Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Audition de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie               2

  – Examen de la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs (n° 3807) (Mme Annie Vidal, rapporteure)               22

   

   

 

 

 


Mercredi
10 mars 2021

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 59

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 10 mars 2021

La séance est ouverte à quinze heures.

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La commission auditionne Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.

 

Madame la présidente Fadila Khattabi. Je souhaite la bienvenue à Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Les sujets ne manquent pas, de la crise sanitaire à la mise en place de la cinquième branche de la sécurité sociale, en passant par la situation du personnel des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Nous évoquerons les enjeux de leur rémunération, de leur recrutement et de la revalorisation de leurs métiers.

Avant de laisser la parole à madame la ministre, je vous communiquerai une information en lien avec l’audition de ce jour. L’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoyait que le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) rende publiques ses conclusions sur les pistes de financement de la politique de soutien à l’autonomie au plus tard le 1er mars 2021. Cela n’a pas été le cas.

Néanmoins, sa présidente Marie-Anne Montchamp m’a indiqué le 23 février dernier que la large concertation qu’elle mène avec l’ensemble des parties prenantes, représentant aussi bien des usagers que des professionnels ou des collectivités, a besoin, en dépit de son avancée, d’un délai supplémentaire afin de recueillir notamment l’avis du conseil de la CNSA lors d’un conseil exceptionnel.

Le rapport contenant les avis et recommandations sur les pistes de financement de la politique de soutien à l’autonomie sera rendu public le 22 mars prochain.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargée de l’autonomie. Nous aborderons ensemble la réforme qui nous mobilise et que nous souhaitons tous. Je m’y attelle depuis le premier jour de ma nomination. Le Premier ministre en a rappelé hier le caractère prioritaire. À l’occasion de notre déplacement dans la Nièvre, il a confirmé l’ouverture d’un chantier législatif qui la porterait.

Chacun se rappelle le contexte de mon entrée au Gouvernement cet été, alors que l’épidémie de Covid-19 marquait le pas. Comme nous commencions à tirer des enseignements de la première vague de confinement, j’ai tenu dès mon arrivée à préparer un nouveau protocole sanitaire destiné aux EHPAD le 11 août, anticipant ainsi une dégradation de la situation épidémique.

J’ai trop entendu dire que l’État n’avait pas anticipé la deuxième vague. C’est faux, surtout en ce qui concerne les EHPAD.

J’ai suivi dans ma gestion de la crise un principe intangible relevant d’une conviction personnelle de longue date : protéger nos aînés sans les isoler. Je me suis engagée à défendre cette position difficile à tenir en mettant tout en œuvre pour éviter la propagation de l’épidémie, en particulier dans les établissements, sans nier pour autant que les personnes âgées sont des citoyens à part entière et non des objets de soins comme d’aucuns semblent le croire. Une telle conviction, que je sais partagée, notamment au sein de cette commission, guide mon action depuis huit mois.

Les personnes âgées en perte d’autonomie, en particulier résidant en EHPAD, ont payé le plus lourd tribut à l’épidémie, c’est pourquoi nous leur avons donné la priorité dans la campagne de vaccination. Celle-ci a commencé en poursuivant un objectif simple : protéger avant tout les plus vulnérables, c’est-à-dire ceux qui risquent le plus de développer une forme grave de la Covid-19 et d’en mourir.

À ce jour, près de 85 % des résidents d’EHPAD ont reçu une première dose de vaccin et 61 % une deuxième également. Bien peu tablaient en décembre sur le succès de la campagne de vaccination. Certains même prédisaient son échec avant même son lancement. Son succès, logistique notamment, a tout lieu de nous réjouir. Je tiens à féliciter les acteurs locaux et les équipes du ministère de la Santé qui y ont contribué. Amener des vaccins fragiles dans 7 500 établissements auprès de 600 000 résidents et 400 000 professionnels représente un tour de force.

Depuis fin janvier 2021, la part des résidents d’EHPAD dans les contaminations et les décès a fortement diminué. Lors de la dernière quinzaine de février, ils ne représentaient plus que 1,2 % des contaminations et 22 % des décès, contre près de la moitié avant le lancement de la campagne.

Ce que nous avons appris de la première vague nous a permis de diminuer drastiquement le nombre de clusters en établissements durant la seconde. Cette dynamique s’accentue sous l’effet de la vaccination. Des travaux montrent une corrélation entre le taux de vaccination des résidents et le recul des contaminations.

Les données épidémiologiques à notre disposition ont confirmé notre choix de vacciner en priorité les plus vulnérables. Ce succès issu d’une décision politique assumée nous permet d’établir un nouveau protocole sanitaire en vue du retour à une vie sociale renforcée des résidents en EHPAD. Aujourd’hui, près de la moitié d’entre eux bénéficie d’une protection maximale contre le virus ; quinze jours s’étant écoulés depuis qu’ils ont reçu la seconde dose de vaccin.

Voilà pourquoi j’ai saisi avec Olivier Véran à la mi-février le Haut conseil de la Santé publique et le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale du professeur Fischer afin de définir les meilleures conditions possibles d’un retour à la vie sociale tant attendu par nos aînés, leurs familles et amis. Il y a près de trois semaines, j’ai décidé de conduire une concertation avec toutes les parties prenantes  fédérations de professionnels, représentants des familles et des résidents, juristes, gériatres, éthiciens.

Comme nous y invitait le Premier ministre jeudi dernier, je détaillerai sous peu l’assouplissement des mesures de gestion en établissement. J’aimerais que chacun de vous mesure bien la difficulté de cette tâche. Il faut tenir compte de la situation épidémique actuelle, volatile, et du statut vaccinal des résidents et des professionnels. J’appelle d’ailleurs quotidiennement ces derniers à se faire vacciner au plus vite.

C’est de manière responsable que nous guiderons au mieux les directions d’établissement au cas par cas, en fonction de la réalité à laquelle ils font face et des dilemmes éthiques qu’ils auront à trancher. Il nous faut ouvrir ensemble le chemin des retrouvailles avec nos proches, mais aussi le baliser pour que la sécurité s’y conjugue à la joie de retrouver ses proches.

Mon credo de protéger sans isoler doit se traduire par un nouvel équilibre laissant plus de place à ces liens qui nous ont tant manqué. Un jour, d’ici quelques mois, j’ose le croire, cette crise sanitaire sera derrière nous et nous renouerons avec une vie aussi normale que possible. Cependant, rien ne sera jamais plus comme avant, car nous avons appris de cette crise et la réforme longuement attendue du grand âge et de l’autonomie est en marche. Je m’active à la finaliser pour proposer à la représentation nationale et au pays un nouveau modèle de soutien à l’autonomie.

Hier encore, à Cosne-Cours-sur-Loire, lors du lancement du plan d’investissement prévu dans le cadre du Ségur de la santé, le Premier ministre que j’accompagnais rappelait le chantier législatif destiné à répondre à l’aspiration des Français de vivre dans un cadre le plus semblable possible au domicile.

Changer de modèle nécessite de changer notre regard sur les personnes âgées. Il m’est insupportable que certains ne voient plus en une personne âgée en perte d’autonomie une personne à part entière ayant des envies, une voix, des aspirations et surtout des droits. En tant que citoyens, ces personnes âgées ont un rôle actif à jouer dans notre société.

Ce principe m’a guidée dans la gestion de la crise sanitaire touchant les EHPAD et les personnes âgées résidant chez elles. Il anime en outre le groupe de réflexion que j’ai instauré sur les enjeux éthiques. Ce groupe a produit un document destiné aux directeurs de structures accueillant des personnes âgées en perte d’autonomie. Il ne prétend pas leur apporter de réponses à toutes les situations complexes qu’ils rencontrent, mais les guider dans leur travail. Une charte éthique sur les valeurs et principes de l’accompagnement des aînés le complètera pour encadrer plus durablement la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie en établissement. Loin de se vouloir des injonctions émises depuis Paris, ces documents, concrètement appliqués sur le terrain en s’appuyant sur les bonnes pratiques et les initiatives locales en la matière, aideront les professionnels dans leurs tâches quotidiennes en s’adaptant à leurs besoins.

Changer de modèle implique aussi de ne pas se soucier de l’isolement des personnes âgées uniquement pendant les crises épidémiques ou les canicules, mais de rassembler tous les acteurs qui luttent contre cet isolement – par exemple les associations, les élus locaux – pour mettre en place un accompagnement durable en décloisonnant les pratiques et en établissant des synergies sur les territoires. Le changement de modèle passera aussi par la revalorisation des métiers de ceux qui se sont distingués par leur engagement auprès de nos aînés pendant la crise sanitaire.

Le Gouvernement mobilise des enveloppes budgétaires sans précédent pour répondre aux attentes légitimes en la matière. D’abord, le versement d’une prime covid aux services d’aide à domicile a trouvé sa réalisation, grâce à un accompagnement de l’Etat, dans une démarche partenariale et concertée avec les départements, en mobilisant 80 millions d’euros. Ensuite, l’agrément de l’avenant 44 augmente de 2,5 % la valeur du point de rémunération des salariés de la branche de l’aide à domicile, c’est-à-dire deux tiers des structures. Enfin, un amendement que vous avez porté à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour cette année prévoit le versement à la CNSA de 200 millions d’euros par an pour revaloriser les salaires de ces professionnels dans le cadre de la négociation de l’avenant 43.

Les professionnels du secteur attendent beaucoup, et avec raison, de ces négociations avec les départements. Elles doivent trouver une issue favorable au cours de ce mois, pour aboutir à une revalorisation globale de 15 % ; cette revalorisation est essentielle et contribuera à rendre ces métiers plus attractifs. J’y vois en tout cas une condition indispensable pour traduire dans les faits le virage domiciliaire attendu par nos concitoyens.

Les salaires de tout un secteur trop longtemps délaissé augmentent grâce au plan du Ségur de la santé et du médico-social. Des travaux se poursuivent sous l’égide de Michel Laforcade pour donner suite à la clause de revoyure spécifique prévue par ce plan.

Avec la prime grand âge, les mesures de revalorisation du plan Ségur et leur récente extension, l’État mobilisera dorénavant plus de 8,4 milliards d’euros chaque année, dont 1,8 milliards pour le personnel des EHPAD.

Il faut changer la façon dont nous concevons la prise en charge des personnes âgées. Chacun devra trouver demain la solution d’hébergement adaptée à sa situation et à ses aspirations. Le plan de relance consacrera 2,1 milliards d’euros en cinq ans à la rénovation et à la transformation des établissements médico-sociaux après des années de disette. Nous devons construire l’EHPAD de demain  un établissement bien-traitant, plus sécurisant et plus ouvert sur la société, ou plus à même de la faire venir en son sein en se constituant par exemple en tiers-lieu.

