Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 Présentation du rapport de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire (Mme Barbara BessotBallot, Mme Michèle Crouzet et M. Richard Ramos, corapporteurs).              2

 Rendu du groupe de suivi des conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, corapporteurs).              2

– Informations relatives à la commission...................10

 


Mercredi
13 janvier 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 32

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président


  1 

La commission des affaires économiques s’est réunie, en visioconférence, pour présenter le rapport de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire (Mme Barbara Bessot-Ballot, Mme Michèle Crouzet et M. Richard Ramos, corapporteurs).

Ce point de l’ordre du jour ne fait pas l’objet d’un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/HjzMKU.

La commission a approuvé la publication du rapport d’information.

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Après avoir examiné le rapport de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, la commission des affaires économiques s’est ensuite réunie, en visioconférence, pour entendre le groupe de suivi sur les conséquences économiques du confinement (MM. Stéphane Travert et Julien Dive, co-rapporteurs). La réunion était consacrée au spectacle vivant et aux scènes privées, aux salles de cinéma et à l’événementiel.

M. Roland Lescure, président. Nous passons maintenant à la présentation des travaux du groupe de suivi des conséquences économiques du second confinement.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Notre groupe de suivi a poursuivi ses travaux la semaine passée, consacrant sa dernière série d’auditions à des acteurs du monde de la culture et du tourisme, qui sont des secteurs importants de notre économie : les professionnels du spectacle musical et de variété, des cabarets et des théâtres privés, les représentants des salles de cinéma, qui, avec plus de 2 000 établissements, emploient environ 15 000 personnes, dont de nombreux étudiants, et les acteurs des salons, congrès et autres évènements.

Hormis pour les salle de cinéma sur lesquelles je reviendrai, ces filières se sont retrouvées à l’arrêt quasi-total depuis la mi-mars. En effet, l’interdiction des spectacles musicaux en jauge debout, depuis le début, et la limitation des places assises à 1 000 personnes, après le premier confinement, n’ont permis qu’à un très faible nombre d’entreprises de redémarrer leurs activités pendant l’été. Le couvre-feu d’octobre a un peu plus compliqué leur situation, avant que le reconfinement ne stoppe tout. La filière estime avoir perdu jusqu’à 90 % de son chiffre d’affaires annuel sur 2020, soit un recul d’au moins 1,4 milliard d’euros ; et sa trésorerie est exsangue. En outre, elle considère avoir d’ores et déjà perdu le premier trimestre 2021 car, pour l’ensemble de ces professions, il faut compter les temps de remise en forme, de répétitions, les salles à réserver, les créneaux à bloquer, ainsi que les délais de communication et de promotion… Un mois, deux mois ou plus peuvent ainsi passer avant la première présentation. La filière sait aussi que les spectacles debout seront probablement les derniers autorisés à reprendre. 2021 apparaît donc, déjà, comme une mauvaise année si rien n’évolue, et si leurs aides venaient, de surcroît, à être dégradées, comme ils nous en ont alertés. Les professionnels considèrent que 51 % des entreprises du live sont déjà menacées et avec elles, 46 % des emplois permanents et 76 % des emplois intermittents du secteur.

Les cabarets – que l’on retrouve aussi dans nos territoires ruraux – n’ont été autorisés à faire jouer leurs artistes devant le public sans masque et sans distanciation que début septembre. Il leur a fallu un mois pour se remettre en état de marche, juste avant que le couvrefeu puis le reconfinement ne viennent tout arrêter également. Ils ont ainsi perdu environ 85 % de leur chiffre d’affaires ; certaines entreprises sont déjà en situation d’impayés et tout le secteur semble désespéré.

Quant aux théâtres privés, secteur important dans notre pays, presque toutes les représentations et les tournées ont été annulées depuis mars. La jauge imposée aux salles en août était en effet si réduite qu’elle interdisait la réouverture de nombreux établissements, faute de retour sur investissement suffisant ; et quand elle a été remontée à 50 % en septembre, les plus grandes salles ont été maintenues fermées. Tout est évidemment arrêté depuis le reconfinement. Les pertes de recettes se situeraient entre 143 et 162 millions d’euros, soit 65 % du chiffre d’affaires annuel du secteur. Mais pour certaines salles, ces pertes représenteraient jusqu’à 85 % du chiffre d’affaires.

