Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie) : examen et vote des crédits de la mission Cohésion des territoires (logement) (Mme Claire Pitollat, rapporteure pour avis)              2

   Information relative à la commission.......................17

   

 

 

 


Mercredi
28 octobre 2020

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 14

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente,

puis de M. Bernard Perrut, vice-président
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 28 octobre 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

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La commission procède, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360) (seconde partie) à l’examen et au vote des crédits de la mission Cohésion des territoires (Logement) (Mme Claire Pitollat, rapporteure pour avis).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, vous savez que la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion a été retenue hier soir par des échanges sur la crise sanitaire avec les partenaires sociaux, et qu’elle a donc été contrainte de repousser son audition par notre commission. Elle m’a priée de vous transmettre un message d’excuses qui vous a d’ailleurs été communiqué hier, dans la soirée, par le secrétariat de la commission – je remercie l’administration pour sa réactivité à une heure si tardive.

Comme convenu hier soir avec vous, nous nous sommes efforcés de réorganiser l’agenda de la commission, dans le respect du travail accompli par nos rapporteurs. Cet aménagement a été rendu possible grâce à la très bonne volonté de nos rapporteurs pour avis, Gérard Cherpion et Jeanine Dubié, mais aussi avec l’aide précieuse de la ministre déléguée chargée de l’autonomie, Mme Brigitte Bourguignon. Je les en remercie tous très chaleureusement.

Je vous confirme donc l’organisation dont vous avez été informés hier, en fin de soirée, par le biais d’une convocation rectifiée. L’examen pour avis des crédits de la mission Santé et l’audition de la ministre déléguée sont repoussés à ce soir, à 21 heures, ce qui nous permettra d’examiner pour avis dès 15 heures les crédits de la mission Travail et emploi et d’auditionner la ministre.

Nous entamons ce matin nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2021, en commençant par le rapport pour avis sur les trois programmes relatifs au logement au sein de la mission Cohésion des territoires. C’est d’ailleurs une nouveauté cette année : notre commission est saisie pour avis sur le volet logement de cette mission. Compte tenu de la crise actuelle et de ses répercussions sociales, il est effectivement cohérent que notre commission se prononce sur les enjeux d’accès au logement et d’hébergement des personnes les plus vulnérables.

Mme Claire Pitollat, rapporteure pour avis. Comme vient de l’indiquer Mme la présidente, c’est la première fois que la commission des affaires sociales a l’occasion de se saisir pour avis des crédits de la mission Cohésion des territoires. Je suis ravie d’être devant vous pour vous présenter mon avis sur les crédits attribués au logement. Les Français ont passé beaucoup de temps cette année dans leur logement, avec le confinement et le couvre‑feu.

Je commencerai mon propos par ce constat d’une enquête Ipsos réalisée l’été dernier, qui montre que l’appréciation de leur logement par nos concitoyens est strictement corrélée à leur niveau de revenus : plus les personnes interrogées ont des revenus modestes, moins elles ont jugé leur logement adéquat pendant le confinement. À ces inégalités se sont ajoutées les réalités vécues par les personnes sans abri ou sans habitat stable, qui ont subi de plein fouet la crise sanitaire en plus des difficultés auxquelles elles faisaient face.

Le logement est une question profondément sociale. Le logement, ce n’est pas seulement avoir un toit sur la tête, ce n’est pas seulement le lieu où les Français ont été confinés entre mars et mai 2020, ce n’est pas seulement avoir une adresse pour recevoir du courrier ; le logement, c’est surtout un droit fondamental, malheureusement encore trop partiellement appliqué.

J’ai observé attentivement l’évolution budgétaire proposée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Au terme de mon analyse, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 177, 109 et 135 de la mission Cohésion des territoires. J’expose dans mon rapport les avancées réalisées en 2020, les perspectives proposées par le Gouvernement pour 2021 et des pistes d’amélioration.

La partie thématique de mon rapport s’intéresse à deux axes en particulier.

Le premier est l’hébergement d’urgence, notamment la nécessité pour les hébergés de sortir des schémas d’urgence au profit de l’insertion dans un logement durable.

Le second axe concerne le maintien dans un logement décent et la lutte contre l’habitat indigne. Je suis élue à Marseille, une ville qui a été assez durement touchée, et il n’est pas possible de rester inactif à l’approche du deuxième anniversaire du drame de la rue d’Aubagne, qui a fait huit victimes le 5 novembre 2018.

Ces deux axes ont été choisis pour leur dimension sociale et pour leur complémentarité. Je suis convaincue qu’il ne faut plus opposer le monde de l’hébergement et le monde du logement. L’hébergement et le logement sont des vases communicants. C’est pourquoi les politiques de l’hébergement et du logement doivent être traitées de manière globale et décloisonnée, par une coordination des efforts et une mutualisation des moyens. Un seul objectif doit être poursuivi : la recherche de stabilité pour les personnes sans abri ou mal logées.

L’hébergement est traité au sein du programme 177. Il faut considérer l’hébergement dans le contexte difficile qui est celui de 2020. Je tiens d’abord à saluer le travail accompli par tous les acteurs depuis le début de la crise. Grâce à ces efforts, des milliers de personnes supplémentaires ont été mises à l’abri, les structures d’hébergement ont réalisé des aménagements pour permettre le respect des contraintes sanitaires, les services de veille sociale du 115 ont été en mesure de répondre à un nombre croissant de demandeurs, des chèques services ont été distribués à 110 000 personnes pour remplacer l’accès aux cuisines partagées ou la distribution d’une aide alimentaire.

Une fois dit cela, je dois souligner un paradoxe sur lequel tous les acteurs auditionnés étaient d’accord : alors que les crédits de l’hébergement ont constamment augmenté lors des dernières années, les besoins restent criants et les conditions peinent à s’améliorer. Ces crédits augmentent à nouveau cette année de 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Lors des auditions, j’ai entendu que l’urgence dure trop. La durée moyenne de séjour dans les structures d’hébergement est longue : elle se situe autour de treize mois.

