Compte rendu

Commission
des affaires économiques

 ..................................Audition de Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.              2

 Informations relatives à la commission...................18


Mercredi
14 avril 2021

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 56

session ordinaire de 2020-2021

 

 

Présidence
de M. Roland Lescure,
Président


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La commission des affaires économiques a auditionné, en visioconférence, Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Grande cause du quinquennat, l’égalité entre les femmes et les hommes me tient à cœur, notamment pour ses enjeux économiques ; j’avais ainsi défendu quelques avancées en la matière dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE.

Madame la ministre déléguée, vous illustrez ce que sont les Françaises et les Français de l’étranger, dont je suis le représentant pour l’Amérique du Nord. Vous avez vécu en Afrique, vous avez notamment dirigé les opérations de Hewlett-Packard à Johannesburg. Je vous interrogerai donc sur la manière dont les Français de l’étranger peuvent vous aider à faire avancer les causes qui relèvent de votre portefeuille : l’égalité entre les femmes et les hommes et, plus largement, la lutte contre les discriminations.

L’Assemblée nationale examinera prochainement la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes, déposée par les membres des groupes La République en Marche, Mouvement démocrate et démocrates apparentés, et Agir ensemble. Mme Marie-Pierre Rixain, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a été nommée rapporteure de cette proposition de loi, qui sera examinée au fond par la commission des affaires sociales. Même si elle ne relève pas formellement des compétences de la commission des affaires économiques, je ne doute pas que certains des membres de notre commission vous interrogeront à ce sujet. Plusieurs articles concernent les entreprises, notamment la place des femmes dans leurs équipes de direction. La France, qui a fait des pas de géant s’agissant des conseils d’administration, reste en retard pour les conseils de direction.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Je suis ravie d’être parmi vous, à double titre : d’abord parce que je ne connais pas encore tous les membres de cette magnifique commission dont M. Roland Lescure ne cesse de me dire qu’elle fait un travail remarquable, ensuite parce que les sujets qui nous réunissent sont éminemment importants, non seulement pour moi, en tant que ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi, plus généralement, pour l’égalité et la justice sociale dans notre pays. Ils sont à la lisière de nombreux enjeux et débats qui traversent notre société ; ils sont structurants et, j’en ai l’intime conviction, ils contribueront à façonner le visage de la France de demain.

L’égalité entre les femmes et les hommes et l’égalité des chances ont pour dénominateur commun la quête de la justice sociale, enjeu brûlant d’actualité tant la période troublée que nous traversons met les femmes, les personnes les plus précaires et les jeunes à rude épreuve. Nous, responsables politiques, devons nous en saisir avec la plus grande détermination, alors que l’angoisse et la résignation empoignent une grande partie de nos concitoyens.

La crise sanitaire, dont la parenthèse n’est malheureusement pas encore refermée, aura peut-être une vertu : avoir mis en scène un monde où l’économie est subordonnée à une autre dimension, la préservation de la vie, quoi qu’il nous en coûte.

Le Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. Elle est un combat de longue haleine encore inachevé. Chaque jour, je rencontre des femmes et des associations qui luttent pour elle, et je me rends compte que nous sommes confrontés à un défi culturel dont l’égalité professionnelle est une composante majeure. Gisèle Halimi affirmait que l’indépendance économique des femmes est la clé de leur libération ; pour prolonger son propos, je dirai qu’elle est la voie la plus sûre vers l’égalité que nous appelons toutes et tous de nos vœux.

Je viens du monde de l’entreprise : j’ai passé les trente dernières années dans le secteur du BTP, puis dans celui de la tech, où les femmes ne sont pas légion – c’est un euphémisme. J’ai croisé le sexisme, les plafonds de verre et l’invisibilisation, des maux auxquels les femmes restent encore confrontées en France en 2021. Ce ne sont pas que des mots mais bien des réalités, vécues, ou plutôt subies, par beaucoup de nos concitoyennes.

La situation est paradoxale : on n’a jamais autant parlé et agi en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes mais, restons lucides, on avance encore très lentement. Les chiffres parlent d’euxmêmes : de 27 % globalement et de 9 % à poste équivalent, les écarts de rémunérations sont à des niveaux très élevés. En 2018, les femmes ne représentaient que 27 % des dirigeants d’entreprise, 15 % des dirigeants de très petites entreprises, et 30 % des créateurs d’entreprise – 12 % dans le secteur de la tech. La même année, elles étaient 30 % à travailler à temps partiel, contre à peine 8 % des hommes – je parle évidemment du temps partiel subi, qui a un impact sur leur situation économique.

Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes n’est malheureusement pas encore derrière nous. Or, en exprimant ses attentes avec beaucoup de conviction, la nouvelle génération de femmes nous oblige à accélérer.

La loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, dite Copé-Zimmermann, a eu un effet plutôt positif sur la parité au sein des conseils d’administration puisqu’en dix ans, nous sommes passés de 10 % à 45 % de femmes dans ces conseils, ce qui fait de la France le premier pays en Europe à promouvoir cet enjeu avec force et courage. L’index de l’égalité professionnelle a également joué un rôle essentiel. Pour autant, les femmes continuent d’être confrontées à un véritable plafond de verre qui les exclut trop souvent des autres instances de direction, où les décisions sont véritablement prises.

Les faits sont têtus : parmi les entreprises qui composent l’indice boursier SBF 120, douze ne comptent aucune femme au sein de leur plus haute instance de direction et neuf en comptent moins de 10 %. Ainsi, le SBF 120 demeure hélas un boys’ club en costumes gris. Il est en fait la face émergée d’une réalité française qui touche les entreprises de toutes tailles.

Pour autant, ces inégalités ne sont pas une fatalité. Avec mes équipes et avec le Gouvernement, je me demande chaque jour ce que nous devons faire pour aller plus vite et plus loin, comment faire pour que la parité ne soit plus une exception mais devienne la règle.

L’index de l’égalité professionnelle créé par le Gouvernement en 2018 pallie une partie de ces injustices. Il concerne toutes les entreprises d’au moins cinquante salariés. Son obligation de transparence est bien intégrée et commence à porter ses fruits. Les résultats de la campagne 2021 montrent cependant qu’il reste beaucoup à faire : seules 2 % des entreprises ont obtenu la note de 100/100, qui devrait pourtant être la norme, et 43 % d’entre elles ne comptent qu’une seule femme ou aucune parmi les dix plus hautes rémunérations.

Face à cette situation, il est nécessaire de redoubler d’efforts pour accomplir les progrès qu’il reste à réaliser. Les entreprises doivent se doter d’objectifs mesurables et mesurés car ce que nous ne comptons pas ne progresse pas et ne se transforme pas. Avec Mme Élisabeth Borne et M. Bruno Le Maire, nous sommes résolument déterminés à avancer plus rapidement. Oui, je plaide pour des quotas dans les instances de direction. Non, exiger la parité n’est pas quémander la charité. La parité est un atout compétitif tout autant qu’un facteur d’attractivité.

Je me réjouis que l’Assemblée nationale, à travers Mme Marie-Pierre Rixain et la majorité, se soit saisie de cette question. L’émancipation économique des femmes réside aussi dans le soutien à l’entrepreneuriat féminin. Ayant commencé ma carrière en créant une entreprise, je sais les difficultés auxquelles les femmes peuvent parfois se heurter.

