Compte rendu

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

– Examen de la proposition de loi visant à raisonner le développement de l’éolien (n° 2781) (M. Julien Aubert, rapporteur) 2


Mercredi 25 novembre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie,

Présidente


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La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné la proposition de loi visant à raisonner le développement de l’éolien (n° 2781) (M. Julien Aubert, rapporteur).

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous examinons, dans le cadre d’une niche parlementaire du groupe Les Républicains, une proposition de loi qui vise à raisonner le développement des parcs éoliens en suivant trois axes : l’augmentation de la distance entre les éoliennes et les habitations, l’interdiction de délivrer l’autorisation environnementale permettant de construire et d’exploiter un parc éolien si au moins une des communes consultées avant ou durant l’enquête publique émet un avis négatif et la remise au Parlement d’un rapport sur les moyens de renforcer le volet sanitaire des études d’impact sur les parcs éoliens.

M. Julien Aubert, rapporteur. J’ai le privilège de vous présenter la proposition de loi visant à raisonner le développement de l’éolien que j’ai déposée en mars dernier avec nos collègues Vincent Descoeur, Marc Le Fur, Véronique Louwagie, Emmanuel Maquet et Didier Quentin, et qui a été cosignée par 44 députés du groupe Les Républicains.

Ce texte est issu du travail, très substantiel, qui a été mené dans le cadre de la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, la transparence des financements et l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique. Cette commission d’enquête, que j’avais l’honneur de présider et dont Mme Marjolaine Meynier-Millefert était la rapporteure, a siégé de mars à juillet 2019, et les auteurs de la proposition de loi en étaient tous membres. Nous en avons tiré toutes sortes de constats, allant au-delà de l’éolien, mais il est apparu très rapidement qu’il existait un problème d’acceptabilité sociale en ce qui concerne cette industrie énergétique – je crois que chacun s’en rend compte. Nous avons observé que la transition énergétique, telle qu’elle est menée dans notre pays, se fait souvent sans les citoyens. C’est particulièrement le cas pour les éoliennes.

Quel est le contexte ? L’énergie éolienne a connu un développement foudroyant en vingt ans. En 2000, la puissance installée n’était que de 47 mégawatts en France ; elle est passée à plus de 15 000 mégawatts en 2018, ce qui représentait 5,1 % de la production électrique. Au 30 juin dernier, la France comptait près de 2 000 installations éoliennes, d’une puissance totale de 17 gigawatts. Ce développement est poussé par une politique publique de soutien financier reposant, dans un premier temps, sur un tarif de rachat de l’électricité produite puis sur des compléments de rémunération.

Le recours à l’énergie éolienne dans notre pays est appelé à être amplifié. En effet, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ambitionne de porter à 15 % la production d’électricité française d’origine éolienne en 2028. Il faut bien prendre conscience de ce que cela signifie : le respect de cet objectif implique de passer à un nombre d’éoliennes terrestres compris entre 14 000 et 16 000, selon la puissance des rotors, contre environ 8 000 en 2018, et le nombre de parcs éoliens en mer s’accroîtrait aussi. J’ajoute que l’utilisation d’énergie renouvelable pour la production d’hydrogène n’est pas incluse dans la PPE : il faudrait donc aller encore plus loin.

Pour atteindre ces objectifs, l’État mène une politique de déploiement de l’éolien à marche forcée, considérant qu’il faut faire preuve de volontarisme et que, de nombreux recours étant déposés, il convient de lever des freins juridiques pour raccourcir les délais. La politique de déploiement est fréquemment décidée d’en haut et appliquée par les préfets. Les élus locaux ont très souvent l’impression de ne pas être associés aux projets et ils ne peuvent pas les bloquer lorsqu’ils n’ont pas l’assentiment des citoyens. Il est plus facile de plaider en faveur des éoliennes lorsqu’on vit dans le 7e arrondissement de Paris que dans la Somme : on n’en installe pas sur le Champ de Mars mais chez des gens qui ont parfois le sentiment que les décisions sont prises de là. (Sourires.)

Par ailleurs, les éoliennes sont réparties d’une manière totalement inégale sur notre territoire, ce qui crée un effet de saturation important dans certaines zones. Un quart des 2 000 installations que compte la France métropolitaine est situé dans les Hauts-de-France et près d’un cinquième dans le Grand Est.

Le constat du développement anarchique de l’éolien – il n’obéit pas à une programmation étatique et ce sont des promoteurs privés qui font de la prospection – a été critiqué au plus haut sommet de l’État. Je vais citer, pour faire plaisir à mes collègues de la majorité, le Président de la République : il a appelé le 14 janvier dernier, lors d’une table ronde sur l’écologie dans les territoires qui s’est tenue à Pau, à être « lucide » en affirmant que « la capacité à développer massivement l’éolien est réduite ». Il a expliqué, non sans raison, que « le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays », avant d’ajouter que « de plus en plus de gens ne veulent plus voir d’éolien près de chez eux [et] considèrent que leur paysage est dégradé ».

Mme Élisabeth Borne, ex-ministre de la transition écologique et solidaire, a reconnu lors de son audition par la commission des affaires économiques du Sénat le 18 février dernier qu’il y a eu un « développement anarchique de l’éolien terrestre » et que l’État a « laissé s’implanter certains projets de parcs éoliens qui sont en covisibilité de monuments historiques ou dispersés au sein de petits parcs, de taille et de forme variables, ce qui crée une saturation visuelle et un sentiment d’encerclement autour de certains bourgs parfois insupportable ».

Outre le problème posé par la manière dont est développée cette énergie dans notre pays, il ne faut pas ignorer les nuisances qu’elle suscite.

L’implantation de parcs éoliens nuit souvent à la qualité de vie des riverains, en raison de gênes d’ordre acoustique et visuel. Celles d’ordre visuel sont liées non seulement aux conséquences sur le paysage – la commission d’enquête a montré qu’un élément vertical implanté dans un paysage horizontal attire l’œil, ce qui peut conduire à éclipser des monuments ou des sites remarquables –, mais aussi au balisage lumineux diurne et nocturne, au mouvement de rotation du rotor, à l’ombre projetée des pales ou encore aux reflets lumineux sur le rotor. Par ailleurs, des personnes peuvent être sensibles à certaines vibrations.

Une étude réalisée auprès des collectivités locales pour le compte de l’Agence de la transition écologique, anciennement Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), relève que la saturation de l’espace est considérée comme une contrainte forte pour le développement de l’éolien par 25 % des communes qui ont répondu et qu’il en est de même pour les gênes visuelles selon 21 % d’entre elles. Selon un sondage réalisé en 2015 par le CSA, 31 % des habitants qui entendent fonctionner les éoliennes chez eux se disent gênés par le bruit.

Par ailleurs, et c’est le rapporteur spécial du budget de l’énergie qui vous le dit, tout cela coûte vraiment très cher. Dans un rapport relatif au soutien à l’éolien en France qui a été remis en 2019 à la commission des finances, à ma demande, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a estimé que le coût serait compris entre 73 et 90 milliards d’euros d’ici à 2028, pour assurer 15 % de notre production électrique à cette date. À titre de comparaison, le parc nucléaire a coûté 72 milliards d’euros en valeur 2010 et 80 milliards d’euros en valeur 2019, alors qu’il produit cinq fois plus d’électricité.

Il faut aussi rappeler que le développement de l’énergie éolienne conduit à une intermittence au sein du réseau électrique. L’accroissement de la part de l’éolien pose de vrais problèmes, car il n’est pas pilotable aussi facilement que le thermique, le nucléaire ou l’hydraulique. Cela nous expose à un risque de « black-out » géant qui a été souligné par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) comme par le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport et que, en France, RTE (Réseau de transport d’électricité) est en train de prendre en compte d’une manière plus approfondie : il peut y avoir de véritables difficultés en cas d’hiver rigoureux.

Cette proposition de loi ne vise pas à tuer une industrie. En revanche, il existe un consensus politique sur le fait que l’éolien est un sujet – les propos du Président de la République le montrent. La question qui se pose à nous, en tant que parlementaires, n’est pas de savoir si l’éolien doit vivre ou mourir, mais dans quelle mesure nous pouvons prendre en compte les attentes de nos concitoyens, pour qui le statu quo est inacceptable. La proposition de loi peut être critiquée mais elle présente un avantage : elle va nous permettre de discuter de cette question et de déterminer où se trouve la justice entre ceux qui poussent une industrie qu’ils peuvent estimer utile à notre pays et des gens, mais aussi des communes, qui considèrent qu’ils ont le droit de déterminer ce qui se passe sur leur territoire et qu’on ne peut pas ignorer les problèmes de santé ou de visibilité des éoliennes. La moindre belette a droit à une étude d’impact lorsqu’on construit une autoroute. Pourquoi ne pas se pencher aussi sur l’humain ? C’est lui aussi un mammifère…

Mme Sandra Marsaud. L’intérêt, c’est l’écosystème.

M. Julien Aubert, rapporteur. Et l’humain en fait partie.

Il convient de raisonner le développement de l’éolien dans notre pays. Tel est l’objet des trois articles de la proposition de loi.

Le premier prévoit d’accroître la distance entre les habitations et les éoliennes au-delà d’une certaine taille. Si elles dépassent 180 mètres, la distance serait portée de 500 à 1 500 mètres.

Il convient aussi de préciser que les règles d’éloignement des éoliennes par rapport aux installations militaires et aux équipements de surveillance météorologique et de navigation aérienne doivent permettre de s’assurer qu’il n’y aura pas d’interférences. Le ministère de la défense a perdu des arbitrages : il a dû réduire le périmètre du réseau très basse altitude utilisé pour les vols d’entraînement à très grande vitesse et celui des secteurs d’entraînement au vol tactique à basse altitude afin de permettre le développement de l’éolien. Il faut raison garder.

L’article 2 concerne la démocratie locale. Au-delà du couple préfet-maire dont il est maintenant beaucoup question, il faut permettre aux communes de bloquer un projet si elles y sont hostiles. On ne peut pas se limiter à un contrat entre un promoteur privé et un particulier qui n’habite pas sur place : c’est vraiment une machine à provoquer des incompréhensions et des protestations.

Enfin, l’article 3 demande au Gouvernement de remettre un rapport sur les moyens de renforcer le volet sanitaire des études d’impact. Nous avons rencontré, dans le cadre de la commission d’enquête, des gens qui ont eu des problèmes – ils ont souffert d’accidents de santé ou bien leurs troupeaux sont morts – et nous avons été très surpris par les réponses des représentants des agences de l’État lorsque nous leur avons demandé quelles études avaient été menées : nous avons eu droit à des balbutiements et à des approximations, et on nous a dit : « nous allons nous y mettre ». La meilleure manière de lutter contre le complotisme, de manière générale, et la suspicion est de s’appuyer sur des études scientifiques crédibles. Le volet sanitaire doit être fort.

Je ne compte plus le nombre de courriers ou de lettres que je reçois de personnes qui font part d’une réelle souffrance du fait de l’installation d’éoliennes dans leur voisinage. J’espère que notre débat sera raisonnable et aussi raisonné que je souhaiterais que soit le développement de l’éolien. Nous pouvons avancer sur cette question en ne tombant ni dans l’idéologie de ceux qui proclament qu’il faut « zéro éolienne » ni dans celle qui consiste à dire qu’il n’y a aucun problème, que « tout va très bien, madame la marquise ». Un très grand nombre de citoyens, réunis dans des associations ou des collectifs, attendent que leurs élus s’emparent du sujet et qu’on modifie la loi pour assurer un meilleur équilibre entre l’intérêt économique de l’industrie éolienne et l’intérêt des voisins des éoliennes dans nos campagnes.

M. Alain Perea. Lorsque le concept de développement durable a émergé au tout début des années 1990, il était ainsi défini : répondre aux besoins des populations d’aujourd’hui sans empêcher les générations futures de répondre aux leurs. On a donné mille fois l’exemple des éoliennes en tant que moyen de produire de l’énergie maintenant sans créer de problème pour les générations futures. À la lecture de cette proposition de loi, je me dis que les auteurs de la définition auraient dû préciser que c’était pour autant que le fait de répondre aux besoins d’aujourd’hui ne dérange pas trop le voisinage, sans quoi il est préférable de sacrifier les générations futures…

Nous faisons face à un changement climatique majeur qui conduit à une prise de conscience à tous les niveaux. Nous devons nous soucier de la capacité des générations présentes à assurer la production de leur énergie et, en même temps, à tolérer un changement des pratiques de production et de consommation. C’est dans ce contexte que la majorité a choisi un mix énergétique qui se traduit, dans le cadre de la PPE, par les engagements suivants pour fin 2023 : s’agissant de l’éolien terrestre, la puissance installée devra atteindre 24,6 gigawatts, tandis que l’objectif a été fixé à 2,4 gigawatts pour l’éolien en mer.

Ces objectifs, assumés, impliquent de faire preuve de responsabilité collective. Selon l’Agence de la transition écologique, 80 % des Français se disent favorables au développement de l’éolien. Pourtant, 70 % des projets font l’objet de recours. Nous ne découvrons rien : c’est le fameux NIMBY – « not in my backyard ». Devant ce constat, on peut, comme tend à le faire la proposition de loi, ne résoudre aucun des problèmes mais les déplacer – et à force, on finit par ne jamais implanter des éoliennes – ou bien on peut, comme le souhaite le groupe majoritaire, faire preuve de responsabilité politique.

Nous pensons que l’énergie éolienne a toute sa place dans notre mix énergétique et qu’il faut non pas raisonner mais sécuriser le développement de l’éolien en France. Pour autant, aucun élu de la majorité ne nie les problèmes qui peuvent être liés au développement des projets dans les territoires. Je pense notamment à M. Yves Daniel, qui travaille depuis des années sur les conséquences des éoliennes pour les élevages, à M. François Cormier-Bouligeon, qui est confronté à la proximité d’un site classé au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), ou à M. Hervé Berville, qui a souligné qu’il regrettait l’absence de concertation avec les pêcheurs pour les projets offshore. Nous devons travailler collectivement à la recherche de solutions adaptées pour permettre une implantation pérenne des énergies renouvelables (EnR), et plus particulièrement des éoliennes.

Le groupe majoritaire peut partager une partie du constat qui a été dressé mais en aucun cas les réponses figurant dans ce texte. Comme nous pensons qu’il faut continuer à travailler ensemble, nous laisserons le débat se dérouler mais nous ne voterons pas en faveur des articles de ce texte en l’état.

