Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Audition de Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et de M. Jean‑Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2021              2

– Projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) :

- Examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

. Protection de l’environnement et prévention des risques (M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis) 38

. Paysages, eau et biodiversité (M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis)38

 


Mercredi 21 octobre 2020

Séance de 14 heures 30

Compte rendu n° 7

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Présidente, puis de Mme Stéphanie Kerbarh, Vice-présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a auditionné Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et M. Jean‑Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2021. La commission a ensuite examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les rapports pour avis de M. Paul-André Colombani « Protection de l’environnement et prévention des risques » et de M. Patrice Perrot « Paysages, eau et biodiversité ».

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame la ministre, monsieur le ministre, l’année 2021 sera marquée par plusieurs défis à relever : faire face à la crise sanitaire, sociale et économique, grâce au plan de relance, sans jamais perdre de vue nos engagements en matière de transition écologique, qui doivent trouver une traduction concrète dans le projet de budget qui nous est soumis. L’urgence est là, sur tous les plans : lutter contre le réchauffement climatique, mettre un terme à l’érosion alarmante de la biodiversité, lutter contre l’artificialisation des sols, prévenir les risques, et traduire concrètement, de manière opérationnelle, les mesures issues de la Convention citoyenne pour le climat (CCC).

C’est ce que notre commission s’est employée à faire dès l’examen de la première partie du projet de loi de finances, en adoptant plusieurs amendements à l’initiative de notre rapporteur pour avis, M. Jean-Marc Zulesi : TVA à taux réduit sur les activités de réparation, augmentation du forfait mobilités durables, réforme de l’indemnité kilométrique, malus assis sur le poids des véhicules... Tous n’ont pas été adoptés, mais le dialogue avec le Gouvernement est productif et nous constatons que nous avançons sur bien des sujets.

Pour ce qui concerne les dépenses figurant dans la seconde partie du PLF, nous notons avec satisfaction la nette progression des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » et la présentation, pour la première fois, d’un budget vert, étape indispensable pour engager la transition écologique.

Afin de mesurer l’effort consenti, pourriez‑vous nous en préciser les contours et les principales mesures ? Pourriez‑vous également nous exposer les arbitrages qui ont dû être faits en matière d’effectifs, sachant que la présence sur le terrain des agents du ministère et de ses opérateurs est essentielle ?

Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Mesdames, messieurs les députés, chers anciens collègues, je suis très heureuse de revenir dans cette salle dans laquelle nous avons tant de souvenirs – et tant d’avenir –, en cette occasion spéciale qu’est l’examen du budget – voter le budget est bien la première raison d’être du Parlement. À l’heure où notre pays traverse une crise inédite, sanitaire, économique, sociale et écologique, ce grand moment démocratique est plus que jamais essentiel. Je suis donc très heureuse de répondre à votre invitation pour vous présenter les grandes lignes du budget de mon ministère pour 2021, un budget de combat, pour répondre à toutes les urgences écologiques de notre époque.

L’écologie a – enfin ! – largement dépassé les portes de mon ministère. Elle irrigue aujourd’hui l’ensemble de l’action publique, et d’abord à travers la méthode du green budgeting (budget vert).

Si, pendant des années, l’écologie a été la variable d’ajustement du budget, aujourd’hui, un nouvel impératif des finances publiques voit le jour : réduire le déficit écologique. Le budget vert n’est pas seulement une revue du budget de l’État à l’aune du développement durable, c’est un outil de transformation systémique de l’action publique, qui permet de mesurer l’impact environnemental de nos décisions budgétaires et d’évaluer la compatibilité du budget de la France avec les engagements de notre pays. C’est donc aussi pour la représentation nationale que nous avons réalisé ce budget vert, et je ne doute pas que vous allez vous en saisir. Je sais que cela a déjà commencé, et c’est tant mieux ! Jamais aucun pays ne s’est engagé avec autant de force dans cette démarche. Elle n’en est certes qu’à ses débuts et devra s’améliorer dans le temps, mais nous pouvons déjà être fiers de cette première mondiale.

L’écologie a également dépassé les portes de mon ministère à travers le plan de relance. Là encore, c’est une première. Jamais un gouvernement n’avait autant misé sur la transition écologique pour sortir d’une crise ; jamais un plan de relance n’avait autant été au rendez‑vous de l’urgence écologique et économique. Nous ne pouvons plus séparer les enjeux. Il n’y a pas, d’un côté, l’économie, l’activité et l’emploi, et, de l’autre, la biodiversité et le climat ; c’est le même combat. Avec ce plan de relance, nous avons un objectif simple : redémarrer le pays et changer l’ADN de notre économie. Pour l’atteindre, nous mettons 100 milliards d’euros sur la table, dont 30 milliards spécifiquement dédiés à la transition écologique. C’est sans précédent ! Ce sont 30 milliards d’euros sur deux ans pour agir sur tous les leviers, pour mobiliser les financements qui manquaient, comme nous le disaient des experts d’I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat, bref, pour mettre enfin notre pays sur la trajectoire de la neutralité carbone.

Vous connaissez maintenant le détail du plan de relance, qui a fait l’objet de notre rendez‑vous en septembre. Aussi vous redirai-je seulement cet après‑midi qu’avec France Relance, nous accélérons la lutte contre l’artificialisation qui détruit la biodiversité et le lien social. Dans notre pays, 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels ou agricoles disparaissent chaque année. Notre objectif, ambitieux mais nécessaire, est de diviser par deux ce rythme d’ici à la fin de la décennie. Nous y consacrons 300 millions d’euros pour un fonds de recyclage des friches et 350 millions pour aider à la densification des villes et au renouvellement urbain, avec le moratoire que nous avons annoncé sur l’installation de nouvelles zones commerciales sur des terrains non encore artificialisés.

Avec France Relance, nous donnons également un coup d’accélérateur inédit à la rénovation des logements et des bâtiments. Ce sont près de 7 milliards d’euros qui seront déployés pour rénover l’habitat privé et les bâtiments publics, pour accélérer la rénovation globale – non plus une fenêtre ou une chaudière, mais une rénovation de fond en comble –, pour ouvrir le dispositif MaPrimeRenov’ à tous les Français sans conditions de ressources, avec des aides ajustées aux besoins, pour en faire une aide plus simple, plus juste et, donc, plus efficace.

Avec France Relance, nous mettons aussi « le paquet » sur les transports. Ce sont près de 11 milliards d’euros mobilisés, dont la moitié pour le ferroviaire. Petites lignes, fret, transports en commun, mobilité douce du quotidien, vélo et aide au rachat de véhicules moins polluants, déploiement de bornes de recharge, R&D dans l’automobile et l’aérien, nous nous donnons les moyens de bâtir les mobilités de demain.

France Relance, ce sont aussi 7 milliards d’euros pour réussir la grande révolution de l’hydrogène, dont 1,2 milliard d’euros pour décarboner nos industries, 1,2 milliard d’euros pour accélérer le développement de l’économie circulaire. Et je pourrais poursuivre la liste longtemps.

Bref, avec France Relance, nous accélérons la transformation écologique de notre pays, la transformation de tous les secteurs, au-delà du seul budget que pilote mon ministère. C’est l’écologie à laquelle je crois : une écologie de terrain, en métropole comme en outre‑mer, qui invente des solutions avec et dans les territoires ; qui avance, qui change la vie quotidienne des Françaises et des Français.

Dans ce combat, mon ministère est en première ligne. Pour l’année qui vient, ses moyens sont en hausse de 1,3 milliard d’euros. Cela signifie très concrètement que, sans compter le plan de relance, l’année prochaine, le budget de mon ministère atteint un niveau historique de 48,6 milliards d’euros. Ce budget est à la hauteur des défis qui se présentent devant nous pour l’écologie, pour le climat, pour la biodiversité, pour l’égalité des territoires et pour nos concitoyens.

Le rôle de mon ministère est aussi de mettre le pays en ordre de bataille pour faire face aux effets déjà perceptibles et à venir du changement climatique. Alors que notre pays est encore « sonné » par la tempête Alex qui a ravagé les Alpes‑Maritimes, on le sait, les événements extrêmes, les pluies, les inondations mais aussi les sécheresses, seront de plus en plus fréquents et de plus en plus intenses. Protéger les Françaises et les Français, nous rendre collectivement plus résilients est la première responsabilité de l’État, et ma première responsabilité de ministre. On ne peut pas se contenter de réagir. Notre rôle est aussi de prévoir, de prévenir, et nous savons que les enjeux sont immenses.

C’est la raison pour laquelle je vous présente aujourd’hui un budget pour la prévention des risques naturels majeurs en forte hausse, de plus de 55 %. Nous signons, là aussi, un progrès démocratique, avec l’intégration du fonds Barnier, dédié à la prévention de ces risques, dans les circuits du budget de l’État. Le Parlement aura à se prononcer sur ces crédits, qui ne seront plus désormais limités par le niveau de contribution des assurances. Ces crédits seront aussi dépensés plus efficacement pour des effets rapides et tangibles sur nos territoires.

Avec ce PLF, nous nous donnons aussi les moyens de mieux protéger l’extraordinaire biodiversité qu’abrite notre pays. On l’ignore souvent, mais 10 % des espèces connues vivent en France, en particulier dans nos outre-mer. Ce patrimoine vivant est une chance, une richesse, mais à l’heure de la sixième extinction de masse, il est surtout une responsabilité. En 2021, les budgets dédiés à la biodiversité que pilote mon ministère augmentent, qu’il s’agisse des aires protégées des parcs nationaux – plus 13 millions d’euros –, des moyens du jeune Office français de la biodiversité – plus 10 millions d’euros – ou encore des moyens de l’Office national des forêts – plus 7 millions d’euros.

Ce budget est à la hauteur pour accélérer le développement des énergies renouvelables, avec des moyens inédits, en hausse de 25 %, soit plus 1,3 milliard d’euros.

Ce budget de combat est aussi à la hauteur du quotidien de nos concitoyens, trop souvent exposés à un air pollué. Cette exposition chronique serait responsable en moyenne de 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays. Notre responsabilité devant la nation est de tout faire pour réduire ces conséquences, pour répondre à l’urgence sanitaire, environnementale et sociale. Avec ce PLF, nous renforçons nos actions en la matière, notamment en dotant de 15 millions d’euros supplémentaires les associations de surveillance et les contrôles et études de plus 3 millions d’euros.

Jean‑Baptiste Djebbari vous parlera dans quelques instants du budget des transports. Je souhaitais toutefois souligner en quelques mots que ce budget est, là encore, au rendez‑vous des défis immenses que nous avons à relever en soutenant massivement le développement du fret ferroviaire. Une tonne de marchandises transportées en train plutôt que par camion émet neuf fois moins de tonnes de CO2, mais aujourd’hui, le fret ferroviaire ne représente que 9 % à peine du trafic de marchandises. Nous allons donc réduire les péages ferroviaires, aider au transport combiné, renforcer nos autoroutes ferroviaires, dont l’écologie et l’économie ont besoin.

Enfin, alors que l’hiver approche, je voudrais souligner que le budget de 2021 de mon ministère est au rendez-vous de la solidarité. Pour l’hébergement d’urgence et l’accès au logement des personnes sans domicile fixe, 200 millions supplémentaires seront déployés. Cette solidarité est un principe intangible, une valeur républicaine que nous partageons toutes et tous. Je suis fière qu’elle soit aussi au cœur de l’action de ce beau ministère de la transition écologique dont j’ai la charge.

Il reste, je le sais, des sujets qui peuvent susciter des débats tout à fait légitimes. Je pense à la réduction des effectifs, qui se poursuivra en 2021. Dans un contexte d’extrême tension sur les finances publiques, nous mettrons en œuvre la baisse de 2 % qui nous est demandée afin de contribuer à l’effort collectif. Mais il est certain qu’une revue des missions sera indispensable si les efforts sur les effectifs devaient se poursuivre à ce rythme au cours des prochaines années. Je n’en dirai pas plus.

Mesdames, messieurs les députés, comme vous le voyez, l’écologie est au cœur de l’action de l’État, au cœur de ses moyens et au cœur du budget de 2021, parce qu’il s’agit d’agir sur tous les leviers pour relever le grand défi de notre siècle, pour être à la hauteur de ce moment historique où nous pouvons décider du chemin que nous emprunterons collectivement, pour accélérer le combat écologique, changer la vie des Françaises et des Français, et protéger notre biodiversité, notre air, notre eau. J’y suis totalement déterminée.

M. JeanBaptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. L’ambition pour les transports a débuté en 2017. Elle est au cœur de notre projet de société et croise des enjeux contemporains importants, moteurs de la transition écologique, clés de l’aménagement du territoire – et, donc, des combats contre l’assignation à résidence –, et support du modèle des moteurs industriels, dont on sait aujourd’hui qu’ils sont, pour partie, dans le secteur des transports intensément et durablement affectés.

Le budget que nous vous présentons aujourd’hui a deux caractéristiques : il est en progression et essaie, autant que faire se peut, d’anticiper les impacts de la covid-19 en 2021.

Sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports », ce budget affiche 3,7 milliards d’euros, en hausse de 17 % dans le périmètre de l’an dernier, et témoigne d’un soutien massif et inédit au fret ferroviaire – plus 170 millions d’euros –, grâce aux dispositifs déterminants évoqués par Barbara Pompili. Il vise également à renforcer encore les crédits de SNCF Réseau, puisque la réhabilitation, la régénération, la rénovation du réseau sont des priorités absolues pour ce Gouvernement. Il confirme le soutien aux lignes d’aménagement du territoire comme un mode de transport complémentaire pour des territoires aujourd’hui enclavés – je vois ici quelques illustres représentants de la nation qui connaissent bien l’intérêt de telles lignes.

Sur le programme 205 « Affaires maritimes », qui traite de l’action maritime de l’État en lien avec la ministre de la mer, ce budget est conforme au programme pluriannuel. Il maintient notamment la dotation de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) à 11 millions d’euros, et vise à poursuivre l’ambitieux programme de modernisation 2018‑2022. Il n’est pas sans rapport avec les annonces que nous présenterons prochainement sur l’axe Seine et sur la Stratégie nationale portuaire qui vise non seulement à rehausser la place de la France en Europe, mais aussi à renforcer très fortement le modèle de nos ports et, plus généralement, de l’activité maritime.

Ce budget, je le disais, a vocation à anticiper les impacts continus de la crise sanitaire. Nous avons voulu maintenir la trajectoire de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) que vous connaissez bien. Nous avons, au gré des plans et des lois de finances rectificatives, permis d’assurer les 2,782 milliards d’euros qui étaient prévus dans la loi d’orientation des mobilités (LOM) pour 2021.

S’agissant du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA), il prend en compte les baisses de recettes dues à la diminution du trafic aérien pour les années 2021, 2022, voire 2023. Le maintien des objectifs se fera au prix d’un nouvel emprunt, de l’ordre de 700 millions d’euros, sur lequel je pourrai revenir si nécessaire.

Barbara Pompili l’a dit, ce budget est complété par une part importante du plan de relance : 11,5 milliards d’euros sur les 100 milliards du plan, soit un peu plus de 10 %. Ce soutien massif fait la part belle au ferroviaire, y consacrant près de 4 milliards d’euros, la régénération du réseau apparaissant comme le socle de l’action du Gouvernement. Il affiche toutefois quelques priorités nouvelles, comme les autoroutes ferroviaires, les trains de nuit et les petites lignes ferroviaires dont il a été très largement débattu dans cette commission et dans l’hémicycle, avec l’objectif réitéré de sauvegarder les 9 000 kilomètres de petites lignes. Des conventions ont été signées et sont encore amendées avec deux régions, Grand Est et Centre-Val de Loire, sachant que d’autres régions, notamment la région Sud, sont en train de conclure ces négociations.

Nous avons également voulu accélérer les investissements pour les mobilités du quotidien, auxquelles il est prévu de consacrer plus d’1,2 milliard d’euros. La rénovation du parc automobile vers un parc beaucoup plus sobre en carbone, avec des véhicules propres, a été l’objet du plan de rebond du secteur automobile et, à nouveau, de ce plan de relance qui a déjà prouvé son efficacité, en faveur duquel les efforts sont poursuivis.

L’affirmation d’une priorité portuaire, maritime et fluviale, se traduit par une inscription de 400 millions d’euros.

Le désenclavement de nos territoires compte, notamment pour son volet routier, une inscription de 550 millions d’euros, qui vient s’ajouter au dispositif voté dans la loi d’orientation des mobilités.

Enfin, nous sommes extrêmement mobilisés sur la construction d’une aviation décarbonée. Nous investissons, en lien avec les industriels du secteur, 1,5 milliard d’euros sur trois ans, pour non seulement viabiliser et massifier l’utilisation du biocarburant aviation, mais également développer la future génération d’avions sobres en carbone. Je pense notamment à un avion hybride à horizon 2027 et au saut technologique du successeur de l’A320 à horizon 2033-2035.

La philosophie qui guide ce budget, mais aussi le plan de relance est d’avoir une action territorialisée et contractualisée avec les territoires. Je reviendrai peut‑être plus tard sur les différents canaux qui nous permettent de mettre tout cela en musique, mais les transports sont bien des moteurs de la transformation écologique et sociale que nous voulons absolument allumer, pour rester métaphoriquement dans le secteur, et maintenir très vivants, très énergétiques tout au long des prochaines années, et notamment pour 2021.

Ce budget a voulu aussi traduire un certain nombre de propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui sont, pour près d’un quart d’entre elles, d’ores et déjà intégrées soit en première partie du projet de loi de finances – donc déjà votées –, soit en deuxième partie, sur les sujets de transports – hausse, de 400 à 500 euros, du forfait mobilité durable, TVA réduite sur les contrats d’assurance pour les véhicules électriques. En seconde partie, nous aurons également les 200 millions d’euros du plan vélo, l’électrification et le verdissement des ports qui font l’objet de budgets supplémentaires, ou encore les investissements que j’ai pu citer sur les biocarburants et le bonus sur l’achat de véhicules moins polluants, notamment le développement de la filière de véhicules électriques d’occasion, qui me semble tout à fait important.

Nous essayons d’être dans une dynamique d’écologie de l’action, d’une écologie territorialisée, concrète, positive et réaliste. Nous voulons faire de ce budget non seulement celui des actes, mais aussi celui de l’anticipation des difficultés à venir, de la planification et du progrès, en partenariat avec les acteurs économiques, les collectivités et les élus.

M. Yannick Haury. Je tiens à saluer le projet de loi de finances pour 2021, exceptionnel en ce que nous sommes le premier pays au monde à présenter un budget vert. Le Gouvernement a accompagné ce PLF d’un rapport sur l’impact environnemental des politiques publiques. Ce choix de la transparence est une évolution majeure qui permet de savoir, pour chaque dépense, si elle a une conséquence favorable, neutre ou défavorable sur l’environnement. À nous, parlementaires, de nous approprier cet outil qui nous permettra de contrôler que l’impératif de transition écologique irrigue toutes nos politiques, quel que soit leur champ ministériel.