Les pertes ont même été aggravées pour les cabarets et les théâtres qui se sont préparés en septembre à leur réouverture avortée, car les dépenses engagées à ce titre n’étaient pas compensées par les aides publiques et n’ont pas, ou peu, généré de recettes. Certains acteurs estiment que leurs pertes sur cette période sont deux fois plus élevées que s’ils n’avaient pas repris leur activité.

De même, les métiers de l’événementiel n’ont plus qu’une activité marginale, voire nulle, depuis le début de la crise, même si seuls les sites réceptifs sont fermés administrativement. Les pertes économiques pour les opérateurs de l’évènementiel, ainsi que pour les acteurs locaux du tourisme, sont estimées à près de 36 milliards d’euros entre mars et décembre. Quant aux entreprises exposantes, elles pourraient avoir perdu jusqu’à 29 milliards d’euros de chiffre d’affaires en l’absence des ventes et des contrats qu’elles réalisent dans ces salons et ces congrès. La filière a, en tout état de cause, perdu 80 % de son chiffre d’affaire annuel. Selon un sondage, on pourrait s’attendre au dépôt de bilan de près d’une entreprise sur deux si la situation continue ainsi jusqu’au mois de mars. Cela entraînerait la disparition de 40 000 emplois directs et aurait des impacts sur 400 000 emplois indirects – notamment dans l’hôtellerie, secteur pour lequel l’événementiel procure une nuîtée sur deux en France.

Les professionnels considèrent que leur filière est en train de s’écrouler, alors qu’elle était l’un des leaders mondiaux du secteur. En effet, beaucoup d’acteurs étrangers – des secteurs culturels et sportif, pour les Jeux olympiques notamment – s’adressaient à nos sociétés d’évènementiel, dont l’expertise était reconnue au niveau mondial. Ils voient notamment leurs concurrents étrangers s’empresser d’attirer leurs clients habituels – c’est la loi du marché. Ce processus pourrait s’accélérer avec les délais qu’exige la réorganisation des évènements. Les plus importants demandent en effet au moins 12 mois de préparation à compter du moment où le Gouvernement leur donnera un feu vert.

Les cinémas enfin, qu’ils soient privés ou qu’ils appartiennent à des municipalités, ont pu reprendre une activité entre le 23 juin et le 28 octobre. Mais entre l’absence des films américains (qui constituent 50 % des films diffusés dans notre pays, contre environ 40 % pour les productions françaises, ce qui est en soit une spécificité), le couvre-feu et les réticences des spectateurs, la fréquentation a tout de même chuté de 60 % par rapport à son niveau habituel – sachant que la fréquentation des cinémas était au plus haut en 2019, avec 215 millions d’entrées. L’ensemble de l’année 2020 n’atteint que 65 millions d’entrées et le chiffre d’affaires s’est effondré de 1 milliard d’euros, à rapporter aux 1,4 à 1,5 milliard d’euros de gains de l’année précédente. Cependant, même si une fréquentation de seulement 40 % pendant la période de réouverture n’a pas suffi pas à les faire vivre, les cinémas restent convaincus de la nécessité de rouvrir, pour le moral de nos concitoyens, de leurs personnels, et pour contrer le développement et la concurrence des plateformes de films en ligne (Netflix, OCS, Disney, etc.). Je les ai interrogés sur l’évolution des comportements des consommateurs ; elle leur semble évidente. La chute des recettes des cinémas ébranle non seulement les salles – menaçant l’existence de nombreuses petites salles dans nos territoires –, mais aussi l’ensemble de l’industrie cinématographique française. Car sur les billets (qui coûtent en moyenne 6 à 7 euros, avec les réductions de tarifs pour les jeunes, les étudiants, etc.) est perçue la taxe spéciale additionnelle (TSA), qui constitue ordinairement 42 % des financements apportés aux productions françaises par le Centre national du cinéma et grâce à laquelle notre industrie cinématographique fait partie du Top 5 mondial.

