Compte rendu

Commission
des affaires sociales

  – Suite de l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (n° 3397) 2

 

 

 


Mardi
13 octobre 2020

Séance de 21 heures 15

Compte rendu n° 6

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 13 octobre 2020

La séance est ouverte à vingt et une heures trente

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La commission poursuit l'examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (n° 3397) (M. Thomas Mesnier, rapporteur général, Mmes Caroline Janvier et Monique Limon, MM. Cyrille Isaac-Sibille et Paul Christophe, rapporteurs).

Après l’article 13 (suite)

La commission est saisie de l’amendement AS520 de M. Jean-Félix Acquaviva.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à étendre les exonérations de charges patronales prévues pour les entreprises implantées en zone de revitalisation rurale (ZRR) à celles situées en zone de développement prioritaire (ZDP), dispositif récemment créé par l’article 135 de la loi de finances pour 2019. La nouvelle ZDP couvre la Corse, île-montagne subissant une double contrainte, où les surcoûts, liés à l’étroitesse du marché, au transport, aux difficultés de recrutement et au surstockage, peuvent peser jusqu’à 9 % du chiffre d’affaires par an par rapport aux entreprises du continent.

Il s’agit de favoriser le développement économique et l’emploi ainsi que d’améliorer le dispositif nouvellement créé, qui, pour le moment, ne rencontre pas un franc succès en raison de la faiblesse des avantages prévus. Cela permettrait de donner aux entreprises insulaires de production et de services une bouffée d’oxygène qui profiterait aussi aux activités du tourisme, affectées par la crise du covid.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre, les recettes et la santé. Les entreprises, en Corse comme ailleurs, bénéficient de l’augmentation des allégements généraux votés l’année dernière. Ils se chiffrent à plus de 20 milliards d’euros, notamment avec les allégements de cotisations maladie. Les allégements issus des ZRR peuvent être moins intéressants que ces derniers, puisqu’ils n’intègrent pas l’assurance chômage ou les cotisations de retraite complémentaire.

En outre, la quasi-intégralité de la Corse est couverte par le dispositif de ZRR, ce qui diminue largement l’intérêt de créer un nouveau dispositif.

Enfin, tel qu’adopté en commission des finances, le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 permet aux entreprises corses de bénéficier de crédits d’impôts renforcés, notamment pour les activités d’innovation des petites et moyennes entreprises.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS191 de Mme Corinne Vignon.

Mme Corinne Vignon. Les pédicures-podologues libéraux présentent une double spécificité. D’une part, ce sont les seuls professionnels de santé conventionnés à acquitter la cotisation maladie la plus élevée, au taux de 9,75 %. D’autre part, ceux d’entre eux qui sont restés au régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC) s’acquittent d’une cotisation plus élevée que ceux qui ont opté pour la sécurité sociale des indépendants.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 a introduit une taxe additionnelle de 3,25 % applicable aux revenus tirés d’une activité non conventionnée ou aux dépassements d’honoraires, pour les seuls professionnels de santé affiliés au régime PAMC. Cette taxe, qui devait sanctionner les dépassements d’honoraires abusifs, est particulièrement pénalisante pour les pédicures-podologues dont une grande partie de l’activité de soins est hors convention et dont les actes, comme les orthèses plantaires, pourtant remboursées par l’assurance maladie, n’entrent pas non plus dans le champ d’application de la prise en charge. Cela constitue une iniquité entre les professionnels affiliés au PAMC et les autres professionnels de santé, qui en sont exonérés.

La suppression de cette taxe additionnelle vise donc à mettre un terme à cette iniquité.

M. le rapporteur général. La suppression de cette taxe additionnelle introduite en LFSS 2016 fait partie de nos marronniers de l’automne. Enfin un visage familier dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) très singulier !

Cette fiscalité à deux niveaux s’explique simplement : les médecins qui pratiquent des dépassements d’honoraires contribuent à créer une médecine à deux vitesses et diminuent l’accès aux soins de nos concitoyens. Les contraintes qu’implique le conventionnement justifient donc l’existence de cette différence de taux. La meilleure manière de ne pas payer de taxe additionnelle reste de ne pas pratiquer de dépassements d’honoraires.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques AS396 de M. Stéphane Claireaux et AS808 de Mme Justine Benin.

Mme Audrey Dufeu. Afin d’accompagner la relance du secteur de la production audiovisuelle dans le contexte de fermeture de France Ô, l’amendement AS396 a pour objet d’inscrire ce secteur dans le barème renforcé du régime d’exonération de charges sociales patronales spécifiques applicables aux entreprises ultramarines, instauré par la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009, dite « LODEOM ».

Mme Perrine Goulet. Les pertes de recettes publicitaires énormes subies par les médias de l’audiovisuel en raison du confinement ont fait de celui-ci un secteur sinistré, et plus encore outre-mer où son exclusion du dispositif d’exonération de charges renforcé de la LODEOM l’avait déjà placé en très grande difficulté. L’amendement AS808 tend à réintégrer les médias audiovisuels – radio et télévision – dans ce dispositif renforcé pour éviter de mettre en péril ces outils essentiels de la démocratie, de la culture et de l’information de proximité, étant entendu que la presse écrite en a bénéficié lors du précédent PLFSS.

M. le rapporteur général. Le dispositif LODEOM a été modifié ces deux dernières années. Simplifié dans la LFSS 2019 à l’occasion de la revue des exonérations spécifiques, il a été étendu à la presse en LFSS 2020, renforçant d’autant l’effort national en faveur des activités économiques en outre-mer. L’intégration du secteur audiovisuel dans le barème renforcé me semble participer de la même logique que celle que nous avions suivie l’année dernière.

Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS152 de M. Didier Le Gac.

M. Didier Le Gac. Le transport maritime sous pavillon français souffre depuis le début de la crise sanitaire, dans un contexte déjà marqué par une forte concurrence internationale. Ainsi, le transport de passagers transmanche a vu son activité réduite jusqu’à 90 % pour certains acteurs. Le fret maritime dans son ensemble est aussi durement touché, alors même qu’il assure le transport de 90 % des marchandises mondiales. Il importe à tout le moins de maintenir la compétitivité internationale des entreprises françaises de transport et de services maritimes.

En 2016, la loi pour l’économie bleue, dite « loi Leroy », avait aménagé un dispositif d’exonération totale des charges patronales selon le principe du net wage, ou salaire net, conforme au droit de l’Union européenne en matière de concurrence. La Finlande, le Danemark, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie ou le Royaume‑Uni pratiquent eux aussi le net wage mais de façon intégrale, puisqu’il porte également sur les charges salariales. Compte tenu de la situation des compagnies maritimes françaises, il convient d’étendre l’exonération à la part des cotisations salariales du marin français, et de mettre en place les conditions d’un net wage étendu.

M. le rapporteur général. Les entreprises d’armement maritime sont déjà exonérées de cotisations d’allocations familiales et de contribution à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi pour les équipages et les gens de mer qu’elles emploient. En outre, les cotisations des marins et les contributions des armateurs sont assises sur des salaires forfaitaires, et non sur la rémunération réellement versée au salarié. Elles font l’objet d’une exonération totale ou partielle, des contributions patronales.

L’ensemble de ces exonérations a coûté près de 60 millions d’euros en 2019. Ce coût est parfaitement justifié par la concurrence exacerbée au niveau international, mais me semble témoigner du soutien qui existe déjà pour ces entreprises.

S’agissant des conséquences du covid et de la situation du secteur, outre le recours au chômage partiel et aux prêts garantis par l’État pour plus de 120 millions d’euros, le Premier ministre a annoncé, le 15 septembre dernier, un remboursement de l’ensemble des cotisations salariales pour l’exercice 2021, pour un montant supplémentaire de 15 millions d’euros.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, afin d’avoir, le cas échéant, le débat en séance avec le Gouvernement.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je soutiens cet amendement, d’ailleurs cosigné par plusieurs députés. Le transport maritime, et les ferries transmanche en particulier, non seulement pâtissent de la crise du covid, qui a fait disparaître 90 % de leur activité, mais du fait de leurs relations avec nos partenaires britanniques, ils sont aussi confrontés au Brexit.

Il faut soutenir le pavillon français pour maintenir un lien commercial et touristique avec les îles britanniques et, plus au sud, avec d’autres pays. Les touristes anglais qui viennent en France consomment, et bien au-delà des villes d’accostage et du bord de mer. Ils aiment ainsi beaucoup la Dordogne ou le Luberon. À travers cet amendement, c’est aussi un soutien nécessaire, utile et reconnu de tous qui serait apporté au secteur touristique.

M. Didier Le Gac. Bien sûr, des aides ponctuelles – prêts garantis par l’État, chômage partiel – ont été débloquées en lien avec la crise du coronavirus, mais c’est le cas pour toutes les entreprises françaises. Il ne faut pas oublier que le transport maritime souffre d’une situation très particulière : la concurrence déloyale d’autres compagnies européennes, appliquant pourtant le droit communautaire. Nous plaidons donc pour une exonération de l’intégralité des charges patronales et salariales. J’espère que nous pourrons avoir ce débat en séance, si possible avec la ministre de tutelle.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS988 de M. Sébastien Jumel.

M. Pierre Dharréville. Sébastien Jumel et Fabien Roussel se préoccupent également des entreprises opérant les liaisons transmanche. Par cet amendement d’appel, ils proposent de donner une suite à l’engagement que le Premier ministre a pris lors de la séance de questions au Gouvernement du 15 septembre dernier, et de le traduire sous la forme d’une aide au paiement.