M. Emmanuel Maquet. Depuis le début de cette législature, nous avons essayé à de nombreuses reprises de provoquer un débat sur l’éolien en France, lors de l’examen du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, déposé en 2017, ou plus récemment à l’occasion du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Par les nombreux amendements qu’ils ont déposés et leurs interventions en commission et en séance publique, les députés du groupe Les Républicains n’ont pas cessé de dénoncer les conséquences pour l’environnement, les atteintes à la concertation publique qui ont lieu et l’aberration financière de ces machines. Le Gouvernement n’a jamais pris en considération nos demandes. Je suis très heureux que notre niche parlementaire nous donne l’occasion d’aborder enfin ce sujet.

Depuis les décisions prises, il y a vingt-cinq ans, par M. Yves Cochet lorsqu’il était ministre de l’environnement, notre beau pays est livré aux spéculateurs du vent. Ces investisseurs sont intéressés par la garantie de vingt ans offerte par l’État : avec l’éolien, ils sont à l’abri des retournements des marchés financiers et ils bénéficient d’une véritable rente. Ce n’est pas un hasard si 80 % des mâts des éoliennes terrestres sont la propriété de fonds de pension.

Cette proposition de loi est l’occasion de dénoncer le scandale de l’éolien dans notre pays sur le plan écologique – les éoliennes ne répondent pas aux exigences qu’elles prétendent incarner, car elles ne contribuent absolument pas à la baisse des émissions de gaz à effet de serre –, sur le plan sanitaire et de la biodiversité – les éoliennes ont un impact très fort sur la faune, la flore et les populations – et enfin sur le plan financier – cette électricité subventionnée est une catastrophe que l’on peut difficilement comprendre compte tenu des points précédents. Les soutiens directs à l’éolien sont compris entre 73 et 90 milliards d’euros, dont 54 milliards déjà dépensés ou engagés et entre 18 et 36 milliards à venir pour atteindre les objectifs fixés par la PPE, qui supposeraient de porter le nombre des éoliennes terrestres d’environ 8 000 à 15 500 en 2028. Le visage de l’éolien, au-delà de ses prétendues vertus écologiques, est largement entaché. Nous avons encore la possibilité d’économiser une partie de tout cet argent. Il est nécessaire de mettre fin à une imposture qui sert à financer des bénéfices privés avec de l’argent public.

Deux réponses ont été proposées par la commission d’enquête citée par le rapporteur. Il faut, tout d’abord, supprimer les subventions pour l’éolien, comme le fait l’Allemagne : aider une filière qui dit elle-même être parvenue à maturité n’a plus aucun sens. On doit ensuite raisonner son développement. Lors de la COP24 (conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), la Pologne a décidé d’arrêter cette filière et d’adopter un plan de désinstallation des éoliennes existantes d’ici à 2040, et la Norvège vient de mettre un terme à son plan national d’installation. Au niveau européen, on observe une réduction de 30 % du nombre d’éoliennes installées. En Allemagne, la baisse est de 82 %. Au niveau mondial, la baisse a été de 20 % au cours des trois dernières années : il existe une prise de conscience internationale. La France doit suivre ce mouvement. Il serait dommage qu’elle soit une terre d’accueil pour des commerciaux de l’éolien qui, voyant qu’ils n’ont plus de marché dans d’autres pays, se précipitent chez nous avec leurs méthodes de lobbying contestables. Raisonner le développement de l’éolien implique, pour commencer, de ne plus installer des éoliennes à proximité des habitations et de respecter enfin l’avis des élus locaux directement concernés par les projets.

Cette proposition de loi est une première étape. Il faut répondre aux attentes de nos concitoyens : ils n’en peuvent plus de l’installation de ces aérogénérateurs qui défigurent notre beau pays et ne sont en aucun cas une solution si on veut une véritable transition écologique.

M. Jimmy Pahun. Vous entendez, par cette proposition de loi, raisonner le développement de l’éolien. C’est une finalité que le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés peut partager car la multiplication des champs d’éoliennes dans certains territoires et leur extrême densité posent un réel problème. C’est une préoccupation légitime dont le Président de la République s’est lui-même fait l’écho – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur. Nier ce problème ne rendrait pas service à la transition énergétique car cela affaiblirait son acceptabilité et entraverait sa réalisation.

Le Morbihan, département où j’ai été élu, est concerné, notamment par les éoliennes en mer. Deux fermes, de 250 et de 500 mégawatts, doivent être installées au large de la baie de Quiberon, de Groix et de Belle-Île. Je défends ce projet pour plusieurs raisons. D’abord parce que la Bretagne ne produit pas d’énergie. Le parc éolien de Groix–Belle-Île et celui de la baie de Saint-Brieuc fourniront de l’électricité à un million de foyers. C’est la preuve qu’on peut aller de l’avant dans ce domaine. Vous dites que la concertation se fait sans les citoyens, mais ce n’est pas tout à fait vrai : celle autour du dernier parc est très bien faite. Nous avons revisité les erreurs du passé – que nous avons pu commettre, peut-être, pour le parc de Saint-Brieuc : je pense que les documents stratégiques de façade et les concertations avec les pêcheurs, évoquées par M. Alain Perea, vont dans le bon sens.

Le rapporteur ne nous invite pas à débattre sérieusement de ce sujet compliqué. Il cherche moins des solutions qu’une tribune pour attaquer l’énergie éolienne et se faire le défenseur d’une ruralité abîmée. La proposition de loi comporte trois articles, dont un qui demande un rapport. L’article 1er vise à interdire les éoliennes de 180 mètres, donc, en gros, toutes les nouvelles implantations, à moins de 1 500 mètres des habitations. L’article 2 donnerait aux collectivités concernées un droit de veto sur les projets. Ce cadre strict et définitif, qui fait l’économie de toute nuance, pourrait contraindre excessivement le développement des projets locaux. Votre rapport, monsieur Aubert, est éclairant à cet égard. Les critiques formulées à l’encontre de l’énergie éolienne sont rudes et parfois violentes. Tout un paragraphe est consacré à l’éolien en mer, qui n’entre pourtant pas dans le champ de la proposition de loi. Tout cela est un peu caricatural.

Nous ne pouvons pas soutenir ce texte même si nous ne nions pas la réalité du problème et le besoin de solutions. Nous plaidons notamment pour une véritable planification territoriale, par exemple à l’échelle des régions, afin d’instaurer un équilibre. Il faut mener tout un travail pour lequel nous proposons de nous inspirer des conclusions du rapport de M. Bruno Duvergé, qui a travaillé durant de nombreux mois sur l’identification des freins à la transition énergétique. Outre une meilleure planification, nous suggérons la réalisation d’études pour connaître l’impact sur la taille du gisement éolien de l’augmentation de la distance par rapport aux habitations, le déploiement d’un réseau de conseillers afin d’aider les collectivités à mieux intégrer les projets éoliens dans leur dynamisme territorial et la promotion de systèmes réduisant les effets sonores et visuels des éoliennes.

Enfin, je rêve de voir sur tous les toits de Paris des petites éoliennes qui pourraient alimenter chaque immeuble.

M. Gérard Leseul. Je remercie M. Julien Aubert de nous inviter, par cette proposition de loi, à réfléchir à l’éolien et à son développement.

La stratégie nationale bas-carbone, introduite en 2015 par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, fixe un vrai cap en ce qui concerne la protection de notre environnement : il s’agit d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Il faudra utiliser plusieurs leviers, en particulier la décarbonation des vecteurs énergétiques. Le paysage français en la matière se transforme progressivement en intégrant une part croissante d’énergies renouvelables. Les objectifs sont ambitieux : il faudra porter leur part à 33 % du mix énergétique et à 40 % de la production d’électricité en 2030.

L’éolien constitue, aux côtés du photovoltaïque, une filière importante, objet de beaucoup d’attentes et de nouveaux enjeux, sur terre et offshore. L’énergie éolienne a connu un développement important en France : sa part dans la production électrique est désormais d’un peu plus de 5 %, et le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie ambitionne d’aller jusqu’à 15 % en 2028.

Nous en sommes tous bien conscients : l’énergie éolienne n’est pas la solution à tous les problèmes et elle ne permettra pas, à elle seule, de relever les grands défis de la transition énergétique. Cette énergie présente, comme toutes les autres, des avantages et des inconvénients. Elle n’en demeure pas moins essentielle pour enrichir le mix énergétique français. C’est une condition sine qua non pour la souveraineté du pays et le respect de l’environnement. Il me semble également essentiel de rappeler que l’éolien représente 20 000 emplois directs et indirects dans notre pays selon une note d’observatoire publiée en 2020. Le nombre de ces emplois a augmenté de 11 % l’année dernière, après avoir connu une hausse de 25 % entre 2016 et 2019. Des filières de construction, d’entretien et de formation ont vu le jour sur notre façade maritime.

Nous souhaitons un développement harmonieux de l’éolien dans l’ensemble du territoire afin d’éviter que certaines régions ou certaines zones assument seules cette politique, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur. Nous sommes pour une plus grande acceptabilité sociale des décisions publiques, et nous avons souvent regretté que le Gouvernement n’entende pas cette demande légitime. Il faut travailler sur l’acceptabilité des projets grâce à une concertation citoyenne. Par ailleurs, il serait peut-être judicieux de lever certains freins et de retravailler sur les contraintes en matière militaire et aéronautique.

Cette proposition de loi, loin de résoudre l’équation, s’apparente en réalité à un abandon. Les solutions consistant à augmenter les distances entre les installations et les habitations et à donner un droit de veto aux communes s’assimilent en fait à un coup d’arrêt. L’adoption de cette proposition de loi remettrait en cause la quasi-totalité des projets éoliens. Permettez-moi aussi de regretter, monsieur le rapporteur, le fait que le texte laisse complètement de côté la question de l’éolien offshore. Même si la proposition de loi pose de vraies questions, le groupe Socialistes et apparentés ne peut soutenir que l’article 3.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais féliciter le rapporteur, M. Aubert, pour son travail approfondi sur l’ensemble de la politique énergétique de notre pays et remercier sincèrement nos collègues du groupe Les Républicains de poser la question de l’éolien en France. Il faut mieux planifier et mieux encadrer, tous les groupes l’ont souligné. Ils l’ont fait de manières différentes, certains soutenant cette énergie alors que d’autres la dénoncent, mais tous ont dit qu’il fallait mieux maîtriser les choses. Ce texte est l’occasion de le faire : nous ne pourrons pas y arriver sans changer la loi. Il n’existe pas de planification à l’heure actuelle : un promoteur peut décider d’implanter une éolienne sans tenir compte de l’avis du maire, de la population, voire de l’État. C’est cela qu’il faut changer. Nous devons nous saisir de cette proposition de loi.

Si nous nous intéressons maintenant à l’éolien, c’est parce que son développement, notamment terrestre, pose différentes difficultés.

À titre personnel, je voudrais rappeler que l’éolien est traité depuis quelques années par le ministère de l’écologie, toutes tendances confondues, comme un symbole de la lutte contre le changement climatique et pour la protection de l’environnement. Cela correspond-il à la réalité ? La lutte contre le changement climatique ne peut être assurée par une énergie intermittente, non prédictible et non pilotable. C’est impossible. La théorie selon laquelle il y aurait du vent dans le Sud quand il n’y en a pas dans le Nord est tout simplement fausse. En février et mars, on n’aurait pas eu d’électricité même si des éoliennes avaient été implantées partout en Europe. Il faut en être conscient et le faire savoir. Les Français ont la chance d’avoir une production d’électricité déjà décarbonée, pilotable et économique qui est le nucléaire. Arrêtons de nous tirer des balles dans le pied et portons nos ambitions au niveau européen sur ce sujet.

Par ailleurs, comment peut-on défendre l’idée que les éoliennes protègent l’environnement ? Faut-il rappeler que les pales sont fabriquées avec des matériaux qui ne sont pas renouvelables et que les socles, de 1 500 mètres cubes de béton, resteront dans le sol puisqu’ils ne doivent, réglementairement, être enlevés que sur un mètre de profondeur ?

Enfin, personne ne nie l’atteinte aux paysages et au patrimoine, parfois reconnu par l’UNESCO, que constituent ces moulins de 200 mètres de haut.

Tout cela nécessite qu’on encadre le développement de l’éolien en changeant la loi, sans nécessairement le stopper – on peut avoir des positions différentes en ce qui concerne le mix énergétique. Ce texte nous en donne l’occasion, ce dont je vous remercie, et je défendrai des amendements allant dans ce sens.

M. Paul-André Colombani. La France s’est fixé depuis une quinzaine d’années des objectifs incitatifs pour le développement des énergies renouvelables. Elle n’a eu de cesse, depuis, de renforcer son ambition. Le dernier exemple en date est l’adoption de la PPE, qui prévoit une montée en puissance des énergies électriques renouvelables (EnR) – elles devront représenter 40 % du total de la production nationale en 2030.

Sans refaire le débat concernant notre mix électrique, je voudrais revenir, puisque la proposition de loi pose cette question, sur la place à accorder aux EnR, et plus particulièrement à l’éolien : je suis favorable aux grandes orientations établies par la PPE.

J’ajoute que la question du mix énergétique et de son impact environnemental se pose d’une façon encore plus forte dans les zones non interconnectées (ZNI). En Corse et en outre-mer, l’indépendance énergétique est un enjeu majeur pour lequel nous avons besoin des EnR, notamment de l’éolien.

Je ne nie pas, pour autant, que des oppositions à l’éolien existent : 70 % des permis de construire finissent devant un tribunal administratif. Il est vrai que ces énergies renouvelables se concentrent, jusqu’à saturation, sur certains territoires. En la matière, l’exemple des Hauts-de-France est éloquent.

La solution ne consiste pas tant à raisonner le développement de l’éolien qu’à permettre une meilleure prise en compte des intérêts des territoires. L’acceptabilité sociale des parcs éoliens nécessite une meilleure appropriation des projets par les riverains. Des leviers existent. L’approche coopérative suivie au Danemark, par exemple, a fait ses preuves : elle permet de renforcer le soutien des citoyens aux projets.

Je constate, à mon grand regret, que la concertation et l’implication des citoyens ne font pas partie des pistes explorées dans cette proposition de loi. Vous préférez une distance plus grande entre les éoliennes et les habitations, ce qui se traduirait par l’impossibilité de construire des parcs dans certaines régions où le bâti est dispersé. Par l’article 2, vous proposez de donner un droit de veto aux communes sur les autorisations environnementales, ce qui conduirait aussi à la mise à mort de nombreux projets importants. S’agissant de l’article 3, en revanche, le groupe Libertés et Territoires n’a pas d’opposition particulière à la demande d’un rapport du Gouvernement sur les moyens de renforcer le volet sanitaire des études d’impact.