Tous ces acteurs ont dit leur fragilité et leurs inquiétudes, et ont exprimé un certain sentiment d’injustice dès lors qu’ils mettent en œuvre des protocoles sanitaires exigeants. En effet, dans un cinéma par exemple, vous rentrez par une porte et ressortez par une autre, vous regardez tous dans la même direction, et mainenant vous portez tous un masque… Les professionnels contestent donc que leurs locaux soient plus risqués qu’une grande surface commerciale ou les transports en commun, ou des salles municipales où sont accueillis des écoliers en garderie... Les filières auditionnées se sentent donc pénalisées par rapport à d’autres activités, voire « sacrifiées ». Plusieurs organisations ont alors saisi le Conseil d’État de recours en référé-liberté, qui ont été examinés le 23 décembre dernier. De fait, s’il confirme le maintien de la fermeture de tous les lieux culturels au vu de la dégradation de la situation sanitaire et du risque d’aggravation à court terme, le Conseil d’État a indiqué que dans un contexte plus favorable, leur fermeture au public porterait une atteinte grave à plusieurs libertés.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. Malgré leur fragilité, leur inquiétude et leur sentiment d’injustice, exprimés par l’ensemble des secteurs auditionnés, les filières restent évidemment tout à fait conscientes des menaces sanitaires actuelles. Mais elles espèrent – comme nous tous d’ailleurs – une réouverture progressive dès que la situation s’améliorera. Elles savent que cela se fera à des rythmes différents selon les secteurs. Certaines filières ont réfléchi aux différentes hypothèses : si aucune ne souhaite attendre que les gestes barrière deviennent inutiles pour rouvrir, pour les théâtres et plus encore pour les cabarets, une jauge à 50 % sans bar ni restauration serait trop éloignée de leur seuil de rentabilité. De manière générale, les scènes privées n’envisagent pas de rouvrir en jauge réduite sans des aides adaptées, leur modèle économique nécessitant un taux moyen de remplissage de leurs salles de 80 % pour atteindre son équilibre. Ce taux d’équilibre se situerait à 70 % pour les spectacles musicaux.

Par ailleurs, hormis les cinémas, toutes les autres filières soulignent que la relance de leurs activités impose un temps de préparation, de répétition et de commercialisation qui prend de un à plusieurs mois, jusqu’à plus d’un an pour les très grands projets, temps pendant lequel elles doivent à la fois investir et payer des personnels sans percevoir encore de recettes et sans plus bénéficier du chômage partiel ni de la plupart des aides. Or, les acteurs nous disent qu’aujourd’hui, la majorité de leurs entreprises n’ont plus la trésorerie nécessaire pour avancer ces dépenses et se seront déjà fortement endettées pour résister à la crise.

Aussi, les acteurs du spectacle vivant, les théâtres, les cabarets et les métiers de l’événementiel demandent au Gouvernement une meilleure visibilité sur leurs perspectives de réouverture (au moins leurs conditions, à défaut de date précise – qui serait compliquée à fixer puisqu’on ne connaît pas l’évolution future de la crise sanitaire). Cela leur permettrait d’anticiper la reprise effective de leurs représentations. Les professionnels souhaitent pouvoir construire ce futur avec le Gouvernement.

Les cinémas sont, évidemment, tout autant demandeurs d’un horizon pour sortir de la forme de dépression actuelle comme des menaces économiques pesant sur de nombreux exploitants.

Tous insistent sur la nécessité d’être soutenus jusqu’à leur réouverture administrative, mais également pendant leur période de préparation à la reprise effective de leurs prestations.

Tous les acteurs auditionnés ont reconnu la rapidité et l’importance des aides financières du Gouvernement. Leurs entreprises ont été, jusqu’à présent, préservées d’une fermeture définitive grâce aux énormes efforts de l’État et des régimes sociaux.

