Compte rendu

Commission
des affaires sociales

   Audition, en visioconférence, de Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), sur l’avis et les recommandations de la CNSA sur le financement des politiques de soutien à l’autonomie              2

– Information relative à la commission.......................27

 

 

 

 


Mercredi
7 avril 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 74

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 avril 2021

La séance est ouverte à 9 heures 35.

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La commission entend, en visioconférence, Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), sur l’avis et les recommandations de la CNSA sur le financement des politiques de soutien à l’autonomie.

Mme la présidente Fadila Khattabi. L’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 avait prévu que le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) devait rendre publiques ses conclusions sur les pistes de financement de la politique de soutien à l’autonomie au plus tard le 1er mars 2021.

Madame la présidente, vous m’aviez fait savoir le 23 février dernier que la concertation entreprise avec toutes les parties prenantes de la politique de l’autonomie nécessitait un délai supplémentaire afin, notamment, de recueillir l’avis du conseil de la CNSA lors d’un conseil exceptionnel. Votre rapport contenant les avis et les recommandations sur les pistes de financement de la politique de soutien à l’autonomie a finalement été rendu public le 22 mars dernier. La commission vous a immédiatement proposé de venir nous le présenter et nous sommes très heureux de vous accueillir.

Je vous remercie d’avoir accepté sans tarder cette invitation sur un sujet non seulement essentiel mais récurrent. Je rappelle que notre commission avait déjà auditionné en septembre dernier M. Laurent Vachey sur le rapport du Gouvernement au Parlement intitulé La branche autonomie. Périmètre, gouvernance et financement.

Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette audition me donne l’opportunité de présenter le contenu de ce rapport faisant suite à votre saisine du conseil de la CNSA par l’article 33 de la LFSS 2021.

Je souhaite, en vous présentant les points à mon avis essentiels de ce rapport, vous permettre d’appréhender l’état d’esprit des membres du conseil de la CNSA et en particulier de ses parties prenantes. Ces parties prenantes sont particulièrement ciblées par l’article 33 de la LFSS 2021, notamment dans la méthode prévue par cet article 33, qui préconisait une concertation de ces parties prenantes afin que nous sortions de la posture assez classique des rapports qui présentent des hypothèses pour devenir capables de vous présenter un système de financement. La particularité de l’avis adopté lors du conseil exceptionnel dont vous parliez, madame la présidente, est de contenir une représentation de ce que pourrait être un système de financement de la politique de soutien à l’autonomie, à l’horizon 2030.

Nous avons choisi de travailler sur la période 2022-2030. Le choix de 2022 est dicté par le fait qu’il faut prévoir un certain nombre de transformations qui demandent un peu temps de conception mais, surtout, par le fait que le contenu de cet avis renvoie à une adhésion de la Nation à l’hypothèse d’un système de financement pour la société de la longévité. La société ambitionne désormais, grâce à vous, d’adresser dans son système de sécurité sociale la question de la vie autonome de chacun, que nos concitoyens soient en situation de perte d’autonomie du fait de l’âge ou d’un handicap.

Ce travail comporte une forme de prise de risques. Nous n’arrivons pas devant vous avec des certitudes, mesdames et messieurs les députés. Nous arrivons avec une hypothèse de travail. Rien que le fait de formuler une hypothèse de travail nous semble déjà être un élément de progrès. En effet, jusqu’à présent, nous avions essentiellement un inventaire de possibilités présentant toutes des intérêts et des contreparties. Le fait de passer d’un inventaire des possibilités à l’imagination de ce que pourrait être un système de financement est une prise de risques. Ce n’est pas simple et je vous prie de croire que cela a amené nombre de débats et d’échanges entre les parties prenantes du conseil de la CNSA. En particulier, les organisations syndicales se sont remarquablement impliquées dans les consultations que nous avons réalisées.

Pourquoi nous sommes-nous fixé l’horizon 2030 ? C’est un horizon qui nous paraît prudent car il ne relève pas d’une approche en « politique-fiction » et nous pouvons nous projeter à 2030. Une autre raison, plus opérationnelle et stratégique, est que la situation deviendra plus compliquée pour notre pays à partir de 2030 parce que la question de la longévité, de la place des personnes qui avancent en âge et de leur situation particulière sera beaucoup plus marquée.

C’est entre 2030 et 2050 que les effets du vieillissement de la population française se feront sentir avec le plus d’ampleur. Jusqu’à 2030, nous irons notre bonhomme de chemin. Les personnes âgées seront plus nombreuses mais l’évolution sera assez progressive. L’effet de seuil aura lieu en 2030 et, si nous ne sommes pas collectivement prêts, je pense que les conséquences pour notre système de sécurité sociale pourraient être déstabilisantes.