Une enveloppe de 1,2 milliard d’euros financera la rénovation de 65 000 places en EHPAD d’ici à 2025. Dès la semaine prochaine, 450 millions d’euros iront aux agences régionales de santé (ARS) pour financer des appels à projets dédiés. Ce programme de rénovation immobilière soutiendra le nouveau modèle structuré en petites unités de vie plus chaleureuses, adaptées aux troubles cognitifs et aux aspirations de nos aînés.

En parallèle, débutera dès cette année la création de 30 000 places supplémentaires d’ici 2030. Un programme d’investissement en petits équipements à forte valeur ajoutée a été lancé pour les résidents et le personnel des EHPAD. Un budget de 300 millions d’euros financera le déploiement de rails de transfert, de fauteuils électriques et de capteurs de détection de chute.

Enfin, 600 millions d’euros seront consacrés en cinq ans à la mise à niveau numérique des établissements du grand âge et du handicap au travers du développement d’outils facilitant le quotidien des professionnels, pour qu’ils se coordonnent mieux et prennent mieux en charge les résidents.

Notre grande réforme de l’autonomie bat son plein. Elle tire les enseignements de la crise pour préparer la France à accompagner la transition démographique qui s’engage. Quand la crise que nous traversons se terminera enfin, que laissera-t-elle derrière elle ?

D’abord, un formidable élan de solidarité a vu le jour entre les générations. Des jeunes ont envoyé des cartes postales aux résidents d’EHPAD, d’autres allaient s’assurer que des personnes âgées de leur immeuble ou de leur quartier ne manquaient de rien. Des personnes âgées ont quant à elle donné de leur temps et de leur savoir pour répondre aux attentes des plus jeunes.

Je pourrais citer autant d’initiatives que vous le souhaitez, illustrant la solidarité entre des générations qui s’enrichissent mutuellement. À l’heure où certains voudraient créer un conflit entre générations dans notre pays, ces exemples sont porteurs d’espoir pour notre futur. Loin des polémiques, ces Français jeunes ou âgés agissent pour faire vivre au quotidien la fraternité dans notre République. L’année de crise sanitaire que nous venons de vivre a mis en exergue les fragilités de notre système social, qui n’est pas vraiment prêt à aborder une transition démographique pourtant appelée à s’accélérer sous peu. Cette dynamique rebat les cartes pour notre société, qui n’a rien connu de semblable depuis les guerres mondiales.

Les difficultés que rencontrent par ailleurs les plus jeunes nous interpellent. Pour éviter que les souffrances des uns et des autres ne débouchent sur une fracture générationnelle, nous devons sortir de la crise sanitaire en offrant à notre pays toutes les opportunités de développement suscitées par une société de longévité.

J’y vois le meilleur moyen de dépasser, en ouvrant le champ des possibles, les conflits que certains aimeraient provoquer. Ce quinquennat a réaffirmé la priorité du projet de loi sur l’autonomie, dont je souhaite qu’il réponde à ces questions. En cours de finalisation, il sera présenté dès que le permettront la situation sanitaire et le calendrier parlementaire. J’ai foi en notre capacité collective à faire aboutir cette grande réforme sociale annoncée par le Président de la République.

C’est ensemble que nous conjuguerons solidarité et transition démographique et c’est dans cette perspective que j’accueille volontiers vos questions.

Mme Caroline Janvier. Le thème du grand âge et de l’autonomie, alors même que nous attendons une loi sur le sujet dans les prochains mois, se trouve aujourd’hui au cœur de l’actualité du fait de la campagne de vaccination. Plus de 8 résidents d’EHPAD sur 10 et plus d’une personne de plus de 75 ans sur 4 a reçu une première dose de vaccin.

Nous savons que vous travaillez à l’évolution des mesures sanitaires dans les EHPAD et tenons à saluer votre engagement contre l’isolement des personnes âgées, illustré par le lancement récent d’un comité stratégique sur le sujet, ou encore du service civique solidarité sénior.

L’enjeu de l’autonomie des personnes âgées est par nature lié à celui de l’inclusion, par le lien social et dans la vie quotidienne à travers, par exemple, l’habitat inclusif. Vous en avez fait une priorité avec la création de l’observatoire du même nom.

L’enjeu du vieillissement de notre société a toute sa place dans les politiques concrètes prenant en compte la perte d’autonomie de nos concitoyens. Elles doivent jouer un rôle au niveau local dans l’aménagement de nos territoires. La politique territoriale de l’État et des collectivités a vocation à tenir compte de l’enjeu du grand âge. L’évolution démographique doit être au cœur des Contrats de relance et de transition écologique (CRTE) destinés à renforcer la relation de travail entre les acteurs locaux et l’État. Il en va de même de programmes tels qu’Action cœur de ville ou les Petites villes de demain, dont deux se situent dans ma circonscription du Loiret. La politique du grand âge et la politique territoriale sont vouées à œuvrer de concert pour que nos seniors bénéficient d’aménagements et de solutions de mobilité adaptées à leurs besoins.

Pourriez-vous nous dire un mot sur ce point essentiel du quotidien des Français ?

M. Alain Ramadier. Le 30 janvier dernier, vous avez dressé un point d’étape au sujet des métiers du grand âge. En 2025, notre population comptera 1 million de personnes âgées en plus. Pour faire face à cette augmentation inévitable, il faudra, entre 2021 et 2024, créer 93 000 postes et former 260 000 professionnels pour occuper les postes vacants.

Parmi les métiers du grand âge, ceux d’aide-soignant et d’accompagnant éducatif et social semblent de moins en moins attractifs : les candidatures à ce type de postes ont reculé en six ans de 25 %. La crise sanitaire d’une ampleur inédite n’a fait qu’exacerber les besoins vitaux en personnels soignants et mis en exergue la nécessité de ces métiers alors que nos aînés, plus que jamais isolés, sont les premiers touchés par l’épidémie.

Le futur plan d’action du Gouvernement devrait s’articuler autour de quatre axes : répondre à l’urgence des besoins en ressources humaines ; développer des formations répondant aux besoins des usagers ; promouvoir la qualité de vie au travail ; revaloriser les salaires.

Si on ne peut qu’adhérer aux mesures proposées, de nombreuses craintes et interrogations n’en surgissent pas moins quant à leur concrétisation. Ces engagements pourront-ils être tenus en peu de temps ? Où en est la loi sur le grand âge et l’autonomie ? Quel calendrier pouvez-vous nous annoncer ?

J’en profite pour saluer votre présence sur le terrain qui me semble un atout –même si nous ne sommes pas d’accord sur tout.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le volet investissement du plan Ségur représente un apport financier inédit qu’il faut saluer. Une partie des 19 milliards d’euros déployés ira aux EHPAD. Pourriez-vous nous préciser la répartition de ce milliard et demi ? Comment la création de 30 000 places supplémentaires s’articulera-t-elle avec la transformation des lieux de vie actuels ? Un renforcement des passerelles est-il possible, via le maintien à domicile dans des logements intermédiaires ? Qu’en est-il des nouvelles formes d’habitat ?

Une autre partie du volet investissement du Ségur sera consacrée au numérique. Comment ces 600 millions d’euros seront-ils utilisés ? Vous avez évoqué une meilleure collaboration entre les acteurs de la prise en charge des personnes âgées. Quelle part occupera la prévention de la perte d’autonomie, d’autant plus importante que les personnes âgées doivent pouvoir vieillir en bonne santé ? À quoi accorderez-vous la priorité ?

Mme Gisèle Biémouret. J’aurai d’abord une pensée pour Paulette Guinchard, qui vient de nous quitter. Je salue l’engagement de sa vie, ayant abouti à la création de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et permis à nos concitoyens âgés en perte d’autonomie d’aborder la dernière partie de leur vie dans la dignité.

Je ne sais si nous aurons l’occasion d’examiner la loi sur le grand âge et l’autonomie lors de cette législature mais je l’espère.

Nos aînés payent un lourd tribut à cette crise sanitaire, inhumaine pour eux. Quelle place souhaitons-nous leur donner dans notre société ? Les considérons-nous comme des citoyens à part entière ? Nous avions fourni un début de réponse positive à ces questions avec la loi d’adaptation de notre société au vieillissement.

Cette crise du Covid devient traumatique pour les familles. J’ai interrogé Olivier Véran en séance sur l’inhumanité des protocoles de visites aux malades hospitalisés. Je rends à nouveau hommage au combat de Stéphanie Bataille soulignant combien le coronavirus n’a fait qu’éclairer nos manquements.

Un protocole de recommandations en vue d’alléger les restrictions sanitaires a été envoyé aux directeurs d’EHPAD. Il indique que seuls les résidents ayant reçu leurs deux doses de vaccin pourront sortir le temps d’une journée en famille, quatorze jours après la seconde injection. Une telle mesure reste encore trop contraignante, car en réalité, depuis un an, ils ont été isolés mais pas toujours protégés. Je regrette de le dire aussi crûment. Sans vouloir vous en rendre responsable, je le vis ainsi au quotidien à titre personnel et en tant qu’élue.

Ce protocole, du fait de son caractère attentatoire aux libertés publiques, ne semble pas compatible avec l’esprit de la décision du Conseil d’État. Il ne fait pas l’unanimité auprès des directeurs d’EHPAD.

Vous avez annoncé hier soir la rédaction d’un nouveau protocole. Comment organiserez-vous la cohabitation en EHPAD des résidents vaccinés et non vaccinés ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Je retiens, des nombreux sujets que vous avez abordés, votre engagement à ce que l’examen de la loi sur le grand âge et l’autonomie ait lieu avant la fin de la mandature. Nous nous en réjouissons.

Il faudra travailler sur le maintien à domicile, l’un des points forts de cette future loi. La taille de l’écosystème dans lequel il s’inscrit ouvre des perspectives intéressantes, dans un avenir proche.

L’urgence, pour l’heure, va à la situation dans les EHPAD. Voilà un an que les résidents en EHPAD n’ont pas pu sortir. La campagne de vaccination et le choix du Gouvernement de protéger en priorité les plus vulnérables, dont les résidents en EHPAD, ont suscité beaucoup d’espoir. L’attente se fait longue. Une semaine après la décision du Conseil d’État, vous avez réuni le Conseil d’éthique  preuve de votre volonté, bien avant cette décision, d’établir un protocole de sortie des EHPAD.

Quelle solution proposez-vous ? Le recours au plexiglas n’est plus envisageable. Nous sommes nombreux à avoir été alertés par nos concitoyens sur cette situation difficile pour les résidents, les familles et le personnel. Nous souhaiterions d’ailleurs que les employés des EHPAD se fassent vacciner en grand nombre, tant cela faciliterait la mise au point d’un protocole de sortie de crise. Quelles préconisations pouvez-vous aujourd’hui nous révéler ?