D’ailleurs, si les activités événementielles ne relèvent que des dispositifs généraux (avec, cependant, l’inscription de l’organisation des salons, des congrès et des autres événements sur la liste S1 du Fonds de solidarité), les autres filières bénéficient d’aides sectorielles qui complètent utilement les aides de droit commun. Elles leur sont allouées par le Centre national du cinéma, le Centre national de la musique et l’Association de soutien des théâtres privés.

Mais les professionnels nous ont fait savoir leurs regrets sur certaines limites de ces aides et appréhendent leurs évolutions à venir.

Par exemple, la distinction entre les listes S1 et S1 bis aboutit à exclure plus de la moitié des acteurs de l’événementiel des aides renforcées du Fonds de solidarité, voire l’ensemble des aides de ce fonds, alors qu’ils sont aussi fortement impactés par l’annulation des événements qu’ils préparent et traitent.

L’aide en matière d’activité partielle des intermittents serait aussi nettement insuffisante, laissant un important reste à charge pour les « congés spectacle ». Au demeurant, les professionnels s’inquiètent beaucoup d’une diminution de la prise en charge des indemnités de chômage partiel, qui pourrait intervenir à partir de février, pour les entreprises non directement fermées administrativement, quand bien même la quasi-totalité de leur activité est liée à un établissement fermé. Toutefois, le Gouvernement serait revenu sur cette question en début de semaine.

Les acteurs observent, par ailleurs, que les différents mécanismes de compensation des pertes de billetterie (dans le spectacle vivant, les scènes et les cinémas) ne sont déclenchés que s’il y a spectacle. Le système oblige alors à rembourser ces avances si les représentations sont annulées, même s’il s’agit d’une décision d’autorité et que des dépenses ont été engagées.

Quant au nouveau crédit d’impôt pour les représentations théâtrales d’œuvres dramatiques, créé par la loi de finances pour 2021, certains de ses critères exclueraient de fait de nombreuses productions.

Les acteurs sont sensibles, en outre, aux différences de traitement entre professions : ils ne comprennent pas les promesses faites aux seuls restaurateurs, qui n’ont pourtant pas subi près de 10 mois de fermeture ; ou l’exclusion des cabarets du crédit d’impôt Spectacle vivant, alors que leurs spectacles mêlent plusieurs des disciplines concernées ; ou encore la plus grande générosité des aides du Centre national de la musique par rapport à celles distribuées par l’Association de soutien des théâtres privés.

Enfin, les acteurs auditionnés partagent presque tous les constats suivants :

– D’abord, les charges des loyers et des emprunts en cours continuent à peser très lourd, et ce problème structurel reste, à leurs yeux, sans solution ;

– Ils soulignent d’ailleurs leur incapacité à moyen terme à rembourser les PGE (prêts garantis par l’État). Le ministre de l’économie a bien déclaré, lundi, envisager de décaler du 1er mars 2021 au 1er mars 2022 les échéances pour les hôtels, les restaurants, le monde du sport et de la culture. Mais il a omis de mentionner l’événementiel – nous devrons le réinterroger sur ce point ;

– Les filières déplorent également que les aides actuelles ne soient pas adaptées aux PME les plus importantes, parce qu’elles en sont exclues ou que les plafonds sont trop faibles. Or, dans l’évènementiel, la fragilisation des grands acteurs français pourraient avoir des conséquences néfastes sur le rayonnement international de nos grands salons ;

– Enfin, comme cela a déjà été dit, les acteurs auditionnés insistent sur la nécessité, vitale, que les dispositifs d’aide actuels soient prolongés jusqu’à fin juin ou fin décembre, non seulement pour qu’ils puissent encore résister à la crise persistante, à la prolongation de leur fermeture, mais aussi pour les accompagner quand ils relanceront leur activité, jusqu’à ce qu’ils retrouvent des rentrées d’argent suffisamment viables.

Au regard de leurs difficultés déjà vives, certains souhaiteraient même des compléments d’aide pour couvrir leurs charges d’exploitation résiduelles. Les cabarets et les théâtres privés évaluent ce besoin à au moins 60 millions d’euros ;

Mais le plus important pour tous est que ces dispositifs tiennent compte de la différence entre le calendrier de réouverture des lieux et celui de la reprise effective des spectacles, c’est-à-dire du temps de préparation.

