Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Audition, en application de l’article 29-1 du Règlement, de M. Jean Bassères, dont le renouvellement aux fonctions de directeur général de Pôle emploi est envisagé (Mme Valérie Six, rapporteure)              2

   Résultat du scrutin...................................27

   

 

 

 


Mercredi
16 décembre 2020

Séance de 9 heures 05

Compte rendu n° 29

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 décembre 2020

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

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La commission procède à l’audition, en application de l’article 29-1 du Règlement, de M. Jean Bassères, dont le renouvellement aux fonctions de directeur général de Pôle emploi est envisagé (Mme Valérie Six, rapporteure).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Deux semaines après l’audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, qui vient d’être nommée directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), nous voici de nouveau réunis en salle Colbert, la seule dont la capacité d’accueil nous permet de nous réunir au complet, dans le respect des consignes sanitaires en vigueur.

Par un courrier en date du 9 décembre dernier, M. le Premier ministre a fait savoir à M. le président de l’Assemblée nationale que le Gouvernement envisage, conformément à l’article L. 5312-6 du code du travail, de renouveler M. Jean Bassères dans ses fonctions de directeur général de Pôle emploi, institution nationale publique définie à l’article L. 5312-1 du même code. Nous sommes réunis ce matin pour émettre un avis public sur cette proposition, conformément aux dispositions de l’article 13 de la Constitution.

Le contexte un peu particulier, en raison de la crise sans précédent, sanitaire mais aussi économique et sociale, que nous traversons, influera certainement sur nos débats, tant le rôle de Pôle emploi est plus crucial que jamais.

Je vous demanderai, monsieur Bassères, de prendre la parole en premier, sachant que les commissaires ont déjà eu communication de votre curriculum vitæ, conformément à l’usage. Ensuite, je donnerai la parole à notre rapporteure, Valérie Six, à laquelle vous répondrez, puis aux orateurs des groupes et aux autres commissaires qui souhaitent vous interroger. Nous conclurons par vos réponses à toutes ces questions.

Une fois l’audition terminée, nous passerons au vote par scrutin secret sur cette proposition de nomination, hors votre présence. Je rappelle que l’article 13 de l’Instruction générale du bureau dispose que les délégations du droit de vote ne peuvent avoir effet pour un scrutin secret. Nous ne procéderons au dépouillement des bulletins que lorsque la commission compétente du Sénat aura procédé à son propre vote, sans doute peu après dix-huit heures trente.

Comme vous le savez, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l’Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi. Je suis très honoré de me présenter devant votre commission, dans le cadre de la procédure de renouvellement de mon mandat de directeur général de Pôle emploi, dans la salle Colbert de surcroît, ce qui est pour moi une première. Je lis dans la volonté du Gouvernement de proposer mon renouvellement pour un quatrième mandat un message de confiance dans la capacité de cet opérateur à prendre toute sa part dans la lutte contre la crise économique et sociale que traverse notre pays. J’y vois la reconnaissance du fait que la transformation engagée en 2012 a produit des résultats, qui sont le fruit de la remarquable mobilisation des conseillères et des conseillers de Pôle emploi, dont je tiens à saluer d’emblée l’engagement et le professionnalisme, au profit des demandeurs d’emploi et des entreprises.

J’ai eu l’occasion, le 27 octobre dernier, de vous présenter les conditions dans lesquelles Pôle emploi se mobilisait pour la réussite du plan de relance. Cette mobilisation demeure notre priorité ; mais ce matin, je concentrerai mon propos sur les transformations qu’il me semble toujours souhaitable de réaliser au cours des trois prochaines années, s’agissant de notre offre de services, d’une part, et, d’autre part, de notre organisation en tant que service public.

La crise que nous traversons ne remet pas en cause la nécessité de transformer encore les services de Pôle emploi pour les rendre plus efficaces. Nous devons poursuivre nos efforts en les organisant autour de quatre ambitions.

La première est d’être toujours plus efficace en matière d’indemnisation des demandeurs d’emploi. C’est un enjeu essentiel. Sécuriser les demandeurs d’emploi au sujet de leurs droits est un préalable indispensable leur permettant de se consacrer pleinement à la recherche d’emploi.

À cette fin, nous disposons d’un socle solide. Nous avons su mettre en œuvre efficacement les réformes successives de l’assurance chômage, ainsi que les dispositifs exceptionnels, notamment ceux récemment décidés par les pouvoirs publics, tout en maintenant un niveau de qualité de l’indemnisation, pour l’heure tout à fait satisfaisant : le taux de notification des droits dans les délais est en hausse constante depuis deux ans, et les demandes d’allocations sont traitées dans un délai moyen de huit jours.

Plusieurs transformations majeures n’en sont pas moins nécessaires pour franchir un nouveau cap. À l’heure actuelle, un demandeur d’emploi peut contacter son conseiller référent en matière d’accompagnement, mais n’a pas de conseiller attitré en matière d’indemnisation. Le déploiement de ce que nous appelons les conseillers référents indemnisation, à partir du mois d’avril 2021, corrigera cette asymétrie et permettra de proposer aux demandeurs d’emploi indemnisés des conseils plus finement personnalisés et d’intervenir de façon proactive auprès d’eux.

Par ailleurs, la dématérialisation de nos services rendra plus efficiente encore la gestion des dossiers et des pièces justificatives, ce qui permettra aux agents chargés de l’indemnisation des demandeurs d’emploi de se concentrer pleinement sur leur rôle de conseil. Nous prévoyons aussi d’améliorer, en coopération avec l’UNEDIC, la gestion des trop-perçus, qui restent un sujet de préoccupation pour les demandeurs d’emploi et pour Pôle emploi : il s’agit d’en limiter le nombre et d’en faciliter le traitement.

Deuxième ambition : être un service public accompagnant chacun vers l’emploi, selon ses besoins, et accordant une attention particulière aux publics les plus touchés par la crise. Les parcours des demandeurs d’emploi sont de plus en plus discontinus ; ils exigent un accompagnement personnalisé, particulièrement chez les publics fragiles, qui sont les plus touchés et les plus menacés par la crise. Notre ambition est de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin, au moment où ils en ont besoin.

En la matière, nous avons installé, au cours des dernières années, des fondamentaux solides. Notre offre de services d’accompagnement est personnalisée en fonction de l’éloignement par rapport à l’emploi. Nous avons développé un accompagnement renforcé destiné aux demandeurs d’emploi les plus éloignés de l’emploi, qui mobilise, sous ses diverses formes, plus du tiers de nos conseillers. Pour ces demandeurs d’emploi, nous utilisons tous les leviers mis à notre disposition par le Gouvernement et votés par votre assemblée, notamment les parcours emploi compétences (PEC) et les budgets supplémentaires consacrés à la formation des demandeurs d’emploi, au premier rang desquels celui qui alloue des moyens exceptionnels au plan d’investissement dans les compétences (PIC). Notre offre de services s’est intensifiée et diversifiée, grâce au recours au numérique et au développement de relations partenariales, notamment avec les collectivités territoriales. Je salue le travail très important que nous menons avec les départements, dans le cadre de la mise en œuvre de l’accompagnement global des demandeurs d’emploi, ainsi qu’avec les régions, dans le cadre de nos actions de formation au bénéfice des demandeurs d’emploi.

Par ailleurs, nous avons dopé le contrôle de la recherche d’emploi pour redynamiser les demandeurs d’emploi qui en ont besoin, voire les sanctionner en cas d’absence totale de recherche d’emploi.

Concrètement, ces efforts se sont traduits par une forte augmentation des retours à l’emploi : plus de 4,32 millions de retours à l’emploi d’une durée supérieure ou égale à un mois ont été enregistrés en 2019, soit 60 000 de plus qu’en 2018. Cette amélioration s’est poursuivie au cours du premier trimestre 2020 ; elle s’est naturellement interrompue en raison de la crise. Nous avons également enregistré une hausse continue du taux de satisfaction des demandeurs d’emploi en faveur du service dont ils bénéficient. Au mois de novembre, ce taux était supérieur à 80 %. S’agissant de la facilité à obtenir une réponse de la part de Pôle emploi, l’indice de satisfaction dépasse 81 % depuis de nombreux mois.

Nous n’en devons pas moins procéder à des transformations majeures pour franchir un nouveau cap, en mettant d’abord en place un diagnostic approfondi de la situation des demandeurs d’emploi dès leur inscription à Pôle emploi. Ce projet est sans doute un des plus ambitieux de ceux que nous menons depuis 2012 : il prend la forme d’un « pack de démarrage » de deux demi-journées, qui se substituerait à l’entretien réalisé lors de l’inscription à Pôle emploi, dont la durée est de l’ordre de quarante minutes. Pour l’heure, ce projet est suspendu, en raison des contraintes sanitaires – il s’agit de sessions collectives –, mais également de l’investissement en ressources qu’il exige ; mais nous avons bien l’ambition de le mener à bien au cours des années à venir.

L’actualisation du diagnostic initial constitue à mes yeux un changement tout à fait fondamental dans l’offre de services de Pôle emploi. Il pourrait, demain, être actualisé mensuellement, afin de mieux apprécier les besoins du demandeur d’emploi et leur évolution, grâce au journal de la recherche d’emploi, déjà expérimenté dans deux régions, Bourgogne-Franche-Comté et Centre-Val de Loire, et dont votre assemblée aura à décider de la généralisation éventuelle en 2023.

Au premier semestre 2021, nous mettrons également en œuvre un suivi plus digital et plus collectif des demandeurs d’emploi les plus autonomes. Nous proposerons, si le test en cours est concluant, un accompagnement concentré sur les moments-clés du parcours du demandeur d’emploi. Parallèlement, nous continuerons naturellement à porter une attention plus soutenue aux publics les plus fragiles, grâce à nos partenariats locaux, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Enfin, nous devons mieux repérer les compétences transversales, pour donner davantage corps à l’approche par compétences que nous avons développée depuis plusieurs années, et favoriser les passerelles entre métiers : c’est un des enjeux de notre projet de rénovation du répertoire opérationnel des métiers et des emplois, visant à donner tout son sens à notre investissement sur le savoir-être professionnel.

Troisième ambition : devenir un service public davantage reconnu comme un partenaire de confiance des entreprises. Même si le volume des offres d’emploi diminue, nous restons confrontés à des difficultés de recrutement. Dès lors, notre ambition consistant à accélérer les recrutements doit rester intacte dans ce contexte de crise, pour en amortir le choc et en limiter les effets sur le chômage.

En la matière, nous disposons d’acquis importants. Depuis plusieurs années, nous avons engagé un mouvement de spécialisation de nos conseillers, grâce auquel nous disposons de 5 700 conseillers se consacrant exclusivement aux relations avec les recruteurs. Ils font notamment la promotion des mesures décidées par le Gouvernement et votées par votre assemblée, telles que les emplois francs et le contrat initiative emploi (CIE) jeunes, qui ont été assorties d’objectifs ambitieux pour 2020 et 2021. Par ailleurs, nous avons fait notablement évoluer les méthodes de nos services : les conseillers dédiés à la relation-entreprises rappellent systématiquement les entreprises dont une offre d’emploi n’a pas été satisfaite en moins de trente jours, dans le cadre du programme « Action Recrut’ ». Nous travaillons constamment à rendre notre large palette de services plus facile à mobiliser, en clarifiant l’information accessible aux entreprises sur notre site internet pour qu’elles s’en saisissent.