Mme Valérie Six. Madame la ministre, vous êtes venue dans ma circonscription en février dernier visiter un EHPAD à Lannoy et une résidence-services à Croix. Ces structures du groupe associatif Les Orchidées tentent de déployer l’éventail des solutions d’accompagnement offertes aux personnes âgées. Elles proposent entre autres innovations l’EHPAD à domicile permettant aux salariés d’un établissement de partager leur temps de travail entre celui-ci et l’accompagnement à domicile.

Nous le savons : la majorité des Français souhaitent finir leur vie chez eux, entourés de leurs proches. Toutes les politiques publiques doivent garantir la liberté de choix des personnes âgées. Nous n’y parviendrons pas sans un renforcement de l’accompagnement à domicile.

La crise économique et sociale qui se profile ces prochaines années obligera à assurer la viabilité, l’attractivité et la qualité de l’accompagnement à domicile dans l’ensemble de notre territoire. La revalorisation des métiers du secteur sanitaire et médico-social devra pleinement jouer son rôle. Les professionnels concernés, conscients de leur mission, procurent quotidiennement un soutien physique et moral aux plus vulnérables en prodiguant les gestes essentiels de la vie et de la dignité. Le secteur du grand âge, du domicile et du handicap rappelle l’urgence d’une loi transversale. Il nous incombe en tant que parlementaires de vous interroger sur le calendrier du projet de la loi sur le grand âge et l’autonomie et sur les efforts prévus en faveur des services à domicile.

M. Adrien Quatennens. Les conséquences de la crise sanitaire sont mesurables, de même que les effets des confinements et des couvre-feu. Il convient de saluer, depuis un an que dure la crise, la grande discipline des Français. Il faut à présent lutter contre l’épidémie en permettant à la vie de reprendre, c’est-à-dire sans enfermer. Des alternatives au confinement sont nécessaires. Le plan proposé par la France insoumise en novembre reste à votre disposition.

De quelle autonomie parle-t-on quand on impose la télé-déclaration ou le paiement en ligne à un public qui ne maîtrise pas nécessairement les outils numériques, quand ceux qui se consacrent au bien-être des personnes âgées bénéficient d’une si maigre reconnaissance et perçoivent souvent des salaires de misère ?

Le rapport de nos collègues Mmes Fiat et Iborra de mars 2018 faisait la lumière sur des dysfonctionnements et la maltraitance institutionnelle induite par le manque de moyens, ainsi que sur la nécessité d’instaurer un ratio soignants/résidents double de l’actuel. Le 13 juin 2018, Emmanuel Macron annonçait une loi sur le grand âge en 2019. Depuis, son report a été permanent. Début 2019, Agnès Buzyn annonçait une loi pour l’automne 2019. Fin janvier 2020, Agnès Buzyn, toujours, promettait la présentation du projet de loi à l’été 2020. Ce même été 2020, Olivier Véran annonçait un report à la fin 2020. Fin 2020, Emmanuel Macron a promis une loi pour le début de 2021. Début 2021, on nous annonce que cette loi viendra après la crise sanitaire. Pouvez-vous nous dire quand on nous la présentera enfin ?

M. Pierre Dharréville. L’urgence consiste à sortir au plus tôt et dans les meilleures conditions les résidents d’EHPAD de cette forme d’isolement relatif qu’ils subissent depuis trop longtemps et qui constitue un problème à la fois humain et de santé.

Pour faire face aux questions de l’accompagnement et de la prise en charge de l’aide à l’autonomie qui nous préoccupent depuis longtemps, il faut un grand plan de formation, d’embauche et de consolidation des structures qui y concourent. Ma première question portera sur vos ambitions en la matière, conciliant les nécessités de l’hébergement en établissement avec celles de l’accompagnement à domicile. Il requiert d’importants moyens, faute de quoi la charge en retombera sur les familles avec toutes les difficultés qui en résultent pour les personnes aidantes.

Quelle ambition de service public portez-vous dans ce domaine ? Nous avons besoin d’une réponse publique à cette question or nous l’attendons toujours.

Se pose aussi la question de la revalorisation du personnel de ce secteur : elle ne peut qu’accompagner ce plan de formation et d’embauche.

Reste enfin la question de la prise en charge de la protection sociale. Là encore, quelles sont vos ambitions ? Une cinquième branche de la sécurité sociale a été créée il y a peu. Je ne voudrais pas que nous restions, comme des oiseaux, sur cette branche.

Madame la présidente Fadila Khattabi. Nous passons aux questions des députés.

Mme Mireille Robert. Je voulais vous alerter, madame la ministre, sur la problématique des majeurs vulnérables dans le cadre de la politique du grand âge. La protection de ces personnes a bénéficié, ces dernières années, d’aménagements, par le renforcement, entre autres, de leurs droits juridiques et civiques. En raison du vieillissement de la population, de plus en plus de personnes âgées ou en situation de handicap perdent leur autonomie. Du fait de l’éloignement des familles, de leurs tensions internes ou de leur incapacité à gérer la situation, les mesures de protection – mise sous curatelle simple ou renforcée, ou encore mise sous tutelle – concernent désormais plus de 730 000 personnes. Ce chiffre est appelé à augmenter. Les organismes de tutelle se multiplient sans toujours offrir les meilleures garanties de transparence et d’efficacité. De nombreux dysfonctionnements sont régulièrement signalés, tant dans la gestion financière que dans le suivi et le contrôle de ces organismes, au statut souvent associatif.

La protection des personnes vulnérables comporte donc de nombreuses lacunes car elle néglige la diversité des situations, prend trop peu en compte les souhaits des personnes protégées et ne favorise pas l’autonomie, quand elle ne l’entrave pas.

Quel dispositif complémentaire aux règles encadrant le métier de mandataire peut-on envisager ? Quelle sorte et quelle fréquence de contrôle réel peut-on proposer pour réguler l’exercice de la profession ?

M. Philippe Vigier. Adrien Quatennens récapitulait non sans talent les reculs successifs du projet de loi. Je me rappelle pour ma part le précédent quinquennat où l’on nous promettait aussi qu’il ne tarderait plus.

Il faudrait, dans ce contexte de crise, enfin combler ce retard sur plusieurs plans.

La télémédecine, rentrée massivement dans la vie des Français, mais pas encore dans nos EHPAD, en fera-t-elle bientôt partie intégrante ?

Le renouvellement en juin prochain des conseils régionaux dotés de compétences particulières en matière de personnel soignant ne pourrait-il pas fournir l’occasion de lancer un grand plan coordonné entre l’État et les régions ? Nous n’en serions plus, ainsi, à l’incantation mais à la réalisation d’objectifs.

Vous avez insisté sur le fait que les retards en matière de rémunération seraient bientôt comblés. Certains écarts subsistent toutefois. Si l’on veut rendre ces carrières attractives, il faudra faire un effort.

Il faudra enfin se pencher sur le financement des EHPAD, département par département, avec les acteurs locaux, sans laisser l’initiative uniquement aux ARS, ce que nous vivons parfois douloureusement, quelle que soit notre sensibilité politique.

M. Paul Christophe. J’aimerais, madame la ministre, vous interroger sur un sujet qui m’est cher : celui des aidants. Je me suis constamment mobilisé en leur faveur depuis le début de mon mandat. Vous avez pu le vérifier à l’occasion d’une formation à destination des aidants dans ma circonscription, organisée à la fondation Schadet-Vercoustre à Bourbourg, mais surtout lors du lancement de la première session du diplôme Accompagnement et droits des aidants, proposé conjointement par les universités de Dunkerque et d’Aix-Marseille, et cher à mon collègue Pierre Dharréville, qui partage ma mobilisation.

J’ai déjà salué dans la stratégie nationale Agir pour les aidants lancée en octobre 2019 la première véritable politique publique nationale sur le sujet. Comment ne pas souscrire à la volonté de prévenir l’épuisement et l’isolement des aidants, et d’augmenter les capacités d’accueil des lieux de répit, ou encore à l’instauration de nouveaux droits tels que le congé de proche aidant dont j’avais moi-même proposé la création en débat à l’Assemblée !

Madame la ministre, je connais votre attachement à cette question. Vous avez d’ailleurs initié la mise en place d’un comité de suivi de cette stratégie nationale de mobilisation, dont la mission consiste à construire, par la concertation, des réponses plus efficaces pour accompagner le déploiement des mesures et dispositifs prévus.

La réunion de ce comité en octobre dernier a été l’occasion d’un point d’étape. Il semblait alors raisonnable de tabler sur 50 % d’objectifs atteints en 2020. Elle a aussi permis de mettre en perspective la poursuite en 2021 du déploiement des mesures envisagées. Bien du chemin reste à parcourir. La crise sanitaire n’a pas épargné les aidants. Je songe à une information de qualité sur les droits, aux relations intergénérationnelles, au répit et au sujet délicat des jeunes aidants. Pourriez-vous nous éclairer sur vos priorités pour 2021 et leur articulation avec la réforme de l’autonomie ?

M. Didier Martin. Quelle bonne idée, madame la ministre, que d’être venue dans ce beau département de la Nièvre aux côtés du Premier ministre à l’occasion du lancement d’un plan d’investissement inédit, si ce n’est historique ! Ce plan Ségur de la santé comporte un volet autonomie qui vous concerne plus particulièrement, avec un sous-volet numérique. L’ampleur du mouvement mérite d’être salué dans la démarche du plan de relance conjuguant solidarité et transition démographique.

Ma question est simple : dans les territoires, comment cela se passera-t-il ? Quel rôle sera dévolu aux uns et aux autres, et notamment aux ARS et aux EHPAD ? Chacun de nous en connaît, qu’il a suivi dans le temps. Sur quels critères sélectionnera-t-on les projets ? Comment les examinera-t-on ? Qui en dressera la liste ? Comment les autorisations et approbations seront-elles délivrées ? Il nous faut un mode opératoire dans les territoires où chacun aura à cœur de développer ce plan de relance par l’investissement dans la solidarité avec les personnes âgées.

M. Thibault Bazin. Le report incessant de la réforme du grand âge et de l’autonomie suscite beaucoup de désillusion et de déception. La population vieillit, nous le constatons. Nous souhaitons le maintien à domicile de nos aînés le plus longtemps possible. Pour y parvenir, il faut s’en donner les moyens, notamment humains. Faute d’attractivité des métiers, les problèmes de recrutement déjà notables s’accroîtront.

Je profiterai de votre audition pour relayer la déception persistante de certains concitoyens en première ligne pour permettre à nos aînés de continuer à vivre à leur domicile. Je songe aux aides-soignants, aux services de soins infirmiers associatifs comme l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR). Pourquoi ne sont-ils toujours pas éligibles à la prime Grand âge ? Vous avez étendu des revalorisations attendues aux salariés d’établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) et de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) rattachés à des EHPAD publics ou à des groupements. Pourquoi les employés des SSIAD privés n’ont-ils pas droit à la même rétroactivité au 1er septembre 2020 ? Enfin, des doses de vaccins sont-elles prévues pour les futurs entrants en EHPAD et les employés nouvellement recrutés ?