M. le rapporteur général. De même qu’il me paraissait anticipé d’envisager l’exonération de cotisations sociales salariales dans ce secteur, de même je le pense s’agissant de votre demande d’aide au paiement. Je suis néanmoins conscient des difficultés majeures des entreprises de l’armement maritime. Je vous propose de retirer votre amendement et de poursuivre ce débat en séance, en présence des ministres.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS294 de M. Charles de Courson.

Mme Jeanine Dubié. Pour les exploitants agricoles ayant subi des pertes importantes pendant la période de confinement, la troisième loi de finances rectificative de 2020 a prévu la possibilité d’opter pour le calcul des cotisations dues au titre de 2020 sur le revenu professionnel de l’année 2020. Toutefois, pour de nombreux exploitants, les pertes résultant de la crise sanitaire seront constatées dans les bilans clos en 2021, notamment quand l’exercice ne coïncide pas avec l’année civile.

Asseoir les cotisations sur les revenus contemporains est le meilleur moyen d’adapter leur montant aux capacités réelles des exploitants et de tenir compte de la grande hétérogénéité des impacts économiques du covid-19 en agriculture.

M. le rapporteur général. Le système que votre amendement reprend de la troisième loi de finances rectificative permet aux exploitants agricoles de calculer leurs revenus pour l’année 2020 sur la base des revenus de l’année 2020 afin de prendre en compte la baisse d’activité tout en évitant de réduire leurs droits contributifs.

Les exploitants agricoles peuvent bénéficier, sur droit d’option, du calcul de leur assiette sur les revenus de l’année n-1, et non pas des trois années précédentes. Il ne me revient pas de donner des conseils, mais les exploitants qui ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire et économique en 2020 auront sans doute intérêt à recourir à cette assiette annuelle en 2021. Pour ce faire, il suffit d’envoyer un formulaire à la mutualité sociale agricole (MSA) avant le 30 juin, l’assiette annuelle prenant effet à compter de l’année au cours de laquelle est intervenue la demande.

En outre, il n’existe aucune obligation quant à la date de clôture obligatoire des comptes pour les exploitants agricoles, sauf fourniture d’un arrêté fiscal intermédiaire au 31 décembre quand l’exercice n’est pas encore clos. Les exploitants peuvent donc déjà adapter la tenue de leurs comptes à leurs revenus pour ces années particulières. Le droit d’option me semble donc régler le problème, réel, que vous soulevez.

À l’inverse, bien que les réflexions doivent se poursuivre sur la contemporéanisation du calcul des revenus pour les cotisations des travailleurs indépendants agricoles ou non agricoles, l’option que vous proposez complexifie le paysage de la récupération des cotisations et reporte en 2022 l’effet potentiellement massif de régularisation.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre II
Poursuivre les simplifications pour les acteurs de l’économie

Article 14 : Clarification des règles d’affiliation et simplification des démarches déclaratives et de paiement des cotisations des activités issues de l’économie collaborative

La commission adopte l’article 14 sans modification.

Article 15 : Simplifier les démarches déclaratives des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants agricoles

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS1113 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Quelle drôle de façon de faire que de moderniser en créant une obligation de déclaration en ligne, adossée à un malus pour les personnes qui ne s’y plieraient pas ! Pour certains, la déclaration en ligne peut être une source de complexification des démarches. Le Président a beau avoir fait part de sa volonté de développer la 5G, l’ensemble du territoire n’a pas encore un accès facile à internet !

L’obligation déclarative doublée d’un malus se distingue, par son esprit orwellien, du traitement réservé aux entreprises en matière d’égalité salariale : qu’elles remplissent quelques conditions, et elles bénéficient d’un bonus – ces exonérations de cotisations auxquelles nous sommes absolument opposés !

Cette façon de conférer un caractère punitif aux cotisations complique n’incite pas les personnes à déclarer correctement leurs revenus. Comment leur faire comprendre qu’il s’agit d’un salaire différé, qui bénéficie à toutes et tous, si l’on s’en sert de levier pour punir ? C’est pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.

M. le rapporteur général. L’article n’impose pas l’obligation de dématérialisation – elle existe depuis 2015. Il s’agit ici simplement de simplifier les modalités déclaratives en unifiant la déclaration rendue à la MSA, une mesure qui paraît bienvenue pour les déclarants agricoles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS546 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de revenir sur l’obligation de déclarer les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants agricoles par voie dématérialisée. Les disparités d’accès aux solutions numériques sont bien réelles, et encore renforcées par une fracture territoriale qui désavantage les zones rurales : 7 millions de personnes sont encore privées d’un accès de qualité minimale à internet.

M. le rapporteur général. Plus de 85 % des agriculteurs procèdent déjà par voie dématérialisée et cela ne soulève pas de difficultés, d’autant que les agences MSA sont attentives à la situation des déclarants.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS611 de Mme Delphine Bagarry.

Mme Delphine Bagarry. Nous souscrivons à cette simplification des démarches administratives des travailleurs indépendants agricoles par la réunion en une seule de la déclaration sociale et de la déclaration fiscale.

Il nous apparaîtrait comme une plus grande simplification encore que les informations soient automatiquement transmises par la direction générale des finances publiques à la MSA, avec l’autorisation du déclarant.

M. le rapporteur général. Votre amendement n’opère pas la simplification que vous évoquez. En soumettant la transmission des informations nécessaires au calcul de l’assiette sociale des déclarants par la MSA à l’autorisation de ces derniers, il leur laisse la possibilité de s’opposer au calcul de leurs cotisations, et donc à leur paiement.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS1119 de M. Michel Larive.

Mme Caroline Fiat. Sous couvert de modernisation, les chefs d’exploitation devront déclarer leurs revenus en ligne, sous peine de connaître une augmentation de leurs cotisations. Ce caractère punitif des cotisations est proprement aberrant. Pire encore, il est infantilisant : les indépendants agricoles ne sont pas des enfants que l’on doit mener à la baguette !

Il est nécessaire de faire preuve d’un peu plus de discernement : des difficultés réelles peuvent se cacher derrière l’impossibilité de déclarer ses revenus en ligne. Cet article devrait a minima assurer une formation au numérique des indépendants agricoles et assurer la fourniture d’un accès internet à ceux qui le demandent.

M. le rapporteur général. La MSA a bien pris en compte ces craintes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 sans modification.

Chapitre III
Créer la nouvelle branche autonomie

Article 16 : Gouvernance de la nouvelle branche de sécurité sociale pour le soutien à l’autonomie

La commission est saisie de l’amendement de suppression AS1169 de Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Pourquoi créer une nouvelle branche de la sécurité sociale, si, immédiatement, vous désocialisez son fonctionnement en lui attribuant un impôt comme source de financement pérenne ? Quel est l’intérêt si cela a pour conséquence la stabilité de son budget ? En l’état, cette création relève de la pure communication. Pire, les compétences de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) telles que prévues par le projet de loi semblent surtout relever d’une volonté de rationaliser les coûts.

Mme Caroline Janvier, rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. L’article 16 pose les premiers jalons de la cinquième branche de la sécurité sociale que nous avons créée il y a quelques semaines. La France insoumise est le seul groupe à avoir déposé un amendement de suppression. C’est regrettable, car nous partageons tous l’ambition d’une grande politique de soutien à l’autonomie.

Contrairement à ce que laissent entendre vos propos, l’article 16 ne porte pas sur le financement de la cinquième branche, abordé à l’article 18, mais sur sa gouvernance. Il est fondamental en ce qu’il transpose le patrimoine commun de la sécurité sociale à cette cinquième branche. Il n’est pas souhaitable de revenir sur ce principe.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS130 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. J’ai déjà dit ce que nous pensions de cette décision « historique ». Puisqu’il s’agit ici de définir les missions et l’architecture de la branche, je formule des propositions.

Le premier des objectifs de la branche devrait être de coordonner un service public décentralisé de l’autonomie. La création de celle-ci doit s’appuyer sur l’ambition politique forte de garantir à chacun un droit universel à l’autonomie. Il faut construire un service public de l’autonomie décentralisé sur tout le territoire, dont les missions principales seraient la prévention, l’octroi des prestations et l’information des assurés.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Je vous rejoins sur l’ambition d’une politique forte en matière d’autonomie. En revanche, la configuration territoriale de ce service public n’est pas encore tout à fait arrêtée. Dans son rapport, Laurent Vachey propose différents scénarios et souhaite s’en tenir à une organisation duale reposant sur les collectivités – les départements – et les agences régionales de santé (ARS) – services déconcentrés. Cette proposition me paraît raisonnable et réaliste. Votre amendement, en mentionnant un service public « décentralisé », pourrait écarter les ARS, ce qui ne semble pas pertinent. En outre, nous aurons aussi besoin des opérateurs privés.

La rédaction de l’alinéa 5 est préférable, qui confie à la CNSA la mission de piloter et de coordonner l’ensemble des acteurs participant à la mise en œuvre des politiques de soutien à l’autonomie. Nous pourrons aller plus loin dans le cadre du « Laroque de l’autonomie » et du projet de loi « Grand âge et autonomie ».

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Il nous semble important d’inscrire dans les missions de la branche cette ambition et cette attention au service public. Nous ne nions pas le rôle des départements, mais estimons qu’il ne faut pas découpler le service de sa prise en charge. Au contraire, il faut mieux connecter les deux.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS131 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Le premier objectif indiqué dans l’article est de veiller à l’équilibre financier de la branche. J’aurais préféré qu’on affiche une véritable ambition de réponse aux besoins. De fait, nous ne savons toujours pas quels sont les objectifs sociaux poursuivis par la branche.