Nous nous sommes posé la question de savoir si nous avions le choix. Face au vieillissement de la population française, tout ce qui relève de la prévention primaire aura un effet important si nous sommes capables de mobiliser la population. Pour autant, la question de la longévité est inscrite dans les tendances démographiques, non seulement de notre pays, de notre vieille Europe mais aussi dans une perspective quasi planétaire, pour tout l’hémisphère nord en particulier. Cette idée que nous pourrions regarder ailleurs et échapper à l’effet du vieillissement nous semble assez risquée car les conséquences de l’avancée en âge se feront sentir sur notre système de protection sociale, que nous le voulions ou non, que cela nous fasse plaisir ou non. En d’autres termes, si ce n’est pas la politique de l’autonomie qui s’y colle, ce seront les politiques de santé, les politiques familiales et les politiques vieillesse qui subiront les conséquences d’une absence d’anticipation, parfois de manière assez désordonnée. La question n’est pas de savoir s’il s’agira de dépenser ou de ne pas dépenser mais de savoir comment nous serons en mesure de piloter ou non les conséquences de la longévité pour nos équilibres de financement de la sécurité sociale et plus largement de la protection sociale.

Après avoir soigneusement fait l’exégèse de l’article 33, le cahier des charges que nous nous sommes assigné consiste à imaginer un système de financement – au sens systémique du terme donc avec des composantes et une forme d’organisation assez complète des modalités de financement – permettant de soutenir la vie autonome de nos concitoyens entre 2022 et 2030, avec un effet de progressivité de façon que le système arrive à maturité en 2030.

Nous sommes arrivés à un système à plusieurs étages, allant du plus large au plus précis. Le premier étage de la fusée « système de financement » vue par le conseil de la CNSA engage toutes les politiques publiques dans une mobilisation pour faire face à la société de la longévité. Il s’agit d’inviter chaque politique publique à prendre sa part de l’effort à consentir face à l’avancée en âge de la société française. Ce n’est pas récent et la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement avait en son temps déjà signalé que tout le monde devait s’y mettre, que seule une mobilisation économique, sociale et sociétale permettrait de faire face à l’avancée en âge.

Il nous est apparu opportun de proposer la mise en œuvre d’un agenda « autonomie » pour 2030, à l’instar d’un agenda climat. Il s’agirait pour chaque politique publique, à partir d’une évaluation de l’impact des décisions prises, de regarder comment une mobilisation permettrait de faire en sorte que chaque politique publique prenne sa part et que la sécurité sociale ne soit pas une espèce de voiture-balai assumant le coût de la non-qualité de politiques publiques qui n’auraient pas suffisamment intégré l’enjeu de l’avancée en âge.

Cet agenda autonomie est à construire et devrait être accompagné d’une loi de programmation indiquant, pour chaque politique publique, la part qu’elle peut prendre d’ici 2030 à la question de la vie autonome de nos concitoyens. Il nous semble que ce serait une avancée extraordinaire et, surtout, une approche raisonnable.

Par exemple, nous savons tous que la politique du logement a une incidence évidente sur la qualité de la vie de nos concitoyens qui avancent en âge. C’est une banalité. Vivre dans un logement dont l’accessibilité est problématique conduit immanquablement à faire le choix de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à la première chute.

Une politique fiscale peut aussi avoir une incidence sur les comportements des acteurs économiques et des ménages. Une politique culturelle a évidemment une incidence sur la capacité à soutenir ou non le lien social.

Sans énumérer tous les périmètres politiques mais à l’instar de ce que propose l’Institute for Climate Economics (I4CE) présidé par Jean Pisani-Ferry, qui a mis en œuvre une forme d’évaluation à 360° de l’impact des décisions publiques en matière de climat, nous pensons que réaliser une évaluation des conséquences de la longévité constituerait une bonne pratique. L’idée est de faire en sorte que la sécurité sociale se mobilise pour ce qu’elle a à porter en matière d’autonomie mais qu’elle fasse uniquement ce qu’elle a à faire et ne subisse pas de façon parfois regrettable les conséquences de politiques publiques n’intégrant pas suffisamment cette dimension.

À l’instar de ce que la loi « décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification » (« 4D ») permettra de porter pour tout ce qui concerne l’action publique à l’échelon des territoires, nous pourrions imaginer que, lors des conférences territoriales de l’action publique, les ordres du jour permettent de répercuter cette vision transverse des politiques publiques à l’échelon des territoires. La déclinaison territoriale de cette mobilisation des politiques publiques est incontournable, indispensable pour produire son plein effet.

Ce premier bloc relève d’une volonté et d’un consensus. Nous n’avons pu nous empêcher de comparer la situation avec l’enjeu du réchauffement climatique et la nécessité de se mobiliser pour le climat. Il nous apparaît que nous sommes avec cette question et les risques pandémiques dans l’ordre des grands risques contemporains : risque climatique, risques environnementaux, longévité et risque pandémique.

Le deuxième bloc procède de la même logique mais est beaucoup plus circonscrit à la question de la sécurité sociale et des différentes branches de la sécurité sociale. Nous pensons que ce même exercice doit être réalisé entre toutes les branches de la sécurité sociale pour créer la cinquième branche autonomie. Je veux redire ici à quel point la présidente du conseil de la CNSA, parlant en son nom propre mais aussi au nom des parties prenantes, est absolument convaincue qu’il s’agit d’une avancée historique pour notre système de protection sociale. Nous entendons bien sûr les commentateurs qui reprochent à cette branche d’être sur un périmètre un peu étroit. L’important est de savoir comment cette branche arrivera à maturité et c’est tout l’enjeu de la question de notre système de financement.