Pour favoriser l’entrepreneuriat féminin, la loi PACTE a notamment permis de protéger les femmes d’artisans, de commerçants ou d’indépendants, grâce à la réforme du statut de conjoint collaborateur. L’accès aux financements restant l’un des principaux freins, Bpifrance figure parmi les cinquante-six fonds d’investissement ayant signé en 2019 avec le collectif Sista une charte visant à ce que, à l’horizon 2030, 30 % des financements, soit deux fois plus qu’aujourd’hui, soient attribués à des start-up féminines.

Dans ma vie antérieure en entreprise, j’ai observé que l’un des obstacles majeurs à l’entrepreneuriat est la difficulté d’accès à une solution de garde pour les enfants. Avec                        M. Adrien Taquet, nous avons réduit le coût des assistantes maternelles et des nounous, en particulier pour les femmes seules avec enfants, en augmentant de 30 % le montant du complément de libre choix du mode de garde. Nous renforçons aussi le soutien à la création de nouvelles places de crèches dans les quartiers par une majoration des aides aux communes, effective depuis le 1er janvier 2021. Ces mesures vont dans le sens d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle.

L’année 2020, qui a été particulière, semble malheureusement s’étirer en 2021. La crise sanitaire a mis en lumière la nécessité d’aider les femmes à s’émanciper. Les femmes sont particulièrement présentes dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la propreté, de l’alimentation et de la distribution, où les métiers sont souvent faiblement rémunérés, insuffisamment valorisés et parfois précaires. Elles ont été aux avant-postes – et elles le sont encore aujourd’hui – dans les EHPAD, les écoles, les hôpitaux, les grandes surfaces et les métiers de la propreté. Malheureusement, la crise a plongé nombre d’entre elles dans la précarité, mais elle n’a été qu’un miroir grossissant d’une réalité qui existait avant la covid-19. Les femmes sont davantage victimes de la pauvreté que les hommes ; elles sont surreprésentées dans les métiers peu qualifiés, gagnent moins que leurs homologues masculins, même à compétences égales, et occupent plus fréquemment des emplois en contrat précaire. Les mères sont plus souvent isolées que les pères : 85 % des familles monoparentales sont composées d’une femme avec enfants et 700 000 d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté.

Pour en finir avec les impayés de pensions alimentaires, qui pèsent pour près de 20 % dans le budget des familles monoparentales, M. Adrien Taquet et moi-même avons créé un nouveau service public des pensions alimentaires. Géré par la Caisse d’allocations familiales (CAF), il est ouvert depuis le 1er janvier 2021 à tous les parents séparés.

Par ailleurs, pour mieux valoriser le rôle primordial des personnels de santé, donc des femmes soignantes, M. Olivier Véran a pris des mesures importantes, annoncées dans le cadre du Ségur de la santé, notamment la revalorisation des salaires des aides-soignants et des infirmiers, qui sont majoritairement des femmes. Le second volet de ces dispositions a été dévoilé hier. S’il faut toujours se garder de verser dans l’autosatisfaction, je crois que ces mesures d’ampleur, très volontaristes, jamais prises auparavant, améliorent la vie des femmes.

La pandémie et ses conséquences, notamment le confinement, ont accru l’inégalité de la répartition des tâches au sein du foyer. Or les inégalités à l’intérieur du domicile et leurs répercussions à l’extérieur ont un impact sur la culture de l’égalité. La culture de l’égalité en actes, c’est, par exemple, l’allongement de la durée du congé paternité, que nous avons portée de quatorze à vingt-huit jours. Beaucoup en avaient parlé, ce Gouvernement l’a enfin fait !

Si l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat, l’égalité des chances doit en être le fil rouge. Avant de revenir sur les actions du Gouvernement en la matière, je vous lis quelques lignes, que vous connaissez tous mais qui m’inspirent au quotidien dans ma tâche : « Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé ». Ce sont les mots qu’Albert Camus, tout juste auréolé du prix Nobel de littérature, a adressés à son professeur Louis Germain. L’instituteur de la rue Aumerat d’Alger s’était aperçu très vite des qualités de M. Camus, et il avait décidé de l’accompagner alors même que la mère de l’enfant était illettrée. Louis Germain aura été la chance de la vie de Camus. Ce miracle républicain, dont l’homme de lettres se souviendra toute sa vie, est celui que nous devons encourager dans notre pays. L’histoire entremêlée d’Albert Camus et de Louis Germain est l’illustration que la République peut changer des vies.

Pourtant, comme l’a rappelé le Président de la République lors de son discours pour le cent cinquantième anniversaire de la proclamation de la République, « l’égalité des chances n’est pas encore effective aujourd’hui ». Pour de multiples raisons, l’égalité reste un principe et non une réalité pour bon nombre de nos concitoyens. C’est pourquoi le Gouvernement s’est mobilisé dès le début du quinquennat pour s’attaquer aux inégalités à la racine, notamment par la création des internats d’excellence, qui seront installés dans chaque département d’ici à 2022, par la mise en place des cordées de la réussite et par le versement d’une aide exceptionnelle à l’emploi qui vise, dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », à accompagner chaque jeune sur le marché du travail. À cela s’ajoutent de nombreuses mesures concrètes : le plan d’investissement dans les compétences, qui a permis de former plus d’un million de demandeurs d’emploi et de jeunes peu ou pas qualifiés ; le plan « talents du service public » déployé par Mme Amélie de Montchalin ; le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » lancé par Mme Sarah El Haïry et M. Thibaut Guilluy ; la mission sur l’équité territoriale confiée par le Premier ministre à                 M. Saïd Ahamada.

À la suite de l’engagement pris par le Président de la République le 4 décembre 2020, le Gouvernement a créé une plateforme de lutte contre les discriminations. Confiée au Défenseur des droits, accessible au 3928 et sur le site antidiscrimination.fr, elle est destinée à lutter contre une certaine banalisation des discriminations qui nous conduit parfois à accepter l’inacceptable.

Le 8 avril 2021, nous avons lancé avec M. Marc Fesneau la grande consultation citoyenne annoncée par le Président de la République pour lutter contre ce fléau. Accessible sur le site consultation-discriminations.gouv.fr, elle est pilotée par mon ministère mais mobilise, depuis décembre 2020, l’ensemble du Gouvernement. Elle est ouverte à tous jusqu’au 31 mai. Je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, ainsi que sur l’ensemble des citoyens, des associations, des entreprises et des collectivités locales, pour y participer. Ce grand moment de démocratie participative, de débat, de dialogue et de réflexion sur une question qui intéresse tout un chacun pourra apporter des solutions concrètes pour lutter contre ces injustices. En plus d’être des injustices individuelles, ces discriminations sont des entorses à nos valeurs républicaines qu’il nous faut absolument conjurer.

Vous l’aurez compris, mon ministère a en son cœur l’Égalité avec un « É » majuscule. En cette période tourmentée, notre tâche reste immense et les réponses à apporter sont multiples. Pour cela, le Gouvernement et la majorité sont sur le pont.

Derrière chaque crise se dresse une opportunité. Celle qui s’offre à nous aujourd’hui nous invite à construire un monde plus inclusif, plus juste et plus égalitaire. Je sais pouvoir compter sur vous pour être à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés.