Nous proposons donc d’inscrire dans la loi le droit universel à l’autonomie en garantissant à chacun, et dans les mêmes conditions, l’accès aux prestations d’autonomie, le libre choix des personnes sur le maintien à domicile et la réduction des restes à charge en établissement pour les assurés. Il importe de préciser dans la loi les progrès que la création de cette branche pourrait apporter.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Sur le fond, je ne peux que vous rejoindre : il s’agit bien de garantir les mêmes droits à nos concitoyens et de leur offrir les mêmes possibilités de choix : rester vivre chez eux ou entrer en établissement médico-social. Le renforcement du pilotage de la CNSA devra permettre de faire converger les pratiques entre départements et, ainsi, de réduire les disparités territoriales.

Pour autant, si quelqu’un doit établir un droit universel, ce n’est pas à une caisse de sécurité sociale – et donc pas la CNSA – de le faire, mais bien au législateur, mais pas dans le cadre du PLFSS.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Thibault Bazin. L’amendement de notre collègue Dharréville soulève une question fondamentale : l’attente d’une équité de traitement. La façon dont la gouvernance de cette branche autonomie sera organisée induira forcément une équité ou une iniquité territoriale. Comme nous le constatons avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le traitement du handicap diffère complètement selon les départements, ce qui entraîne une iniquité de traitement, à la différence du versement des prestations familiales, dont le traitement est plutôt national, donc plutôt juste.

Si nous voulons tous l’équité, il faut que la gouvernance de la branche en soit partie prenante.

M. Pierre Dharréville. Je n’étais pas très favorable à la création de cette branche, selon moi un geste politique symbolique, selon vous, « historique ». Vous avez renvoyé la suite au PLFSS ; or le compte n’y est pas, ce que je regrette. Je crains que ce que nous avions appelé une coquille vide ne le reste. Si ce n’est pas à nous de nous en saisir dans ce texte, quand le fera-t-on ? Quelque chose ne tourne pas rond dans cette mécanique !

Vous proposez que cette caisse garantisse les mêmes droits ; je propose, quant à moi, qu’elle garantisse des droits plus élevés, ce qui n’exclut pas leur universalité. Je souhaite, en quelque sorte, fixer un objectif de progrès social.

Mme Jeanine Dubié. Je soutiens cet amendement, dont la rédaction permet de traiter deux questions. Tout d’abord, la réduction du reste à charge : le vrai progrès, c’est la prestation universelle autonomie, c’est qu’une personne, quels que soient son lieu de résidence et son âge, puisse bénéficier d’une telle prestation. Ensuite, le traitement équitable sur l’ensemble du territoire.

Je crains que cette cinquième branche ne passe à côté de ces questions et ne permette pas de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les bénéficiaires et les familles pour assumer le reste à charge et pour bénéficier de plans d’aide correspondant à leur état de dépendance.

Mme Monique Iborra. N’oublions pas que le PLFSS est un document budgétaire. On peut certes le regretter et juger qu’il aurait été préférable de discuter avant de la loi sur l’autonomie et le grand âge, du contenu avant le contenant, mais il n’est pas possible de transformer la branche en ce qu’elle n’est pas. Ce document budgétaire est appelé à évoluer en fonction de la loi qui sera votée.

Une dotation de 31 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! J’entends que cette façon de procéder soit peut-être insatisfaisante mais, un peu de patience, la loi à venir alimentera cette branche plus qu’elle ne l’est aujourd’hui en tant que simple support.

M. Jean-Carles Grelier. Les propos de Mme Iborra soulèvent la question de la méthode de travail parlementaire. Nous avons voté pendant l’été la création d’une cinquième branche dont on ne savait pas ce qu’elle contiendrait et on nous a demandé d’attendre la remise du rapport de M. Vachey, ce qui a été fait à la fin de l’été. On nous demande maintenant d’adopter ici ou là dans le PLFSS des dispositions relatives au fonctionnement, à la gouvernance, au financement de cette cinquième branche sans que les conclusions issues de la lecture du rapport Vachey aient été arrêtées et que les orientations aient été fixées.

Depuis le début, on met la charrue avant les bœufs ! Sans doute aurait-il fallu d’abord discuter la loi sur l’autonomie et le grand âge puisque c’est elle qui définira la gouvernance de la caisse, l’organisation territoriale et les moyens de financement, afin que nous puissions ensuite en tirer les conséquences.

Comme vous l’avez fait lors de la discussion du principe de la création de cette branche, vous nous demandez de trancher des débats qui n’ont pas encore eu lieu et dont nous ne disposons ni des tenants ni des aboutissants.

Peut-être certains, dans la majorité, peuvent-ils le dire, mais moi je ne sais pas ce que seront les choix et les orientations du Gouvernement en matière d’autonomie, de dépendance, de gouvernance, de financement et de territorialité.

Mme Monique Iborra. Nous en avons tout de même une petite idée !

M. Jean-Carles Grelier. Vous oui, mais pas nous !

Cette méthode, qui consiste à organiser d’abord un débat sur le principe de cette création, puis sur des aspects mineurs du financement, est tout de même un peu curieuse.

M. Pierre Dharréville. L’article 16 énonce : « I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié [...] : "La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie gère la branche [...] et, à cet effet, a pour rôle..." ». S’ensuit une liste de missions que le Gouvernement a décidé de définir dans ce PLFSS.

Soit le débat est ouvert, soit il ne l’est pas ; soit nous savons où nous allons, nous connaissons les objectifs poursuivis, soit nous en restons à ceux qui sont inscrits dans le PLFSS : « veiller à l’équilibre financier » de cette branche – cet objectif numéro un fait rêver –, « piloter et assurer l’animation et la coordination, dans le champ des politiques de soutien à l’autonomie », « contribuer  [...] au financement de la prévention de la perte d’autonomie », « contribuer à l’information des personnes âgées, des personnes handicapées et de leurs proches aidants », « contribuer à la recherche et à l’innovation dans le champ du soutien à l’autonomie ».

Je considère que tout cela n’est pas à la hauteur. Comme je le craignais, l’ambition politique n’est pas au rendez-vous.

M. Thibault Bazin. La couverture de ce cinquième risque est attendue depuis longtemps, et vous faites croire à nos compatriotes que le problème est résolu. La communication gouvernementale a fait valoir une création « historique » ! Or créer une branche sans lui donner la sève qui lui permettra de vivre, c’est un problème !

De plus, la question de l’équilibre et du champ de compétence, en la matière, se pose toujours, à moins de vouloir déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le risque est grand, en l’occurrence, de faire un faux départ. Ce n’est pas dans quinze ans que les besoins seront criants en matière d’autonomie : ils le sont déjà. Se donne-t-on les moyens de couvrir ce risque à partir d’objectifs que nous fixons maintenant ou bien en appelle-t-on au contexte – la covid-19, les difficultés budgétaires... ? Dans ce cas-là, je ne suis pas persuadé qu’il soit opportun de dire que vous créez cette branche sans la créer vraiment. Si nous le faisons, faisons-le réellement et fixons des objectifs, sinon, cela n’aura pas de sens !

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. On peut toujours avoir un œil critique : rien n’est parfait. Nous travaillons depuis deux ans au projet de loi sur l’autonomie et le grand âge ; il y a eu le rapport Libault, une réflexion de fond a été menée, etc. Maintenant, nous sommes sur la dernière ligne droite, majorité et oppositions attendent d’interpeler le Gouvernement sur un texte qui ne saurait tarder à être présenté. Tous ces travaux ont permis de montrer à nos concitoyens que la réflexion est solide, que le projet de loi sera concrétisé, et que nous en posons en ce moment la première pierre, même s’il n’est pas encore formalisé.

La question de la gouvernance, en particulier, est complexe, les enjeux sont nombreux et de toutes sortes, y compris politiques. Nous avons donc besoin de temps – le rapport Libault préconise d’ailleurs des expérimentations. La CNSA connaît déjà ses missions – information, coordination, supervision – et il convient maintenant de lui donner les moyens financiers lui permettant de continuer à les assurer, puis, d’aller ensuite plus loin dans la déclinaison et la répartition des rôles de chacun.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Tout le monde souhaite la création de cette cinquième branche.

Je rappelle que la création de la sécurité sociale, en 1945, ne s’est pas faite en six mois mais qu’il a fallu quatre ans : d’abord, l’assurance maladie, puis l’assurance retraite... Et vous voudriez que nous créions cette cinquième branche en trois mois ? Non !

J’entends les oppositions : selon M. Grelier, le projet est vide, selon M. Dharréville, tout est déjà écrit. Nous devons surtout le construire peu à peu : la cinquième branche a été créée en juillet, nous commençons à la financer, et la grande loi sur l’autonomie et le grand âge qui sera discutée dans quelques mois permettra de parachever ce financement. Tout ne peut pas se faire en quelques mois, même si je comprends votre impatience.

Mme Annie Vidal. Nous regrettons tous que cette loi sur le grand âge et l’autonomie ne soit pas encore inscrite à notre agenda parlementaire, pour autant, la politique de l’autonomie ne saurait être décidée subrepticement aujourd’hui : elle a été définie dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement et force est de constater qu’elle mérite d’être confirmée et renforcée.

Nous connaissons les points d’achoppement, qui concernent essentiellement la gouvernance et le financement.

La création de cette cinquième branche témoigne de notre volonté de renforcer la politique de l’autonomie. Nous reconnaissons ainsi le risque de la dépendance à part entière ainsi que sa prise en charge, pour partie, par la solidarité nationale, en adéquation avec la transition démographique engagée – le choc démographique se produira en 2030, autant dire, demain. Nous posons donc des fondations, et j’ai du mal à entendre parler de « coquille vide ».