J’ai entendu également que le nombre de places augmente mais que ce nombre n’est jamais suffisant. La crise a accentué la tendance d’accroissement des dépenses d’hébergement. Plus de 30 000 places ont été créées de manière temporaire ou pérenne.

J’ai aussi entendu que pour obtenir des résultats durables, il faut attribuer des financements aux solutions de logement pérennes. Tous les acteurs s’accordent à dire que la politique du logement d’abord est une bonne politique. Elle consiste à encourager l’accès direct à un logement stable, sans passer trop de temps dans l’hébergement. Pour ce faire, les modes de logement dits adaptés doivent continuer à être développés. Les pensions de famille et l’intermédiation locative doivent donc être encouragées. Pour accroître les chances qu’une personne se maintienne dans le logement de manière stable et pérenne et éviter ainsi tout retour dans la rue, il convient d’adapter le plus possible l’accompagnement au profil de chacun.

Concernant les personnes qui n’ont pas la chance d’accéder à un logement, j’aimerais appeler votre attention sur un point : l’accès aux droits ne peut pas être garanti si le service de domiciliation n’est pas disponible. Comment entendre lorsque l’on n’a pas de logement qu’il n’est même pas possible d’avoir accès à une boîte aux lettres ? Recevoir son courrier, c’est faire partie d’un territoire, c’est pouvoir faire valoir ses droits à des prestations sociales, c’est le premier pas vers l’autonomie. Sans cela, c’est la condamnation à l’inexistence administrative et à l’abandon social. Ce sont des mots forts, mais qui recouvrent des réalités difficiles. C’est pourquoi je me félicite des 15 millions d’euros annoncés par le Premier ministre dans le plan pauvreté afin de développer l’offre de domiciliation. Je serai vigilante quant à l’utilisation de ces fonds supplémentaires.

J’ai entendu parler, lors des auditions, de la différenciation entre les personnes à « droits complets » et celles à « droits incomplets », autrement dit les personnes en situation régulière et les personnes en situation irrégulière sur le territoire.

Pour les personnes en situation régulière, accéder au logement est un droit inscrit dans la loi de 2007 instituant le droit au logement opposable (« DALO »), mais les moyens et l’organisation manquent pour l’appliquer. Il faut encourager davantage la réhabilitation du parc existant plutôt que la construction neuve, qui n’est qu’une goutte d’eau dans le parc immobilier et mobilise pourtant beaucoup d’énergie. Il faut assurer une organisation efficace pour l’accès au logement : un bon accès aux droits, une orientation et un traitement des dossiers efficaces et un accompagnement dans le logement.

Les personnes à « droits incomplets », c’est-à-dire en situation irrégulière, sont principalement les migrants qui errent dans l’hébergement pendant des années, voire des décennies. Il faut adopter un principe de réalité, dans une coopération constante avec le ministère de l’intérieur.

J’en viens à mon second axe. Parallèlement au travail sur l’hébergement, nous devons redoubler nos efforts pour lutter contre l’habitat indigne.

Je ne m’attarderai pas sur la hausse des crédits du programme 135. Ces crédits supplémentaires seront principalement consacrés à redonner des moyens aux établissements publics fonciers, dont l’action n’est pas le cœur de ce rapport, même si je salue leur engagement en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Je regrette que l’action 03 du programme 135 ne bénéficie pas de davantage de moyens : les crédits diminuent de plus de 6 % en 2021, alors que les besoins sont criants en matière de lutte contre les risques sanitaires au sein du logement, de réalisation des travaux d’office en cas de carence du propriétaire, de relogement des occupants en cas de défaillance du propriétaire ou d’aide aux travaux pour les propriétaires modestes.

Ma conviction est qu’il faut refaire de la lutte contre l’habitat insalubre une priorité. Pour y parvenir, il faut améliorer l’information aux occupants pour lutter contre le non‑recours aux droits. Nous devons également encourager les expérimentations locatives telles que le permis de louer. Nous autorisons le diagnostic de performance énergétique (DPE) du logement : pourquoi n’assumons-nous pas de noter aussi ses performances sanitaires ?

Tout l’arsenal juridique nécessaire est désormais disponible pour faire appliquer les sanctions envers les propriétaires. La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« ELAN ») vient d’être complétée par l’ordonnance du 16 septembre 2020 précisant la réforme de la police de l’habitat. Je veillerai à ce que les sanctions soient bien appliquées aux propriétaires qui refusent de faire des travaux dans les logements locatifs indignes ou insalubres et à ce que les personnes qui se trouvent dans ces situations soient relogées.

Je terminerai mon propos en disant que l’application du droit au logement est la première condition pour réduire les inégalités sociales et garantir l’insertion dans la société. Sans logement, il est plus que compliqué de trouver un travail et d’accéder à l’autonomie. Des efforts doivent être déployés, non seulement pour l’hébergement d’urgence mais surtout pour le logement durable.

M. Dominique Da Silva. Je me réjouis que la commission des affaires sociales se saisisse de cette mission comportant des programmes dédiés au logement. Il y a là une réelle dimension sociale, sur laquelle notre commission se doit de donner un avis.

La crise sanitaire et économique que nous subissons nous impose d’être encore plus vigilants quant à la protection des publics vulnérables en matière de logement. Ainsi, nous pouvons compter sur cette mission, dont les crédits sont en hausse de 5 %.

Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables est en hausse de près de 210 millions d’euros. Il permettra notamment la création de 7 000 places d’hébergement.

Le programme 109 Aide à l’accès au logement voit ses crédits augmenter de plus de 430 millions d’euros. Cet effort sans commune mesure sera consacré aux aides personnelles, si nécessaires pour les ménages aux ressources les plus modestes.