Cette branche est d’une essence nouvelle. Elle n’est pas à proprement parler construite sur la perspective d’un risque, même si le risque lié aux conséquences de la longévité et du vieillissement de la population est très présent. Elle est aussi construite sur une gigantesque ambition sociale et sociétale, celle de garantir à nos concitoyens qu’ils pourront rester des citoyens à part entière et être des citoyens capables d’une vie autonome quels que soient les coups du sort, quel que soit l’âge qu’ils atteindront, dans des conditions parfois difficiles du fait des maladies neuro-dégénératives et des conséquences naturelles du vieillissement.

Greffer dans le système de protection sociale et dans la sécurité sociale une branche porteuse d’une telle ambition rappelle des moments historiques. Une même ambition avait animé la création de la sécurité sociale. Nous sommes certes appelés à la plus grande modestie mais nous ne pouvons pas nous empêcher de revisiter ce grand dessein des fondateurs de la sécurité sociale dans une période aussi dramatique que celle que nous vivons aujourd’hui. Leur ambition était de protéger les actifs qui pouvaient se trouver empêchés de rester actifs, empêchés de subvenir aux besoins de leurs familles du fait de la maladie ou d’un coup du sort. Toutes choses égales, notre philosophie est similaire.

Pour parvenir à notre but, la branche autonomie ne peut pas réaliser seule l’exploit de garantir la vie autonome de nos concitoyens. Il faut une très grande interaction des branches entre elles. Il est évident que, si la branche maladie n’est pas au rendez-vous et n’accompagne pas les effets de la longévité, les discours du conseil de la CNSA auront bien piètre figure. Nous n’arriverons jamais au résultat souhaité si la branche famille ne conçoit pas l’effet de la longévité dans la politique familiale, comme pour le transfert de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) à la branche autonomie. La branche famille prend en compte le fait que l’enfant en situation de handicap bénéficiant de l’AEEH par la CNSA est certes concerné mais aussi qu’il faut toute une politique de soutien à ses parents et à sa fratrie par une politique familiale assurant la perte d’autonomie de toute la famille liée à la situation particulière de l’enfant en situation de handicap.

Nous devons donc renforcer le travail sur le périmètre de la branche, renforcer le débat parlementaire pour bien mesurer l’effort de protection sociale nécessaire pour la vie autonome de nos concitoyens, pour que nous soyons capables de procéder à des évaluations et à un véritable pilotage transverse à toutes les branches de l’ambition de l’autonomie.

Le troisième bloc est le cœur du système. C’est pour en définir le périmètre et l’ossature que nous avons eu les échanges les plus soutenus avec les différentes parties prenantes du conseil de la CNSA. Le premier élément concerne la solidarité nationale. Créer une nouvelle branche de la sécurité sociale nécessite pour moi la mobilisation de la solidarité nationale. Cette branche est d’ailleurs construite à partir de la mobilisation de la solidarité nationale puisque nous y retrouvons les financements propres de la CNSA mais aussi une très large part de contribution sociale généralisée (CSG). Cette contribution constitue l’essentiel des ressources de la branche, ce qui est une véritable sagesse dans la mesure où, dans une société du vieillissement, nous sommes bien convaincus que nous ne pouvons pas demander aux seuls citoyens actifs de faire l’effort de financement nécessaire pour tous. L’idée de recourir à une ressource à assiette large et à dynamisme comparativement vertueux nous semble être une condition incontournable pour aborder la question du financement de la politique de soutien à l’autonomie à l’horizon 2030.

L’acte fondateur de la cinquième branche qu’est la loi du 7 août 2020 permet, au motif qu’un des compartiments de la dette sociale aura été remboursé, d’affecter une fraction de CSG à cette branche, pour un total de 2,3 milliards d’euros à horizon 2024. Dans l’écriture de la loi du 7 août, vous avez donc déjà donné le tempo de ce que doit être la logique du financement de la cinquième branche autonomie.

Pouvons-nous en rester là ? Le conseil de la CNSA pense que la marche de 2024 est décisive pour atteindre l’objectif de maturité de la branche en 2030 mais qu’elle ne peut suffire pour des raisons qui tiennent essentiellement à trois grands objectifs que la branche doit se fixer.

Le premier objectif est d’« encaisser » l’effet du vieillissement. Ce ne sera pas terminé en 2024 et la situation commence à devenir vraiment sérieuse en 2030 et au-delà. Il faut que la branche dispose des ressources nécessaires à son action à cet horizon de 2030. Il s’agit donc d’un effet de volume.