M. Marc Delatte. Je tenais à saluer vos actions puisque vous allez aider les EHPAD. Or 19 milliards d’euros ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. Cette somme contribuera à une remise à jour de ces établissements. Quand j’entends, moi qui ai durant trente ans exercé la médecine générale, ce mot d’EHPAD, il m’évoque la mort, un endroit où je ne veux pas aller, un non-choix. Nous souhaitons permettre aux personnes chères à nos cœurs de rester chez elles le plus longtemps possible. Quels moyens comptez-vous consacrer au maintien à domicile des personnes âgées ?

La vaccination progresse : vous avez rappelé que 85 % des résidents en EHPAD ont reçu une première dose de vaccin et 65 %, une deuxième. Pouvez-vous nous en dire plus sur les mesures d’assouplissement prévues en EHPAD et à quel horizon elles s’appliqueront ?

La vaccination n’est pas obligatoire. Quelle est votre position sur celle du personnel des EHPAD ?

Je crois au modèle associatif de proximité. Comment associer plus étroitement les associations locales à cette dynamique en faveur des seniors ?

Quelles réflexions, sur le vieillissement notamment, vous inspire votre tour de France et vos rencontres avec des jeunes et des anciens ? Quelles idées de processus innovants en retirez-vous ?

Mme Isabelle Valentin. Demain, chacun devra trouver sa place et son logement. 108 000 nouvelles places en EHPAD seront nécessaires d’ici à 2030. Un besoin aussi massif réclame dès à présent des mesures fortes et larges. L’ARS refuse pourtant l’ouverture de lits lors de la rénovation des établissements, ce qui me semble un non-sens et un manque cruel d’anticipation.

Quelles actions peut aujourd’hui mettre en place le Gouvernement pour répondre à ce besoin urgent de création de places dans les EHPAD ? Quelle politique globale de formation et de recrutement souhaitez-vous mettre en œuvre pour que ces établissements puissent compter sur du personnel qualifié et valorisé ? Quelle place accorderez-vous au maintien à domicile, essentiel dans nos territoires ruraux ? Vous avez évoqué le dispositif d’aide à la vie partagée, qui me semble une bonne solution au problème du logement des personnes âgées. Les petites maisons pour seniors telle que les maisons Marguerite, nombreuses en Haute-Loire, et l’accueil familial rentreraient-ils dans ce dispositif d’habitat inclusif ?

Mme Bénédicte Pételle. Les EHPAD ont dû faire face, ces derniers mois, à de nombreuses restrictions impliquant des protocoles de visites familiales très stricts. Je souhaiterais vous alerter sur la situation des familles accompagnant un proche en fin de vie. Dès lors que les jours d’un être cher sont comptés, commence une période douloureuse, que nombre de nos concitoyens ont vécu ou vivent en ce moment où la Covid touche encore bien des personnes âgées.

Je me réjouis de la baisse drastique des décès en EHPAD. L’accompagnement des familles au cours des derniers jours de vie est primordial pour ceux qui s’apprêtent à partir, bien sûr, mais aussi pour permettre aux proches de faire leur deuil. Or cet accompagnement est inégal, comme le montrait hier encore un article de La Croix intitulé « À l’EHPAD, l’impossible veillée des mourants », et comme le confirme le témoignage des acteurs de terrain. Le protocole d’accompagnement des derniers jours varie d’un établissement à l’autre. Nos concitoyens, qui prennent ce sujet très à cœur, le vivent douloureusement. Je me réjouis des mesures d’apaisement que vous annoncez.

Quelle est votre position sur ce sujet ? Je m’interrogeais sur la possibilité de généraliser un protocole d’accompagnement familial des personnes en fin de vie dans le respect des règles sanitaires.

Mme Josiane Corneloup. La crise sanitaire a mis en exergue l’importance des métiers du grand âge et de l’autonomie dans notre société vieillissante. Ce secteur est confronté à de nombreuses difficultés de recrutement et de fidélisation des professionnels. Le manque de reconnaissance dont ils souffrent apparaît problématique au regard de la réelle utilité de leur métier. Dans moins de cinq ans, la population française comptera un million de personnes âgées en plus, dont 100 000 en perte d’autonomie. Il est essentiel de revaloriser les salaires de ces professionnels et de leur assurer des formations adaptées aux pathologies associées à l’allongement de la durée de vie. Une proportion significative de la population âgée souffre aujourd’hui de troubles cognitifs qui nécessitent une prise en charge spécifique. Il faut aussi améliorer la qualité de vie au travail de ces professionnels, en particulier en milieu rural où ils ont à parcourir de nombreux kilomètres. Ces améliorations sont indispensables si l’on veut que des jeunes s’engagent pleinement dans ces filières. La majorité de nos concitoyens souhaitent vieillir à domicile. Or, aujourd’hui, leur décision de rester ou non chez eux relève malheureusement très souvent d’un choix par défaut.

Un plan d’action global a été annoncé. Qu’en est-il de sa territorialisation ? Chaque territoire est différent et fait face à des problématiques spécifiques dont il faudra tenir compte. Les professionnels de santé d’un territoire devront mieux se coordonner avec les services d’aide à domicile. De même, une réelle coopération de la médecine de ville avec la médecine hospitalière est nécessaire. Ne faudrait-il pas vivement encourager l’apprentissage dans cette filière ?

Un manque cruel se fait jour de structures alternatives au tout-domicile ou au tout‑établissement. Je vous invite à venir en Saône-et-Loire où nous avons créé en 2011 une petite unité de vie qui fonctionne parfaitement, et lancé depuis un appel à projets d’habitat inclusif. Neuf porteurs de projet ont été identifiés. Je vous accueillerai avec grand plaisir pour en parler.

Mme Véronique Hammerer. Les nombreuses questions posées attestent que le maintien à domicile constitue un enjeu majeur, voire vital. La situation apparaît particulièrement complexe avec 20 % de postes vacants et 270 000 personnes à former en cinq ans. Il y a urgence.

Je salue l’enveloppe de 200 millions d’euros consacrée à la revalorisation salariale. J’espère que vous parviendrez bientôt à un consensus avec les départements pour qu’enfin les professionnels concernés constatent sur leur fiche de paye une augmentation à la hauteur de ce qu’ils sont et font.

La revalorisation salariale devra s’associer à une reconnaissance des métiers. J’ai été surprise que votre plan inclue la carte professionnelle chère à mon cœur. J’attire toutefois votre attention sur la nécessité de ne pas en faire un simple gadget mais un dispositif garantissant une vraie reconnaissance assortie d’avantages concrets. Je me tiens prête à travailler avec vous là-dessus. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette mesure d’une importance a priori relative mais susceptible d’apporter un plus nécessaire à ces professionnels en première ligne tous les jours ?

M. Guillaume Chiche. La crise sanitaire a mis en lumière les problématiques liées à la dépendance et à l’autonomie. Le secteur, en manque cruel de moyens, apparaît à bout de souffle.

La loi sur le grand âge et l’autonomie, maintes fois reportée, reste très attendue. Rien n’a été prévu pour la financer. Missions et rapports sur le sujet s’empilent depuis plusieurs années. Les professionnels ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. Le vieillissement, l’accompagnement des personnes âgées et leur maintien à domicile préoccupent fortement nos concitoyens.

Près de quatre millions de seniors perdront leur autonomie d’ici à 2050, ce qui nécessitera une augmentation considérable, d’environ 50 % en moins de trente ans, de la capacité d’accueil en EHPAD. Le bien-vieillir de demain se prépare dès maintenant.

Je ne peux qu’exprimer mes craintes face au défaut de financement de la cinquième branche de la Sécurité sociale créée voici quelques mois. Le rapport Libault préconisait d’y réallouer une partie de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), laquelle permet aujourd’hui de financer l’ensemble de la dette Covid imputée aux comptes de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES). Rien n’est donc prévu pour subventionner cette cinquième branche en dehors de quelques saupoudrages insuffisants. Que préconisez-vous, vous qui vous impliquez tant dans ces problématiques, pour financer ces mesures ?

M. Stéphane Viry. Vous incarnez dans le cadre de votre ministère un secteur essentiel. Bientôt, 30 % de nos concitoyens auront plus de 60 ans. Selon les prévisions, la France comptera plus de 20 millions de seniors d’ici 2030. Les questions de prise en charge et d’accompagnement du grand âge s’imposent dans notre pays. J’ai noté dans vos déclarations beaucoup d’enthousiasme et une prise de conscience sincère de l’acuité des difficultés que supposent la lutte contre l’isolement des personnes âgées ou le développement des liens intergénérationnels.

Ma question portera sur la traduction dans la loi de vos prises de position. J’ai le sentiment d’un possible décalage entre vos annonces et vos actes, vos intentions et vos décisions. Plusieurs de mes collègues ont souligné leur besoin, partagé par tout le pays, de clarté dans les prises de décision, compte tenu de l’importance du sujet. Je ne reviendrai pas sur la problématique de l’attractivité ou de la rémunération des métiers concernés mais vous interrogerai plutôt sur la gouvernance. Envisagez-vous de modifier un certain nombre de dispositifs pour leur donner un pilotage unique, de revoir le financement des EHPAD ou encore de réformer l’allocation d’aide au maintien à domicile ?

Mme Stéphanie Atger. Au-delà de ses conséquences économiques, cette crise sanitaire sans précédent impactera durablement les rapports sociaux. La protection due aux personnes vulnérables, dont les résidents en EHPAD, a entraîné de nombreuses souffrances, notamment liées à l’éloignement et à la rupture des liens sociaux. Pourtant, dans de nombreux établissements, des rencontres intergénérationnelles s’organisaient au travers d’actions menées conjointement par des établissements d’accueil de personnes âgées et des crèches, des centres de loisirs ou encore des clubs de sport. J’ai moi-même pu, avant la crise, mesurer les bienfaits de telles opérations dans quelques EHPAD de ma circonscription, dont celui de Morangis où ces démarches étaient déjà bien engagées.

Je n’ignore pas votre sensibilité à l’ensemble des politiques publiques favorisant les liens entre générations. Comment votre ministère les promouvra-t-il partout sur le territoire ?