Nous noterons également la parfaite cohérence de ces mesures avec l’acte II du plan pauvreté, annoncé récemment par le Premier ministre. La création de 1 500 nouvelles places d’hébergement, notamment pour les femmes sortant de maternité sans solution, est l’une des mesures phares.

Enfin, et puisqu’il s’agit là d’un intérêt commun et transpartisan, notons que cette mission constitue un axe fort de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Pour l’ensemble de ces raisons, et dans un souci de cohérence avec nos précédentes réformes et nos précédents travaux, le groupe La République en Marche votera les crédits de cette mission.

M. Bernard Perrut. La mission Cohésion des territoires bénéficie d’une augmentation de ses crédits pour la première fois depuis le début du quinquennat. En effet, en 2020, les crédits de cette mission avaient atteint un plancher avec plus de 2,4 milliards d’euros de baisse par rapport à 2017, ce qui témoignait, force est de le reconnaître, d’un désinvestissement massif de l’État de la politique du logement et du recours à des fonds privés pour pallier les besoins.

Cette année, les crédits du programme 109 Aide à l’accès au logement augmentent de plus de 400 millions d’euros, mais la hausse ne compense pas les trois dernières années de baisse, en particulier sur les dépenses d’intervention. L’effort de rationalisation réalisé depuis le début de la législature est à mettre en perspective avec une stratégie qui pourrait être qualifiée de défaillante en la matière, en particulier s’agissant du logement.

Je souhaite partager avec vous trois constats qui témoignent du décalage existant parfois entre les discours et la réalité. Je veux parler du rythme de construction, qui ne cesse de baisser depuis le début du quinquennat, avec des opérateurs privés aux finances exsangues, de l’envolée des prix et de l’élimination de presque tous les dispositifs utiles à l’accession, notamment dans les zones tendues : combinés au manque d’offres, ces phénomènes excluent du marché de plus en plus de nos concitoyens. On pourrait parler aussi de la rénovation thermique, qui a été parfois mal accompagnée et qui exige que l’on mette les bouchées doubles dans le plan de relance. Comment l’augmentation prévue pour 2021 – les crédits de paiement passent de 15,15 milliards à 15,99 milliards d’euros – pourra-t-elle pallier ces déficiences ?

J’aimerais vous entendre sur la ponction opérée sur Action Logement. Que répondez‑vous aux acteurs du monde HLM, qui craignent les conséquences du nouveau prélèvement de 1 milliard d’euros sur les réserves d’Action Logement, qui s’ajoute à celui de 500 millions opéré en 2020 ? Par ailleurs, le seuil d’assujettissement des entreprises a été relevé de vingt à cinquante salariés. Enfin, l’année 2021 sera marquée par la fin de la compensation par l’affectation d’une taxe spéciale sur les contrats d’assurance. Ces dispositions portent le total ponctionné par l’État dans les caisses d’Action Logement à 1,3 milliard d’euros.

Seul le volet consacré à l’hébergement d’urgence voit ses crédits augmenter réellement, puisqu’ils passent d’un peu moins de 2 milliards d’euros en 2020 à 2,24 milliards d’euros en 2021, dont 100 millions d’euros sont consacrés à la création et à la réhabilitation de centres d’hébergement d’urgence. Cela permettra d’ouvrir 7 000 nouvelles places hivernales, soit le double de l’année précédente. Je salue cet effort, mais si l’augmentation perpétuelle du nombre de places permet des mises à l’abri, celles-ci n’offrent toutefois pas de solution durable aux personnes ayant des difficultés d’accès au logement. Comment voir, à plus long terme, les hôtels mobilisés pendant le confinement représenter une alternative viable ? Il faut effectivement prendre toutes les dispositions que nous pouvons pour mettre à l’abri les personnes que l’on va retrouver, hélas ! dans nos rues dans quelques jours ou quelques semaines.

À l’instar du plan de relance, le projet de budget pour 2021 ne mentionne pas le logement neuf, alors que le secteur traverse une violente crise. Les mises en vente s’effondrent de 46,7 % au premier semestre 2020, les ventes plongent de 37,6 % au premier semestre 2020, selon la Fédération des promoteurs immobiliers. Les acteurs du secteur craignent une forte baisse de l’offre qui affecterait le marché privé, mais aussi le secteur social. Les promoteurs construisent, vous le savez, 53 % des logements sociaux en France, et la chute de la production porterait un coup sévère à un secteur dans lequel les besoins sont particulièrement élevés. Que proposez-vous pour les soutenir et quelles solutions pouvez-vous nous proposer face aux lacunes que je viens de décrire ?

Je ne doute pas de votre volonté, madame la rapporteure pour avis, d’être attentive à ce qui concerne le logement, la cohésion des territoires et l’accueil de nos concitoyens.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Notre commission est saisie pour avis de la mission Cohésion des territoires, plus particulièrement des programmes relatifs à l’hébergement, à l’accès au logement, à l’urbanisme et à l’amélioration de l’habitat. Nous remercions Mme la rapporteure pour avis de son travail de qualité.

Durant le confinement, en assurant le suivi du secteur des solidarités dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, Pierre Dharréville et moi‑même n’avions pas manqué de souligner à quel point les conditions de logement et d’hébergement étaient au cœur des difficultés subies en raison du confinement : difficultés à vivre le confinement dans des logements suroccupés ou indignes, difficultés à se nourrir convenablement quand l’hébergement ne se prête pas la possibilité de cuisiner, difficulté de se protéger de l’épidémie lorsque l’on ne dispose pas de lieu où être en sécurité.