Le deuxième élément est l’enjeu de transformation de notre modèle. Nos concitoyens attendent le virage domiciliaire. Cela ne signifie pas laisser, de force, une personne désorientée dans un appartement mal agencé ou dans une maison desservie par les corbeaux sous le prétexte que la mode est au domiciliaire. L’EHPAD doit devenir domiciliaire, c’est‑à‑dire qu’il doit apporter des réponses ressemblant à celles que la personne a chez elle, lorsqu’elle est le patron chez elle, qu’elle décide pour elle-même et est un citoyen debout, à part entière, même au fond de son lit. Cette transformation appelle des transformations en investissement et je souligne d’ailleurs l’importance des investissements que permet le Ségur de la santé, grâce auxquels de très nombreuses rénovations et adaptations des infrastructures institutionnelles pourront être réalisées.

Un président de conseil départemental me racontait récemment avoir encore de nombreux EHPAD dont les chambres accueillaient plusieurs personnes. Comment imaginer que nos concitoyens puissent être clients d’une solution d’accompagnement des vieux jours dans un mode d’hébergement franchement collectif et non simplement mutualisé ?

Il faut aussi que l’EHPAD transforme son modèle pour devenir un véritable soutien, un poumon pour le secteur du domicile qui a besoin de trouver des ressources, des points d’appui, des lieux de formation, des lieux d’expertise, sans les recréer au domicile de chaque personne ce qui serait impossible.

Il faut également soutenir le secteur du domicile par la reconnaissance de ses salariés. La ministre Brigitte Bourguignon a annoncé – et le secteur s’en réjouit – des mesures extrêmement volontaristes en matière de rémunération avec l’avenant 43. Au-delà de ces dispositions, nous voyons que nous avons de véritables besoins de recrutement dans ce secteur, comme le signale le rapport de Myriam El Khomri.

Le troisième élément concerne la politique du handicap, dont je rappelle qu’elle est ciblée par la branche autonomie. Un certain nombre de besoins ne sont aujourd’hui pas satisfaits dans le champ du handicap. En particulier la prestation de compensation n’est pas adaptée aux personnes souffrant d’un handicap cognitif ou psychique. Ces personnes ne bénéficient pas à proprement parler du droit à compensation alors que la prévalence de ce type de handicap est particulièrement élevée.

Nous constatons donc un besoin de financement fondé sur les réponses que nous devons à nos concitoyens dans le champ de l’âge et dans le champ du handicap, la nécessité d’une adaptation du modèle et un effet volume. Cela nous a conduits à imaginer la création d’un compartiment de CSG affecté à la branche autonomie. Nous en avons évalué l’impact à environ 0,28 point de CSG. Nous n’avons aucune prétention à être dans une science exacte et il est évident qu’une très forte dimension paramétrique doit être intégrée à cette réflexion.

Si nous sommes capables de mobiliser une très forte capacité de prévention primaire dans les dix ans qui viennent, les besoins de financement de la branche autonomie seront sans doute contenus. Si d’aventure la branche réussit à dégager des excédents du fait des politiques publiques qui verront le jour, nous pourrons recalibrer ce besoin de financement.

Dans l’annexe B, nous avons pris comme hypothèse une pente de croissance qui ressemble à celle que nous connaissions avant la crise du covid mais nous pouvons aussi imaginer que les capacités de financement évoluent naturellement dans le bon sens du fait des rendements des ressources de la branche si la croissance économique est forte. À l’heure où nous parlons, compte tenu de l’impact du vieillissement que nous mesurons, des rapports qui ont été produits et font consensus, il nous est apparu que 0,28 point de CSG environ, dans un compartiment que nous avons appelé « CSGA », serait de nature à solvabiliser le besoin de financement à l’horizon 2030.

Pour un salarié touchant le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), l’impact de cette cotisation de 0,28 point est d’environ 4,35 euros par mois. Je ne dirai jamais que c’est peu, c’est beaucoup, c’est quelque chose mais nous avons fait le choix d’un effort supplémentaire modéré dans notre recherche de financement.

Dans notre esprit, tout cela doit procéder d’un débat avec la Nation. Il ne s’agit pas d’imaginer que de telles dispositions peuvent être prises de façon accidentelle, arithmétique et non débattue. Sommes-nous prêts, collectivement, à considérer que notre système de protection sociale et notre sécurité sociale à travers sa branche autonomie méritent un effort supplémentaire de la Nation pour rendre à nos concitoyens la capacité d’être autonomes, d’être des citoyens à part entière quels que soient les effets de l’âge ou de la situation de handicap ? Nous pensons que ce débat n’est pas un débat médiocre, qu’il mérite d’être tenu. Nous ne l’affirmons pas, nous donnons une orientation qui nous paraît correspondre à l’esprit de la sécurité sociale.