Là aussi, les résultats montrent que nous allons dans le bon sens. La satisfaction des entreprises qui utilisent nos services est en très forte augmentation depuis le début de l’année. Au mois de novembre, nous avons atteint un taux de satisfaction de près de 85 %, largement supérieur à l’objectif de 75 % que nous nous étions fixé. Quant au délai moyen de satisfaction des offres, il diminue régulièrement : il était de trente-deux jours et demi au mois d’octobre, soit treize jours de moins qu’un an auparavant.

De nettes améliorations n’en sont pas moins nécessaires pour renforcer la pertinence des candidatures que nous proposons aux entreprises, afin de conserver leur confiance, mais également de gagner celle des entreprises qui ne font pas encore appel à nos services. Pour ce faire, nous mènerons des actions de qualification des profils des demandeurs d’emploi, afin de proposer aux employeurs des profils plus adaptés encore à leur demande. J’ai évoqué cette démarche à propos des secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP) et du grand âge lors de ma précédente audition. Par ailleurs, nous déploierons des task forces au niveau régional pour mieux faire connaître notre offre de services, afin qu’elle soit plus largement mobilisée par les entreprises, vis-à-vis desquelles nous devons être davantage proactifs. Nous utiliserons des outils d’intelligence artificielle afin de permettre à nos conseillers dédiés à la relation-entreprises d’anticiper, dès le dépôt d’une offre d’emploi, les difficultés potentielles de recrutement au vu de la situation du marché du travail local, et de recommander aux entreprises une solution aussi adaptée que possible.

Enfin, dès l’année prochaine, nous améliorerons la présélection de nos candidats, en proposant aux entreprises qui le souhaitent d’organiser au sein de Pôle emploi des entretiens de prérecrutement. Cette formule est en cours de test ; nous espérons la généraliser dès l’année prochaine. Nous renforcerons les partenariats conclus avec les opérateurs de compétences pour mieux tirer parti de la présence territoriale de leurs réseaux respectifs, notamment auprès des PME-TPE.

Quatrième ambition : coopérer étroitement avec nos partenaires locaux pour enrichir notre action et en décupler l’efficacité. J’ai la conviction que Pôle emploi ne peut pas réussir seul et doit s’inscrire le plus efficacement possible dans un écosystème, en partageant des objectifs communs avec ses partenaires. Nous devons encore progresser dans ce domaine, notamment en instaurant une nouvelle contractualisation avec les conseils départementaux, pour augmenter le nombre de bénéficiaires de l’accompagnement global des demandeurs d’emploi, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté décidée par le Gouvernement, et en cohérence avec elle. Nous devons également proposer un accompagnement personnalisé aux travailleurs en situation de handicap, dans un lieu unique d’accueil. Tel est l’objet du rapprochement en cours avec le réseau Cap emploi, dans le cadre d’un projet ambitieux visant à nous faire faire un saut qualitatif majeur, qui devrait être généralisé à la fin de l’année 2021.

Par ailleurs, nous souhaitons simplifier le parcours des jeunes qui s’adressent à nous ou aux missions locales, en articulant davantage nos rôles respectifs et en nous fixant des objectifs communs : la mise en œuvre de la plateforme « 1 jeune 1 solution » en est un très bel exemple. Des expériences comme celle de la maison de l’emploi Val de Marque, démontrent que de tels rapprochements sont possibles. Fondamentalement, notre objectif, en matière de partenariats, est d’intensifier toute démarche démontrant la bonne complémentarité de nos relations avec les autres acteurs de l’emploi, au service d’une efficacité accrue. Ainsi, nous avons récemment renforcé nos liens avec le secteur de l’insertion par l’activité économique, et nous venons de signer une convention ambitieuse avec l’Association pour l’emploi des cadres. Nous développons également des liens de confiance avec les agences d’intérim au profit des demandeurs d’emploi. Enfin, nous devons renforcer nos partenariats avec les régions, qui sont compétentes en matière de formation professionnelle, pour mieux accompagner les demandeurs d’emploi dans les parcours de formation, grâce au moteur que constitue le PIC.

Après l’évolution de notre offre de services, d’une part, le second volet de notre stratégie, aussi important que le précédent à mes yeux, touche à notre organisation même. Pôle emploi est un service public du quotidien pour 6 millions de personnes, et qui emploie 54 000 agents ; je souhaite en faire un service public de référence.

Pour cela, il nous faut d’abord continuer à innover et à tirer parti des avancées technologiques, en veillant à ne laisser personne au bord de la route. Dans la mesure où il est mis pleinement au service de l’humain, le digital représente une véritable opportunité pour les services publics en élargissant la gamme de leurs services. S’agissant de Pôle emploi, il permet à ses conseillers de disposer de davantage de temps pour prodiguer un conseil personnel de qualité.

Dans ce domaine, devenu au demeurant incontournable dans le monde du travail de l’après-covid-19, caractérisé par le développement du télétravail et du distanciel, nous disposons d’acquis solides, qui sont le fruit d’un travail engagé depuis plusieurs années. Nos services digitaux et nos applications mobiles sont nombreux et très utilisés. Nous avons su développer une large capacité d’innovation, ouverte sur notre environnement, dans le cadre de la plateforme « Emploi Store », qui permet de valoriser plus de 300 services numériques développés par Pôle emploi, mais également par des start-up et divers partenaires publics ou privés. Nous menons une politique ambitieuse d’ouverture de l’accès à nos données et de développement de nombreuses démarches d’innovation, nourrie par de multiples expérimentations, notamment des preuves de concept (POC), et selon des méthodes telles que le design de service et la mobilisation de nos propres start-up, ainsi que de notre plateforme collaborative. En somme, nous avons beaucoup investi pour améliorer l’expérience utilisateur de nos services, en les concevant de façon collaborative avec nos usagers, nos collaborateurs et nos partenaires. Tout en gardant à l’œil une priorité absolue : l’inclusion numérique, en accompagnant dans nos agences, les personnes qui maîtrisent mal le numérique, grâce notamment à l’intervention de volontaires du service civique et à la promotion de dispositifs développés par nos partenaires, tels que « Pix emploi » et les chèques #APTIC.

Plusieurs défis restent à relever pour franchir un nouveau cap en matière d’ouverture et de partage des données avec les autres acteurs du service public de l’emploi, et plus généralement avec tous les acteurs de l’emploi, en portant une attention soutenue à la protection des données personnelles. Nous avons également pour ambition de développer l’information ciblée et les recommandations de service aux demandeurs d’emploi et aux entreprises, grâce à l’intelligence artificielle. Le programme « Intelligence emploi », en cours de réalisation, en constitue une première brique prometteuse.

Ensuite, nous devons soutenir davantage les initiatives des agents et leur faire davantage confiance pour nous adapter pleinement aux réalités locales. J’ai la conviction profonde que la performance d’un opérateur national tel que Pôle emploi réside dans sa capacité à offrir de réelles marges de manœuvre à ses agences locales afin qu’elles soient à même d’innover et d’inventer, à l’échelon local, les solutions les plus adaptées aux demandeurs d’emploi et aux entreprises. Pour soutenir et amplifier leur capacité d’innovation, il faut d’abord s’appuyer sur une démarche de management de la performance, fondée sur la confiance que l’on instaure, au sein d’un collectif de travail, d’une agence ou d’un service, entre les managers et leurs collaborateurs, mais aussi entre collègues. Plus généralement, il faut travailler au développement des compétences de chacun, en fonction de ses besoins et de son projet professionnel, dans une logique de performance collective et de développement individuel.

En la matière, nous avons engagé des actions significatives, au premier rang desquelles une transformation interne visant à rendre à chacun une capacité à agir et à innover : c’est ce que nous appelons « la performance par la confiance ». Une évaluation a démontré que l’encouragement à la prise d’initiative est bien plus fort dans les agences engagées dans cette démarche que dans les autres. Par ailleurs, nous avons consenti, au cours des dernières années, un effort massif de développement des compétences des agents de Pôle emploi, notamment grâce à l’université pour l’emploi.

D’autres transformations s’imposent pour développer les compétences au sein de Pôle emploi, notamment l’intensification du recours aux auto-diagnostics des compétences mis à disposition des agents pour qu’ils identifient eux-mêmes les zones de progrès et adaptent les parcours de formation individualisée, en fonction des écarts entre les compétences qu’ils possèdent et celles que l’on attend d’eux. De nombreux auto-diagnostics sont d’ores et déjà opérationnels ; nous avons pour ambition de les développer pour couvrir les métiers de Pôle emploi dans leur ensemble. Nous devons également réussir la montée en charge de notre e-université, qui est une plateforme de formation à distance des agents, permettant à chacun de développer des compétences de façon autonome. Ces transformations doivent aussi concerner les fonctions support, qui doivent continuer à gagner en efficacité pour mieux répondre aux sollicitations et être plus faciles à mobiliser. L’objectif est de renforcer leur rôle de partenaire de nos agences locales.

Enfin, nous voulons être exemplaires en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE). J’ai la conviction qu’un établissement tel que Pôle emploi, compte tenu de sa taille et de sa mission, doit être un modèle en matière de RSE pour les autres services publics, voire, pourquoi pas, pour la société tout entière : j’y accorde pour ma part une très grande importance.

Plusieurs réalisations peuvent être portées à notre actif. Nos agences sont 100 % accessibles aux personnes à mobilité réduite. Notre taux de salariés en situation de handicap, qui s’élève à 9 %, est nettement supérieur au taux minimal fixé par la loi. Nos émissions carbone, conformément à nos objectifs, ont diminué de 20 % de 2008 à 2018.

Mais nous devons aller plus loin, notamment en assurant la pleine accessibilité de nos services numériques, comme nous le faisons pour l’accessibilité physique. C’est une de nos priorités pour les deux années à venir, à laquelle nous consacrerons un investissement important. Dès l’année prochaine, nous constaterons des premières avancées significatives. Notre objectif est d’achever ces travaux en deux ans. Nous nous y engageons avec détermination. L’impact environnemental de notre action est également une préoccupation très forte pour nous : nous chercherons à réduire davantage notre empreinte carbone, à tout le moins celle découlant de nos déplacements, non seulement en les limitant, mais aussi en favorisant autant que possible les modes de transport les moins polluants. Je sais que ce chantier mobilisera nos collaborateurs.

Je conclurai en vous livrant ma conviction profonde que Pôle emploi est capable de se mettre pleinement au service des élus et de leurs priorités. Je salue à nouveau la grande qualité des hommes et des femmes qui y travaillent et qui témoignent quotidiennement, dans un contexte difficile, de leur profond attachement au service public.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous partageons évidemment ce jugement sur le dévouement du personnel de Pôle emploi.