Nous attirons particulièrement l’attention du Gouvernement, et de nos collègues, sur ces enjeux communs, soulignant l’extrême fragilité des secteurs auditionnés, en dépit d’aides publiques substantielles, et leur besoin d’une meilleure visibilité sur leurs perspectives d’avenir.

Une concertation plus poussée – sur les critères, le rythme et les exigences envisageables pour des réouvertures de leurs activités et sur l’accompagnement public mobilisable – pourrait aider ces filières à se projeter plus aisément dans une relance future, malgré l’imprévisibilité encore importante de la crise sanitaire. C’est une demande forte des secteurs rencontrés.

Je vous remercie pour l’attention que vous avez montrée aux notes hebdomadaires de notre groupe de travail.

M. Roland Lescure, président. Sincèrement, merci pour votre travail tout au long de ces semaines.

Mme Graziella Melchior (LaREM). Merci à mon tour pour cette présentation très précise. Votre travail est précieux pour dresser un bilan et identifier les pistes d’amélioration nécessaires pour soutenir les secteurs du spectacle vivant, les scènes privées, les cinémas et les acteurs de l’évènementiel. Car le bilan est sans appel : les pertes de chiffre d’affaires en 2020 sont immenses, jusqu’à plus de 80 %. Mais ce bilan va au-delà de l’économie ; la crise sanitaire nous a montré à quel point la culture est essentielle pour lutter contre la morosité ambiante et pour l’animation territoriale. Privés de culture, les citoyens français souffrent et nos entreprises se sentent délaissées, voire oubliées par le Gouvernement. Pourtant, oubliées, elles ne le sont pas : les mesures transversales d’aide ainsi que les soutiens sectoriels ont eprmis de sauvegarder les entreprises culturelles. Cependant, elles sont nombreuses à demander des améliorations : le renforcement du dispositif d’activité partielle pour les intnermittents, la demande de prolongation des aides existantes ou encore l’adaptation du calendrier du remboursement des PGE, que vous avez évoquée.

Une entreprise de son et lumière de ma ciconscription, Audiolive, sollicite aussi l’exonération des cotisations sociales, comme lors du premier confinement, et va plus loin en demandant que les aides du Fonds de solidarité soient calculées non sur le chiffre d’affaires mais sur le montant des charges. Vous indiquez qu’une concertation plus poussée sur les critères, le rythme et les exigences envisageables pour des réouvertures pourrait aider ses filières à se projeter plus aisément dans une relance future ; je suis entièrement d’accord. J’aimerais évoquer le festival du bruit à Landerneau, qui réunit chaque année des milliers de festivaliers. Son organisateur privé, non subventionné, Régie scène, m’a fait part de l’angoisse du secteur dont l’activité dépend à 99 % de la billetterie et donc de la confiance du public. Si un calendrier de reprise n’est pas établi rapidement, le compte de résultats sera encore plus catastrophique qu’en 2020. Cette entreprise culturelle n’est pas la seule à m’avoir sollicitée ; et je sais que chacun de mes collègues l’a aussi été. Malgré l’imprévisibilité encore importante de la crise sanitaire, c’est un appel à la transparence qui est lancé. Les acteurs attendent des annonces claires, même si elles sont négatives, dès février pour s’organiser au mieux en vue de cet été.

Mme Marie-Noëlle Battistel (Soc). La présentation des rapporteurs est très complète ; je vais surtout me faire écho du sentiment général dans ma circonscription : comme cela a été évoqué, les acteurs font part de beaucoup d’incompréhension, et ressentent parfois du mépris pour leurs professions dans cette notion d’« activités non essentielles ». Enfin, les rapporteurs ont largement décrit la situation économique, les pertes de chiffre d’affaires, les nombreuses menaces de fermeture définitive d’établissements… Comme pour le secteur des stations de ski qui m’est cher, il faut de la visibilité, pour pouvoir anticiper et s’organiser. Je sais bien que l’exercice est extrêment difficile et complexe dans la situation que nous connaissons. Mais ils préfèrent savoir que la fermeture sera prolongée avec une assurance claire sur leur réouverture. Un travail avec eux est également important : déjà engagé par la minsitre de la culture, il doit être poussé, précis et partagé pour que les dispositifs mis en  place soient mieux compris.