La question de la solidarité nationale déclinée à l’échelon du territoire se pose aussi. Nous avons souligné dans notre système de financement un principe extrêmement important à nos yeux : celui d’accroître la capacité de pilotage par la branche du système de solidarité territoriale que nous connaissons aujourd’hui mais qui sera renforcé par la capacité qu’aura la branche à soutenir les financements territoriaux si ses ressources sont accrues. Aujourd’hui, nous ne faisons pas l’hypothèse d’une évolution constitutionnelle de notre République décentralisée. Nous prenons en compte les éléments qui parviennent à notre connaissance sur la préparation de la loi « 4D » et nous nous inscrivons dans cette philosophie. En revanche, le défaut de pilotage actuel et l’incapacité à coordonner et égaliser les contributions territoriales produisent des effets très choquants dans la mesure où tous les territoires ne sont pas à égalité des chances. Par conséquent, nos concitoyens ne sont pas à égalité des chances, en fonction du territoire dans lequel ils vivent.

C’est la raison pour laquelle il nous apparaît que, lorsque la branche diligentera son concours aux différentes collectivités territoriales, cet abondement du financement des collectivités territoriales devra se faire dans un cadre contractuel renforcé par des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) territoriaux. Le pilotage de ces financements doit être pensé dans une logique conjointe de solidarité nationale et de solidarité territoriale.

À titre personnel puisque rien de tel n’a été tranché dans l’avis qui vous a été communiqué, je serais favorable à la constitution d’un groupement d’intérêt public qui permettrait un pilotage équilibré de ce double financement afin de garantir l’autonomie des territoires et leurs choix politiques qui sont évidemment extrêmement dépendants de leur situation propre.

Accompagner l’avancée en âge de nos concitoyens dans un territoire rural ou dans un territoire urbain à fort potentiel fiscal ou non sont deux processus très différents. Ces environnements très différents pèsent très fort sur la situation de nos concitoyens. Nous devons envisager, selon une vision moderne d’un État pilote et stratège, comment nous pouvons assurer de façon conjointe la bonne fin de ces financements partagés. Il nous semble que des conférences territoriales pour l’autonomie pourraient assurer que ces CPOM territoriaux soient le « bras armé » de la politique de l’autonomie dans les territoires, sous la houlette du président du conseil départemental et en accord avec le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) et du préfet ainsi que des autres grands responsables territoriaux des politiques publiques. L’idée n’est pas de renforcer la contrainte, la norme et de tordre le bras à qui que ce soit mais de produire du consensus et une communauté de vues pour la mise en œuvre de ces politiques pour l’autonomie à l’échelon territorial.

Comme conséquence de ce bloc constitué de la solidarité nationale et de la solidarité territoriale, nous affirmons qu’il est possible de transformer profondément la notion de reste à charge. Nous savons tous qu’il s’agit pour nos concitoyens d’une question insupportable. Tout récemment, la CNSA a actualisé les éléments tarifaires. Le reste à charge continue d’augmenter et c’est une situation incompréhensible car la structuration du reste à charge nous paraît contradictoire avec l’esprit même d’une politique de l’autonomie, contraire à l’esprit même de l’autonomie comme cinquième branche de la sécurité sociale.

À travers ces financements supplémentaires par la solidarité nationale et la mobilisation coordonnée et pilotée de la solidarité territoriale, nous pensons pouvoir laisser à la charge de nos concitoyens uniquement la part hébergement et solvabiliser la part dépendance. Ce faisant, nous sortons de cette logique d’un reste à charge perçu par nos concitoyens comme une forme d’échec de notre politique de l’autonomie puisque tout ce que la solidarité nationale ne sait pas financer se reporte sur la personne et le bénéficiaire. Ce serait une révolution dans notre manière d’aborder le sujet. Cela nous semble indispensable pour que la solution institutionnelle, lorsqu’il n’existe pas d’autre possibilité, soit un vrai choix pour nos concitoyens et non une équation insoluble pour tous ceux dont le niveau de revenus à la retraite ne permet pas de faire face à la charge d’un EHPAD.

Le dernier bloc concerne les financeurs supplémentaires. Nous n’avons pas voulu considérer que les assureurs devaient « hybrider » le modèle de la solidarité nationale dans ce système de financement. Nous nous défions d’un modèle que nous connaissons bien dans le champ de l’assurance maladie car la politique de l’autonomie obéit à des règles très différentes. La question de la vie autonome est très liée aux choix de la personne, à ses aspirations et nous ne pouvons pas imaginer, dans la construction de la réponse en financement, nous retrouver dans le modèle que nous connaissons dans le champ de l’assurance maladie.

Nous avons bien sûr besoin que des financeurs supplémentaires interviennent mais nous avons besoin qu’ils interviennent sur des domaines et selon des axes que la solidarité nationale et plus généralement l’État réussissent moins bien à traiter. Je pense en particulier à ce qui relève du libre choix, de certaines actions de prévention.

Le grief que je fais aujourd’hui à la conférence des financeurs est qu’elle nous produit un résultat impressionniste avec de multiples initiatives partout, pilotées nulle part. Tout le monde s’ébahit parce que, à tel endroit, il existe tel « machin » épatant. Je le reconnais mais je ne sais pas ce que cela construit globalement et le défaut de pilotage me paraît préoccupant.

