Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Audition, en visioconférence, de Mme Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France, sur la crise sanitaire 2

  – Information relative à la commission.......................18

 

 

 


Mercredi
3 mars 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 53

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 3 mars 2021

La séance est ouverte à 9 heures 35.

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La commission procède à l’audition, en visioconférence, de Mme Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France, sur la crise sanitaire.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous poursuivons cette semaine nos travaux dans le cadre du suivi de la crise sanitaire. Nous vous sommes pleinement reconnaissants d’avoir répondu à notre invitation dans les circonstances actuelles. Vous avez été déjà auditionnée à plusieurs reprises au Parlement depuis près d’un an. Notre réunion, ce matin, n’a pas pour objet de revenir sur cette période, mais plutôt de faire un point d’actualité sur la crise sanitaire, afin de tracer des perspectives.

Je vous laisse la parole pour une dizaine de minutes, puis la donnerai à la référente de notre commission pour Santé publique France, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Les représentants des groupes politiques interviendront ensuite, puis d’autres députés vous soumettront des questions, auxquelles vous pourrez répondre.

Mme Geneviève Chêne, directrice générale de Santé publique France. Je voudrais commencer par vous assurer, mesdames et messieurs les députés, de la mobilisation pleine et entière de l’ensemble des agents de Santé publique France (SPF). De la situation exceptionnelle que nous vivons depuis un an, nous retenons une chose : nous avons affaire à un virus tenace et imprévisible. Nous n’en avons pas moins beaucoup appris au cours de cette période et nous avons accumulé de nombreuses connaissances scientifiques. Il n’est toutefois pas encore temps de baisser la garde.

Comment décrire la situation actuelle ? Elle reste complexe et préoccupante en raison d’une dynamique épidémique globalement à la hausse. La circulation élevée du virus se conjugue avec une pression hospitalière forte, qui s’exerce en particulier sur les services de réanimation, alors que des variants davantage transmissibles se diffusent de plus en plus, au point de tendre désormais à prédominer en métropole, comme d’ailleurs dans certains territoires d’outre-mer.

L’incidence des cas augmente de nouveau, de 8 %, depuis la troisième semaine de février 2021, après deux semaines d’amélioration. Chaque jour, 20 000 à 21 000 nouveaux cas en moyenne sont confirmés. Le taux d’incidence augmente dans toutes les classes d’âge entre 15 et 75 ans. Un nombre élevé de patients sont à ce jour hospitalisés : environ 25 000 à la date du 2 mars 2021, dont près de 3 600 en réanimation. Les tensions hospitalières persistent, alors même que le nombre de nouvelles hospitalisations, lui, se stabilise depuis une semaine autour de 9 400. Les nouvelles admissions en réanimation progressent en revanche – 1 900 cette semaine contre 1 800 la précédente, soit environ 9 % de plus. Cette hausse intervient alors que nous observons également un excès de mortalité, toutes causes confondues, depuis la fin du mois de septembre 2020.

Si le virus continue de toucher fortement les personnes âgées de 75 ans et plus, nous observons depuis la mi-février 2021 une amélioration de la majorité des indicateurs épidémiologiques dans cette classe d’âge : diminution des nouveaux cas, moindre proportion de patients hospitalisés par rapport aux autres classes d’âge et recul du nombre de cas en établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le taux de mortalité a, dans l’ensemble, légèrement diminué (de 5 %) à la mi‑février 2021.

Cette amélioration résulte vraisemblablement des effets de l’augmentation progressive, dans cette classe d’âge, de la couverture vaccinale. En effet, 83 %, soit une très grande majorité, des résidents d’EHPAD avaient reçu une première dose de vaccin au 1er mars 2021 et 28 % des plus de 80 ans, où qu’ils résident, ont reçu une première dose de vaccin, contre un quart des personnes de 75 à 79 ans. Ces signes sont encourageants à l’heure où la campagne de vaccination dans les EHPAD touche à son terme. Ils témoignent d’une protection croissante des plus vulnérables face au virus.

Malgré tout, l’apparition, depuis janvier 2021, de nouvelles formes de ce dernier rend incertaine l’évolution de la situation, au moins dans l’immédiat. Trois de ces variants nous préoccupent plus que les autres : l’un a été identifié en décembre 2020 au Royaume-Uni, un autre plus récemment en Afrique du Sud et un autre enfin au Brésil. Ces trois variants présentent la particularité d’être davantage transmissibles. Compte tenu de leur impact potentiel sur le cours de l’épidémie, nous les qualifions de variants d’intérêt.

Dès leur identification, nous avons mis en place un système de surveillance spécifique grâce au Centre national de référence des virus des infections respiratoires, à l’Institut Pasteur et au CHU de Lyon. Cette surveillance a été renforcée depuis le signalement de premiers cas d’infection due à ces variants en France et elle repose sur une stratégie globale. Celle-ci passe par la réalisation systématique par les laboratoires de tests PCR de criblage en cas de test positif, de manière à surveiller les variants d’intérêt connus tout en évaluant leur diffusion sur l’ensemble du territoire.

À cela s’ajoutent des enquêtes flash faisant appel au séquençage du génome viral à partir d’une sélection aléatoire de prélèvements PCR positifs, répétée à intervalles réguliers. Ces enquêtes sont effectuées en lien avec le réseau des centres nationaux de référence ainsi qu’avec l’Agence nationale de recherche sur le SIDA et les hépatites virales-Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE). Leur objectif consiste en priorité à dresser la cartographie complète des types de virus circulant en France, qu’ils correspondent à des variants d’intérêt connus ou non, et à détecter l’émergence de nouveaux variants.

Enfin, une surveillance épidémiologique renforcée de l’ensemble du territoire doit permettre de repérer tout signal épidémiologique précoce, tel qu’une hausse brutale de nouveaux cas, susceptible de donner l’alerte, vu la transmissibilité accrue des nouveaux variants.

Nous sommes donc aujourd’hui en mesure de décrire quotidiennement la distribution de ces suspicions de variants jusqu’à l’échelon départemental. Ces données seront prochainement en accès libre.