Au cours de ma vie professionnelle, j’ai pu vérifier de manière constante que l’insertion des personnes reposait sur le travail et le logement. De l’hébergement provisoire au logement autonome, c’est toute l’offre qu’il convient de renforcer. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir que la plupart des lignes budgétaires ayant trait à l’hébergement et au logement soient en forte augmentation : hausse de 10,49 % des crédits du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, de 3,63 % des crédits du programme Aide à l’accès au logement et de 52,38 % des crédits du programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, dont 35,71 % d’augmentation pour la construction locative et l’amélioration du parc.

Toutefois, madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, en parallèle de ces engagements financiers très importants, les crédits alloués à la lutte contre l’habitat indigne enregistrent une baisse de 6,23 % ? Les mesures que vous détaillez dans votre rapport pour lutter contre l’habitat indigne vous paraissent-elles de nature à éradiquer ce fléau qui touche entre 900 000 et 1,3 million de personnes ?

M. Paul Christophe. Notre commission examine pour la première fois depuis le début de cette législature les crédits du projet de loi de finances consacrés au logement. Il est en effet judicieux de permettre aux commissaires dits sociaux d’apporter leur fibre sociale pour traiter de ces questions qui sont au cœur de la vie des Français.

Les crédits consacrés au logement relèvent des programmes 109, 135 et 177 de la mission Cohésion des territoires. L’effort financier sur le périmètre de ces programmes est réel et bienvenu, en particulier concernant le programme 177.

Les crédits du programme 109 sont en hausse de 3,6 % par rapport à l’an dernier, pour s’établir à 12,5 milliards d’euros. Ils traduisent l’engagement de l’État pour le versement des aides au logement. En outre, ils permettent l’entrée en vigueur du versement contemporain des aides personnalisées au logement (APL) début 2021. Le versement des APL avec prise en compte des ressources de l’année en cours est, sur le principe, une bonne réforme : cela va dans le sens du versement d’un juste droit et d’une prise en compte plus fine des variations des revenus. Je soulèverai néanmoins un point de vigilance sur son entrée en vigueur début 2021, car elle risque d’entraîner pour une partie des bénéficiaires une baisse du montant des aides au logement, alors que nous sommes au milieu d’une crise économique. Votre rapport évoque également un chiffre de 130 000 allocataires potentiellement concernés et précise le maintien des droits en janvier au niveau de ceux de décembre 2020. Pourriez‑vous préciser ce qui est prévu à ce sujet ? Quels seront les mécanismes mis en place ?

Je ne m’attarderai pas sur les crédits du programme 135, qui concerne la rénovation thermique des bâtiments, car ils sont stables. L’essentiel du financement de MaPrimeRénov’ repose d’ailleurs majoritairement sur le plan de relance.

Je note avec satisfaction la hausse conséquente de 10,5 % des crédits dédiés au programme 177, qui s’élèvent à 2,2 milliards d’euros. Ce programme vise à apporter des solutions d’urgence aux personnes sans abri. La pandémie a constitué un test en temps réel de nos capacités à mettre rapidement à l’abri les personnes à la rue, avec un effort d’hébergement d’urgence amplifié de 30 000 places, dont 10 000 doivent être pérennisées. La politique menée par le Gouvernement, en liaison avec l’ensemble des professionnels des acteurs associatifs durant la crise, mérite d’être saluée.

J’aurai une interrogation à ce stade, face à l’aggravation de la pandémie. Nous allons devoir à nouveau faire des choix difficiles, nous orienter vers davantage de restrictions alors que l’hiver et le retour du froid s’annoncent. Sans sous-estimer les moyens importants qui sont déployés, il faut sans doute faire davantage dès maintenant et prolonger notre effort en faveur de l’hébergement d’urgence. Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce point et sur les mesures prévues à ce titre ?

M. Marc Delatte. Ma question portera sur l’accès au logement pour les jeunes travailleurs en situation de précarité. Je pense en particulier aux jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance, aux jeunes en apprentissage et à ceux qui travaillent en intérim.

Avoir une adresse, c’est exister : c’est tout aussi vital que d’avoir un emploi. Cela nous invite, in fine, à une réflexion sur la pauvreté. Nous devons penser celle-ci en termes de liberté d’action et de capacité à faire – je fais référence à la théorie des « capabilités » de l’économiste Amartya Sen. Quelles difficultés pour trouver un toit quand on n’a pas le sou ! Quelles inégalités entre les territoires ne constate-t-on pas face aux nécessaires investissements immobiliers, à la rénovation et à la modernisation du parc, en particulier s’agissant des foyers de jeunes travailleurs, dont certains nécessitent, je vous l’affirme, bien plus qu’un ravalement !

En trois ans, beaucoup de mesures ont été prises – augmentation des crédits, garantie visa pour le logement et l’emploi (VISALE), etc. Pourtant, comme vous l’avez dit, madame la rapporteure pour avis, le non-recours aux droits reste patent en ce qui concerne notamment le Fonds de solidarité logement (FSL), relevant des départements. Certes, on relève des disparités entre départements quant à son enveloppe ou aux critères d’éligibilité – ce qui nécessite, à mon avis, de bâtir un référentiel national pour éviter une solidarité à plusieurs étages –, mais il permet de répondre aux difficultés rencontrées par ce public précaire avec le dépôt de garantie, le paiement du premier mois de loyer et la garantie sur les impayés de factures d’eau, de gaz ou d’électricité.

FSL, offre de logements pour les publics précaires, en particulier les foyers de jeunes travailleurs (FJT) : qu’est-ce que cela vous inspire au travers de votre excellent travail ?

M. Philippe Vigier. C’est une belle initiative que cette commission soit saisie de la question du logement. Comment ne pas l’aborder à propos des parcours de vie, tout en sachant que nous parlons plutôt de l’emploi dans cette commission ? Ce rapport en appellera d’autres, et c’est un bon point de départ pour pointer, comme vous l’avez fait, ainsi que nos collègues, certains obstacles que l’on connaît et face auxquels on se sent par moments impuissants.