M. Philippe Chalumeau. Concernant la fameuse et tant attendue loi sur l’autonomie et le grand âge, nous pouvons voir le verre à moitié vide aussi bien, comme je le fais, qu’à moitié plein. L’existence d’un ministère dédié à l’autonomie constitue déjà une avancée. Une cinquième branche de la sécurité sociale n’avait pas été créée depuis la Seconde Guerre mondiale. Quant à la critique portant sur le saupoudrage, 0,15 point de CSG représente tout de même 2,4 milliards d’euros. Des mesures sont prises. Des engagements portent sur les métiers. Vous venez d’annoncer des chiffres concernant la rénovation des bâtiments et le développement du numérique. Des chantiers sont en cours. Le compte n’y est peut-être pas encore, mais faut-il vraiment compter sur un grand soir ? Ne faut-il pas plutôt parler de programmation et d’élan ? Il existe une ambition pour l’horizon de 2030, année qui marque un seuil correspondant à un défi démographique à relever. Il convient plutôt d’envisager la situation actuelle dans cette perspective. Sans nier l’importance d’une loi pour structurer ces intentions, il faut reconnaître que certaines avancées ont lieu et je vous en remercie.

J’ai une proposition pratique à vous soumettre, pour revenir à la remarque de Thibault Bazin sur la vaccination en EHPAD et le réassort. Il me semblerait pertinent de permettre aux EHPAD de commander quelques flacons à l’occasion pour vacciner les nouveaux résidents en l’espace de trois semaines, puisque c’est la durée qui sépare la première de la seconde injection. Contrairement à ce qu’affirment les ARS ou les hôpitaux, les entrants en EHPAD n’y arrivent pas vaccinés.

Je voulais enfin connaître votre point de vue sur la vaccination en résidences-autonomie et savoir où nous en sommes.

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. Ma question portera sur le pilotage et la gouvernance, déjà évoqués par notre collègue M. Viry. On observe dans le domaine de l’autonomie une multiplicité d’acteurs, d’interactions et de niveaux de gouvernance, son partage dans certaines instances, sans parler des chevauchements de missions. Bien qu’une telle configuration ne soit pas propre à ce champ, puisqu’on ne la retrouve hélas que trop souvent, elle pose la question de la coordination.

Souvent, celle-ci se présente comme une réponse sous forme d’injonction à se coordonner. Mais cette injonction me crispe un peu. Un tel vœu a beau apparaître louable, il risque de rester un vœu pieux en l’absence d’une désignation claire d’un pilote ou d’un chef d’orchestre.

Comment aborder la question de l’autonomie des personnes âgées, quand chacun s’accroche à juste titre aux prérogatives associées à ses missions et que les rapports de pouvoir s’annoncent de fait difficiles, sans qu’il s’agisse d’ailleurs là d’un tabou ? Quelle est votre position par rapport aux différents scénarii proposés par le rapport Libault et les expérimentations possibles en matière de pilotage et de gouvernance ?

Mme Annie Vidal. Lors des rencontres seniors et société sur le bien-vieillir, vous avez souligné hier à quel point l’épidémie de Covid-19 a renforcé la nécessité d’une grande réforme de l’autonomie. À l’automne dernier, nous avons voté la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour mettre en place une politique de l’autonomie à la hauteur des attentes. La loi sur le grand âge et l’autonomie poursuit cet objectif.

Vous avez répondu à l’essentiel de ma question qui portait sur les annonces de ces dernières vingt-quatre heures. Vous nous avez promis l’inscription à l’ordre du jour de cette loi avant la fin du quinquennat. Je m’en réjouis. Ce que vous venez de nous dire contredit ce que nous lisions et entendions ces derniers temps. C’est une bonne chose puisque cela nous amène à penser que cette loi tant attendue va bel et bien voir le jour. Nous gardons l’espoir d’une réforme de la gestion du grand âge et de l’autonomie, à la hauteur de nos ambitions.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les grands axes de ce texte auquel vous travaillez ?

Mme Catherine Fabre. Je voudrais revenir sur l’enjeu du bien-vieillir chez soi et son corollaire : le recrutement et la fidélisation des aides à domicile. Lors d’une visite avec ma collègue Véronique Hammerer et Michel Laforcade chez un groupe d’employeurs et un centre de formation bordelais, nous avons constaté à quel point la possibilité, ou non, d’acquérir un véhicule et de l’entretenir et, plus généralement, de se déplacer pouvait constituer un obstacle à l’accès à ces emplois, ou à l’inverse une amélioration essentielle de leurs conditions d’exercice. Il en coûte d’entretenir un véhicule ancien auquel il arrive de tomber en panne, ce qui pose un problème de fiabilité des services rendus. Quelles solutions envisagez-vous sur ce point précis ?

Mme Brigitte Bourguignon. Tout d’abord, concernant la question de la loi, je vous répondrai que je continue de me battre pour son inscription au calendrier parlementaire. Je ne peux vous communiquer de date car il reste encore à en fixer une, sans quoi nous y travaillerions déjà. Pour autant, le Premier ministre a réaffirmé hier sa volonté de faire advenir cette loi. Une réforme législative aura lieu, car on ne peut traiter certains sujets que par ce biais. Ceci étant, je n’aimerais pas laisser penser que je demeure suspendue à l’annonce d’un calendrier, que j’attendrais les bras croisés.

Vous avez pu constater des avancées malgré la crise et bien qu’il reste encore à convenir d’une date pour l’examen de la future loi. Tous les chantiers dont vous avez parlé ont débuté, y compris le plan métiers. Nous n’avons pas attendu pour nous en occuper, car la crise était là pour nous en rappeler l’urgence. La souffrance des professionnels concernés ne date pas de notre arrivée au ministère : elle remonte à longtemps déjà.

Moi qui ai créé l’un des premiers services d’aide à domicile voici trente ans, je retrouve aujourd’hui, et c’est dommage, les mêmes sujets d’inquiétude qu’alors : l’accidentologie et la sinistralité, la féminisation de ces métiers difficiles, les bas salaires, la précarité et le temps partiel. La persistance de ces problématiques à travers le temps m’a poussée à m’y atteler dès mon arrivée. La crise sanitaire a incité le personnel soignant que tout le monde applaudissait et le personnel d’aide à domicile que personne ne regardait à pousser un cri d’alerte. Bien sûr qu’il fallait parler de ce personnel : nous connaissons tous son action diffuse, trop peu visible, sur les territoires. Elle méritait une reconnaissance  qui n’a pourtant pas été obtenue dès la première vague  au travers de l’attribution de matériels, d’une carte professionnelle encore à venir. Il n’a pas été question non plus de ces professions au moment de la prime Covid ou des revalorisations annoncées.

Dans le même temps, en juillet, le plan Ségur de la santé annonçait la revalorisation de la rémunération des aides-soignants en EHPAD. Elle s’est concrétisée depuis, et l’ensemble du personnel des établissements dans lesquels je me rends vous en remercie.

Il ne faut toutefois pas qu’un écart subsiste entre les différentes catégories de personnel. Le foisonnement des acteurs dans ce champ forme un véritable maquis, or il n’est pas simple de s’occuper de toutes les branches en même temps. Des négociations restent à mener par endroits avec des acteurs divers et variés, des services qui refusent parfois de se rapprocher ou de fusionner. La situation n’est pas simple. Nous y travaillons.

Des négociations sur la rémunération de l’aide à domicile suivent leur cours avec les départements. Nous réfléchissons aussi au moyen de changer l’image de ces métiers du prendre-soin, en établissement ou ailleurs. Trop souvent encore, on désigne celles qui les exercent comme des femmes de ménage ou des aides-ménagères. Je n’y suis pas opposée. Les femmes occupant ces emplois, et les hommes, aussi peu nombreux qu’ils soient, revendiquent toutefois un rôle plus large dans la prise en charge. Nous comptons changer l’image de ces métiers par le biais d’une campagne promotionnelle.

Notre action s’axera en second lieu sur la formation, par tous les biais possibles. La crise sanitaire a permis dans l’urgence, alors que se manifestait un besoin de renfort en ressources humaines, d’articuler les systèmes en place et de faire tomber les barrières entre eux. Nous avons, avec la ministre du travail, la ministre de l’insertion sociale et professionnelle et la secrétaire d’État en charge de la jeunesse, œuvré à surmonter ces blocages ou ces freins, au niveau de l’apprentissage, de l’insertion sociale et professionnelle, et des services civiques, afin de pourvoir aux carences des établissements.

Comment, toutefois, au-delà de l’urgence, créer de l’appétence pour ces métiers ? Comment les faire découvrir au hasard d’une rencontre ? Les solutions retenues fonctionnent le plus souvent : des postes ont été pourvus rapidement. Il reste à présent à transformer l’essai en proposant aux soignants et à toutes les aides à domicile des formations qui les valorisent ; aussi bien initiales que continues, de manière à prendre en compte les adaptations nécessaires.

Le troisième axe de notre action portera sur l’amélioration de la qualité de vie par tous les biais que vous avez cités : la revalorisation salariale, bien sûr, mais aussi l’investissement en petit matériel. Il faut se pencher sur les moyens de faciliter l’activité des travailleurs à domicile, surtout si l’on compte aborder la réforme dans une perspective domiciliaire. Il faut également s’efforcer de réduire les accidents survenant dans le cadre d’un travail sur des lieux qui ne sont pas forcément adaptés.

La mobilité a elle aussi son rôle à jouer. Vous avez parlé des véhicules. Certains départements ont déjà mis en place des solutions, qui peuvent aussi venir des associations. Seulement, nous ne pouvons pas continuer dans ce pays à nous reposer uniquement sur les initiatives locales, le bon vouloir, voire l’expérimentation. J’aime beaucoup les expérimentations, si ce n’est qu’elles prennent systématiquement place dans des territoires innovants et volontaires, au risque de creuser les disparités. Il faut adopter une dynamique plus nationale. Je m’efforcerai de proposer aux départements, à travers le plan de relance, éventuellement via la CNSA, de recourir à des véhicules ou de se doter d’un parc automobile par la location longue durée ou l’achat ; il leur reviendra d’en décider.

Le quatrième axe de mon action se concentrera sur de meilleures conditions d’emploi. Toutes les pistes que vous évoquez me semblent liées : la rénovation des EHPAD, leur ouverture, le maintien à domicile des personnes âgées. À condition d’y œuvrer ensemble, il doit être possible d’améliorer les conditions de travail en permettant par exemple à des aides à domicile d’intervenir de manière polyvalente en EHPAD pour travailler à temps complet plutôt que partiel. Les solutions restent à imaginer. Nous nous y employons. Je vous ferai part de nos premières conclusions.

Nous travaillons aussi, pour répondre à Véronique Hammerer, sur la carte professionnelle. Nous ne voulons pas qu’elle se réduise à un gadget ; or son élaboration nécessite beaucoup de travail, avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et des organismes institutionnels  sans même parler de son financement. Nous devrons adopter une posture volontariste. Je peux toutefois vous affirmer dès aujourd’hui que cette carte professionnelle verra bel et bien le jour, en réponse à une demande qui s’exprime depuis de nombreuses années. La crise sanitaire en a souligné l’absolue nécessité, y compris en ce qui concerne l’accès à la vaccination et au matériel.