Mme Valérie Six, rapporteure. Monsieur Bassères, vous êtes loin de nous être inconnu : vous êtes en effet directeur général de Pôle emploi depuis décembre 2011, ce qui fait déjà trois mandats de trois ans. Notre commission vous a auditionné pour la dernière fois le 27 octobre dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

Depuis trois ans, le marché de l’emploi a connu un bouleversement significatif, auquel Pôle emploi doit faire face : 369 000 demandeurs d’emploi supplémentaires sont inscrits depuis février et, selon les estimations de l’UNEDIC, environ 670 000 emplois seraient détruits d’ici à la fin de l’année 2020 tandis que 300 000 emplois salariés pourraient être créés en 2021.

Dans un premier temps, je souhaiterais vous demander ce que vous faites depuis octobre pour réagir à l’évolution de la situation sanitaire. Comment Pôle emploi a-t-il fait face au second confinement ? Le premier confinement vous a-t-il incité à réfléchir au développement de vos services à distance, dont vous nous avez déjà quelque peu parlé ? Alors que le recrutement d’un salarié nécessite un ou plusieurs entretiens en tête à tête, Pôle emploi a-t-il réfléchi à des solutions techniques pour favoriser les embauches pendant le confinement ? Que recommandez-vous aux employeurs ?

Dans un deuxième temps, j’aimerais examiner votre bilan au vu des objectifs qui vous ont été assignés. La convention tripartite État-UNEDIC-Pôle emploi conclue en octobre 2019 et qui s’applique jusqu’à la fin de l’année 2022, prévoit une évaluation externe des indicateurs stratégiques de performance en 2021. Trois orientations stratégiques avaient été retenues : accélérer et faciliter le retour à l’emploi durable des demandeurs d’emploi, en adaptant la personnalisation et l’intensification de l’accompagnement aux besoins de chacun, tout au long de son parcours ; lutter plus efficacement contre les difficultés de recrutement des entreprises, en répondant de manière personnalisée et réactive aux besoins des entreprises, notamment des PME ; développer et valoriser les compétences et les qualifications des demandeurs d’emploi afin de favoriser les recrutements, en proposant notamment des formations plus pertinentes, plus personnalisées, plus lisibles et plus rapidement accessibles. Pour chacun de ces points, pourriez-vous compléter votre présentation en indiquant les résultats que vous avez obtenus ?

Vous avez précisé les objectifs que vous proposez pour le mandat triennal qui pourrait vous être confié. Au vu des défis qui vous attendent et de la situation de l’emploi, n’est-il pas temps que l’État et Pôle emploi remettent à plat les objectifs définis en 2019, dans le cadre d’une nouvelle convention ? Comment quantifier et évaluer les nouveaux objectifs que vous avez fixés pour les trois ans à venir ? Face à l’augmentation des besoins, il faudra faire plus.

Dans un troisième temps, il faudrait évaluer les moyens mis à votre disposition pour atteindre ces objectifs.

En termes financiers, la convention triennale avait prévu que l’État diminue sa subvention pour charges de service public de 14 % sur trois ans. En 2021, le plan de relance vous accorde cependant deux subventions exceptionnelles – une première enveloppe de 250 millions d’euros pour recruter 1 500 agents, et une seconde de 65 millions pour organiser l’accompagnement des jeunes. Faut-il pérenniser le montant de 1 milliard d’euros ainsi fourni chaque année par le budget de l’État ?

En termes d’emplois, dans le cadre du plan de relance entériné par le projet de loi de finances pour 2021, Pôle emploi a été autorisé à recruter, dès septembre 2020, 2 150 agents supplémentaires, dont 650 équivalents temps plein pour l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ). Les recrutements seront majoritairement réalisés en contrat à durée déterminée (CDD), le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) ne pouvant être supérieur à 500, afin de s’ajuster au plus près des besoins. Des effectifs supplémentaires pourront être autorisés dans le cadre de deux clauses de revoyure. Où en êtes-vous dans ces recrutements ? Seront-ils suffisants face à l’afflux de nouveaux demandeurs d’emploi ? Le dispositif d’accompagnement intensif des jeunes a pour objectif d’atteindre 135 000 bénéficiaires en 2020 et 240 000 en 2021 : disposez-vous des moyens humains nécessaires pour éviter de perdre des jeunes en chemin ? Faut-il que Pôle emploi repense ses méthodes pour faire face à l’afflux de nouveaux demandeurs d’emploi ?

Le volet suivant de mon questionnement porte sur le développement des partenariats locaux et le pilotage au niveau local de l’action de Pôle emploi. Cette tendance concerne, dans un premier temps, le niveau régional. Dans son discours devant le quinzième congrès des régions de France, le 1er octobre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe avait proposé d’ouvrir « la possibilité d’expérimenter dans quelques régions un nouveau rôle pour les régions dans la gouvernance de l’action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle ». Six régions ont été sélectionnées pour expérimenter le pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs, en articulant cette expérimentation avec la mise en place du service public de l’insertion, qui fait actuellement l’objet d’une concertation. Alors que le PIC est appelé à devenir le véhicule de mise en œuvre d’une grande partie du volet compétences du plan de relance, les régions réaffirment leur souhait de piloter l’ensemble de ce volet, c’est-à-dire la formation non seulement des demandeurs d’emploi et des jeunes, mais aussi des salariés au chômage partiel et en reconversion, ce qui implique d’ouvrir les pactes régionaux d’investissement dans les compétences à d’autres champs d’action que ceux prévus dans les documents signés pour la période 2019-2022. Où en êtes-vous de ces expérimentations ? Est-il souhaitable de les étendre afin d’impliquer les régions dans l’ensemble de l’activité d’accompagnement des demandeurs d’emploi, hors indemnisation ?

Je souhaiterais également évoquer les partenariats locaux. Vous avez contractualisé pour coordonner vos actions avec celles des missions locales et des antennes de Cap emploi. Dans le cadre d’appels à projets, vous développez des partenariats avec les maisons de l’emploi et, bientôt, les conseils départementaux. Quels autres partenariats pourriez-vous développer pour que l’action de Pôle emploi soit plus ancrée et plus adaptée à la diversité des territoires et des bassins d’emploi ? Pourrait-on imaginer une généralisation de ces partenariats, avec des objectifs communs ?

Le sixième axe de mon questionnement porte sur la différenciation de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Comment prenez‑vous en compte l’éloignement du marché de l’emploi ? Quels services pourraient être dématérialisés pour les nouveaux demandeurs d’emploi relativement rompus aux mécanismes du marché de l’emploi ? L’ouverture de l’accompagnement des demandeurs d’emploi à des organismes privés, plaçant Pôle emploi en situation de concurrence sur certains segments de son activité, serait-elle de nature à améliorer la qualité du service rendu à certains publics ? Quels dispositifs innovants Pôle emploi pourrait-il mettre en place, en s’inspirant notamment des expériences de ses homologues étrangers ?

Le dernier axe de mon questionnement concerne l’action de Pôle emploi en matière de formation des demandeurs d’emploi. Quel bilan faites-vous de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel s’agissant de la formation des demandeurs d’emploi ? Observe-t-on un réel effort en faveur de leur qualification pour retrouver un emploi ? Combien de demandeurs d’emploi ont suivi une formation l’année dernière ? Comment Pôle emploi peut-il améliorer son dispositif de formation des demandeurs d’emploi, et avec quels moyens ?

M. le directeur général de Pôle emploi. Dans le cadre de ce deuxième confinement, Pôle emploi offre le service le plus étendu possible compte tenu du contexte sanitaire : toutes nos agences sont ouvertes, avec et sans rendez-vous le matin et uniquement sur rendez-vous l’après-midi. Afin de répondre à des besoins urgents de recrutement ou de formation, nous avons par ailleurs maintenu des actions collectives rassemblant plusieurs demandeurs d’emploi, dans le strict respect des consignes sanitaires, comme vous avez pu le constater lors de vos visites. Nous souhaitons bien sûr respecter totalement les orientations définies par le Gouvernement en matière de télétravail : ne sont donc présents en agence que les personnels nécessaires à ces activités. Le taux de présence varie selon les agences, sans dépasser 40 à 50 % des effectifs. S’agissant en revanche des fonctions support, dans les directions territoriales, régionales, nationales comme à la direction générale de Pôle emploi, le recours au télétravail est très important : grâce aux investissements réalisés ces dernières années, que nous avons d’ailleurs accélérés après le premier confinement, 95 % de nos collaborateurs sont susceptibles d’être placés en télétravail, avec un accès complet à toutes les applications métier.

S’agissant plus précisément des entretiens d’embauche, il faut d’abord rappeler que tout demandeur d’emploi a le droit de se déplacer pour se rendre à un entretien d’embauche. La question avait été posée à propos des attestations de déplacement ; cette règle était claire dès le début du deuxième confinement – elle l’était moins lors du premier. Mais comme vous l’avez souligné, nous avons aussi travaillé à des solutions digitales évitant autant que possible les déplacements : notre plateforme « Salons en ligne », de plus en plus utilisée, permet aux entreprises de déposer des offres d’emploi et d’organiser des entretiens, y compris en visioconférence.

Vous m’avez interrogé sur la convention tripartite entre l’État, l’UNEDIC et Pôle emploi. J’ai déjà apporté quelques réponses lors de mon intervention liminaire. Cette convention a été élaborée dans un contexte de tensions sur le recrutement et de décrue du chômage ; or, aujourd’hui, les tensions sur le recrutement sont moindres et le chômage augmente. Nous nous sommes donc légitimement demandé, avec nos financeurs – l’UNEDIC et l’État – et au sein du conseil d’administration de Pôle emploi, s’il fallait remettre en cause la convention tripartite. Nous avons répondu par la négative, car les différents objectifs que vous avez mentionnés restent pertinents : nous devons par exemple continuer à travailler à la réduction des délais de recrutement, même sur un champ moins important, et c’est ce que nous faisons notamment dans le secteur du BTP et pour les métiers du grand âge, qui ont toujours des besoins de recrutement importants. Nous devons également toujours accompagner les demandeurs d’emploi et rester attentifs à leur indemnisation.

En revanche, deux évolutions ont été apportées à notre stratégie.

Tout d’abord, nous y avons ajouté la mise en œuvre des mesures d’urgence décidées par le Gouvernement. Nous intensifions ainsi les actions en faveur des jeunes, qui étaient déjà pris en compte dans notre stratégie ; c’est tout l’enjeu du plan jeunes. Dès l’été, grâce aux moyens financiers que vous nous avez donnés, nous avons pu mettre en place des prestations certes déjà prévues, mais dont nous avons fortement augmenté le volume, à destination d’un public qui correspond en partie aux victimes la crise, à savoir des personnes qui alternaient régulièrement chômage et emploi et qui appelaient une réponse différente de celle que nous apportons aux personnes plus éloignées du marché du travail. Pour ce faire, nous avons mobilisé des prestations assurées par des partenaires privés, dont les modalités sont différentes des nôtres, mais qui visent à favoriser le retour à l’emploi rapide de ceux qui ont l’habitude de travailler.