Ce budget est aussi exceptionnel, car il intègre les mesures liées aux conséquences de la crise sanitaire : 30 milliards d’euros sont ainsi dédiés à la transition écologique sur deux années dans le cadre de France Relance. Le Gouvernement fait le choix très net de relancer l’économie par l’écologie. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Un cinquième des mesures de la Convention citoyenne pour le climat est d’ores et déjà repris dans France Relance. Avec 18,4 milliards d’euros, le programme 362 « Écologie » est le plus doté de la mission « Plan de relance ». Cela traduit très concrètement l’ambition écologique du Gouvernement. Les priorités sont multiples et transversales : la rénovation énergétique, la transition agricole ou encore la décarbonation de l’industrie.

Enfin, marqué par une hausse de 1,3 milliard d’euros, le budget du ministère de la transition écologique atteint en 2021 un niveau historique de 48,6 milliards d’euros, hors plan de relance. Cette augmentation, couplée avec le plan de relance, permettra de déployer des efforts sans précédent en faveur du verdissement de nos industries, du développement des énergies renouvelables, de la prévention des risques, des aires protégées et de la biodiversité.

Dans la continuité de la loi sur les mobilités, le budget pour 2021 marque aussi un engagement franc du Gouvernement en faveur des infrastructures et services de transports, deuxième programme le plus élevé de la mission, avec un haut niveau d’investissement pour le ferroviaire, une forte hausse pour les transports collectifs, et le financement du plan vélo.

De même, des moyens sans précédent sont déployés pour l’accompagnement de la transition énergétique, avec le chèque énergie et MaPrimeRenov’. L’extension de cette dernière à tous, sans condition de revenus, est un réel atout pour lutter contre les passoires thermiques et stimuler la rénovation énergétique. Cela se traduira également par la création d’emplois dans le secteur du BTP.

La protection de la biodiversité et la préservation des ressources en eau sont renforcées avec ce budget, et le rôle de l’Office français de la biodiversité (OFB) consolidé. Mais qu’en est‑il du budget des agences de l’eau ? Tandis qu’1 million d’euros sera consacré à la lutte indispensable contre l’érosion du littoral, je m’interroge sur la baisse des budgets du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) et de Météo France, alors que leur rôle est essentiel au quotidien, notamment face aux changements climatiques.

Enfin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit l’interaction entre environnement et santé avec la formule suivante : « Environnement d’aujourd’hui, santé de demain ». Quels moyens budgétaires entendez-vous allouer à la santé environnementale ?

Mme Valérie Beauvais. Les programmes 203 et 217 sont en hausse par rapport au précédent budget, notamment sur le volet « Infrastructures et services de transports ». Avec mes collègues Les Républicains, nous avons pleinement conscience des enjeux liés à l’écologie et aux mobilités. Nous considérons qu’il est possible de concilier les choix de mobilité de chacun si les conditions d’une réelle transition écologique de la mobilité sont mises en œuvre.

Pour mémoire, je rappelle que le choix de ce gouvernement d’augmenter les taxes sur les carburants fut à l’origine d’un mouvement social sans précédent, car si des solutions alternatives à la voiture existent dans les métropoles et les grandes villes, il n’en est pas de même en zone rurale et dans les villes moyennes, où prendre sa voiture est une nécessité. Pourtant, cette année encore, ce gouvernement avait annoncé une nouvelle augmentation des taxes sur les carburants, pour finir par y renoncer, mais jusqu’à quand ?

Aussi nous interrogeons‑nous sur le choix de considérer les mobilités électriques comme l’alpha et l’oméga de la mobilité de demain. Certes, ces véhicules ne rejettent pas de CO2. Pour autant, et vous le savez bien, ces voitures ne sont pas bonnes pour la planète. Pour fabriquer une batterie, il faut des métaux lourds et rares – plusieurs kilos de lithium et de nickel, produisant des montagnes de résidus déversés dans la mer, et des milliers de tonnes de cobalt extraites au Congo par des enfants qui creusent à mains nues dans les mines. Ces batteries, acheminées depuis le bout du monde, doivent être rechargées fréquemment, leur seul poids constituant une limite à leur autonomie et, donc, à leur sobriété énergétique – d’ailleurs, le bonus-malus au poids pénalise ces voitures électriques. De surcroît, on ne sait toujours pas les recycler.

À cela, vient s’ajouter comme une autre de vos contradictions la mise en œuvre d’une politique de fermeture des centrales nucléaires. Comment permettre l’accès aux véhicules pour tous dès lors que la ressource énergétique pour les recharger ne sera pas suffisante, sinon en important de l’électricité produite par des centrales à charbon ? C’est ainsi que, dans le Grand Est, la création d’un écoquartier conduit à une situation inédite : les logements seront bien passifs, mais s’agissant des places de stationnement pour véhicules électriques qui y seront attachées, la charge électrique à fournir sera telle qu’Enedis a indiqué aux promoteurs qu’il ne serait pas en capacité de répondre à la fourniture totale d’énergie. Demain, nous serons donc confrontés au choix suivant : chauffer nos logements ou recharger nos véhicules électriques.

La mobilité de demain ne peut pas se réduire au tout-électrique. D’autres solutions existent, telles que l’hydrogène ou les biocarburants, et la liste n’est pas exhaustive. Ne reproduisons pas les erreurs du passé, qui ont consisté pendant des dizaines d’années à promouvoir l’acquisition de véhicules diesel pour aujourd’hui faire marche arrière. Ne misons pas tout sur la mobilité électrique, mais déployons des moyens pour composer un mix qui permettra à chacun de disposer de moyens de locomotion adaptés à sa situation familiale, géographique, mais surtout financière.

M. Fabien Lainé. Le groupe MODEM vous remercie de cette belle ambition pour la transition écologique en France, qui fait figure de modèle dans toute l’Europe. Avec les 32 milliards d’euros exceptionnels consentis aujourd’hui dans ce budget, nous sommes bien au rendez-vous pour relever le grand défi de notre siècle, et nous nous en réjouissons. Nous saluons également la mise en place du budget vert qui permet d’analyser l’impact environnemental de l’ensemble des politiques publiques. Tout cela va dans le bon sens.

Je resserrerai mon propos sur quatre points précis, de façon à être un peu plus prosaïque.

Sur l’eau, tout d’abord, la période 2017-2021 des schémas directeurs d’aménagement de gestion des eaux (SDAGE) touche à sa fin et, malgré les progrès réalisés, nous sommes en retard sur les objectifs. Êtes‑vous optimiste sur nos capacités d’amélioration dans les prochaines années ? Que pensez‑vous faire, madame la ministre, pour les moyens alloués aux SDAGE ?

Sur les installations de collecte et de traitement des eaux urbaines, dans plus de 300 agglomérations, les systèmes ne sont pas conformes à la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (DERU) et des contentieux sont engagés. Quels moyens comptez‑vous mettre en place pour que nous sortions de cette situation par le haut ?

Les agences de l’eau rencontrent des difficultés de financement. Faute de crédits, elles ne peuvent recruter des personnels en nombre suffisant. J’aurais souhaité vous entendre sur cette problématique, directement corrélée avec celle de la lutte contre les micro‑polluants et les perturbateurs endocriniens, qui constitue mon quatrième point. Sans moyens supplémentaires, il sera compliqué pour les agences de l’eau d’embrasser cette cause, pourtant essentielle ; certains cantons suisses vont beaucoup plus loin que nous aujourd’hui, notamment dans les stations d’épuration.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le plan hydrogène. Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène consommé en France est produit par craquage du méthane. C’est un procédé très polluant et l’hydrogène propre coûte très cher. Comment verdir les 950 000 tonnes d’hydrogène produites annuellement ? Comment encourager les constructeurs automobiles à investir dans ce domaine, alors que le véhicule électrique devient compétitif ?

S’agissant de la filière aéronautique, vous avez fait une allusion au saut technologique que constituent les avions hybrides. Or l’hydrogène constituerait également une voie intéressante qui mériterait d’être abordée dans cette commission.

Cette interrogation vaut également pour les trains. Vous y avez fait allusion, il faut à l’évidence suppléer le diesel par l’hydrogène. Quelles sont les expérimentations en cours aujourd’hui ?

M. Guillaume Garot. Madame la ministre, je ne suis pas de ceux qui doutent de votre engagement et de vos combats pour l’écologie. Nous savons combien votre tâche est difficile, mais les attentes des acteurs qui sont investis sur le terrain sont très fortes, même s’il y a aussi des crispations dans certaines catégories de la population, en particulier dans le monde agricole.

Le Président de la République a pris des engagements. Or ces engagements sont régulièrement désavoués par la suite. Je pense à ce qui avait été annoncé, puis finalement réalisé sur le glyphosate. Je pense au sort réservé aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat : le Président de la République avait annoncé qu’il en retiendrait 146 sur les 149, puis, au fil des semaines et des mois, peu à peu, on revient en arrière, on hésite – sur la 5G, le CETA (l’accord économique et commercial global), l’écocontribution sur le transport aérien…Tout cela produit de la confusion et des interrogations sur le cap qui est suivi. J’entends parler, avec force superlatifs, de budget exceptionnel, de pays leader en Europe, mais je voudrais vous mettre en garde, nous mettre en garde collectivement : avec des effets d’annonce aussi forts, la déception peut parfois être à la mesure des attentes suscitées. Avançons donc avec détermination, mais toujours avec réalisme et lucidité.

Les moyens dévolus à l’AFITF reposent sur le produit de différentes taxes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la taxe d’aménagement du territoire (TAT), qui dépendent fortement de la situation économique. Dans la situation économique dégradée que nous connaissons, quels moyens assurés pouvons-nous garantir à cette agence dont les actions sont un levier majeur pour le développement des mobilités peu polluantes dans nos territoires ?

Vous nous dites que MaPrimeRénov’ change tout. Or, en ajoutant l’enveloppe prévue pour accélérer le traitement des passoires thermiques et celle de MaPrimeRénov’, le total est à peine égal aux dépenses qui étaient dédiées au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en 2018. Cette somme de 2 milliards d’euros suffira à peine à couvrir les 500 000 logements promis à la rénovation chaque année. D’ailleurs, on atteint difficilement les 300 000 logements.

Il y a donc les intentions, mais il y a surtout les actes. La réalité n’est pas au rendez-vous des promesses.

Mme Valérie Petit. Le PLF pour 2021 amorce le tournant historique voulu par le Président de la République et par les Français en matière de transition écologique et d’adaptation de notre société et de notre économie au changement climatique.

Le groupe Agir ensemble salue donc, tout d’abord, le budget historique en faveur de l’écologie. Avec les mesures du plan de relance, il atteint 75 milliards d’euros, témoignant d’une ambition qui met ses pas dans celle que nous portons également au Parlement européen, qui vient de rehausser à 60 % l’objectif de baisse des gaz à effet de serre à horizon 2030.

Ce budget met aussi ses pas dans l’engagement du Président de la République vis‑à‑vis des participants à la Convention citoyenne pour le climat puisque, contrairement à ce qui a été dit, les 146 propositions seront tenues, une large part étant déjà mise en œuvre dans le PLF pour 2021 – 20 % si je ne me trompe –, vis-à-vis aussi du budget vert, qui nous honore en termes d’exemplarité.

Au‑delà des moyens alloués, le groupe Agir ensemble salue la volonté politique forte et la méthode pragmatique qui est la vôtre, madame la ministre, dans le contexte extrêmement difficile lié aux menaces qui pèsent sur la santé des Français, mais aussi sur la République. Je veux ici témoigner de votre souci d’associer les citoyens et les parlementaires que nous sommes dans cette démarche.

À travers l’ampleur des moyens alloués, ce PLF amorce un changement d’échelle et de capacité. Je salue les hausses substantielles consacrées aux sujets que nos concitoyens nous signalent comme importants pour eux en circonscription : la santé environnementale et la prévention des risques naturels bénéficient d’une hausse de 75 millions d’euros ; les mobilités du quotidien, dont le vélo, auquel sont consacrés trois fois plus de crédits que l’an dernier, soit 200 millions d’euros ; la lutte contre la pollution de l’air gagne 15 millions d’euros ; la rénovation énergétique des logements, 2,3 milliards d’euros ; la préservation de la biodiversité, 35 millions d’euros en complément des 550 millions déjà alloués.

Changement d’échelle mais aussi changement de modèle font de la transition écologique non pas une fin terrible, mais un moyen historique de trouver de nouveaux chemins de croissance et de création de richesses. Ce PLF marque ainsi la volonté du Gouvernement d’accompagner chacun pour faire de l’écologie, non pas une contrainte, mais une solution, voire un bénéfice. C’est ce que traduit le soutien aux acteurs du transport aérien et automobile ainsi qu’aux acteurs de l’économie circulaire. Madame la ministre, monsieur le ministre, vous pourrez compter sur notre soutien pour relever ce défi qui nous engage tous à l’endroit de nos enfants et de leurs enfants !

Deux questions en guise de conclusion : pourquoi avoir supprimé le versement pour sous-densité alors que celui-ci contribue à la lutte contre l’artificialisation des sols par une meilleure mobilisation du foncier intra-urbain ? Pourquoi limiter les moyens des établissements publics fonciers alors qu’ils doivent être le bras armé pour la reconversion des friches, à laquelle vous avez alloué 300 millions d’euros à travers le fonds de recyclage des friches urbaines et industrielles ?

M. Paul-André Colombani. Madame la ministre, monsieur le ministre, au vu de la hausse des crédits de plus de 50 % de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », vous semblez vouloir faire face à l’urgence climatique et environnementale avec encore plus de détermination qu’auparavant. Mais une augmentation budgétaire, si elle est de bon aloi, ne saurait suffire en tant que telle pour permettre une réelle transition écologique. Se pose la question de la ventilation des crédits et des priorités accordées dans ce budget.

Le groupe Libertés et territoires estime que la rénovation énergétique des bâtiments doit être l’un des axes prioritaires de la relance, mais force est de constater que les moyens déployés ne sont pas réellement à la hauteur de l’ambition fixée.

Ainsi, les 2 milliards d’euros budgétés sur deux ans pour aider les ménages s’inscrivent dans un contexte de disparition d’une autre aide à la rénovation, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, qui était d’un montant comparable. L’élargissement du dispositif MaPrimeRénov’ aux propriétaires-bailleurs et aux copropriétés va, pour sa part, dans le bon sens. C’était d’ailleurs une demande de longue date du groupe Libertés et territoires. Nous redoutons cependant que, par crainte de l’instabilité, les 2 milliards d’euros additionnels n’étant prévus que pour deux ans, les acteurs ne se mettent pas en mouvement.

Concernant le secteur automobile, nous saluons la volonté du ministre des transports d’installer 100 000 bornes de recharge sur le territoire et il nous semble de bon ton que les poids des véhicules soient inclus dans le calcul des malus. Nous redoutons cependant une diminution trop drastique et brutale des incitations à l’achat des véhicules électriques.

Nous avons également des inquiétudes concernant le financement de l’AFITF, dont le budget n’est publié qu’au moment de son adoption en décembre. Pourriez‑vous nous éclairer sur les recettes qui lui sont allouées ?

Nous nous interrogeons enfin sur le sort réservé aux taxes ferroviaires qui alimentaient le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ». Qu’adviendra‑t‑il de la contribution de solidarité territoriale (CST) et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) ?

M. Guy Bricout. La hausse de 1,3 milliard d’euros du budget de votre ministère, hors plan de relance, pourrait faire rêver, mais, à y regarder de plus près, ce n’est, à périmètre constant, qu’une très légère augmentation.

Certes, le groupe UDI et Indépendants salue certaines mesures : les 11 milliards d’euros pour les infrastructures de transport et la mobilité verte ; les 2 milliards d’euros pour l’hydrogène ; l’extension à tous les Français, dès le 1er janvier prochain, du dispositif MaPrimeRénov’ ; les 74 millions d’euros de crédits affectés à la prévention des risques naturels majeurs. Néanmoins, ces enveloppes budgétaires, aussi substantielles soient-elles, ne seront pas suffisantes pour enclencher le tournant stratégique que vous annoncez. Ainsi, si elle n’est pas augmentée et pérennisée, l’enveloppe allouée à la rénovation énergétique ne permettra pas de tenir les engagements de rénovation des passoires énergétiques. De plus, il conviendrait d’accompagner ces investissements de plus de contrôles. J’avais parlé, pour le CITE, de faire intervenir un thermicien agréé ; pour les certificats d’économies d’énergie (CEE ou C2E), aucun contrôle n’est prévu.

Les 5 milliards d’euros alloués au ferroviaire semblent bien dérisoires au vu de la dette croissante de la SNCF et un flou certain persiste sur la répartition des enveloppes annoncées, étant donné l’ampleur de la tâche : régénération des voies, sauvetage des petites lignes, lancement du fret.

Il en va de même pour le fluvial : les 175 millions d’euros pour 2021 et 2022 sont encore loin des besoins du secteur, estimés par la fédération Agir pour le fluvial à 100 millions d’euros par an pendant dix ans. Mais vous avez parlé du canal Seine-Nord : merci pour lui !

Par ailleurs, il devient urgent de lever certains freins et incertitudes. Il faut mettre fin à l’instabilité des normes et réglementations, véritable plaie pour l’ensemble des acteurs. Ce PLF fait une large place au développement des énergies renouvelables, notamment électriques, auxquelles il consacre 5,7 milliards d’euros, mais il faut que cesse leur développement anarchique sur le territoire. Je pense notamment aux éoliennes.

Quid de l’après‑2022 ? Ce plan de relance donne de la visibilité à deux ans, mais deux ans, c’est très court. Quid des contreparties environnementales qui ne sont pas inscrites dans ce PLF pour les grandes entreprises bénéficiant d’aides publiques ? Je pense à celles du secteur aérien ou à la SNCF.

Enfin, ce budget acte une nouvelle baisse des effectifs de votre ministère. Vous en avez parlé, mais comment mettre en œuvre les différents plans que vous envisagez sans l’ingénierie nécessaire ?

Mme Mathilde Panot. Madame la ministre, vous m’impressionnez par votre jovialité et votre enthousiasme inlassables. Vous parlez d’un budget « de combat », que vous osez même qualifier de « sans précédent » ; vous évoquez avec tendresse la biodiversité quand vous réintroduisez les néonicotinoïdes et continuez le glyphosate ; vous gardez le sourire lorsque des citoyens de la Convention citoyenne pour le climat déplorent l’enterrement de leurs recommandations et déclarent n’avoir été que « les faire-valoir du Gouvernement ». Le projet de loi de finances qui a pris soin d’écarter nombre de leurs propositions en est la preuve : au revoir la baisse de TVA sur les transports en commun, adieu les conditionnalités écologiques aux grandes entreprises et tchao l’investissement massif dans le ferroviaire !

Vous paraissez gaie quand vous évoquez vos chantiers à venir alors même que votre propre ministère connaîtra 1 532 suppressions de postes cette année, qui s’ajoutent aux 8 200 effectifs déjà disparus depuis 2017 et l’arrivée d’Emmanuel Macron.

Enfin, votre joie ne vous quitte pas quand les sous-traitants du nucléaire demandent l’amélioration de leurs conditions de travail, comme récemment à la centrale de Gravelines pendant plusieurs jours de grève, et l’application de l’article 4 de la convention des industries électriques et gazières (IEG), à laquelle me semble-t-il, vous étiez favorable. Mais on ne vous entend plus en parler depuis que vous êtes ministre.