Enfin, nous serons vigilants sur ce qui se passe dans les ZNI et sur l’amendement de M. Charles de Courson qui vise à donner plus de pouvoir au niveau local, à l’échelle des intercommunalités.

M. Guy Bricout. Je félicite le rapporteur pour la qualité de son exposé. Je suis ravi que cette proposition de loi soit inscrite à l’ordre du jour, tant le développement de l’éolien se fait de manière anarchique et inégale selon les territoires. Ainsi, la région des Hauts-de-France, dont je fais partie, supportera bientôt à elle seule 30 % de l’effort national. Autour de la ville dont j’ai été le maire, l’implantation d’une trentaine d’éoliennes a été autorisée par les petites communes environnantes, qui voient là l’occasion d’une ressource complémentaire, sans penser à l’avenir.

Ce n’est pas supportable, à plus d’un titre. Tout d’abord, le développement des parcs éoliens se fait à marche forcée : tout est mis en œuvre pour renforcer l’acceptabilité, plutôt que la prise en compte de la parole des élus et des citoyens. Pourtant les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans les Hauts-de-France, 70 % des projets sont contestés devant les tribunaux. Ensuite, les retombées financières pour les budgets communaux ne peuvent pas tout justifier. Il faut mettre aussi dans la balance les détériorations induites sur les paysages ou le patrimoine culturel et architectural.

Je suis l’élu d’une région touristique et historique, qui a vécu très durement la guerre de 14-18 et qui souffre d’être dénaturée à outrance. De nombreuses éoliennes sont en effet implantées sur les champs de bataille, où nombre de nos soldats sont encore enterrés !

Enfin, les avantages environnementaux de ces parcs éoliens sont très discutables – et d’ailleurs remis en cause par de nombreux experts. En effet, la construction d’éoliennes est très consommatrice de terres rares ; le recyclage des pales ne peut se faire qu’à hauteur de 50 % maximum – il existe des cimetières de pales d’éoliennes aux États-Unis –, le reste étant enterré et brûlé ; une grande partie des socles ne peut être retirée des sols. Du reste, une somme infime est prévue dans les contrats pour leur déconstruction. Au final, l’éolien générerait plus de CO2 que le nucléaire !

Par ailleurs, l’enjeu sanitaire sur lequel porte le dernier article du texte est, lui aussi, particulièrement important. Il y a quelque temps, j’ai demandé une étude approfondie et indépendante sur les effets sanitaires des éoliennes, afin que les habitants soient pleinement informés. Plusieurs éleveurs de ma circonscription ont constaté en effet, depuis l’installation de parcs éoliens à proximité de leur exploitation, – mais c’est peut-être aussi en lien avec d’autres installations comme les lignes à haute tension –, qu’une partie de leurs élevages déclenchaient des réactions inhabituelles : amaigrissements, moindre production de lait, voire décès brutaux. Les autorités, alertées, ont diligenté des experts mais aucune réponse précise n’a été apportée, alors que ces situations sont tragiques pour les éleveurs qui se retrouvent parfois au bord de la faillite.

Notre groupe soutiendra donc cette proposition de loi qui donne un cadre précis à l’implantation d’éoliennes.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je rappelle que j’ai saisi l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), il y a quelques jours, de cette question des conséquences sanitaires, sur les élevages notamment.

M. Guy Bricout. Nous en avions parlé en réunion de groupe il y a six mois ; l’étude a été lancée alors.

Mme Sandra Marsaud. L’article 1er de la proposition de loi tend à modifier le code de l’environnement en prévoyant de fixer à 1 500 mètres le nouveau seuil d’éloignement obligatoire des éoliennes par rapport aux habitations, ce qui va en restreindre fortement la possibilité d’implantation. Or c’est contraire à notre objectif de diversification du mix énergétique, prévu dans la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone.

Les motifs sanitaires évoqués ne justifient pas la création de ce seuil, puisqu’une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), datant de 2017, concluait que les données disponibles ne mettaient pas en évidence d’arguments scientifiques suffisants prouvant l’existence de ces effets.

Ces règles d’éloignement visent également à prévoir, par voie de décret, l’absence d’interférence entre les éoliennes et certaines catégories d’équipement et les conflits d’usage.

M. Jean-Marie Sermier. Les Français doivent savoir que l’éolien n’a aucun impact positif sur le climat, puisqu’il remplace de l’électricité nucléaire et hydraulique déjà décarbonée. En revanche, il peut induire des risques sanitaires encore inconnus sur les hommes et sur les animaux. À ce propos, je vous remercie, madame la présidente, d’avoir saisi l’OPECST, au nom de la commission. On ignore en effet l’impact éventuel des champs électromagnétiques de basse fréquence. Tout cela prouve bien qu’on est incapable de démontrer l’avantage de l’éolien sur le climat, ni d’en mesurer les risques en matière de santé.

M. Martial Saddier. Je profite de cette première réunion depuis l’intervention du Président de la République hier soir, pour appeler votre attention, madame la présidente, sur la décision de ne pas autoriser l’ouverture des remontées mécaniques en ce début de saison. Notre commission étant chargée de l’aménagement du territoire, je formule le vœu que nous puissions nous saisir des conséquences de cette décision, à court et très long termes, sachant que dans de telles conditions, certaines stations pourraient ne pas se relever. Notre commission doit être en mesure d’accompagner les montagnes de France.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je prends note de votre message, mais il me semble que la question n’est pas totalement tranchée à ce jour.

M. Julien Aubert, rapporteur. Et ne parlons pas des éoliennes dans les stations de ski, qui sont un vrai problème !

M. Vincent Descoeur. Je remercie M. Julien Aubert de nous donner l’occasion de débattre des conditions de développement de l’éolien, dans le droit fil des conclusions de la commission d’enquête parlementaire qu’il a présidée. Celle-ci a mis en lumière, en effet, une difficulté d’acceptation sociale qu’il serait coupable d’ignorer et qui mérite que l’on fasse des propositions de nature à raisonner, ou plutôt à encadrer, le développement de l’éolien.

Contrairement à ce que j’ai entendu, cette proposition de loi vise, non pas à s’opposer au développement des énergies renouvelables, mais à débattre de la recevabilité de projets qui, dans leur mise en œuvre, posent incontestablement un problème de démocratie.

J’avais, pour ma part, déposé un amendement tendant à organiser une consultation de la population concernée par ces installations et l’atteinte aux paysages dont je m’étonne qu’il n’ait pas été jugé recevable.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il a été déclaré irrecevable par le président de la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution, la consultation publique étant considérée comme une charge.

Mme Frédérique Tuffnell. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre travail et cette proposition de loi, avec laquelle je suis partiellement d’accord. Elle me permet d’aborder le sujet de l’éolien terrestre, particulièrement épineux dans mon département de Charente-Maritime. Les objectifs liés à la PPE prévoient de tripler d’ici à 2030 la production des parcs éoliens terrestres. Aujourd’hui, sur mon territoire, il y a près de 275 éoliennes en fonctionnement ou autorisées et plus de 215 ayant fait l’objet d’une déclaration d’intention, encore en cours d’instruction. Je vois difficilement comment elles pourraient s’implanter en raison du climat de tension qu’elles génèrent. Or certains élus se sentent impuissants face à cette tendance inquiétante. Le conseil départemental de Charente-Maritime a ainsi dû créer, en octobre 2018, un observatoire de l’éolien et a demandé à l’État, l’an dernier, un moratoire de deux ans pour tout nouveau projet éolien, le temps d’élaborer un schéma départemental de développement durable. Avec cette proposition de loi, vous ne répondez que partiellement aux attentes de ces élus.

Je m’interroge également sur le « repowering » – renouvellement – des installations existantes : comment les parcs qui évoluent pourront-ils respecter ces nouvelles distances ? Par ailleurs, vous ne parlez pas de l’éolien offshore. Enfin, il me semble que votre proposition de loi n’est pas suffisamment étoffée et nous sommes, de mon point de vue, « dans la pétole ».

M. Gérard Leseul. Monsieur le rapporteur, avez-vous pu réaliser une étude d’impact pour connaître le nombre possible de nouvelles installations si le dispositif prévu à l’article 1er venait à s’appliquer ? Pourquoi, à l’article 2, ne pas avoir envisagé, à la place du veto, des modalités plus démocratiques, plus participatives, de type majorité qualifiée, comme dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) notamment ? Enfin, je regrette l’absence de proposition concrète en faveur d’une concertation citoyenne.

M. Julien Aubert, rapporteur. Monsieur Perea, le groupe La République en Marche a un problème : vous êtes d’accord avec le diagnostic mais vous dites, avec beaucoup de nuances, que cette proposition de loi ne règle aucun problème et vous ne voulez absolument rien changer ! Surtout, dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur l’impact des énergies renouvelables, la rapporteure, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, membre de votre groupe, a rédigé un rapport. Moi, en ma qualité de président de cette commission d’enquête, je n’ai rien écrit.

Comme manifestement, vous ne l’avez pas lu, je vais en citer quelques passages : « Lors de son audition par la commission d’enquête, M. Jean François Carenco, le président de la CRE, ne s’en est d’ailleurs pas caché et a expressément convenu du fait que la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables électriques ne sont pas réalisés dans le but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre [...]. Quant aux éoliennes, si elles n’émettent pas de gaz à effet de serre lors de leur production d’électricité, elles n’en demeurent pas moins une source globale d’émissions au cours de leur cycle de vie. Toujours selon l’ADEME, l’analyse du cycle de vie d’une éolienne, qui prend en compte à la fois l’extraction et le traitement des matières premières mais aussi les processus de fabrication, le transport, la distribution, la réutilisation et le recyclage de certains composants, conduit à une émission en moyenne entre 12 et 15 grammes d’équivalent CO2/kWh. » Un peu plus loin, le rapport précise encore : « il apparaîtrait que les énergies renouvelables consomment néanmoins plus de matières minérales et métalliques que les technologies du bouquet énergétique traditionnel, ainsi qu’une plus grande variété de métaux. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), par rapport aux énergies fossiles, pour une même quantité d’énergie produite, l’éolien et le photovoltaïque nécessitent quinze fois plus de béton, quatre-vingt-dix fois plus d’aluminium et cinquante fois plus de cuivre. »

Je veux bien accepter tous les arguments, mais ôtez-vous de la tête l’idée qu’on installerait des éoliennes pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce n’est pas vrai ! Et ce n’est pas le président de la commission d’enquête qui le dit, mais un rapport bipartisan, adopté par la majorité et par l’opposition.

Je crois que vous aimez bien les chasseurs. Regardez donc ce qui se passe dans le Blayais, où EDF souhaite implanter des éoliennes terrestres. Les chasseurs et les militants de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) s’y retrouvent main dans la main pour protester contre ce projet qui défigurerait un parc naturel régional. On ne peut vraiment pas dire que l’implantation des éoliennes est systématiquement corrélée avec la protection de l’environnement : elle a réussi le miracle de réunir des gens qui, généralement, ne sont pas très proches !

Toutes les interventions avaient un point commun : une préoccupation en matière de santé. Il pouvait être envisagé d’adopter l’article 3 pour obtenir des études d’impact. Mais il faudrait repousser les articles 1er et 2 qui visent pourtant le même objectif de préservation de la santé en prévoyant notamment d’éloigner les éoliennes des habitations…

Pourquoi propose-t-on une distance de 1 500 mètres ? Ce n’est pas moi qui l’ai inventée, M. Perea, M. Pahun – qui m’a dit que le cadre proposé faisait l’économie de toute nuance, ce qui est l’hommage d’un connaisseur ! Cette recommandation émane de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), que le Président de la République et le ministre de la santé citent à tout va en ce moment pour justifier toutes les mesures contraignantes qui sont prises. On ne peut pas retenir de l’OMS que ce qui nous intéresse ! Depuis 2006, cette organisation recommande d’installer les éoliennes à une distance de 1 500 mètres. L’Académie de médecine a également repris cette position.

On peut débattre de façon intéressante, à condition de rester objectifs. Non, cette proposition de loi n’a pas vocation à tuer l’industrie éolienne terrestre : elle prend en compte une colère qui s’exprime dans notre pays et qu’on ne peut pas nier. Ce serait un échec pour le travail parlementaire d’admettre que j’ai raison mais de n’adopter aucune disposition sous prétexte que mon texte ne vous conviendrait pas.

Vous avez évoqué des points qui, effectivement, auraient pu être intégrés dans ce texte, que je n’ai pas voulu alourdir. Ainsi, l’éolien offshore pose également des problèmes, notamment s’agissant de la protection des fonds marins. Néanmoins, en matière d’impact sur la santé des populations, ce n’est pas le même sujet, compte tenu de la distance. En outre, cette technologie n’est pas au même niveau non plus, en matière de maturité et d’avancement. Je ne suis pas hostile à ce que vous déposiez des amendements sur l’éolien offshore, mais j’ai préféré, pour ce qui me concerne, me concentrer sur l’éolien terrestre.

Ensuite, c’est vrai, la proposition de loi ne prévoit pas de développer une procédure de concertation. Mais je n’y suis pas hostile. Simplement, je dis qu’il est difficile pour le maire d’une commune dont la population et les maires des communes voisines sont à 99 %, voire 100 %, hostiles à un projet d’implantation, de répondre que leur avis ne sera pas pris en compte ! Ce sont eux qui vivront ensuite près de ce parc éolien.

Il ne s’agit pas pour autant de tomber dans le « not in my backyard » que M. Perea a cité à bon escient. Quand on sait qu’en Allemagne – pays de l’éolien – les éoliennes sont, dans certains Länder, installées à une distance de 1 000 mètres des habitations, on peut légitimement s’interroger sur nos 500 mètres. Je ne préconise pas non plus de les installer à 10 kilomètres ! S’agissant des nuisances, en tout cas, 1 000 mètres ou 1 500 mètres peuvent faire la différence et permettre une acceptabilité sociale qu’à 500 mètres vous n’avez pas.

On peut considérer qu’une bonne politique de stratégie énergétique consisterait à définir les lieux d’implantation en fonction du vent et de la force de l’opposition ; cela permettrait d’aller plus vite.

Le représentant du groupe Socialistes et apparentés me demande ce qu’impliquerait l’allongement de la distance en matière de développement de l’éolien. Apparemment, monsieur Leseul, vous avez réalisé l’étude d’impact, puisque vous considérez que l’adoption de la proposition de loi stoppera toute évolution de l’éolien. Je ne le pense pas.

Je pense, en revanche, que, sur le plan écologique, il n’est pas prouvé aujourd’hui que l’éolien apporte une plus-value. Or cela coûte très cher. Nous pourrions miser sur d’autres énergies. Ce n’est pas parce qu’on réduirait de moitié le taux de progression de l’éolien pour investir dans l’hydrogène ou les biocarburants, par exemple, que cela modifierait la manière dont on conçoit la transition énergétique.