M. Roland Lescure, président. Vous l’avez dit : on souhaiterait donner une meilleure visibilié à tout le monde ; malheureusement, ce virus apporte presque chaque jour de nouvelles surprises, nous conduisant à naviguer parfois au plus près des évolutions.

M. Antoine Herth (Agir ensemble). Je voudrais d’abord saluer le travail de nos deux rapporteurs, chaque semaine et aujourd’hui encore sur le secteur de la culture et du spectacle qui nous tient à cœur et qui devrait, selon moi, être considéré comme un élément d’équilibre psychologique vital pour nos concitoyens. Sa situation m’inquiète particulièrement. Au-delà des chiffres de leurs pertes, la fermeture des lieux culturels a aussi un impact très négatif sur l’ensemble de la population que nous devons prendre en compte. Mon groupe souhaite aussi que l’on puisse donner de la visibilité à ces acteurs, que soit engagé un travail sur la définition de jauges acceptables pour l’ouverture des théâtres, des cinémas et des autres lieux culturels, comme les musées, et que l’on puisse – comme dans un certain nombre de pays voisins – mettre l’accent sur des équipements de ventilation locale. Ce serait un élément important pour s’inscrire dans une maîtrise durable de la pandémie. Car on ne se débarrassera pas si facilement du virus ; je pense que même le vaccin ne règlera pas tout. Mais profitons de cette période d’inactivité pour accompagner ces secteurs dans l’installation de tels équipements. Cette piste me semble devoir être creusée.

Une question plus précise enfin concernant le secteur du cinéma : les chiffres donnent le tournis s’agissant des pertes de chiffre d’affaires, mais s’agissant aussi des pertes de créativité de la production nationale. Nos rapporteurs ont-ils pu mesurer les écarts qui se creusent entre le secteur que l’on peut qualifier de traditionnel et le cinéma sur internet, avec des opérateurs comme Netflix qui ont pu continuer à travailler et à diffuser leurs œuvres ?

Il me semble assister à un phénomène similaire à celui observé dans le secteur du commerces, avec le développement de la vente en ligne.

Mme Christine Hennion. Je remercie nos rapporteurs d’avoir mis ce sujet à l’ordre du jour : nous sommes en effet plusieurs à le suivre depuis des mois, car il s’agit d’une filière qui est particulièrement en détresse. J’ai participé aux auditions, et je souhaite faire quelques remarques complémentaires.

Le monde de la culture et de l’événementiel est touché par des chutes de chiffre d’affaires d’un facteur supérieur à dix : nous passons de plusieurs milliards d’euros à quelques centaines de millions, ce qui impacte l’ensemble de l’économie. Comme l’a mentionné notre collègue M. Stéphane Travert, dans la filière événementielle, des entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont fragilisées. Il est vrai que les aides ont jusqu’ici été nettement orientées vers les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).

Nous avons beaucoup parlé de sauvegarde, mais il faut aussi penser à la relance. Le groupe de travail a auditionné le président-directeur général de l’entreprise Laval Virtual, qui a organisé 75 salons virtuels et qui organisera le salon nautique virtuel au mois de mars. Que pensent les rapporteurs de cette évolution vers les salons virtuels ? Nous avons parlé de la plateforme Netflix pour le cinéma, mais il y a aussi l’événementiel virtuel, et si la France doit y prendre sa place, c’est maintenant qu’il faut le faire.

M. Thierry Benoit. J’ai plusieurs choses à dire. En premier lieu, je suis convaincu que les mesures d’aide et d’accompagnement financier mises en œuvre par l’État sont exceptionnelles. J’échange intensément avec le président du tribunal de commerce d’IlleetVilaine, qui a rendu hier son rapport d’activité : les mesures d’activité partielle, le Fonds de solidarité et les prêts garantis par l’État, c’est exceptionnel, il faut le redire. Il y a cependant une nuance à apporter. Je ferai un parallèle avec les primes accordées au titre de la politique agricole commune (PAC) : certains en bénéficient grandement, mais pour d’autres ces dispositifs ne sont pas adaptés, par exemple en fonction de l’âge, de la situation géographique, ou de la nature de l’exploitation. Mais si des ajustements sont possibles, ces mesures demeurent nécessaires.