En outre, nous avons adapté le calendrier de déploiement de certains dispositifs. Nous avons maintenu plusieurs projets dont je vous ai parlé, tels que le rapprochement avec Cap emploi, la mise en place du conseiller référent indemnisation et le nouveau suivi, en les décalant simplement dans le temps afin de neutraliser la période de confinement. Nous nous interrogeons plus fortement au sujet de deux autres projets. Nous avons suspendu le déploiement du pack de démarrage ; je ne suis pas en mesure de vous dire quand nous pourrons à nouveau y travailler, compte tenu du contexte sanitaire et de la lourdeur de cet investissement, que nous ne pourrons réaliser que lorsque la charge d’activité de Pôle emploi le permettra. Il en va de même pour l’accompagnement global, que nous mettons en place avec les départements et qui consiste à offrir aux personnes ayant du mal à retrouver un emploi et confrontées à des freins sociaux un accompagnement assuré à la fois par un conseiller de Pôle emploi et par des travailleurs sociaux. Notre ambition, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, était que 200 000 personnes puissent bénéficier de cet accompagnement en 2022. Pour ce faire, nous devons dégager en interne des ressources de conseillers ; cela nous est toujours possible, mais cela n’a de sens que si nous pouvons mobiliser dans le même temps des travailleurs sociaux des départements, eux-mêmes très sollicités du fait de la crise sanitaire. Il faut donc que nous déterminions, département par département, la trajectoire de cette progression du volume de l’accompagnement global : il ne servirait pas à grand-chose de déployer des conseillers s’ils n’ont pas en face d’eux des travailleurs sociaux pour traiter les dossiers de ces publics.

Il faudra revoir les objectifs de la convention tripartite ; je ne peux que vous suivre sur ce point, madame la rapporteure. Je veux cependant distinguer deux catégories d’objectifs. Il ne faut pas toucher à ceux qui portent sur les taux de satisfaction, qui doivent rester les mêmes en dépit d’un contexte plus difficile – nous pourrions certes expliquer d’éventuels décrochages, mais je me réjouis aujourd’hui de constater que ces taux de satisfaction ne baissent pas. En revanche, les objectifs de retour à l’emploi devront être réexaminés au regard de la crise. Des travaux sont en cours avec les services du ministère du travail, en particulier la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, et l’UNEDIC pour revoir ces objectifs : nous ne pouvons pas espérer les mêmes taux de retour à l’emploi que lorsque nous avons négocié la convention tripartite. Par ailleurs, l’ensemble des plans gouvernementaux affichent des objectifs en termes de prescriptions ou de nombre de bénéficiaires.

J’en viens aux moyens de Pôle emploi. Pour ce qui est des effectifs, nous avons effectivement recruté 2 150 personnes en septembre et en octobre – 1 500 agents pour nous permettre de faire face à l’augmentation de la charge de travail et 650 pour développer l’AIJ. Ces recrutements, préparés pendant l’été, sont effectifs depuis octobre. Dans le cadre des clauses de revoyure dont vous avez parlé, nous avons rendez-vous en mars pour ajuster éventuellement les décisions prises. Vous avez raison, la question importante est celle de l’évolution de la charge de travail, qui dépendra tant des inscriptions à Pôle emploi que de notre capacité à adapter nos moyens pour faire face à la situation – c’est un sujet suivi de très près par la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, Mme Élisabeth Borne.

S’agissant maintenant des moyens budgétaires, il est vrai que la situation sera assez particulière en 2022. Le problème ne se posera pas en 2021 car le budget de Pôle emploi pour l’année prochaine, adopté hier, prévoit des ressources très importantes, du fait notamment de l’augmentation de la contribution de l’UNEDIC et des dotations exceptionnelles de l’État dans le cadre du plan de relance. Vous savez qu’environ 75 % des ressources de Pôle emploi reposent sur 11 % des recettes de l’assurance chômage perçues deux ans auparavant. En d’autres termes, notre budget pour 2022 sera financé par 11 % des recettes de l’assurance chômage perçues en 2020 ; or ces recettes vont diminuer sous l’effet de la crise, conduisant mécaniquement à une impasse budgétaire en 2022. Cette baisse des ressources, en cours de chiffrage par l’UNEDIC, sera de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. Dès janvier, nous devrons réfléchir à la façon dont nous allons affronter cette situation. Face à un problème budgétaire, les choses sont malheureusement toujours assez claires : ou bien on diminue les dépenses, ce qui aurait un effet assez important sur les actions entreprises en faveur des demandeurs d’emploi, ou bien on augmente les recettes, ce qui ne serait pas moins compliqué. Ce débat, que nous devrons avoir, résulte de la crise et de l’impact de la baisse de la masse salariale sur le niveau des contributions versées à l’UNEDIC.

Vous m’avez interrogé sur l’AIJ. Notre ambition est effectivement d’atteindre 135 000 bénéficiaires en 2020 et 240 000 en 2021. Compte tenu du recrutement de 650 agents à cet effet, nous sommes en bonne voie pour remplir notre objectif en 2020.

Votre quatrième axe de questionnement portait sur les régions. Avant le confinement avait été lancée une expérimentation, à laquelle nous sommes favorables, de pilotage par ces collectivités de la formation des demandeurs d’emploi.

Le premier objectif de cette expérimentation est d’accroître la coordination entre les régions et Pôle emploi dans plusieurs domaines. Vous savez que Pôle emploi finance des formations, soit en achetant lui-même ces prestations – mais il ne peut le faire qu’avec l’accord des régions –, soit en finançant des aides individuelles, ce que les régions font moins. La création d’une instance de gouvernance en la matière serait donc un premier moyen, pour les régions, de mieux fonder leur analyse avant de nous autoriser ou non à lancer des marchés.

La formation des demandeurs d’emploi revêt en outre d’importants enjeux d’opérationnalité : il s’agit de s’assurer qu’un conseiller de Pôle emploi ou, plus largement, du service public de l’emploi a toutes les informations à sa main pour proposer des formations à des demandeurs d’emploi. Cela pose de nombreuses questions, notamment en matière de systèmes d’information et d’articulation entre Pôle emploi et les organismes de formation. Le fait d’évoquer ce sujet avec les régions est une condition très importante pour améliorer les choses. Ce à quoi vient s’ajouter un troisième thème, celui du compte personnel de formation (CPF), dont je dirai peut-être quelques mots plus loin.

À ce jour, seul le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a signé une convention permettant cette expérimentation. Quatre autres régions – Centre-Val de Loire, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté et Pays de la Loire – semblent intéressées, mais nous n’avons pas encore finalisé nos discussions, interrompues par la crise du covid. Trois conseils régionaux – Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France et Normandie – ont été sollicités mais ne se sont pas montrés intéressés ; ils poursuivent en effet un objectif plus large, à savoir la décentralisation de Pôle emploi et la récupération par les régions, déjà compétentes en matière de formation, de toutes les compétences exercées par Pôle emploi.

Si j’ai bien compris votre question, vous me demandez ce que je pense de la décentralisation de Pôle emploi. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que je n’y suis pas favorable.

Mettons de côté les difficultés opérationnelles d’une telle initiative – connaissant les difficultés d’une fusion, j’imagine celles que poserait la décentralisation d’un organisme doté d’un service informatique unique, qui fait sa force, et dont 94 % des agents sont de droit privé. Rappelons que les personnels de Pôle emploi ne sont pas des fonctionnaires : ils relèvent d’une convention collective et d’accords sociaux.

Sur le fond, les tenants de la décentralisation disent qu’il faut distinguer indemnisation et placement. Or l’intérêt de la fusion entre l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) et l’Association pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (ASSEDIC) était justement de disposer d’un organisme qui gère ces deux sujets et les liens qui existent entre ces derniers. Lors du diagnostic d’un demandeur d’emploi et de la mise en place du pack de démarrage, un conseiller indemnisation et un conseiller placement interviennent tous les deux. Si l’objectif est de gérer l’indemnisation à l’échelle nationale et de confier l’accompagnement aux régions, je souhaite bon courage à quiconque voudra réformer l’assurance chômage ! Il faudrait alors soit revenir au système ANPE-ASSEDIC, soit négocier avec chaque région les conditions de mise en œuvre de cette réforme. Actuellement, Pôle emploi est fortement mobilisé pour verser des aides d’urgence et prolonger les droits : cela n’est possible qu’avec un opérateur unique et un système d’information unique. Je ne dis pas que ce ne serait pas mieux fait ailleurs, mais seulement qu’il est indispensable de faire preuve de réactivité.

Par ailleurs, l’objectif majeur d’une décentralisation serait de rendre Pôle emploi le plus proche possible des territoires ; or l’échelon adapté est moins la région que le bassin d’emploi. Toute notre stratégie consiste à donner le maximum de marge de manœuvre aux acteurs de terrain pour qu’ils puissent adapter leur action au bassin d’emploi.

J’admets tout à fait qu’en matière de formation, il faut que les régions assurent une coordination très forte et qu’elles jouent le rôle de chef de file. En matière de placement, en revanche, je suis beaucoup plus sceptique.

Il n’est pas inutile enfin de regarder de temps en temps ce qui se passe ailleurs en Europe. S’agissant de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, nous regardons beaucoup du côté de l’Allemagne : la Bundesagentur für Arbeit n’est pas confiée aux Länder, et il y a sans doute des raisons à cela. L’État a besoin d’un intervenant sur le marché du travail : même un pays aussi décentralisé que l’Allemagne a fait le choix d’un opérateur national. Je ne connais pas beaucoup de pays européens qui ont fait le choix inverse ; ceux qui ont pu le faire commencent d’ailleurs à revenir en arrière.

Je dis les choses de la manière la plus objective possible : je ne cherche pas à défendre un pouvoir ou un territoire. Nous débattons de cette question depuis longtemps, et j’aimerais qu’elle soit vraiment tranchée – certains candidats à la prochaine élection présidentielle défendront peut-être des positions claires sur ce sujet, et la démocratie s’exprimera. Je ne me déplace jamais en région sans que la question ne me soit posée. Je réponds alors la même chose que devant la représentation nationale : à titre personnel, pour avoir étudié de près ce sujet, je ne suis pas favorable à la régionalisation de Pôle emploi. J’ose vous dire, au risque de vous choquer, que si j’avais été convaincu que cette solution était la bonne, je l’aurais défendue.

Je reviens à l’accompagnement des demandeurs d’emploi et aux relations de Pôle emploi avec les opérateurs privés de placement. Là non plus, je n’ai aucune position de principe : Pôle emploi travaille avec des partenaires privés. Les prestations que j’ai évoquées tout à l’heure et que nous avons fortement mobilisées l’été dernier sont assurées par des opérateurs privés ; il en va de même pour la création d’entreprise, pour l’élaboration d’un projet professionnel – je pense à Activ’projet – ou pour la valorisation des savoirs professionnels. Je dis seulement que nos relations avec les acteurs privés doivent être partenariales : nous ne devons pas rester dans une logique de donneur d’ordres mais concevoir avec eux les prestations.