Le variant d’abord identifié au Royaume-Uni prédomine aujourd’hui : il rend compte d’environ 60 % des tests positifs au niveau national. Environ 6 % des tests de criblage correspondent à une suspicion d’un des deux autres variants d’intérêt.

La circulation de ces trois variants détectés dans l’ensemble des régions du territoire demeure hétérogène compte tenu des fortes disparités entre départements. Plus de 30 % des tests criblés réalisés dans 90 d’entre eux laissent soupçonner la présence du variant initialement isolé au Royaume-Uni, tandis que l’un des deux autres variants apparaît dans plus de 10 % des tests criblés réalisés dans 10 autres départements.

Depuis une à deux semaines, cette augmentation de la circulation des variants s’associe à une élévation du taux d’incidence.

En conclusion, malgré l’effet fort probablement bénéfique de la vaccination, en particulier sur les classes d’âge les plus vulnérables, la situation reste préoccupante. L’évolution des indicateurs et l’analyse des risques territoriaux dans les prochains jours et semaines s’avéreront donc déterminants. Voilà qui explique qu’une surveillance renforcée de certains départements en particulier, en lien avec nos cellules régionales, les agences régionales de santé et le ministère de la Santé, vienne soutenir les mesures de gestion prises sur l’ensemble du territoire.

Au-delà de la surveillance de tous ces indicateurs, de nombreuses questions subsistent encore sur les dynamiques de l’épidémie. Il nous revient, à nous et à nos partenaires, européens en particulier, de les investiguer, notamment en confrontant les connaissances théoriques avec la réalité des données collectées.

Nous savons ainsi que, lorsque la proportion du variant augmente dans un territoire, les nouveaux cas d’infection augmentent à leur tour. Pour autant, la corrélation observée reste-t-elle constante dans le temps ? Comment les mesures prises l’influencent-elles ? Répondre à ces questions réclame un travail d’analyse des données quotidiennes qui fasse aussi appel à la modélisation. Nous nous intéressons fortement à l’évaluation de l’efficacité vaccinale en vie réelle, en particulier sur les formes hospitalisées, au sein d’un groupe de travail européen du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Quelle est l’efficacité de la vaccination sur les formes graves de la Covid-19 en vie réelle ? Combien de temps après l’injection d’une première puis d’une seconde dose peut-on escompter un impact sur les indicateurs et la dynamique de l’épidémie ?

Nous nous intéressons par ailleurs à l’identification précoce des cas de réinfection, c’est-à-dire quand une même personne est testée positive à deux mois d’écart. Les réinfections seraient-elles associées à certains variants ?

Enfin, il apparaît fondamental de renforcer les efforts collectifs menés dans le cadre de la stratégie « tester, alerter, protéger ». SPF contribue également aux réflexions sur la stratégie de déploiement des tests dans les écoles en soutien au ministère de l’Éducation nationale, ainsi qu’à la définition de stratégies d’expérimentation dans les secteurs culturel ou sportif.

Pour terminer, sachez que nous avons grandement conscience de notre responsabilité de rendre accessible à tous l’information sur cette épidémie. Les chiffres publiés chaque jour proviennent de nos indicateurs. Chaque semaine, nous publions des points épidémiologiques à l’échelon national et régional qui participent à l’analyse de la situation. Toutes les données sur lesquelles se fonde notre analyse figurent sur notre site ou sont accessibles en open data, en particulier sur la plateforme Géodes.

Toute crise, et en particulier celle-ci, a un impact sur d’autres facettes de la santé. C’est pourquoi l’agence reste très attentive aux effets de l’épidémie sur d’autres déterminants de santé, tout comme elle s’attache à maintenir, voire à renforcer son action en faveur de la santé dans sa globalité.

En ce qui concerne la santé mentale des Français, nous avons mis en place, dès le début du premier confinement, une étude répétée à intervalles réguliers. Ses derniers résultats révèlent une augmentation significative des états anxieux et dépressifs par rapport à la vague précédente. Cela nous a conduits, avec l’ensemble de nos partenaires, et en lien avec le ministère de la Santé, à renforcer les dispositifs de surveillance, d’une part, et de soutien individualisé, d’autre part.

Enfin, rester mobilisés contre la Covid-19 ne doit nous détourner ni du suivi ni de la prévention des maladies chroniques ou encore des addictions. Nous devons favoriser la prévention parallèlement à l’amélioration continue des connaissances. C’est d’ailleurs l’objectif que nous poursuivons avec les programmes de lutte contre le cancer et nos actions de prévention concernant le tabac ou l’alcool.

Nous restons donc pleinement mobilisés pour la santé de tous.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. En tant que nouvelle référente de votre agence pour notre commission, j’espère avoir le plaisir de vous rencontrer bientôt au sein même de votre maison. Avant cela, je tiens à saluer le travail de Santé publique France et de ses 600 agents, mis à l’honneur en cette période critique.

La création et le développement de SPF depuis 2016 répondent à nos aspirations en matière de prévention et de promotion de la santé, grâce à la transversalité de son expertise, transversalité qui fait encore aujourd’hui défaut à nombre de nos politiques de prévention.

La crise liée au Covid-19 a montré à quel point nous avions besoin d’un schéma d’intervention rapide et de moyens pour le mettre en œuvre, si nous voulons progresser dans le domaine de la prévention.

Les Français connaissent à présent Santé publique France, principalement au travers des chiffres que cette agence publie quotidiennement et de ses campagnes de communication sur les comportements à adopter, c’est-à-dire pour ses missions de surveillance et ses actions de prévention.

Concrètement, en matière de prévention, comment et quand travaillez-vous avec le ministère des Solidarités et de la Santé et le service d’information du Gouvernement ? Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon vous travaillez avec les experts du secteur privé qui sont missionnés par le Gouvernement, comme la BVA Nudge Unit ? Plus globalement, quel regard critique posez-vous sur le nuage d’institutions et de dispositifs créés depuis mars 2020 ? Qu’en est-il de votre expertise par rapport à la multiplicité des acteurs impliqués ? Comment analysez-vous le retentissement sur la confiance des citoyens que la cacophonie de ce nuage de dispositifs pourrait laisser pressentir ?