Lorsque j’entends que des assureurs s’organisent pour produire des contrats d’assurance permettant d’obtenir des rentes afin de solvabiliser le reste à charge, je pense que nous sommes dans une forme de distorsion logique. Les assureurs, en particulier la Mutualité française et les groupes de protection sociale, doivent mobiliser leurs énergies pour faire ce qu’ils ont à faire auprès de leurs assurés. Ils doivent s’intéresser à la transition entre la vie active et la retraite. Ils ont une aide très importante à apporter à nos concitoyens dans ce cadre mais dissuadons-les de s’intéresser à des questions purement financières et actuarielles qui les amèneraient à se focaliser sur la solvabilisation du reste à charge, d’autant plus que notre système de financement se propose précisément d’en transformer l’équilibre pour le rendre supportable et juste pour nos concitoyens. Sauf s’ils sont très démunis, ils doivent évidemment payer comme tout le monde leur loyer lorsqu’ils sont accueillis en EHPAD. Or le loyer d’une chambre de 23 mètres carrés à Aurillac n’est pas de 2 000 euros. Ce tarif contient des questions d’autonomie qui ne sont pas solvabilisées.

Nous avons imaginé des trajectoires de financement. Ce sont des exercices assez risqués parce que pleins d’incertitudes mais il est tout de même intéressant de voir le résultat de la mobilisation des différents étages de notre système de financement. Si toutes les politiques publiques font un effort, si toutes les branches de la sécurité sociale pensent autonomie, si la solidarité nationale fait le choix d’être renforcée dans le cadre d’un débat avec la Nation pour que la branche soit dotée d’une capacité de financement, si nous prenons en compte le choix du vieillissement et la transformation du modèle, alors l’effet de levier sur notre système de protection sociale est significatif et permet de répondre à l’ambition de la vie autonome. J’ose même dire qu’il évite les effets délétères d’une non-prise en compte de ce besoin de financement sur les autres branches de sécurité sociale.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Nous vous auditionnons après l’intégration de la CNSA dans la loi de financement de la sécurité sociale. La création de la cinquième branche marque sa transformation en caisse nationale. La CNSA a su s’adapter et se transformer pour devenir en quelques mois une nouvelle composante institutionnelle de la sécurité sociale. Le fléchage des crédits a permis une meilleure identification des enjeux liés à l’autonomie et au grand âge.

Nous devons cependant poursuivre les efforts et opérer une montée en charge au-delà du financement de 0,15 point de CSG pour 2024 voté l’été dernier dans le cadre de la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en est le vecteur et permet d’ailleurs le débat que nous avons aujourd’hui sur le sujet en commission.

Vous annoncez que les risques sont plus difficiles à limiter pour la branche autonomie dont une partie seulement est couverte par la solidarité nationale. Elle s’organise de plus autour d’une gouvernance élargie comptant cinquante‑deux membres.

Identifiez-vous, malgré les changements récents, des évolutions possibles dans le fonctionnement de la cinquième branche pour mieux prendre en compte le financement de l’autonomie ou faciliter le positionnement de la CNSA dans le champ de la sécurité sociale ? La future convention d’objectifs et de gestion (COG) répondra-t-elle en partie aux attentes ? Ces dernières soulèvent-elles pour la CNSA des points d’attention dont vous souhaiteriez nous faire part ?

Mme Annie Vidal. Je vous remercie de nous avoir présenté avec force détails cette approche pour le financement de la cinquième branche de la sécurité sociale. Nous y tenons tous beaucoup et cette création témoigne de notre volonté de porter une ambitieuse politique de l’autonomie.

Je trouve un intérêt particulier à ces quatre blocs qui intègrent toutes les politiques, toutes les branches de la sécurité sociale et qui mobilisent à la fois les financements nouvellement créés avec la création de la branche autonomie et des financements supplémentaires.

Vous faites des projections 2022-2030 qui tiennent compte de l’évolution démographique, de la transformation du modèle et des besoins actuellement non couverts. C’est donc une approche assez globale.

Vous proposez un financement par la CSGA à 0,28 point en vous fondant sur des hypothèses basées sur la trajectoire que vous avez décrite, sur une inflation à 1,8 % et une croissance du produit intérieur brut (PIB) à 1,4 %. Vous estimez que l’évolution des tarifs des établissements sociaux et médicosociaux sera équivalente à l’inflation. Si ces trois hypothèses n’étaient pas vérifiées pour diverses raisons, comment prenez-vous en compte les fluctuations possibles sur des variables que nous ne maîtrisons pas d’ici 2030 ?

Comme vous l’avez dit, nous devons en discuter avec la Nation ; le Président de la République s’est engagé à ne pas augmenter les impôts. Cette proposition sera-t-elle ou non retenue ? Vous ne pouvez pas me répondre et je pense que personne n’a la réponse mais cela mérite une discussion.

M. Bernard Perrut. Je ne qualifie pas de cinquième risque la question de l’autonomie des personnes âgées. C’est pour moi une chance : une chance de voir nos aînés vieillir et de savoir organiser notre société autour d’eux.