En revanche, je ne crois pas à une mise en concurrence, au sens où les demandeurs d’emploi choisiraient eux-mêmes de solliciter Pôle emploi ou un opérateur privé. Du reste, lorsque, en 2015, nous avons discuté en toute transparence avec les opérateurs privés afin de faire évoluer nos relations, ceux-ci nous ont d’ailleurs dit qu’ils souhaitaient maintenir le principe d’une prescription des formations par les conseillers de Pôle emploi. Les pays comme l’Australie qui ne retiennent pas ce principe connaissent des débats sans fin sur la nature des demandeurs d’emploi qui se dirigent vers les opérateurs privés, qui n’auraient pas les mêmes caractéristiques que les autres, ce qui justifierait une rémunération plus importante.

Je suis favorable à une collaboration forte avec le secteur privé, particulièrement lorsqu’on s’inscrit dans deux logiques. Celle de la spécialisation tout d’abord, quand il s’agit de domaines que nous ne maîtrisons pas, comme celui de la création d’entreprises : nous sommes capables d’inciter nos usagers à créer leur entreprise, mais pas de les aider à établir un business plan, ce que certains partenaires savent très bien faire. La logique capacitaire ensuite : il est légitime de faire appel à des opérateurs privés lorsque vous avez des problèmes de capacités, comme en juillet dernier. Mais aller plus loin n’est pas évident.

Enfin, vous avez évoqué la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous publierons bientôt des chiffres sur les entrées en formation, qui ont progressé en 2019 ; pour 2020, nous espérons réussir à compenser une partie de la diminution liée à la crise sanitaire. Indépendamment de ce que je disais tout à l’heure, nous avons de bonnes relations avec les régions dans le cadre du PIC – même les présidents de région qui plaident pour une décentralisation en conviennent. Pour ma part, mon interrogation principale quant aux conséquences de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel concerne le poids que prend le CPF. Dans une région comme l’Île-de-France, le volume des CPF des demandeurs d’emploi a augmenté de façon considérable. Comment les régions et Pôle emploi doivent-ils se positionner sur ce sujet ? Devons-nous continuer à faire des achats collectifs de formations et poursuivre notre politique d’abondement des CPF ? Voilà un débat très intéressant, qui est encore devant nous.

M. Thierry Michels. La période que nous vivons n’est facile pour personne. L’épidémie de covid-19 et les mesures sanitaires pour y faire face ont provoqué une récession très sévère en France et dans le monde. Le Gouvernement anticipe une récession de 11 % cette année, dont les répercussions néfastes sur l’emploi sont déjà perceptibles : le nombre de personnes sans emploi atteint 3,3 millions, soit une hausse de 9,5 % en un an.

Il faut cependant souligner les raisons d’espérer. La tendance s’est améliorée au troisième trimestre, grâce au déconfinement qui a permis la reprise de certaines missions d’intérim et des contrats courts. Le système d’activité partielle mis en place par le Gouvernement continue de protéger fortement les emplois et les salariés.

Dans ce contexte, l’action de Pôle emploi et de ses agents – dont il faut souligner l’engagement – a été essentielle. Elle a permis de maintenir l’accès aux services à distance et de prolonger les droits des demandeurs d’emploi et des bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique.

L’année 2020 étant bientôt derrière nous, comment envisagez-vous 2021 pour Pôle emploi ? Quelle suite entendez-vous donner à l’action d’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi dans les secteurs prioritaires du plan de relance, des métiers en tension comme le BTP et les métiers du soin et de l’aide aux personnes âgées ? La dotation supplémentaire de 250 millions d’euros votée dans la mission Plan de relance du PLF 2021 et le recrutement de 2 800 conseillers seront-ils suffisants pour mener à bien votre mission ?

Par ailleurs, la catégorie des travailleurs indépendants – qui représente un emploi sur dix dans notre pays : commerçants, artisans et entrepreneurs – est plus exposée au risque de chômage. Depuis le 1er novembre 2019, ils peuvent recevoir une indemnité versée par Pôle emploi ; c’est un progrès. Qu’en est-il de l’accompagnement spécifique et de la formation au retour à l’emploi de ces personnes, peut-être moins familières des démarches à mener, dans toute la diversité de leurs profils et de leurs projets ?

M. Bernard Perrut. Dix ans après sa création, Pôle emploi s’est affirmé comme un guichet unique moderne et indispensable, au cœur du service public de l’emploi. Confronté à un chômage de masse, il a été obligé de déployer de nouveaux outils et a fait appel à l’énergie et au professionnalisme de ses agents, auxquels je voudrais rendre hommage. Mais peut-on assurer la même qualité de service alors que le nombre de chômeurs augmente autant, que les missions sont de plus en plus vastes et que l’opérateur doit composer avec les effectifs dont il dispose ?

Vous avez évoqué certains éléments financiers. Vos recettes proviennent de l’UNEDIC, et les allocations chômage seront en baisse en 2020, ce qui aura des conséquences importantes en 2022. La subvention pour charges de service public a baissé de 85 millions d’euros en 2019 et de 136,6 millions en 2020, mais le plan de relance apportera 250 millions d’euros à Pôle emploi.

Pôle emploi pourra-t-il assurer un suivi effectif des nouveaux demandeurs d’emploi ? J’insiste sur l’importance de l’accueil humain ; on ne peut se contenter de l’accueil à distance avec les outils informatiques et les contacts téléphoniques.

Je souhaite revenir sur le lien avec les régions. Lorsqu’il était Premier ministre, Édouard Balladur avait proposé que des régions expérimentent un nouveau rôle dans la gouvernance de l’action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle. C’est notamment le cas de ma région Auvergne-Rhône-Alpes. Quelle est votre vision de l’avenir de cette expérimentation ? Les régions réaffirment leur souhait de piloter l’ensemble de ce volet, non seulement la formation des demandeurs d’emploi et des jeunes, mais aussi des salariés en chômage partiel et en reconversion, ce qui implique d’ouvrir les pactes régionaux d’investissement dans les compétences à d’autres champs d’action que ceux qui ont été prévus pour la période 2019-2022. Nous souhaiterions que les régions puissent aller plus loin. Y êtes-vous favorable ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. Monsieur le directeur général, après votre audition le 27 octobre dernier, nous sommes heureux de vous retrouver pour examiner votre reconduction à ce poste.

Cet examen intervient alors que le rapport sur l’expérimentation du service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE) doit être publié demain, et qu’un appel à manifestations d’intérêt est lancé pour élargir cette expérimentation à trente territoires supplémentaires.

Quel regard portez-vous sur les premières expérimentations de ce SPIE ? Vous laissent-elles entrevoir des modes d’organisation permettant la prise en compte des spécificités territoriales et le respect de l’universalité dont l’État est garant ? L’intervention de Pôle emploi dans ce cadre pourrait-elle revêtir des modalités différentes selon les lieux, ou Pôle emploi devrait-il garder un rôle central et maintenir une offre-socle sur l’ensemble du territoire ?

M. Joël Aviragnet. La crise sanitaire qui a fortement touché nos concitoyens a d’immenses répercussions économiques et sociales. Ce contexte très difficile va mettre à l’épreuve nos politiques pour l’emploi. Comme l’INSEE l’avait constaté à la fin du premier confinement et envisagé pour la fin de l’année, la hausse du chômage est devenue la règle en ces mois de pandémie. Au troisième trimestre 2020, le taux de chômage rebondit fortement pour atteindre 9 %, et l’INSEE craint qu’il n’atteigne 9,7 % au dernier trimestre.

Les multiples mesures de restriction et de fermeture mises en place ces dernières semaines, touchant particulièrement les secteurs de la restauration et de la culture, ainsi que celles qui pourraient être décidées dans les semaines à venir, n’auront pas d’effets positifs pour l’économie. De nombreuses entreprises déjà fragilisées par les mois que nous venons de traverser sont sur la sellette et appréhendent chaque jour de devoir mettre la clé sous la porte, privant ainsi de nombreux salariés de leur emploi. Des plans sociaux s’annoncent dans toutes nos régions et il est à craindre que le taux de chômage grimpe en flèche à l’aube de l’année 2021, pouvant atteindre un pic à 11 % selon la Banque de France.

Fléau mais pas fatalité, le chômage doit être envisagé sous l’angle de l’aide et du soutien aux personnes qui en sont victimes. En ces temps de crises multiples, Pôle emploi est plus que jamais sollicité dans sa mission d’accompagnateur des personnes privées d’emploi, tant lors de la traversée de leur période d’inactivité que pour la recherche d’un nouvel emploi. Quelles pistes de travail envisagez-vous pour répondre dans les plus brefs délais à l’afflux de chômeurs aux portes de Pôle emploi auquel on peut s’attendre ? Comment comptez-vous garantir à l’ensemble de nos concitoyens privés d’emploi un accompagnement efficace et de qualité, leur assurant un retour rapide vers l’emploi ?

M. Paul Christophe. Monsieur Bassères, je salue la clarté de votre présentation, ainsi que votre engagement et celui de tous les agents de Pôle emploi. Le directeur général de Pôle emploi est un interlocuteur indispensable à la représentation nationale pour élaborer les grandes réformes de société à venir en réponse à la crise sanitaire et sociale – et bientôt économique – que nous connaissons.

La mission de Pôle emploi est particulièrement importante, car elle représente l’effort consenti par la société pour ne laisser aucun de ses membres de côté, permettant ainsi aux plus éloignés du travail de retrouver un emploi et de construire véritablement une société plus inclusive. Il est impératif de ne pas laisser se créer une société à double vitesse, dans laquelle une partie de nos concitoyens resterait hors de l’emploi, sans perspective d’embauche, tandis qu’une autre serait plus insérée dans le modèle économique. Il est donc primordial de lutter contre les fractures, qui favorisent les replis, nuisant considérablement à notre modèle social. C’est la mission principale de Pôle emploi, et vous pouvez compter sur notre soutien pour la réaliser.

Le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a considérablement augmenté pendant la crise sanitaire. Cette situation a suscité une nouvelle approche partenariale. Ainsi, le département du Nord s’est mobilisé, en partenariat avec Pôle emploi, pour continuer d’accompagner les allocataires pendant la crise, tout en restant en lien avec les entreprises. C’est l’objet d’Activ’emploi, une aide financière délivrée dans les vingt-quatre heures pour aider les allocataires du RSA à payer les premiers frais liés à une reprise d’emploi ou de formation. Depuis le 5 novembre, le département du Nord a lancé conjointement avec Pôle emploi une nouvelle opération intitulée « Réussir sans attendre », qui vise à aider les bénéficiaires du RSA à retrouver le chemin de l’emploi. Pas moins de sept cent trente actions ont ainsi été menées dans les agences Pôle emploi du département et les sept maisons départementales de l’insertion et de l’emploi. J’ai assisté à de tels ateliers au sein de ma circonscription, ce qui m’a permis de constater les bienfaits de ces actions pour donner confiance aux allocataires du RSA. Avez-vous pu évaluer l’accès à l’emploi suite à cette opération, et envisagez-vous de la reconduire ?