Enfin, je mène avec mon collègue Régis Juanico une mission sur la politique de prévention. Nous aurons certainement l’occasion de vous auditionner, mais nous venons déjà de faire un point d’étape avec la Cour des comptes qui réinterroge les conséquences de la pandémie sur les activités de prévention.

La crise a bien démontré de lourdes difficultés en termes de réactivité, d’anticipation et d’acculturation. Il nous faut une politique de prévention plus affirmée, plus efficiente et plus efficace. Plusieurs points interpellent : les confinements ont pu accroître certaines addictions qui trouvent leur origine dans l’isolement ou le stress. La Cour nous informe qu’un quart des Français déclaraient avoir augmenté leur consommation d’alcool. Cette augmentation des facteurs de risque pourrait accroître l’incidence des maladies chroniques dans les années à venir. Disposez-vous de données complémentaires ou plus récentes à ce propos ? Travaillez-vous sur ce sujet ? Il m’a semblé que oui.

Enfin, concernant la différenciation et la déprogrammation des soins, les confinements ont pu amplifier le renoncement aux soins liés à des retards de dépistage, n’ayant probablement pas été comblés dans les mois suivant les déconfinements. Disposez‑vous de données à ce sujet ? En tout état de cause, tant les effets des pathologies chroniques sur la mortalité durant cette crise que l’organisation difficile des acteurs de la prévention, notamment auprès des enfants et des jeunes, soulignent la nécessité d’agir. Ce pourquoi nous comptons sur vous.

Mme Annie Vidal. Vendredi dernier, Santé publique France a déclaré observer les premiers effets de la campagne de vaccination chez les personnes âgées de plus de 75 ans. À ce jour, 80 % d’entre elles ont déjà reçu une dose de vaccin et plus de la moitié sont immunisées. Les indicateurs épidémiologiques, le taux d’hospitalisation et la mortalité parmi cette tranche d’âge diminuent tous rapidement, en particulier dans les EHPAD, où vos données indiquent une forte baisse des décès ces dernières semaines.

On ne peut que se réjouir de voir la campagne de vaccination porter ses fruits en France. C’est le résultat d’une stratégie de santé publique mise œuvre par des professionnels de santé, dont je salue une fois de plus l’investissement sans faille. La montée en puissance de la vaccination se poursuit et protège chaque jour un nombre croissant de personnes fragiles, particulièrement à risque de contracter des formes graves de la Covid-19.

Nous devons cependant rester extrêmement vigilants, car le virus et ses variants continuent de circuler sur notre territoire, l’ensemble des indicateurs se maintenant à un niveau très élevé. Vous avez notamment alerté sur le risque de surcharge des hôpitaux dans les prochaines semaines. Certains établissements de santé parisiens, dont l’hôpital Lariboisière, ont constaté que les patients hospitalisés dans les services de réanimation étaient de plus en plus jeunes. Observez-vous cette tendance à l’échelle nationale ? Comment expliquez-vous ce phénomène ? Comment pensez-vous qu’évoluera la situation dans les hôpitaux ?

M. Bernard Perrut. Au 28 février 2020, moins de 3 millions de personnes en France avaient reçu une première injection du vaccin et 1,6 million étaient entièrement vaccinées. On entend pourtant dire qu’au rythme actuel, l’objectif de vacciner l’ensemble de la population adulte serait atteint le 23 juillet 2023. Êtes-vous en mesure de nous le confirmer ? La France dispose actuellement de près d’un million de doses de vaccin non utilisées. Nous sommes d’ailleurs l’un des seuls pays d’Europe où la vaccination ralentit massivement le week-end. Pourrions-nous améliorer notre dispositif de vaccination ? Au 2 mars 2021, seuls 27 % des vaccins AstraZeneca avaient été administrés.

La campagne de vaccination est sans doute trop lente. Comment l’accélérer ? Comment combattre les réticences, manifestes jusque chez les soignants, à recevoir le vaccin AstraZeneca, qui provoquerait, paraît-il, des effets secondaires ?

Qu’en est-il de l’efficacité de ce sérum contre le variant sud-africain ? Comment accélérer la campagne vaccinale, alors que l’éventuelle création d’un pass sanitaire s’apparentant in fine à un passeport vaccinal menace de créer une inégalité significative entre les citoyens en mesure d’accéder au vaccin et les autres ?

Le Gouvernement a confié à un certain nombre de cabinets de conseil en stratégie d’importantes missions et attributions relatives à la méthode de vaccination, l’agenda gouvernemental, les dates de livraisons des vaccins, le circuit logistique ou bien encore le lancement, l’enrichissement et le suivi d’un système d’information en matière de vaccination. Bien sûr, le recours à ces cabinets de conseil n’est pas nouveau. Une telle privatisation de la politique de santé suscite toutefois des interrogations.

Pourriez-vous nous parler des contrats directement passés par Santé publique France – le ministère n’ayant pas été le seul à en signer – ainsi que du coût des prestations ainsi assurées ? Comment justifier le recours accru à des cabinets privés dans la conduite des politiques publiques au service de l’intérêt général ? Pourquoi le Gouvernement ne confie-t-il pas davantage ces missions à l’administration et aux fonctionnaires de l’État ? Nous gardons bien sûr, en tant que députés Les Républicains, toute notre confiance dans les services de Santé publique France et de notre ministère, de même que dans toutes nos administrations.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Quand pourra-t-on vacciner la totalité des résidents en EHPAD ? Pourquoi la vaccination accuse-t-elle un retard dans les résidences-autonomie par rapport aux EHPAD ? Ce retard pourra-t-il être comblé rapidement ? Dans quel délai ?

Vous avez par ailleurs évoqué des travaux sur les réinfections. Pourriez-vous nous en dire plus sur leur état d’avancement ?

Enfin, a-t-on identifié d’autres variants que ceux qui sont déjà connus ? Si oui, dans quelles proportions sont-ils présents parmi la population ? Certains font‑ils l’objet d’une surveillance renforcée de votre part ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Ma première question portera sur les vaccins et la vaccination dans les établissements de santé. La difficulté de susciter l’adhésion des professionnels de santé à la vaccination apparaît évidente. La campagne de vaccination en cours ne devrait-elle pas fournir l’occasion d’un débat sur le sujet tabou de la vaccination obligatoire – contre la Covid-19 aussi bien que contre la grippe ?