Comme l’a dit Mme de Vaucouleurs, entre 900 000 et 1 million de personnes vivent dans un logement indigne. Quels sont les moyens d’un maire face aux marchands de sommeil, à l’habitat indigne ? Après avoir enclenché les dispositifs juridiques existants, il faut compter deux ans ou deux ans et demi pour arriver au bout de la procédure. J’en parle d’expérience.

S’agissant des FJT, le problème essentiel est effectivement la mobilisation des financements. Beaucoup sont assez désuets. Nous devons apporter une réponse, car ces logements représentent, pour les jeunes qui y sont logés, leur démarrage dans la vie. Pour connaître quelques-uns de ces foyers, je sais que les marges de progression sont très importantes.

Le regroupement des offices HLM inscrit dans la loi « ELAN » montre ses limites. Les moyens sont concentrés dans les grandes villes, ce qui a pour conséquence de rendre plus difficile, dans les zones les plus rurales, la réalisation des opérations.

En ce qui concerne la rénovation de l’habitat en direction des aînés, le périmètre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, pilotées par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), évolue au fil des opérations : si une opération dure six ans, la réglementation aura changé en moyenne trois fois pendant sa réalisation. Comment, dans ces conditions, voulez-vous stabiliser les programmes et les investissements sur le long terme ?

Ces questions sont autant de sujets qu’il faudra approfondir. S’il y a eu une inflexion en matière budgétaire et une réponse sur l’habitat d’urgence, ces autres points appellent, me semble-t-il, davantage de précisions.

M. Belkhir Belhaddad. Je suis moi aussi ravi de voir que la question du logement est au programme de nos travaux, car c’est une question éminemment sociale.

J’évoquerai pour ma part les copropriétés dégradées, vrai fléau depuis plusieurs dizaines d’années. Le Gouvernement avait instauré, dans le cadre de la loi « ELAN », une politique assez inédite et ambitieuse pour lutter contre le phénomène. Plus de 50 000 familles vivent dans une copropriété dégradée, ce qui peut constituer une menace aussi bien pour leur santé que pour leur sécurité. Où en est-on ? La question n’est pas évoquée dans votre rapport, alors qu’elle est éminemment importante en raison du nombre de familles concernées. Est-il souhaitable d’améliorer le dispositif de la loi « ELAN » ?

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué le logement durable, question qui me passionne. Mais avez-vous appréhendé une approche sanitaire du logement ? Très concrètement, n’y a-t-il pas un risque sanitaire avec les nouveaux logements, peu aérés, où la ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux peut être mal entretenue, où finalement on respire du carbone avec des parquets stratifiés – et j’en passe ?

Si l’environnement semble être l’alpha et l’oméga de la politique d’aménagement, d’urbanisme et d’habitat, justifiant des logements de plus en plus compacts alors que les espaces privatifs intérieurs et extérieurs pourraient participer au bien-être des occupants, ne devrions-nous pas viser plutôt une « haute qualité sanitaire » qu’une haute qualité environnementale (HQE), laquelle pourrait s’avérer dangereuse pour la santé et favoriser le mal-être de nos concitoyens ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. On ne peut que s’associer aux remarques de nos collègues et se féliciter que la commission des affaires sociales s’intéresse au logement, parce que l’environnement et la qualité du logement sont des facteurs importants, voire indispensables en matière de santé.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué l’augmentation des mesures coercitives. Ma question concernera les mesures incitatives : ce levier-là est-il actionné ? Si je vous dis cela, c’est parce que j’avais proposé, en première partie du PLF, un amendement visant à augmenter la défiscalisation pour les propriétaires mettant à disposition gratuitement leur logement pour des associations, car actuellement il est plus intéressant de garder son logement sans faire don du loyer à une association. Il faudrait revoir notre politique du logement sur ce point.

Par ailleurs, pour les locataires très modestes, de mauvaises conditions d’isolation posent problème quant à leur budget. Quels moyens ont-ils pour interpeller leur propriétaire quand eux-mêmes sont en difficulté pour le faire ? Existe-t-il un médiateur ? Sur qui peuvent-ils s’appuyer pour faire respecter leur droit à un logement sain et bien isolé ? La même question se pose bien évidemment pour les logements sociaux.

Mme la rapporteure. Mes chers collègues, je vous remercie pour toutes vos questions très intéressantes, et pour cette unanimité au sujet de ce nouveau rapport pour avis. Il est effectivement très important que la commission des affaires sociales s’investisse toujours davantage sur le logement, dont la dimension sociale est importante.

Monsieur Perrut, vous m’interrogez sur la baisse du rythme de construction et sur les dispositifs utiles à l’accession au logement. Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, l’habitat neuf ne doit pas mobiliser toute notre énergie, car c’est une goutte d’eau si on le rapporte au parc existant. Nous devons encourager la réhabilitation des logements vacants, réorienter leur destination pour augmenter le volume des logements, car nous manquons clairement de logements durables ou adaptés. De plus, c’est une démarche vertueuse sur le plan écologique. Je préférerais favoriser des systèmes qui accélèrent le rythme des rénovations.

Vous avez parlé de la rénovation thermique, qui est mal accompagnée. C’est un fait, la rénovation thermique n’est pas simple à entreprendre. Il peut être long de mobiliser les dispositifs. Le Gouvernement s’est attelé ces dernières années à les simplifier, et le rythme des rénovations commence à s’accélérer, comme vous l’avez souligné. Il est temps de ne plus opposer rénovation thermique du logement et réhabilitation sanitaire. Je développerai davantage mon propos lorsque je répondrai à la question de M. Bazin.

Action Logement est un partenaire essentiel du logement, avec lequel il faut bien entendu travailler. Il importe également de veiller à améliorer l’efficience de son fonctionnement. Les discussions avec le Gouvernement vont dans ce sens. Action Logement est en train de modifier son système de gouvernance et vise l’efficience.