M. Paul Christophe. M. Bazin affirme que nous créerions cette branche sans la créer. Il ne faut pas tromper les Français ! Au mois de juillet, nous avons balisé un chemin vers la création de cette cinquième branche et la prise en compte de ce risque.

Ce balisage reposait sur une loi organique et sur une loi ordinaire offrant les conditions pour que ce PLFSS s’enrichisse d’éléments permettant de faire vivre cette branche. La troisième étape, c’est celle de la fameuse loi évoquée par Mme Vidal. Nous ne savons pas comment elle s’intitulera au final mais j’appelle votre attention : l’autonomie concerne certes le vieillissement mais, aussi, le handicap ; la dépendance est une perte, mais l’autonomie est un gain.

Nous poursuivons notre engagement à procéder par étapes, en trois séquences. Ce PLFSS valide la deuxième. Quelle perte de temps si nous avions commencé par la loi sur le grand âge et l’autonomie pour attendre ensuite le PLFSS 2022 ! Nous validons des éléments stratégiques en rapport avec cette loi, et cette « préemption » a tout son sens dans le cadre du travail parlementaire.

Mme Véronique Hammerer. Cet amendement a toute sa place dans la loi sur le grand âge et l’autonomie. Il est vrai que nous procédons d’une manière qui n’est pas tout à fait normale, mais sans doute parce que nous faisons de la politique autrement.

Mme Iborra a peut-être raison, nous aurions pu commencer par l’examen de ce projet de loi. Nous avons toutefois commencé par les fondations en posant le principe de la création de la cinquième branche, puis, ce PLFSS construit les murs et le toit et, ensuite, la loi aménagera l’intérieur de la maison.

Profitons donc de ce moment en effet historique pour donner du contenu à ce PLFSS et, ensuite, disposer d’une loi qui en soit à la hauteur !

Mme Jeanine Dubié. Je ne dis pas que rien n’est fait. Tel qu’il est rédigé, l’article L. 14-10-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que la CNSA a pour missions « de contribuer au financement de la prévention et de l’accompagnement de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domicile et en établissement, ainsi qu’au financement du soutien des proches aidants, dans le respect de l’égalité de traitement des personnes concernées sur l’ensemble du territoire ».

Avec le 3° de l’article 16, vous avez changé l’ordre des mots mais vous dites exactement la même chose. Si cette cinquième branche doit avoir du sens, ce n’est pas « contribuer au financement » qu’il conviendrait d’écrire, mais « financer ». C’est cela, la différence importante, la prestation universelle attendue par tous, le financement à caractère national !

En l’occurrence, le dispositif reste le même, avec des contributions variables des départements et avec des plans d’aide élaborés, non en fonction de la situation des personnes, mais des capacités financières des départements.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. M. Dharréville, notamment, s’est interrogé sur l’équilibre financier de cette branche. La question se pose pour toutes les caisses nationales de sécurité sociale. Cette interrogation prouve à quel point la CNSA accède au statut de caisse, ce qui renforce ses prérogatives et ses missions.

De plus, le droit universel aux soins, par exemple, ne fait pas partie des missions de la Caisse nationale d’assurance maladie et il n’est pas étonnant que le droit universel à l’autonomie ne figure pas parmi celles de la CNSA. Nous avons configuré et défini les missions de cette nouvelle branche sur le même modèle que celui des autres branches, ni plus ni moins, ce qui me semble assez cohérent avec ce qui a été fait il y a soixante-dix ans avec la création de la sécurité sociale.

Enfin, concernant la question de l’équité, je vous renvoie notamment aux alinéas 5 et 6 de cet article, où figure respectivement la garantie de l’équité et d’une « répartition équitable ». L’équité est donc bien au cœur des missions de la CNSA.

En effet, madame Dubié – je vous renvoie aux annexes du PLFSS – la CNSA finance les dépenses en faveur du soutien à l’autonomie à hauteur de 52 %, contre 49 % avant la création de la cinquième branche et, comme vous le savez, les départements, l’État et d’autres branches de la sécurité sociale participent également à ce financement. La loi sur le grand âge et l’autonomie entraînera des évolutions mais la situation actuelle est ainsi.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS912 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. À l’alinéa 5, cet amendement vise à substituer aux mots « l’équité et l’efficience » les mots « l’égalité et la qualité ». Le terme « égalité » figure d’ailleurs dans le texte en vigueur, tel que l’a cité Mme Dubié.

L’équité et l’égalité, ce n’est pas tout à fait pareil. Cet amendement a le mérite de la cohérence puisqu’il est conforme, peu ou prou, aux objectifs fixés par le rapport Vachey. L’équité et la simplification y figuraient-elles ? Ces objectifs me paraissent très insuffisants.

Je confirme à Mme Hammerer que nous faisons de la politique autrement, mais je ne m’engagerai pas dans de trop longues démonstrations.

Enfin, ces amendements ne visent pas à repousser ce projet aux calendes grecques : il s’agit, au contraire, d’acter dès aujourd’hui un certain nombre de choses. Je ne vois pas ce qui pourrait nous retenir de le faire, car nous devons afficher le plus rapidement possible des objectifs ambitieux.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. La mention de l’équité me paraît plus adéquate que celle d’égalité, car elle correspond à des besoins singuliers et personnels, les personnes en perte d’autonomie vivant des situations différentes. Tel est également le cas des personnes bénéficiant d’une prestation comme l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) : personnalisées, celles-ci ne sont pas égales mais équitables.

Je ne crois pas que l’efficience et la qualité soient incompatibles. La première consiste à délivrer le meilleur service possible en fonction des moyens dont on dispose. Il est vrai que, dans l’actualité récente, la notion d’efficience a parfois été associée à une baisse des moyens – et c’est cette efficience « par le bas » qu’il faut éviter – mais il est possible de rendre une action plus efficiente en améliorant la qualité du service rendu. C’est d’ailleurs l’ADN même de la sécurité sociale, qui publie chaque année des programmes de qualité et d’efficience.

La notion de qualité étant intéressante, je vous propose de retravailler votre amendement, monsieur Dharréville, et de le défendre en séance publique en y associant celles de l’efficience et de l’équité, sans la notion d’égalité.

M. Thibault Bazin. Les amendements de notre collègue Dharréville soulèvent de bonnes questions.

J’ai bien compris que nous discutions d’un PLFSS, mais c’est vous qui y avez inclus un article sur la gouvernance de la branche autonomie. J’ai relu vingt fois cet alinéa 5 et j’ai du mal à comprendre où vous voulez en venir. « Piloter et assurer l’animation et la coordination » des acteurs, cela se fera-t-il sur le plan national ? Qu’en sera-t-il, dès lors, des conseils départementaux, qui sont aujourd’hui leurs principaux interlocuteurs ?

Vous évoquez également les « systèmes d’information ». Cela signifie-t-il qu’il en sera avec la branche autonomie comme avec le handicap, où nous ne parvenons pas à connaître les besoins sur le plan national ? J’ai besoin de comprendre, car la sémantique a des incidences pratiques. Plusieurs systèmes d’information seront-ils utilisés ou bien un seul ? J’espère que les amendements qui s’imposent seront recevables d’ici à la séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS1029 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Après le mot « équité », nous souhaitons préciser « notamment territoriale ». La CNSA ayant pour mission de garantir l’équité ou l’égalité et l’efficience de la prise en charge des publics concernés, il conviendra de revoir la gouvernance locale de la politique de l’autonomie ou, à tout le moins, d’en débattre dans le cadre de la future loi sur le grand âge et l’autonomie.

Avec l’ensemble des personnels et de nos concitoyens, nous constatons des inégalités départementales et infra-départementales en raison de choix politiques légitimement différents, mais aussi de ressources inégales.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Vous avez raison, cette question d’équité territoriale est bien au centre de nos discussions car, comme vous l’avez rappelé, les départements n’ont pas la même politique en matière d’autonomie, ce qui explique une partie des différences entre eux.

Cette question fera bien partie des missions d’animation et de coordination des acteurs que vous avez évoquées, monsieur Bazin, mais une telle précision me paraissant pertinente, je suis favorable à l’adoption de l’amendement de Mme Iborra.

M. Thibault Bazin. Prenons garde à ce que nous sommes en train de faire !

Si les dotations varient selon les territoires, dont les politiques sont diverses, la comparaison sera-t-elle fonction des revenus ou des actions menées ? Les prises en charge de la perte d’autonomie étant variables, quel sera le mètre étalon de la CNSA ? Je pense, quant à moi, que l’autonomie relève de la solidarité nationale et je ne vois pas quel sera le fonctionnement de la CNSA à partir de cette notion d’équité territoriale. Quel en sera le critère ? La prise en charge de l’autonomie risque d’être à plusieurs vitesses alors que, collectivement, nous ne le voulons pas.

Cet amendement révèle l’une des failles de votre projet. Il convient d’abord de définir des objectifs sur le plan national avant d’en écrire les déclinaisons. On a presque l’impression qu’il y aura des appels à projets !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS927 de Mme Stéphanie Atger.

M. Thierry Michels. Dans le cadre de la création de la cinquième branche, la CNSA se voit confier de nouvelles missions, notamment dans les champs de l’animation, de la coordination mais aussi de l’information. Cet amendement vise à préciser son action en lui confiant la mission de coordonner les politiques de la bientraitance et du respect des droits des personnes âgées et des personnes handicapées. Elle pourra ainsi s’appuyer sur la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, installée le 19 mars 2018 dans le cadre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement.