M. le président Roland Lescure. Merci, Madame la ministre déléguée, pour votre intervention à la fois volontariste, ambitieuse et pleine d’enthousiasme.

Mme Laurence Gayte (LaREM). Le 10 mai prochain, l’Assemblée nationale examinera la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle entre les hommes et les femmes. Déposé symboliquement le 8 mars dernier, ce texte s’inscrit dans la continuité du travail mené par la délégation aux droits des femmes. Il s’est construit dans le cadre de la mission d’information « Travailler, entreprendre, gouverner : accélérer l’égalité économique et professionnelle ».

Même si les études démontrent que les entreprises où la parité est appliquée sont les plus performantes, les femmes demeurent encore trop souvent absentes de certains secteurs ou des postes de direction.

Par ailleurs, 44 % de femmes estiment que l’échec de leur entreprise s’explique par un manque de financement. Pour lever ces freins, la proposition de loi propose d’instaurer des objectifs de mixité, notamment pour les financements accordés par Bpifrance.

Si les objectifs de la loi Copé-Zimmermann ont été atteints, son effet de ruissellement sur les postes de direction n’a pas été à la hauteur de nos espérances. La proposition de loi fixe donc aux entreprises de plus de 1 000 salariés un objectif de féminisation progressive des postes à responsabilité : 30 % à cinq ans et 40 % à huit ans. Ce texte vise aussi à réserver des places de crèche aux enfants de femmes célibataires, pour que ces dernières puissent retrouver plus facilement un emploi. Il impose également le versement des salaires et prestations sociales sur le compte des personnes concernées afin d’éviter les détournements par le conjoint.

Par ailleurs, la crise de la covid-19 invite à s’interroger sur la mutation de l’emploi féminin. La crise des services affecte fortement les femmes, souvent en première et deuxième lignes. Je réaffirme que les quotas, la formation continue et l’« égaconditionnalité » de la commande publique sont des moteurs efficaces de changement.

Je connais votre engagement contre le plafond de verre et je tiens à souligner l’importance, pour notre groupe, dans la lignée de l’index de l’égalité professionnelle, de lever les freins à l’égalité économique qui subsistent encore.

Quelles sont les solutions pour réduire les inégalités économiques entre les femmes et les hommes et atteindre enfin une égalité réelle ? Quels dispositifs votre ministère met-il en œuvre et quels engagements pouvez-vous prendre pour l’avenir ?

M. David Corceiro (MoDem). Madame la ministre déléguée, le 26 janvier dernier, vous déclariez : « La promesse d’égalité s’est peu à peu fissurée. Elle s’est peu à peu lézardée sous le poids de la progression des inégalités ». Face à la défiance de la jeune génération à l’égard de nos institutions, comment lui redonner confiance dans des principes républicains d’égalité auxquels elle ne croit plus ?

Le dispositif « 1 jeune, 1 mentor » annoncé le 1er mars par le Président de la République vient renforcer le plan « 1 jeune, 1 solution » et s’inscrit dans la continuité du combat que nous menons pour l’égalité des chances. Le mentorat doit être un moyen privilégié dans la lutte pour l’égal accès à l’emploi. Ce projet emporte donc mon entière adhésion. Il soulève toutefois quelques interrogations : comment les 30 millions d’euros d’investissements seront-ils répartis ? Quelle part sera attribuée aux associations spécialisées ? Les entreprises partenaires bénéficieront-elles d’un avantage fiscal ? Comment ce dispositif sera-t-il concrètement mis en œuvre ?

S’agissant des jeunes en décrochage scolaire et, plus généralement, des jeunes sans activité, je m’interroge quant à la portée réelle de ce projet. D’une part, hors de tout cadre institutionnel, ces jeunes prendront difficilement connaissance de l’existence de ce dispositif. D’autre part, ils ne se tourneront pas naturellement vers lui si nous ne les y poussons pas. Pourtant, ils en sont bien le cœur de cible. Comment s’assurer qu’ils compteront parmi les 200 000 jeunes mentorés en 2023 ?

Dans la même perspective de l’égal accès à l’emploi, l’accès aux aides sociales doit être dans notre viseur. Aide personnalisée au logement (APL), aide au logement étudiant, aides versées par la région, aide au mérite, aide au permis de conduire, tarifs réduits pour le transport en commun qu’on retrouve sur le site de la région, du département ou de la municipalité, prêts étudiants, garantie emploi, caution locative étudiante (CLE) : la plupart de ces dispositifs sont recensés sur des plateformes différentes, et il devient difficile de s’y retrouver. La CLE a par exemple été supprimée et remplacée par la garantie Visale, mais l’ancienne plateforme est toujours en ligne. N’est-il pas envisageable de simplifier la demande d’accès aux aides et de regrouper ces dernières en développant davantage la plateforme messervices.etudiant.fr ?

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Madame la ministre déléguée, nous vous savons particulièrement attentive à la défense des droits des femmes, à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences faites aux femmes.

Le 21 juin 2019, l’Organisation internationale du travail (OIT) adoptait la convention n° 190 visant à mettre fin à la violence et au harcèlement dans le monde du travail. La France a été l’un des premiers pays à annoncer sa volonté de la ratifier, dès le 21 juin 2019, par la voix de Mme Muriel Pénicaud, alors ministre du travail. Le 25 novembre 2020, Mme Élisabeth Borne réitérait cet engagement. Pour ce faire, il est évidemment nécessaire qu’un projet de loi de ratification soit examiné au Parlement. La Commission nationale consultative des droits de l’homme avait appelé à le faire avant la fin de l’année 2020, mais cette ratification est toujours en attente. Elle est pourtant essentielle – une travailleuse sur trois a été victime de harcèlement sexuel au travail, selon une enquête de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) –, d’autant que cette convention est assortie d’une recommandation n° 206 invitant les membres de l’OIT à faire davantage pour éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail.

Pouvezvous nous expliquer les difficultés d’application de cette convention dans les collectivités d’outre-mer ? Certains États membres de l’Union européenne seraient par ailleurs opposés à la ratification, et il y aurait un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne : pouvez-vous nous préciser les choses ? Alors que notre pays dispose des plus hauts standards juridiques en matière de lutte contre le harcèlement au travail, pouvez-vous enfin nous confirmer que le Gouvernement est prêt à procéder à la ratification et nous en indiquer le calendrier ?

M. Olivier Falorni (LT). Vous avez lu un extrait de l’une des plus belles lettres qui ait été écrite dans notre République française, celle d’Albert Camus à son enseignant. Cela parle évidemment à l’ancien professeur que je suis et à beaucoup d’enseignants, parce que le plus beau des salaires, la plus belle des récompenses, est la réussite de nos élèves, notamment quand ils viennent des milieux les plus défavorisés et qu’on les voit accéder à l’excellence. Cette lettre formidable résume l’ambition de la République. Tous ceux qui ont lu La gloire de mon père se rappellent le fameux concours des bourses. Sans être passéiste, il faut retrouver l’esprit qui animait les fondateurs de la IIIe République. Vous avez évoqué le « miracle républicain », et je comprends ce que vous entendez par ce terme, mais la réussite ne doit pas être un miracle mais l’expression du mérite. Merci d’avoir fait référence à cette ambition à travers cette lettre, qui en est la plus belle des illustrations.