Vous avez souligné la nécessité d’une politique à plus long terme. C’est effectivement le sens de mes propos. Nous devons viser avant tout le logement durable.

Madame de Vaucouleurs, toutes les structures de l’hébergement collectif ont été affectées par des contraintes sanitaires. Il a fallu effectivement fermer les espaces collectifs, mais les chèques services et la distribution alimentaire ont été au rendez-vous : plus de 110 000 personnes en ont bénéficié.

Vous demandez également comment éradiquer l’habitat indigne. Il n’est pas prévu d’augmenter les crédits. Cependant, les ordonnances prises sur le fondement de la loi « ELAN » ont été publiées au mois de septembre dernier. Nous devrons veiller, en particulier, à la mise en place de la police de l’habitat. Les acteurs que j’ai auditionnés ont souligné que l’action contre l’habitat indigne est plurielle sur le territoire : elle nécessite un réseau d’acteurs mobilisés – les collectivités, les services de l’État, les différents bailleurs et les entreprises effectuant les travaux.

M. Paul Christophe et M. Perrut ont posé des questions sur les APL. Les crédits dédiés aux APL augmentent cette année, alors qu’ils avaient diminué les années précédentes. Il faut surtout noter que l’année 2021 verra la réforme dite de la contemporanéisation, c’est‑à‑dire, pour parler plus simplement, une évolution en temps réel des APL, une révision plus régulière de leur montant sur une moyenne annuelle visée par trimestre, une moyenne glissante qui permet vraiment de coller aux besoins de la personne. Cette réforme peut inquiéter, mais elle est vraiment nécessaire : elle permettra de faire en sorte que les personnes ayant besoin d’une aide au logement en bénéficient rapidement. Elle devrait se passer au mieux. La Caisse nationale des allocations familiales nous a indiqué que les premiers essais avaient été concluants. Aussi, nous l’attendons avec impatience.

Monsieur Delatte, vous m’avez interrogée sur les foyers de jeunes travailleurs et le FSL. S’agissant des FJT, il faut veiller au respect de la durée maximale de séjour, fixée à deux ans. Ces structures d’hébergement offrent un accompagnement en vue d’accéder à un logement ordinaire. Nous devons veiller à ce que ce soit bien le cas, pour éviter qu’elles ne soient suroccupées. Elles ne sont pas spécialisées ; les jeunes travailleurs qui y sont accueillis sont dans des situations diverses.

Elles accueillent de plus en plus de mineurs non accompagnés. La question de la coordination de l’accueil des migrants est difficile à traiter. Nous avons régulièrement entendu dire, au cours des auditions que nous avons menées, que le programme 177 risque la saturation, en raison d’une surutilisation de ses crédits au profit de personnes relevant plutôt du programme 303 Immigration et asile. Nous devons nous atteler à la question du logement des personnes à droits incomplets, qu’il s’agisse des mineurs non accompagnés, susceptibles de se trouver à terme en situation irrégulière, ou des étrangers qui s’y trouvent déjà. Nous devons adopter une approche bien plus réaliste de ces questions. Certaines de ces personnes resteront sur le territoire français ; il faut leur donner les moyens de s’insérer.

S’agissant du FSL et des fortes disparités existant selon les départements, nous n’avons pas pu, dans le délai qui nous était imparti, auditionner l’Assemblée des départements de France, mais la question doit être approfondie. Nous devons étudier la manière dont le FSL est utilisé dans les départements. Depuis le début de la crise, de nombreux départements ont ouvert l’accès au FSL de façon plus large, au profit de publics en principe non éligibles. Sur ce point comme sur d’autres, la crise peut offrir des enseignements.

Monsieur Vigier, ce rapport pour avis en appelle d’autres, avez-vous dit ; je suis tout à fait d’accord avec vous. Un travail de fond doit être mené sur la dimension sociale du logement, notamment sur le devenir du travail social. Les travailleurs sociaux œuvrent quotidiennement pour l’hébergement et le logement des plus fragiles. Il est clair que leurs outils, ainsi que l’organisation de leur travail, doivent être améliorés. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous avons fort à faire.

Vous déplorez que les maires manquent de moyens pour lutter contre l’habitat indigne. Ils n’en sont pas totalement dépourvus. En la matière, il faut mener une action globale et coordonnée dans les territoires. Nous pourrions par exemple envisager de recenser les expérimentations du permis de louer, qui constitue un moyen assez efficace d’agir de façon préventive. L’ANAH peut également être mobilisée, mais elle ne peut agir sans les collectivités territoriales. À ce jour, onze projets partenariaux d’aménagement ont été lancés, accompagnés notamment par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages. Le maire n’est plus seul, il peut s’appuyer sur des dispositifs d’accompagnement. Certes, tout cela prend du temps ; c’est pourquoi il vaut mieux agir en prévention qu’après coup. Les agences régionales de santé (ARS) contribuent également au ciblage de l’action publique en effectuant des recherches de logements indécents ou insalubres. Les maires auraient tout intérêt à essayer de construire des politiques de territoire avec l’ARS.

Monsieur Belhaddad, vous m’avez interrogée sur les copropriétés dégradées. En la matière, l’action la plus efficace est celle de l’ANAH, qu’il faut intensifier. Toutefois, l’agence ne peut pas agir seule ; une mobilisation volontariste des territoires est nécessaire. Les ordonnances prévues par la loi « ELAN » visant à réformer la police de l’habitat, notamment la police de l’habitat indigne, permettront sans doute d’inciter les territoires à agir. L’ANAH soutiendra leur action, qui bénéficiera également de l’élargissement de MaPrimeRénov’ à la rénovation énergétique des copropriétés.