Je vois trois priorités à l’heure actuelle : savoir soutenir nos professionnels du grand âge qui sont dans une situation difficile révélée par la crise de la covid, optimiser les parcours de vie à travers de nouvelles réponses pour l’accompagnement et organiser la gouvernance, les financements et les moyens essentiels.

Les propositions que vous nous faites nous interrogent. Le rapport Libault estimait à 9,2 milliards d’euros le besoin de financement d’ici 2030. Comment pouvons-nous atteindre ce montant à travers vos propositions ?

Le rapport Vachey explorait les multiples pistes de financement de la nouvelle branche autonomie. Vous semblez vous en éloigner et n’aborder que les financements nationaux. Il est donc essentiel, comme vous l’avez dit, que notre vision intègre également les financements départementaux. Comment comptez-vous sécuriser les ressources départementales ? Elles sont consacrées au financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ainsi que des services et des établissements médicosociaux relevant de la solidarité nationale. Une mesure nationale d’affectation des ressources de la branche autonomie permettrait de rehausser le concours de la CNSA au financement de l’APA et de la PCH, au moins à 50 % comme initialement prévu lors de la création de la CNSA.

En un mot, j’entends ce besoin que nous puissions mettre en œuvre à l’échelon territorial cette politique en direction de nos aînés mais je ne suis pas favorable à une recentralisation ou à une centralisation trop forte de nos politiques dans ce domaine car nous voyons bien que les ressources territoriales sont fortes. C’est au plus près du terrain que nous savons prendre en compte nos aînés, créer des établissements adaptés, développer des services et des soins à domicile. Je suis donc favorable à une organisation territoriale forte mais qui permette de traiter individuellement chacun de nos anciens dans les mêmes conditions quel que soit le lieu où il habite.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Madame la présidente de la CNSA, je vous remercie et vous félicite pour votre volontarisme. Nous attendions ce rapport ; il est très complet, avec beaucoup d’idées. J’ai apprécié votre oxymore « une utopie atteignable », qui traduit bien toute l’ampleur de la tâche qui s’annonce concernant le financement.

Je suis tout à fait d’accord avec vous quant au fait que ce financement relève de la solidarité nationale, avec un cadrage national qui seul permet une équité entre les territoires. Je suis également d’accord avec vous en ce qui concerne les CPOM : le financement doit relever d’un contrat, notamment vis-à-vis des collectivités territoriales. Je suis encore d’accord avec vous sur le sujet de la dépendance et du domicile et, effectivement, le domicile peut être financé par d’autres sources.

J’aimerais revenir sur un point important et que vous avez souligné : il est fondamental de renforcer la prévention en direction de ceux avancent en âge ou sont en situation de handicap. Vous rappelez que les dépenses de prévention de la fragilité et même de la « préfragilité » se sont montées à 1,3 milliard d’euros en 2019. Elles sont assumées aux deux tiers par la sécurité sociale. Le rapport Libault a préconisé un apport supplémentaire de 150 millions d’euros par an à travers la création d’un fonds qualité géré par la CNSA et attribué par les ARS. Vous ne nous en avez pas parlé et je n’ai pas vu grand-chose dans le rapport. Comment envisagez-vous ce fonds qualité ?

J’ai noté que beaucoup d’actions sont menées à l’échelon de la conférence des financeurs et j’approuve votre point de vue. Ces actions ne sont pas évaluées ; j’ai préparé un rapport sur la prévention santé chez les jeunes qui montrait l’existence de trente‑six mille actions dont seulement une dizaine étaient évaluées. Je pense qu’il faut une politique définie à l’échelon national qui puisse se décliner. J’aimerais avoir votre avis sur ce que nous pourrions faire pour la prévention de ces fragilités et préfragilités, pour anticiper le départ à la retraite par exemple.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. J’ai aussi noté « l’utopie atteignable » et je suis plus dubitative. Ne mentons-nous pas aux Français en prétendant que financer l’autonomie entièrement par la solidarité nationale est un objectif atteignable ? Nos compatriotes ne pensent-ils pas plutôt qu’il faut prévoir de financer une partie de la prise en charge de la dépendance ? À la lueur de la crise et de la dette qui enfle, qu’il faudra un jour rembourser, ne devons-nous pas justement construire cette utopie atteignable avec plusieurs facteurs ? La solidarité nationale qui fait honneur à la France pourrait rester le socle de cette prise en charge mais être complétée par d’autres moyens.

Je partage l’idée que la déclinaison territoriale devra s’opérer à un moment ou un autre avec les partenaires, notamment les départements, à travers cette cinquième branche confiée à la CNSA. Comment la CNSA envisage-t-elle ce pilotage plus fin du financement à travers les territoires ? Il s’agit d’un objectif non utopique, certainement atteignable.

Je suis plus que favorable à la conférence des financeurs et je ne suis pas certaine que le seul problème soit le pilotage. Il existe peut-être aussi un problème de financement. Notamment, il se peut que les acteurs n’aient pas une vue à suffisamment long terme du financement ce qui les empêche de mettre en place des actions pérennes dans le domaine de la prévention, domaine sur lequel il faudra sans doute accélérer assez rapidement.