Beaucoup m’ont parlé des investissements sous des formes diverses et variées. Je veux bien qu’on dise que rien n’est mis sur la table. Seulement, 2,1 milliards d’euros, ce n’est pas rien, ce n’est pas neutre. Il ne s’agit pas de millions mais de milliards. Le Premier ministre a parlé hier de 330 millions d’euros destinés à la rénovation, la construction et l’extension d’EHPAD. Les ARS s’en occuperont en œuvrant en grande partie avec les élus locaux et les départements.

J’ai assisté hier à la pose de la première pierre d’un EHPAD nouvelle génération doté d’un centre hospitalier, à Cosne-Cours-sur-Loire. Je tenais à vous dire l’émotion du maire qui, depuis dix ans, se battait pour construire son établissement, pour réunir les acteurs du projet et les amener à collaborer. L’exemple de sa réussite incite à se dire que c’est ainsi qu’il faut œuvrer. Tous les projets d’un coût inférieur à 150 millions relèveront de décisions locales et territoriales prises en concertation. C’est important. Nous manquerions notre cible en ne nous tournant pas vers les acteurs territoriaux forts de leur connaissance du territoire.

Je ne souhaite pas construire pour construire. Cela reviendrait à passer à côté de tous les constats ayant été dressés, de tout ce que nous avons vécu pendant cette crise et de tout ce qui a été dénoncé, ces dernières années. Nous voulons aller vers des établissements ouverts, des tiers-lieux, de l’intergénérationnel. J’ai pu visiter des maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (MARPA)-école, des EHPAD-crèche. C’était rafraîchissant. Quand on est témoin des apports bénéfiques mutuels qui en résultent, on comprend qu’il faut vraiment miser sur l’intergénérationnel et la gaieté de ces établissements pour que, même dans les cas où y résider apparaît inévitable, ils ne s’apparentent pas à la solution de la fin, la plus appréhendée. Or, telle est aujourd’hui la réalité.

Nous souhaitons, à travers les investissements que vous mentionnez, le développement de l’habitat inclusif évoqué par Caroline Janvier, que l’offre domiciliaire soit suffisamment adaptée pour que chacun mène jusqu’au bout sa vie conformément à son choix. Il faut aussi sortir des expérimentations à l’état pur afin de les généraliser. J’appelle en outre les acteurs locaux à prendre part à nos réflexions.

Le grand âge ne doit pas se retrouver en marge mais bien au centre des villages. Nous luttons ensemble en permanence contre l’isolement et le regard parfois porté sur le grand âge sans réfléchir à ce que peuvent apporter les seniors quand on les place au cœur d’un village. C’est une garantie de longévité et d’une vie meilleure. J’ai demandé aux ARS d’associer toutes les parties prenantes, en particulier les acteurs locaux, aux projets qui leur seront présentés. Il n’est pas acceptable que les EHPAD de demain proposent des chambres doubles, hormis aux couples, ou une douche à partager entre je ne sais combien de résidents, comme cela arrive encore parfois. Ce n’est plus tolérable dans notre pays.

Pour ce qui est des projections sur le nombre de places nécessaires en EHPAD, je souhaite adopter le raisonnement inverse. Il vaudrait mieux se demander combien de personnes âgées pourront se maintenir à domicile ou opter pour de l’habitat partagé ou inclusif, ou pour toute autre forme d’habitat existante ou émergente. Ceci éviterait de devoir financer ces places en établissement au coût exorbitant, au regard de ce que suppose le maintien à domicile. Pour y parvenir, il faudra se pencher sur les métiers et sur la conception du domicile et des équipements. Quels que soient les chiffres indiqués dans les rapports, ils ne sont rien d’autre que des chiffres. Il est tout à fait possible d’opter pour une autre approche en termes de financement en misant véritablement, dès à présent, sur le domiciliaire.

Concernant l’allègement des protocoles, il incombe au Conseil d’État la décision de ne laisser sortir des EHPAD que les résidents vaccinés. Il a été enjoint aux juges administratifs d’appliquer ces recommandations. Nous étions personnellement plus ouverts sur la question. Nous avions édicté des protocoles de sortie au moment des fêtes de fin d’année pour que les résidents d’EHPAD les passent normalement. Les tests antigéniques ayant déjà été développés à ce moment-là, nous préconisions d’en effectuer avant et après les fêtes, que suivraient quelques jours d’isolement en chambre en cas de problème. Il faudra continuer d’appliquer ces règles aux résidents non vaccinés.

Pour autant, la prudence reste de mise. À l’heure actuelle, seuls 50 % des résidents en EHPAD sont immunisés à 90 %, compte tenu du temps nécessaire pour que la vaccination prenne effet après la seconde injection. Beaucoup de résidents d’EHPAD ne disposent pas d’une immunité suffisante pour s’aventurer à l’extérieur. Il n’en reste pas moins absolument nécessaire d’adapter les protocoles. Un nouveau verra le jour en fin de semaine. Je m’apprête à l’annoncer aux fédérations d’établissements. Selon l’avis du Haut conseil de Santé publique, il ne faudra plus isoler en chambre mais permettre des visites en chambre et l’accompagnement en fin de vie. J’avais d’ailleurs demandé, tout de suite après la première vague, que l’on n’interdise plus cet accompagnement de la fin de vie – ce qui était insupportable pour les familles. Il n’est pas normal que certains établissements l’interdisent encore. J’appelle leurs directions à se conformer aux mesures édictées. Il est très difficile de se maintenir sur la ligne de crête entre la protection due aux personnes âgées et leur liberté à respecter.

Depuis un an bientôt que ces personnes ont été isolées, il est temps de remettre à l’ordre du jour des visites dans des conditions normales. J’ai ainsi demandé la suppression du plexiglas suite à de trop nombreux témoignages de personnes sourdes ou éprouvant le besoin d’un toucher. Bien sûr, nous demanderons à ce que des précautions soient prises là où la circulation du virus demeure encore trop importante. De nombreux départements restent très touchés. Tout l’entourage des résidents n’est pas vacciné. C’est pourquoi nous appelons une fois encore les soignants à se faire vacciner. Il est important que tous les acteurs jouent le jeu et assument la responsabilité d’établir une couverture sanitaire la plus étendue possible.

Nous allons en tout cas approfondir les questions éthiques que cela soulève. Que deviendront les 20 % de résidents non vaccinés ? N’auront-ils plus le droit de participer aux activités collectives, de quitter leur chambre ou de manger avec les autres ? Il n’est pas simple de répondre à ces questions, que l’on ne saurait trancher en un claquement de doigts. Je n’y répondrai de toute façon pas seule. J’ai créé un groupe de travail réunissant des spécialistes des problématiques éthiques, des conseils de résidents et de familles pour décider ensemble de la meilleure marche à suivre et conseiller les directions d’établissements. Je rappelle que les protocoles ne sont pas des directives mais de possibles façons de procéder.

Je connais l’implication de Paul Christophe dans la question des aidants qu’il m’a posée. Nous poursuivrons cette stratégie nationale. Il nous reste un effort à faire, chacun dans nos territoires : celui, peut-être, de mieux informer sur le congé de proche aidant. Les premières demandes transmises aux caisses d’allocations familiales (CAF) ont montré que beaucoup de ceux qui les adressaient n’étaient en réalité pas concernés par une telle procédure, qu’il convient de bien expliquer. C’est d’ailleurs ce que nous avons demandé à la CNAF.

Vous avez mis en place à Dunkerque une formation couplée avec celle que parraine Pierre Dharréville à Aix-en-Provence. Elle me paraît d’autant plus intéressante que les aidants souhaitent une meilleure formation aux droits et démarches qui leur apparaissent comme un véritable maquis. Ils aspirent aussi à ce que change le regard porté sur eux par l’équipe soignante. Certains professionnels du secteur social veulent quant à eux se rendre compte de ce qu’est un aidant ; des membres de la famille ne désirant parfois pas être considérés comme tels. Ce congé, quoiqu’assez peu sollicité au début faute d’une information insuffisante, commence à gagner en popularité.

Surtout, il reste à mettre en place des solutions de répit supplémentaires, vu l’insuffisance des solutions disponibles. Nous nous y tiendrons : nous suivons depuis le départ la même approche domiciliaire. Cette feuille de route possède une indéniable cohérence entre les actions qu’elle prévoit par rapport aux métiers, à l’habitat, à l’EHPAD ouvert et aux aidants. On ne parviendra à rien sans la famille ou les aidants ou même les aidants familiaux. Mireille Robert avait travaillé sur le sujet. Ils font partie de l’éventail des possibilités à offrir aux personnes souhaitant rester chez elles.

Stéphane Viry m’interpellait au sujet de la gouvernance. Elle n’a pas encore été définie car cela dépend des discussions que nous mènerons. Le problème se pose du degré d’implication des uns et des autres  départements et ARS, notamment. Optera-t-on pour une gouvernance partagée ? Des questions surgiront lors du bilan, notamment celle d’imposer, ce que je souhaite personnellement, un quota minimum d’habilitations « aide sociale » sur le territoire national. De plus en plus d’établissements s’en désengagent, ce qui soulève le problème du reste à charge pour les usagers et leurs proches, lequel ira en s’accentuant avec le temps.

M. Bazin, je vous ai répondu : la mission Laforcade se penche en ce moment sur les quelques branches des soins, notamment à domicile, laissées de côté par le plan Ségur de la santé. Elle dispose encore de trois mois pour finaliser les accords. Pour l’heure, les travaux avancent bien. M. Laforcade avait six mois pour rendre ses conclusions mais, vous l’avez vu, quelques accords ont déjà été signés. 18 000 personnes ont été concernées voici trois semaines par une nouvelle perspective pour une branche. M. Laforcade ne s’occupe toutefois pas de l’aide à domicile, pour laquelle je négocie directement avec les départements dans le cadre de l’avenant 43. Il s’occupe des branches que vous avez citées n’ayant pas bénéficié de la prime grand âge ni de la revalorisation salariale.

Concernant les majeurs vulnérables, j’aurais d’abord voulu féliciter madame Corneloup pour le rapport qu’elle a récemment rendu avec Mireille Robert sur l’accueil familial. Il ouvre une piste qui m’intéresse beaucoup. Il existe encore trop de disparités territoriales et trop peu de possibilités d’appliquer cette formule qui me plaît pour son usage du terme « familial ». C’est souvent ce que recherchent les résidents dans ces moments-là.

La loi concernant les majeurs vulnérables a évolué en 2007 et en 2019. Une réforme plus en profondeur n’en demeure pas moins nécessaire pour plusieurs autres raisons. Le problème du consentement s’est de nouveau posé au moment de la vaccination. D’aucuns ont estimé ces personnes incapables de trancher la question, se demandant qui en déciderait pour elles, comme si, d’ailleurs la vaccination supposait une prise de risque incroyable. Nous n’en sommes pas encore à examiner la question d’une nécessaire réforme législative, ayant d’abord tenu, avec le garde des Sceaux et la secrétaire d’État, à poursuivre ce chantier qui ne concerne pas que le grand âge mais d’autres secteurs en même temps. Nous y travaillons depuis le mois de septembre.