Quelles sont donc vos ruses pour rester enjouée en toutes circonstances ? Que répondez-vous aux citoyens de la Convention sur le climat ? Comment comptez-vous mettre en œuvre une politique écologique sans agent ? Qu’avez-vous prévu pour l’amélioration des conditions de travail des sous-traitants du nucléaire, absolument nécessaire, quoi que l’on pense par ailleurs de l’énergie nucléaire ?

L’ICAN (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons – Campagne internationale pour abolir l’arme nucléaire), qui a récemment produit une étude sur les déchets nucléaires enfouis en Algérie à la suite des dix-sept essais nucléaires réalisés par la France dans les années 60, demande que la France fournisse aux autorités algériennes la liste complète des emplacements où sont enfouis ces déchets contaminés et leur inventaire. Il s’agit d’une question de sécurité sanitaire des populations et des générations futures ainsi que d’une question environnementale majeure. Seriez-vous disposée à recevoir l’ICAN afin d’aborder leur rapport et leurs recommandations ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Je remercie le groupe majoritaire pour son soutien sans faille. Cela fait du bien de savoir que nous pouvons compter sur lui.

Je confirme que le rôle du CEREMA et de Météo France est absolument essentiel, surtout en ce moment. Les moyens alloués au CEREMA sont cohérents avec un projet d’évolution de l’établissement qui a été élaboré avec les syndicats. Ce travail, engagé avec les agents depuis plusieurs années, a abouti au plan Cérem’Avenir. La qualité de ce projet a conduit l’État à soutenir l’établissement au travers d’un financement complémentaire de 12,4 millions d’euros sur quatre ans alloués par le Fonds de transformation de l’action publique.

S’agissant de Météo France, la trajectoire de l’établissement est déjà définie jusqu’en 2022, conformément au contrat budgétaire signé avec la direction du budget et le ministère. Cette contractualisation tient compte du financement du renouvellement de ses moyens de calcul. L’établissement bénéficie, par ailleurs, d’un financement supplémentaire du Fonds de transformation de l’action publique pour la modernisation de son supercalculateur, et la mobilisation de technologies innovantes, comme le machine learning de prévision des phénomènes météorologiques climatiques.

Le Gouvernement considère donc que le CEREMA et Météo France disposent, dans le PLF 2021, de moyens adaptés à leur mission.

Sur les questions de santé environnementale, le quatrième plan national santé-environnement (PNSE 4), auquel Mme Élisabeth Toutut‑Picard est étroitement associée, est en cours d’élaboration. Nous avançons à grand pas. Dans ce PNSE, nous sommes vraiment en train d’intégrer tous les enseignements que nous avons pu tirer de la crise de la covid. Les interactions entre l’environnement et la santé qu’elle a mises en lumière nous permettent, en lien avec ministère de la santé, de conduire une analyse qui change les états d’esprit, alors même qu’ils avaient bien du mal à évoluer depuis des années. Je suis donc assez optimiste.

Je laisserai Jean-Baptiste Djebbari répondre aux questions sur la mobilité. Je précise toutefois, à propos des voitures électriques et de leur impact environnemental, qu’un gros travail est engagé sur la création d’une filière batteries en France afin de résoudre une partie des problèmes que posent les batteries, y compris en matière de recyclage. À l’heure actuelle, seulement deux établissements font du recyclage de batteries en France ; nous n’en sommes qu’au début. C’est une filière sur laquelle il faut travailler et que nous devons encourager.

Par ailleurs, selon une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) de 2018, l’analyse du cycle de vie, qui est la base absolue sur laquelle doit se fonder la mesure de l’impact d’un véhicule sur l’environnement, est d’ores et déjà meilleure pour un véhicule électrique que pour un véhicule thermique.

Mme Valérie Beauvais. Pas à l’échelle de la planète.

Mme Barbara Pompili, ministre. Si. Quand il est fabriqué, il dépense de l’énergie, mais quand il roule, cette dépense est largement compensée. Une citadine thermique émet aujourd’hui 32,1 tonnes de CO2 ; en version électrique, 10 tonnes. En 2030, malgré les progrès réalisés sur la technologie thermique, nous serons toujours à 20 tonnes de CO2 pour un véhicule thermique et 8 tonnes pour un électrique. Quoi qu’il advienne, d’un point de vue écologique, un véhicule électrique, malgré ses défauts, est plus vertueux qu’un véhicule thermique.

Je me permets de rectifier devant la commission une inexactitude : comme je l’ai annoncé la semaine dernière dans l’hémicycle, le malus au poids ne touchera pas les véhicules électriques.

Enfin, s’agissant de la fermeture des centrales nucléaires, il faut essayer de réfléchir de manière pragmatique, factuelle et sans être alarmiste. La programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit une trajectoire de baisse de la part du nucléaire dans notre mix électrique, une augmentation de la part des énergies renouvelables, un plan hydrogène, la mobilisation du gaz, notamment le développement de la méthanisation. Tout cela est réfléchi et les acteurs, y compris les plus sérieux, n’ont pas d’inquiétude quant au fait que nous puissions faire face à la consommation électrique. De plus, si nous connaissons une augmentation de la demande liée à la mobilité électrique, tous les travaux que nous entreprenons en termes d’efficacité énergétique dans le bâtiment et d’efficacité énergétique en général, avec des réseaux électriques intelligents, ou smart grids, et tous les travaux sur l’effacement, font que, globalement, l’augmentation prévue de la consommation électrique sera assez légère et pourra être totalement absorbée par le biais de la programmation pluriannuelle de l’énergie que nous avons mise en place. L’intérêt justement, sur ces questions qui demandent des investissements, c’est d’anticiper et de planifier, ce qui est fait. Vous pouvez donc rassurer nos concitoyens : pas de black-out à l’horizon !

Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les agences de l’eau et sur le cadrage budgétaire de leurs redevances. Les redevances des agences de l’eau sont des recettes fiscales environnementales perçues auprès des usagers en application des principes de prévention et de réparation des dommages à l’environnement ainsi que du principe de pollueur-payeur, auquel nous sommes, je pense, collectivement attachés. L’article 81 de la loi de finances pour 2020 fixe un plafond annuel de recettes de redevances encaissées par les six agences de l’eau à hauteur de 2,156 milliards d’euros à compter de 2020, l’excédent de recettes devant être reversé au budget général de l’État. Ainsi, le montant des redevances encaissées par les agences de l’eau sur la période 2019‑2024 devrait s’élever à environ 12,9 milliards d’euros, une somme intermédiaire comparée aux deux programmes précédents : 13,6 milliards d’euros pour le dixième programme qui s’est terminé en 2018 ; et 11,4 milliards d’euros pour le neuvième programme qui durait jusqu’à 2012.

Comme d’autres opérateurs, les agences de l’eau participent à l’objectif de maîtrise des dépenses publiques et de limitation de la pression fiscale qui pèse sur les Français et les entreprises. Sous ce plafond, outre la mise en œuvre de leur programme d’intervention, les agences contribuent au financement de l’Office français de la biodiversité et des parcs nationaux. Le PLF 2021 prévoit l’intégration sous ce plafond de la part de la redevance pour pollutions diffuses dédiée au financement du plan Écophyto national. Cette mise sous plafond s’accompagne du relèvement de 41 millions d’euros de ce plafond – aujourd’hui porté de 2,156 milliards d’euros à 2,197 milliards d’euros – et d’une augmentation de 41 millions d’euros de la fourchette de contribution des agences de l’eau à l’OFB.

Les agences de l’eau se sont mobilisées dès le début de la crise sanitaire en adoptant dans leurs instances des mesures d’urgence dès les mois d’avril et mai, et des plans de rebond en juin et juillet dans chaque bassin. Elles sont dorénavant activement mobilisées sur la mise en œuvre des mesures du plan de relance, qui s’élève à 240 millions d’euros sur la modernisation du réseau d’eau potable, la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux d’assainissement, y compris les mauvais branchements qui sont une source énorme de pollution, le déraccordement des rejets d’eaux pluviales des réseaux d’assainissement et leur infiltration à la source. En métropole, elles contribuent également, à hauteur de 30 millions d’euros, au soutien aux collectivités confrontées à l’impossibilité d’épandre leurs boues de station d’épuration, qui a été un problème pendant le confinement.

Sur les effectifs, il est prévu une réduction de 209 équivalents temps plein (ETP) des agences de l’eau sur la période 2018‑2022, soit une baisse de 12 % : moins 48 ETP en 2018, moins 44 en 2019, ramené à moins 43 après une mesure de gestion ; moins 40 en 2020, moins 39 en 2021.

Cette réduction s’explique par la raison suivante : toutes les sphères des actions de l’État participent à l’effort de redressement des finances publiques – c’est une phrase que vous allez beaucoup entendre. Les services du ministère de la transition écologique et solidaire devraient donc baisser leurs effectifs de l’ordre de 2 % par an d’ici à 2022, soit près de 10 % sur la période. Il en va de même pour ses opérateurs, avec une baisse, en moyenne, de 9 %.

Les agences de l’eau contribuent à l’effort à raison de moins 12 %. Cette plus forte contribution est liée à différents éléments. Tout d’abord, elles ont commencé leur réduction d’effectifs plus tard que les services de l’État et les autres opérateurs ; il y a donc une forme de rattrapage. Ensuite, la réduction, voire l’arrêt de certaines aides ou politiques trop coûteuses en effectifs, ont été entérinés dans le onzième programme afin d’accompagner ces baisses d’effectifs.

Le Gouvernement est toutefois conscient que l’effort demandé aux agences de l’eau est très ambitieux et difficilement compatible avec les départs en retraite prévus dans les agences. Cela soulève de nombreuses questions quant à leur capacité à maintenir les missions qui leur sont confiées. L’atteinte du schéma d’emploi doit donc être rendue possible par la combinaison de différents leviers : une mutualisation inter-agences, une simplification des procédures, une dématérialisation des demandes d’aide ainsi qu’une mobilité inter-opérateurs ou vers les services déconcentrés.

S’agissant du SDAGE, un courrier a été adressé par les ministres concernés au mois de mai pour informer les présidents de comités de bassin, les conseils maritimes de façade et les conseils d’administration des agences de l’eau ainsi que les préfets coordonnateurs de bassins et de façades maritimes du niveau d’ambition attendu pour les SDAGE 2022-2027 de chacun des bassins. Je ne vous donne pas le détail mais, si vous les voulez, je les tiens à votre disposition.

S’agissant des contentieux liés au traitement des eaux urbaines, à la fin de l’année 2017, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure du fait de ses manquements aux obligations de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires concernant 364 agglomérations d’assainissement. Cette mise en demeure a été suivie, le 14 mai 2020, d’un avis motivé portant sur 169 de ces agglomérations d’assainissement.

Le législateur ayant confié la compétence assainissement collectif aux communes et à leurs groupements, la présence de l’État auprès des collectivités est indispensable pour veiller au bon exercice de leur mission, fixer des prescriptions techniques que leurs installations de collecte et de traitement des eaux usées doivent respecter et en assurer le contrôle au titre de la police de l’eau. Le ministère a rédigé un projet d’instruction, en lien avec le ministère de l’intérieur et le ministère de la cohésion des territoires, pour demander aux préfets, notamment, de prendre toutes les mesures pour inciter les collectivités à respecter, dans les plus brefs délais, le droit national et européen, en utilisant l’ensemble des outils existants. Le plan de relance consacrant 250 millions d’euros pour améliorer les systèmes d’assainissement des réseaux d’eau potable, c’est l’occasion pour toutes ces collectivités de solliciter une aide afin de se mettre à niveau.

Enfin, sur les perturbateurs endocriniens, la France soutient l’Union européenne qui a adopté la définition des perturbateurs endocriniens utilisée dans les pesticides. C’est une avancée pour la santé environnementale car, pour la première fois, l’Europe sera en mesure d’interdire les pesticides perturbateurs endocriniens les plus dangereux. Il n’était pas possible d’obtenir mieux à ce stade. Cela dit, j’avais encore une réunion ce matin avec les membres de REACH-up, qui sont les États les plus avancés sur cette question, pour travailler à une action plus ambitieuse sur ces perturbateurs endocriniens.

Au niveau national, en septembre 2019, nous avons rendu publique la révision de la stratégie nationale mobilisant l’ensemble des leviers d’action pour réduire au maximum l’exposition de l’environnement et des populations à ces substances dangereuses. À titre d’exemple, Santé publique France a mis en ligne, en septembre, un site internet, agirpourbebe.fr, permettant, entre autres, d’informer sur les moyens de réduire cette exposition. Nous rendrons régulièrement compte de la mise en œuvre de ces mesures.

Je perçois, pour les vivre, les attentes fortes tout comme les crispations. Vous vous en doutez, je fais partie de ceux qui feront tout pour assortir ce qui sera fait du plus haut niveau d’exigence possible. Du point de vue de la méthode, mon rôle est de dépasser ces crispations, d’essayer de remettre un peu de raison dans des débats qui, parfois, s’en écartent, et de tracer le chemin qui me permettra de me dire, à la fin du quinquennat, que nous sommes engagés dans la bonne voie. C’est tout ce que je veux, très humblement, et je ferai tout mon possible pour cela. Oui, il y aura des moments de tangage ; oui, il faudra faire des efforts, mais vous pouvez compter sur moi pour pousser les choses le plus loin possible.

S’agissant, notamment, de la Convention citoyenne pour le climat, vous êtes nombreux à avoir exprimé des craintes. Arrêtons de crier avant d’avoir peur et avant d’avoir mal ! Le projet de loi qui est en train d’être travaillé sera une grande loi écologique. Les 146 propositions qui nous ont été présentées par les citoyens sont fondamentales et peuvent changer les choses. Tout notre travail aujourd’hui consiste à les faire « atterrir » parce que toutes ne peuvent pas être appliquées directement. Les citoyens en sont conscients, d’où ce travail préalable que je suis en train de faire avec eux. Pour ceux qui prétendent que j’aurais trahi ces citoyens, j’ai encore parlé avec eux la semaine dernière et ils comprennent bien qu’entre formuler des propositions et les mettre en œuvre, il y a un chemin à tracer avec ceux qui ont peur, avec ceux qui voudraient aller plus vite et plus loin, et également en tenant compte d’impératifs, notamment européens. C’est un chemin ambitieux, qui fera l’objet de passionnants débats au Parlement dans peu de temps.

En tout cas, 20 % des mesures sont soit déjà mises en œuvre, soit en cours de mise en œuvre, et 40 % d’entre elles seront traités dans le projet de loi issu de la CCC.

En ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, les crédits du CITE, par le passé, étaient certes plus élevés que ceux consacrés aux mesures que nous mettons en place aujourd’hui. Mais tout le monde s’accordait à dire qu’il y avait un problème d’efficacité de la mesure. Les acteurs de terrain, en particulier ceux qui s’occupent du dispositif opérationnel de rénovation énergétique des maisons individuelles (DORÉMI), qui assurent une rénovation globale, nous disent que le problème n’est pas tant une question de moyens que de modalités d’allocation et d’utilisation. C’est ce que nous avons essayé d’améliorer avec MaPrimeRénov’, que nous continuons d’améliorer pour ne plus avoir de pertes en ligne. Pour l’instant, tous les fonds investis n’ont pas obtenu le résultat attendu en termes d’efficacité énergétique.

Ce pari, nous nous efforçons de le tenir en rénovant les dispositifs comme je l’ai indiqué, en avançant des versements, en créant la prime qui permet aux ménages d’engager moins de trésorerie – c’était un débat que nous avions eu l’année dernière. Nous avons recentré le dispositif sur les ménages qui en ont le plus besoin. Nous avons fortement renforcé les C2E, sachant que nous mettons de l’argent sur le contrôle des C2E qui ont, j’en conviens tout à fait, donné lieu à des abus.

Le versement pour sous-densité a été supprimé parce que le dispositif n’enregistrait pas de résultats : seules dix‑huit communes étaient concernées, pour un rendement total de 5 000 euros par an sur le territoire. Par mesure de clarification et de simplification, nous avons décidé de supprimer cet outil qui ne fonctionnait pas, en renforçant, en contrepartie, la fiscalité pour lutter contre l’artificialisation et en mettant en place d’autres outils qui nous permettront, à mon sens, d’aller plus loin.

En ce qui concerne les établissements publics fonciers, nous rouvrons des crédits au programme 109 ou au programme 135, par amendements, dans la mission « Cohésion des territoires ».

S’agissant de l’instabilité des normes, nous essayons de donner de la visibilité et de programmer sur le temps long. Nous veillons à ne plus laisser de bulles s’installer. C’est la raison des débats sur le photovoltaïque et le méthane aujourd’hui : nous voulons nous donner plus de perspectives dans le temps, éviter de laisser croire que les tarifs de rachat vont atteindre des prix délirants, sans lien avec la réalité.

Quant à l’anarchie des éoliennes, il a toujours été possible d’élaborer des schémas, y compris dans la belle région du Nord. Plutôt que de hurler à l’anarchie, les responsables politiques, de niveau régional par exemple, pourraient réfléchir – et le Gouvernement prendra sa part également – à des schémas de développement qui permettraient de rassurer tout le monde et d’y voir plus clair en mettant en perspective les endroits où il est possible de faire de l’éolien ou du photovoltaïque, et ceux où cela n’est pas possible. Au moins tout le monde serait autour de la table pour trouver des solutions répondant à la fois à nos engagements en matière de développement des énergies renouvelables, mais également à nos responsabilités vis‑à‑vis de la préservation de nos paysages et de la sérénité et du bien-être des habitants. Ce serait bien plus utile pour nos concitoyens que de brasser de l’air – et pas seulement avec des pales d’éoliennes ! À mon avis, les contreparties environnementales donneront lieu à des débats intéressants pendant le débat budgétaire.

Pour terminer, le sourire, je le garde, bien sûr, convaincue que ce n’est pas en faisant la tête qu’on va résoudre les problèmes du monde. Je crois que cela fait aussi partie de mon rôle de ministre de la transition écologique pendant cette période d’angoisse. Pris dans la crise sanitaire doublée d’une crise sociale et économique particulièrement difficile, certains de nos concitoyens se retrouvent dans des situations extrêmement compliquées et ne voient aucune perspective pour l’avenir. La crise écologique, elle, est déjà présente et se manifestera de plus en plus. Dans ces conditions, soit on laisse le monde céder à la panique et à l’angoisse avec toutes les réactions associées, soit on se conduit en responsable politique, on prend les choses à bras-le-corps et on essaie d’avancer.

Moi, je veux tracer des perspectives. Je veux montrer que la transition écologique, ce ne sont pas forcément des drames et des difficultés accrues. Au contraire, si on la conduit bien, on peut placer nos concitoyens dans la perspective d’un monde où ils se sentiront mieux. Je sais que c’est difficile, mais si nous, responsables politiques, ne le faisons pas, autant laisser tout le monde tomber dans le désespoir et abandonner l’avenir aux extrêmes. Je ne suis pas d’accord avec cela ! Je mettrai tout en œuvre pour tracer ce chemin et essayer de construire, avec tous ceux qui le souhaitent, un avenir meilleur en tenant compte de la contrainte écologique, qui peut devenir une superbe opportunité pour tout le monde.