La maltraitance est une réalité pour de nombreuses personnes âgées dépendantes, mais aussi pour celles souffrant d’un handicap psychologique, physique ou financier. En 2019, la plateforme 3977 a reçu 25 000 appels. Le dispositif national a documenté plus de 4 200 situations de maltraitance, qui ont donné lieu à 28 000 interventions d’accompagnement et à 6 000 actions individuelles.

Il est donc urgent que les pouvoirs publics, à travers la CNSA, se saisissent pleinement de cette question, qui pourra intégrer la formation des personnels, en lien avec les personnes dépendantes.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. La promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance sont forcément des objectifs prioritaires mais ils me semblent satisfaits. Cet article, en effet, permet également de rationaliser et de recentrer les missions de la CNSA autour de six axes stratégiques en lieu et place des dix-sept missions qui lui ont été confiées depuis sa création en 2004 et qui étaient, en fin de compte, source de confusion.

Plusieurs alinéas de cet article concernent la bientraitance, dont l’expertise et la formation mentionnées à l’alinéa 5. Si M. Dharréville soutient en séance publique un amendement mentionnant la notion de « qualité », la bientraitance en fera partie d’une manière encore plus large.

Avis défavorable ou demande de retrait.

Mme Annie Vidal. Je profite de cet amendement pour signaler les travaux du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge qui, sous les auspices de Mme la ministre Buzyn et de Mme la secrétaire d’État Cluzel, a missionné l’an dernier M. Piveteau pour rédiger un rapport sur cette question de la promotion de la bientraitance.

Nous sommes dans la deuxième phase des travaux, consistant à définir ce qu’est la maltraitance et à proposer des actions ciblées en fonction de sa typologie. Nous nous inscrivons donc dans une démarche « qualité » sous le principe de la conférence de consensus, la première ayant eu lieu il y a quinze jours.

Mme Caroline Fiat. Mme la rapporteure a parlé de formation et de qualité. Je tiens à rappeler que les professionnels de santé qui travaillent auprès des personnes âgées ou handicapées disposent déjà d’une très bonne formation et que la définition de la qualité repose déjà sur un grand nombre de critères.

Pour faire face à la maltraitance institutionnelle, nous manquons de moyens, souvent humains. Dans un rapport que Monique Iborra et moi-même avons rendu en mars 2018, nous avons proposé la définition d’un ratio minimal permettant aux professionnels de travailler correctement. Il est regrettable que cela ne figure pas dans le PLFSS.

M. Brahim Hammouche. Dans mon rapport budgétaire pour avis sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, il y a deux ans, j’avais appelé l’attention sur la promotion de la bientraitance, notamment la lutte contre la maltraitance, en particulier institutionnelle.

Nommer les choses permet au moins de définir une orientation, qui dépasse très largement les critères de qualité ou d’orientation budgétaire, et constitue un véritable repère pour les professionnels, leur permettant ainsi de prévenir le burn out lorsque survient une dissonance entre les valeurs d’un métier et ce que peut être la réalité du terrain, dans l’urgence et le manque de moyens.

Les mots sont aussi un remède, tout comme la libération de la parole, afin de préserver ces professionnels d’une maltraitance insidieuse ou parfois même explicite.

Cet amendement va dans le sens de la qualité et du sens des actions menées quotidiennement.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine les amendements identiques AS314 de M. Charles de Courson, AS407 de Mme Jeanine Dubié et AS916 de M. Pierre Dharréville.

Mme Jeanine Dubié. Par les amendements AS314 et AS407, nous souhaitons ajouter aux missions de la CNSA l’accompagnement et l’appui aux maisons départementales de l’autonomie (MDA) ainsi que l’évaluation de leur contribution à la politique de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées. Cet aspect paraît avoir été oublié.

M. Pierre Dharréville. Je suis également attaché à la définition précise des missions de la CNSA.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. L’article 16 simplifie et renforce les missions de la CNSA en remplaçant les dix-sept missions prévues par six axes. Ils recouvrent la bientraitance et l’animation et la coordination des acteurs qui concourent au soutien à l’autonomie, dont font partie les MDA. Comme le propose le rapport Vachey, le rôle qui leur sera confié par le futur projet de loi sur le grand âge et l’autonomie devra aller plus loin.

Ces amendements étant satisfaits par l’alinéa 5, je suggère leur retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle examine ensuite l’amendement AS809 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Nous souhaitons préciser que la CNSA doit veiller à assurer « une offre complète, équitablement répartie entre tous les territoires y compris les outre-mer ».

Les outre-mer font partie du territoire de la République, mais il est très souvent nécessaire de prévoir des adaptations aux lois que nous votons. C’est pourquoi les députés ultramarins demandent que ces territoires soient expressément mentionnés chaque fois que c’est possible.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Je crains que votre amendement n’ait l’effet inverse de celui que vous recherchez. Bien évidemment, le territoire national inclut les outre-mer. Et la notion de répartition équitable vise à prendre en compte la situation de chaque territoire, y compris ultramarin.

Par ailleurs, la rédaction de votre amendement introduirait un contresens puisque son adoption aboutirait à charger la CNSA de « contribuer, en assurant une offre complète », ce qui est contradictoire.

Avis défavorable.

Mme Justine Benin. Les outre-mer font partie de la République, une et indivisible, mais comme tous les députés qui connaissent bien ces territoires, je sais qu’il faut souvent y faire des adaptations, prévoir des ordonnances ou insérer des dispositions spéciales dans les projets de loi. À défaut, l’équité n’est pas assurée.

M. Thibault Bazin. Lorsque Mme Iborra a fait la même proposition dans un amendement précédent, la rapporteure l’a acceptée. L’argumentaire pour rejeter cet amendement correspond exactement à l’alerte que j’ai lancée concernant celui de Mme Iborra. Je suis très inquiet de ce que recouvre le projet pour la branche autonomie.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS913 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Les personnes en perte d’autonomie et leurs proches aidants sont démunis face à la complexité des démarches administratives. La création d’un service numérique n’apparaît pas suffisante pour assurer l’accès à l’information et aux droits. Le Défenseur des droits a d’ailleurs dénoncé dans plusieurs de ses rapports la numérisation à outrance de l’accès au droit. Le confinement a permis de constater les effets dévastateurs de la fracture numérique. La dématérialisation des démarches administratives risque de renforcer les inégalités d’accès aux droits sociaux.

L’accès à l’information ou aux droits en matière d’autonomie requiert, de manière complémentaire, la mise en place d’un guichet unique, physique, comme le recommande le rapport Libault de mars 2019. Ce guichet unique pourrait être déployé dans chaque département, en remplacement des dispositifs actuels. Le numérique peut être un outil utile pour répondre aux besoins, mais il ne doit pas être le seul.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Vous avez raison, l’information ne peut se réduire aux services numériques. Nous ne sommes pas entrés dans le détail de la mise en place de cette nouvelle branche à l’échelon local. Nous aurons à trancher sur certaines pistes avancées par le rapport Vachey lors du « Laroque de l’autonomie » et des débats sur le projet de loi « Grand âge ». Il est prématuré de prévoir un guichet unique au niveau départemental, alors que nous n’avons pas défini le rôle spécifique des départements, des ARS et de la CNSA.

Mme Delphine Bagarry. Le guichet unique me semble pouvoir être prévu dès ce stade ; il existe déjà pour les MDPH. La proposition de M. Dharréville ne met pas en concurrence les services numériques et le guichet unique, il faut les deux. Vous êtes d’accord sur ce point, il sera prévu dans le projet de loi sur l’autonomie : pourquoi ne pas le mentionner dès maintenant ?

M. Pierre Dharréville. J’entends qu’il y a problème de calendrier. Reste qu’il y en a aussi avec la rédaction proposée, aux termes de laquelle la CNSA est chargée de « contribuer à l’information [...], notamment en créant des services numériques ». Cette formule fait craindre que les efforts se concentrent sur ces services numériques, ce qui n’est pas satisfaisant. Il faut modifier cette rédaction pour imposer la présence de femmes et d’hommes capables de répondre et d’accompagner les démarches.

Mme Annie Vidal. La stratégie interministérielle de mobilisation et de soutien aux proches aidants a été mise en place au mois d’octobre de l’année dernière. Son comité de suivi s’est réuni pour la première fois il y a quinze jours.

L’un de ses axes est de simplifier les démarches administratives des proches aidants de personnes âgées et handicapées en leur donnant accès à une plateforme téléphonique : 0800 360 360. C’est une plateforme de renseignement et d’orientation qui offre un conseil individualisé. La mise en place d’un guichet unique au niveau départemental entrerait en compétition avec des solutions de cette nature, nées de la concertation.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je partage l’inquiétude de M. Dharréville. Ne mentionner que les services numériques peut laisser sous-entendre que les autres ne sont pas indispensables. La loi est parfois bavarde, peut-être ne l’est-elle pas assez en l’occurrence. Nous pourrions sous-amender sa proposition pour que la mise en place du guichet unique ne soit qu’une éventualité, mais n’omettons pas l’aspect humain. Le guichet unique correspond aux maisons de l’autonomie, dont le développement est recommandé. Peut-être commettrions-nous une faute en ne le précisant pas.

M. Paul Christophe. Je partage la préoccupation de la dimension humaine de nos politiques, mais le terme de guichet unique ne me convient pas. Le département du Nord s’étend tout en longueur, imposant de multiplier les MDPH pour assurer une proximité suffisante avec les usagers. L’idée est bonne et correspond à notre philosophie, mais cette rédaction me pose un problème.