Mme Stéphanie Kerbarh. Pour faire de l’hydrogène, il faut de l’éolien, sinon il n’est pas vert.

M. Julien Aubert, rapporteur. Sur l’éolien offshore, vous avez raison de souligner qu’une usine va être implantée en France. Attention toutefois quand vous parlez de souveraineté : en 2018, l’éolien représentait 700 millions d’euros de déficit de la balance commerciale et 60 % de la valeur ajoutée des éoliennes étaient produits à l’étranger. En matière de souveraineté, il y a d’autres industries, commençant par la lettre « N » où, à mon avis, la valeur ajoutée est un peu plus française. Je ne suis donc pas tout à fait d’accord sur la question de la souveraineté.

Je ne suis pas contre l’idée de majorité qualifiée pour la prise de décision, si un accord est possible ; peut-être, en effet, que le veto des maires est une mesure trop forte. L’important, c’est que les élus locaux aient le sentiment de pouvoir décider, en cas d’opposition locale, de refuser le projet. À moins d’implanter les éoliennes à une distance suffisante pour qu’il n’y ait pas d’opposition locale, sans tomber dans l’hystérie ou la caricature. Encore une fois, la limite de 1 500 mètres est proche de ce qui se pratique dans d’autres pays et répond aux recommandations des autorités de santé.

Je remercie le groupe Agir ensemble pour ses compliments qui m’ont fait plaisir après deux ou trois interventions moins laudatrices.

Vous avez raison, monsieur Colombani, nous devrions exclure les ZNI, parce qu’elles correspondent à un autre écosystème et une autre manière de voir les choses. Il faudra peut-être préciser, par voie d’amendements, que le dispositif s’applique hors ZNI. Vous avez également évoqué l’intercommunalité : c’est un vrai sujet. J’ai choisi, pour ma part, d’axer mes propositions sur le maire, parce qu’il est élu par la population et responsable, alors que les intercommunalités s’éloignent parfois du citoyen, selon leur taille ou les combinaisons qui peuvent exister. C’est pourquoi j’ai proposé d’accorder aux maires cette possibilité de veto, mais nous pourrons en débattre.

S’agissant des effets sur les animaux, évoqués par M. Bricout, je m’étonne qu’on ait pu développer pendant vingt ans une énergie sans saisir l’OPECST et chercher à en connaître l’impact sanitaire !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Ce n’est pas l’objet de la saisine. Ne caricaturez pas.

M. Julien Aubert, rapporteur. En tout cas, nous avons constaté, dans le cadre de la commission d’enquête, qu’il n’existait pas d’étude. Rien n’a été fait concrètement après qu’un éleveur avait fait savoir qu’il déplorait plus de 80 % de taux de mortalité au sein de son troupeau de vaches. Il faut donc prévoir quelques garde-fous : tel est l’objet de l’article 3.

Enfin, je l’avoue, madame Tuffnell, j’ai dû vérifier la signification du mot pétole. En Savoie, c’est une crotte de bique (Rires), mais cela peut être aussi une mer d’huile.

Mme Frédérique Tuffnell. C’est un terme nautique qui veut dire qu’il n’y a pas de vent.

M. Julien Aubert, rapporteur. Pour résumer, ne tombons pas dans la caricature en considérant que ce texte est forcément mauvais et que tout ce qu’il propose doit être rejeté. Une incertitude sanitaire demeure alors que des recommandations ont été faites par l’OMS et l’Académie de médecine. Une colère populaire monte également. Alors, débattons des modalités mais ne disons pas qu’il n’y a pas de sujet et ne risquons pas de passer à côté en ne changeant rien.

 

La commission en vient à l’examen des articles.

 

Avant l’article 1er

 

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CD18 de Mme Laure de La Raudière et CD9 de M. Charles de Courson.

 

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement vise à rétablir les zones de développement de l’éolien (ZDE). Cet outil de planification permet en effet de solliciter les communes pour déterminer les lieux d’implantation des éoliennes, de réaliser des études de vent, de garantir la concertation et d’impliquer les élus dans le développement du territoire, tout en laissant la décision aux mains de l’État. Pour en avoir discuté avec l’actuelle ministre chargée de la transition écologique, ainsi que la précédente, il apparaît que l’État regrette la suppression de ces ZDE.

M. Charles de Courson. Un point d’histoire, pour commencer. Lorsque la première éolienne a été construite dans ma circonscription, il y a vingt-cinq ans, il n’était même pas nécessaire de solliciter un permis de construire. Il se trouve que l’initiateur l’avait fait, mais il aurait très bien pu s’en dispenser.

Ensuite, nous avons légiféré et instauré, avec beaucoup de bon sens, les ZDE, c’est-à-dire souvent un regroupement de communes, qui déterminaient à quel endroit de la zone ainsi créée elles acceptaient ou non l’implantation d’éoliennes. J’ai été moi-même l’initiateur d'une grande ZDE, réunissant une vingtaine de communes. À l’époque, le droit de l’urbanisme était encore une compétence communale, dans l’immense majorité des cas.

Comme Mme Laure de La Raudière et beaucoup d’entre vous, je considère qu’il n’est pas normal que les ZDE aient été supprimées. Ce faisant, le législateur a ôté aux élus communaux ou intercommunaux toute possibilité d’encadrer les projets et de donner leur avis.

Nous proposons donc de rétablir les ZDE. Je m’étais battu contre leur suppression, à l’époque, estimant qu’il s’agissait d’une énorme erreur. Mme Laure de La Raudière partageait cette position, mais nous étions très minoritaires. Leur suppression répondait en fait à une demande du Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui considérait qu’il y avait trop de contentieux et qu’il était trop difficile de lancer des projets. Pour favoriser le développement de l’éolien, il fallait enlever tout pouvoir aux élus locaux !

Nos deux amendements comportent quelques différences. Mme Laure de La Raudière est restée sur le texte que nous avions voté il y a une vingtaine d’années. Le mien tient compte du fait que le droit de l’urbanisme est devenu une compétence intercommunale ; il donne ainsi le pouvoir aux intercommunalités, après avis, bien sûr, de chacune des communes concernées. Pour être conforme avec l’état actuel du droit, c’est le conseil de communauté qui tranchera sur le périmètre de la ZDE.

Certes, il existe les schémas régionaux éoliens mais, si vous consultez celui de votre région, vous constaterez qu’il n’encadre rien du tout. Je voudrais signaler d’ailleurs un énorme problème juridique qui s’est posé à trois reprises dans mon département de la Marne : alors que le préfet avait refusé la délivrance de permis de construire, invoquant des motifs tels que la protection des paysages ou autres, sa décision a été annulée ! Autant vous dire qu’il est désormais prudent. Faisons confiance aux élus locaux. Les ZDE sont arrêtées par le préfet, sur proposition des communes qui peuvent se faire aider par les services de l’État. Qu’on soit pour ou contre le développement de l’éolien, redonnons au moins un pouvoir à l’échelon local.

M. Julien Aubert, rapporteur. Cette disposition s’inscrit dans la philosophie du texte : il s’agit de permettre à ceux qui vivent sur place de penser l’aménagement de leur territoire. Entre ces deux amendements, j’aurais une préférence pour celui de Mme de La Raudière, qui prévoit explicitement qu’il n’est pas possible d’implanter des éoliennes en dehors des ZDE et donne plus de pouvoirs aux communes. Même si M. Charles de Courson a juridiquement raison, je suis politiquement en faveur des communes et je donnerai donc un avis favorable à l’amendement de Mme de La Raudière, en proposant le retrait de celui de M. de Courson.

M. Alain Perea. Je voudrais relever une faille et expliquer pourquoi je ne suis pas favorable à ces amendements. Les ZDE ont été créées, puis supprimées, puis recréées et supprimées de nouveau. Ne serait-ce donc pas une fausse bonne idée ? Elles avaient été créées, dans un premier temps, pour encadrer le développement de l’éolien, comme M. de Courson l’a rappelé. Mais on s’est rendu compte sur le terrain qu’elles posaient plus de problèmes d’encadrement qu’elles n’en résolvaient et qu’elles provoquaient le contraire de ce pour quoi elles avaient été instaurées ; d’où leur suppression.

Je comprends qu’il paraisse séduisant de travailler sur un zonage et de donner aux élus locaux un pouvoir de décision. Cela pose cependant deux problèmes. Premièrement, quel serait le périmètre de ces zones ? À qui en donnerait-on la responsabilité et comment les mettrait-on en œuvre concrètement sur le terrain ? Deuxièmement, il existe des schémas régionaux, certes imparfaits, mais sur lesquels nous travaillons avec le Gouvernement pour les améliorer.

Voter un amendement qui recréerait des ZDE pour la troisième fois ne nous paraît pas pertinent sans disposer d’une étude pour définir le contenu de cet outil et sans discuter avec les acteurs locaux pour savoir quel périmètre il conviendrait de retenir : intercommunalités, schémas de cohérence territoriale (SCOT), départements, etc. Nous estimons que ces amendements ne sont pas suffisamment aboutis et nous voterons contre.

Mme Laure de La Raudière. Je remercie le rapporteur pour son soutien à mon amendement. Je préciserai plusieurs points concernant l’historique de la création et de la suppression des ZDE. D’abord, cher collègue, elles n’ont pas été créées trois fois. Instaurées en 2010, elles ont été supprimées en 2013 pour des raisons politiques, et non pas parce que cela ne marchait pas sur le terrain ! C’était uniquement pour des raisons d’alliance au sein de la majorité, entre le parti socialiste et les écologistes, pour satisfaire le lobbying du Syndicat des énergies renouvelables. Cette décision avait été votée à la majorité de l’époque, mais vous ne pouvez pas dire que le dispositif ne fonctionnait pas.

Aujourd’hui, on se rend compte, sur le terrain, qu’on ne dispose pas d’outils juridiques permettant d’empêcher le développement d’éoliennes là où les élus ne le jugent pas utile, voire là où cela porterait atteinte à un monument classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Vous avez reconnu vous-même la défaillance de nos outils juridiques Aucun document d’urbanisme n’est opposable à l’éolien : ni le schéma régional éolien, ni le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). L’État interdit aussi, dans le cadre d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), les prescriptions interdisant l’éolien sur toute une commune, à moins qu’elle n’ait des monuments historiques à tous ses coins de rue, ce qui n’est pas le cas.

Les ZDE ont donc une utilité juridique pour déterminer les endroits où l’éolien sera autorisé et ceux où il ne le sera pas. Aujourd’hui, nous n’avons aucune possibilité de le faire. Quand elles ont été supprimées en 2013, nous n’étions qu’au tout début de leur usage. Les raisons de leur suppression étaient politiques, je le répète, et tous ceux qui étaient élus à l’époque le savent.

M. Charles de Courson. Ayant le triste privilège d’être votre doyen, non par l’âge mais en raison du nombre de mes mandats, je confirme ce que vient de dire Mme Laure de La Raudière. Il n’y a pas eu deux suppressions, mais une seule, en 2013, à la demande du Syndicat des énergies renouvelables. Reprenez les débats de l’époque. Nous avons été plusieurs à nous y opposer, considérant qu’il s’agissait d’une erreur. Aujourd’hui, les préfets n’ont plus aucun outil, et les maires encore moins, pour contester telle ou telle implantation. Est-ce normal dans une démocratie, mes chers collègues ? Je pense que non.

Nos deux amendements sont vraiment très proches. Tous deux permettraient de définir par exemple, au sein d’une ZDE, une hauteur maximale d’éoliennes.

La grande critique que je formule sur ce texte porte sur la fixation de la distance d’éloignement des habitations. Je vous rejoins, 500 mètres ce n’est pas assez, mais il ne me semble pas utile d’en préciser une dans la loi – 1 000 mètres, 1 500 mètres, peu importe. Cela dépend énormément du relief. Mieux vaut faire confiance aux élus locaux, qui ont beaucoup de bon sens. Enfin, je pense que le cadre intercommunal est préférable, car il serait trop facile d’accepter des implantations en limite de votre territoire, à proximité des zones habitées de la commune voisine. En bref, « à toi les ennuis, à moi les bénefs » !

Il est faux de dire que les ZDE n’ont pas marché. Je suis élu depuis trente-cinq ans et j’ai créé la plus grande d’entre elles sur la période 2010-2013, qui regroupait vingt communes. À l’époque, il avait fallu recueillir l’accord de chaque commune, puisqu’il n’y avait pas de compétence d’urbanisme intercommunale. Il faut absolument rétablir ces ZDE, en soutenant l’un de ces deux amendements. Nous en avons vraiment besoin.

M. Vincent Descoeur. Je soutiens ces amendements. À défaut de partager la même approche, nous pouvons convenir qu’il existe un problème de démocratie en amont de l’implantation des projets éoliens. Les ZDE ont fait leurs preuves. Leur suppression a privé les élus de toute capacité d’expression et de décision ; leur retour permettrait de ramener la sérénité dans le débat public.

M. Julien Aubert, rapporteur. La situation conjugue tous les inconvénients d’une programmation publique sans en offrir les avantages. On fixe de grands objectifs au niveau national, puis on dit aux promoteurs : « Allez-y ! ». Ils démarchent, parfois en toute opacité, des propriétaires privés. Cela crée des conflits de voisinage et des incompréhensions dans les communes.

Nous avons besoin d’un outil pour organiser la transition énergétique, elle ne peut pas se faire de manière désorganisée. L’État aurait pu imposer cent cinquante sites d’implantation d’éoliennes – c’est la méthode gaulliste. Si nous voulons associer les responsables locaux, la ZDE est l’outil pertinent.

Vous avez déclaré qu’il fallait nous concerter, mais le Parlement doit assumer ses responsabilités. Nous devons être capables de débattre et décider si nous préférons une approche juridique, fondée sur le droit de l’urbanisme, comme nous l’avons fait ces dernières années ; ou si nous considérons qu’il s’agit d’un problème démocratique qui doit être traité au niveau des communes. L’amendement de Mme de La Raudière, qui prévoit que toutes les communes doivent donner leur accord, permet de limiter le risque de désavantager les communes limitrophes. Nous sommes parfaitement capables de mener ce débat, forts de nos expériences relatives. Il ne faut pas que la concertation se substitue à la délibération.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Article 1er (articles L. 515‑44 et L. 515‑45 du code de l’environnement) : Durcissement des règles d’implantation des éoliennes

 

La commission est saisie, en discussion commune, des amendements CD3, CD4 et CD2 de M. Vincent Descoeur, et de l’amendement CD15 de M. Emmanuel Maquet.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CD3 augmente la distance minimale entre les implantations d’éoliennes et les habitations. Pour prendre en compte l’accroissement de la taille des éoliennes de nouvelle génération, il introduit un critère de proportionnalité. La distance actuelle, de 500 mètres, n’est pas suffisante. J’invite chacun à visualiser ce que cela représente autour de son domicile.