Madame la présidente, j’ai entendu vos questions sur le nucléaire. J’y apporterai les réponses, que je n’ai pas ici, car ce n’est pas exactement le sujet du PLF, mais c’est un sujet, vous le savez, qui me tient à cœur.

M. JeanBaptiste Djebbari, ministre délégué. À propos de la souveraineté industrielle européenne au regard de la filière batteries, il est vrai que nous avons perdu la première bataille de la production de batteries au profit de la filière développée en Chine. Plusieurs aspects me semblent, toutefois, en cours d’amélioration et, en tout cas, subissent une très forte dynamique politique.

Premièrement, la filière batteries s’améliore. Les performances des batteries également, elles sont aujourd’hui moins consommatrices de métaux lourds. Des leaders français, comme Saft Batterie, développent de nouveaux concepts dits solid state, ou « tout solide », qui permettent d’entrevoir pour les usages actuels de l’industrie et, demain, pour les mobilités, une moindre dépendance géopolitique aux métaux rares.

Deuxièmement, la relocalisation de l’activité pour l’ensemble de la filière ‑ l’électrique, l’hybride rechargeable et, plus généralement, l’ensemble des domaines qui lient transports et énergie – est assez largement à l’œuvre. Un gros travail reste à faire sur la chaîne de valeur en vue de la captation, en France et dans l’Union européenne, de la plus grande partie de la valeur.

Troisièmement, en matière de recyclage des batteries, des expérimentations sont en cours en France et une filière de « rétrofitage » dans des véhicules utilitaires légers s’est structurée. On voit bien qu’il est possible d’améliorer encore la longévité et, donc, le bilan carbone des filières batteries par des usages secondaires pour des centaines de milliers de kilomètres. Ce n’est donc pas du tout accessoire.

Quant à savoir, quatrièmement, s’il faudra ou non importer de l’électricité, lors de l’événement « Objectif 100 000 bornes » que nous avons co-présidé avec Barbara Pompili au ministère ce 12 octobre, Enedis s’est engagé sur la production électrique à fournir pour répondre aux besoins des véhicules électriques, estimés sur la base des projections dont nous disposons, qui semblent réalistes, du nombre prévisionnel de ces véhicules. Les ventes de véhicules électriques ont quasiment doublé par rapport à l’année dernière, l’offre des constructeurs commence à être suffisamment fournie pour voir le marché émerger, nous solidifions également le marché de l’occasion, et nous sommes convaincus, puisque Enedis l’a réaffirmé, de pouvoir fournir l’énergie à l’ensemble des véhicules qui en auront besoin.

La philosophie qui préside à tout cela n’est pas de faire de l’électrique partout et pour tous les usages, mais bien d’agir dans une complémentarité des modes d’énergie en fonction de ce qu’il s’agit de propulser. Si je caricature un peu, l’électrique a plutôt vocation à propulser du léger, de l’urbain, éventuellement sur de la moyenne distance, puisque nous constatons aujourd’hui qu’avec une autonomie de 400 à 500 kilomètres pour les modèles les plus performants, le niveau d’autonomie est suffisant pour donner confiance et développer un marché. Mais nous avons également en France des filières d’excellence sur l’hybride rechargeable, localisées d’ailleurs dans les territoires du Nord. Puis, s’offrent aussi à nous des enjeux d’avenir, notamment grâce au saut technologique apporté par l’hydrogène.

Dans ce domaine, en effet, près de 1 000 millions de tonnes d’hydrogène sont fabriquées en France, dont 95 % issues du vapocraquage de produits fossiles de l’industrie. Si nous pensons – et nous le pensons – que, demain, l’hydrogène peut fournir une énergie satisfaisante pour la mobilité et d’autres usages, il faudra en produire massivement, probablement de façon décentralisée et décarbonée. Cela se fera soit au travers de la filière électrique actuelle, soit au travers de l’émergence de l’accompagnement de la filière des énergies renouvelables, les ENR, notamment éoliennes et photovoltaïques. Là encore, il faut essayer de discerner les usages.

Il faudra progresser sur la production décarbonée et savoir ce qu’il en est du stockage. Cela présente un intérêt tout à fait premier pour les usages de la mobilité. Nous avons des leaders en la matière – Air Liquide réalise des choses très impressionnantes en matière de stockage, notamment cryogénique. Nous avons des leaders sur les réseaux de transport et distribution. De surcroît, nous sommes dans un « momentum politique » intéressant, puisque nous disposons tout à la fois de très importants soutiens publics – 7 milliards d’euros sur dix ans –, d’un plan européen en miroir du plan français, d’un marché pertinent, celui de l’Union européenne, porté par une notion nouvelle de développement d’une souveraineté économique industrielle européenne pour contrer nos concurrents chinois et américains. Forts de ces éléments, il faudra également faire preuve de constance dans l’effort, en termes de soutien public, de recherche publique et de définition de bonnes normes, ainsi que d’une forme d’agnosticisme sur le plan technologique.

Nous avons parlé de l’avion à hydrogène. Je ne doute pas qu’il sera possible de faire voler des avions très sobres en carbone à l’horizon 2033-2035, un temps somme toute relativement court à l’échelle du développement industriel. Nous sommes instruits de l’expérience du spatial. L’industrie s’y est engagée, et les inventions vont arriver. Je suis convaincu que ce que nous verrons voler, rouler et naviguer en 2035 est partiellement connu ; nous nous donnons la capacité de relever et de réussir ces défis ô combien importants, y compris pour la dimension du progrès que, pour la plupart, nous défendons ici.

S’agissant de l’AFITF, nous avons eu un trou à combler, cette année, pour sécuriser sa trajectoire financière. Nous l’avons comblé avec 400 millions d’euros. Si la question est de savoir s’il est préférable de rebudgétiser l’AFITF, cela me semble poser un problème démocratique, dans la mesure où la loi d’orientation des mobilités, à l’issue de débats fournis, a sanctuarisé la trajectoire. S’il s’agit de savoir si la TICPE est une taxe d’avenir à trente ou quarante ans alors qu’elle était essentiellement assise sur les produits fossiles, le débat mérite sans doute d’être posé. Quoi qu’il en soit, j’ai du mal à comprendre une proposition de rebudgétisation de l’AFITF alors que nous disposons là d’un outil sous contrôle démocratique, dont il a été débattu à de nombreuses reprises et qui, aujourd’hui, est le soutien du développement et des infrastructures de toutes natures dans nos territoires.

Les taxes affectées de l’AFITF se distribuent pour environ 1,3 milliard d’euros au titre de la TICPE, quelque 230 millions de taxe solidarité de l’aérien, la fameuse « taxe Chirac », et un peu plus de 500 millions pour la taxe d’aménagement du territoire (TAT), tout cela ayant été maintenu et complété au fil des lois de finances rectificatives tout au long de l’année pour tenir compte des effets de la crise de la covid-19.

Quant à la contribution de solidarité territoriale (CST) et à la taxe sur les résultats des entreprises ferroviaires (TREF), ces taxes sont réaffectées au budget général mais un travail est en cours, en lien avec l’ensemble des opérateurs ferroviaires. Nous souhaitons aboutir dans le PLF pour 2022 et décider alors ce que nous faisons de ces taxes, héritage quelque peu baroque de ce qu’a été la fiscalité sur les acteurs du ferroviaire dans un monde en monopole.

Enfin, sur le fluvial, d’une manière générale, nous lions ces sujets avec notre politique maritime et notre stratégie portuaire. Sur le fluvial, je rappelle qu’en 2017, 70 millions d’euros seulement étaient alloués à la régénération et à la modernisation du réseau. Nous avons porté ce montant à 100 millions d’euros. C’est, je pense, un effort inédit sur l’ensemble des infrastructures. Il s’agit d’avoir des transports et des façons de faire voyager nos marchandises et nos passagers de façon plus fluide. L’effort de régénération est important parce que ce réseau, comme d’autres, a subi la vétusté et l’épreuve du temps.

Un mot de la distribution et de la ventilation des 11,5 milliards d’euros, et notamment sur la part du ferroviaire : 4,9 milliards seront consacrés au ferroviaire, 4,1 milliards au soutien à la SNCF, essentiellement pour régénérer le réseau et disposer à l’horizon 2030 d’un réseau de bonne tenue. Rappelons que la vétusté de celui-ci a été établie, en 2017, juste avant le pacte ferroviaire, à trente ans d’âge en moyenne, contre dix-sept ans en moyenne pour le réseau allemand. De plus, pour remédier au sous-investissement chronique subi par les lignes de desserte fine du territoire du fait du surinvestissement sur les lignes à grande vitesse, nous investissons sur les fameuses petites lignes, avec les régions, grâce à un plan de 6 milliards d’euros sur dix ans – 300 millions d’euros sur deux ans, pour la partie qui intéresse le plan de relance.

S’agissant des autres sujets relevant du ferroviaire, nous consacrons 200 millions d’euros au fret, dans des mesures de soutien aux opérateurs, une baisse des péages pour reposer les bases d’une compétitivité acceptable vis-à-vis de la route, et de nouveaux axes d’autoroute ferroviaire – je pense notamment à Calais-Sète et à Perpignan-Rungis que nous voulons étendre vers le Sud et remonter vers le Nord, notamment vers les ports d’Anvers et de Dunkerque, et la ligne reliant Cherbourg à Bayonne. Sachant qu’une autoroute ferroviaire représente 20 000 poids lourds de moins sur la route, chacun ici en comprend la pertinence.

Nous investirons 600 millions d’euros dans les trains de nuit, à la fois pour soutenir l’exploitation, mais également pour rénover le matériel roulant. Près de 50 millions d’euros seront consacrés aux pôles d’échanges multimodaux au cours des deux prochaines années, et 200 millions d’euros au tunnel ferroviaire Lyon-Turin, afin de satisfaire aux engagements européens que nous avons pris.

M. David Lorion, rapporteur pour avis (transports aériens). Au premier trimestre, le transport aérien a été brutalement mis à l’arrêt, pendant plusieurs mois, en raison notamment de la fermeture des frontières décidée par la plupart des pays. Si les vols ont repris aujourd’hui, le secteur est loin d’être sorti de la crise. J’ai pu auditionner de nombreux acteurs du secteur aérien dans le cadre de mes fonctions de rapporteur pour avis des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». Tous dressent le même constat : le retour à la situation d’avant-crise n’est pas prévu avant 2024.

Dans ce contexte particulier, je m’interroge, non pas sur l’opportunité de certaines mesures portées par la Convention citoyenne pour le climat, mais sur la nécessité de les prendre maintenant et sur le seul territoire national. Comme l’a indiqué la direction générale de l’aviation civile (DGAC), la mise en place d’une écocontribution kilométrique renforcée porterait la recette de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) à environ 4,2 milliards d’euros en multipliant par trois le niveau de fiscalité spécifique du secteur, et par dix celui de la TSBA. Cette écocontribution serait fatale au transport aérien. Quelles suites entendez‑vous donner à cette proposition de la Convention citoyenne ? Je n’ai d’ailleurs pas entendu le mot d’écotaxe lorsque vous nous avez présenté la convention qui est, toujours selon la DGAC, une menace de destruction d’environ 120 000 emplois non délocalisables, alors que le seul plan de relance prévoit d’en créer 160 000.

Par ailleurs, la suppression des lignes intérieures résultant de l’interdiction des vols pouvant être remplacés par un trajet en train de moins de deux heures trente, risque de pénaliser directement la connectivité entre les régions de métropole et les territoires d’outre‑mer. Les vols vers l’outre-mer partant d’Orly, la suppression des vols intérieurs vers Orly risque donc de pénaliser bien plus fortement les originaires des outre-mer que l’ensemble des originaires de l’hexagone.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis (paysages, eau et biodiversité). Je reviens rapidement sur le CEREMA, pour souhaiter qu’un effort soit consenti au regard du problème récurrent concernant ses effectifs depuis plusieurs années. C’est, à mon avis, un établissement absolument nécessaire, qui vient en appui de nos collectivités dans nos petits territoires qui en ont fort besoin.

Je n’ai pas franchement trouvé de réponse à mes interrogations s’agissant des moyens de contrôle à votre disposition, au regard des fonds publics alloués, pour s’assurer de la bonne tenue des projets dans leur globalité.

Sur le sujet, très peu abordé, des concessions de barrages hydroélectriques, j’aimerais avoir votre position quant à la mise en œuvre de ces concessions.

S’agissant de l’eau et des agences de l’eau, quelle politique comptez-vous mener pour remédier à la contrainte résultant du plafond « mordant » sur les ressources des agences de l’eau ? Vous l’avez dit, l’eau paye l’eau, mais pas seulement. Dans la période de crise que nous traversons et compte tenu des évolutions climatiques, c’est un sujet sur lequel nous devons être offensifs. Je fais le lien avec le plan « fuites », dont il ressort des auditions que j’ai pu mener qu’il a très peu évolué. Dans le même objectif, j’aimerais savoir où nous en sommes de l’introduction plus massive dans notre territoire de la réutilisation des eaux usées traitées.

Mme Aude Luquet, rapporteure pour avis (politiques de développement durable). Les crédits « Politiques de développement durable » portent non seulement sur les moyens humains et matériels du ministère de la transition écologique, mais également, pour partie, sur le financement de l’École des Ponts (ENPC) et de l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE). C’est dire l’importance de ce programme pour mener la politique de transition dans laquelle le Gouvernement et vous-même avez engagé notre pays. Si les moyens financiers restent essentiels, il faut aussi des femmes et des hommes pour porter les actions, que ce soit au ministère, dans les territoires ou dans la recherche.

Lors de mes auditions, j’ai pu mesurer l’investissement de chacun, mais j’ai aussi entendu des craintes, des doutes et, parfois, des difficultés face aux contraintes financières et humaines qui pèsent de plus en plus sur l’action des forces vives du ministère. Pour la treizième année consécutive, les moyens financiers et humains alloués sont en baisse. Si l’objectif initial était louable, rationalisant et mutualisant ce qui pouvait l’être, les marges de manœuvre aujourd’hui se réduisent. Les équipes font part d’un certain malaise. Alors qu’elles pouvaient être auparavant dans l’anticipation, elles sont désormais davantage dans la réaction à des commandes, quand elles n’abandonnent pas certaines missions. Percevez‑vous ce malaise au sein de vos équipes ? Peut‑on encore demander des efforts aux agents du ministère ?

Au‑delà de cet aspect humain, il y a l’aspect matériel. L’une des priorités pour 2021 retenues dans ce programme est de financer le renforcement du fonctionnement numérique du pôle ministériel en accompagnant le développement de nouvelles modalités de travail. Fortement mobilisée sur les questions de télétravail, j’ai souhaité faire un focus sur les enjeux en cette période de crise sanitaire qui bouleverse nos méthodes de travail. Quelles sont les ambitions du ministère en matière de télétravail ?

Pour terminer, je souhaiterais rapidement parler de la recherche, qui joue un rôle prépondérant pour faire face aux enjeux environnementaux. L’ENTPE et l’ENPC sont deux écoles d’excellence, qui dépendent des crédits du ministère de la transition écologique. Chaque année, elles sont encouragées à trouver de nouvelles ressources propres pour financer leurs recherches. Or, face à une crise sanitaire inédite, elles craignent de voir leurs moyens amputés du fait d’entreprises qui ne pourraient plus assumer leur contribution, et d’une subvention pour charges de service public qui serait en baisse. Comment le ministère compte‑t-il les soutenir ?

Mme Zivka Park, rapporteure spéciale de la commission des finances. J’interviens dans le cadre du rapport spécial de la commission des finances, que je partage avec mon collègue Benoît Simian, sur les crédits dédiés aux infrastructures et services de transport, aux services nationaux de transport conventionnés de voyageurs et sur ceux du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Deux principes directeurs ont guidé nos travaux et la conduite des auditions par nos soins de l’ensemble des acteurs du transport. Le premier était de savoir si les engagements pris dans le cadre de la LOM sont au rendez-vous dans le projet de loi de finances, s’ils y ont trouvé une traduction budgétaire. Le second principe était de nous assurer de l’effectivité de l’exécution du plan de relance auprès des grands acteurs du secteur des transports qui ont directement bénéficié de ce plan.

Pour tenir dans mon temps de parole, je n’aborderai que deux points. S’agissant de l’AFITF, le budget prévisionnel respecte les trajectoires fixées dans la LOM. Toutefois, quelques incertitudes demeurent concernant les ressources, notamment sur les prévisions de recettes des « amendes radars » ou de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, en raison notamment de la crise sanitaire.

S’agissant du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », les recettes des taxes et redevances aériennes pour 2021 sont bien inférieures à celles prévues dans la loi de finances de 2020, mais sont compensées par une hausse des autorisations d’emprunt. La taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) connaît, elle aussi, une baisse de recettes du fait de la chute du transport aérien liée à la crise sanitaire. Or elle contribue à l’insonorisation des logements riverains d’aéroports. J’ai déposé un amendement d’appel pour trouver une solution de compensation à la perte de ces ressources fiscales afin que ces opérations indispensables puissent se poursuivre. Quelles solutions pouvons‑nous envisager ensemble, pour ne pas prendre plus de retard ?

Quand pourrons-nous disposer de la ventilation exacte sur chacun des chantiers du plan de relance ?

Madame la ministre, il est important de rester jovial, tout en étant ambitieux et exigeant pour notre pays !

Mme Barbara Pompili, ministre. Une précision s’agissant de la Convention citoyenne pour le climat et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion. J’ai eu l’occasion de discuter, avec ceux de ses membres qui voulaient augmenter cette « taxe Chirac », du but qu’ils poursuivaient avec cette proposition : ils souhaitaient tout simplement faire baisser les émissions du secteur aérien et inciter, par cet indice-prix, ceux qui prenaient un billet d’avion à réfléchir à la possibilité d’utiliser un autre mode de transport. Quand je leur ai fait remarquer que, dans les conditions actuelles de la crise, leur objectif était atteint, ils ont convenu que l’augmentation de cette taxe – qu’il ne s’agit pas de créer mais bien d’augmenter puisqu’elle existe déjà – ne se poserait réellement qu’au moment où le trafic aérien retrouverait un niveau comparable à celui enregistré l’année dernière. Nous poursuivons la réflexion en liaison avec le ministère des transports, avec Bercy, Matignon et les autres ministères concernés, pour étudier la satisfaction de leur demande par ce biais, l’idée étant, comme Président de la République l’a dit lors de son interview au journal de 20 heures la semaine dernière, de le faire mais plus tard et selon des modalités dont il faudra encore discuter.

Tout le monde, y compris ces citoyens, a conscience que la crise a bouleversé la donne sur un certain nombre d’éléments, dont celui-là. Je voulais simplement le préciser pour que l’on ne se fasse pas peur pour rien. L’objectif était de baisser les émissions ; les émissions sont actuellement basses. Cette taxe n’a donc pas d’objet tant que les émissions restent à ce niveau.

Sur les barrages hydroélectriques, nous sommes encore – et pour un certain temps – en négociation avec la Commission européenne pour trouver une solution. Nous espérons que les discussions actuelles avec Mme Margrethe Vestager aboutiront à des solutions. Je ne peux vous en dire beaucoup plus pour l’instant.