Ma collègue a parlé des résidences-autonomie. Je me demande, moi aussi, comment nous pourrions y accélérer la vaccination, à présent que 80 % des résidents en EHPAD sont vaccinés.

Ma question vaut aussi pour les personnes âgées à domicile ne disposant d’aucun moyen de se rendre dans un centre de vaccination. Peut-être serait-il possible à des infirmiers de les vacciner ? Il faudrait en tout cas concevoir un plan d’action en leur faveur. Même si des transports sanitaires ont été mis en place dans leur intérêt, y recourir reste encore trop compliqué pour certaines d’entre elles.

Ma dernière question concerne les pathologies qui ne sont pas prises en charge et les diagnostics restant à établir. Santé publique France dispose-t-elle d’un observatoire de l’aggravation des pathologies chroniques ou des conséquences de la prise en charge tardive de pathologies n’ayant pu être diagnostiquées à temps ?

Mme Valérie Six. En tant que députée du Nord, je souhaite vous interroger sur la répartition des doses de vaccin entre les territoires. Depuis le lancement de la campagne, fin décembre 2020, le département du Nord a reçu près de 130 460 doses sur les 5,4 millions livrées sur l’ensemble du territoire national. Ce chiffre correspond à 1 dose pour 19,9 habitants dans le Nord contre 1 pour 12,5 habitants à l’échelle nationale.

Il convient de considérer cette inégalité à l’aune du contexte sanitaire dans le département, où la situation épidémiologique est de plus en plus tendue. Quatre départements de la région Hauts-de-France font l’objet d’une surveillance renforcée. Le taux d’incidence à Dunkerque s’élève à 1 039 cas pour 100 000 habitants. Il faut aussi mettre en rapport une telle inégalité avec la répartition des plus de 75 ans, plus importante dans la population générale que dans les EHPAD par rapport à d’autres territoires. Comme le demande le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France au ministre de la Santé et par souci d’égalité dans le traitement de la population, il nous faut plus de doses sous peine de ne pas réussir à couvrir nos besoins.

Par ailleurs, la recherche de traitements continue d’avancer. Les chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille ont notamment identifié une molécule particulièrement efficace contre le virus. Cependant, ils n’ont pu procéder à un essai clinique que grâce au soutien du groupe LVMH, qui leur a accordé un don de 5 millions d’euros. Pouvez-vous nous en dire plus sur les progrès de la recherche et les moyens que l’État serait à même de déployer pour la soutenir ?

Enfin, nous avons auditionné le 21 janvier dernier Mme Laetitia Buffet, responsable de la task-force interministérielle « vaccination Covid ». Elle nous a indiqué que la vingtaine de membres que compte celle-ci s’occupaient de l’approvisionnement en vaccins et de la mise en œuvre de la stratégie vaccinale. Comment votre rôle s’articule-t-il avec le leur, alors même que votre site Internet indique que Santé publique France achète pour le compte la France les vaccins pré-réservés par la Commission européenne auprès des laboratoires pharmaceutiques ?

Mme Martine Wonner. Lors de votre prise de poste voilà un an et demi, nous avions discuté du réseau Sentinelles mis en place dans les années 1980. Les médecins de ce réseau rapportent aujourd’hui des chiffres dont l’extrême faiblesse m’interpelle et me pose problème. Selon eux, moins de 9 personnes sur 100 000 présentent des signes cliniques liés à la Covid-19.

Comment expliquer un tel écart entre cette réalité clinique et les chiffres que l’on nous communique au quotidien et qui insistent plutôt, eux, sur la quantité de tests positifs ?

Je remercie madame Tamarelle-Verhaeghe d’avoir axé son propos sur la prévention. On aurait pu s’attendre à ce que Santé publique France se lance dans de vastes campagnes auprès de la population générale qui soulignent l’intérêt de la vitamine D, puisque l’Académie de médecine avait, dans un avis en date du 22 avril 2020, souligné le rôle que celle-ci joue dans la protection contre les risques de contamination. Santé publique France est toutefois restée particulièrement silencieuse sur le sujet. Comment l’expliquer ?

En tant que psychiatre, je suis tout à fait attentive aux effets de la Covid-19 sur la santé mentale de nos concitoyens. Vous avez évoqué le renforcement des dispositifs de soutien. Pouvez-vous nous en dire plus sur les moyens consacrés à cet enjeu, au-delà du chèque d’accompagnement psychologique pour les étudiants ?

M. Jean-Hughes Ratenon. La situation sanitaire, vous le savez, se dégrade à la Réunion, où 90 % des lits en réanimation sont désormais occupés. Nous frôlons la saturation. L’ARS a d’ailleurs annoncé hier que l’on procéderait dès demain aux quatre premières évacuations sanitaires de la Réunion vers la métropole. Nous savons tous que la solidarité sanitaire régionale avec Mayotte joue pleinement. Toutefois, devant l’augmentation des cas à la Réunion, dont plus de la moitié sont dus au variant sud-africain, l’inquiétude grandit aujourd’hui chez le personnel soignant comme dans le reste de la population.

On déprogramme des interventions tenues pour non urgentes, comme un peu partout en France, et on ferme des blocs opératoires, ce qui crée une crise dans la crise. Les évacuations sanitaires ne sont pas exemptes de risques, puisqu’elles impliquent 11 heures de vol, à quoi s’ajoutent l’adaptation au climat de la métropole et l’isolement des malades, dont la famille restera à la Réunion. Nous risquons d’aboutir à un résultat inverse de celui que nous souhaitions.

Il eût été plus sage de continuer de transformer et d’équiper des chambres supplémentaires, et d’augmenter le personnel soignant directement sur le territoire. Il est impératif de soigner les malades dans de bonnes conditions.

Si nous ne disposons plus de réserve sanitaire en France, si le personnel qualifié fait défaut, ne faut-il pas faire appel à des soignants étrangers, cubains, chinois, indiens par exemple – d’autant que leurs pays ne se situent pas très loin de la Réunion –, comme cela avait été le cas au plus fort de l’épidémie dans l’hexagone et en Guyane, l’année dernière ? Une situation exceptionnelle appelle des mesures exceptionnelles. Ne faut-il donc pas agir en ce sens et soulager ainsi les professionnels de santé pleinement mobilisés et dévoués, de sorte que les malades réunionnais restent à la Réunion, pour leur bien et celui de leur famille ?