L’amendement CD4 porte la distance à 1 500 mètres dans tous les cas de figure, et l’amendement CD2 à 1 000 mètres.

La distance minimale de 1 500 mètres n’est pas une vue de l’esprit, elle correspond aux préconisations d’un certain nombre de rapports, notamment de l’Académie de médecine.

M. Emmanuel Maquet. Je propose une autre variante, consistant à fixer une distance minimale égale à huit fois la hauteur de l’éolienne, pales comprises. Cette proposition de loi prévoit une distance d’un kilomètre et demi pour les éoliennes de 180 mètres de hauteur, mais pas pour les éoliennes de taille inférieure.

Le « repowering » posera des problèmes d’acceptabilité qu’il est nécessaire d’anticiper.

M. Julien Aubert, rapporteur. Pour des raisons de simplicité, le texte prévoit que la distance minimale est portée à 1 500 mètres pour les éoliennes de plus de 180 mètres, et maintient le droit actuel pour les autres. Ces amendements ont l’avantage de fixer une distance proportionnelle à la hauteur, donc à la nuisance liée au caractère imposant de la structure.

L’amendement CD3, en fixant la distance minimale à dix fois la hauteur de l’éolienne, permettrait de rapprocher les éoliennes de moins de 50 mètres de haut des habitations, ce qui n’est pas souhaitable, et peut paraître excessif dans les autres cas. Vous aurez compris que je ne souhaite pas nécessairement voir s’implanter des éoliennes à côté de chez moi, mais il faut raison garder par rapport à l’industrie. Une distance de huit fois la hauteur me semble plus proportionnée. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement de M. Maquet, qui renforce le principe de proportionnalité en garantissant des distances raisonnables, et je propose le retrait des amendements de M. Descoeur.

M. Jean-Marie Sermier. Ces amendements démontrent qu’il faut revoir la distance entre les éoliennes et les lieux d’habitation.

La présidente a annoncé avoir saisi l’OPECST des problèmes sanitaires liés aux ondes à basses fréquences. Il y a donc un risque. Je propose d’appliquer le principe de précaution prévu par la Constitution et de retenir ces amendements qui permettent d’éloigner les éoliennes des habitations. Si l’OPECST ou les autorités scientifiques nous confirmaient qu’il n’y a pas de risque sanitaire pour les habitants ou les animaux, nous pourrions redéfinir l’éloignement minimal.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je précise que la saisine de l’OPECST porte sur l’impact des champs électromagnétiques de très basses fréquences sur la santé des animaux d’élevage, dans des cas très spécifiques. Elle ne couvre pas le spectre plus large de l’impact des éoliennes sur la santé des animaux et des humains.

M. Alain Perea. Notre collègue M. Descoeur présente ces amendements comme des amendements de repli ; nous y voyons pour notre part un concours Lépine de l’éloignement ! Dans notre pays, chaque fois que l’on éloigne une éolienne d’une habitation, elle se rapproche d’une autre.

Monsieur le rapporteur, vous avez mentionné le rapport de notre collègue Mme Marjolaine Meynier-Millefert, avec qui je me suis entretenu hier. Vous ne pouvez pas savoir si je l’ai lu, mais soyez assuré que j’ai lu le vôtre. Vous y écrivez que les problèmes de santé ne sont liés qu’à une gêne éventuelle, qui pourrait créer des problèmes psychologiques à certaines personnes.

Il est clair que les distances d’éloignement n’ont pas de fondement scientifique. Même à un ou deux kilomètres de distance, le fait de voir tourner une éolienne pourrait avoir un impact psychologique. Vous voulez éloigner de plus en plus les éoliennes, jusqu’à les faire disparaître du paysage français. Nous ne pouvons approuver ces demandes qui ne s’appuient sur aucune donnée, si ce n’est la volonté de faire disparaître les éoliennes.

M. Vincent Thiébaut. J’ai fait partie de la commission d’enquête présidée par M. Julien Aubert, et je peux partager certaines de ses idées sur la nécessité d’un développement planifié de l’ensemble des énergies non renouvelables – pas uniquement l’éolien – pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. S’agissant de la santé, en revanche, nous avons constaté qu’aucune étude probante n’indique un effet défavorable sur la santé. Certes, on peut invoquer le principe de précaution, mais nous n’avons pas d’éléments.

J’ai été perturbé par les propos selon lesquels les éoliennes ne serviraient pas l’écologie. Mettons-nous d’accord sur ce que nous entendons par écologie. Sur le sujet des gaz à effet de serre, la comparaison avec l’énergie nucléaire est valide, mais l’écologie comprend aussi les dettes environnementales à long terme. Or le nucléaire développe une dette environnementale à long terme qu’il nous faut prendre en compte.

Il faut considérer l’acceptabilité sociale du tarif. Les EnR, en raison de la baisse de leur coût de production au fil des années, vont contribuer à l’acceptabilité du tarif, alors que l’électricité nucléaire soulève de grandes interrogations, du fait notamment du coût du grand carénage. Avec l’EPR de Flamanville, le coût complet dépasse 80 euros le mégawattheure.

M. Charles de Courson. Dans la Marne, nous avons porté la distance minimale entre les éoliennes et les habitations à un kilomètre en raison des nuisances sonores. C’est un son sourd, créé par la pale, qui comprime l’air à hauteur du mât.

Le rapporteur propose un éloignement minimal d’un kilomètre et demi. Nous pourrions combiner les solutions. La Marne, qui a fait partie des premiers départements où ont été installés des champs d’éoliennes avec l’Aisne, est entrée dans la phase de « repowering ». Les premières éoliennes avaient une puissance de 0,8 mégawatt (MW), puis elles sont passées à 1,2 MW, 2,5 MW, 4 MW, pour arriver à 4,5 MW. Les hauteurs des mâts s’élèvent aussi, c’est pour cela qu’il faudrait poser un double critère : une distance minimale d’un kilomètre, et huit fois la hauteur à l’extrémité de la pale.

Ce serait un compromis raisonnable, mais je persiste à penser que la meilleure solution est de rétablir les ZDE.

M. Vincent Descoeur. Je retire volontiers l’amendement CD3 pour soutenir celui de mon collègue M. Emmanuel Maquet, mais je maintiens les amendements CD4 et CD2, qui fixent des distances minimales. Celles-ci constituent le premier argument en faveur de l’acceptabilité pour le voisinage immédiat. Rechercher la meilleure distance, à cet égard, est tout à fait sérieux, cela ne relève pas du concours Lépine.

Mme Laurianne Rossi. Je souhaite réagir aux arguments sur les nuisances sonores, en qualité de présidente du Conseil national du bruit. À deux reprises, il s’est penché sur le bruit généré par les éoliennes, et ses études ont été complétées par un avis de l’ANSES. Selon ses conclusions, la question des basses fréquences mérite d’être approfondie. L’OPECST pourra sans doute nous éclairer à ce sujet et nous mènerons les investigations nécessaires. Mais il n’y a pas de recommandation de l’ANSES pour faire évoluer notre réglementation sur les limites d’exposition au bruit.

Ne laissons pas croire que les nuisances sonores sont un problème. Les sondages le démontrent : les riverains domiciliés à moins de mille mètres d’éoliennes répondent à 76 % qu’ils n’ont pas de problème de pollution sonore.

L’OMS propose en effet des valeurs indicatives plus basses que la réglementation française ; pour autant, elle n’a pas fait de recommandations en la matière.

M. Emmanuel Maquet. Comment peut-on ne pas entendre nos concitoyens ? Des dizaines d’associations se sont créées sur ces nuisances. Certes, je suis élu de la Somme, le département français qui compte le plus d’éoliennes aujourd’hui ; le phénomène y est peut-être amplifié. Il reste que nos concitoyens viennent régulièrement se plaindre de ces problèmes et de l’impact des éoliennes sur la valeur des biens en revente. Si nous ne les entendons pas, nous ne remplirons pas le mandat qu’ils nous ont confié il y a trois ans.

M. Julien Aubert, rapporteur. Je tiens à corriger une erreur ; j’ai exprimé un avis défavorable à tous les amendements de M. Descoeur, mais je suis favorable à son amendement CD2 qui impose une distance minimale de 1 000 mètres.

Fixer une distance proportionnelle à la hauteur du mât permet d’éviter l’effet de seuil. Pour ne pas appliquer la règle qui s’applique aux éoliennes de 180 mètres de haut, certains pourraient faire des éoliennes de 179 mètres, et ainsi les installer à 500 mètres des habitations. Cette mesure éviterait le concours Lépine de l’éolienne la mieux configurée pour échapper à la réglementation.

Par ailleurs, il faudrait un peu de sérieux dans les arguments utilisés. Certes, on peut dire qu’éloigner une éolienne d’une habitation revient nécessairement à la rapprocher d’une autre, mais dans le Massif Central, par exemple, cette distance de 1 000 mètres ne concernerait sans doute que des cabanes de bergers.

D’autres arguments me semblent plus pertinents.

Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’études qu’il n’y a pas de problème. Nous avons très peu d’informations certaines en matière sanitaire. C’est pourquoi, je ne sais pas s’il faut parler de principe de précaution, mais nous devons être attentifs.

Par ailleurs, s’agissant des nuisances pour les riverains, selon un sondage réalisé en 2015 par le CSA et cité par l’Agence de la transition écologique dans son étude de 2017 sur la filière éolienne française, 31 % de Français habitant près d’éoliennes ont déclaré les entendre fonctionner depuis chez eux et se sont dits gênés par ce bruit. Cette gêne est même considérée comme forte par 11 % des riverains. On ne peut pas prétendre que les gens qui habitent à côté ne subissent aucune nuisance. Il y a des nuisances. Proportionnées ou pas, des gens s’en plaignent. C’est à propos des basses fréquences et des ultrasons que nous manquons d’informations.

Enfin, quand nous parlons de santé, il n’est pas seulement question de santé physique. L’OMS inclut la santé mentale dans sa définition de la santé. Une des raisons pour lesquelles nous souhaitons fixer une distance plus grande est que pour des gens qui habitent à côté, les éoliennes deviennent le principal problème de leur existence, et ils connaissent des troubles pour cette raison. Nous ne pouvons pas l’ignorer. D’autant que cela débouche sur un problème démocratique d’acceptation, avec un effet domino. Plus les gens pensent qu’il y a un problème dans le département d’à côté, plus ils se ligueront pour s’opposer aux éoliennes. C’est une très mauvaise publicité pour l’industrie éolienne. D’ailleurs, les études que nous avons effectuées au sein de la commission d’enquête sur toutes les nouvelles sources d’énergies renouvelables montrent que l’électricité éolienne est la seule contre laquelle les opposants sont venus former des files d’attente pour se plaindre, qu’il s’agisse des bergers, des pêcheurs ou des professionnels du tourisme. Nous ne faisons pas une fixation sur l’éolien, nous constatons ce qui se passe sur le terrain.

L’amendement CD3 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CD4, CD2 et CD15.

 

La commission rejette l’article 1er.

 

Après l’article 1er

 

La commission est saisie de l’amendement CD20 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement sécurise un dispositif adopté dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit « ASAP », qui permet aux maires des communes concernées et des communes limitrophes de recevoir l’avant-projet éolien quinze jours avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale.

La loi ASAP a été déférée au Conseil constitutionnel. Dans l’attente de sa décision, cet amendement permet d’inscrire cette disposition dans un texte qui porte sur l’éolien, dans l’hypothèse où elle serait considérée comme un cavalier législatif dans la loi ASAP.

M. Julien Aubert, rapporteur. Avis favorable à cet amendement. Il reprend l’article 53 de la loi ASAP, qui risque en effet d’être invalidé par le Conseil constitutionnel.

M. Alain Perea. Cet amendement est redondant avec la loi ASAP. Nous n’allons pas voter à nouveau ce que nous avons déjà voté, même s’il y a une incertitude. Nous en reparlerons dans l’hémicycle le cas échéant. Nous aborderons plus longuement le sujet très intéressant des maires dans les minutes qui viennent.

Mme Laure de La Raudière. Il ne faudrait pas que nos échanges à venir soient contradictoires avec les dispositions de la loi ASAP.

Je retire mon amendement que je redéposerai pour la séance publique. Je vous invite à sécuriser la disposition que nous avons votée, quitte à la supprimer lors de la navette parlementaire si le Conseil constitutionnel la valide.

L’amendement est retiré.

 

Article 2 (article L. 181‑3 du code de l’environnement) : Renforcement du pouvoir décisionnaire des élus locaux

 

Mme Nathalie Sarles. L’article 2 prévoit que lorsqu’au moins une des communes consultées émet un avis défavorable, l’autorisation environnementale ne peut être accordée. J’appelle votre attention sur le fait que son adoption créerait un précédent très grave. En effet, tous les projets d’installations d’énergies renouvelables risquent d’être condamnés si une seule commune peut mettre un veto sur tous les projets d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Aujourd’hui c’est l’éolien, demain ce sera la méthanisation. Or nous avons besoin d’énergies renouvelables pour assurer la transition énergétique, répondre aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie et aux injonctions de l’Union européenne. Ce dispositif, s’il est voté, aura de graves conséquences.

M. Julien Aubert, rapporteur. Il est faux d’assimiler l’éolien et les autres énergies renouvelables. Il n’y a pas de problème avec le solaire ou la méthanisation.

Mme Sandra Marsaud. Si !

M. Julien Aubert, rapporteur. Il y a des problèmes avec la méthanisation industrielle et les installations monstrueuses qui nécessitent un va-et-vient incessant de camions. Mais la méthanisation agricole de complément et les petites unités ne soulèvent pas d’opposition.

De manière assez curieuse, lorsqu’on dégrade la qualité de vie des gens, ils protestent ! Alors que faire ? On peut estimer que c’est mal, faire en sorte de ne pas les entendre, ou, au contraire, considérer que ce sont des citoyens qui ont le droit d’être écoutés.

Le statut accordé à l’éolien est exorbitant du droit commun. Dans le projet de loi ASAP, le législateur souhaitait n’établir qu’un seul degré de juridiction pour les recours : le Conseil d’État. On peut aimer la justice de Napoléon III… Je considère pour ma part que les cours d’appel et les tribunaux administratifs ont précisément été instaurés pour faire progresser l’état de droit et les recours.