Quand vous avez évoqué l’égalité des chances, il m’est venu en tête l’annonce récente de la suppression de l’École nationale d’administration (ENA) et de son remplacement par l’Institut des services publics. On parle beaucoup des conséquences en aval de l’ENA et de l’endogamie qui pourrait affecter le fonctionnement de notre système administratif. L’amont me préoccupe davantage : comment faire pour qu’une école aussi prestigieuse que l’était l’ENA et que le sera l’Institut des services publics soit un lieu de brassage, que des jeunes filles et des jeunes hommes venus de tous les milieux sociaux puissent l’intégrer ? Avez-vous l’ambition que cette école soit vraiment ouverte à toutes et à tous ?

Mme Bénédicte Taurine (FI). Je m’étonne qu’un seul article de la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle porte sur la publication des résultats des entreprises s’agissant de l’index de l’égalité professionnelle. Pourtant, des déficiences ont été relevées. Ainsi, l’index existant déjà depuis trois ans, n’est-il pas excessif d’accorder aux entreprises une marge d’erreur de 5 % ? Par ailleurs, si deux indicateurs concernent les augmentations, ils ne prennent pas en considération leur montant et ils seraient donc satisfaits si une entreprise augmentait d’un euro seulement une salariée. Qui plus est, l’indicateur sur l’égalité salariale ne prend pas en considération les salariés en temps partiel et l’index ne comptabilise pas davantage les femmes ayant des bas salaires. Aucune entité ne contrôle la véracité des données remontées : les entreprises s’auto-notent. Ne pensez-vous pas que cette proposition de loi pourrait être renforcée ?

Lors de son audition par la délégation aux droits des femmes, Mme Christine Lagarde a considéré que le quota de 40 % de femmes dans les 10 % de postes à plus haute responsabilité prévu par la proposition de loi ne serait pas efficace car il permettrait toujours aux entreprises de ne pas nommer des femmes aux réels postes de pouvoir, c’est-à-dire aux dix plus hauts postes dans les comités exécutifs et les comités de direction. C’est pourquoi Mme Lagarde préconise des quotas plus affinés. Quel est votre avis ?

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame Gayte, je me réjouis que les parlementaires de la majorité se soient emparés du sujet de l’accélération de l’égalité économique et professionnelle. Je sais combien Mme Marie-Pierre Rixain est passionnée par cette question, qu’elle traitera avec toute l’expérience et l’expertise qu’elle a acquises en tant que présidente de la délégation aux droits des femmes. Le Gouvernement travaille en étroite collaboration avec la majorité et nous nous prononcerons le 11 mai sur chacune des mesures de la proposition de loi.

Je suis à votre écoute et je soutiens toutes les initiatives efficaces qui iront dans le sens de l’égalité professionnelle et de l’émancipation économique des femmes. Je suis en particulier favorable aux objectifs chiffrés, aux quotas, qui sont la meilleure façon de parvenir à une meilleure représentation des femmes dans les instances de direction des entreprises. On m’oppose parfois la méritocratie, mais c’est justement parce que cette dernière fait partie de nos valeurs que nous devons fixer ces objectifs chiffrés. Les femmes sont éduquées, formées, capables et compétentes. Ce qui leur manque, ce sont les occasions d’exprimer leurs capacités et leurs compétences : c’est bien pourquoi je suis favorable aux quotas.

Il faut toujours garder à l’esprit la protection des femmes, qui sont les plus touchées par la crise. Souvent, quand on parle des quotas, on ne voit que les femmes dans les postes de direction ou les cadres, mais cela doit concerner toutes les femmes, y compris dans les métiers malheureusement moins bien considérés mais essentiels que sont ceux de l’éducation, de la santé, des EHPAD et de la propreté. Nous avons besoin de ces métiers pour que notre pays fonctionne correctement, et nous devons les reconnaître à leur juste valeur. Il faut accompagner ces femmes, en particulier celles qui ont la charge d’une famille monoparentale, qui doivent pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. Je remercie une nouvelle fois Mme Marie-Pierre Rixain d’en avoir tenu compte dans ses propositions.

Monsieur Corceiro, je le dis avec la plus grande humilité du monde, je ne serais pas à la place qui est la mienne si je n’avais pas bénéficié du mentorat, si je n’avais pas rencontré sur le chemin de ma vie cahoteuse des personnes qui m’ont tendu la main et montré l’étendue des possibles, qu’il s’agisse des études qu’il était possible de faire ou des emplois auxquels je pouvais aspirer. L’excellent dispositif « 1 jeune, 1 mentor » est un appel à projets qui s’adressera directement aux associations du mentorat pour les aider à changer d’échelle en passant de 30 000 à 100 000 jeunes mentorés. Ce projet très ambitieux répondra à un double objectif : aider les jeunes les plus défavorisés, laissés au bord de la route, à avoir d’autres perspectives de vie, et favoriser la mixité sociale, en faveur de laquelle trop peu a été fait. Les mentors ont réussi, ils connaissent les chemins du succès : aussi le pont que nous pouvons créer est-il bénéfique.

Mme Frédérique Vidal a fait beaucoup pour les étudiants, dont on sait combien ils souffrent de cette crise, de même que leurs professeurs. Je pense notamment aux déjeuners et dîners à 1 euro, ou encore aux chèques d’accompagnement psychologique. Il faut encore simplifier le système des bourses de l’enseignement supérieur – je sais que Mme Vidal s’y est engagée.

S’agissant de l’objectif de diversité sociale et territoriale dans l’enseignement supérieur, un comité piloté par M. Martin Hirsch a fait des propositions, dont j’espère que nous nous saisirons. La chance de réussir se donne dès le plus jeune âge : il faut donc accompagner les plus jeunes pour qu’ils ne soient pas laissés sur le bord de la route.

Monsieur Falorni, j’ai un immense respect pour les professeurs : ils ouvrent des perspectives à des jeunes qui n’en ont aucune dans leur vie familiale parce qu’ils ne sont pas entourés de personnes qui ont eu la chance d’étudier. Oui, le corps professoral sauve des vies quand il est impliqué dans l’émancipation et le développement de la jeunesse.

Je crois à l’expression du mérite. Plus nous permettrons aux professeurs de s’occuper correctement de la jeunesse, plus nous aurons de jeunes en mesure de réussir leur vie. Je suis un pur produit de l’école républicaine ; mon plus grand rêve est que de plus en plus d’enfants bénéficient de ce modèle extraordinaire dont on ne se salue pas suffisamment l’impact dans notre pays.

Dans l’annonce du Président de la République, j’ai moins vu la suppression de l’ENA qu’une transformation en profondeur de la gestion des carrières. Il importe que notre administration soit représentative de notre pays, de toutes les classes sociales, de toutes les origines. Nous sommes là pour servir notre pays et, si nous ne sommes pas à son image, nous manquerons des étapes dans le service que nous devons à nos concitoyens.

Le plan « talents du service public », les cordées de la réussite, les bourses du talent et les 15 % de places réservées aux concours sont autant d’exemples de la volonté du Gouvernement non seulement que l’administration ressemble à notre pays, mais aussi que nous donnions à tout le monde la chance de réussir. Je me réjouis de la manière dont Mme Amélie de Montchalin s’est saisie non seulement de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais aussi de celle de l’égalité des chances.