Je peux d’ores et déjà vous annoncer la prolongation du flux ayant permis de vacciner dans les EHPAD. Il s’était arrêté à la fin de la campagne de vaccination, mais la décision a été prise de la prolonger, dans l’intérêt à la fois des nouveaux résidents comme de ceux qui auraient changé d’avis entre-temps. Je m’entretiens chaque semaine avec les fédérations d’établissements et de services d’aide à domicile. Nos visioconférences me permettent de recueillir leurs questions et d’y apporter une réponse, soit immédiate quand j’en dispose d’une, soit d’une semaine à l’autre.

Je pense avoir répondu à l’ensemble des questions, qui couvrent un vaste champ. J’espère que mes propos vous auront montré que les pans de la réforme que nous portons ensemble se dessinent déjà. Je tenais à vous rassurer : nous œuvrons dans cette optique sans pour autant attendre la date fatidique pour travailler sur la réforme déjà largement engagée.

Je conclurai en rendant à mon tour hommage à Paulette Guinchard. Il y a tout lieu de saluer à travers sa mémoire l’avancée historique qu’a constituée l’instauration de l’APA, sur laquelle nous pourrons travailler en fonction des nécessités de la transition démographique. Je me joins à l’hommage collectif que vous lui avez rendu : merci pour elle et ses proches.

Madame la présidente Fadila Khattabi. Merci, madame la ministre, pour la qualité du travail que vous menez avec vos services et pour votre rôle sur le terrain.

La réunion est suspendue à seize heures quarante.

 

 

 

 

 


Puis la commission examine la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs (n° 3807) (Mme Annie Vidal, rapporteure).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’examen de la proposition de loi visant à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs, dont la rapporteure est Mme Annie Vidal. Ce texte sera examiné en séance publique le matin du jeudi 18 mars, selon la procédure d’examen simplifiée.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Cette proposition de loi est courte – un article unique – et technique. Il n’en reste pas moins qu’elle a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les acteurs du secteur, qui se sont montrés unanimement favorables aux mesures proposées pour sécuriser encore davantage les droits à protection sociale des 900 000 salariés des particuliers employeurs et des 300 000 assistantes maternelles, et pour simplifier les démarches des 3,4 millions de particuliers employeurs.

Le secteur des assistantes maternelles et des salariés des particuliers employeurs est économiquement important dans notre pays, avec 9 milliards d’euros de salaires versés en 2019, auxquels s’ajoutent 3 milliards d’euros de cotisations sociales. Mais il s’agit surtout d’un secteur socialement essentiel.

En accueillant près de six enfants sur dix, les assistants maternels représentent le premier mode de garde pour les parents en France. Quant à eux, les salariés des particuliers employeurs travaillent souvent au service de personnes âgées ou dépendantes et de personnes en situation de handicap, assurant ainsi la solidité de notre tissu social.

En 2018, près de 50 % des particuliers employeurs étaient considérés comme « fragiles » et bénéficiaient à ce titre d’une aide sociale. Dans un contexte de vieillissement de la population, ces salariés vont donc être amenés à jouer un rôle toujours plus important.

Pourtant, ces professions demeurent précaires. Les femmes, qui représentent 90 % des salariés des particuliers employeurs et 97 % des assistantes maternelles, sont les premières victimes de cette précarité. Il apparaît donc essentiel de garantir leurs droits sociaux ; c’est une forme de reconnaissance qu’elles méritent amplement.

Aujourd’hui, les salariés des particuliers employeurs et les assistants maternels appartiennent à deux branches professionnelles distinctes, couvertes par deux conventions collectives différentes, et dépendent respectivement du code de la sécurité sociale et du code de l’action sociale et des familles. Pourtant, ils sont confrontés à des problématiques communes : leur précarité, d’abord, que je viens d’évoquer, mais aussi la singularité de leur secteur respectif et de leurs relations de travail. Si les salariés des particuliers employeurs travaillent au domicile de leur employeur, les assistantes maternelles travaillent le plus souvent à leur domicile. Le morcellement et l’isolement caractérisent ces deux professions.

En raison de ces similitudes, l’existence de branches distinctes apparaît aujourd’hui obsolète. La réforme générale de la structuration des branches professionnelles lancée en 2015 a été l’occasion d’engager des discussions en vue d’une convergence. La Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) et les organisations syndicales représentatives dans chacune des deux branches se sont fixé l’objectif de terminer les travaux de convergence dans les prochaines semaines. Cette convergence permettra d’harmoniser les droits des salariés des deux secteurs.

Toutefois, pour accompagner au mieux cette convergence et pour sécuriser les droits des professionnels, il apparaît nécessaire d’harmoniser le cadre juridique en vigueur.

Je l’ai dit, les dispositions relatives aux assistantes maternelles relèvent du code de l’action sociale et des familles et celles qui sont relatives aux salariés des particuliers employeurs du code du travail. De plus, les deux conventions collectives actuelles désignent l’institution de retraite complémentaire des employés de particuliers (IRCEM), régie par le code de la sécurité sociale, pour gérer la retraite complémentaire et la prévoyance. Or, le 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé les clauses de désignation contraires au droit de la concurrence. La future convention collective ne pourra donc pas contenir de telles clauses, ce qui fragilise les droits des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs puisqu’un salarié pourrait être employé par plusieurs particuliers et rattaché à autant d’organismes différents.

Pour répondre à ces problématiques, la présente proposition de loi vise à créer un nouveau circuit de recouvrement des cotisations sociales au titre de la protection complémentaire.

Aujourd’hui, ce recouvrement est centralisé auprès des organismes de recouvrement du régime général ou, à de rares exceptions près, du régime agricole. Les cotisations de protection sociale complémentaire dont bénéficient les salariés des particuliers employeurs – retraite complémentaire, prévoyance, santé – sont recouvrées par ces mêmes organismes et reversées à l’IRCEM. Les titres simplifiés PAJEMPLOI et le chèque emploi service universel (CESU) facilitent les démarches pour les particuliers employeurs, dans le même circuit. Ces deux dispositifs ont constitué une première étape pour assurer la collecte centralisée des cotisations sociales.

La présente proposition de loi entend sécuriser encore davantage ce recouvrement, en modifiant deux articles du code de la sécurité sociale.

D’abord, dans le contexte de la convergence des champs conventionnels des deux branches, il est proposé d’unifier les circuits de recouvrement des cotisations sociales afin qu’elles soient recouvrées dans les mêmes conditions.

Ensuite, il est proposé d’intégrer l’Association paritaire nationale interbranches (APNI) au circuit de recouvrement. Cette association, créée par l’accord du 19 décembre 2018 entre les branches des salariés des particuliers employeurs et des assistants maternels, permet depuis le mois de janvier dernier aux assujettis de bénéficier d’actions de formation ou encore d’activités sociales et culturelles.

Intégrée au circuit de recouvrement, l’APNI aura une double mission. Elle sera chargée de collecter les cotisations sociales au titre de la protection complémentaire auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Elle sera également chargée de choisir, par appel d’offres, un organisme de protection sociale unique, auquel elle reversera les cotisations sociales complémentaires. L’intégration de l’APNI, la gestion centralisée et la désignation d’un organisme de protection unique permettront de respecter le droit à la concurrence tout en sécurisant le recouvrement. Les titres simplifiés CESU et PAJEMPLOI resteront intégrés au circuit. Tout cela se fera dans le cadre d’un contrôle paritaire, élément aussi novateur que le dispositif lui-même.

Ce texte garantit donc les droits des salariés et assistantes maternelles des particuliers employeurs en tenant compte de la singularité de ce secteur. Il témoigne, en outre, de notre intérêt et de notre reconnaissance à ce secteur essentiel, tout en ouvrant la voie à d’autres évolutions.

Mme Christine Cloarec-Le Nabour. Depuis le début de notre mandat, la sécurisation des droits pour tous est l’une de nos priorités au sein de la commission des affaires sociales. La rapporteure l’a dit, ce texte recueille l’avis favorable des acteurs du secteur dans le contexte propice de la fusion des champs conventionnels de la branche professionnelle des salariés de particuliers employeurs et de celle des assistants maternels.

C’est une convergence attendue par les partenaires sociaux qui ont fait le choix d’étendre les missions de l’APNI. Actuellement compétente dans le champ de l’emploi, de l’orientation et de la formation professionnelle, elle assurera la gestion centralisée des cotisations sociales pour les deux branches.

Afin d’accompagner au mieux la convergence des dispositifs pour tous les salariés des particuliers employeurs, il est aujourd'hui fondamental de sécuriser juridiquement le processus de recouvrement, au titre de la protection complémentaire, d’unifier les circuits pour tous les acteurs et de s’assurer, in fine, que toutes les cotisations sociales soient recouvrées dans les mêmes conditions.

Ce texte permettra de garantir les droits de 1,2 million de salariés, mais aussi de simplifier les démarches des 3,4 millions de particuliers employeurs, dans une logique de guichet unique. Aujourd'hui, les deux branches professionnelles, aux conventions collectives différentes, sont soumises à des problématiques communes : non recours et frein à la reconnaissance des droits sociaux, cumul d'employeurs, salariés précaires au salaire horaire dépassant rarement le SMIC, fragilité des employeurs âgés ou en situation de handicap.

La convergence des deux branches ouvre la voie à des concertations pour des avancées concrètes pour tous les acteurs : uniformisation vers le haut des conditions de travail, proposition de services de santé au travail pour tous les salariés et démarches facilitées pour leurs employeurs, consolidation des primes de départ volontaire à la retraite au travers de réflexions sur l’ancienneté, assurance de congés payés effectifs et d’indemnités de licenciement.

Enfin, ce texte nous donne une formidable occasion de marquer notre intérêt pour ce secteur d’activité qui contribue au bien-être et à l’épanouissement des bénéficiaires des services à domicile, comme à ceux des salariés en emploi direct. Pour toutes ces raisons, notre groupe le votera.

M. Alain Ramadier. Cette proposition de loi vise à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs et s’inscrit dans le cadre de la fusion des branches professionnelles.

L’objectif était de remédier à l’éparpillement conventionnel et de mutualiser les moyens pour avoir des branches plus fortes. Ce texte vise également à centraliser une gestion au sein d’un organisme unique pour l’ensemble de la population couverte par les deux branches, soit 3,3 millions d'employeurs et 1,4 million de salariés concernés. Nous souscrivons pleinement à ces objectifs.

Il est prévu que l’ensemble des cotisations soit regroupé sur délégation de l’APNI. En clair, les organismes collecteurs restent les mêmes, mais les conventions vont être passées avec l’APNI qui deviendra l’outil de pilotage de la destination de la collecte.