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, a évoqué l’élaboration d’un partenariat entre Pôle emploi et les départements pour accompagner les demandeurs d’emploi confrontés à des problématiques de logement. Quelle est votre vision organisationnelle et financière de l’articulation entre Pôle emploi et les départements à ce sujet ?

M. Jean-Hugues Ratenon. Les outre-mer sont durement touchés par le chômage de masse, particulièrement les jeunes, dont le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé que dans la métropole. Cette profonde crise a débuté dans les années 1960 et 1970, et aucune stratégie n’a réussi jusqu’à présent à endiguer le fléau. Ce chômage de masse détruit des générations, et les conditions de vie se sont dégradées. Quelle est votre analyse de la situation dans les outre-mer ?

Pôle emploi est chargé du recensement, de l’application des textes, et de convoquer les personnes sans emploi. Ce fonctionnement n’est pas toujours compris et suscite une certaine méfiance du public à l’égard de cet organisme. Cela pourrait expliquer qu’à La Réunion, on dénombre 71 000 demandeurs d’emploi officiels tandis que 63 000 personnes entre 15 et 64 ans, sans emploi mais souhaitant travailler, n’effectuent plus de recherches. C’est ce que vous appelez le halo du chômage. Comment comptez-vous améliorer les conditions de travail du personnel ? Comment améliorer l’accompagnement des chômeurs dans leur recherche d’emploi et de formation, mais aussi dans la stratégie de suivi de l’indemnisation ? Bref, comment faire pour que les demandeurs d’emploi reviennent dans les agences ?

Quelle est votre position sur la régionalisation de l’emploi, notamment dans les outre-mer, où il existe malheureusement une préférence métropolitaine – on pourrait même parler de « réseau métropolitain » ? Quelles stratégies mettre en place pour répondre à la pénurie d’emplois ? À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles...

Mme Jeanine Dubié. Monsieur Bassères, c’est la troisième fois que j’ai le privilège de vous voir, puisque je vous avais rencontré en 2014 lors de votre prise de fonctions, puis en 2017, au moment où vous êtes proposé pour un quatrième mandat.

L’épidémie de covid-19 a largement affecté le marché du travail, notamment pour les personnes les plus en difficulté : contrats courts, emplois saisonniers. Comment Pôle emploi va-t-il s’organiser pour prendre en charge ces personnes en 2021 ?

Le PLF 2021 prévoit 250 millions d’euros pour renforcer les effectifs, ce qui correspond à l’embauche de 2 150 équivalents temps plein. Comment allez-vous effectuer ces recrutements ? Allez-vous recourir aux volontaires du service civique ? Il y a quelques jours, une chaîne de télévision dénonçait un dévoiement du service civique par Pôle emploi... L’accompagnement des personnes en recherche d’emploi qui cumulent des difficultés sociales mérite un personnel compétent et formé.

Comment allez-vous mettre en place un accompagnement global, pour prendre en compte la recherche d’emploi et les difficultés sociales ? Comment va s’organiser Pôle emploi pour répondre à ces défis en 2021 ?

M. le directeur général de Pôle emploi. Merci aux intervenants qui ont souligné l’engagement des agents de Pôle emploi, ils y seront très sensibles. La manière dont la représentation nationale s’exprime à leur propos est d’une grande importance à leurs yeux.

Monsieur Michels, nous souhaitons poursuivre les actions que nous menons en direction des métiers du BTP et des métiers du grand âge et du soin. Nous progressons sur ces sujets, et quelles que soient les évolutions en 2021, ces secteurs connaîtront des tensions sur le recrutement ; il est très difficile de se projeter, mais nous allons continuer à apporter un soutien important aux secteurs en tension.

Pour l’instant, peu de personnes bénéficient du dispositif mis en place pour les indépendants, qui ne concerne que sept cents à mille personnes. Je ne suis donc pas en mesure de vous apporter des éléments sur les accompagnements spécifiques mis en place. La question a été posée par le Gouvernement, et nous serons à l’écoute de ses décisions.

Monsieur Perrut, en plus des 250 millions d’euros prévus au plan de relance et de l’AIJ, des accompagnements sont prévus dans le cadre du PIC. Les crédits supplémentaires pour des actions financées par Pôle emploi représentent entre 300 et 400 millions d’euros cette année. Je n’ai aucune inquiétude quant aux moyens de Pôle emploi en 2021, qu’il s’agisse des effectifs ou des crédits budgétaires. Le vrai problème, vous avez raison, se posera pour 2022, avec un risque significatif d’impasse budgétaire lié à notre mode de financement.

Nous sommes également très attentifs au lien humain et au contact physique ; c’est pourquoi nous avons plaidé pour que nos agences restent ouvertes pendant le confinement. Nous avons besoin de présence physique pour certains entretiens, et la richesse de Pôle emploi ne tient pas uniquement à ses outils digitaux, mais aussi à son réseau physique. Les deux aspects ne s’opposent absolument pas, nous sommes tout comme vous convaincus que l’accompagnement requiert parfois un contact physique.

La mesure dans laquelle le PIC pourrait bénéficier à des salariés en reconversion dépasse mon champ de compétence. Je comprends cette logique, des dispositifs « Transitions Pro » vont se mettre en place ; mon seul souci est que cela ne se fasse pas au détriment des demandeurs d’emploi. Pendant de nombreuses années, les demandeurs d’emploi en France ont souffert de l’insuffisance des moyens budgétaires consacrés à la formation en comparaison de nos voisins européens ; le PIC a été un moyen d’y remédier. Nous ne devons pas abandonner cette perspective, l’approche par les compétences est indispensable pour les demandeurs d’emploi.

Madame de Vaucouleurs, s’agissant du SPIE, des appels à projet vont effectivement être publiés dans les jours à venir. Nous y sommes très favorables, mais Pôle emploi n’y est qu’un acteur parmi d’autres. Il ne me choque pas du tout que le rôle de Pôle emploi dans les différents territoires ne soit pas le même selon l’organisation qui sera retenue. Le SPIE suscite de ma part deux préoccupations : premièrement, le diagnostic en entrée est une question centrale, et tout ce que pourra faire Pôle emploi pour enrichir ce diagnostic porté sur des personnes confrontées à des freins sociaux et professionnels sera une bonne chose ; c’est du reste l’objectif de l’appel à projets sur le SPIE. Deuxièmement, nous avons tout intérêt à retenir des outils assez simples : si tous les acteurs de l’écosystème – Pôle emploi, missions locales, structures d’insertion – avaient connaissance des places disponibles dans les structures d’insertion économique, ce serait déjà un progrès considérable. Plutôt que d’entrer dans des débats philosophiques sur la gouvernance, privilégions une approche centrée sur les outils et les besoins concrets. Nous serons engagés dans cette dynamique ; il a du reste été recommandé que les projets soient examinés au préalable par différents acteurs, dont Pôle emploi.

Monsieur Aviragnet, je pense avoir déjà répondu à certaines de vos préoccupations. Nous ne sommes pas confrontés à un afflux de demandeurs d’emploi : les mouvements que nous observons concernent des personnes qui sont déjà inscrites à Pôle emploi. Il n’y a pas un flux d’inscriptions nouvelles, l’augmentation des charges est causée par l’accompagnement des personnes qui changent de catégorie. Nous sommes encore protégés par le bouclier de l’activité partielle. La question pourrait se poser pour 2021 ; mais s’il est une chose que j’ai apprise en neuf ans de mandat, c’est que les prévisions sur le marché du travail sont toujours périlleuses... Pour l’heure, nous avons les effectifs et les moyens pour faire face à la crise telle que nous la connaissons ; si demain nos charges augmentent fortement, il faudra nous adapter au vu des évolutions.

Monsieur Christophe, merci d’avoir mentionné l’expérience « Réussir sans attendre » menée dans le département du Nord : les relations entre Pôle emploi et ce département sont parmi les plus efficaces, car nous avons réussi à créer une relation partenariale de confiance qui dépasse les rapports habituels. Elle a commencé autour de l’accompagnement global, comme dans les autres départements, puis s’est enrichie de nombreuses initiatives. C’est un bon exemple de collaboration intelligente et efficace. Cette relation tient aussi beaucoup aux personnes, et je veux saluer la vice-présidente et le président du département, qui sont très impliqués, et les collaborateurs de Pôle emploi.

Le logement est une préoccupation importante, nous essayons de travailler avec Action Logement et des bailleurs sociaux. Nous sommes disposés à renforcer ces actions avec les départements qui ont des capacités en la matière. La problématique du logement est souvent un frein à la reprise d’un emploi : tout ce qui peut être fait dans ce domaine doit l’être.

Monsieur Ratenon, il m’est difficile de vous répondre car les situations dans les outre-mer sont très diverses. Les Antilles ont une croissance démographique très faible ; à La Réunion ou en Guyane, on a affaire à deux univers radicalement différents. Nous tâchons de tenir compte de la diversité, et de nous assurer que l’allocation des ressources aux équipes de Pôle emploi tient compte de l’évolution des charges de travail. Nos redéploiements entre régions sont fonction de nos éléments de mesure de l’activité : cette année, comme l’année dernière, la Guyane, La Réunion et Mayotte vont bénéficier de renforts ; ce sera moins le cas dans les Antilles.

Nous devons nous adapter à la réalité des territoires. Pôle emploi est bien présent dans le tissu économique à La Réunion, où nous avons accompagné des périodes de grands travaux qui posaient des problèmes de recrutement. Il faut réfléchir aux possibilités de participation des services territoire par territoire ; ma responsabilité, comme celle de tous ceux qui sont à la tête d’un réseau national, est de m’assurer que personne n’a été oublié. Je suis ainsi convaincu que Mayotte est un territoire auquel toutes les institutions de la République doivent accorder une grande attention.

Beaucoup d’expérimentations originales de Pôle emploi ont été lancées dans les outre-mer : c’est notamment le cas des contrats aidés, qui ont été imaginés en Guadeloupe avant d’essaimer sur l’ensemble du territoire.

Madame Dubié, je vous remercie de rappeler que ce sera mon quatrième mandat... Les personnes qui travaillent comme extras dans l’hôtellerie et la restauration sont durement frappées par les fermetures administratives, mais elles n’envisagent pas de reconversion professionnelle. Et cela vaut mieux, car le jour où ces secteurs repartiront – ce qui peut être rapide –, ils auront besoin de ces travailleurs : il ne faut pas créer des tensions supplémentaires dans des secteurs qui étaient déjà en tension. Pour ces personnes, les pouvoirs publics apportent une réponse sous la forme d’une aide financière. Notre activité consiste à profiter de cette période pour leur proposer des formations, afin qu’ils montent en compétence tout en restant dans leur secteur d’activité.

