de tous les secteurs de la culture. Nous avons pu le constater dans le cadre de notre mission d’information sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique : les mutations, les usages et les déséquilibres liés à l’arrivée de nouveaux entrants très puissants s’accélèrent – la crise sanitaire mondiale l’a encore démontré. Faisant preuve d’esprit de responsabilité, le groupe Agir ensemble soutient, en la circonstance, le recours aux ordonnances.

Les équilibres trouvés par les deux assemblées sont satisfaisants et doivent être préservés. Je pense aux dispositions relatives à la rémunération supplémentaire des auteurs, lorsque la rémunération proportionnelle initialement prévue est « exagérément faible ». Les exigences de transparence imposées aux plateformes, les obligations de contribution au financement de la création nationale ainsi que la visibilité des œuvres françaises et européennes sont un très grand pas vers un partage plus juste de la valeur et la préservation de la diversité de la création. Nous pouvons être fiers d’inscrire au bilan de notre travail parlementaire la transposition de ces directives et l’entrée dans notre droit de plusieurs priorités en faveur de notre exception culturelle.

Mme Emmanuelle Anthoine. L’hiver dernier, nous avions travaillé sur la transposition des directives dont il est question ce soir. Lors de l’examen du projet de loi audiovisuel, nous étions parvenus à un texte d’équilibre sur de très nombreuses dispositions de ces directives. Le recours aux ordonnances entraine un certain flou sur les contours de la transposition qui sera effectuée. Madame la rapporteure pour avis, quelles garanties avons‑nous que les ordonnances préserveront les équilibres trouvés dans le texte du projet de loi adopté par la commission ?

M. Maxime Minot. Si la commission mixte paritaire n’a pas été conclusive, les articles 24 bis et 24 ter n’ont pas soulevé de difficultés particulières. La transposition de ces directives apparaît en effet essentielle pour le monde de la culture. Ces dispositions avaient été adoptées très largement en première lecture et le seront également, je l’espère, ce soir. Il en va de même pour le nouvel article 24 ter A, qui fait suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Je ne comprends pas le refus du Gouvernement et de la majorité présidentielle de prendre en compte l’ajout par le Sénat de l’article 4 bis, qui a constitué le principal point de blocage lors de la CMP. Les arguments qui ont été avancés ne m’ont absolument pas convaincu.

Par ailleurs, j’appelle à la plus grande vigilance quant à l’application de ces articles. Le projet de décret, qui fait l’objet d’une consultation publique, n’est pas sans poser de difficultés de mise en œuvre pour le CSA et se heurtera à de vives oppositions des plateformes. J’aimerais avoir votre avis, madame la rapporteure pour avis, sur ce projet de décret.

Mme Aurore Bergé, rapporteure pour avis. L’article 4 bis ne concerne pas directement notre commission, et l’échec de la CMP n’est lié en aucune façon aux articles que nous examinons aujourd’hui. Députés et sénateurs ont bien pris en compte l’urgence qui s’attache à la transposition et à l’application des directives.

La rapporteure au fond a principalement justifié le rejet de cette disposition par le fait que la France est actuellement engagée dans une négociation européenne. C’est un argument que nous avons déjà avancé lors de l’examen d’une proposition de loi du groupe MODEM et Démocrates apparentés – la négociation portait, à l’époque, sur les droits voisins du droit d’auteur. En effet, nous ne voulons pas que la législation française empiète sur les discussions européennes en cours. Cela ne nous a pas empêchés d’aboutir sur les droits voisins, puisque l’Union européenne a élaboré un texte que nous transposons. Le désaccord ne portait pas sur la nécessité d’avancer en matière de régulation des plateformes, mais sur les modalités et le rythme d’adoption des mesures en France et en Europe.

Je suis très attachée au respect des équilibres auxquels notre commission est parvenue dans le projet de loi audiovisuel, et à ceux qui ont été définis dans le cadre de nos discussions ultérieures. Les amendements que nous avons adoptés en commission et en séance publique, sur lesquels je suis revenue dans mon exposé liminaire, ont permis de préciser certaines dispositions. Nous avions souhaité concilier le principe de la rémunération supplémentaire, perçue, en particulier, par les artistes interprètes, et le respect de certains équilibres tels qu’ils sont définis, notamment, par le considérant 73 de la directive. Clément Beaune, qui représentait le Gouvernement, a pris des engagements très clairs, très explicites en ce sens dans l’hémicycle. Par ailleurs, nous avons adopté plusieurs amendements qui ont apporté des précisions sur ces questions.

Le projet de décret fait l’objet, depuis dix jours, d’une concertation avec l’ensemble des professionnels du secteur. Pour ma part, j’ai régulièrement échangé avec eux, en particulier sur l’opportunité de déposer des amendements pour préciser certains points. Compte tenu des retours du Gouvernement et des acteurs, au vu des avancées obtenues, je n’ai aucun doute sur le fait que les équilibres auxquels nous étions parvenus seront respectés. Je pense en particulier à la préservation de la production indépendante, qui est l’un des piliers sur lesquels repose notre modèle de production. Il n’y aura pas de parts de coproduction dans la production indépendante pour les grandes plateformes – c’est un sujet majeur, car c’est là qu’est créée la valeur.

Toutefois, même si nous avons réussi à garantir les équilibres, nous sommes tous conscients que ce seul projet de loi ne suffira pas. Les sujets que nous évoquons méritent, comme l’a dit la ministre de la culture lors de son audition récente par notre commission, que le projet de loi audiovisuel aboutisse sur les enjeux de la régulation – je pense à la fusion entre le CSA et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et à la lutte contre le piratage qui, malheureusement, risque de connaître un nouvel essor. L’importance de ces questions justifie que nous en débattions à nouveau en commission et en séance.

M. Stéphane Testé, président. La commission n’étant saisie d’aucun amendement, je vais mettre aux voix les trois articles sur lesquels nous sommes saisis pour avis.

La commission émet successivement, à l’unanimité, un avis favorable à l’adoption des articles 24 bis, 24 ter A et 24 ter, sans modification.

 

 

La séance est levée à dixhuit heures.

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