S’agissant du CEREMA, tout le monde a conscience que les efforts demandés à ces opérateurs de l’État sont difficiles, d’autant qu’ils viennent à la suite d’efforts qui leur sont demandés depuis des années. Nous en avons discuté avec les syndicats et nous tâchons de faire en sorte que des réorganisations permettent d’absorber ces baisses. Je ne vous cache pas qu’il s’agit d’un effort qui s’impose à nous, mais nous sommes tous supposés participer à l’effort et nous le faisons. En revanche, nous faisons en sorte de nous organiser de façon à ne pas affecter les politiques que nous voulons mettre en place, notamment dans le cadre du plan de relance. Mais, en effet, les établissements publics que sont le CEREMA, les agences de l’eau, l’ADEME ou l’Office de la biodiversité seront tous mis à contribution.

La philosophie est la même pour le pôle ministériel que pour les opérateurs.

L’École nationale des Ponts et chaussées et l’École nationale des travaux publics de l’État assurent la formation initiale et continue d’ingénieurs dans les domaines de compétence de mon ministère, mais également des ministères de la cohésion des territoires et de la mer. Ces établissements mènent également des actions de recherche et de diffusion des connaissances. L’ENPC recevra en 2021 une subvention pour charges de service public de 27,3 millions d’euros en légère diminution, de 1,7 %. L’ENTPE percevra, pour sa part, une subvention de 19,5 millions d’euros, en baisse de 2,3 %. En contribution à l’effort d’économie consenti par l’ensemble des opérateurs, ces deux écoles verront leurs emplois légèrement baisser : avec moins 3 ETP pour l’ENPC et moins 2 pour l’ENTPE, les effectifs passeront donc respectivement à 307 et 158 ETP. Cela permet de financer les dépenses de fonctionnement et d’investissement des écoles, ainsi que les frais de personnel.

Ces établissements disposent également de ressources propres, comme les droits d’inscription, des prestations de service, des dons et des legs. Je pense qu’il n’est pas souhaitable de réduire les moyens de l’ENPC et de l’ENTPE afin de préserver l’excellence et la visibilité académique de ces écoles dans un univers très concurrentiel, tant pour les activités de formation que pour celles de recherche. Il convient donc de maintenir leur contribution à la formation initiale et continue des cadres de nos ministères. Nous y serons très attentifs.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. En complément à la réponse de Barbara Pompili au sujet de l’écocontribution de l’aérien, j’indique que les chiffres ont été posés sur la contribution de tel ou tel secteur. Je rappelle que le secteur de l’aérien est minoritaire dans la contribution aux gaz à effet de serre dans l’ensemble du champ des transports. Or c’est bien dans l’ensemble du champ des transports, dont l’aérien, que nous menons notre action. C’est moins aussi que les secteurs du numérique, du textile, de la production d’énergie et de l’agroalimentaire. Donc, si nous voulons réellement suivre la trajectoire des 2 degrés – et nous le voulons –, les mesures doivent porter sur l’ensemble des secteurs de façon très volontariste.

Je n’élude absolument pas la question de la contribution positive, c’est-à-dire l’action contre le dérèglement climatique de l’aérien. C’est la raison pour laquelle nous avons consacré 1,5 milliard d’euros à la recherche publique sur la nouvelle génération d’avions sobres en carbone, soit un quadruplement de l’effort par rapport à la génération d’investissements précédents. Ce faisant, nous avons réussi à entraîner l’industrie et les opérateurs dans un cycle plus vertueux. Par ailleurs, dans ce moment de crise, cela nous conduira, je l’espère – c’est, en tout cas, notre ambition politique –, à recréer ce qu’on appelle en économie des avantages comparatifs vis-à-vis de nos concurrents, Boeing aux États-Unis ou encore l’industrie aéronautique chinoise. Tout cela participe, finalement, du même mouvement et de la même ambition.

Nous sommes très vigilants à ce que les liaisons avec les territoires d’outre-mer, par nature accessibles seulement par le mode aérien, ne soient pas touchées. Les vols en correspondance à Orly ne seront donc pas affectés. D’ailleurs, nous continuons à développer une politique très favorable au désenclavement par la voie aérienne, y compris d’ailleurs dans les territoires métropolitains. C’est le cas, par exemple, dans le grand Massif central, de villes comme Limoges, Brive, Aurillac et toutes celles qui ont besoin de l’aérien pour préserver leur attractivité et se connecter aux grands hubs internationaux et aller vers les territoires d’outre‑mer.

Enfin, nous avons déjà eu, avec Mme Park et d’autres députés, ces discussions sur les baisses des recettes de la TNSA. Sur les recettes du budget de l’aviation civile, c’est par le biais d’un emprunt conséquent de la DGAC – 760 millions d’euros –, que nous préserverons l’ambition et les opérations pour la période concernée. Nous serons favorables, dans la discussion budgétaire, à l’amendement mentionné, pour les raisons essentielles qui ont été avancées : préserver les conditions de confort et de sécurité des habitations concernées par les plans de gêne sonore des aéroports, et rendre l’activité aérienne compatible avec les légitimes préoccupations des riverains.

M. Jacques Krabal. Les installations photovoltaïques inférieures à 250 kilovoltampères sont exonérées de la quote‑part du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR). En revanche, pour celles de puissance supérieure, la quote-part peut atteindre 83,64 euros en région Hauts‑de‑France contre 0 euro en région Grand Est : pourquoi de telles disparités ?

Concernant les installations de petite à moyenne taille, les coûts de raccordement au réseau sollicités par Enedis manquent souvent de transparence et rendent les opérations irréalisables. C’est le cas dans le sud de l’Aisne, à Trélou-sur-Marne et à Lucy-le-Bocage, pour des projets individuels mais aussi pour des projets de collectivités locales. Ces projets inscrivent pourtant la transition énergétique dans nos territoires ruraux et permettent aux citoyens d’être producteurs de leur propre énergie. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour apporter de vraies réponses à ces questions en 2021, en rassemblant les acteurs que sont EDF, Enedis, les syndicats d’électrification et les développeurs.

M. Jean-Luc Fugit. Merci, madame la ministre, pour la forte progression des crédits des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) que vous prévoyez cette année dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » !

D’autres actions favorables à la qualité de l’air sont prévues, comme, par exemple, les primes à la conversion. Cependant, l’ambition qui lie ces mesures budgétaires n’est pas suffisamment lisible. Ce point est souligné par la Cour des comptes dans son rapport sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air, publié en septembre, qui recommande de « Mieux retracer l’effort budgétaire annuel en matière de qualité de l’air dans le cadre de la « budgétisation environnementale » ».

Pour lutter contre la pollution de l’air, beaucoup reste à faire, comme le montre le bilan de la qualité de l’air 2019. Madame la ministre, quelle est l’ambition du Gouvernement pour intensifier encore la lutte contre la pollution de l’air ? Comment comptez-vous rendre plus lisible le soutien budgétaire que vous engagez pour conduire cette politique ?

Si vous me répondez avec le sourire, je ne vous en voudrais pas parce que je crois qu’en politique, il n’est pas toujours besoin de hurler pour se faire entendre.

M. Emmanuel Maquet. Grâce à l’intervention de tous, notamment de Xavier Bertrand pour la région des Hauts-de-France, la ligne de train Abbeville-Le Tréport-Mers rouvrira après de lourds travaux. Mais un décret de 1997 impose l’intervention du ministre des transports pour conserver les passages à niveau de toute ligne restée fermée depuis plus de cinq ans. Monsieur le ministre, je vous ai adressé un courrier à ce sujet, resté pour l’instant sans réponse. Allez‑vous garantir la viabilité du projet en autorisant l’ensemble de ces passages à niveau ?

Madame la ministre, vous avez annoncé votre volonté d’un moratoire sur l’artificialisation des sols. Je tiens à vous exprimer la méfiance de nos campagnes qui font tout pour attirer l’activité économique et qui ne pourront bientôt plus mobiliser leur seul avantage, à savoir le foncier disponible. Près de chez vous, à Amiens, des entrepôts flambant neufs, de plus de 100 000 mètres carrés, sont sortis de terre en un temps record pour Amazon. Avec votre moratoire, sera-t-il encore possible de construire et de vivre dans nos campagnes ?

M. Brahim Hammouche. Madame la ministre, vous avez envoyé, en juillet dernier, un courrier concernant l’amélioration et l’extension des conditions d’utilisation des chèques énergie pour faire face aux conséquences de la crise de la covid-19. En ma qualité de rapporteur pour avis de la mission « Solidarité », deux situations m’ont été signalées de personnes qui ne peuvent bénéficier de ce chèque. La première est celle des personnes locataires d’un logement social qui s’acquittent d’un loyer toutes charges comprises ; la seconde, celles des bénéficiaires de dispositifs d’intermédiation locative sans bail glissant, donc non assujettis à la taxe d’habitation en propre. Je pense que les associations locataires pourraient bénéficier d’une aide spécifique que le gestionnaire du logement d’intermédiation locative déduirait du montant des redevances liées aux quittances, cette aide accompagnant la volonté de notre Président de la République de favoriser l’accès des sans‑abri à un logement et de créer 40 000 places à cet effet.

Mme Stéphanie Kerbarh. La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) avait fixé un objectif de 25 millions d’habitants concernés par la tarification incitative sur les ordures ménagères en 2025. Nous en sommes loin aujourd’hui, puisque seulement 6 millions d’habitants sont concernés. Or la tarification incitative a montré ses résultats : une réduction de la production d’ordures ménagères résiduelles de l’ordre de 20 % à 50 % et une hausse en moyenne de 30 % des performances de tri pour les emballages et les papiers. Cela s’inscrit pleinement dans les objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

Le comité légistique de la Convention citoyenne pour le climat a suggéré de développer ce levier pour avoir les modalités les plus justes et favoriser les comportements écoresponsables. Vous avez annoncé vouloir prolonger d’un an l’expérimentation de la part incitative de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOMi), passant ainsi de cinq à six ans. Ce prolongement sera‑t‑il effectué dans le PLF 2021 ? Par ailleurs, pour faciliter son déploiement, pourrions‑nous autoriser sur un même territoire deux types de tarifications différentes ? Déjà expérimentée au sein des métropoles, la TEOMi ne pourrait-elle l’être également dans les territoires plus ruraux ?

M. Jean-Yves Bony. Je vous remercie d’avoir réaffirmé l’importance de la ligne aérienne Aurillac‑Paris.

Le Président de la République a déclaré, le 14 juillet dernier, vouloir renforcer et rouvrir certaines petites lignes, développer le fret ferroviaire et favoriser le retour des trains de nuit. Malgré ces déclarations encourageantes, le Cantal s’inquiète pour ses lignes ferroviaires, notamment celles reliant Clermont-Ferrand à Béziers via Neussargues, et Aurillac à Brive. Le plan de relance consacrera 4,7 milliards d’euros au secteur ferroviaire. Quelle sera la part réservée à ces petites lignes ?

Quelle est réellement votre position sur ces petites lignes ferroviaires, primordiales pour nos zones de montagne, tant en termes de mobilité que d’aménagement du territoire ? L’État va‑t‑il s’engager aux côtés des régions dans une véritable modernisation de ces lignes et lancer les travaux dès les tout prochains mois ?

M. Lionel Causse. En 2020, pour la première fois, le conseil administration de l’Office national des forêts (ONF) a voté un budget initial en déficit de 50 millions d’euros. En réaction, le Gouvernement l’a autorisé à relever son plafond d’endettement de 400 à 450 millions d’euros. Mais cette réponse n’est pas une solution satisfaisante sur le long terme.

L’ONF rencontre un problème de modèle économique. Depuis 2006, le poids du compte d’affectation spéciale « Pensions », dit CAS Pensions, dans le budget de l’ONF n’a cessé de croître. Quelles solutions envisagez‑vous pour pérenniser la situation économique de l’ONF et lui permettre de lancer des projets d’investissement à moyen terme ?

S’agissant du financement du Conservatoire du littoral, un amendement voté en première partie du PLF 2020, modifiant l’ordre d’affectation du droit de francisation des navires (DFN), a eu pour effet de rétrograder le Conservatoire derrière la filière REP (Responsabilité élargie du producteur). Quel est l’intérêt d’avoir modifié ainsi l’ordre d’affectation ? Pouvez‑vous nous assurer que cela n’allongera pas les délais de versement des crédits alloués au Conservatoire du littoral. La question du financement autonome des filières REP devra être posée.

M. Sylvain Templier. Dans ma circonscription de Haute-Marne, quatre magnifiques lacs alimentent le canal entre Champagne et Bourgogne, qui relie la Marne à la Saône. Les élus et les acteurs locaux s’inquiètent de l’entretien des digues et du canal. Le niveau des retenues a dû être réduit faute d’entretien et les incidences sont nombreuses : la saison navigable a été réduite dans le temps, affectant le flux tant commercial que touristique, le volume des lacs est plus faible, avec des conséquences sur leur qualité sanitaire et, par ricochet, sur les activités touristiques de même que sur l’alimentation en eau potable.

Quels sont les moyens humains et financiers attribués à Voies navigables de France (VNF) pour l’entretien des infrastructures fluviales et quelle part en assume l’État ?

Mme Chantal Jourdan. Nous avons bien entendu l’ambition affichée du Gouvernement de favoriser le ferroviaire, moyen de transport écologique. Mon prédécesseur Joaquim Pueyo et le groupe Socialistes et apparentés avaient exprimé, lors du débat sur la LOM, les craintes qui pèsent sur les petites lignes, citant, entre autres, la ligne Caen-Tours. Pour celles qui existent encore, ces lignes sont essentielles pour les usagers qui doivent y trouver confort et qualité ainsi que des horaires adaptés et respectés, conditions indispensables pour inciter les habitants à adopter les changements de comportement que l’on attend d’eux ‑ préférer le train à la voiture, par exemple – et, par ricochet, pour l’attractivité des territoires. Les moyens envisagés permettront-ils de renforcer rapidement ces lignes de transport vertueuses, dont ont tant besoin nos territoires ruraux ?

Mme Bérangère Couillard. Pour pallier l’utilisation des produits phytosanitaires, il nous faut développer l’usage du biocontrôle, mais ce secteur connaît de véritables difficultés. La mise sur le marché des produits de biocontrôle reste, en effet, soumise à des réglementations longues et coûteuses pour nos PME. Le marché américain compte deux fois plus de molécules de biocontrôle que l’Europe, grâce notamment à une réglementation plus souple ; il importe de favoriser le développement de ces produits, tant au niveau national qu’au niveau européen. Si son utilisation connaît une croissance rapide, de 25 % par an, le biocontrôle ne pèse que 5 % à 10 % du marché français des produits phytosanitaires.

Dans le plan de relance figure une aide au renouvellement des agroéquipements visant à réduire l’usage de produits phytosanitaires, mais aussi une aide destinée aux entreprises de biocontrôle. Je ne vois pourtant pas, dans le budget, de crédits dédiés à la recherche et au développement de ces solutions. J’ai déjà interrogé le Gouvernement à de nombreuses reprises sur cette question, car j’ai, dans ma circonscription, le cas d’Immunrise Biocontrol, qui propose un traitement contre le mildiou des vignes qui serait également une solution efficace contre la propagation de champignons dans d’autres cultures. Or cette entreprise se heurte à de nombreux obstacles, comme le délai trop long pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché.

Quelles sont les pistes envisagées pour favoriser toute solution dans ce domaine ?

Mme Souad Zitouni. La France est aujourd’hui la première nation au monde à mettre en œuvre un budget vert ; il faut donc rester positif et jovial, effectivement.

Le projet de loi de finances pour 2021 a malheureusement confirmé la trajectoire que suit le CEREMA. Depuis 2015, les emplois à temps plein et les budgets de fonctionnement sont en baisse alors que la Société du Grand Paris (SGP) a doublé ses effectifs en 2019 et ajouté 300 recrutements en 2020.

Cela ne traduit-il une certaine dichotomie entre les besoins parisiens et ceux des territoires en termes de protection de l’environnement, de prévention des risques et, par conséquent, en termes de moyens associés ? Nos territoires, notamment ceux de la région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur (Sud PACA), possèdent pourtant un fort potentiel en matière de transition énergétique.

Mme Marie Silin. En décembre 2017, au One Planet Summit, le Président de la République affichait son ambition de créer le Paris collaborative on green budgeting (Collaboratif de Paris sur les budgets verts). Cette initiative permet d’évaluer et de piloter l’alignement des budgets nationaux avec l’Accord de Paris et d’autres objectifs environnementaux. Depuis, nous avons pu prendre connaissance des travaux conséquents et précieux menés par notre collègue Bénédicte Peyrol. À ce jour, nous pouvons être fiers d’être le premier pays au monde à mettre en œuvre une démarche de budgétisation environnementale reposant sur six critères, parmi lesquels la lutte contre le changement climatique, l’économie circulaire et la protection de la biodiversité. Si cette initiative est à féliciter et constitue pour nous, parlementaires, un outil enrichissant pour nos travaux dans le cadre du PLF, certaines organisations non gouvernementales (ONG) de défense de l’environnement émettent des réserves le concernant.

Je sais que votre ministère est sensible au déploiement d’un tel d’outil. Quelles sont les évolutions à prévoir pour faire du budget vert une méthodologie indispensable et pérenne ? À cette fin, quel partenariat envisagez-vous avec les acteurs publics et quelle collaboration souhaitez-vous avec le commissariat au plan ?

Mme Sophie Panonacle. Le défi de l’économie de la mer est bien de répondre au double enjeu d’être compétitif tout en privilégiant une économie décarbonée. La décarbonation du transport maritime ne part pas de rien puisque, aujourd’hui, le verdissement du transport concerne de nombreuses initiatives innovantes et ambitieuses qui ne demandent qu’à être soutenues. Il est question de GNL, d’hydrogène, de propulsion vélique. Les filières connaissant une réelle expansion, le secteur maritime pourrait créer des centaines de milliers d’emplois. Madame la ministre, monsieur le ministre, quelle est votre stratégie commune pour ces filières ?

M. Patrice Perrot. En matière de développement du fret et de voies ferrées, quelles sont les perspectives d’optimisation des deux axes stratégiques Nord‑Sud et Est-Ouest qui traversent la France ?

S’agissant de la RN7, quelles sont les intentions d’investissement routier au sud de Moulins, pour continuer le développement de cet itinéraire à deux fois deux voies ?

M. Vincent Descoeur. Le transport ferroviaire a été élevé au rang de priorité, et je m’en réjouis. À l’occasion de la présentation du plan de relance, le Premier ministre a annoncé sa volonté de remettre en service des trains de nuit. Cette annonce n’est pas passée inaperçue dans le Cantal, au cœur du Massif central, que le réseau SNCF s’emploie à éviter, comme en témoigne la carte exposée au fond de cette salle.

La préfecture d’Aurillac est dans une situation particulière en ce qu’elle est distante de Paris de plus de six heures par le rail. Elle souhaiterait, à ce titre, pouvoir bénéficier d’une expérimentation s’agissant du retour du train de nuit. Les crédits figurant dans cette mission ou dans le plan de relance peuvent-ils nous en laisser espérer la mise en œuvre ?

J’en profite pour vous dire que nous nous sommes réparti les rôles avec mon collègue Jean-Yves Bony. Et je m’associe à ses propos s’agissant de l’attention que vous portez à la liaison aérienne.