Monsieur Bazin, vous avez abordé l’approche sanitaire du logement, qui m’est chère. Je suis tout à fait d’accord avec vous : plutôt une haute qualité sanitaire que la HQE. Nous nous autorisons à noter la performance énergétique des logements, mais nous ne sommes pas capables de noter leur performance sanitaire. Or nous passons 80 % de notre temps à l’intérieur – et 90 %, chez nous, qui plus est, pendant le confinement. La dimension sanitaire du logement est donc fondamentale. Vous déplorez que les nouvelles constructions offrent des espaces relativement confinés. La rénovation énergétique des logements tend à en faire des boîtes étanches, dont il importe d’assurer la ventilation. Lors de l’examen du projet de loi « ELAN », j’ai défendu des amendements visant à élargir le champ d’application du DPE des logements, en vue d’établir un diagnostic de performance global, permettant notamment de valoriser leur respirabilité pour les occupants.

Le permis de louer pourrait être un moyen d’agir. Les communes pourraient y inclure la dimension sanitaire du logement. Quoi qu’il en soit, on ne peut plus laisser dire que la rénovation énergétique des logements a pour seul objet la réduction de la consommation d’énergie. On ne peut plus l’envisager sans prendre en considération la ventilation des logements et la qualité de l’air intérieur. Au demeurant, les grandes solutions de rénovation énergétique procèdent toutes de façon globale. Nous devons réaliser des avancées en ce sens. Monsieur Bazin, je serai à vos côtés si vous ouvrez ce débat dans l’hémicycle.

Madame Tamarelle-Verhaeghe, vous m’avez demandé si le renforcement des mesures coercitives est associé à celui des mesures préventives. Je suis d’accord avec vous : il est nettement plus facile d’agir préventivement qu’après coup. Depuis quelques années, l’intérêt pour la dimension sanitaire du logement a fait naître de nouveaux métiers. Les conseillers médicaux en environnement intérieur en font partie ; ils sont trop peu sollicités. Ils permettent de renouveler l’approche des logements dont les occupants développent des pathologies, et d’agir plutôt que de laisser la situation se dégrader. C’est l’un des axes du plan national santé environnement. On a tendance à aborder la question en silos, sans l’associer au logement et à l’hébergement : il faut mener une politique décloisonnée, tenant compte de la dimension sanitaire du logement et permettant d’agir préventivement. Le permis de louer et l’élargissement du champ de MaPrimeRénov’ peuvent constituer des solutions. Plus généralement, il faut élargir la perspective sur la rénovation énergétique, en rappelant qu’elle doit être globale, et qu’elle ne se réduit pas à une amélioration de la consommation énergétique, mais inclut une amélioration du confort et des qualités sanitaires des logements.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires.

Article 33 et état B

La commission examine l’amendement II-AS8 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, en vue d’améliorer la domiciliation des personnes sans domicile stable. Le Premier ministre a récemment annoncé que des budgets supplémentaires y seraient consacrés. Il s’agit de les intégrer dès à présent dans le PLF 2021.

La domiciliation est le premier accès aux droits. Sans adresse, on ne peut pas faire valoir ses droits. Pour les personnes sans abri, avoir une adresse est un enjeu essentiel : cela leur permet de bénéficier des droits qui leur sont ouverts et d’entrer dans le système d’insertion.

M. Thibault Bazin. Je comprends l’objectif de cet amendement d’appel – mettre en avant cette préoccupation –, mais je ne cerne pas le comment. Très concrètement, comment cette enveloppe descendra-t-elle dans les centres communaux d’action sociale (CCAS) ? Devons-nous chacun, si votre amendement est adopté, contacter ceux de nos circonscriptions et leur annoncer qu’ils recevront des fonds pour financer la domiciliation des personnes sans abri ? Le risque que présente un tel amendement est de leur faire croire qu’ils recevront des dotations supplémentaires, ou que des dotations attribuées par le truchement d’un appel à projets lambda lancé par le ministère soient réservées aux CCAS les plus importants, alors que les communes de petite taille ne sont pas épargnées par le problème.

M. Dominique Da Silva. Le Premier ministre a annoncé un budget de 15 millions d’euros sur trois ans. Cet amendement s’inscrit donc parfaitement dans le cadre de la politique gouvernementale. Le groupe La République en Marche le votera.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La domiciliation des personnes sans abri est une question essentielle. Or on constate dans les territoires que les organismes concernés sont en nombre insuffisant, alors même que la volonté est là. De nombreuses associations souhaitent domicilier des personnes sans abri, mais elles en sont souvent empêchées. Outre ces crédits, qui sont probablement nécessaires et qu’il conviendra d’utiliser sous une forme à affiner, il faut vraiment donner la possibilité aux acteurs concernés de procéder à des domiciliations.

Par ailleurs, il importe de domicilier les gens au plus près de leur lieu de vie. Il arrive que certaines personnes soient trimbalées d’un endroit à l’autre – l’hôtel où elles résident, l’école de l’enfant, parfois située dans une autre commune, et leur lieu de domiciliation, dans un troisième endroit. Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à ces crédits supplémentaires ; encore faut-il les utiliser au mieux, et surtout ouvrir la possibilité de domicilier les gens au plus près des besoins.

M. Brahim Hammouche. C’est à juste titre que notre rapporteure a rappelé la nécessité de corréler la politique de l’hébergement à celle du logement. La crise a accentué l’augmentation tendancielle des dépenses en faveur de l’hébergement. Par ailleurs, au sein de la politique du logement, les questions d’entretien et de rénovation des logements – je l’ai encore vérifié ce week-end –, ainsi que l’attention portée au vivre ensemble, sont aussi essentielles que celle de l’accès des ménages les plus modestes à une offre de logement.

J’aimerais poser une question sur les logements vacants, dont le nombre, en 2015, était estimé à 3,1 millions, soit un taux de vacance de 9,1 %. La loi « ELAN » a privilégié une logique incitative, notamment en exonérant d’impôt les revenus issus des locations meublées. Par ailleurs, un plan national de mobilisation des logements et locaux vacants a été lancé au début de l’année. Quel premier bilan peut-on tirer de ces dispositions ?