En deuxième lieu, certaines mesures sont perçues comme des brimades et des humiliations. Pour ce qui concerne les restaurants, il faut se poser des questions sur le sens qu’il y a à demander aux routiers ou aux professionnels du bâtiment d’acheter leur gamelle et d’aller la manger dans la salle communale. Cela n’a aucun sens ! La Creuse s’est déjà adaptée : il faut autoriser les routiers à s’installer aux tables des restaurants, tout en gardant des distances de sécurité, comme ce que nous faisons ici à l’Assemblée nationale.

Ce sont des mesures de bon sens. Je me réjouis qu’on ait retrouvé la raison en ce qui concerne les cultes, mais nous pourrions avoir les mêmes mesures en ce qui concerne les cinémas, avec une ouverture conditionnée à l’occupation d’un siège sur trois seulement.

Enfin, il y a eu hier, lors de la séance des questions au Gouvernement, beaucoup de questions posées sur la jeunesse et la solitude et la déprime qu’occasionnent le confinement et le couvre-feu. Je suis surpris de voir que les chaînes de télévision généralistes ne font pas d’effort sur la programmation qu’elles proposent. Je pense aux personnes seules, aux personnes âgées : aucun effort n’est consenti par les chaînes généralistes pour adoucir cette période difficile.

J’aimerais que la commission des affaires économiques puisse faire des propositions et interpeller les ministres compétents sur plusieurs sujets, dont la vigilance sur l’ajustement des accompagnements financiers, les mesures de bon sens à mettre en œuvre, ou encore des efforts spécifiques à demander aux chaînes généralistes.

M. Roland Lescure, président. Une telle contribution est prévue, après la dernière session de présentation du groupe de travail, qui aura lieu le mercredi 3 février. Nous collationnerons les notes et élaborerons un rapport, avec quelques mesures clefs, que portera la commission. Ce rapport sera remis aux ministres concernés, comme cela avait été le cas pour les groupes de travail du printemps.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je précise que nous ferons une sélection de nos propositions : il vaut mieux des propositions ciblées qui seront reprises, comme l’avaient été, au printemps dernier, les préconisations du groupe de travail sur l’agriculture par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

En ce qui concerne les cinémas et les plateformes de vidéo à la demande (VOD), il est vrai que le cinéma français souffre, puisqu’une perte d’un milliard d’euros (Md€) sur un chiffre d’affaires habituel de 1,5 milliard, c’est considérable. Cependant, en comparaison avec les cinémas de nos partenaires allemand, britannique, néerlandais, notre industrie s’est un peu mieux sortie d’affaire. La raison en est que, chez nous, si le cinéma américain constitue 50 % des films diffusés, les films français en représentent 40 %. La proportion de films en provenance des États-Unis est bien plus élevée chez nos voisins, si bien que, même lorsqu’ils ont été en capacité d’ouvrir leurs salles, aucun film n’arrivait, alors qu’en France, des films français étaient proposés.

En ce qui concerne les plateformes, une crainte existe concernant la fermeture de salles. Les Français sont plus réticents à aller dans les salles. Et les comportements dans la consommation des films changent : ainsi la plateforme Netflix est-elle passée de 167 millions d’abonnements mondiaux en début 2020 à 200 millions d’abonnements à la fin de l’année. Après le premier confinement, on a mesuré une hausse de 40 % des achats de films en VOD. Même si un champion français devait émerger, un vrai risque persiste pour les cinémas physiques, qui font travailler des techniciens, des personnels à l’accueil, du personnel de ménage. Ces personnes sont menacées.