M. Pierre Dharréville. Prévoyez-vous déjà un deuxième tour de vaccination ? Si oui, quand et dans quelles conditions au juste, notamment pour les personnes les plus vulnérables ?

Je voudrais que vous explicitiez un peu plus votre rôle dans la mise en œuvre de la stratégie vaccinale, entre autres par rapport à celui des cabinets privés.

Considérez-vous les moyens mis à votre disposition comme suffisants au regard de votre charge de travail en cette période ? Je songe ici aux moyens propres dont dispose votre agence.

Quelle est la nature de vos relations avec les laboratoires ? Considérez-vous les contrats européens relatifs aux vaccins et à la vaccination comme suffisants, équilibrés et respectés ?

Vous avez évoqué les risques sanitaires autres que celui de la Covid-19. Que pensez‑vous, entre autres, de la prise en charge des cancers et de la santé psychique et mentale, qui semble poser de plus en plus un problème ?

Pourriez-vous nous éclairer sur ces enjeux et les mesures publiques déployées pour les relever ? Enfin, j’ai noté que l’on vous avait fixé, entre autres tâches stratégiques, d’ici à 2022, celle d’étudier les effets des polluants sur la santé. Je souhaite proposer, en matière de pollution atmosphérique, qui est un enjeu de taille, pour lequel la France a été condamnée, que l’on déclare le territoire autour du golfe de Fos « territoire pilote », afin d’expertiser ces enjeux.

M. Didier Martin. À plusieurs reprises, nos soignants ont été amenés à déprogrammer certaines opérations non urgentes, afin de limiter la saturation des hôpitaux. De tels choix ne sont pas faciles. Les conséquences des reports ne s’annoncent pas neutres pour les patients, qui souffrent déjà d’anxiété et dont l’état de santé se dégrade.

On parle, pour certaines pathologies, de « perte de chances » contraignant à des traitements de fond plus lourds.

Les Français ont par ailleurs été moins nombreux à effectuer des visites de dépistage et de contrôle ou de suivi de maladies chroniques, par peur d’une contamination à la Covid-19 ou par crainte de solliciter une attention médicale dont d’autres auraient eu davantage besoin.

Disposez-vous de données chiffrées relatives à l’impact de la crise sanitaire sur l’état de santé général de la population ? Peut-on d’ores et déjà prévoir une surmortalité, non liée directement au Covid-19, mais induite par la crise ?

Enfin, qu’en est-il de la chloroquine ? Les médias nous l’ont présentée comme la bonne solution à la pandémie. Or il n’en est plus question. Pour-vous nous dire, une bonne fois pour toutes, si le recours à la chloroquine a été une bonne idée, un traitement utile ?

Mme Isabelle Valentin. La gestion de la crise a été marquée par un fonctionnement vertical en décalage avec les défis qu’elle a posés. Une année après le début de cette crise sanitaire majeure, il apparaît clairement que la territorialisation, le partenariat public-privé, le travail de la médecine de ville et de l’hôpital, ainsi que l’implication des acteurs locaux dans la réponse sanitaire constituent des clés vers plus d’efficacité et de réactivité. J’aimerais beaucoup vous entendre sur ce point.

Envisagiez-vous que cette crise dure aussi longtemps et que nous rencontrerions tant d’obstacles dans l’approvisionnement en masques, dans l’achat et la livraison des vaccins ?

Nous manquons cruellement de doses de vaccins. L’approvisionnement des EHPAD sur le flux A implique 20 % de pertes, puisque les flacons livrés permettent de délivrer six doses. Or seules cinq en sont extraites. L’hôpital du Puy-en-Velay vous a alertée sur ce problème. J’aimerais savoir comment vous pouvez agir pour limiter ces pertes de doses ?

M. Marc Delatte. On dit toujours que les crises passées instruisent les crises futures. Cela s’est vérifié en Asie où, depuis le SRAS, l’on semblait mieux préparé aux épidémies. En Europe, malgré la forte canicule et le virus H1N1 qui nous ont frappés, l’impression persiste que nous sommes en retard d’un métro. Pourtant, nous nous sommes donné les moyens de lutter contre la pandémie, par les confinements et la stratégie éthique de la vaccination. Je m’interroge cependant sur la pertinence de la stratégie « zéro Covid », puisque, ces jours-ci, avec 20 000 nouveaux cas quotidiens en France en moyenne, nous sommes loin des taux de contamination de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie ou du Japon. Le taux de reproduction du virus en France tourne autour de 1 contre 0,6 au Portugal.

En tout cas, vous avez tout à fait raison : il faut axer nos efforts sur les variants d’intérêt, notamment le sud-africain, à l’aide des enquêtes flash et des tests PCR de criblage, pour, non pas arrêter la vague, mais la ralentir tout en concentrant nos efforts sur les vaccins.

Associer des pharmaciens et des médecins généralistes déjà débordés aux efforts de vaccination ne permettra pas forcément de toucher le plus grand nombre. La population se demande non sans crainte comment elle passera l’été.

Vu les chiffres publiés par SPF, que nous suivons tous de près comme un bulletin météo, il faut s’attendre à une recrudescence de l’épidémie chez les jeunes. Comment y fera‑t‑on face – alors même que certains problèmes d’approvisionnement commencent à se résorber ?

Ma question s’apparente en fin de compte à une critique de la stratégie suivie en matière de santé publique, dans sa gouvernance même. D’importants moyens lui ont pourtant été consacrés depuis de nombreuses années. Au départ, les équipes n’étaient pas toujours suffisamment formées ou nombreuses, et les tests prenaient du temps. La situation qui fait l’objet de ma critique date déjà de plusieurs dizaines d’années.

Comment l’action de SPF s’inscrit-elle dans une stratégie continentale, dans l’Europe de l’espace Schengen, alors que le virus ne connaît pas de frontières ? Nous l’avons vu lorsque des problèmes ont surgi entre France et Allemagne. Travaillez-vous en synergie avec vos collègues européens ?