Madame Taurine, l’index de l’égalité professionnelle a commencé à porter ses fruits. Ayant eu la chance de travailler sur quatre continents et de connaître d’autres systèmes de mesure de l’égalité, je sais que nous sommes très en avance : nous devons être fiers que la France soit considérée comme le premier pays en Europe pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Pourquoi ? Parce que la loi Copé-Zimmermann nous a permis d’arriver à 40 % de femmes dans les conseils d’administration et parce que l’index de l’égalité professionnelle, pour la première fois, force les entreprises à considérer la réalité de l’égalité en leur sein. Cela nous a permis de voir qu’il reste beaucoup à faire et cela a instauré une transparence qui n’existait pas. Il est essentiel que toutes les entreprises de plus de cinquante salariés appliquent correctement ce dispositif.

La proposition de loi de Mme Marie-Pierre Rixain renforce cette transparence. Il faut aussi étendre l’obligation de publication des sous-indicateurs afin que les entreprises ne se cachent pas derrière certains critères pour obtenir la note qui va bien et oublient le reste. Parce que toutes les femmes sont concernées, il ne faut pas s’intéresser qu’aux entreprises de plus de mille salariés mais aller jusqu’à celles de cinquante salariés.

Pour avoir longtemps travaillé dans le monde de l’entreprise, je sais qu’il faut stabiliser les mesures pour qu’elles fonctionnent. Au moins cinq ans seront nécessaires pour nous assurer que l’index de l’égalité professionnelle porte ses fruits. Il ne faut pas le déstabiliser en ajoutant des éléments, mais nous assurer que chaque entreprise publie ses résultats, que celles dont l’index est en dessous de 75 % publient leur plan d’action et que l’on contrôle et mesure la progression de ces plans. C’est ce qui nous permettra d’obtenir un résultat satisfaisant.

Nous discuterons de l’ambition des quotas lors de l’examen de la proposition de loi. J’ai énormément échangé avec les chefs d’entreprise depuis ma prise de fonction. Je connais bien les pierres d’achoppement, je les ai subies, je sais ce qui fonctionne et ce qui dysfonctionne.

Je veux souligner la bonne volonté d’un grand nombre d’entreprises. Cependant, le fait que douze entreprises du SBF 120 ont une seule femme dans leur comité exécutif et leur comité de direction voire même n’en ont aucune prouve la mauvaise volonté de certaines, et je suis très en colère contre elles. Si elles sont prêtes à se passer de 52 % de leurs clients, qu’elles le disent ! J’échangerai avec elles pour comprendre pourquoi elles en sont là mais je ne serai certainement pas prête à entendre qu’elles ne trouvent pas les viviers. Il est essentiel de mettre en avant les femmes brillantes afin d’aider les entreprises récalcitrantes, qui sont parfois de mauvaise foi, à trouver les candidates qu’elles prétendent ne pas voir.

La question qu’a posée Mme Battistel est importante. On peut faire des effets de manche et parler à l’envi de l’égalité entre les femmes et les hommes, mais si on ne s’attaque pas à la violence sexiste, sexuelle, physique et mentale que subissent les femmes, on n’arrivera pas à régler le problème. J’étais heureuse que nous traitions cette question lors du Grenelle des violences conjugales dont sont issues 46 mesures. Si vous ne vous sentez pas en sécurité et pensez que vous pouvez mourir juste parce que vous êtes une femme, si vous êtes violée juste parce que vous êtes une femme, si vous subissez l’inceste juste parce que vous êtes une femme, comment envisager les autres possibilités ? La pyramide de Maslow le montre : pour commencer à vous attaquer à des sujets de fond, il faut d’abord que vous vous sentiez en sécurité.

Nous savons qu’il y a beaucoup de harcèlement au travail, mais de nombreuses femmes n’osent pas parler parce qu’elles ont peur de perdre leur travail, que l’auteur du harcèlement a souvent des responsabilités importantes, qu’elles n’osent pas s’attaquer à lui, qu’elles se considèrent comme trop petites, qu’elles estiment qu’elles ne seront pas crues ou entendues. L’une de mes premières discussions a été avec le chef d’une entreprise qui avait été sous le feu des projecteurs parce qu’après des années d’omerta à propos d’agressions, ces dernières avaient fini par être révélées. Je me réjouis que la parole se libère, que l’on accepte de moins en moins ces injustices. Il faut continuer à encourager les femmes à parler pour que l’omerta disparaisse. La journaliste Marie Portolano a réalisé Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, un documentaire sur les agressions dont les journalistes sportives sont victimes au quotidien. Cette parole doit être accompagnée. La France a été à l’initiative et demeure très mobilisée sur cette question.

Le projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 190 de l’OIT sera présenté en mai en conseil des ministres. Il est important que cette ratification soit prochaine car on ne devrait plus avoir à en parler.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere. Merci, Madame la ministre déléguée, pour votre enthousiasme et votre engagement.

Je commencerai en interpellant notre microcosme : nous parlons très régulièrement de l’égalité femmes-hommes mais en nous tournant vers les entreprises alors que nous devrions regarder notre nombril. Cette assemblée s’est beaucoup féminisée mais, bien souvent, les hommes occupent les postes de premier plan. Hier après-midi, en séance publique, lors du débat ayant suivi la déclaration du Gouvernement relative à l’organisation des prochaines élections départementales et régionales, un boys’ club en costumes bleus ou gris a trusté la tribune, avec dix hommes sur onze intervenants, la seule femme étant là par le truchement du tirage au sort. Nous devrions donc aussi nous interroger sur le fonctionnement de notre assemblée.

La commande publique peut et doit être un moteur de l’égalité professionnelle. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes permet d’interdire l’accès aux contrats de commande publique aux entreprises qui ne respectent pas les exigences d’égalité professionnelle. L’index de l’égalité professionnelle donne une vision des pratiques des entreprises aux acheteurs publics, qui peuvent vérifier si elles respectent les règles. Néanmoins, la réalité du terrain nous montre que l’attribution des marchés publics reste grandement définie par le prix.

Malgré les chiffres encourageants de l’évolution de l’égalité entre les sexes dans le secteur privé, il n’est pas certain que toutes les entreprises prétendant aux marchés publics soient capables de respecter strictement le volet « parité » des exigences d’égalité professionnelle. Certains secteurs comme ceux des travaux publics – que vous connaissez bien – ou de l’énergie manquent cruellement de représentation féminine à tous les niveaux.

Quels moyens seriezvous prête à utiliser afin d’inciter les acheteurs publics à une meilleure prise en considération de l’objectif de développement durable n° 5 dans les critères d’attribution des marchés publics ?

M. Jean-Luc Lagleize. Madame la ministre déléguée, je salue l’énergie que vous déployez au quotidien en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances.

Notre société est fracturée de toute part et, alors que nous nous prononcerons le mois prochain sur la proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Rixain visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, il paraît donc indispensable d’accroître nos efforts pour améliorer l’inclusion et lutter contre les discriminations.