M. Stéphane Travert, co-rapporteur. En matière d’événementiel, la France a une place particulière dans l’organisation des grands salons internationaux. Une crainte partagée par tous concerne le déplacement vers d’autres pays de ceux qui se tiennent habituellement à Paris. D’autres capitales à portée mondiale font des démarches pour les attirer.

La profession de l’événementiel demande pour cette raison de la visibilité sur les conditions de la reprise. Ses représentants ont été reçus lundi dernier par le ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Il faut que ce travail de concertation se poursuive.

Dans le même temps, certaines entreprises se sont lancées dans les salons virtuels avec un certain succès, comme l’a mentionné Mme Hennion. Il faut faire en sorte que ces salons virtuels puissent demeurer des vitrines de ce que la France est capable d’apporter en termes d’organisation de salons. Ces acteurs français peuvent et doivent prendre des places importantes sur ce marché.

Il faut trouver un compromis équilibré entre les avantages des salons virtuels et la résilience économique des sociétés prestataires dans l’organisation d’un salon. Je ne pense pas qu’il faille tout transformer en virtuel, ce qui aurait des conséquences néfastes sur un très grand nombre d’emplois.

Pour ce qui concerne les propositions que nous tirerons de nos travaux, nous ciblerons les actions les plus importantes, pour lesquelles nous verrons avec le Gouvernement comment parvenir à des résultats. Certaines difficultés demeurent, en ce qui concerne les assurances, les stocks, la problématique des codes d’activité principale (APE) ou de la nomenclature d’activité française (NAF) pris comme références dans l’attribution des aides, et la situation des acteurs culturels et de l’événementiel.

Il est important de prioriser nos réflexions sur ce qui reste comme difficultés, car certains des problèmes ont été résolus en cours de route.

M. Julien Dive, co-rapporteur. Je citerai aussi le débat qu’il y a eu pendant le projet de loi de finances sur le crédit d’impôt sur les représentations d’œuvres dramatiques. Plusieurs acteurs des théâtres et cabarets nous ont expliqué que les critères peuvent les rendre inaccessibles à plusieurs d’entre eux, du fait du lieu d’exploitation ou du nombre minimum d’artistes exigés. Il faudra veiller à ce sujet et faire des propositions.

M. Roland Lescure, président. Nos co-rapporteurs présenteront un rapport final le mercredi 3 février. Nous recevrons le jeudi 11 février le ministre de l’économie, des finances et de la relance, et nous lui ferons d’ici là, avec les co-rapporteurs du groupe de travail, un courrier pour lui présenter les principales propositions de la commission.

 

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Informations relatives à la commission

En prévision de l’audition, en application de l’article 13 de la Constitution, de Mme Laure de la Raudière, personnalité que le Président de la République envisage de nommer aux fonctions de présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), la commission a désigné M. Philippe Bolo, membre du groupe Modem, comme rapporteur sur cette proposition de nomination.

 

En vue de son examen en commission le mercredi 20 janvier prochain, trois rapporteurs ont été nommés sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale (n° 3661 rectifiée) :

 M. Loïc Dombreval comme rapporteur général de cette proposition de loi, chargé du chapitre Ier ;

 M. Dimitri Houbron, en tant rapporteur chargé du chapitre II ;

 Mme Laëtitia Romeiro-Dias, comme rapporteure chargée des chapitres III et IV.

Une mission d’information commune à la commission des affaires économiques, la commission des lois ainsi qu’à la commission des finances sur les entreprises en difficulté du fait de la crise sanitaire est créée. Cette mission est composée de 23 membres. Pour la commission des affaires économiques, ont été nommés :

 pour le groupe La République en Marche : Mmes Sophie Beaudouin-Hubiere, Typhanie Degois, Christelle Dubos et Anne-Laurence Petel ;

 pour le groupe Les Républicains : MM. Éric Pauget et Robert Therry ; 

 pour le groupe Modem : M. Richard Ramos;

 pour le groupe AGIR ensemble : M. Philippe Huppé ;

 pour le groupe La France insoumise : M. François Ruffin. 

Enfin, un groupe de travail « visant à accompagner la mise en place du nouveau service universel des communications électroniques » est créé. Il sera conduit par Mme Célia de Lavergne.