M. Thibault Bazin. L’action de SPF est essentielle, aussi bien pour mesurer la circulation de la Covid-19 qu’en vue de la prise de décisions.

Le Gouvernement a placé plusieurs départements sous surveillance renforcée. Certains choix étonnent toutefois. Par exemple, dans mon département de Meurthe-et-Moselle, on constate des taux d’incidence et de positivité inférieurs aux moyennes nationales, en dépit d’un taux de dépistage supérieur à la moyenne nationale. Comment expliquez‑vous que le département soit placé sous surveillance renforcée ? Comment justifier qu’il en soit ainsi ? S’il en résulte de nouvelles mesures liberticides en Meurthe-et-Moselle, alors l’impression d’une injustice prévaudra.

Les tests salivaires sont appelés à se développer. Comment en recenserez-vous les résultats, notamment ceux qui sont positifs ?

Vous avez évoqué les tests de criblage pour mesurer le développement des variants. Faites-vous appel à l’ensemble des acteurs publics et privés sur le territoire pour relever ce défi du criblage ?

Vous avez déclaré que certains variants étaient davantage présents dans certains territoires. Comment l’expliquez-vous ? Quels enseignements en tirez-vous ?

Existe-t-il enfin des variants français moins recherchés car moins dangereux ?

Mme Bénédicte Pételle. Merci pour les études et outils qualitatifs et quantitatifs disponibles sur le site Internet de votre agence, qui permettent de suivre l’évolution et le comportement de l’épidémie comme ceux des Français.

J’aimerais vous alerter sur la situation des jeunes. Vous avez parlé de ce mal-être psychologique qui grandit, particulièrement chez les jeunes dont les liens sociaux viennent à manquer. En décembre 2020, un rapport parlementaire de Sandrine Mörch et Marie-George Buffet a souligné les effets délétères du Covid-19 et du confinement sur un grand nombre de jeunes. Elles y indiquaient qu’un jeune sur six a arrêté ses études, que 30 % ont renoncé à l’accès aux soins et que plus d’un sur deux s’inquiétait pour sa santé mentale.

Des réponses ont été apportées, telles que le « chèque psy » et la réouverture partielle des universités. Mes contacts avec les jeunes, en Île-de-France où je réside, me permettent de témoigner de leur plaisir à reprendre les cours. Toutefois, ils ajoutent qu’il est question de reconfinement partiel, et ont peur que leurs facultés doivent à nouveau fermer.

Qu’en est-il de ces jeunes, notamment dans l’hypothèse d’un reconfinement ? Comptez-vous explorer d’autres pistes pour accompagner ces jeunes en difficulté ?

M. Alain Ramadier. Mes collègues ont déjà soulevé bon nombre de questions, entre autres à propos du retard que connaît la vaccination des soignants. Je m’interroge aussi sur l’approvisionnement en vaccins, la quantité de doses en stock au niveau national et leur répartition par département.

Par ailleurs, savez-vous dès à présent ce qu’il en sera des tests salivaires dans les écoles ? La rentrée a déjà eu lieu. Vous avez parlé tout à l’heure de « tests culturels et sportifs » ? Pourriez-vous m’en dire un peu plus ?

M. Jean-Louis Touraine. Plusieurs pays développés, notamment en Europe, ont intégré massivement à leur stratégie de lutte contre la Covid-19 plusieurs nouveaux outils et techniques de dépistage ayant fait leurs preuves : le séquençage génomique, la phylodynamie et les modélisations mathématiques.

Ainsi, le Danemark utilise le séquençage pour identifier les chaînes de transmission, les rompre le plus rapidement possible et prendre des mesures appropriées. Dans ce pays, 20 % des tests positifs font l’objet d’un séquençage contre seulement 0,15 % en France, d’après la base de données de référence Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data (GISAID). Chacun connaît l’utilité du séquençage pour suivre les mutations, aussi bien neutres que donnant naissance à des variants responsables d’un changement de la dynamique de l’épidémie. La discipline relative à l’étude de la structure de l’épidémie porte le nom de phylodynamie. Elle sert par exemple à déterminer l’existence d’une épidémie par département ou à établir si le virus se propage au niveau national.

Dans un entretien avec The Conversation, Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, a pointé les limites, en France, des échanges réciproques entre recherche publique et agences de santé publiques. Il indique notamment que SPF ne se livre à pratiquement aucune forme de modélisation mathématique ni de phylodynamie.

N’est-il pas urgent d’investir massivement dans ces outils et techniques particulièrement utiles ?

Mme Jacqueline Dubois. Je tenais à souligner l’importance des travaux réalisés par SPF pour notre connaissance de l’épidémie. Les indicateurs sont de plus en plus élaborés et précis. Ils sont précieux pour aménager nos politiques publiques et protéger les Français.

À court terme, les indicateurs fournis par SPF permettent de suivre l’évolution de l’épidémie sous différents angles. À plus long terme, ils devraient servir à produire et à emmagasiner des connaissances utiles quant aux répercussions de la Covid-19 sur la santé mentale, la consommation de substances psychoactives, la nutrition et l’activité physique.

Comment le suivi des dommages collatéraux de l’épidémie évolue-t-il ? Comment pouvons-nous mieux conjuguer ces deux paramètres dans le suivi de l’épidémie ? Je pense notamment aux résidents des EHPAD fragilisés par l’arrêt des visites de leurs familles.

Mme Geneviève Chêne. Je tâcherai d’apporter la réponse la plus complète possible à l’ensemble de ces interrogations. Je fais confiance à mesdames et messieurs les députés pour me rappeler les questions réclamant des réponses que je ne développerais pas suffisamment.

SPF assume un rôle transversal de surveillance et de résolution des problèmes de santé dans un continuum qui consiste à produire des connaissances scientifiques sur lesquelles se fondent les solutions proposées.

Les campagnes de prévention doivent s’appuyer sur les connaissances scientifiques les plus fiables qui soient. En assumant son rôle transversal dans l’écosystème, SPF doit évidemment interagir avec l’ensemble des acteurs à l’échelon national et territorial. Se plier à cette nécessité lui permet aussi de connaître la situation des territoires et de s’y adapter.