Je veux vous interroger sur l’inclusion des personnes LGBT au travail. Si d’immenses progrès restent à accomplir pour atteindre l’égalité femmes-hommes dans le monde professionnel, il en est de même pour toutes les formes de diversité. Je pense ici aux orientations sexuelles et aux identités de genre : les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres souffrent encore trop souvent du regard des autres, voire d’homophobie dans les cas les plus graves, lors de l’embauche ou au sein de certaines entreprises. Il paraît donc crucial de mieux prendre en considération cet enjeu et de travailler plus étroitement avec les employeurs, leurs fédérations et les syndicats pour promouvoir la tolérance, l’inclusion et le partage de bonnes pratiques afin d’améliorer la visibilité et le quotidien des personnes LGBT au travail. Des associations comme L’Autre Cercle travaillent avec volonté et acharnement en ce sens : je souhaiterais donc connaître votre ambition en la matière.

Vous connaissez mon engagement personnel sur ces sujets. Je vous apporte mon soutien plein et entier pour vous aider à faire évoluer les mentalités et promouvoir les valeurs de respect, d’humanisme et de diversité dans toute notre société.

Mme Anne-Laurence Petel. Ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere l’a fait avant moi, mais je m’apprêtais aussi à vous faire remarquer la succession des costumes gris, hier dans l’hémicycle, qui était assez éloquent.

Madame la ministre déléguée, vous avez rapidement évoqué les conséquences de la crise que nous traversons sur l’emploi des femmes. Deux phénomènes inquiètent particulièrement.

Je veux d’abord parler de l’impact des mesures de confinement sur la carrière des femmes, car ces dernières assument la majorité des tâches domestiques, qui ont pesé assez lourd, notamment avec la fermeture des écoles pendant le premier confinement.

Je déplore également le risque de régression inédite de l’égalité femmes-hommes que souligne la Fondation des femmes dans l’étude qu’elle a publiée le 29 mars sur les conséquences de la pandémie, de la crise et de la relance sur l’emploi des femmes. Ainsi, 70 % des femmes estiment que le confinement les pénalisera dans leur carrière. Elles sont surexposées aux emplois précaires, notamment avec le temps partiel subi ; elles seront par conséquent surreprésentées dans les destructions d’emplois que l’on peut anticiper. Les emplois en première ligne face à la crise ont été et sont majoritairement féminins. En effet, 87 % des infirmiers, 91 % des aides-soignants, 97 % des aides à domicile et des aides ménagers, 73 % des agents d’entretien, 76 % des caissiers et des vendeurs, 71 % des enseignants sont des femmes.

Ce rapport montre aussi que le plan de relance fait craindre une amplification des inégalités entre les femmes et les hommes, simplement parce que les secteurs d’avenir, particulièrement l’industrie du numérique, sont encore trop masculins. Selon l’étude, seuls 20 % des montants alloués aux plans de relance sectoriels, soit 7 milliards d’euros sur 35 milliards, sont affectés à des emplois occupés par des femmes.

Comment pourrions-nous ajuster et calibrer le plan de relance pour faire reculer les inégalités femmes-hommes au travail, face à l’emploi et face aux salaires ?

Mme Michèle Crouzet. Merci Madame la ministre déléguée pour vos propos liminaires très éclairants. Vous pouvez compter sur mon soutien total dans vos missions.

On ne peut que se réjouir que la proposition de loi de Mme Marie-Pierre Rixain arrive prochainement dans l’hémicycle.

Déclarée grande cause du quinquennat par le Président de la République, l’égalité entre les femmes et les hommes a connu plusieurs avancées majeures ces dernières années, notamment grâce à la création de l’index de l’égalité professionnelle. Toutefois, ce dispositif, comme d’autres, concerne au premier chef les grandes entreprises, le plus souvent situées dans les grandes villes et les métropoles. Dans l’évolution vers une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, les territoires les plus ruraux se sentent ainsi quelque peu délaissés, alors même que le rôle des femmes y est absolument fondamental, que ce soit dans les exploitations agricoles, dans les commerces de proximité ou par leur participation à l’économie rurale, plus informelle.

Dans le seul secteur agricole, les femmes représentent plus de 110 000 chefs d’exploitation, 25 000 collaboratrices et 95 000 salariées. Pourtant, dans ces territoires, les inégalités hommes-femmes sont nombreuses, notamment dans l’accès à l’emploi ou à des formations adéquates, les contraintes de mobilité ou l’éducation au numérique.

Dans ce contexte, quelles seront vos actions pour lutter contre les inégalités femmes-hommes, favoriser l’entrepreneuriat féminin, améliorer l’insertion et l’accès à la formation des femmes, ou encore promouvoir l’égalité des salaires dans les petites structures économiques des territoires ruraux, où la majorité des entreprises comptent moins de dix salariés ?

Mme Graziella Melchior. Madame la ministre déléguée, je vous remercie pour votre engagement et pour l’hommage que vous avez rendu aux enseignants, moins peut-être parce que je suis moi-même enseignante que parce que j’ai profité tout au long de mon parcours de conseils et de soutien.

La crise sanitaire, économique et sociale a ravivé le débat sur la trop faible rémunération de professions d’une grande utilité sociale. Ces premiers de cordée sont souvent des femmes dont le travail quotidien est d’utilité publique mais est peu valorisé financièrement.

En mai 2020, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a appelé à lutter contre la précarisation du travail féminin. Il suggère notamment la revalorisation sans délai des grilles d’évaluation et des systèmes de classification des emplois majoritairement occupés par des femmes dans les secteurs du soin, de l’enseignement et du lien social – secteurs sur-sollicités tout au long de la crise sanitaire.

Dans un rapport sur le partage de la valeur au sein des entreprises que M. Dominique Potier et moi-même avons présenté en décembre 2020, nous avons considéré qu’un nouvel élan devait être donné au dialogue social s’agissant de la revalorisation des bas salaires. Cette revalorisation devra également passer par deux autres leviers essentiels de l’action publique : la diminution des inégalités salariales entre les femmes et les hommes et la réduction de la précarisation de l’emploi.

Une réflexion sur le partage de la valeur au sein des entreprises, notamment entre les femmes et les hommes, est attendue par les Français, en particulier par ceux qui travaillent. Un réel engagement existe au sein de l’Assemblée nationale, et je salue le travail de ma collègue Marie-Pierre Rixain ainsi que sa proposition de loi. À l’échelle gouvernementale, quelles sont les pistes de travail pour agir dans le sens d’un meilleur partage de la valeur entre les femmes et les hommes au sein des entreprises ?

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Madame la ministre déléguée, je vous félicite pour le volontarisme qui se dégage de vos propos.

La question de l’égalité n’est pas franco-française : elle se pose dans tous les pays, en particulier en Europe, et elle appelle des mesures volontaristes.

À ce titre, la présidence portugaise du Conseil de l’Union européenne a fait une priorité de l’instauration du socle européen des droits sociaux, dont une part est réservée à l’égalité entre les femmes et les hommes. De son côté, la présidente de la Commission européenne a présenté en mars 2020 une stratégie en faveur de l’égalité des genres. Dans ce cadre, le 4 mars dernier, la Commission a présenté une proposition de directive sur la transparence des rémunérations. En 2012, une proposition de l’exécutif européen sur les quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises s’était heurtée à un blocage du Conseil, mais la commissaire européenne à l’égalité souhaite aujourd’hui la relancer. Je suis convaincue que la France apportera tout son soutien à une politique européenne volontariste.