M. Jean-Claude Leclabart. Mon attention a été appelée à plusieurs reprises par les usagers de la Somme sur les conséquences de suppressions et de retards réguliers de trains de voyageurs sur la ligne ferroviaire Amiens‑Paris, que ce soit au départ d’Amiens ou d’Ailly‑sur-Noye. Ces situations, qui se renouvellent quotidiennement depuis nombre d’années, sont inacceptables et préjudiciables aux usagers dont vous étiez, madame la ministre – peut-être l’êtes-vous toujours. Pour rappel, les annulations et retards constatés depuis plus d’un mois font suite à la suppression pure et simple du train de 19 h 17 au départ d’Amiens.

Avec le président de région et le président de la SNCF, quelles mesures entendez‑vous prendre pour remédier enfin à l’état de ces lignes dites « malades » ? Je suis sûr, madame la ministre, que vous aurez à cœur de prouver qu’une ministre samarienne est plus influente qu’une autre.

M. Loïc Dombreval. Dans le programme 113, 3 millions d’euros apparaissent pour la transition vers des cirques et des delphinariums sans faune sauvage alors qu’ont été annoncés 8 millions uniquement pour la transition pour les delphinariums. Pouvez-vous m’éclairer sur ce point ?

En région PACA, il est urgent de lancer une mission de financement pour la ligne nouvelle censée relier Marseille à Nice. Cette mission est-elle une condition indispensable pour lancer l’enquête publique ? Avez‑vous en la matière un projet particulier ? S’agissant des dessertes fines, je souhaiterais savoir où en est la ligne Nice‑Breil-sur-Roya‑Tende, au sujet de laquelle je suis souvent sollicité, sa régénération nécessitant un financement et la signature d’un contrat avec la présidence de la région.

Mme Valérie Petit. Il est question de territorialisation en matière de transformation écologique dans le programme « Biodiversité » ainsi que dans notre bien-aimée loi de 2016 sur la biodiversité, qui offre la possibilité de créer des agences régionales de la biodiversité dans nos territoires. Dans ma région des Hauts‑de‑France, nous ne sommes pas particulièrement en avance, mais je suis, moi aussi, optimiste et crois à l’effet de rattrapage. Je pense qu’il existe aujourd’hui dans notre région une dynamique positive entre la région et l’État pour qu’une telle agence voie le jour. Or, au même moment, nous apprenons que l’OFB se voit retirer 20 ETP, et la seule chose que me dit l’antenne régionale de l’OFB dans les Hauts-de-France est que nous avons absolument besoin de moyens humains pour faire advenir cet accélérateur de la biodiversité dans notre région. Que pouvons‑nous faire, madame la ministre ?

M. Jean-Marc Zulesi. Le fret ferroviaire recouvre de nombreux enjeux, comme la régénération d’infrastructures mais aussi des gares de triage. Je pense notamment à celle de Miramas. Je pense également à des enjeux en lien avec le wagon isolé. Je sais, monsieur le ministre, que vous œuvrez au niveau européen afin que nous ayons des corridors de fret ferroviaire. Pouvez-vous partager avec nous votre feuille de route et les discussions que vous avez au niveau européen, de sorte que l’ensemble de ces enjeux puissent se conjuguer dans nos territoires ?

Mme Barbara Pompili, ministre. Je suis très heureuse du vent d’optimisme qui souffle sur cette commission – nous en avons bien besoin !

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) avait confirmé, en avril dernier, des objectifs de développement d’énergies renouvelables très ambitieux. S’agissant du photovoltaïque, l’objectif est de multiplier par cinq la puissance installée d’ici à 2028. Le raccordement de ces énergies renouvelables au réseau a forcément un coût, soit parce qu’il faut créer de nouveaux ouvrages, soit parce qu’il faut en renforcer certains. Une partie du coût est couverte par le tarif d’utilisation des réseaux, l’autre par les producteurs qui souhaitent se raccorder ; c’est une double entrée. Le montant payé par les producteurs se compose d’une part liée à ces ouvrages propres et d’une quote-part liée aux travaux sur le réseau en amont de leurs propres ouvrages. Cette dernière est déterminée au niveau régional et correspond exactement aux travaux qui doivent être réalisés sur le réseau pour raccorder les énergies renouvelables. Le tarif est directement payé par l’ensemble des consommateurs ; la part payée par le producteur est indirectement payée par tous les contribuables au travers des tarifs de soutien, que l’on appelle « tarifs de rachat ».

Nous avons exonéré les installations de moins de 250 kilowatts-crête du paiement de la quote-part, car il est important que tous nos concitoyens soient des acteurs de la transition énergétique et pratiquent l’autoconsommation. Pour le solaire, ce seuil de 250 kilowatts correspond à des installations de 2 500 mètres carrés, largement plus étendues que celles nécessaires à l’autoconsommation. L’impact sur le dimensionnement du réseau est identique pour raccorder une centrale biomasse, une éolienne ou une centrale photovoltaïque. Il ne me semble donc pas anormal que le coût du raccordement entre les différentes installations soit identique.

Nous sommes profondément attachés à la péréquation tarifaire, qui implique que deux consommateurs paient le même tarif pour la même consommation quel que soit l’endroit où ils se trouvent sur le territoire. En revanche, cette péréquation s’applique à la consommation, pas à la production.

Je ne connais pas toute la réponse s’agissant des conséquences de la crise sanitaire sur le chèque énergie – je la compléterai. Les chèques énergie 2020 ont été envoyés aux bénéficiaires en avril-mai et l’assistance téléphonique mise en place a été opérationnelle, y compris pendant la période de confinement. De plus, la durée de validité des chèques énergie 2019 a été prolongée jusqu’au 23 septembre. Les effets de la crise sanitaire sur les revenus des ménages en 2020 seront donc visibles dans l’éligibilité au chèque énergie pour la campagne 2022. Pour les locataires d’un logement social, si le chauffage collectif est inscrit dans les charges, une partie du chèque pourra être utilisée pour payer son électricité. Cela ne doit normalement poser aucun problème. Pour les situations d’intermédiation locative, certains soucis ont déjà été résolus et un décret est en cours de rédaction pour les autres.

Cher professeur Jean-Luc Fugit, monsieur le président du Conseil national de l’air, vous connaissez parfaitement le contexte de la question de la qualité de l’air. Le 10 juillet dernier, le Conseil d’État a enjoint à l’État de prendre les mesures nécessaires pour atteindre la norme de qualité de l’air, en prononçant une astreinte de 10 millions d’euros par semestre. De nombreuses mesures nationales sont régulièrement prises en faveur de la qualité de l’air. De nouveaux outils ont été donnés par la loi d’orientation des mobilités pour faciliter le développement des nouvelles mobilités, comme le covoiturage domicile‑travail. Dix zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) seront créées au cours de l’année 2021. La mise en place d’une surprime à la prime à la conversion, sous la forme de l’abondement par l’État des primes locales pour les personnes qui habitent ou travaillent dans une ZFE mobilité, sera un levier fort pour déployer ces zones à faibles émissions. Le plan Vélo et mobilités actives a été renforcé après la crise liée à la covid‑19. Enfin, le plan de relance comporte une action significative pour le verdissement des ports, favorisant la baisse des émissions atmosphériques, et pour la modernisation des matériels agricoles au profit de matériels peu émissifs en ammoniac. Dans le budget, le total des dépenses directes représente 392 millions d’euros par an, dont 293 millions pour les transports, 37 millions pour la mesure de la qualité de l’air, 26 millions pour la recherche, 12 millions pour l’agriculture et 15 millions pour les autres.

S’agissant de l’artificialisation des sols, Emmanuel Maquet, quand et où m’avez‑vous entendue dire que je voulais arrêter brutalement l’artificialisation des sols, partout et de manière absolue et rigide ? Ne croyez-vous pas que nous sommes là typiquement dans le genre de débat qui ne permet pas d’avancer beaucoup ? Or, sur ces sujets, nous devons toujours essayer d’avancer ensemble.

Nous sommes d’accord pour dire que l’artificialisation galopante des sols est un danger pour la biodiversité, un danger au regard du changement climatique, et qu’elle en aggrave les conséquences lors des épisodes météorologiques violents. Nous sommes d’accord également pour dire que l’artificialisation des sols augmente malgré tout ce que nous essayons de mettre en place, et sans que cela ait forcément un lien avec l’augmentation de la population – dans des départements où la population baisse, l’artificialisation des sols augmente.

Dès lors, nous pouvons décider de travailler à arrêter cette artificialisation des sols. Cela ne signifie pas que, subitement, nous ne faisons plus rien, que nous tuons les campagnes. D’ailleurs, il s’avère que le déploiement des énergies renouvelables peut être, contrairement aux dires de certains, un moteur d’accélération du développement économique et de réintroduction de la vie dans nos campagnes. Ce que nous voulons, c’est diminuer de moitié l’artificialisation d’ici à 2030, bien loin du niveau que vous évoquiez, et pas en opposant une interdiction bête et méchante. Il s’agit de proposer des alternatives à ceux qui souhaitent bétonner un champ pour construire de l’habitat, des zones commerciales ou autres entrepôts ; de réfléchir ensemble à la façon de mieux travailler sur notre territoire, pour éviter d’avoir des zones de friche qui s’étendent à perte de vue à côté de zones commerciales nouvellement créées. Pour ce faire, un fonds de recyclage des friches a été mis en place, et un travail d’inventaire de toutes les friches est engagé avec les élus locaux, l’idée étant de faire en sorte qu’il soit moins compliqué et onéreux de s’installer sur des friches que sur du foncier agricole – solution de facilité dont personne ne veut. C’est un travail de fond.

Il s’agit aussi de réinventer la ville, de s’interroger sur la construction pavillonnaire à perte de vue comme idéal de vie. Reconstruire la ville sur la ville, n’est-ce pas aussi repenser un urbanisme plus efficace énergétiquement, plus agréable à vivre et incluant la nature ? Nous avons là un défi, devant lequel nous pouvons nous recroqueviller en faisant peur à tout le monde, ou nous pouvons essayer de le relever en étant inventifs, en apportant ensemble des solutions qui amélioreront la vie de tous.

S’agissant d’Amazon, nous avons lancé avec Bruno Le Maire, Cédric O et Jacqueline Gourault, une mission sur les entrepôts du commerce électronique, car jamais une véritable réflexion n’a été conduite sur les conséquences de la vente en ligne sur nos centres‑villes. Nous essayons de voir comment les politiques d’action cœur de ville que nous mettons en place s’articulent avec le développement de la vente en ligne, qui est une demande de nos concitoyens et qu’il n’y a aucune raison d’empêcher. Reste que nous devons examiner ce que cela représente en termes d’aménagement du territoire, d’artificialisation, de concurrence avec les petits commerces, de pollution due au transport, de conditions de vie des personnes qui travaillent dans ces entrepôts – je suis très attachée à celles que propose l’entrepôt d’Amazon de Boves, installé sur ma circonscription. Cette mission rendra ses conclusions dans quelques semaines. Nous disposerons enfin d’une première réflexion sur les possibilités qui s’offrent à nous en termes de politique publique face au développement de cette demande qui est légitime, je le répète, mais doit se coordonner avec nos autres impératifs, économiques, sociaux et environnementaux.

La collecte et le tri des déchets sont une compétence des établissements publics de coopération intercommunale, qui peut être financée par plusieurs dispositifs : la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), directement proportionnelle à la quantité de déchets pris en charge par la collectivité, qui doit correspondre au coût de collecte, de tri et de traitement, car une redevance est payée par un usager en fonction du service rendu ; la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM), proportionnelle à la taille du logement habité, qui n’est pas directement proportionnelle au coût de la prestation de collecte assurée par la collectivité et qui, de ce fait, n’incite pas les citoyens à limiter la quantité de déchets qu’ils produisent. Une version intermédiaire a donc été créée, introduisant une tarification incitative, qui permet de faire payer au contribuable une partie de la taxe sur la base de la quantité de déchets produite, entre 10 % et 45 % du montant de la taxe.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) avait donné cinq ans aux établissements publics de coopération intercommunale pour décider de la tarification à adopter, quand une partie des communes utilisait la TEOM et une autre partie la REOM ou la TEOMi. Afin d’inciter les collectivités à passer à la TEOMi, a également été créé un régime d’expérimentation de la taxe qui permet de tester cette part incitative pendant cinq ans. Les frais de gestion prélevés par l’État sont alors baissés de 8 % à 3 %. Dans le cadre du projet de loi de finances, un amendement a été proposé qui vise à prolonger la durée de l’expérimentation de cinq à six ans pour tenir compte de l’impact de l’épidémie de covid sur les expérimentations en cours. Il n’a pu être adopté à ce stade et devra subir quelques petites modifications pour pouvoir l’être. Mais l’ensemble de ces mesures doit contribuer à inciter les collectivités à passer à cette tarification incitative, qui est largement répandue dans certains pays d’Europe, comme la Suisse, et qui aboutit à des baisses de l’ordre de 41 % de la quantité d’ordures ménagères résiduelles, augmente de 40 % la collecte des recyclables et réduit de 8 % la quantité des déchets ménagers et assimilés. Cela vaut la peine de s’en occuper !

S’agissant de l’érosion du littoral, l’État a adopté, en 2012, une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte. Parmi les actions identifiées figure celle de mieux affirmer le rôle que jouent les écosystèmes dans la prévention des risques et dans l’adaptation des territoires littoraux. À cet effet, un appel à projets sur les solutions fondées sur la nature pour les territoires littoraux résilients a permis de sélectionner, en 2020, sept initiatives locales. Une enveloppe de près de 1 million d’euros sera consacrée au soutien de ces projets sur la période 2020‑2023, avec l’ambition de favoriser la libre évolution du cordon littoral, à la fois comme gage de préservation de la biodiversité et comme pilier de l’attractivité des territoires qui dépendent, en grande partie, du bon état de cette bande côtière.

Pour le financement de l’ONF, sont prévus en 2021, 12,5 millions d’euros en AE et 13,2 millions d’euros en CP, avec 2,5 millions d’euros jusqu’en 2022 au titre de la poursuite de la compensation financière dans le cadre de la création du onzième parc national, une augmentation de 7 millions d’euros de la subvention 2021 versée au titre des différentes missions d’intérêt général en faveur de la biodiversité, auxquels s’ajoutent 6 millions destinés à renforcer le financement du réseau des réserves biologiques, des plans nationaux d’actions (PNA) ainsi que des surfaces de protection forte du Conseil de défense écologique (CDE), y compris en outre‑mer, ainsi que 1,2 million d’euros au réseau national de suivi à long terme des écosystèmes forestiers (RENECOFER).

Concernant le DFN, j’ai bien compris votre inquiétude, mais il ne faut vraiment pas s’inquiéter de l’ordre d’affectation. Pour la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP), on parle de pourcentage ; pour le Conservatoire du littoral de montant, un montant maximum étant fixé. Si nous inversions l’ordre, en cas de baisse, nous pourrions accorder le montant plafond au Conservatoire du littoral – c’est théorique, car nous n’y parviendrions pas –, mais il ne resterait rien pour la REP. Or nous avons besoin de développer la REP pour la déconstruction des bateaux. Il est important de faire monter en charge les différentes REP, ce que nous avons défendu dans le texte sur l’économie circulaire. À l’inverse, nous augmenterions le financement de la REP de 2 % à 3 %, sachant qu’il ne passe à 3 % que si les objectifs sont atteints – tant que les filières ne remplissent pas leurs objectifs, elles restent à 2 %, mais nous leur ouvrons ainsi la possibilité d’atteindre 3 %. Une fois la REP financée, les fonds restants continueront à financer le Conservatoire du littoral, y compris à hauteur de son plafond. Normalement, cela ne changera rien.

Je suis une fan absolue du Conservatoire du littoral. Pour avoir beaucoup collaboré avec cet organisme, jamais je ne ferais quelque chose qui freinerait son action. Nous pourrions discuter de bien d’autres sujets, celui-là n’est vraiment pas inquiétant à mes yeux.

S’agissant du biocontrôle, le Gouvernement est pleinement engagé pour mettre en œuvre des solutions opérationnelles et durables alternatives aux produits phytosanitaires de synthèse, y compris de biocontrôle. Pour cela, il est nécessaire de soutenir l’innovation et l’accompagnement des TPE-PME. Le programme Écophyto financera un programme d’accompagnement de nouvelles solutions de biocontrôle à hauteur de 1 million d’euros, mobilisant l’expertise de la banque publique d’investissement (BPI). En ce qui concerne le mildiou des vignes, il me semble que l’entreprise citée devrait se tourner vers la BPI, qui lui apportera la meilleure aide. Plus globalement, cette stratégie de déploiement du biocontrôle qui vise à faciliter et à accroître le recours aux produits phytopharmaceutiques de contrôle ‑ micro-organismes, médiateurs chimiques tels que les phéromones et les kairomones, substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale et macro-organismes auxiliaires des cultures – est en cours de finalisation et sera publiée dans les prochaines semaines.

Nous avons bien conscience que le budget vert est un premier exercice, qui méritera d’être affiné. Nous aurons d’ailleurs besoin du travail de tous les parlementaires pour cela. Bénédicte Peyrol s’est déjà, en effet, beaucoup investie, comme de nombreux membres de cette commission. Ce budget vert a représenté un travail colossal, car nous ne nous sommes pas contentés d’étudier le budget de la transition écologique ; nous avons examiné le budget de tous les ministères : logement, agriculture, outre-mer, justice… Il nous faut parvenir à évaluer et à intégrer la dimension écologique là où l’on y est le moins accoutumé, et je puis vous assurer que cela bouscule les habitudes ! De plus, nous ne nous sommes pas bornés à l’examen des dépenses, mais avons étudié tout le champ de la fiscalité, car nos choix fiscaux peuvent également avoir de réels impacts environnementaux. De même, nous ne nous en sommes pas tenus aux seuls enjeux climatiques ; nous nous sommes penchés sur l’environnement dans toutes ses dimensions – les pollutions, l’eau, la biodiversité, des déchets, la prévention des risques.

Nous avons voulu conduire une action transparente, en mettant sur la table l’ensemble de nos résultats, en détaillant toutes les hypothèses et toutes les données. Nous avons produit un effort de lisibilité, pour rendre nos travaux accessibles et compréhensibles par tous, parce que des ONG et des associations nous ont dit combien il était difficile d’accéder aux données budgétaires. Dès l’année prochaine, ce budget vert sera encore enrichi, encore meilleur, parce qu’il sera renouvelé et approfondi tous les ans en lien avec vous, bien évidemment, et avec tous les acteurs, dont les ONG. Le fait d’y revenir, de le renouveler, d’avancer sur ce budget vert nous permettra de suivre sur les temps longs les dépenses favorables, mais également défavorables. J’espère que, dès l’année prochaine, nous pourrons voir les dynamiques qui seront lancées et mises en œuvre.

S’agissant de l’effort consenti sur les effectifs, il a été plus important à l’échelon central que dans les territoires, afin de conserver autant que faire se peut le lien avec l’application de nos politiques.