Un effort considérable a été réalisé pour produire des indicateurs qui se déclinent jusqu’aux échelons les plus fins. Les taux d’incidence se mesurent par exemple à l’échelle des communautés de communes, ce qui permet de raisonner à partir d’un maillage très serré du territoire.

Ces indicateurs sont en outre disponibles en libre accès sur la plateforme Géodes. Nous sommes là aussi pour faciliter leur interprétation.

Vous avez souligné la question que soulève notre interaction, dans cet écosystème, avec la task-force chargée du pilotage et du déploiement de la stratégie de vaccination. Cette stratégie d’une ampleur considérable mobilise et suppose la coordination de l’ensemble des acteurs. Nous n’en sommes qu’un parmi d’autres, même si nous contribuons au quotidien à l’œuvre de la task-force en maintenant avec elle une interaction très fluide.

Nos tâches et nos missions incluent la construction d’indicateurs de couverture vaccinale et d’efficacité vaccinale, et la mise à disposition d’informations sur le site de référence www.vaccination-info-service.fr. Il nous tient très à cœur d’alimenter ce site avec les informations les plus fiables dont nous disposons. Nous jouons également un rôle dans les commandes de vaccins négociées à l’échelon européen, et la logistique afférente.

Vous m’avez interrogée sur les stocks dont nous disposons. Dès leur réception à l’établissement pharmaceutique et dans les plateformes opérationnelles, les vaccins sont orientés vers les différents flux. Leur acheminement jusqu’aux sites de livraison est assuré en une semaine ou, au plus, une semaine et demie après leur livraison. Nous ne disposons donc pas de stocks de vaccins plus importants que ce que je viens de vous décrire. L’ensemble des données accessibles à tous sur www.data.gouv.fr permet de se rendre compte des stocks dans nos plateformes, à vrai dire très limités, des trois vaccins actuellement utilisés.

Vous avez rappelé notre recours à un certain nombre de prestations ; s’agissant de l’établissement pharmaceutique, il s’agit de prestations logistiques opérationnelles, en appui du redéploiement de tout le réseau logistique. Il ne s’agit pas de se substituer à la stratégie. La commande de 4,9 milliards de masques et la distribution de près de 2 milliards d’entre eux ont mobilisé une logistique considérable. Pour la vaccination, il a été nécessaire de redéployer l’ensemble d’un réseau et d’assurer une simulation des temps de transport. Un certain nombre de prestations en renfort du contrôle technique portaient sur la qualité des équipements de protection. Là non plus, il n’a pas été question de stratégie.

Nous disposons à présent d’un grand nombre d’indicateurs épidémiologiques d’une extrême richesse. Nous nous intéressons en priorité aux nouveaux cas selon les catégories d’âge. Vous avez souligné la possibilité que l’épidémie évolue : nous le constatons aujourd’hui par les effets de la vaccination sur les personnes les plus âgées.

Il est essentiel aussi de rester attentifs aux indicateurs hospitaliers sur lesquels se fonde notre analyse de la pression épidémique et d’y réagir au besoin.

Les dernières données recueilles concernent les variants, ainsi que les tests de criblage et de séquençage. L’apparition de variants d’un virus aux mutations aussi fréquentes que le coronavirus est d’autant plus inévitable qu’il se trouve soumis à une pression due à la vaccination et aux mesures de gestion de la pandémie. Nous ne savons toutefois pas quand ces variants émergeront. Il est essentiel d’organiser leur surveillance avec les centres nationaux de référence et l’ensemble des laboratoires, et en particulier par le biais des enquêtes flash renouvelées régulièrement.

Le travail de construction de ces indicateurs s’organise aussi à l’échelon international. Nous restons en lien avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’ensemble des laboratoires de surveillance.

En effet, la France dépose encore trop peu de séquences génétiques de variants dans la base GISAID, mais il devrait bientôt en aller autrement. Un réseau se met actuellement en place, en lien avec l’ANRS-MIE. Celle-ci se charge des aspects de recherche et SFP du volet ayant trait à la surveillance de ce réseau.

Ainsi s’organisent en France, de la manière la plus structurée et la plus fluide possible, les liens entre surveillance et recherche. Les ressources en bio-informatique qui sont à notre disposition permettent une collecte régulière de données.

Aujourd’hui, chaque semaine, plus de 4 000 séquences sont réalisées et intègrent les bases de données, y compris internationales, contribuant ainsi à la surveillance des variants existants, tout en nous permettant d’identifier de nouveaux variants, soit d’intérêt comme les trois déjà évoqués, soit simplement à suivre du fait de leur impact potentiel.

L’ensemble des enquêtes flash poursuivent le même objectif que la séquence génomique d’échantillons aléatoires. À terme, ce ne seront plus 4 000, mais 6 500 tests qui seront réalisés chaque semaine. Nous souhaitons identifier et suivre précisément l’ensemble de ces variants, étudier systématiquement leur impact potentiel et continuer à partager nos données avec nos collègues européens.

Ce travail très important sur le séquençage est en lien avec la recherche. Nous travaillons sur la modélisation depuis le début de l’épidémie en relation très étroite et directe avec l’Institut Pasteur et l’équipe de Simon Cauchemez. Nous entretenons avec eux des relations de longue date et contribuons à leurs analyses régulières. Nous œuvrons aussi avec l’Inserm et Vittoria Colizza. Ces équipes se réunissent toutes les semaines. J’ai bien noté l’importance de la phylodynamie et du possible développement de techniques liées, en collaboration avec l’ANRS.

Vous avez souligné le caractère crucial de l’adhésion vaccinale. Les résidents des EHPAD y ont été très sensibles et ils ont adhéré en masse à la vaccination.

Les enquêtes régulièrement déployées, de même que les études par vagues depuis le confinement, comportent un module sur l’adhésion vaccinale. Après avoir été assez élevée en juillet 2020, elle a baissé ensuite jusqu’en fin d’année et augmente de nouveau. Près de 60 % des Français déclarent aujourd’hui qu’ils se feraient très probablement vacciner, résultat cohérent avec celui d’autres enquêtes.

On note également la persistance d’un important gradient lié à l’âge : l’adhésion vaccinale augmente en même temps que celui-ci.