M. Bernard Perrut. Dans nombre de villes et de départements, il existe déjà un guichet unique. Ce terme doit être compris dans un sens général, il ne s’agit pas d’une structure unique, mais d’une organisation permettant un maillage adapté à l’importance du département et aux bassins de vie. Une réflexion analogue est menée au niveau de l’État, avec l’organisation des maisons de services au public. Adoptons une vision plus large, mais en affirmant notre attachement à la dimension humaine, au contact, afin de permettre l’accueil des personnes âgées dans des lieux clairement identifiés et répartis sur le territoire.

M. Brahim Hammouche. Nos dispositifs doivent être élaborés au service des usagers et offrir un accompagnement aux personnes qui souffrent d’une perte d’autonomie physique ou psychique. Un guichet ou un référent unique permettrait de naviguer entre tous les dispositifs existants. Les maisons France Services pourraient héberger un référent disponible pour rencontrer les personnes et les accompagner au plus près de leurs besoins. Les services numériques sont froids, il est parfois nécessaire d’apporter de la chaleur et d’installer des rapports dans la durée.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. L’utilité d’un lieu d’accueil unique est évidente. Nous sommes nombreux à avoir accompagné un proche en perte d’autonomie, et nous avons constaté la complexité des démarches, qui renvoient d’un guichet à l’autre.

Le terme de guichet n’est peut-être pas adéquat, la notion d’accueil est peut-être préférable, mais si le projet de loi entre dans les détails, il ne faut pas mentionner les seuls services numériques.

Mme Jeanine Dubié. N’oublions pas les centres locaux d’information et de coordination. Ils ne sont pas déployés dans tous les départements, mais ils abritent souvent des représentants des MDA.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS37 de M. Patrick Hetzel et AS99 de Mme Marine Brenier.

M. Bernard Perrut. L’article 16 met fin à l’affectation par la loi des recettes de la CNSA à certaines dépenses. Il se fonde sur les recommandations du rapport Vachey, selon lequel le principe d’encadrement de l’affectation des recettes aux sections fait obstacle aux possibilités de réallocation entre sections.

Plusieurs sections étant alimentées par différentes recettes, le calcul du volume global attendu pour chaque section est une addition d’hypothèses de rendements et d’hypothèses d’affectations. Cet encadrement ne permet pas de sanctuariser des financements, puisqu’il est fondé sur des fourchettes larges ou des seuils faibles d’affectation de recettes aux sections, des arrêtés déterminant les répartitions des recettes entre sections. Tout cela est bien complexe !

Le principe d’équivalence entre les ressources allouées au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la PCH ainsi que les montants de ces concours rendent impossible un prélèvement sur fonds propres pour maintenir leur niveau en cas de baisse des recettes propres.

Toutefois, l’alinéa 9 rétablit une limite à l’affectation des recettes de la CNSA au financement de l’APA. Au vu des évolutions démographiques, cette limitation semble incompréhensible et incohérente avec la structure d’ensemble du budget de la caisse. Notre amendement AS37 propose donc la suppression de l’alinéa 9.

Mme Isabelle Valentin. Cet article, qui s’appuie sur les propositions du rapport Vachey, va dans le bon sens. Il vise à restructurer le budget de la CNSA en mettant fin à l’affectation par la loi de ses recettes à certaines dépenses.

Mais le dispositif demeure incompréhensible, notamment pour les fédérations professionnelles hospitalières. Il rétablit une limite aux affectations des recettes de la CNSA au financement de l’APA. L’amendement AS99, au vu des évolutions démographiques et de la manière dont le budget de cette CNSA va être structuré, considère qu’il semble plus judicieux de supprimer cette restriction.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Vous proposez de supprimer le plafonnement des concours APA de la CNSA.

Toutefois, votre dispositif supprime l’alinéa qui porte sur la dernière mission de la CNSA, à savoir : « contribuer à la réflexion prospective sur les politiques de l’autonomie et proposer toute mesure visant à améliorer la couverture du risque ». Vous visiez plutôt les alinéas 37 et 38, qui fixent le montant du concours APA que verse la CNSA aux départements.

Le dispositif de votre amendement ne correspond pas à votre intention, et il aurait dû être jugé irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution.

M. Thibault Bazin. La réponse de la rapporteure porte sur la forme, pas sur le fond. Nous avons reçu le projet de loi mercredi et nous devions déposer les amendements en moins de deux jours : il a fallu faire rapidement. Nous pourrons proposer une nouvelle rédaction en séance publique.

L’exemple des allocations individuelles de solidarité dans les départements montre que l’État ne compense pas totalement les dépenses. Sommes-nous assurés que l’État financera en totalité les dépenses liées à l’autonomie, et ne se contentera pas de contribuer au financement ? Au regard des évolutions démographiques, il faut savoir si des limites seront posées à l’affectation des recettes de la CNSA au financement de l’APA. Cette question n’est pas facile, mais elle est fondamentale : les besoins seront-ils suivis ?

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Le financement de la branche, qu’il s’agisse du budget de la CNSA ou des concours de la CNSA aux dépenses supportées par les départements, ne peut pas être résolu sans aborder la question des recettes. Le traitement médiatique et l’accueil des propositions du rapport Vachey ont démontré la difficulté de la question. Faut-il augmenter les prélèvements obligatoires, faire porter l’effort sur les ménages, les entreprises, les retraités ou les actifs ?

Nous ne pourrons faire l’impasse sur ce débat si nous voulons apporter un soutien ambitieux à la perte d’autonomie, mais cet amendement n’y contribue pas, d’autant qu’il ne vise pas le bon alinéa.

M. Thibault Bazin. Votre aveu montre le défi que nous devons relever en discutant ce PLFSS. La méthode interroge. Lorsque nous avons débattu du projet de loi sur les retraites, le financement n’était pas prévu, et le projet a finalement été repoussé.

Une fois encore, on crée des règles de gouvernance sans connaître le mode de financement de la réforme. Or il aura des conséquences sur la gouvernance, donc sur les limites et les affectations. Vous vous engagez donc à adopter un PLFSS rectificatif si les termes sont modifiés par la loi « Grand âge ».

La commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS414 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Nous proposons d’élargir les missions de la CNSA, pour renforcer la cohérence entre les politiques de santé et d’accès aux soins, et de prévention de la perte d’autonomie, en particulier par une prise en charge améliorée à domicile.

Le traitement à domicile permet une réduction du fardeau de la pathologie et s’insère mieux dans la vie quotidienne des personnes âgées. Le développement des soins à domicile, enjeu majeur pour le système de santé, trouverait ainsi une traduction concrète dans les politiques de prévention de la perte d’autonomie.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. On ne peut que partager vos objectifs : réduire les inégalités, dans un souci d’équité, favoriser la politique de prévention de la perte d’autonomie et développer l’accompagnement à domicile.

Nous avons souhaité simplifier les missions de la CNSA. La rédaction précédente en fixait un trop grand nombre, au détriment de leur lisibilité. Votre amendement est satisfait, notamment par l’alinéa 6, qui prévoit que la CNSA contribue aux actions de prévention de la perte d’autonomie et mentionne les établissements et les services, parmi lesquels figurent les services d’aide à domicile.

N’alourdissons pas la rédaction de cet article, dont l’objectif est de simplifier la version précédente.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements AS601, AS810 et AS811 de Mme Justine Benin.

Mme Justine Benin. Le groupe MoDem et Démocrates apparentés souhaite rappeler l’importance d’associer tous les usagers à la gouvernance des politiques dédiées à l’autonomie et au grand âge, tant au niveau local que national.

L’amendement AS601 ajoute aux missions de la CNSA la nécessité d’assurer la démocratie sanitaire et d’associer des représentants d’usagers dans les processus de décision et d’évaluation.

L’amendement AS810 a pour objectif de réaffirmer l’importance d’une coordination entre les différents acteurs du grand âge et de la dépendance, dans le domaine sanitaire, médico-social et social, et dans tous les territoires.

L’amendement AS811 ajoute aux missions de la CNSA la valorisation des carrières et des métiers des professionnels de la dépendance et de l’autonomie. La crise que nous traversons a confirmé cette nécessité, c’est d’ailleurs l’objectif de la création de la cinquième branche et du projet de loi à venir sur le grand âge et l’autonomie. Cette ambition doit figurer dans cet article, afin que la CNSA soit pleinement compétente pour travailler à l’amélioration et à la valorisation des métiers du grand âge et du handicap.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Concernant l’amendement AS601, la notion de démocratie sanitaire ne me semble pas appropriée, car il concerne plutôt le secteur médico-social. Par ailleurs, les associations sont représentées au sein du conseil de la CNSA et au niveau des MDPH. Je suggère son retrait, sinon avis défavorable.

L’amendement AS810 fait doublon avec l’alinéa 5, qui charge la CNSA d’assurer l’animation et la coordination des acteurs participant à la mise en œuvre des politiques de soutien à l’autonomie au niveau national. La dimension locale évoquée dans l’amendement n’y figure pas, car la gouvernance et les modalités de déclinaison locale ne sont pas encore totalement définies.

L’amendement AS811 met l’accent sur une question cruciale. La revalorisation des métiers du grand âge a été proposée dans le rapport El Khomri, et c’est une volonté partagée au sein de la majorité. Je vous rejoins totalement sur le fond, tout en étant sensible à la volonté du Gouvernement de recentrer l’article sur les missions de la CNSA. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

Mme Justine Benin. Pensez-vous qu’il soit possible de retravailler l’amendement AS810 en vue de la séance, s’il n’est satisfait qu’au niveau national ?