À l’horizon de la présidence française du Conseil, comment œuvrerezvous à l’adoption de ces textes, compte tenu notamment des blocages exprimés par certains pays ? Disposez-vous d’un plan d’action concret pour pouvoir peser en la matière au moment de la présidence française ?

Si la France veut peser dans les négociations, elle doit être exemplaire en matière d’égalité. Certes, avec un taux de féminisation des conseils d’administration de 44 %, nous sommes plutôt en avance par rapport à la plupart des pays européens ; néanmoins, l’écart salarial dans notre pays est plus élevé que la moyenne européenne. Il reste donc beaucoup de travail.

Mme Élisabeth Moreno, ministre déléguée. Madame Beaudouin-Hubiere, ce que nous faisons de bien a un très large impact et l’État doit donner l’exemple aux entreprises privées s’agissant des achats durables. Un plan national d’action pour des achats publics durables est en préparation ; il comprend plusieurs dispositions sociales, parmi lesquelles l’égalité entre les femmes et les hommes, l’insertion et la formation. Nous devons inciter les entreprises avec lesquelles nous travaillons à prendre en considération non seulement l’égalité entre les femmes et les hommes, mais également l’insertion et la formation, car cela relève de la responsabilité sociétale des entreprises. Les ministères de la transition écologique, du travail, de l’économie et des finances, des solidarités et de la santé sont mobilisés. Ce projet est piloté par le commissariat général au développement durable ; j’en suis l’exécution de très près car je suis convaincue que, compte tenu de l’importance des achats publics, cela peut avoir un impact positif sur l’ensemble de la société.

Monsieur Lagleize, je vous remercie de votre engagement que je sais sincère, comme celui de M. Roland Lescure. Nous avons besoin que les hommes s’emparent, au même titre que les femmes, de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce n’est pas une question de « bonnes femmes », mais de justice sociale : quand on demande la parité, on ne réclame pas la charité. Il y va de nos valeurs républicaines.

Les personnes lesbiennes, gays, bi et trans subissent beaucoup de discriminations dans la société en général, mais dans le monde du travail également. Une personne LGBT+ sur quatre a été victime d’une agression LGBTphobe au travail, 41 % des employés entendent des expressions LGBTphobes – ces expressions sont parfois inconscientes mais elles blessent –, et 14 % des personnes LGBT+ ont subi des inégalités de traitement lors de leur recrutement. Ces inégalités et ces discriminations sont réelles ; c’est pourquoi nous travaillons beaucoup avec L’Autre Cercle, dont j’ai rencontré au moins six fois les représentants ces neuf derniers mois, notamment sur le plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, présenté en octobre dernier. Une réunion de suivi de la charte d’engagement LGBT+ se tiendra le 23 avril avec les ministères sociaux. Nous avons des échanges réguliers avec le monde de l’entreprise et les cabinets.

Pour lutter contre les discriminations dans le milieu du travail, notre plan national comprend divers dispositifs. La promotion 2018-2019 d’inspecteurs du travail a suivi des modules de formation initiale relatifs à la lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles. La source de la discrimination est la même : quand on traite des discriminations subies par les personnes LGBT+, on traite également des violences sexistes et sexuelles. S’agissant de la formation continue, le premier module sur les violences sexistes et sexuelles au travail a été suivi en décembre 2020 par douze stagiaires ; trois autres modules sont planifiés en 2021, avec quarante-cinq personnes à former, ainsi qu’un module « lutte contre les discriminations » de quinze places. Ces formations intégreront des cas pratiques, spécifiques aux discriminations LGBT+. Pour mobiliser les agents de Pôle emploi et prévenir les discriminations, deux formations internes sont proposées, qui ont été actualisées en 2018. L’une est destinée aux managers, pour lutter contre les discriminations, faire de la prévention et promouvoir la diversité, notamment dans le management ; l’autre formation s’adresse à l’ensemble des agents publics, avec sensiblement les mêmes objectifs. Ces modules évoquent les questions de discrimination, toutes en lien avec l’orientation sexuelle.

Je veux souligner le travail de la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), qui forme les entreprises aux questions de discrimination. Une brochure destinée aux managers et aux responsables des ressources humaines devrait être disponible d’ici à la fin du premier semestre.

Je veux enfin saluer le travail du Défenseur des droits, qui a édité plusieurs ressources, en partenariat avec les associations, dans l’objectif d’une meilleure inclusion des personnes LGBT+ dans le milieu professionnel.

Vous le voyez, Monsieur Lagleize, beaucoup d’actions sont menées avec les associations et les entreprises, et je les suis de très près.

Comme vous, Madame Crouzet, je suis très attachée aux territoires, qui peuvent nous rendre fiers de notre gastronomie et de la diversité de notre pays. Je suis attentive à la qualité de vie personnelle et professionnelle des personnes dans les territoires ruraux, mais aussi dans les territoires ultramarins, où les violences physiques et sexuelles que subissent les femmes sont parfois autrement plus graves.

Dans les territoires ruraux, on s’aperçoit parfois que certains dispositifs présentent des « trous dans la raquette ». L’agenda rural n’avait pas pris en considération la question de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment sur le plan économique. Avec M. Joël Giraud, nous sommes déterminés à corriger cette situation. Des travaux sont en cours pour intégrer à cet agenda, d’une part, des mesures relatives la lutte contre les violences faites aux femmes – il faut rappeler que la moitié des féminicides ont lieu en milieu rural, et que même si leur nombre a heureusement baissé, nous devons continuer à lutter avec détermination contre ces crimes –, et d’autre part, des mesures en faveur de l’égalité économique. J’ai souhaité procéder comme nous l’avons fait pour la politique de la ville, en explorant les différents dispositifs existants pour avancer de manière plus forte et déterminée.

L’entrepreneuriat des femmes sera soutenu par la signature d’un accord-cadre triennal entre Bpifrance et le service des droits des femmes et de l’égalité, que ce soit dans les zones rurales ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Pour améliorer l’insertion et l’accès à la formation des femmes, il faut commencer par mesurer la part de femmes qui bénéficient de ces dispositifs. Nous travaillerons ainsi à un suivi genré des mesures de l’agenda rural, à chaque fois que cela sera possible et que cela aura du sens. Des services civiques consacrés à l’insertion des femmes par l’activité économique seront missionnés auprès des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

Aujourd’hui, les femmes représentent 30 % des actifs permanents du secteur agricole. Il faut avancer sur plusieurs chantiers : revaloriser les retraites, ce qui a été fait en 2020 ; faire en sorte que le statut de chef d’exploitation, plus protecteur pour les femmes, devienne une norme et pas une exception ; promouvoir les groupements agricoles d’exploitation en commun pour que les femmes sortent du statut de conjoint collaborateur, moins protecteur et moins rémunérateur ; favoriser la mixité des métiers par la formation, y compris dans le machinisme ou dans un secteur d’avenir comme le numérique ; faciliter l’accès au foncier et aux prêts bancaires pour les femmes qui souhaitent s’installer, ce que font les centres de formation du ministère de l’agriculture en partenariat avec Vivea et Pôle emploi. Je salue le volontarisme de M. Julien Denormandie en la matière.