Les éoliennes sont un des seuls exemples d’installations ayant un impact sur l’écologie, la nature et la santé des gens pendant vingt ans, sans qu’il y ait le moindre contrôle en amont ou en aval, excepté ceux portant sur les études. C’est parce que nous avons supprimé tous les freins à la progression de l’industrie éolienne que nous sommes dans cette situation. Il faut voir cette proposition comme la réponse à un statut exorbitant au regard des autres activités. Essayez d’installer une usine Seveso dans les mêmes conditions, vous verrez la réaction des gens !

La commission rejette l’article 2.

 

Après l’article 2

 

La commission examine l’amendement CD19 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Nous pourrions nous retrouver sur cet amendement, dont l’impact est très limité. En 2017, les permis de construire ont été supprimés des procédures pour implanter des éoliennes. Ce faisant, le lien a été rompu entre le droit de l’urbanisme et l’autorisation d’exploiter une éolienne.

Lors d’un renouvellement d’éolienne sans modification substantielle, il n’est plus nécessaire de demander une nouvelle autorisation pour effectuer son remplacement. Mais des éoliennes ont été installées dans le champ des cônes de vue de monuments classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, ou dans la perspective sur la cité de Carcassonne depuis l’aire de stationnement de l’autoroute. Il faudrait pouvoir refuser le remplacement de ces éoliennes pour corriger les erreurs initiales d’installation.

Le seul moyen d’y parvenir est de demander le dépôt d’un permis de construire au moment du remplacement d’une installation de production d’électricité. C’est une procédure administrative extrêmement légère comparée aux autres autorisations requises pour exploiter une éolienne. Elle permettrait néanmoins de reprendre la main dans certaines conditions, lorsque le droit de l’urbanisme a changé, ou si un élu a mis en place une aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP) ou une directive paysagère. Cette mesure s’appliquerait dans très peu de cas, mais nous en avons vraiment besoin.

M. Julien Aubert, rapporteur. Il est assez logique de déposer un permis de construire pour réaliser une construction. Avis favorable.

M. Alain Perea. Dans mon département, le canal du Midi et la fameuse cité de Carcassonne sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ma circonscription est l’une de celles dans laquelle il y a le plus d’éoliennes en France. Laisser entendre que je ne connais pas ces sujets me dérange donc, s’agissant notamment du bruit. J’ai aussi été directeur du parc naturel régional dans lequel il y a le plus d’éoliennes en France. Je connais donc les enjeux posés par les installations d’éoliennes dans les parcs naturels.

Cet amendement soulève la question du « repowering ». Au début de cette législature, lorsque M. Sébastien Lecornu était secrétaire d’État, nous avons précisément souhaité l’encourager pour éviter d’installer de nouveaux champs qui pourraient poser des soucis. Nous avons mis en place un certain nombre de mesures pour faciliter le « repowering ». Votre amendement reviendrait sur cette stratégie.

S’agissant du patrimoine mondial de l’UNESCO, rien d’interdit sa proximité avec des champs d’éoliennes. Selon la doctrine internationale, ce patrimoine doit continuer à vivre dans son temps. Nous considérons que la covisibilité d’un champ éolien, de manière mesurée et raisonnable, lorsqu’elle a été décidée de manière concertée par les acteurs de terrain et les administrations, contribue à faire vivre ce patrimoine dans son temps. Nous sommes donc opposés à cet amendement.

Mme Laure de La Raudière. Vous avez certainement raison pour les sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO que vous connaissez.

Dans le département d’Eure-et-Loir, où se trouve ma circonscription, la cathédrale de Chartres est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO pour elle-même et pour ses cônes de vue. En 2004, 2006 et 2010, l’UNESCO a alerté l’État et la ville de Chartres, en indiquant qu’elle retirerait le site du classement si des éoliennes continuaient d’être installées dans les cônes de vue de la cathédrale. À l’heure actuelle, six parcs éoliens sont déployés dans ces zones. L’État s’est saisi du sujet : une directive paysagère est en cours de discussion, qui devra faire l’objet d’une approbation par décret en Conseil d’État. Elle sera la première directive paysagère de France.

Mon amendement vise non pas uniquement Chartres, mais tous les territoires qui nécessitent une démarche de protection spécifique et encadrée par l’État, afin de reprendre la main. À terme, après l’exploitation des six parcs éoliens dans les cônes de vue, l’idée est de pouvoir en interdire le renouvellement, conformément à la demande de l’UNESCO.

Vous dites que nous cherchons à entraver le « repowering ». Ce n’est pas le cas. La procédure de permis de construire est très légère. Elle ne dure que deux mois, ce qui ne gêne pas le renouvellement. Par ailleurs, elle a des coûts négligeables pour les promoteurs éoliens, tout en permettant à l’État de reprendre la main là où cela est nécessaire. C’est important, je vous l’assure.

M. Emmanuel Maquet. Le groupe Les Républicains soutiendra l’amendement. Demander l’avis des territoires sur un projet qui les intéresse n’est jamais une mauvaise idée. C’est un principe démocratique, en tout état de cause.

Je suis d’accord avec Mme de La Raudière pour dire que la procédure n’est pas si lourde qu’il faudrait l’éviter. Bien au contraire, si l’on veut favoriser l’acceptabilité du projet, encore faut-il que le conseil municipal puisse le soutenir, le valider et l’accepter. Demander l’avis du maire est une bonne chose.

M. Julien Aubert, rapporteur. J’ai du mal à comprendre votre argumentation, monsieur Perea. Tout à l’heure, vous avez rejeté l’amendement de Mme de La Raudière, au motif que vous aviez adopté une disposition similaire dans la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP). À présent, vous dites qu’il faut que les bâtiments vivent avec leur temps. Or, dans la loi ASAP, vous avez voté un article 54 qui prévoit que, dans certains cas, les architectes des Bâtiments de France doivent donner leur avis, précisément pour éviter des problèmes de covisibilité entre des monuments classés et des éoliennes.

Il faut être cohérent. Si vous êtes d’accord avec la philosophie de la loi ASAP, qui vise à protéger les bâtiments plutôt qu’à encourager un environnement moderne, vous ne chercherez pas à revenir sur ses dispositions. Le beau est toujours subjectif ; à ce titre, nous n’en débattrons pas. Néanmoins, il faut être clair sur le fait que ces monuments historiques doivent être dans des environnements protégés pour éviter des covisibilités. La commission d’enquête avait montré que dans le cas de la cathédrale de Chartres, la verticalité des éoliennes attire l’œil. C'est pour cela que les gens se disent gênés. Nous avons essayé de trouver des éléments objectifs pour qualifier et quantifier le problème qui se pose.

Il y a là un sujet de cohérence, que vous pourrez peut-être préciser par rapport à ce que vous avez dit sur l’UNESCO.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CD22 de Mme Laure de La Raudière et CD17 de M. Emmanuel Maquet.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement CD22 est défendu. Le précédent n’a pas été adopté, alors qu’il prévoyait une évolution minime de la loi. Il réglait des problèmes – nous avions fait des erreurs en matière d’urbanisme –, que nous n’avions plus aucun moyen de résoudre.

Je fais partie de la majorité ; j’ai soutenu toutes les propositions de loi. Il est regrettable que ma demande d’une modification mineure ne puisse être acceptée.

M. Emmanuel Maquet. Il en ira vraisemblablement de même pour l’amendement CD17, qui vise à redonner de la légitimité et du pouvoir aux élus locaux, notamment au maire de la commune concernée. Nous avons des exemples sur ce sujet. Notre ancien collègue devenu sénateur, M. Stéphane Demilly, avait ainsi évoqué le fait que dans l’est du département de la Somme, l’ensemble des collectivités refusait à l’unanimité l’implantation d’éoliennes. La préfète avait pourtant autorisé le projet. Cela pose un vrai problème pour la démocratie.

M. Julien Aubert, rapporteur. Je propose un retrait de l’amendement CD17 au profit de l’amendement CD22. Vous avez rejeté l’article 2 de la proposition de loi. L’adoption de ces amendements permettrait de réintroduire dans la loi la possibilité pour le maire d’avoir un droit de regard sur l’installation des éoliennes.

L’amendement CD22 semble plus satisfaisant car il prévoit que non seulement les communes d’implantation mais aussi les communes environnantes exercent un droit de veto sur l’installation des éoliennes. Vous le savez, certaines communes très étendues posent problème : le maire laisse faire à la périphérie. Dans le bourg situé de l’autre côté de la frontière communale, son homologue est beaucoup moins heureux.

Je donne donc un avis favorable à l’amendement CD22 et propose le retrait de l’amendement CD17, ce qui montrera l’indépendance du rapporteur à l’égard de son groupe politique et sa parfaite impartialité sur les propositions qui lui sont faites.

Mme Sandra Marsaud. Nous avons évoqué la distance aux éoliennes, à l’article 1er et à l’article 2. Mais le problème fondamental, dont tout le monde a parlé, c’est l’acceptabilité des énergies renouvelables (EnR).

Je suis d’accord avec ce que dit Mme de La Raudière concernant les covisibilités mais il faut régler tous ces points en amont. Cela justifie le fait que nos avis aient été défavorables depuis le début : il faut un projet de territoire paysager. Les zones de développement de l’éolien (ZDE), dont je regrette qu’elles aient été annulées, ne suffiraient pas.

À la demande de Mme la ministre Emmanuelle Wargon, la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, dont je suis membre, a réalisé une analyse sur les paysages en transition énergétique. Il faut d’abord accepter l’idée de cette transition énergétique et que ce mix soit vraiment durable, mais l’enjeu est essentiel. Nous avons étudié des cas où des élus se sont eux-mêmes saisis du sujet, sans y être obligés par la loi : à Vézelay, à Thouarcé, ils ont pu raisonner l’installation d’un mix énergétique comprenant des éoliennes.

Il faut vraiment que l’État soutienne des projets de paysages de territoire, plutôt que de réglementer les distances ou des périmètres très fins. La concertation doit se faire localement, avec les citoyens. C’est plus difficile que de fixer des distances.

Les représentants de Réseau de transport d’électricité (RTE) que j’ai rencontrés, comme vous sans doute, estiment que les schémas régionaux qu’ils doivent élaborer pour les ZDE ne sont ni cohérents avec les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), ni compris et soutenus par les élus locaux.

L’État demande une prospective à dix ans, y compris sur les énergies renouvelables, mais la démarche n’est ni partagée ni concertée. Il faut donc, plus globalement, des projets de territoire paysagers, sur le fondement de ZDE améliorées. Ce n’est qu’ainsi qu’on convaincra – peut-être pas ceux qui sont totalement contre – de l’idée qu’il faut un mix énergétique, et d’adapter tel mix à tel paysage. Cela vaut également pour la méthanisation. Dans le département où se trouve ma circonscription, on rejette tout, actuellement. Cela n’est pas tenable.

Mme Laure de La Raudière. Je vous remercie de soulever le problème. Peut-être faut-il l’appeler autrement, et remettre des éléments dans ces ZDE. Aujourd'hui la maille de planification est régionale. C’est pourquoi elle est éloignée des territoires. Je ne connais pas un maire de commune rurale qui se soit emparé du SRADDET avec intérêt, à moins qu’il ne soit lui-même élu régional.

Avec M. Charles de Courson, nous défendions l’idée que les ZDE soient initiées par les élus locaux au niveau de la communauté de communes ou de la commune, avec les citoyens. Ce n’est pas au niveau régional qu’il faut agir car il est trop loin du terrain.

Nous avons du mal à nous faire comprendre. Aujourd’hui, aucun outil juridique ne permet d’empêcher une décision. Parfois, la concertation se passe bien car certains promoteurs sont respectueux des élus locaux. Mais ce n’est pas le cas de tous. C’est pourquoi nous avons tous ces débats. En Eure-et-Loir, des parcs éoliens sont encore en discussion dans les cônes de vue de la cathédrale alors que l’enquête publique pour la directive paysagère vient de s’achever et que celle-ci pourrait être adoptée dans trois mois. Ces démarches sont insupportables alors que nous travaillons sur ce dossier depuis trois ans et demi. Le travail en amont de la directive paysagère est colossal. Or les promoteurs de l’éolien ne respectent même pas ce cadre. Il nous faut donc des bases juridiques.

M. Julien Aubert, rapporteur. Je suis sensible à l’argumentation qui a été développée. Dans le fond, je partage l’idée qu’une forme d’aménagement du territoire par rapport au paysage serait intéressante – majeure, même, si vous voulez. Je suis homme de pragmatisme : étant magistrat de la Cour des comptes, j’ai beaucoup moins de créativité. Pour moi, un chiffre est un chiffre, c’est blanc ou noir. En l’occurrence, depuis 2012, l’éolien se développe. Le Parlement ressemble à une poule qui regarderait une cuillère en se demandant comment elle peut s’en saisir. Pendant ce temps, on construit des éoliennes.

J’entends bien que votre méthode serait meilleure, mais si c’est pour aboutir à l’outil parfait de programmation d’aménagement du territoire en 2027, alors que nous sommes déjà presque en 2021 et que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) va jusqu’en 2028, cela sera très beau au niveau du principe mais totalement décalé au niveau de la pratique. Ce n’est pas une fois que l’on aura construit 15 000 éoliennes qu’il faudra se dire que l’on a trouvé le bon outil de concertation et de programmation : ce sera trop tard.

J’entends bien les députés qui disent que ce n’est pas assez, que ce n’est pas comme cela qu’il faut faire, qu’il faudrait faire différemment. Je les invite, d’ici à la séance publique, à déposer des amendements. Si vous pensez qu’il existe une autre manière de programmer, discutons-en, mais ne débattons pas de la manière dont on prévoira le déploiement en 2022, 2023 ou 2024.

L’amendement CD17 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD22.

 

Elle examine, en discussion commune, les amendements CD12 de M. Emmanuel Maquet et CD23 de Mme Laure de La Raudière.

M. Emmanuel Maquet. L’amendement CD12 est motivé par l’idée que nos moyens de protection des bâtiments historiques, des bâtiments classés, des sites du patrimoine de l’UNESCO sont bien souvent vus par les propriétaires comme des contraintes dans le financement de leurs opérations alors qu’en face, des zones industrielles d’éoliennes sont installées. Il est donc nécessaire d’y poser également des contraintes, afin que ces personnes ne se retournent pas systématiquement contre les impératifs que vous soutenez.

Mme Laure de La Raudière. L’objectif de l’amendement CD23 est identique, sauf que la distance de 10 kilomètres a été abaissée à 8 kilomètres. Je dois avouer à M. Emmanuel Maquet que je me suis inspirée de sa proposition de loi.