L’OFB subit effectivement une baisse des emplois, mais nous avons divisé par deux la baisse prévue – c’est déjà bien. Alors qu’elle aurait dû être de moins 40 ETP par an avant la fusion, il n’y a eu aucune perte en 2020 et il y aura moins 20 ETP en 2021 pour accompagner la fusion. Ce n’est pas parfait, j’en conviens. Je rappelle toutefois que les agences régionales de la biodiversité (ARB) résultent d’un contrat passé entre l’OFB, la région et d’autres acteurs du territoire, et que la région doit donc apporter également des moyens, tout comme les territoires. Je suis persuadée que le président de la région Hauts-de-France est tout à fait conscient de l’importance et de l’urgence de mettre en place une ARB. Cela comptera, bien évidemment, à son bilan, et j’imagine que tout cela le fera bouger derechef – du moins, je l’espère !

Le bien-être des animaux non domestiques est une préoccupation grandissante de l’opinion publique. Parmi les annonces que j’ai faites sur le sujet, les 8 millions d’euros concernaient le soutien aux circassiens. Ces premiers chiffres sont uniquement prévus pour cette année, c’est-à-dire jusqu’à la fin de l’année 2020. Un programme de soutien va être mis en œuvre en partenariat avec le ministère de la culture. Nous voulons que les mesures annoncées concernant les animaux sauvages dans les cirques itinérants, les delphinariums et les zoos ainsi que pour les visons soient accompagnées, non seulement financièrement, mais aussi par des interventions auprès des acteurs, qui devront accomplir un important travail de reconversion, notamment dans les cirques et les delphinariums. Cet accompagnement économique et social doit se dérouler de la meilleure manière possible. De même, il faut trouver aux animaux un lieu où ils pourront continuer et finir leur vie tranquillement. Bien évidemment, ils ne peuvent pas être relâchés dans la nature, ils n’y survivraient pas. C’est un lourd travail que de recenser les possibilités d’accueil dans différentes structures, que ce soient des zoos, des refuges ou autres. Cela demande du temps et c’est pourquoi les fonds annoncés ne sont qu’un premier budget. L’accompagnement doit se faire dans le temps.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. La philosophie attachée aux petites lignes ferroviaires a été élaborée en grande partie à l’Assemblée nationale. En tant que rapporteur du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire, j’avais demandé un état des lieux des petites lignes, afin de connaître leur état de vétusté et de déterminer les financements nécessaires pour pérenniser ces axes. Puis il y a eu la mission Philizot, dont le rapport a servi de base pour engager des discussions avec les régions. Nous avons proposé à celles qui le souhaitent – je pense que c’est aujourd’hui le cas de l’ensemble d’entre elles – un pacte partenarial pour réinvestir et pérenniser le réseau des 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Un accord a d’ores et déjà été signé avec les régions Grand Est, pour 931 millions d’euros, et Centre-Val de Loire, et nous espérons aboutir très rapidement avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – des négociations sont en cours avec Renaud Muselier. Au titre de ces pactes, les investissements sont ventilés à raison de deux tiers pour les régions et d’un tiers pour l’État. Toutefois, le cumul des investissements et de la maintenance courante aboutit à une prise en charge à 85 % par l’État au sens large – en incluant SNCF Réseau – et à 15 % par les régions. L’État demeure donc le principal contributeur financeur des lignes de desserte fine du territoire.

Le contrat territorial est ouvert à tout président de région qui souhaite s’en saisir sur des bases rationnelles et concrètes. Je suis tout à fait disponible pour en discuter avec M. Xavier Bertrand, mais je n’ai pas eu l’occasion de le faire, au cours des mois précédents, autrement que par courrier et sur des bases qui n’ont pas encore permis d’avancer. Je souhaite vraiment que nous y arrivions, parce que c’est essentiel pour le territoire.

Les questions liées à la sécurité, notamment à la réouverture des passages à niveau, doivent être traitées en lien avec l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF). Comme nous revoyons actuellement le référentiel ferroviaire, je tiens à m’assurer que ces sujets sont bien pris en charge avant de répondre plus en détail.

Concernant Aurillac, environ 21 millions d’euros de crédits ont été débloqués l’été dernier pour effectuer des travaux en urgence. S’agissant de la desserte ferroviaire du Massif central, notamment en trains de nuit, nous avons engagé la discussion avec les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie sur des lignes qui pourraient être d’intérêt interrégional, notamment celle reliant Clermont-Ferrand à Béziers. Le Premier ministre a signé avec Laurent Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, le 5 octobre dernier, un protocole d’accord qui permettra d’appliquer la convention relative aux petites lignes à l’échelle de la région.

Nous avons annoncé la réouverture de deux lignes de trains de nuit : Paris-Nice et Paris-Tarbes, cette seconde ligne devant, dans un deuxième temps, rejoindre Hendaye. Nous avons l’ambition d’en ouvrir d’autres. Nous analysons les modèles économiques en vigueur sur les marchés internationaux. Nous nous efforçons de trouver des matériels roulants, qui constituent une ressource rare. Non seulement la SNCF en a peu, mais ils nécessitent une rénovation approfondie. Nous regardons en Autriche, en Russie et ailleurs si de tels matériels sont disponibles et compatibles avec notre réseau. C’est un secteur essentiel pour les territoires, dont le modèle économique connaît de grandes mutations. Si cela vous convient, je reviendrai vous en parler.

S’agissant de VNF, en 2017, nous avons augmenté de plus de 40 % les moyens dédiés à la régénération, les faisant passer de 70 à 100 millions. La loi d’orientation des mobilités a permis de donner un caractère pluriannuel à ces investissements nécessaires. Dans le plan de relance, 175 millions d’euros sont dédiés à la rénovation des canaux et des voies navigables sur deux ans, ce qui permettra d’accélérer encore la réalisation des quelque 160 projets en cours, parmi lesquels des travaux sur des petites et grandes écluses.

L’économie maritime est un domaine complexe, qui englobe aussi bien les ports maritimes que le secteur fluvial, et qui a aussi une dimension géopolitique, avec les grands ports. Nous travaillons avec la ministre de la mer sur les sujets liés à la transition écologique ou sur des questions moins débattues, comme la souveraineté des ports, dont les opérateurs ne sont plus, sur notre continent, exclusivement européens. Dans un contexte de recomposition des flux logistiques à l’échelle mondiale, nous nous efforçons de renforcer notre attractivité, d’accroître la fluidité de notre chaîne logistique, en lien avec le ferroviaire et les pôles d’échange multimodaux. Nous essayons de développer certaines voies. Nous parlerons beaucoup, dans les prochaines semaines, de l’axe Seine, avec les annonces concernant la nouvelle gouvernance d’HAROPA. L’attractivité de l’économie maritime française devrait y trouver à se renforcer et à prendre, enfin, un bon départ – ou redémarrer du bon pied. Notre histoire est émaillée de nombreuses tentatives en ce sens, mais l’équation n’a pas encore été tout à fait résolue. Le plan de relance y aidera, puisque nous mobilisons 400 millions d’euros sur l’ensemble de ces sujets.

En matière de fret, l’enjeu est la régénération du réseau, qui est partiellement engagée et a fait l’objet d’un avenant aux contrats de plan État région (CPER).

S’agissant de la partie sud de la RN7, un certain nombre d’opérations sont en cours pour près de 160 millions d’euros. Elles feront l’objet de la prochaine phase de contractualisation, dont les négociations vont commencer. Je ne renie rien, en tout cas, de l’ambition, que je réaffirme ici, de faire de la RN7 une route à deux fois deux voies.

S’agissant de la ligne nouvelle Provence Côte d’Azur (LNPCA), j’ai donné mon accord, le 23 juin dernier, au lancement des opérations de phases 1 et 2, qui permettent d’entrer davantage dans le concret. J’ai validé le périmètre de l’enquête d’utilité publique pour ces deux phases et demandé à SNCF Réseau de constituer le dossier et de lancer l’enquête en 2021. Les choses avancent bien. Il en va de même s’agissant des discussions avec Renaud Muselier concernant la signature de la convention sur les petites lignes ferroviaires, notamment celle qui dessert Nice‑Breil-sur-Roya‑Tende. Elles devraient aboutir assez rapidement à la réalisation de ces travaux importants.

Je remercie Jean-Marc Zulesi pour son action décisive en matière de fret ferroviaire. L’avenir de la gare de Miramas dépend beaucoup du modèle économique du fret que l’on veut faire prévaloir, et donc de la place réservée au wagon isolé. En France, le marché du fret est assuré à 70 % par le train massif, à 20 % par le transport combiné, et par le wagon isolé, très largement opéré par Fret SNCF et qui constitue une spécificité française. C’est une petite partie du marché, mais qui est très stratégique. Ce sont notamment les wagons que nous faisons passer en temps de crise, de covid ou de grève. Nous demandons, depuis de nombreux mois, à recevoir des aides européennes déterritorialisées concernant spécifiquement le wagon isolé. J’en ai discuté avec Adina-Ioana Vălean, commissaire européenne aux transports, et j’ai rendez-vous la semaine prochaine avec Margrethe Vestager pour essayer d’avancer sur l’aspect concurrentiel. Je serai heureux de revenir vous faire part des résultats de ces discussions.

Après la fin de l’audition des ministres, Mme Stéphanie Kerbarh remplace Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie à la présidence.

La commission en vient à l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : Protection de l’environnement et prévention des risques (M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis) ; Paysages, eau et biodiversité (M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis).

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis (« Prévention des risques »). En 2021, pour la première fois, les crédits consacrés à la prévention des risques frisent le milliard d’euros, puisque le programme 181 est doté de 1 032,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 992,6 millions d’euros en crédits de paiement. Il s’agit donc, à première vue, d’une forte augmentation des crédits par rapport à l’année dernière – de l’ordre de 26 % en AE et de 21 % en CP. En réalité, cette hausse apparente résulte d’un changement de périmètre, avec l’intégration au budget général de l’État des crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit « fonds Barnier », au sein du programme 181, pour un montant de 205 millions d’euros. À périmètre constant, les crédits du programme 181, hors titre 2, connaissent une relative stabilité en AE – qui augmentent de 0,70 % – et une baisse importante en CP – qui diminuent de 4,50 %.

Le champ du programme 181 est particulièrement large, puisqu’il couvre la prévention de nombreux risques : naturels, technologiques, industriels, nucléaires et miniers. Tous ces risques sont surveillés et gérés par la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Le programme 181 apporte également, depuis 2018, un soutien à l’économie circulaire et au développement des énergies renouvelables, à travers le financement de l’ADEME, désormais dénommée Agence de la transition écologique.

Ce programme, par la diversité des risques qu’il entend identifier, prévoir et prévenir, est ambitieux et essentiel. Si l’on déplore généralement peu d’accidents industriels graves en France, les risques n’en demeurent pas moins présents, comme l’a illustré le grave accident survenu au sein de l’entreprise Lubrizol de Rouen en septembre 2019. En août dernier, l’explosion d’une usine dans le port de Beyrouth nous a rappelé les dangers liés au nitrate d’ammonium, qui était déjà à l’origine de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001.

Le risque nucléaire reste également d’actualité. S’il semble avoir été, jusqu’à présent, raisonnablement maîtrisé, il pourrait être aggravé par le changement climatique, qui est susceptible de provoquer des catastrophes naturelles plus fréquentes et plus violentes que par le passé. Si la protection des centrales a été renforcée depuis l’inondation de la centrale du Blayais en décembre 1999, le risque demeure non nul. Le réchauffement climatique affecte également le fonctionnement des centrales. Cette année, la France a mis en route ses centrales à charbon bien plus tôt que d’habitude, parce que quatre réacteurs nucléaires sur dix étaient à l’arrêt fin septembre, du fait d’opérations de maintenance décalées en raison du confinement, mais aussi de la sécheresse, qui complique le refroidissement des installations. Il convient donc de rester vigilant.

Les risques naturels pourraient devenir plus fréquents et plus sévères en raison du dérèglement climatique et de la concentration des populations sur les littoraux ou dans des zones potentiellement exposées à des aléas, les terribles inondations provoquées par la tempête Alex en témoignent. Les tempêtes et les cyclones, qui touchent particulièrement les territoires d’outre-mer, paraissent également occasionner toujours plus de dégâts. Les incendies de forêt, quant à eux, ne se limitent plus au sud-est de la France ni à la période estivale. Ils frappent désormais tout le territoire, et pas seulement en été. Des milliers d’hectares ont ainsi brûlé, en février dernier, dans le massif de Bavella, situé dans ma circonscription.

Le champ d’action de la direction générale de la prévention des risques, déjà très vaste, doit désormais intégrer une réflexion sur des risques nouveaux accompagnant les progrès de la technologie et soulevant débats – perturbateurs endocriniens, nanotechnologies, effets du réseau 5G sur la santé et l’environnement.

Les actions de prévention et de gestion des risques menées dans le cadre du programme 181 couvrent donc un large périmètre et sont d’une importance cruciale en ce qu’elles concernent directement notre sécurité et notre santé. Dans ce contexte, la préservation a minima des crédits du programme est essentielle. Je salue l’effort budgétaire consenti pour la prévention des risques naturels, et en particulier des inondations, à travers l’augmentation des crédits du fonds Barnier.

Plusieurs établissements publics et opérateurs de l’État m’ont fait part de leurs inquiétudes concernant la baisse de leurs financements ou de leurs emplois.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), tout d’abord, connaît une forte baisse de son financement, partagé entre cinq programmes différents. Cette évolution est susceptible de compromettre la réalisation de ses missions, alors que celles-ci sont toujours plus nombreuses, notamment en matière de sécurité sanitaire.

L’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), ensuite, qui joue un rôle central dans la connaissance des risques industriels, doit faire face à la baisse continue de son plafond d’emplois, qui pourrait ne pas être sans conséquences, à terme, sur son niveau de compétence et d’expertise.

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a également indiqué avoir besoin d’effectifs supplémentaires pour mener à bien ses missions à court et moyen termes. L’agence fait face à un accroissement de sa charge de travail, qui résulte notamment de difficultés en matière de construction et d’exploitation des installations nucléaires.

L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) connaît une baisse tendancielle, depuis une dizaine d’années, du budget consacré à la recherche, qui diminue de 1 % chaque année, ce qui constitue une évolution préoccupante à long terme.

Enfin, bien que sa mission ne concerne pas la prévention des risques, je voudrais dire un mot de l’ADEME, qui se trouve dans une situation particulière. Elle dispose d’un budget élevé, puisqu’elle bénéficie, dans le cadre du plan de relance, de 1,8 milliard d’euros pour la période 2020-2022. Toutefois, ces moyens financiers doivent s’accompagner de moyens humains supplémentaires afin de pouvoir mener à bien les nombreuses missions qui lui sont confiées. Or l’agence est soumise à un effet de ciseaux, car les emplois en intérim, d’une durée de dix-huit mois, ne seront pas forcément adaptés à la gestion des projets issus du plan de relance, qui doit s’étaler sur deux ans.

Le thème qui a retenu plus particulièrement mon attention cette année est la gestion du risque d’inondation. En France, il s’agit du premier risque naturel par l’importance des dommages qu’il provoque, le nombre de communes et les habitations concernées ; 17,1 millions de personnes habitent dans des zones inondables. Si l’ensemble du territoire français est vulnérable, les inondations touchent plus fréquemment le bassin méditerranéen et la Corse. Quelques semaines avant la tempête Alex, qui a frappé le département des Alpes‑Maritimes au début du mois, le Gard et l’Hérault ont été touchés par de violentes pluies. En décembre dernier, puis à nouveau en juin, la Corse a également subi des précipitations d’une rare intensité, en particulier dans la région d’Ajaccio.

Il existe un large éventail de dispositifs de prévision, de prévention et d’alerte, tels que les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) ou les programmes d’action pour la prévention des inondations (PAPI). Ces dispositifs sont détaillés dans le rapport. J’insisterai plus particulièrement sur deux points qui, selon moi, permettraient de réduire à l’avenir les effets des inondations.

Le premier est l’amélioration de la connaissance de l’ensemble des acteurs et le développement d’une culture du risque, encore trop faible en France. Deux dispositifs permettent aux services de l’État, aux élus locaux et aux acteurs de terrain de disposer d’informations sur les risques correspondant à leur territoire : Vigicrues et Vigicrues flash. Cependant, ces informations indispensables doivent impérativement être complétées par une connaissance pratique du risque d’inondation. Il est essentiel d’effectuer des exercices fréquents et audacieux, de manière à développer les capacités d’adaptation des acteurs locaux. Les exercices, organisés par les préfectures, doivent s’orienter davantage vers ce risque et porter notamment sur la communication et l’articulation entre les services.

Il convient également de mieux sensibiliser les populations exposées au risque d’inondation. Malgré les informations disponibles en mairie ou sur internet, les campagnes de prévention pluie-inondation, ou encore l’institution d’une journée nationale dédiée à la prévention des inondations, le 13 octobre, de nombreux acteurs déplorent un manque de culture du risque. L’information des citoyens passe aussi par l’entretien de la mémoire des événements, en particulier par la pose de repères de crues normalisés.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister concerne la prise en compte du risque d’inondation dans l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Les inondations sont aggravées par l’artificialisation des sols, depuis des décennies. Entre 2006 et 2014, la France a perdu 490 000 hectares de terres agricoles, qui absorbaient les eaux de pluies et ne peuvent plus le faire. L’artificialisation des sols peut avoir des conséquences dramatiques pour les habitants de nombreux quartiers qui se trouvent confrontés à un risque accru d’inondation. Ainsi, à Ajaccio, les graves inondations de décembre 2019 et de juin 2020 ont montré les limites de la politique d’expansion urbaine de la commune. Il est aujourd’hui admis que l’urbanisation non maîtrisée sur ses hauteurs a accru la fréquence et la gravité des inondations.

D’une manière générale, les plans locaux d’urbanisme doivent mieux prendre en compte les risques d’inondation. À cet égard, je souhaiterais que le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) soit saisi afin de procéder à l’évaluation de la régularité, de la qualité et de l’efficacité des dispositifs de prévention des inondations en vigueur à Ajaccio. Son expertise a déjà été sollicitée dans les Alpes-Maritimes.

Enfin, la période qui suit une catastrophe climatique est souvent marquée par le souhait d’un retour à l’état préexistant, ce qui se traduit par des reconstructions à l’identique. Or cette période doit, au contraire, constituer une opportunité pour réaménager le territoire sinistré afin de réduire sa vulnérabilité à une nouvelle catastrophe climatique. Il est essentiel de mieux reconstruire après une inondation.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis (« Paysages, eau et biodiversité »). J’interviens ici en tant que rapporteur de deux des neuf programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 est le programme support des politiques des paysages, de l’eau et de la biodiversité. Il bénéficie de 230,5 millions d’euros en CP et en AE dans le projet de loi de finances pour 2021, contre 202,2 millions d’euros en CP et 195,8 millions d’euros en AE dans la loi de finances initiale 2020. Cela représente une augmentation bienvenue des crédits de 14 %, soit 30 millions d’euros supplémentaires qui vont profiter à l’OFB, aux parcs nationaux, à l’ONF et à d’autres opérateurs.

Je salue le plus que doublement de la dotation des parcs nationaux dans le PLF 2021, passant de 2,1 à 4,5 millions d’euros, notamment pour aider les parcs à entretenir leur parc immobilier, qui devient vétuste. Je me réjouis également que la contribution du ministère de la transition écologique au fonctionnement de l’Office national des forêts connaisse une forte progression, puisqu’elle passe de 5 à 12 millions d’euros. Cette dotation de 7 millions d’euros supplémentaires permettra notamment de financer les réserves biologiques et les espaces de protection forte, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République de porter de 20 % à 30 % la partie du territoire placée en espaces naturels protégés, dont un tiers en protection forte.