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Il est satisfait à l’échelon national, mais au plan local, nous ne pouvons pas encore arbitrer. Il faut attendre le résultat des concertations avec les ARS et les conseils départementaux. Je demande donc son retrait, ou avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements AS601 et AS810.

Puis elle adopte l’amendement AS811.

Elle examine ensuite l’amendement AS1042 de Mme Annie Vidal.

Mme Annie Vidal. Je propose d’accroître les modalités de prise en charge à domicile. En améliorant la cohérence entre la politique d’accès aux soins et la politique de prévention de la perte d’autonomie, il est possible d’accentuer le recours à des techniques de soins servant l’objectif de la nouvelle branche autonomie.

Le traitement à domicile permet, dans de nombreuses pathologies, de réduire le fardeau de la pathologie et aide à une meilleure insertion dans la vie quotidienne, familiale et sociale des personnes âgées et handicapées. Le développement des soins à domicile étant un enjeu majeur du système de santé français, il devrait trouver une traduction concrète dans les priorités des politiques publiques de prévention de la perte ou du manque d’autonomie.

Élargir les missions de la CNSA encourage un tel alignement en inscrivant dans la loi ce principe de cohérence.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Cet amendement est déjà satisfait par l’alinéa 6, qui mentionne les services, dont les services à domicile, ainsi que les politiques de prévention et de réduction des inégalités d’accès aux soins.

Mme Annie Vidal. L’adoption de cet amendement adresserait un signe fort aux acteurs des services à domicile, en reconnaissant leur rôle et leur investissement dans la prise en charge des personnes âgées ou handicapées.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS254 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Nous proposons de créer une nouvelle contribution affectée à la CNSA. Il est urgent de créer une nouvelle ressource pour la branche autonomie : aucun financement nouveau n’est prévu avant 2024.

L’amendement crée une contribution au taux de 1 % sur les successions et donations dont l’actif successoral net est supérieur à 150 000 euros. Le rapport Libault préconise de commencer à financer cette branche, à hauteur de 6,5 milliards d’euros, dès 2024. La mesure que nous proposons y contribue.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Le financement de l’autonomie relève d’un débat d’ensemble. Instaurer une taxe sur les successions ne permettra pas de le résoudre de manière durable et complète. Les Français devront être consultés, et il ne semble pas pertinent de décider de cette taxe avant les débats du « Laroque de l’autonomie ».

Mme Jeanine Dubié. Vous avez compris qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Nous ne pouvons pas continuer de la sorte : il nous faut trouver d’autres sources de financement. La taxation sur les successions peut être une solution, car elle ne pèse pas sur les revenus du travail et procède d’une logique d’universalité.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques AS68 de M. Bernard Perrut, AS216 de M. Thibault Bazin, AS321 de M. Charles de Courson, AS678 de Mme Josiane Corneloup, AS758 de M. Boris Vallaud, AS886 de M. Jean-Carles Grelier, AS897 de Mme Agnès Firmin Le Bodo et AS917 de M. Pierre Dharréville.

M. Bernard Perrut. Le PLFSS prévoit de transférer l’AEEH à la branche autonomie, l’idée étant de simplifier les démarches des familles en poursuivant le rapprochement entre cette allocation et la PCH. Nombre d’associations n’y sont pas du tout favorables.

L’AEEH, comme d’autres dispositifs, est une allocation familiale qui correspond à une situation de la famille. Elle est composée d’une allocation de base et de compléments. Pour la partie base, il serait cohérent qu’elle demeure au nombre des prestations familiales. Pour ce qui est des compléments, qui participent de besoins de compensation tels des aides humaines ou techniques, ou des frais spécifiques, ils pourraient tout à fait être transférés à la branche autonomie afin de créer une véritable PCH enfant. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a formulé à ce sujet des propositions qui n’ont pas encore fait l’objet d’une concertation ; elles ne sont, par conséquent, pas encore partagées par les associations.

C’est pourquoi cet amendement tend à supprimer les alinéas 89 et 90 de l’article 16, de sorte à différer toute décision dans l’attente de la concertation. Cette suppression doit s’accompagner de l’engagement de vous-même, monsieur le rapporteur général, et du Gouvernement, de travailler sereinement, sans bousculer les choses, dans l’intérêt des familles et des associations.

M. Thibault Bazin. En matière de définition de périmètre, nous avons besoin de savoir ce qui, demain, relèvera de la branche autonomie et ce qui relèvera de la branche famille. Lorsque, dans une famille, l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap entraîne des dépenses et une perte de salaire pour les parents qui réduisent leur activité professionnelle, il s’agit clairement d’un sujet de politique familiale.

Or pour donner corps, notamment financièrement, à la branche autonomie, vous procédez à un transfert un peu hâtif. Que faites-vous du complément de libre choix du mode de garde (CMG) majoré pour les parents d’enfants en situation de handicap, ou du bonus « inclusion handicap » dans les établissements d’accueil du jeune enfant ? Tout le champ du handicap va-t-il être totalement soustrait à celui de la politique familiale, qui se caractérise par la notion d’équité de traitement ?

On voit bien que vous ignorez quelle latitude vous laisserez aux conseils départementaux. C’est pourquoi nous proposons, en l’état, de supprimer les alinéas 89 et 90 – en espérant viser les bons – de manière à conserver à l’AEEH sa nature de prestation familiale.

La question du handicap à un âge avancé diffère quelque peu. Il faut déterminer clairement ce qui est du ressort de la branche famille et ce qui est du ressort de la branche autonomie.

Mme Jeanine Dubié. Effectivement, sur les deux composantes de l’AEEH, l’allocation de base pourrait rester une prestation familiale, tandis que les compléments, correspondant à un besoin d’aide technique ou humaine, ou à des frais spécifiques, pourraient être transférés à la branche autonomie en vue de créer une véritable PCH enfant. Cela nécessite d’avoir une réflexion et une concertation, d’où cet amendement AS321 visant à supprimer les deux alinéas concernés.

Mme Isabelle Valentin. Sujet de notre amendement AS678, la définition du périmètre, entre prestation familiale ou prestation d’autonomie, demande vraiment réflexion et peut-être même un travail au sein de notre commission.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Il faut effectivement mener une véritable réflexion sur le périmètre respectif des deux branches ainsi que sur la PCH enfant. La branche autonomie a-t-elle également vocation à accueillir l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ?

Plutôt que de faire passer l’AEEH dans la branche autonomie par une décision unilatérale, n’aurait-il pas mieux valu en discuter au préalable avec les acteurs concernés afin de rendre une telle évolution plus acceptable ?

M. Pierre Dharréville. Nous avions déjà identifié ces problèmes de contours au moment où cette branche a été symboliquement créée.

Le rapport de Laurent Vachey préconisait le transfert de l’AEEH à la branche autonomie ; l’article 16 le réalise au motif, selon le dossier de presse, qu’il « permettra de simplifier les démarches des familles en poursuivant le rapprochement entre cette allocation et la prestation de compensation du handicap ». Une telle mesure mérite une concertation approfondie avec les acteurs.

En outre, l’AEEH constitue une allocation familiale correspondant à une situation de la famille, au même titre que l’allocation famille nombreuse ou parent isolé. Ne serait-il pas cohérent de la laisser au sein des prestations familiales ?

C’est pourquoi nous proposons de supprimer ces dispositions.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. En matière d’inclusion, nous pensons qu’il faut laisser un certain nombre de prestations et de dispositifs dans le budget de l’État et dans les autres branches de la sécurité sociale. La politique familiale va conserver un certain nombre de prestations – le CMG relève ainsi d’une politique de droit commun, et est assorti d’une spécificité en cas de handicap d’un enfant de la famille. L’important, c’est de trouver un équilibre, que ces politiques de droit commun soient financées par des branches de la sécurité sociale ou par le budget de l’État, comme c’est le cas pour l’AAH ou pour d’autres dispositifs relevant de l’éducation nationale ou du logement. Reste que, dès lors que nous décidons de mettre en place une branche, donc une politique de soutien spécifique à l’autonomie, nous devons disposer d’un certain nombre de leviers pour offrir les prestations avec lesquelles nous souhaitons accompagner au mieux les personnes concernées.

S’agissant de l’AEEH, certaines associations exprimaient depuis de nombreuses années le besoin de n’avoir plus à gérer le droit d’option entre la PCH et l’AEEH, un arbitrage complexe hérité du cumul historique de prestations. Il ne s’agit pas de fusionner les deux, mais de confier la gestion de la seconde à la CNSA afin de lui permettre d’accompagner les personnes handicapées. Encore une fois, rien n’est acté à ce jour : l’articulation entre PCH et AEEH fera l’objet d’un travail avec la CNSA qui pourra la piloter – d’où l’intérêt d’un tel transfert.

Quant à dissocier l’AEEH de ses compléments, une telle évolution apporterait encore plus de complexité qu’aujourd’hui.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Nous voulons simplifier nos systèmes, les rendre plus clairs : soit l’on considère que tout ce qui touche au handicap relève de la CNSA, soit l’on considère que cela relève d’autres politiques. Il serait dommage de manquer notre objectif. J’en appelle au bon sens ! Ne commençons pas à fractionner les prestations, sinon nous n’aiderons ni ceux que nous voulons accompagner, ni ceux qui travaillent pour eux.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Madame la rapporteure, vous avez dit : nous allons intégrer tout le champ du handicap. On peut en déduire que l’AAH va suivre.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Ah non !