M. Julien Aubert, rapporteur. Après avoir fait le grand roque tout à l’heure entre l’amendement de M. Maquet et celui de Mme de La Raudière, je ferai le petit roque, en sens inverse. Je donne donc un avis favorable à l’amendement CD12, car il faut toujours privilégier l’original à la copie. Surtout, le périmètre dans lequel l’avis favorable de l’architecte des Bâtiments de France doit être demandé y est plus large – 10 000 mètres contre 8 000 –, donc plus protecteur.

L’amendement CD23 est retiré.

La commission rejette l’amendement CD12.

 

La commission examine les amendements identiques CD7 de M. Vincent Descoeur et CD24 de Mme Laure de La Raudière.

M. Vincent Descoeur. L’amendement CD7 vise à préciser les conditions de mise en œuvre des opérations de démantèlement et de remise en état d’un site après exploitation, en s’intéressant plus particulièrement à l’excavation des fondations.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement CD24 est défendu. Laisser 1 500 tonnes de béton par éolienne au sol est un scandale. On ne peut pas parler de protection de l’environnement et d’écologie tant que l’on ne retire pas ces fondations.

Il a été question des inconvénients de certaines énergies pour les générations futures. Là aussi, on peut penser à elles.

M. Julien Aubert, rapporteur. J’émets un avis favorable aux amendements qui permettront de répondre à la question que M. Thiébaut avait posée, celle du lien entre les éoliennes et l’écologie. Quand on laisse des tonnes de béton dans le sol, il est difficile de convaincre les Français que tout cela est entièrement écologique.

M. Vincent Thiébaut. Les nouveaux contrats à coût complet comprennent l’extraction du béton du sol. Mais puisqu’il est question de béton, on peut aussi parler de celui d’autres sources d’énergie qui posent problème en termes de stockage. J’entamerai avec plaisir ce débat avec vous, monsieur le rapporteur.

Mme Laure de La Raudière. Sur ce sujet, il faut aller dans le détail. Les nouveaux contrats imposés par l’État ne valent que si le parc compte plus de six éoliennes. Dans le cas contraire, ces conditions ne figurent pas. J’appelle votre attention sur ce point : il faut être précis et aller au bout du sujet.

M. Julien Aubert, rapporteur. Il se trouve, monsieur Thiébaut, que je suis aussi l’auteur d’un rapport sur le démantèlement des centrales et l’enfouissement des déchets. Lorsque l’on parle de démantèlement nucléaire – je sentais une petite allusion –, c’est le retour à la terre qui est visé. Aux États-Unis, pays très en avance dans ce domaine, le démantèlement signifie le retour à la prairie.

Ensuite, on ne stocke pas le béton – cela coûterait très cher à Cigéo – mais on peut le recycler, comme dans le cas des éoliennes, si vous adoptez aujourd’hui ces excellents amendements.

La commission rejette ces amendements.

 

La commission examine l’amendement CD16 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Cet amendement, qui va dans le même sens, vise non seulement à démanteler la fondation en béton, mais à traiter d’autres matériaux. Nous avons notamment évoqué les pales qui, n’étant pas recyclables, posent un véritable problème.

Je reviens à ce que j’évoquais dans mon propos liminaire : les fonds de pension sont de plus en plus nombreux à racheter des parcs d’éoliennes. Au terme des vingt ans de concession, ces sociétés n’existeront peut-être plus. Il reviendra encore une fois à la puissance publique de démanteler ces parcs, au moment où il faudra les arrêter. C’est la raison pour laquelle nous devons utiliser tous les outils permettant de provisionner les fonds nécessaires.

M. Julien Aubert, rapporteur. Avis favorable. Mes chers collègues, je ne comprendrai pas que vous puissiez voter contre l’amendement CD16. Le législateur demande que l’on fasse place nette lorsque l’on démantèle un parc éolien. Certains d’entre vous sont les premiers, par exemple dans le domaine nucléaire, à insister sur la nécessité de démanteler et de s’attaquer au problème des déchets. Et l’on voudrait que ce qui est vice pour une énergie devienne vertu pour une autre…

Pour toutes les énergies, lorsque l’exploitation est terminée, il ne faut évidemment pas laisser des blocs de béton dans la nature. Il serait incompréhensible d’expliquer que l’on préfère transformer ces terrains en décharges naturelles à l’air libre.

M. Vincent Thiébaut. L’amendement me semble satisfait. Les mâts ou les pales d’éoliennes relèvent quasiment de la déchetterie, pas du démantèlement. Le code de l’environnement, ainsi que le droit commun, prévoient déjà des dispositions très précises sur ces sujets.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine ensuite les amendements identiques CD14 de M. Emmanuel Maquet et CD25 de Mme Laure de La Raudière.

M. Emmanuel Maquet. Là encore, il s’agit de provisionner suffisamment d’argent pour permettre le démantèlement complet des parcs. Il est proposé d’exiger une garantie de 5 % du coût de la construction des éoliennes pour faire face au coût de leur démembrement. L’amendement vise, là encore, à renforcer la nécessité de rendre le territoire dans l’état originel.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement CD25 est identique au précédent. Dans le cadre de la commission d’enquête présidée par M. Julien Aubert, le président de Valorem avait indiqué que la garantie actuellement prévue par l’État était notoirement insuffisante et qu’il aurait fallu la tripler. Ces amendements permettent de se rapprocher de cet objectif.

M. Julien Aubert, rapporteur. De mémoire – je parle sous la responsabilité de mes collègues qui étaient membres de la commission d’enquête –, je crois que nous avons fait figurer dans les recommandations bipartisanes l’obligation de provisionner une garantie pour le démantèlement. Les amendements vont donc dans le sens du rapport.

Par ailleurs, on voit ce qui a pu se passer pour les industries qui ont existé auparavant. Lorsque l’on ne prévoit pas, des polémiques incessantes naissent sur le fait que le démantèlement n’était pas assez provisionné. Ce qui vaut pour les uns vaut pour les autres.

Avis favorable.

La commission rejette ces amendements.

 

La commission examine ensuite l’amendement CD11 de M. Emmanuel Maquet ainsi que le sous-amendement CD28 du rapporteur.

M. Emmanuel Maquet. L’amendement s’inspire de notre expérience locale, puisque, je le répète, la Somme et les Hauts-de-France sont le département et la région les plus dotés en éoliennes. Il vise à prendre en compte l’indice d’effort éolien, afin que les éoliennes soient mieux réparties sur le territoire national et que les régions qui sont aujourd’hui à un niveau de saturation puissent s’exprimer sur ce dossier.

M. Julien Aubert, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement, à condition que le sous-amendement que je présente soit adopté car l’avis du conseil régional devrait être un avis conforme.

Cela va dans le sens de nos échanges précédents sur les schémas régionaux. Il faut aller au bout de la logique : si vous ne voulez pas des maires, il faut une autre autorité locale. Puisque les régions sont en charge de ces schémas non prescriptifs sur l’éolien, mettons-les dans la boucle.

M. Alain Perea. Pour en avoir discuté notamment avec M. Xavier Bertrand au sein de la commission compétente du ministère, j’entends que certaines régions s’élèvent contre les éoliennes. Nous sommes là sur une des limites de la responsabilité territoriale. Aujourd’hui, si l’on veut limiter la production, on doit se poser la question de la consommation. Les territoires ne peuvent pas dire qu’ils ne veulent plus produire une telle énergie mais qu’ils sont prêts à en consommer, autant qu’ils en ont besoin.

Que ce soit à l’échelle communale, que j’ai toujours défendue, départementale ou régionale, il faut reconnaître que la production d’énergie doit répondre à une stratégie nationale, voire au-delà. Donner un tel pouvoir à des élus régionaux serait contraire au bon fonctionnement de la production énergétique dans notre pays.

M. Emmanuel Maquet. Mon amendement inclut un indice d’effort éolien. Il ne s’agit pas de refuser entièrement les éoliennes quand d’autres régions devraient se sacrifier. Pour atteindre les objectifs que vous déclinez régulièrement, chaque région doit s’y mettre.

Les Hauts-de-France ont fait cet effort et peuvent en témoigner, chiffres à l’appui. Il serait intéressant de regarder la carte de France pour évaluer quelle région n’a pas fait cet effort. Certes, le vent ne souffle pas de manière identique partout, mais si l’on compare la carte des vents et celle des éoliennes installées, on trouvera des incohérences.

M. Gérard Leseul. La réflexion est intéressante mais je suis gêné par la rédaction actuelle qui prévoit que le rapport entre la puissance éolienne terrestre installée par kilomètre carré et le potentiel éolien moyen soit « plus de deux fois supérieur » à celui d’une autre région. Il aurait été préférable de calculer une moyenne nationale et de fixer un coefficient supérieur.

M. Julien Aubert, rapporteur. Vous avez raison sur ce point. Si l’amendement n’est pas modifié d’ici la séance publique, je proposerai un nouvel amendement en ce sens.

Monsieur Perea, vous auriez raison si nous étions dans une démarche du type de celles des années 1960. Aujourd’hui, on fixe des objectifs de plans quinquennaux, on se fait plaisir : 60 % par-ci, 50 % par-là… il n’y a pas de limite ni naturelle, ni industrielle, ni démocratique. Tout cela retombe en pluie fine, dans une forme de désorganisation nationale où une multitude d’opérateurs, de statuts différents, vont ensuite démarcher. À la fin, on espère que le pourcentage global sera à la hauteur des attentes. Évidemment, on en est régulièrement réduit à se dire que ce n’était pas ce que l’on avait prévu.

Le jacobin que je suis n’aurait aucun problème à dire que l’on bascule dans un système où l’État pilote tout, passe des appels d’offres et définit des zones d’intérêt national pour les éoliennes – si tant est que l’on soit d’accord sur le fait que cela soit utile dans le mix énergétique. Cela aurait le mérite de la cohérence.

Là, vous avez l’inconvénient des deux méthodes. Vous dites que ce doit être une énergie locale et qu’il faut que les territoires s’en emparent. Mais à quoi servent des schémas non prescriptifs qui consomment un temps hallucinant de fonctionnaire avec une concertation qui s’étale sur des semaines entières pour que chacun donne son avis si, une fois que vous avez un beau document sur papier glacé, personne ne le respecte et si celui qui en est le pilote n’a même pas la possibilité d’appuyer sur le bouton pour fermer la porte du Boeing ?

Aujourd’hui, vous avez une incohérence profonde. À partir du moment où l’on décide d’aller vers le local, on doit donner pouvoir à une autorité. Depuis le début de la réflexion, vous êtes d’accord sur un très grand nombre de diagnostics. Dans le même temps, vous avez voté systématiquement contre tout ce qui permettait d’approcher une amélioration, sans proposer d’autre solution. Proposez-nous des amendements d’ici à la séance publique : soutenez le conseil départemental, plutôt que le conseil régional, par exemple. Là, nous aurons une base de discussion.

Nous ne pouvons pas rester dans une situation où nous convergeons grosso modo sur le fait qu’il y a des problèmes, mais où nous nous interdisons tout outil qui permettrait d’approcher une solution, au motif que cela a déjà été soit voté, soit abrogé, ou que cela ne semble pas efficace en théorie.

La commission rejette le sous-amendement.

Puis elle rejette l’amendement.

 

La commission examine l’amendement CD10 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. L’amendement vise à supprimer l’exemption de la quote-part de raccordement pour l’éolien offshore ajoutée par un amendement gouvernemental à la loi de 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures. Cette exemption crée une distorsion de concurrence en France avec les autres filières, notamment l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque.

L’amendement permet de commencer à évoquer l’éolien offshore qui n’entre pas forcément dans le cadre de la proposition de loi. Il est cependant utile d’en reparler.

M. Julien Aubert, rapporteur. Cette proposition de loi est en effet l’occasion d’un débat généralisé. M. Thiébaut a évoqué la question des coûts – je n’ai pas voulu entrer dans ce débat, qui est très « piégeux » car, lorsque l’on cite le prix au mégawattheure de telle ou telle énergie, on oublie de parler des aides qui s’imputent.

Dans le secteur de l’éolien offshore, il y a eu des appels d’offres plus bas. Dans le même temps, on a mis le coût de raccordement dans le tarif d’utilisation du réseau public d’électricité (TURPE), c’est-à-dire dans une partie de la facture d’électricité des Français. Ce cadeau fiscal « sort » donc de l’ancienne contribution au service public de l’électricité (CSPE), et « entre » dans le TURPE. Il s’agit de mémoire d’un peu plus de 1,5 milliard d’euros.

Cela pose des questions sur la transparence, la concurrence et, enfin, la manière dont on veut aider une industrie en développement, un sujet très profond sur lequel il n’y a pas de réelle discussion. Nous avons choisi la solution de faire des compléments de rémunération et des tarifs de rachat, mais l’État aurait pu refuser les aides directes et prendre en charge toute la partie préliminaire amont, avec ses études et le risque lié à d’éventuels recours. En revanche, la phase industrielle est le problème des investisseurs.

Cela aurait pu être une solution, mais nous n’avons jamais eu ce débat. Nous avons donc, par type d’énergie, des modalités d’aides qui sont parfois incohérentes les unes avec les autres. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.

M. Alain Perea. M. Jean-Charles Colas-Roy, rapporteur de la loi sur l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures en 2017, m’a expliqué pourquoi le Gouvernement a introduit, par amendement, une telle exemption : à l’époque, proposer la prise en charge du coût du raccordement par le TURPE permettait d’avoir une vision claire de l’impact technique et financier des propositions des porteurs de projets d’éolien flottant. Pour exclure toute distorsion entre les différentes propositions, il fallait prendre pour base zéro ce raccordement.

M. Emmanuel Maquet. Ce que je vois, c’est que dans cette renégociation du tarif de l’éolien offshore qui a permis d’arracher 25 milliards d’euros, 1,5 milliard d’euros ont été pris en charge par les consommateurs d’électricité. Il serait souhaitable qu’avec les tarifs négociés à 180 euros, on refacture aux consortiums la somme de 1,5 milliard d’euros afin de redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

M. Julien Aubert, rapporteur. J’achète à moitié votre argument, monsieur Perea. Pour comparer les technologies et la rentabilité des uns et des autres, il suffisait de demander aux consortiums de faire une soustraction et de ne pas inclure le coût du raccordement dans leurs calculs. En réalité, on a essayé de donner un coup de pouce à l’éolien offshore, comme dans d’autres pays où le public prend en charge les frais de raccordement.

La comparaison des coûts sur laquelle M. Thiébaut fonde son raisonnement est biaisée car il existe des coûts cachés qui réapparaissent dans les factures. Comme l’a dit M. Maquet, si les renégociations ont permis de faire passer le prix du mégawattheure de 244 à 144 euros, ce qui donne l’impression d’une baisse conséquente, il reste encore 1,5 milliard d’euros et cela n’a pas empêché, six mois plus tard, de signer des appels d’offres à des prix encore plus bas. Ce sont des petites questions qui représentent tout de même 10 ou 15 milliards d’euros !