Évidemment, cela ne suffira pas à résoudre l’ensemble des difficultés de l’ONF, dont la dette grandit et dont les ressources ne couvrent plus les besoins, notamment en raison de la chute des prix du bois – notamment liée à la crise sanitaire. Mais cela relève d’une réforme globale, sur laquelle notre collègue Anne-Laure Cattelot a récemment fait des propositions.

L’OFB bénéficiera également de 10 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires. Le prélèvement du même niveau effectué l’an passé sur son fonds de roulement ne se renouvellera donc pas. En revanche, l’opérateur doit perdre 20 équivalents temps plein (ETP) en 2021, alors que ses effectifs avaient été intégralement préservés lors de sa création au début de cette année. L’OFB nous alerte sur le fait qu’il se voit confier un nombre croissant de missions, alors que ses effectifs stagnent, voire décroissent.

Notons également que le plan de relance alloue 300 millions d’euros aux réseaux d’eau et à la modernisation des stations d’assainissement – y compris en outre-mer –, 135 millions d’euros à des opérations de restauration écologique et 60 millions d’euros aux espaces protégés qui concernent directement l’OFB.

L’OFB percevra environ 85 millions d’euros supplémentaires en 2021, qui ne se retrouvent pas dans les crédits du programme 113, dont 45 millions d’euros destinés aux réseaux d’eau en outre-mer – où l’opérateur joue le rôle d’agence de l’eau –, 19 millions d’euros destinés aux aires protégées, afin de financer des projets de protection des aires naturelles, 20 millions d’euros consacrés aux projets de restauration écologique et 3 millions d’euros pour le plan haies, afin de planter 7 000 kilomètres de haies, en complément de la gestion durable de 90 000 kilomètres de haies existantes. Enfin, 10 millions d’euros seront consacrés, comme en 2019 et en 2020, à la poursuite des objectifs du plan biodiversité.

Globalement, les crédits des politiques publiques en faveur de la biodiversité sont renforcés, ce qui est encourageant. Il faudra cependant veiller à ce que les effectifs des opérateurs qui permettent le déploiement de ces politiques publiques sur le territoire ne soient pas trop affaiblis.

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » finance les subventions pour charges de service public de trois opérateurs : Météo France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le CEREMA. Il comprend également l’ensemble des moyens de fonctionnement du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Le programme est doté de 480 millions d’euros en AE et en CP dans le présent projet, contre 506 millions d’euros en AE et en CP dans la LFI 2020, soit une diminution de 5,4 %. Cette baisse des crédits s’explique essentiellement par un changement de périmètre, puisque la dotation de 19,9 millions d’euros en AE et en CP en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS) a été transférée vers le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », piloté par Bercy. En dehors de cela, les crédits demeurent à peu près stables, exception faite d’une diminution de 5 millions d’euros des crédits attribués au CEREMA.

On remarque cependant que les effectifs de tous les opérateurs connaissent des évolutions à la baisse assez marquées : moins 87 ETP pour le CEREMA, moins 36 ETP pour l’IGN, moins 95 ETP pour Météo France. J’ai vu que des amendements avaient été déposés pour limiter ou inverser les réductions d’effectifs.

Ma préoccupation principale concerne le CEREMA, dont les effectifs seront passés de plus de 4 000 ETP en 2010 à moins de 2 500 en 2021. L’établissement a lancé, en juillet 2020, un important projet de transformation, Cérem’Avenir, qui prévoit de renforcer la compétence de l’établissement pour la mise en œuvre des politiques publiques d’aménagement et de développement durable des territoires et met l’accent sur la modernisation des infrastructures existantes. Ce sont des compétences précieuses, notamment pour aider les petites collectivités. Dans le cadre de la convention qu’il a récemment signée avec l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), le CEREMA apportera un soutien en ingénierie publique aux petites collectivités, à titre gratuit pendant les cinq premiers jours, comme le faisaient autrefois les directions départementales de l’équipement.

Afin d’appuyer l’action de l’opérateur, j’ai déposé deux amendements visant à limiter la baisse des effectifs, en la ramenant de moins 87 ETP à moins 37, ainsi qu’à stabiliser sa dotation budgétaire à son niveau de 2020, en annulant la baisse prévue de 5 millions d’euros de la subvention pour charges de service public.

Il serait également souhaitable, à terme, de modifier le statut du CEREMA pour en faire un établissement public sui generis, à la fois national et local, ce qui lui éviterait de devoir systématiquement passer par une procédure d’appel d’offres lorsqu’il veut aider les collectivités.

Les plans de transformation en cours des autres opérateurs, comme l’IGN et Météo France, doivent être menés à leur terme. L’IGN ne devrait toutefois plus avoir à connaître à l’avenir de réduction de postes, sauf à devoir abandonner plusieurs missions stratégiques. Notons cependant qu’en 2021, il bénéficiera de 22 millions d’euros de crédits supplémentaires, dans le cadre du plan de relance, pour le développement de la technologie de télédétection par laser (Lidar) haute densité. Cela facilitera le suivi du secteur forestier, l’élaboration et le suivi des documents de gestion sylvicole, la dématérialisation des procédures administratives forestières et environnementales ou encore le suivi de la reconstitution des peuplements et de l’état sanitaire des forêts.

Quant à Météo France, les interrogations portent essentiellement sur les investissements qui devront être conduits dans les années à venir pour moderniser les équipements et lancer la prochaine génération de supercalculateur. L’opérateur fait état d’un besoin d’investissements de 18,8 millions d’euros en 2023 et de 9,7 millions d’euros en 2024, qu’il nous faut anticiper.

Il est cependant essentiel que la redevance versée par la direction générale de l’aviation civile à Météo France pour la surveillance des conditions météorologiques du trafic aérien, à hauteur de 85,55 millions d’euros, soit reconduite à l’identique en 2021, car cette dotation est fondamentale pour le fonctionnement de l’opérateur.

M. Gérard Leseul. L’accident de Lubrizol a particulièrement marqué les habitants de la métropole de Rouen, ma circonscription, et bien au-delà. Le risque industriel est une réalité dans notre pays. Les rapports se sont multipliés pour tirer la sonnette d’alarme sur le manque de moyens et les failles de notre système de contrôle des sites industriels ; il y a eu plusieurs effets d’annonce : le système d’alerte « cell broadcast », le bureau d’études accidents plutôt qu’une autorité de sûreté, bref, rien de bien nouveau. Il faudrait surtout accroître les moyens pour renforcer les contrôles et rassurer les 2,5 millions de Français qui vivent aux alentours des sites industriels. L’une des mesures annoncées par le Gouvernement est l’augmentation de 50 % des inspections des sites : en valeur absolue, l’objectif est de passer de 18 000 à 27 000 inspections par an. Comment peut-on les effectuer avec une augmentation de cinquante postes d’inspecteur ? Le groupe Socialistes et apparentés défend le relèvement des crédits alloués à la prévention des risques.

Mme Chantal Jourdan. Tous les constats révèlent, l’un après l’autre, la rapidité de la dégradation de nos milieux de vie. Le groupe Socialistes et apparentés salue l’augmentation de 28,5 millions d’euros, en CP, du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Cela étant, plusieurs points sont à revoir, à commencer par la baisse des effectifs de l’ONF et de l’OFB. Les moyens humains sont primordiaux pour remplir des missions environnementales, écologiques et sociales et appliquer les nouveaux modèles de développement que nous appelons de nos vœux.

Mme Sophie Panonacle. Comme vous l’avez dit, monsieur Colombani, le changement climatique tend à accroître la fréquence et l’intensité des risques naturels. J’ai travaillé, en 2018, sur une proposition de loi relative au recul du trait de côte et à ses conséquences sur l’adaptation des territoires littoraux. Ces travaux législatifs ont été arrêtés au motif que le fonds Barnier excluait l’érosion côtière de son champ d’intervention. Ce fonds permet pourtant l’acquisition de biens de particuliers sinistrés exposés au risque, à l’amiable ou par expropriation. Les crédits affectés au fonds de prévention des risques naturels majeurs seront désormais regroupés au sein de la nouvelle action 14 du programme 181. La totalité des prélèvements effectués sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d’assurance multirisques habitation et automobile souscrits par les particuliers abonderont donc le fonds Barnier, qui verra sa dotation augmenter de plus de 73 millions. Pensez-vous que nous pourrions rouvrir le débat, en considérant que le phénomène d’érosion côtière, même s’il est prévisible, revêt le caractère d’une catastrophe naturelle ?

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. L’INERIS nous a alertés sur le fait que, ses effectifs diminuant, le nombre de missions d’inspection se réduisait, passant de 25 000 à 18 000 par an. Le Gouvernement s’est engagé à créer cinquante postes d’inspecteur, trente la première année et vingt l’année suivante, mais cela aura pour contrepartie la suppression de trente emplois administratifs, ce qui nous amène à formuler une réserve majeure.

Votre idée me paraît bonne, madame Panonacle, mais le fonds Barnier change de destination cette année et est intégré au budget de l’État. Des esprits critiques y verront une forme de recentralisation. Je me demande, pour ma part, si cela n’intervient pas trop tôt. On peut craindre que le fonds Barnier soit dénaturé, à terme, en se voyant assigner de nouvelles missions. Il faudra avoir ce débat. Les catastrophes naturelles n’étant pas appelées à diminuer, je n’ai pas de crainte quant au financement du fonds.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’ONF pourra recruter dix équivalents temps plein, au titre de l’augmentation des effectifs hors plafond. Les effectifs de l’opérateur sont gérés par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, et non par le ministère de la transition écologique et solidaire. Son budget connaît une progression relativement élevée – d’un montant de 7 millions d’euros. Je vous invite, madame Jourdan, à redéposer votre amendement tendant à accroître les effectifs vers la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

 

Article 33 et état B

 

La commission est saisie de l’amendement II-CD45 de M. Patrice Perrot.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d’abonder le budget du CEREMA de 5 millions d’euros. Lors des auditions, l’opérateur nous a indiqué qu’il affrontait des difficultés budgétaires qui le contraindraient à faire des choix dans ses missions. Le CEREMA évolue, notamment au travers du partenariat qu’il est en train de nouer avec l’ANCT. Il s’efforce de répondre aux besoins des territoires, notamment des plus petits d’entre eux, des collectivités les plus excentrées, qui ont un fort besoin d’ingénierie – nous sommes tous d’accord sur ce point, je pense. Or l’établissement subit une forte baisse de ses effectifs. Dans la présente période, il serait terrible qu’il ne puisse pas offrir un vrai service public de proximité.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement II-CD34 de Mme Chantal Jourdan.

Mme Chantal Jourdan. Il s’agit de renforcer les moyens humains et financiers de l’ONF pour lui permettre de combler son déficit et de réaliser l’ensemble de ses missions.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’ONF connaît un problème d’équilibre financier, chacun en a conscience. Toutefois, comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, la subvention pour charges de service public n’est pas directement rattachée à la mission « Écologie, développement et mobilité durables » mais à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Mieux vaudrait redéposer votre amendement sur cette mission.

Le ministère de la transition écologique et solidaire verse une dotation complémentaire à l’ONF, qui a été relevée de 5 à 12 millions. La majoration de 7 millions n’est pas anodine, qui permettra notamment de financer les réserves biologiques et les espaces de protection forte, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République.

Cela étant, l’opérateur est conscient qu’il doit poursuivre sa réforme. Lors de son audition, il ne nous a pas tant alertés sur la question budgétaire que sur l’évolution de son modèle économique. Il a manifesté la volonté de conserver l’intégralité de ses activités, et souhaité que ses missions d’intérêt général soient distinguées de l’ensemble.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement II-CD35 de Mme Chantal Jourdan.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à renforcer les moyens dévolus à l’OFB en créant un nouveau programme, intitulé « Fonds de soutien à l’Office français de la biodiversité », doté de 10 millions d’euros. Puisque nous ne pouvons, malheureusement, faire autrement que de le gager, nous proposons de prélever les crédits sur l’action 04 « Gestion économique et sociale de l’après-mines » du programme 174 « Énergie climat et après‑mines ».

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Comme vous, nous sommes très attachés aux moyens de l’OFB, qui est une vitrine de l’action publique en matière de biodiversité. Je crois donc nécessaire de clarifier les évolutions budgétaires qui le concernent.

D’abord, le budget 2021 prévoit une augmentation de la subvention pour charges de service public, qui passe de 41 à 51 millions d’euros. Cela rend la situation plus claire, alors que l’opérateur avait subi, l’année dernière, un prélèvement de 10 millions d’euros sur son fonds de roulement. L’évolution est donc positive. Ensuite, l’OFB bénéficiera en 2021 de 85 millions supplémentaires au titre du plan de relance. Cet abondement considérable confortera l’ensemble de ses opérations.

Néanmoins, il est vrai que l’opérateur connaîtra une diminution de ses effectifs de 20 ETP, qui sera partiellement compensée par l’augmentation de 10 ETP des emplois hors plafond. Si cette situation est encore supportable cette année, il faudra veiller à ce que ses effectifs soient préservés à l’avenir : la réduction potentielle de 40 ETP prévue pour 2022 pourrait le mettre en grande difficulté. Toutefois, dans la mesure où le niveau des crédits pour 2021 est satisfaisant, je vous demande de retirer l’amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle est saisie de l’amendement II-CD28 de M. Guillaume Garot.

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. De l’aveu même de ses dirigeants, l’ADEME ne manque pas de moyens. Elle a été largement bénéficiaire du plan de relance, ce qui justifie une demande de retrait de l’amendement.

En revanche, il y aurait un sujet concernant la bonne manière de dépenser les moyens. Je maintiens que de ne prévoir des emplois intérimaires que pour une durée de dix‑huit mois risque de faire perdre au plan de relance une partie de son efficacité. Il aurait probablement fallu procéder à des embauches et en faire profiter les territoires.

L’amendement est retiré.

 

 

Article 38 : Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

 

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CD47 de M. Patrice Perrot et II-CD39 de M. Sylvain Templier.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’amendement II-CD47 vise à transférer 60 ETP de la Société du Grand Paris à raison de 50 ETP vers le CEREMA et de 10 ETP vers les parcs naturels nationaux. La SGP a connu un renforcement très notable de ses effectifs au cours des dernières années, qui se prolongera en 2021 avec 250 ETP supplémentaires. Cette réaffectation est d’importance compte tenu des missions majeures du CEREMA et du rôle qu’il assumera dans le cadre de l’accompagnement du plan de relance.

L’investissement voulu par le Gouvernement en matière de transition écologique, grâce au plan de relance, ne doit pas s’accompagner d’un recul des fonctions de contrôle et d’expertise du CEREMA. L’établissement doit veiller à préserver sa capacité de développer des outils de référence sur ces sujets, à renforcer le contact avec les territoires, à affirmer sa contribution aux programmes nationaux, à assurer des formations, à animer des retours d’expérience de terrain, à capitaliser les expériences et à diffuser les savoirs et les bonnes pratiques à travers l’ensemble du territoire, au plus près de nos collectivités. En outre, ses activités de recherche et ses partenariats nécessitent également du personnel qualifié. Pour toutes ces raisons, la pression continue sur les effectifs constitue le point de faiblesse de l’établissement public. Pour que le CEREMA continue de jouer pleinement son rôle dans le contexte de forte pression que l’on connaît, et compte tenu de l’enjeu climatique, il faut impérativement que nous poussions pour maintenir ses moyens et ses effectifs.

Les parcs naturels nationaux doivent connaître un doublement de leurs dotations dans le PLF 2021, à 4,5 millions d’euros, mais ils ont perdu entre 15 % et 20 % de leurs effectifs depuis dix ans. Si le PLF met un terme à cette chute en prévoyant 1 ETP supplémentaire, cet effort pourrait être conforté. En ce sens, l’amendement reprend les dispositions de l’amendement II-CD39 de Sylvain Templier, les 10 ETP supplémentaires étant prélevés sur la Société du Grand Paris.

M. Sylvain Templier. L’amendement II-CD39 vise à maintenir des moyens humains dans les parcs nationaux, dont les effectifs ont drastiquement baissé en dix ans. Par exemple, en 2012, la création du parc national des calanques s’est faite à moyens constants. Il n’est pas possible de faire de même avec le parc national des forêts, qui fêtera, le 6 novembre, sa première année, et qui couvre, en partie, ma circonscription de Haute-Marne. Le schéma d’emploi de ce onzième parc national prévoit dix emplois pour 2021. Cela ne saurait se faire en prélevant un emploi à chacun des autres parcs, car cela contraindrait les agents à se replier sur leurs compétences de base, à savoir la protection en cœur de parc, au détriment des actions de développement durable qu’ils mènent avec les collectivités locales.

Les parcs nationaux contribuent au développement local en conférant à leur territoire une forte visibilité : 1 euro investi par les établissements génère localement jusqu’à 14 euros de retombées locales. Ils participent aussi à la transition et à la préservation de la biodiversité sur l’ensemble de leur aire d’adhésion.

Puisqu’il faut gager l’amendement, nous proposons de prélever les 10 ETP sur la Société du Grand Paris. Celle-ci a vu ses effectifs augmenter considérablement au cours des derniers exercices budgétaires : 200 emplois supplémentaires dans le PLF 2019, 155 dans le PLF 2020, à nouveau 290 dans le PLF 2021. Les 10 ETP que nous demandons représentent moins de 2 % de ses effectifs. Cet effort ne remettrait pas en cause la capacité de la SGP d’atteindre ses objectifs, alors que les 10 ETP constituent une absolue nécessité pour les parcs nationaux et la concrétisation des engagements de la France et du Président de la République pour la préservation de la biodiversité.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de l’amendement II‑CD39 au bénéfice de l’amendement II-CD47.

M. Paul-André Colombani, rapporteur pour avis. Les membres du groupe Libertés et territoires soutiennent cette initiative en faveur des parcs naturels nationaux. Cela tient particulièrement à cœur à Jeanine Dubié, nouvelle présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM).

M. Sylvain Templier. La ministre Pompili ayant demandé à chacun d’accomplir un effort et annoncé qu’elle ne soutiendrait pas l’accroissement des effectifs du CEREMA, je maintiens mon amendement. La réduction de 60 ETP des effectifs de la Société du Grand Paris pourrait ne pas être jugée acceptable, tandis que ma proposition ne vise à les diminuer que de 10 ETP. J’ai également déposé cet amendement en commission des finances.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Il faut avoir conscience que c’est soit l’un soit l’autre. Nous avons opté pour un prélèvement de 60 ETP, à répartir. L’amendement, je le rappelle, intègre les 10 ETP destinés aux parcs nationaux. Je ne suis pas sûr qu’en segmentant notre action, on conserve le même niveau d’efficacité.

La commission adopte l’amendement II-CD47.

En conséquence, l’amendement II-CD39 tombe.

 

Mme Stéphanie Kerbarh, présidente. Le vote sur l’ensemble des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » interviendra mercredi 4 novembre, lorsque nous aurons examiné l’ensemble des avis budgétaires.