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Si ! Vous dites également que rien n’a encore été acté. Si c’est le cas, ne mettons pas l’AEEH dans la branche autonomie, acceptez nos amendements et travaillons avec les associations et avec les acteurs du champ du handicap.

M. Thibault Bazin. La mise en place de cette branche se fait à marche forcée, mais on ne sait pas vraiment où l’on va. Je m’inquiète pour les assurés.

Il ressort des auditions des associations – Association des paralysés de France, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, l’Union nationale des associations familiales – qu’elles sont plutôt défavorables à votre projet de reloger l’AEEH dans la branche autonomie. Elles s’inquiètent de ce qu’il puisse y avoir des perdants dans cette réforme.

On ne peut pas mettre sur le même plan l’adulte seul en perte d’autonomie et l’enfant en situation de handicap. Je crains que vous n’adoptiez une approche individualiste de l’autonomie, niant les aspects de solidarité familiale à prendre en compte lorsque, par exemple, l’un des parents réduit son activité professionnelle ou que des charges s’ajoutent à celles ordinaires du foyer.

Ce n’est pas au moment où nous complétons notre pacte social pour faire face au vieillissement de la population et à la progression de la perte d’autonomie qu’il faut risquer de faire perdre le bénéfice des avancées de notre politique familiale en matière de handicap des enfants. J’entends la volonté de simplification, mais elle me semble comporter un risque qu’il faut mesurer avec précision. La sagesse commanderait de supprimer les alinéas en cause et de retravailler le dispositif dans l’attente de la loi « Grand âge et autonomie » – n’oublions pas le petit âge et l’autonomie familiale !

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Je n’ai pas dû être assez claire puisque vous avez tous compris que l’objectif était de basculer l’ensemble du handicap dans la branche autonomie. À ce jour, il ne s’agit que d’insérer l’AEEH dans le périmètre géré par la CNSA afin de répondre à une difficulté très concrète à laquelle sont confrontés des parents lorsqu’ils doivent choisir entre l’AEEH et la PCH. Les associations font des arbitrages très compliqués et craignent leurs incidences fiscales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’IGAS a remis un rapport sur le sujet. L’idée n’est donc absolument pas de fusionner les deux, mais bien de permettre à la CNSA de résoudre cette difficulté, objectif sur lequel nous pouvons nous accorder.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis elle examine l’amendement AS915 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je ne porte pas la même appréciation que vous, madame la présidente, sur le vote qui vient d’avoir lieu : il m’a semblé favorable aux amendements.

À nos yeux, la création de la branche autonomie ne s’accompagne pas des financements suffisants pour faire face aux besoins identifiés dans le rapport Libault : 6 milliards d’euros de plus par an à partir de 2024 et 9 milliards d’euros à partir de 2030. Hors mesures issues du Ségur de la santé, les dépenses en faveur de l’autonomie progressent seulement de 1 milliard d’euros dans le cadre du PLFSS 2021.

Outre ses recettes historiques – la contribution de solidarité pour l’ autonomie (CSA) et la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie –, la branche sera bénéficiaire d’une fraction de CSG de 1,9 %, jusqu’à présent affectée à l’assurance maladie, à hauteur de 28 milliards d’euros. Ce n’est qu’à compter de 2024 qu’elle bénéficierait de financements supplémentaires correspondant à̀ la recette de CSG en provenance de la CADES, à hauteur de 2,3 milliards d’euros, suite à l’adoption de la loi du 7 août 2020 sur la dette sociale et l’autonomie.

Il en résulte que cette branche sera financée quasiment exclusivement – à 90 % – par la CSG, c’est-à-dire par les salariés et par les retraités, les employeurs ne contribuant qu’à hauteur de 6 % au soutien à l’autonomie via la CSA. J’avais posé la question au moment de la création de la branche autonomie, car ce ratio n’est pas du tout le même que celui de la branche maladie.

L’amendement vise donc à mettre plus fortement à contribution les employeurs en matière de financement de l’autonomie en relevant le taux de la CSA de 0,3 % à 0, 6 % : son rendement passerait ainsi de 2,1 milliards d’euros à 4,2 milliards d’euros par an.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Si le texte est voté, le produit de la CSG, qui provient entre autres du capital, contribuera également, à hauteur de 2,6 milliards d’euros en 2021, au financement de la branche autonomie. Or jusqu’à présent le capital n’y participait pas.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Il ne vous surprendra pas que je juge cette contribution modeste. J’avais d’ailleurs déposé un amendement visant à l’augmenter.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS914 de M. Pierre Dharréville et AS643 de Mme Delphine Bagarry.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’instituer une contribution de solidarité des actionnaires pour l’autonomie, au taux de 2 %, assise sur les revenus distribués au sens de l’article 109 du code général des impôts.

Mme Delphine Bagarry. Mon amendement est lié à un autre, déclaré irrecevable, qui visait à créer un fonds de réserve mobilisable dès 2024 pour répondre au besoin de financement de l’autonomie. Il vise à alimenter ledit fonds au moyen d’une contribution assise sur les successions et les donations au taux de 1 % de l’actif net taxable dès le premier euro – mais peut-être faut-il fixer un seuil, comme l’avait fait Mme Dubié.

Une telle contribution aurait trois avantages, le premier étant son produit, évalué à 3 milliards d’euros par France Stratégie. Elle installerait, en outre, une forme de solidarité immédiate entre générations et fonctionnerait selon une logique d’universalité, sans peser sur les revenus d’activité. Enfin, elle éviterait d’augmenter trop rapidement d’autres impôts ou taxes susceptibles d’alimenter la branche autonomie.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Pour les mêmes raisons qu’avancées plus tôt, je suis défavorable aux amendements concernant le financement de la branche. Nous aurons bien des occasions d’en reparler.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

La commission examine l’amendement AS154 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’exonérer les établissements publics de santé et les EHPAD publics de taxe sur les salaires, comme cela se fait déjà pour l’État et les collectivités territoriales. Alors que les personnels hospitaliers réclament de nouveaux moyens financiers et humains d’ampleur, cette mesure permettra de redéployer 4 milliards d’euros dans l’activité hospitalière dès 2021, notamment pour financer des réouvertures de lits, des embauches et des revalorisations salariales dans l’ensemble des services.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Ces exonérations sont autant de recettes de la sécurité sociale : il faudrait donc trouver à compenser ces 4 milliards d’euros.

Par ailleurs, il ne me semble pas que l’impôt soit le plus fin et le meilleur moyen d’augmenter les dépenses dans le secteur hospitalier. À cet égard, ce PLFSS marque beaucoup d’avancées au travers de dépenses ciblées correspondant à des besoins largement identifiés par le secteur.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Je m’interroge sur le sens de cette taxe qui s’apparente à une ponction de l’État sur les hôpitaux, d’autant plus surprenante au vu de la situation.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS726 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Travaillé avec un collectif de professionnels de la santé, l’amendement vise à financer la branche autonomie de la sécurité sociale au travers d’une partie des recettes de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Les exonérations décidées par le Gouvernement en 2018, 2019 et 2020 sont supportées, non pas par le budget de l’État mais par la sécurité sociale et ne sont pas compensées. Or s’agissant d’une décision prise par le Gouvernement, l’État aurait dû les compenser à la sécurité sociale. On mesure, en cette année où notre déficit cumulé avoisine les 26 milliards d’euros, l’incurie et l’amateurisme qu’elles révèlent.

Il n’est pas prévu de financement pérenne de la branche autonomie créée à l’été 2020 ; un simple redéploiement de crédits en assurerait le fonctionnement. Le rapport Libault a estimé à 10 milliards d’euros les besoins pour un financement correct de la dépendance et de la perte d’autonomie. L’amendement vise donc à affecter à la branche autonomie de la sécurité sociale, et spécifiquement à l’hôpital, les recettes supplémentaires issues de l’IFI, dont le rendement en 2020 s’est avéré deux fois supérieur aux prévisions.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Avis défavorable. Nous aborderons le financement de la branche de façon plus large, en explorant l’ensemble des pistes.

M. Joël Aviragnet. Il s’agit pourtant d’une bonne idée : j’espère que l’on s’en souviendra au moment opportun.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS253 de Jeanine Mme Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Depuis 2019, les établissements et services médico-sociaux (ESMS) associatifs et commerciaux bénéficient d’un abattement de charges pérenne de 8 % de la masse salariale. Les ESMS du secteur public sont exclus de ce dispositif, ce qui correspond à une surcharge d’environ 400 millions d’euros par an pour le secteur public.

L’amendement tend à mettre fin à cette différence de traitement en étendant cet abattement aux ESMS publics.

Mme la rapporteure pour l’autonomie et le secteur médicosocial. Comme l’exonération de taxe sur les salaires au bénéfice des hôpitaux et des EHPAD publics que proposait Pierre Dharréville, celle que vous suggérez entraînerait une perte de recettes pour l’assurance maladie et amoindrirait donc le financement de ces mêmes EHPAD.

Par ailleurs, l’allégement de cotisations d’assurance maladie en question remplace le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dont les EHPAD publics n’ont pas bénéficié puisqu’ils ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés : on ne peut donc invoquer une inégalité de traitement.

De façon plus globale, les modalités de financement des EHPAD publics et privés ne sont absolument pas comparables. On en revient, par conséquent, à la question du financement par l’assurance maladie, et donc d’un besoin de recettes permettant à celle-ci de financer les EHPAD publics.

Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Qu’ils soient publics ou privés, les EHPAD sont soumis à la même tarification ternaire : hébergement, dépendance et soins. Je peux entendre certains arguments mais pas celui-là !

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion sachève à minuit.

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