Mme la rapporteure. Monsieur Bazin, vous m’avez interrogée sur le fléchage de ce budget et son utilisation dans les territoires. C’est une bonne question. Il existe 2 700 organismes de domiciliation. L’amendement vise à leur apporter un soutien financier de 5 millions d’euros, soit un peu plus de 1 800 euros pour chacun. Outre les CCAS, des associations procèdent à la domiciliation des personnes sans abri. Par ailleurs, je suis d’accord avec Mme de Vaucouleurs quant à la nécessité d’augmenter le nombre des acteurs de la domiciliation, afin de renforcer sa proximité et de la rendre plus accessible.

Monsieur Hammouche, nous avons évoqué tout à l’heure le ralentissement de la construction de logements et la réhabilitation des logements anciens. Il faut cesser de concentrer les incitations sur le neuf, qui est une goutte d’eau par rapport à l’ensemble du parc, et travailler sur la vacance des logements. Je ne dispose d’aucune donnée sur l’exonération d’impôt des revenus issus de locations meublées. Ce qui est certain, c’est que la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement mène des actions fortes, notamment en matière d’intermédiation locative, qui est un moyen de donner confiance aux bailleurs. Elle souhaite développer le recours au mandat de gestion, qui est une solution moins coûteuse pour l’État permettant de réduire la vacance des logements de la même façon. L’absence d’association intermédiaire favorise le logement pérenne.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires, modifiés.

Après l’article 54

La commission est saisie de l’amendement II-AS9 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure. L’amendement prévoit la remise d’un rapport sur l’enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, au sein duquel les tarifs sont assez variés. L’objectif est d’en acquérir une vision globale afin d’envisager leur éventuelle convergence, voire leur homogénéisation, et de parvenir à un dispositif plus adapté.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, votre amendement m’intrigue. Comment se fait-il que nous ne disposions pas d’ores et déjà de ces données ? Il s’agit d’un budget très important, qui finance un haut niveau de prise en charge. Il me semble que cet amendement est satisfait. Si tel n’est pas le cas, pourquoi ces informations n’ont-elles toujours pas été rassemblées ?

Par ailleurs, par-delà la tactique proprement parlementaire consistant à demander au Gouvernement un rapport, la convergence visée soulève la question du niveau de prestations sociales que l’on souhaite offrir. Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont divers, à l’image des publics qu’ils prennent en charge. Peut-être faudrait-il détailler les convergences en fonction des objectifs fixés. À défaut, nous risquons de favoriser une forme de confusion. Dans certains territoires, il est difficile d’ouvrir des CHRS ; n’aggravons pas leur situation par un problème de financement.

M. Dominique Da Silva. Lorsque nous demandons un rapport au Gouvernement, nous devons être attentifs à sa pertinence et à l’objectif visé. Nous disposons d’autres moyens pour évaluer les politiques publiques, au premier rang desquels les missions d’information parlementaires. Il est un peu difficile de se prononcer sur l’amendement sans connaître l’avis du Gouvernement. Sans prétendre que le rapport demandé n’est pas justifié, je suggère le retrait de l’amendement, mais il pourrait être présenté de nouveau en séance publique.

Mme la rapporteure pour avis. Monsieur Bazin, l’enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion est réalisée sur cinq ans. Elle vise à améliorer le dialogue avec les CHRS et à dresser un état des lieux de leur situation. L’intérêt d’envisager une convergence tarifaire est de poser à nouveau la question des besoins et de préciser la destination exacte des divers types d’hébergement offerts. Le rapport demandé permettrait au Parlement de disposer de données très précises sur la politique de l’hébergement et celle du logement, et de contribuer à les orienter. Elles ne doivent plus être cloisonnées, mais appréhendées sur le modèle des vases communicants. Des solutions de logement durables sont nécessaires pour mettre un terme à l’inflation continue de la demande d’hébergement. Il me semble donc essentiel d’avoir une vision claire des divers tarifs pratiqués et d’essayer de rendre le fonctionnement des CHRS plus rationnel, afin d’éviter d’enfermer les gens dans l’hébergement trop longtemps. Il est important de connaître l’objectif précis des différentes structures, pour distinguer celles que nous devons maintenir, favoriser et dont il faut augmenter le nombre, et les autres, qui captent peut-être être trop de budgets au détriment du logement, qui est la seule solution durable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Outre les coûts, il convient d’évaluer la pertinence des modèles d’accompagnement : certains favorisent davantage une insertion dans le logement à la fois plus rapide et plus durable. Il est parfois complexe de réinsérer durablement des personnes dans le logement sans accompagnement. Il est toujours nécessaire d’assurer la transparence des dispositifs, et de savoir exactement ce qui se passe, mais on ne peut pas fonder une politique du logement uniquement sur l’évaluation de ses coûts.

Mme la rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous : les CHRS offrent des services très différents d’un centre à l’autre, et les coûts le sont eux aussi. Certains proposent un service de restauration sur place, d’autres non. Les modèles varient. Les pensions de famille sont une forme de logement accompagné qui peut se révéler intéressante. L’objectif est d’équilibrer tout cela et de décloisonner ces deux politiques.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Certes, le modèle de la pension de famille est moins coûteux que celui des CHRS, mais l’un et l’autre n’accueillent pas les mêmes publics. Leurs situations respectives ne sont pas du tout les mêmes. Je connais assez bien le sujet pour avoir travaillé pendant plusieurs années à l’insertion des personnes sans domicile fixe. J’appelle l’attention sur le fait que l’existence de modèles différents découle de situations qui le sont elles aussi. Il ne faut pas s’enfermer dans une politique de coûts.

La commission rejette l’amendement.

La réunion s’achève à dix heures quarante.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Stéphanie Rist rapporteure sur la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (n° 3470).