Les personnes en fin de droits feront l’objet d’une aide en cours de finalisation par le Gouvernement. Elle devrait viser les personnes victimes de la baisse des contrats courts, et sera sans doute versée par Pôle emploi.

S’agissant des volontaires du service civique, vous faites sans doute allusion à une émission de télévision récente qui, comme toujours, présente une vision très orientée. Je peux affirmer que selon les années, 3 000 à 4 000 volontaires effectuent leur service civique à Pôle emploi. Leur travail correspond à la mission du service civique, puisqu’ils sont exclusivement là pour aider les personnes en difficulté avec les outils numériques. Il s’agit bien de faire du lien social, et pas du tout un travail de conseiller Pôle emploi : il suffit d’aller dans une agence pour voir que ce n’est pas la même chose. Je vous rassure : les 2 150 recrutements effectués correspondent bien à des postes de conseillers de Pôle emploi en CDD de dix-huit mois ; ils ne prenant pas du tout en compte le service civique, et je vous remercie de me permettre de le préciser.

Mme Mireille Robert. Améliorer l’accompagnement dans l’insertion professionnelle des personnes atteintes de maladies chroniques est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. Dans mon rapport « (Sur) vivre après le cancer », je proposais la création d’un référent unique à Pôle emploi pour offrir un accompagnement spécifique aux jeunes adultes. Si la maladie intervient pendant les études, elle retarde l’insertion socioprofessionnelle des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi ; de plus, l’impact de la maladie sur un cursus professionnel peut créer un vide d’une année ou deux dans un curriculum vitæ, et amener à mentionner la maladie auprès d’un employeur potentiel. Un accompagnement personnalisé renforcé aiderait le jeune adulte dans sa recherche d’emploi ; le référent pourrait faire le lien entre les différents outils d’accompagnement, les personnes compétentes et les jeunes adultes.

Pensez-vous qu’un programme d’accompagnement pour les jeunes adultes, voire pour toutes les personnes atteintes de maladies chroniques, pourrait être mis en place au sein de Pôle emploi ?

M. Belkhir Belhaddad. Monsieur le directeur général, je tiens d’abord à vous remercier pour la clarté de certains de vos propos, notamment sur les enjeux de décentralisation.

Je souhaite vous interroger sur la lutte contre les discriminations et le racisme au sein de Pôle emploi, en lien avec le projet de loi sur les valeurs républicaines. Nous avons interrogé Pôle emploi dans le cadre de la mission d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, et je souhaitais avoir votre avis sur le recrutement par la méthode des habiletés, ou des aptitudes. Prévoyez‑vous de la développer pour lutter contre les discriminations dans l’accès à l’emploi ?

Plus largement, quel est votre sentiment sur les propositions contenues dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République ? Certaines de vos actions servent‑elles les mêmes ambitions ?

M. Dominique Da Silva. Je souhaite revenir sur l’allocation des travailleurs indépendants. Selon l’étude d’impact, 30 000 travailleurs indépendants bénéficieraient de cette allocation de 800 euros par mois pendant six mois. Mais vous venez de dire que ce nombre était de sept cents à mille personnes. Comment l’étude d’impact a-t-elle pu être à ce point erronée ?

Au sein du Gouvernement, Alain Griset s’est saisi de la question, et la commission va me confier l’organisation d’un cycle d’auditions sur ce point. Quelle est la meilleure façon de procéder pour qu’une étude d’impact soit au plus près de la réalité concernant les travailleurs indépendants ?

Mme Catherine Fabre. Je souhaite vous interroger sur un public particulier, en risque de désinsertion professionnelle : les assurés licenciés pour inaptitude, ou qui souffrent de maladies chroniques.

La semaine dernière, vous avez signé avec l’assurance maladie une convention qui prévoit notamment une intervention plus précoce des services de Pôle emploi, et des expérimentations pour travailler à une meilleure collaboration. Elle s’inscrit dans la perspective du texte sur la santé au travail que nous serons appelés à examiner.

Que pensez-vous de la mise en place d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) pour les personnes licenciées pour inaptitude, à l’image de ce qui existe pour les salariés licenciés pour motif économique ? Cet accompagnement renforcé fonctionne très bien car il permet à ces personnes de ne pas s’éloigner de l’emploi.

Quelles sont vos pistes pour renforcer la collaboration des différents acteurs de l’accompagnement professionnel et de la santé au travail – pas uniquement l’assurance maladie, mais aussi les services de santé au travail ? Comment améliorer la visibilité du dispositif de l’essai encadré, qui permet de tester la compatibilité entre un poste de travail et les capacités d’une personne pendant trois jours ?

Serait-il enfin pertinent de permettre aux services de santé au travail de prescrire des « périodes de mise en situation en milieu professionnel » (PMSMP), ou de prévoir qu’ils puissent interpeller Pôle emploi pour les mettre en place de manière accélérée ?

Mme Annie Vidal. Ma question porte sur une catégorie de personnes éloignées de l’emploi, les personnes en situation de handicap. Leur taux de chômage a diminué d’un point, mais il reste très élevé, à 16 %, soit le double de la moyenne nationale. Les trois quarts des 500 000 personnes concernées ont un niveau de formation inférieur au baccalauréat.

Quelle action peut entreprendre Pôle emploi pour que le marché de l’emploi leur soit davantage ouvert ? Comment mieux les accompagner, et comment Pôle emploi peut se mobiliser pour inciter les entreprises à les recruter et construire une société plus inclusive ?

M. Didier Martin. Monsieur le directeur général, je vous remercie à mon tour pour cet exposé et ce débat riche et diversifié.

En Côte-d’Or, la présence de vingt agences de Pôle emploi, dont trois à Dijon, illustre bien le maillage territorial d’une grande structure d’État et d’un grand service public, dont nous avons besoin.

Ma question porte sur l’emploi des seniors. Je ne sais pas exactement à quel âge on devient senior ; cela dépend si l’on travaille à l’Assemblée nationale, si l’on est joueur de football ou métallurgiste ! Une mission d’information va m’être confiée sur ce sujet récurrent, à propos duquel de nombreux travaux ont déjà été conduits. Il m’intéresserait d’approfondir cette question avec vous et de vous inviter à un débat sur ce sujet préoccupant pour notre société. Il appelle des solutions adaptées permettant de moduler l’activité lorsque l’on atteint un âge auquel on a envie de diversifier ses activités et de rebondir.

Mme Monique Limon. Nous constatons sur le terrain combien les évolutions que vous avez évoquées ont été nécessaires, du point de vue stratégique, opérationnel et territorial.

Néanmoins, il existe encore trop de décalage entre la perception de Pôle emploi par les chefs d’entreprise, notamment des très petites PME, et la réalité des prestations rendues par les agents de Pôle emploi.

Quelles mesures envisagez-vous pour permettre le travail de connaissance-reconnaissance en proximité, indispensable pour permettre aux demandeurs d’emploi de nos territoires d’accéder aux emplois locaux ? En Isère, nous avons organisé des rencontres entre des employeurs et Pôle emploi pour faciliter cette connaissance-reconnaissance, et cela fonctionne. Je tiens à souligner le professionnalisme et l’engagement des agents de Pôle emploi : c’est ainsi qu’il faut travailler, en proximité.

Mme Bénédicte Pételle. Vous avez évoqué votre attention pour les plus fragiles, particulièrement les jeunes, qui sont marqués par cette crise sanitaire. Vous avez fait état du renforcement de l’AIJ, dont le nombre de bénéficiaires passera de 135 000 à 240 000 en 2021, tandis que le nombre des contrats initiative jeunes passera de 10 000 à 50 000. Vous nous avez indiqué qu’il n’y avait pas d’augmentation marquante des nouvelles inscriptions à Pôle emploi. Cela vaut-il également pour les jeunes ?

Une des six missions de Pôle emploi est de prospecter et de mettre en relation. Dans ma circonscription, la coopération entre la mission locale et Pôle emploi n’est pas toujours facile. Vous avez évoqué un exemple de rapprochement et de travail constructif : toujours preneuse de bonnes pratiques, j’aimerais en savoir davantage !

M. le directeur général de Pôle emploi. Améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi en situation de handicap est pour nous une ambition particulièrement forte. Notre rapprochement avec Cap emploi est à cet égard essentiel à mes yeux. Demain, les agences de Pôle emploi seront les lieux uniques d’accompagnement de ces demandeurs d’emploi par des conseillers de Cap emploi. Nous menons des expérimentations, dont nous étendrons le champ dès le début de l’année prochaine, en espérant les généraliser en fin d’année. Outre cette évolution physique, l’objectif est de bâtir avec Cap emploi une offre de services intégrée pour mobiliser au mieux les compétences : chaque demandeur d’emploi en situation de handicap doit avoir accès à des interlocuteurs capables de s’adapter en fonction de tous ses besoins. Ce projet a de surcroît une valeur emblématique : il démontre que deux membres du service public de l’emploi peuvent travailler ensemble sans susciter des craintes infondées. C’est à mes yeux un enjeu majeur.

La réussite du projet dépend aussi de l’animation des relations entre Pôle emploi et les entreprises : comment mobiliser nos forces pour aller vers les entreprises et les amener à abandonner des stéréotypes souvent très éloignés des réalités ? Bien entendu, il ne s’agit pas de considérer tout jeune adulte souffrant d’une maladie chronique comme un individu en situation de handicap, mais les deux problématiques ne sont pas sans rapport. Nous profiterons de la montée en compétences de Pôle emploi pour doter chaque agence de conseillers référents spécialisés, afin que les travailleurs en situation de handicap soient accompagnés par un nombre restreint de conseillers, qui maîtrisent mieux leurs attentes spécifiques, ce qui n’est pas très éloigné de votre idée de conseiller référent, madame Robert. Il me semble judicieux d’intégrer votre préoccupation dans le cadre de notre rapprochement avec Cap emploi, auquel je crois beaucoup. Nous nous tenons à votre disposition pour vous le présenter plus précisément, et voir comment nous pourrions intégrer votre suggestion.

Monsieur Belhaddad, je suis, vous le savez, un archi-convaincu de la pertinence de la méthode de recrutement par simulation (MRS) : la MRS est clairement un de nos moyens les plus efficaces pour lutter contre les discriminations. Que peut-on faire pour l’améliorer ? La moderniser un peu, par exemple par le biais d’un exercice digitalisé, auquel nous travaillons. Nous devons concevoir les exercices MRS pour les métiers du digital, et plus généralement les métiers émergents, sans nous cantonner aux métiers traditionnels.