Nous devons toutefois poursuivre nos efforts d’information envers l’ensemble de la population en vue d’améliorer l’adhésion vaccinale. Il faut que celle-ci atteigne un niveau encore supérieur pour que la population entière bénéficie pleinement des effets de la vaccination en acquérant l’immunité à la Covid-19.

Vous avez souligné que les professionnels de santé se montrent parfois réticents aux vaccins. Les enquêtes menées auprès de tous les corps de métier, y compris les soignants, indiquent cependant une augmentation de l’adhésion vaccinale.

Vous avez insisté sur notre action de prévention par le biais de campagnes d’information sur la Covid-19 destinées en particulier au grand public. Il est essentiel que les différents émetteurs et acteurs d’une telle communication se coordonnent et délivrent l’information de manière cohérente, en particulier en période de crise, comme c’est le cas en ce qui concerne la Covid-19. La collaboration entre le ministère de la Santé, le hub SIG Covid-19 et l’Assurance maladie se réalise de manière tout à fait fluide.

Le ton de cette communication a évolué : il tend de plus en plus à la bienveillance, non qu’il ait été auparavant malveillant, mais il était plus martial. La volonté d’informer domine à présent.

Il est important que cette communication insiste sur le rôle de l’entourage en mettant en avant des actions solidaires favorisant l’adoption des gestes barrière et de l’ensemble des comportements à même de réduire la transmission du virus.

Nous contribuons à la prévention de la Covid-19 en réfléchissant aux expérimentations à l’étude dans les milieux de la culture et du sport. Nous ne nous en occupons pas directement. Un certain nombre d’organismes de recherche et de chercheurs s’y impliquent fortement, les territoires aussi, d’ailleurs. Notre contribution se limite à fournir l’ensemble des données disponibles et partager notre expérience, en particulier lors des phases destinées à évaluer les conditions d’une éventuelle réouverture de lieux où les interactions sociales sont intenses, et donc, où existe un risque significatif de transmission du virus.

Depuis le début de la crise, il nous semble très important d’observer l’évolution de la santé mentale dans la population générale. Toute crise a une influence sur la santé mentale. Or celle que nous traversons est non seulement grave, mais durable.

Dès la première phase de confinement, SPF a mis en place une enquête par vagues, afin d’identifier et de suivre dans le temps un certain nombre d’indicateurs des troubles anxieux et dépressifs. Aujourd’hui, près d’un quart de la population déclare en souffrir.

À l’ensemble du dispositif de surveillance s’est ajouté un tableau de bord qui sera publié cette semaine et qui rassemble les données de passages aux urgences et d’autres données encore, récoltées auprès de SOS médecins. Y figureront des indicateurs de gestes suicidaires et d’idées noires, correspondant aux proportions de passage aux urgences et d’hospitalisations en raison de ces causes par tranche d’âge. Des comparaisons avec les années précédentes permettront de suivre leur évolution.

 

Ils montrent en tout cas une dégradation de la santé mentale, quelles que soient les conditions de vie. Les plus jeunes sont évidemment plus touchés, de même que d’autres tranches d’âge comme celle des 25-34 ans, particulièrement victimes de troubles anxieux, sans oublier les personnes vulnérables ou en situation de précarité.

Certains troubles concernent l’ensemble des tranches d’âge. Notre réflexion sur la santé mentale vise à améliorer à la fois les connaissances de la population relatives aux troubles et aux symptômes associés, et les dispositifs existants, vers lesquels on peut orienter les personnes en souffrance (« Fil Santé Jeunes » ou www.psycom.org). Nos enquêtes montrent que ces dispositifs demeurent encore trop peu connus. Nous préparons une campagne pour y remédier.

Enfin, vous avez souligné à quel point il est important de mesurer l’impact de la crise sur toutes les facettes de la santé. Certains de nos indicateurs portent sur les maladies chroniques ou les cancers. Actuellement, nous en mettons d’autres encore au point grâce aux données hospitalières, de manière à évaluer les effets des différentes phases de l’épidémie sur les hospitalisations et la survie de patients atteints d’un certain nombre de pathologies.

Mme Véronique Hammerer. Disposez-vous de statistiques ou d’un bilan sur les décès à domicile du fait de la Covid-19 ?

Mme Geneviève Chêne. La question revêt une importance indéniable. Nous ne disposons à ce jour que de données venant des hôpitaux et des EHPAD. Les données de l’INSERM sur les causes des décès à domicile, au moins dans la première partie de 2020, seront en principe disponibles au cours des prochaines semaines. Dès que possible, nous les analyserons et les mettrons à disposition de la représentation nationale et de l’ensemble du public

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il ne me semble pas avoir entendu votre réponse à ma question sur le retard de la vaccination dans les résidences-autonomie et sur un éventuel calendrier de rattrapage.

Mme Geneviève Chêne. J’aurais pu préciser que la répartition des doses de vaccins est du ressort de la task-force et du ministère de la Santé. Si nous nous chargeons bien de la logistique, le déploiement de la stratégie vaccinale dans les différents lieux relève, quant à lui, de la task-force et du ministère.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Une question nous vient de madame Martine Wonner à propos de la vitamine D.

Mme Geneviève Chêne. J’aurais pu préciser que c’est à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’évaluer les différentes indications des produits de santé et médicaments. Je ne dispose pas d’information plus précise sur l’évolution de ce dossier à l’ANSM.

Mme Valérie Six. Je n’ai pas saisi la réponse à ma question sur la répartition des doses de vaccins selon les départements, ni sur la différence entre le nombre moyen de doses disponibles par habitant au niveau national et à l’échelon régional ou départemental.

Mme Geneviève Chêne. À ma connaissance, les détails de cette répartition sont consultables en ligne sur www.data.gouv.fr. Elle relève en tout cas de la responsabilité du ministère de la Santé et de la task-force vaccination.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Merci, madame la directrice, pour toutes ces réponses. Nous nous retrouverons demain avec grand plaisir à la table ronde, où vous représenterez SPF, sur les conséquences de l’épidémie sur la santé psychique des Français.

 

La séance est levée à dix heures cinquante.

 

 

 

 


Information relative à la commission

 

La commission a désigné Mme Valérie Six, rapporteure sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote (n° 2498).