Madame Petel, de nombreuses études montrent que, d’un point de vue économique, les femmes souffrent de la pandémie et de la crise sanitaire plus que les hommes. J’ai lu avec attention le rapport de la Fondation des femmes. J’ai également reçu, il y a quelques jours, celui du Conseil économique, social et environnemental. Les chiffres sont alarmants. La crise agit comme un révélateur et un accélérateur des inégalités économiques qui existaient déjà entre les femmes et les hommes. Les femmes souffrent de la précarité dans l’emploi, d’inégalités salariales et d’inégalités dans la prise en charge des tâches domestiques et de l’éducation des enfants. Pendant le confinement, alors que les femmes et les hommes étaient confinés de la même manière, 70 % des tâches domestiques et 70 % des devoirs et de l’aide aux enfants pesaient sur les épaules des femmes. Cette charge mentale est réelle. Le travail à domicile est beaucoup plus compliqué pour les femmes que pour les hommes. Quand le logement familial comporte un bureau ou un espace permettant de travailler dans le calme – ce n’est pas toujours le cas car tous les ménages n’en ont pas les moyens –, il est occupé par un homme, tandis que la femme est assise à un bout de la table de la cuisine, où elle travaille tout en épluchant les carottes et en aidant les enfants à faire leurs devoirs. C’est insupportable et ingérable !

J’ai entendu dire que le plan de relance ne comprenait pas de mesures en faveur des femmes. Il faut rappeler que son objectif est de sauver tous les emplois, pas seulement les emplois majoritairement féminins. Ainsi, les inégalités demeurent. Les secteurs accompagnés, notamment l’aéronautique, l’automobile et le BTP, sont évidemment importants pour la reconstruction de notre pays, mais il est primordial de former les jeunes filles, de leur dire qu’un métier sur trois créé au cours des cinq prochaines années sera dans le numérique – un secteur où ne travaillent que 30 % de femmes – et de leur expliquer qu’elles louperont des débouchés professionnels. Nous devons continuer à les former et à les pousser vers ces secteurs. M. Jean-Michel Blanquer et Mme Frédérique Vidal l’ont bien compris.

Il faut dégenrer les métiers. Nous ne sommes plus à l’époque de l’homme de Cro-Magnon, où il fallait être musclé et costaud pour exercer certaines professions : aujourd’hui, la technique et les technologies permettent aux femmes d’exercer tous les métiers. Il faut apprendre aux filles comme aux garçons à déconstruire ce qu’ils ont appris quant aux métiers faits pour les femmes ou pour les hommes. Les métiers d’avenir seront créés dans des secteurs aujourd’hui masculins, notamment l’aéronautique, l’automobile, la transition écologique et le numérique. J’ai travaillé trente ans dans le monde de l’entreprise, j’ai commencé tout en bas de l’échelle et je peux vous dire que les métiers et le talent n’ont pas de genre quand on a la volonté de réussir. Il faut aider les femmes à réussir.

Il a fallu attendre 2017 et un président comme M. Emmanuel Macron pour considérer qu’il était temps de mettre au cœur de nos batailles l’égalité entre les femmes et les hommes. Maintenant que la question est sur la table, il faut être courageux et aller au bout de ce combat. Tout le monde n’est pas encore prêt. C’est notre rôle à nous, politiques, de se saisir de cette question, d’être volontaristes et de ne pas douter de la nécessité de mener ce combat. La France est le pays des droits de l’homme ; il est temps qu’elle devienne aussi le pays des droits des femmes, de manière incontestée et incontestable !

Madame Petel, vous avez évoqué en aparté le livre absolument remarquable de Mme Djaïli Amadou Amal, que j’ai reçue au ministère quand elle a obtenu le prix Goncourt des lycéens. Les Impatientes évoque le destin de trois femmes face au patriarcat. Nous vivons dans une société patriarcale, faite par des hommes pour des hommes. Je me réjouis que les femmes y prennent leur place ; nous avons encore beaucoup de travail, mais nous devons rester optimistes et reconnaître que nous avançons.

Madame Deprez-Audebert, le volontarisme de la France en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ne s’arrête pas à nos frontières. Nous avons inventé la diplomatie féministe. La discrimination sexiste et sexuelle est universelle : partout dans le monde, de manière plus ou moins grave, les femmes subissent des discriminations. Ce que nous faisons dans notre pays, nous l’exportons. Nous nous sommes battus avec les femmes polonaises qui ont subi des injustices ; avec M. Clément Beaune, nous avons envoyé un courrier à la Commission européenne pour manifester notre émotion face à cette situation.

Le Président de la République a décidé que, vingt-six ans après la conférence mondiale sur les femmes de Pékin, il était temps que le monde entier se réunisse à nouveau. M. Jean-Yves Le Drian et moi-même sommes heureux que la France copréside avec le Mexique le forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes. Fin juin et début juillet, nous recevrons des chefs d’État, des entreprises, des associations et des féministes du monde entier, dans le cadre d’un événement intergénérationnel. Nous devons nous emparer de cette question à l’échelle internationale.

Je m’entretiens régulièrement avec la commissaire européenne Helena Dalli et avec mes homologues, notamment portugaise, belge et hollandaise, ainsi qu’avec de nombreuses autres personnes afin de porter la voix de la France. Nous avons fait beaucoup de belles choses, dont nous devons être fiers, et nous devons inspirer les autres pays.

J’ai été choquée par la décision de la Turquie de se retirer d’un accord signé à Istanbul sur les violences faites aux femmes, alors même que ces dernières sont de plus en plus victimes de violences dans ce pays. Parce que nous, nous avons la chance de pouvoir nous exprimer, je ne me prive pas de dénoncer de tels actes à chaque fois que c’est nécessaire.

Vous l’avez dit vous-même, Madame Deprez-Audebert, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur la transparence salariale. Cela prouve que tout le monde est mobilisé, partout en Europe. Ce sujet fera partie des négociations que nous aurons lors de la présidence française. Vous pouvez compter sur moi, je ferai entendre fortement notre voix : c’est mon rôle, ma responsabilité. Qui plus est, ayant eu la chance de travailler longtemps à l’international, j’aime ces discussions.

Cela me ramène à la question du président Lescure sur le rôle des Français de l’étranger. J’ai beaucoup travaillé à l’étranger et j’étais éminemment fière d’être ambassadrice de nos valeurs, de tout ce en quoi nous croyons. Pour pousser un cocorico, je dirai que notre pays a les plus belles valeurs du monde. Nous devons nous battre pour les faire vivre et qu’elles deviennent réelles et concrètes pour le monde entier.

M. le président Roland Lescure. Merci Madame la ministre déléguée. Vous l’avez constaté, les membres de cette commission – hommes et femmes – sont très sensibles aux enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes et vous soutiennent dans ce combat.

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Informations relatives à la commission

La commission des affaires économiques a nommé M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur sur la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (n° 3853), qui sera examinée en réunion de commission le mercredi 12 mai prochain.

La commission des affaires économiques se saisit pour avis de la proposition de loi n° 3730 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, adoptée par le Sénat et renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cette saisine porte sur les articles 6 à 11 bis, 14 bis, et 15 à 24 bis qui devraient être examinés commission le mardi 18 mai prochain. Elle a nommé M. Eric Bothorel rapporteur pour avis sur cette proposition de loi.