S’agissant du projet de loi confortant le respect des principes de la République, je ferai preuve de modestie, car je n’en connais pas la teneur. J’ai lu un article de presse à ce sujet, mais il ne traite pas directement des conseillers de Pôle emploi. Ce que je puis dire avec force, c’est que nous avons éprouvé le besoin, il y a quelques mois – donc indépendamment de l’actualité récente – de repréciser, au sein de Pôle emploi, les enjeux de la laïcité. Notre position sur ce sujet est parfaitement claire. Nous avons élaboré un guide de la laïcité et de la neutralité, ce qui nous a pris du temps, car le sujet est complexe. Nous l’avons fait relire par des personnes extérieures à Pôle emploi ; c’est un enjeu essentiel dans les services publics, au sujet duquel il ne faut pas se voiler la face. Il faut donc disposer de références très claires. Ce guide a sans doute des défauts, comme tous les guides, mais il a aussi une vertu : il présente des exemples concrets, permettant de savoir comment agir dans telle ou telle situation. Nous y sommes très attachés.

Monsieur Da Silva, j’ignore si Pôle emploi était chargé de l’étude d’impact que vous avez évoquée. Si tel était le cas, je vous présente toutes mes excuses. Manifestement, il y a eu un problème. Sans doute l’étude concluait-elle à un taux d’incertitude élevé, dans la mesure où le dispositif était assez nouveau. Nous devons nous interroger ; les discussions annoncées par plusieurs membres du Gouvernement offriront l’occasion de regarder pourquoi les dispositifs concernés ont été conçus de façon trop restrictive. Sur ce point, je ne dispose pas d’une vision claire ; je me suis contenté de faire état d’un constat. En tout état de cause, pour les travailleurs indépendants, l’écart entre les prévisions et la réalité est assez important. À noter que ce n’est pas le cas s’agissant des démissionnaires. Reste à savoir pourquoi le travail a été bien fait dans un cas et pas dans l’autre...

Madame Fabre, l’accès aux soins des demandeurs d’emploi est un problème général : souvent, ils n’ont pas connaissance de l’existence des dispositions auxquelles ils sont éligibles. Les informer qu’ils peuvent bénéficier d’un examen de santé et d’une couverture santé par une mutuelle est le premier enjeu de la convention que nous avons conclue avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM). Le second, que vous avez évoqué, est de déterminer comment nous insérer dans les dispositifs de prévention de la désinsertion professionnelle. La convention prévoit que nos équipes participent aux plateformes dédiées ; comme je l’ai dit au directeur de la CNAM, il faudra bien faire en sorte un jour qu’elles bénéficient aux demandeurs d’emploi.

S’agissant du CSP, nous avons mené une expérience d’accompagnement renforcé de personnes licenciées pour inaptitude médicale, qui a donné de bons résultats. Nous vous les communiquerons. Même si elle est un peu ancienne, elle démontre que le principe d’un accompagnement renforcé produit ses effets. Doit-il prendre la forme d’un CSP ? Je ne me prononcerai pas sur ce point, notamment parce qu’il soulève des questions de financement. J’ai fait au directeur de la CNAM la proposition suivante : s’il accepte d’ouvrir le bénéfice de sa plateforme de désinsertion professionnelle aux demandeurs d’emploi, nous ciblerons notre action sur ces personnes. Nos préoccupations sont donc assez proches des vôtres, madame Fabre.

Je ne connais pas les outils que vous avez évoqués dans le cadre de votre seconde question ; je resterai donc modeste. Vous proposez que les services de santé au travail puissent prescrire des PMSMP. Pourquoi pas ? Nous souhaitons que le recours à ces outils puisse être prescrit par d’autres acteurs que le service public de l’emploi ; nous menons des réflexions à ce sujet avec certaines collectivités locales. J’ignore les besoins précis, mais je n’ai aucune opposition de principe.

Monsieur Martin, nous nous retrouvons ultérieurement pour évoquer l’emploi des seniors, si j’ai bien compris ! Ce sujet est complexe, pour nous comme pour tout le monde. J’ai une conviction : l’essentiel est d’éviter que les seniors se trouvent hors de leur structure d’emploi. Une fois qu’ils sont au chômage, contraints de s’adresser à Pôle emploi, ils connaissent des difficultés particulièrement fortes en matière d’insertion. Il faut travailler autant que possible en amont. S’agissant des seniors en situation de chômage, la difficulté est de vaincre certains stéréotypes qui persistent chez les employeurs. Nous n’avons aucune offre de service destinée aux seniors stricto sensu. Nous menons des expérimentations spécifiques, notamment les clubs seniors, qui fonctionnent assez bien. Nous nous tenons à votre disposition pour vous les présenter. Mais nous n’avons pas de solution miracle.

M. Didier Martin. Dommage !

M. le directeur général de Pôle emploi. Ma seule certitude est que, même si j’ignore le détail des critères d’âge définissant les seniors, j’en suis un à titre personnel, comme on me l’a bien expliqué à Pôle emploi !

Madame Limon, je partage complètement votre sentiment. Le taux de satisfaction des entreprises qui travaillent avec nous est d’environ 80 %. Même si ce résultat laisse des marges de progrès, il est satisfaisant. Mais lorsqu’on interroge des entreprises qui ne travaillent pas avec nous, on est très loin d’avoir des taux de cette nature... Nous accusons donc un important déficit d’image et de communication. Pour y remédier, nous allons mettre en place des task forces régionales, afin d’aller au-devant des entreprises et de faire connaître notre offre de services. Des actions de communication, au sens positif du terme, s’imposent. Cela passera par des rencontres locales, comme celles que vous avez organisées en Isère, afin de chasser une image négative qui remonte peut-être au démarrage de Pôle emploi. Les entreprises ont pu en avoir de mauvais souvenirs ; il faut simplement les convaincre de retenter l’expérience.

Mme Monique Limon. Exactement !

M. le directeur général de Pôle emploi. Nous sommes là pour les mobiliser. Je suis pleinement conscient de cet écart de perception. Les parlementaires nous le disent, les ministres qui se rendent dans les entreprises également. Il faut toujours s’efforcer d’améliorer les choses. Si une entreprise dans votre circonscription vous dit qu’elle ne fait appel à Pôle emploi, signalez-le nous. Nous prendrons contact avec elle, ne serait-ce que pour comprendre pourquoi, dans le cadre d’une démarche proactive.

Madame Pételle, vous avez évoqué les conséquences de la crise sur les jeunes. Ils ont été effectivement été plus nombreux à s’inscrire au chômage. Je n’ai pas en mémoire les chiffres du mois de novembre, mais l’effectif des demandeurs d’emploi de catégorie A et B est supérieur de 200 000 ou 300 000 personnes à ce qu’il était avant le deuxième confinement, dont plus 90 000 pour les jeunes.

J’ai évoqué la mission locale du Val de Marque, qui se trouve dans la circonscription de Mme la rapporteure, dont je crois pouvoir dire sans trahir sa pensée qu’elle défend sans réserve ce rapprochement. Elle vous en parlera mieux que moi. L’idée est simple : oublions les querelles sur la fusion entre organismes ou le choix du logo et laissons les gens décider ensemble comment ils souhaitent travailler pour les jeunes. Et cela fonctionne. Je me suis rendu sur place, en présence de Mme Six : j’étais bien incapable de déterminer qui travaillait pour la mission locale et qui travaillait pour Pôle emploi ! Mais une telle démarche ne réussit que si ce sont les élus qui en sont les leaders. C’est l’enseignement que j’ai retiré de ma visite : ce sont les élus qui avaient été à l’origine de ce rapprochement. Et si on leur disait qu’on arrête, ils ne seraient pas d’accord. Je suis convaincu que le plan « 1 jeune, 1 solution » offre l’occasion de multiplier ce genre d’expérience.

Mme la rapporteure. Je remercie tous les intervenants pour la richesse de nos débats dans ce contexte très particulier. Je remercie aussi les collègues qui nous ont informés des missions et des auditions qu’ils mèneront l’année prochaine et qui nous permettront également de répondre aux questions que nous nous sommes posées avec M. Bassères.

Je vous remercie, monsieur le directeur général, pour vos propos clairs et pragmatiques sur tous les enjeux liés à l’emploi. Nous autres, élus, sommes très sensibles au travail de couture réalisé par Pôle emploi dans chacun de nos territoires.

Une question vient d’être posée sur les coconstructions menées avec Pôle emploi dans ma circonscription. Elles sont nées de la volonté d’élus acteurs de terrain, au sein d’une intercommunalité ; le contexte était favorable, puisque les structures concernées se respectaient. Des objectifs communs ont donc été fixés à une mission locale et à une agence de Pôle emploi. Il ne s’agissait pas d’une fusion : chaque structure conservait sa compétence et sa manière d’aborder le sujet. Nous avons donc constitué des binômes associant un conseiller Pôle emploi et un conseiller de mission locale, chargés de mener des actions communes. Un an plus tard, nous avons dressé un bilan : les résultats avaient augmenté de 20 % dans des secteurs difficiles. L’essentiel était de respecter l’autre, la compétence de l’autre, et de poursuivre un objectif commun.

Le financement des structures chargées de l’accompagnement dans l’emploi dépend souvent de la réalisation d’objectifs qui leur ont été assignés : chacun essaie alors de récupérer le plus de demandeurs d’emploi afin de s’assurer qu’il recevra le financement qu’il lui faut. En faisant travailler ces structures ensemble, l’objectif devient commun : le financement est garanti d’un côté comme de l’autre, et la concurrence disparaît. Ce travail commun permet aussi de se rendre compte de la compétence de l’autre, que l’on constate au quotidien. Cela dit, tout cela est difficile à mettre en place car chaque structure a ses habitudes propres. Dans ma circonscription, nous avons dû mettre les moyens, mais il ne nous viendrait pas à l’esprit de remettre en cause cette nouvelle façon de travailler.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Merci, madame la rapporteure, pour la qualité de vos travaux et de vos interventions.

Je vous remercie également, monsieur le directeur général, pour la clarté de vos réponses et le travail que vous accomplissez. La toute première fois que je vous avais rencontré, c’était en 2012 ; depuis, j’ai pu constater et apprécier la transformation de Pôle emploi. Vous en avez fait un service public à la hauteur des attentes de nos concitoyens – ce qui est d’autant plus important en temps de crise. Nous aurons certainement l’occasion de nous revoir sur des sujets spécifiques – à commencer par celui du travail des seniors, qui tient à cœur aux députés que nous sommes.

Nous allons maintenant procéder au vote sur la proposition de votre nomination.

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Délibérant à huis clos, la commission désigne comme scrutateurs Mmes Mireille Robert et Valérie Six, puis elle se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l’article 29-1 du Règlement, sur le renouvellement envisagé de M. Jean Bassères à la direction générale de Pôle emploi.

La séance est levée à onze heures cinq.

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Il est procédé au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette nomination opérée par la commission des affaires sociales du Sénat.

Les résultats du scrutin sont les suivants :

Nombre de votants : 18

Bulletins blancs ou nuls : 0

Abstentions : 0

Suffrages exprimés : 18

Avis favorables : 18

Avis défavorable : 0

En conséquence, la commission a émis un avis favorable au renouvellement de M. Jean Bassères à la direction générale de Pôle emploi.