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement CD13 de M. Emmanuel Maquet.

M. Emmanuel Maquet. Les communes littorales d’où les éoliennes sont visibles sont dédommagées selon deux critères, la distance depuis la côte et le nombre d’habitants. Je propose de supprimer ce deuxième critère, qui ne me semble pas pertinent, et de le remplacer par la longueur du linéaire côtier d’où les installations sont visibles. Cela permettrait de mieux prendre en compte l’impact des installations sur les communes touristiques. J’ai été maire de Mers-les-Bains, près de Dieppe. Dans cette zone où 62 machines seront installées, les touristes n’auront plus le plaisir de venir admirer, comme ils en avaient coutume, le coucher de soleil sur un horizon dégagé. Les conséquences sur le développement touristique de ces communes seront considérables ; il convient d’en tenir compte dans le dédommagement.

M. Julien Aubert, rapporteur. L’argumentation de notre collègue sur l’impact touristique pour les communes côtières est pertinente, tout comme sa proposition de déléguer l’avis conforme de l'Office français de la biodiversité aux parcs naturels marins. Avis favorable.

M. Alain Perea. Beaucoup d’études ont été menées dans la région de Narbonne. Elles n’ont pas permis d’établir de corrélation entre la présence des nombreuses éoliennes et une baisse de la fréquentation touristique : celle-ci demeure très importante, que ce soit dans l’arrière-pays ou sur le littoral, et il est même des personnes qui se trouvent apprécier la visite des installations. Aucun sondage n’a mis en avant le fait que des touristes avaient décidé de ne plus revenir pour cette raison.

Par ailleurs, on sait que les éoliennes au large auront un impact visuel faible, voire nul. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Emmanuel Maquet. Il me semble difficile de se baser sur des études et des sondages puisqu’aucune éolienne n’a été installée en mer pour le moment ! Mais sachant que les éoliennes offshore seront plus hautes que la tour Montparnasse, je vous mets au défi de me prouver que leur vue ne viendra pas gâcher la contemplation des amoureux de la mer.

M. Jimmy Pahun. Je regrette qu’il ne soit pas prévu que le Conservatoire du littoral et les sites classés bénéficient, au côté des communes et des marins pêcheurs, des retombées fiscales de l’installation d’un parc éolien offshore.

M. Julien Aubert, rapporteur. L’amendement de M. Maquet ne prévoit pas une indemnisation en raison du préjudice touristique, il vise à modifier la répartition des retombées fiscales, déjà prévue, pour les communes du littoral. Il s’agit de se demander si l’un des critères, le nombre d’habitants, ne désavantage pas les petites communes touristiques. La remarque de M. Pahun est pertinente et j’invite notre collègue à proposer un amendement en séance – ce qui nous donnera peut-être l’occasion d’en adopter un.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle est saisie de l’amendement CD21 de Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Les promoteurs éoliens nous disent que le coût de l’énergie éolienne terrestre est équivalent au prix moyen du marché ; ils soutiennent que c’est une énergie rentable. Prenons-les au mot ! Comme l’a dit le président de la commission d’enquête, on retire les petites roues à l’arrière quand l’enfant est capable de pédaler tout seul ; alors mettons fin à l’émission de nouveaux contrats d’aide publique à la filière éolienne terrestre.

M. Julien Aubert, rapporteur. Il faut, en effet, changer de philosophie. Si les énergies renouvelables sont compétitives, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Thiébaut, alors il n’y a pas lieu de les subventionner. Ce n’est pas seulement une question de principe : on ne peut pas à la fois soutenir les nouvelles technologies et refuser d’augmenter la fiscalité écologique.

Aujourd’hui, 90 % des sommes consacrées au déploiement des énergies renouvelables sont captées par le solaire et l’éolien. Si nous ne trouvons pas le moyen de limiter cette part, nous n’aurons d’autre solution, pour financer les technologies de demain, que l’endettement ou la hausse de l’impôt.

Sans doute faut-il substituer aux aides directes une intervention beaucoup plus en amont, où l’État définirait les ZDE et se porterait garant des démarches préliminaires, notamment sur les études. Un consensus transpartisan s’est dégagé sur cette question au sein de la commission d’enquête, même si l’opposition souhaiterait qu’il soit d’abord mis fin à la manne, tandis que la majorité plaide pour que l’on commence par mettre en place les dispositifs en amont. Que des opérateurs qui se prévalent de leur compétitivité continuent de demander des subventions nous interpelle tous.

M. Vincent Thiébaut. Il est vrai que nous avons abordé cette question au sein de la commission d’enquête, mais elle reste liée à la temporalité – à ce jour, les coûts de production des EnR ne permettent pas encore de se passer d’aides publiques – et dépasse largement, par sa complexité, le débat que nous pourrions avoir sur cet amendement. Je pense notamment au dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), qu’un rapport de Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Philippe Bolo et M. Anthony Cellier propose de réformer. Il est vrai que nous sommes dans un système un peu schizophrène puisque le tarif institutionnel fait que toutes les productions énergétiques, qu’il s’agisse d’EnR ou non – même le nucléaire –, sont financées par le contribuable.

Je rappelle quand même que du fait de la baisse des coûts de production pour les EnR, il y a une baisse de l’aide publique. Comme l’État subventionne la différence entre le contrat et le coût du marché, plus ce dernier monte, plus l’aide publique baisse. Peut-être que dans quelques années, le coût du marché dépassera le coût des contrats. Ce seront alors les producteurs d’EnR qui reverseront de l’argent à l’État.

M. Emmanuel Maquet. C’est le sens de l’histoire : les Allemands ne sont-ils pas en train de supprimer leurs subventions à l’éolien ? Nous avons affaire à des situations de rente, des milliards se promènent dans le secteur : il est temps d’y mettre un peu d’ordre. La filière affirme qu’elle est mature, prenons-la au mot !

M. Julien Aubert, rapporteur. Monsieur Thiébaut, l’ARENH n’a pas grand-chose à voir ici car les producteurs qui y sont éligibles n’ont aucun lien avec l’énergie verte.

L’éolien représente 72 à 90 milliards d’euros jusqu’en 2028, 11 milliards ont déjà été payés : cela signifie que nous aurons à honorer une facture de 60 à 80 milliards d’euros. Même si l’on constate une baisse tendancielle, l’engagement de telles sommes fait qu’il ne restera plus grand-chose demain, s’il faut tripler l’investissement dans l’hydrogène par exemple.

M. Vincent Thiébaut. L’ARENH est un dispositif qui limite le prix de revente d’EDF et l’empêche d’atteindre un coût plus proche de ce que serait le coût complet. Je rappelle que l’Allemagne revend son électricité aux consommateurs à plus de 35 centimes d’euro le kW/h, alors que nous sommes à 18 centimes. Le coût du soutien est assuré par le consommateur. J’entends vos arguments, mais je pense que cela mérite un débat plus approfondi, comme nous avons pu en avoir dans le cadre de la commission d’enquête.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 3 : Rapport au Parlement sur le renforcement du volet sanitaire des études d’impact des parcs éoliens

 

La commission examine l’amendement CD26 rectifié du rapporteur.

M. Julien Aubert, rapporteur. Je propose de porter de six mois à un an le délai prévu pour la remise du rapport au Parlement, ce qui donnera le temps au Gouvernement de recueillir toutes les données nécessaires.

M. Patrice Perrot. Il me semble que les études d’impact sont des procédures sérieuses qui prennent déjà en compte le volet sanitaire. J’ai noté, depuis le début de cet examen, votre volonté d’ajouter des contraintes afin de restreindre le déploiement des éoliennes sur l’ensemble du territoire. Je rappelle que l’ANSES et d’autres opérateurs rendent régulièrement des avis sur l’impact sanitaire des parcs éoliens. Cet article est malvenu.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle rejette l’article 3.

 

Après l’article 3

 

La commission examine l’amendement CD27 du rapporteur.

M. Julien Aubert, rapporteur. Cet amendement vise à aider Mme la ministre Barbara Pompili (sourires.)

Je propose que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport analysant l’impact de l’augmentation de la part de l’énergie éolienne dans le mix énergétique français sur l’équilibrage des réseaux électriques et sur l’augmentation du risque de coupures d’électricité.

Vous savez qu’un débat s’est ouvert avec la ministre qui a expliqué qu’il pourrait y avoir des coupures d’électricité cet hiver, mais que ce risque était géré.

En février 2012, alors que l’ensemble du parc nucléaire était disponible et que nous pouvions compter, avec le fossile, le nucléaire et l’hydraulique, sur 12 gigawatts de production pilotable supplémentaires par rapport à aujourd’hui, nous avions dû importer 7 gigawatts d’Allemagne pour passer l’hiver. Nous sommes à la fin du mois de novembre et nous avons déjà importé entre 1,6 et 2 gigawatts d’Allemagne, alors que la disponibilité du parc nucléaire est moindre.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE), comme les gestionnaires de réseaux de transport européen (GRT), nous ont mis en garde, et RTE commence à reconnaître qu’il pourrait y avoir un problème si plusieurs événements devaient survenir conjointement. Il faut réfléchir avant d’augmenter la part des énergies intermittentes, donc non pilotables. Nous nous sommes aperçus, lors de la commission d’enquête, que l’augmentation de la part de l’éolien ou de toute énergie intermittente était basée sur la théorie du foisonnement. On considère que lorsqu’il n’y a pas de vent en France, il peut y en avoir en Allemagne et qu’il y aura ainsi toujours une part d’énergie intermittente, ce que des experts très sérieux ont contredit, chiffres et graphiques à l’appui. Par ailleurs, les études de RTE tablent sur une disponibilité du parc éolien de 10 %, alors qu’en réalité, cette part peut tomber à 1 %.

Je rappelle que le dernier « black-out » remonte à 1978 – c’était une excellente année, celle de ma naissance – et que si nous devions revenir quarante ans en arrière, cela se chiffrerait en plusieurs dizaines de milliards d’euros : le réseau est désormais interconnecté et c’est un « black-out » européen qui se produirait. Remonter le réseau depuis les centrales hydroélectriques, pas depuis les centrales nucléaires, prendrait quarante-huit heures. Les hôpitaux seraient plongés dans le noir, les gens coincés dans les ascenseurs, et les batteries de secours ne durent que vingt-quatre heures. Ce n’est pas une question vaine. Un tel rapport permettrait de clarifier les choses, y compris pour RTE, et montrerait si nous avons lieu d’être inquiets ou pas.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle en vient à l’examen de l’amendement CD6 de M. Vincent Descoeur.

M. Vincent Descoeur. L’objectif de cet amendement, qui demande un rapport sur l’incidence des installations éoliennes sur la santé humaine et animale, n’est pas de trancher un débat scientifique, mais de nous permettre de disposer d’études rigoureuses.

M. Julien Aubert, rapporteur. Cet amendement permet de réintroduire une question oblitérée. Je regrette que l’on dise toujours que le sujet est trop complexe, qu’il est urgent d’attendre. Cela me rappelle la maxime du Guépard : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».

M. Alain Perea. M. Perrot s’est déjà exprimé sur l’utilité des rapports et je n’ajouterai rien sur cet amendement.

Dans de nombreux domaines, monsieur le rapporteur, le constat est partagé. Vous dites à la majorité de faire des propositions : nous en avons formulé beaucoup, certaines ont été votées ; la présidente de la commission a annoncé qu’elle avait saisi l’OPECST ; s’agissant du risque de coupures, la ministre et ses services sont déjà à l’œuvre.

Mais pour vous, tout est moyen de rallumer la guerre éternelle entre éolien et nucléaire. Je ne souhaite pas entrer dans ce débat. Alors que nous touchons au terme de cet examen, je formule le vœu que nous arrivions enfin à travailler ensemble, de façon sereine et sans arrière-pensée.

Le mix énergétique a été voté, c’est ainsi. Nous devons avancer dans cette direction et trouver des solutions pour sécuriser le développement de l’éolien. Tant que votre objectif sera de supprimer cette énergie, nous ne pourrons pas vous suivre. Sur certains des amendements, notamment ceux de Mme de La Raudière, nous sommes prêts à travailler, à faire des propositions.

À la stratégie du guépard – ou du léopard ? Peu m’importe, ce n’est pas un animal que l’on chasse en France –, je préfère celle qui consiste à avancer ensemble, pour répondre aux enjeux qui nous sont communs.

M. Vincent Descoeur. Permettez-moi de revenir sur l’amendement, qui relève d’une approche très cartésienne. J’ai beaucoup apprécié l’annonce que vous avez faite en début de réunion, madame la présidente ; de la même façon, il s’agit ici de répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Je n’apprécie pas toujours les rapports au Parlement, mais c’est la seule façon que j’ai trouvée pour évoquer la nécessité de disposer d’arguments scientifiques sérieux.

M. Julien Aubert, rapporteur. Monsieur Perea, vous avez tort de vous opposer à un texte au motif que vous avez cru y déceler des arrière-pensées. Demandez aux membres de la commission d’enquête que j’ai présidée : je m’applique à rester toujours objectif pour ce qui est des enjeux, même si je peux être partial dans ma pensée. Je ne cherche pas à faire la chasse à l’éolien ; je ne me satisfais pas que l’on me dise : « nous sommes d’accord sur le diagnostic, travaillons ensemble mais rien de ce que vous proposez ne convient ».

Si vous voulez que nous collaborions, il faut cesser de diaboliser les députés qui prêtent une oreille peut-être plus attentive à ceux qui sont entrés en résistance, confrontés à des problèmes qui gâchent leur vie quotidienne. Je crois que lorsque les problèmes ne se règlent pas de manière civile, par la loi, cela dégénère toujours sur le terrain, car les gens n’ont alors plus d’autre moyen d’action.

Pour travailler ensemble, il faut être deux. Je serais ravi de donner mon avis sur des amendements qui viendraient améliorer le texte et ouvriraient le débat. Vous dites que c’est complexe, mais à force de le dire, et d’attendre un énième rapport, nous ne réglons jamais les problèmes. Les études n’ont jamais résolu les difficultés des gens, et comme disait John Maynard Keynes « à long terme, nous serons tous morts ».

Enfin, le guépard est un animal, cher Alain Perea, mais aussi un très beau film de 1963, avec Alain Delon. Toutes mes références ne sont pas liées au monde de la chasse ou au rugby !

La commission rejette l’amendement.

 

L’ensemble des articles ayant été rejetés, la proposition de loi est considérée comme rejetée.