Ce texte, il faut le souligner, est bien accueilli par les organisations professionnelles et syndicales, puisqu’il marque, symboliquement, une concrétisation du rapprochement des branches, tout en étant un outil purement technique.

Je souhaite toutefois appeler votre attention sur deux points. D’une part, nous estimons qu’il subsiste des points d’achoppement s’agissant des assistants maternels, comme la revalorisation du montant minimal des indemnités d'entretien ou encore la mensualisation du salaire sur une année incomplète. D’autre part, nous considérons que, si la simplification est une bonne chose, il faut néanmoins prendre en compte la diversité des acteurs du secteur, ainsi que l’absence de formation spécifique des employeurs comme des salariés aux questions de gestion.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi.

M. Nicolas Turquois. La proposition de loi que nous examinons peut sembler éminemment technique, elle procède néanmoins à une simplification bienvenue pour près de cinq millions de nos concitoyens, qu’ils soient particuliers employeurs ou assistants maternels. En effet, il s’agit de concrétiser les diverses étapes de facilitation du recouvrement des cotisations sociales de ces publics à travers les dispositifs CESU ou PAGEMPLOI.

Dans la perspective de la fusion de la convention collective des salariés des particuliers employeurs et de celle des assistants maternels, qui doit s’opérer très prochainement, il est évident que l’unification du circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires est opportune. Nous souscrivons donc pleinement au schéma proposé par l’article unique qui associera, par voie de conventions, les organismes collecteurs historiques, ACOSS et Mutualité sociale agricole (MSA), et l’APNI, qui prendra pleinement sa part dans le pilotage et la gestion de ses cotisations.

Cette convention devra prévoir les modalités de reversement des cotisations afférentes par l’ACOSS et la MSA à l’APNI, dans le respect du paritarisme et à la demande des partenaires sociaux. Il s’agit d’une application concrète de la pérennisation pleine et entière du dialogue social au sein de la branche.

En conclusion, le groupe Modem et démocrates apparentés s’inscrit pleinement dans l’ambition de simplification administrative portée par ce texte et le soutiendra sans réserve.

Mme Gisèle Biémouret. Cette proposition technique, qui s’inscrit dans la négociation encore en cours des partenaires sociaux sur la convergence de la branche des assistants maternels et de celle des particuliers employeurs, est destinée à centraliser et simplifier la collecte des cotisations pour les droits sociaux des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs. L’APNI deviendra l’outil de pilotage chargé de collecter les cotisations de prévoyance.

Les auditions menées par la rapporteure n’ont pas montré de difficultés particulières chez les acteurs du secteur, tant salariés qu’employeurs. Il reste à être vigilant sur un certain nombre de points relevés par les syndicats, tels que les frais de gestion et les critères de représentativité. Il sera aussi nécessaire que le nouveau mode de collecte soit encadré par un contrôle et une surveillance paritaires par les partenaires sociaux, garants de l’éthique.

La crise sanitaire que nous traversons a fait prendre conscience de l’utilité sociale d’un certain nombre de corps de métiers, que l’on qualifie de « métiers de la continuité économique et sociale ».

Lancé en 2005, le Plan Borloo de développement des services à la personne visait surtout à construire les « services à la personne » comme un secteur économique homogène, mais qui rassemble sous ce label des activités très diverses, comme celles de confort, mais aussi les services de garde d’enfants ou les services sociaux d’aide à domicile, dont la caractéristique est d’avoir de faibles rémunérations. Le rapport de Mme Myriam El Khomri montre que 17 % des aides à domicile vivent sous le seuil de pauvreté.

Ces métiers ont besoin de considération et de revalorisation. Il faut ainsi saluer qu’après plusieurs années de discussion les négociateurs de branche aient abouti récemment à la mise en place d’activités pour les 1,7 million de salariés du secteur. Cela participe de cette reconnaissance et nous nous en réjouissons.

Notre groupe votera ce texte.

M. Paul Christophe. Cette proposition de loi vise à sécuriser les droits à protection sociale des assistants maternels et des salariés des particuliers employeurs.

Alors que la fusion des deux conventions collectives sera effective dans quelques semaines, cette proposition de loi vient centraliser et sécuriser la collecte des droits sociaux de ces salariés auprès d’un opérateur unique, et simplifier les démarches administratives des employeurs. Elle a le mérite de s’inscrire dans le mouvement de simplification des démarches administratives pour les particuliers employeurs tout en sécurisant les droits sociaux de 1,4 million de salariés de particuliers exerçant des activités telles que la garde d'enfants ou l’aide aux personnes dépendantes.

Les enjeux économiques mais aussi sociaux que sous-tendent ces activités appellent, en effet, une adaptation du circuit de recouvrement des cotisations sociales pour garantir l’effectivité des droits des salariés. Ces secteurs contribuant fortement au renforcement de notre cohésion sociale, tous les dispositifs qui simplifient les démarches administratives pour permettre d’accroître nos biens sociaux doivent être encouragés.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte.

Mme Valérie Six. Les assistants maternels et les salariés des particuliers employeurs font un travail formidable au quotidien, parfois sur plus de 35 heures par semaine. Pour ces personnels, le droit du travail ne s’applique pas de la même manière, ils ne sont donc pas aussi bien protégés que l’ensemble des salariés. Toutefois, le dialogue social est très dynamique et, peu à peu, ils acquièrent des droits nouveaux – revalorisation de leurs droits à la retraite, organisation particulière assurant le respect de leurs droits à la formation…

Cette proposition de loi accompagne les fruits de ce dialogue social. La fusion future des branches professionnelles de ces personnels nécessitait une intervention législative visant à sécuriser la collecte des cotisations ; ce sera donc chose faite.

L’intelligence de l’auteure de ce texte est de calquer sur la collecte des cotisations l’organisation que les partenaires sociaux ont su mettre au point pour assurer le droit à la formation. L’esprit dans lequel les partenaires sociaux travaillent est donc bien respecté, et nous nous en réjouissons.

Nombre des personnes auditionnées ont rappelé les chantiers qu’il restait à ouvrir, notamment celui de la santé au travail. Notre groupe sera donc vigilant quant à l’incorporation des dispositions nouvelles pour les assistants maternels et les salariés des particuliers employeurs dans la proposition de loi de la santé au travail.

M. Adrien Quatennens. Ce texte prend acte de la modification du régime de la protection sociale des assistants maternels. La proposition de loi prévoit que l’ensemble de leurs cotisations est recouvré sur délégation de l’APNI. Nous y sommes bien sûr favorables. Cependant, au nom de mon collègue François Ruffin, retenu dans l'hémicycle, je veux protester contre l’organisation des débats.

Nous regrettons en effet que tous nos amendements aient été balayés. Alors que ce texte sera le seul de toute la législature portant sur les assistants maternels, que ces personnes ont été en première ligne durant le premier confinement et, qu’en un an, rien de significatif n’a été fait pour elles, nous ne pouvons que regretter qu’il soit aussi étriqué et qu’il n’évoque ni leur statut, ni leurs revenus, ni leur formation, sur lesquels portaient les amendements que nous ne pourrons pas même présenter à la commission.

Mme Josiane Corneloup. Les salariés des particuliers employeurs vivent souvent dans une grande précarité. Les employeurs choisissent fréquemment d’activer le service CESU+ qui consiste à autoriser le centre qui gère le CESU à procéder au prélèvement de la rémunération du salarié sur le compte bancaire de l’employeur, pour ensuite le verser sur le compte du salarié. Il s’agit d’une simplification supplémentaire qui doit être saluée.

Au regard de ce que me disent un certain nombre de salariés de ce secteur de ma circonscription, il me semblerait judicieux d’instaurer un modèle de contrat de travail très simple à l’attention des employeurs particuliers, dont la majeure partie, en toute bonne foi, ne savent pas qu’en employant régulièrement une personne, ils sont implicitement liés par un contrat de travail qui génère des obligations.

Il serait judicieux que ce contrat, très général, rappelle ces obligations, notamment quant au respect des jours d’intervention de l’employé, aux conditions de rupture du contrat et aux conséquences du décès de l’employeur. Le fait que ces obligations ne soient pas respectées place les salariés dans une grande difficulté.

Il n’est pas possible d’utiliser à sa guise les services d’un salarié CESU – par exemple, de lui téléphoner au dernier moment pour lui dire qu’on n’a pas besoin de lui ou de mettre un terme à ses services sans indemnité. Il convient de mettre fin à cette précarité et de légiférer sur un cadre de travail connu du salarié et de l’employeur.

Pour en revenir à la proposition de loi, je considère que le rapprochement des branches est une bonne chose et que le texte apporte un outil de simplification des démarches administratives. J'y suis, bien évidemment, tout à fait favorable.

Mme Annie Vidal, rapporteure. Monsieur Ramadier, la mensualisation des salaires des assistants maternels est un point qui a été évoqué lors des auditions et sur lequel la FEPEM est assez vigilante. La convergence des deux branches et la création d’une nouvelle convention collective offriront des perspectives pour rediscuter ce point dans une nouvelle organisation. Par ailleurs, des discussions sont en cours sur l’avenir des assistants maternels, dans le cadre de la Conférence de la famille qui se tiendra en 2021.

Madame Biémouret, vous avez appelé mon attention sur les inquiétudes suscitées par les frais de gestion de l’APNI. Or, ces frais sont à ce jour de moins de 8 %, soit bien inférieurs à ceux qui sont pratiqués par ailleurs lorsqu’il y a de telles interfaces.

Monsieur Quatennens, vous reconnaissez que ce texte technique répond à un besoin spécifique, je vous en remercie. Mais c’est précisément pour cela que les amendements de votre groupe n’ont pas été retenus, au titre de l’article 45 de la Constitution. Ouvrir des discussions sur les sujets que vous évoquez serait légitime, mais ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi.

Madame Corneloup, vous m’alertez sur la nécessité d’informer davantage les employeurs. Je partage votre préoccupation. Lors des auditions, nous avons constaté que les employeurs sont fragiles et qu’ils n’ont pas vraiment conscience de leur responsabilité. Certains n’ont même pas conscience d’être des employeurs… L’APNI doit jouer un rôle d’interface sur cette question.

Par ailleurs, nous devrons continuer à travailler afin de sécuriser encore davantage les relations entre les salariés et les particuliers employeurs, pourquoi pas au travers d’un dispositif automatique en faveur d’un contrat de travail, pour que ce soit plus simple et plus encadré. Je partage en tout cas pleinement votre préoccupation.

 

Article unique : Modification du circuit de recouvrement des cotisations sociales complémentaires des assistantes maternelles et des salariés des particuliers employeurs

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS4, AS5, AS8, AS6 et AS7.

Elle adopte l’article unique, ainsi modifié, et l’ensemble de la proposition de loi.

 

 

 

 

 

La réunion s’achève à dix-sept heures quinze.

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