Mme Valérie Six. La politique de l’autonomie fera face à de nombreux défis démographiques et structurels dans les prochaines années pour construire un nouveau modèle de solidarité universelle. Nous avions salué en juillet dernier la création de cette cinquième branche de la sécurité sociale mais la question du financement de ce nouveau risque demeure entière et sera au centre des débats sur la très attendue loi « Grand âge et autonomie » qui devra donner la priorité à la prévention et au maintien à domicile.

Le rapport de M. Laurent Vachey a identifié cinq sources principales pour atteindre les objectifs de financement : des transferts, des mesures d’économie, la réduction de niches sociales et fiscales, les financements privés et les prélèvements obligatoires. Nous l’avions déjà évoqué : nous ne comprenons pas la logique de propositions qui reviennent à financer l’autonomie en rabotant des prestations ou des niches sociales bénéficiant déjà à l’autonomie, notamment dans le champ du domicile.

Sur ce point, votre rapport semble se positionner sur la même ligne, de même qu’il exclut l’alignement de la CSG des retraités. La CNSA préconise cependant une hausse de 0,28 point de la CSG dès 2023 pour financer les besoins croissants d’aide à l’autonomie des personnes âgées, à domicile comme en EHPAD. Cette proposition revient à financer l’autonomie au détriment de nos concitoyens alors même que le ministre de l’économie a rappelé plusieurs fois que les impôts n’augmenteraient pas.

Je souhaite donc évoquer avec vous le dispositif de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale qui pourrait permettre de préserver le pouvoir d’achat des personnes, de garantir la compétitivité de nos entreprises et de faire en sorte que le financement de la protection sociale pèse moins sur le travail. Cette piste est également évoquée par la contribution au rapport de la Fédération des services à la personne et de proximité. Je souhaite connaître votre avis sur le sujet et vous remercie par avance de votre réponse.

Mme Jeanine Dubié. Je vous remercie pour la qualité de ce rapport et je voudrais mettre l’accent sur deux points.

D’abord, penser une société de la longévité concerne l’ensemble des politiques publiques qui doivent être convoquées pour soutenir l’autonomie. Vous avez parfaitement raison et c’était le sens du texte de la précédente mandature sur l’adaptation de la société au vieillissement. Ce texte insistait sur les politiques du logement, de la mobilité, sur le fait que tout devait être pensé en intégrant le vieillissement.

Le second point pour lequel je vous remercie particulièrement est l’invention de cette contribution individuelle pour la vie quotidienne, notamment au niveau des EHPAD. Cela permettrait d’apporter une solution au reste à charge et de ne faire payer aux gens que le gîte et le couvert.

Vous avez affirmé de façon très claire que le financement de l’autonomie relève de la solidarité nationale. Vous évoquez la solidarité territoriale en matière d’autonomie mais je n’ai pas bien compris si vous maintenez un financement des allocations – APA et PCH – par les départements ou si les départements ne seraient concernés que par l’organisation des prises en charge, les évaluations, les plans d’aide, l’accompagnement des personnes, la tarification et le contrôle des établissements et des services d’aide à domicile et le cofinancement des investissements en matière de rénovation ou de modernisation.

Je voudrais aussi connaître votre opinion sur la suppression de la barrière d’âge entre handicap et vieillesse. Je considère que, lorsque nous parlons d’autonomie, il s’agit d’autonomie à tout âge. Seriez-vous d’accord pour que, comme prévu par la loi du 11 février 2005, cette barrière d’âge soit définitivement supprimée ?

Mme Audrey Dufeu. Votre présentation est passionnante, tout comme le très bon rapport que votre conseil a rendu sur le financement des politiques d’autonomie. L’« utopie atteignable » m’a donné beaucoup d’espoir et m’a fait penser à Edgar Morin qui disait : « Avancez et inventez ».

Je crois que notre majorité a avancé avec la loi du 7 août 2020 sur la création de la cinquième branche puis, à l’automne, avec l’article 33 de la LFSS 2021. Avec votre rapport, de votre côté, vous inventez et vous créez ce chemin vers la promesse de l’autonomie, avec une vision pour 2030 et les décennies suivantes.

Vous avez très bien dit qu’une politique de financement de l’autonomie déborde bien au-delà d’une politique de la longévité. Dans votre rapport, vous traitez le financement, la gouvernance et le pilotage avec un véritable socle qui m’est cher, celui de la citoyenneté, de la vie autonome et des droits des personnes, quel que soit leur âge. Je pense que vous créez ainsi, au travers de vos propositions et des différents scenarii de financement, un chemin qui modifiera un peu la situation, avec beaucoup plus de transversalité, de façon plus interministérielle. Nos différents ministères devront prendre en compte le vieillissement de la population, aujourd’hui rapporté uniquement à la maladie avec la création de cette cinquième branche.

Vous avez aussi parlé de la transition environnementale avec l’agenda 2030 que vous proposez, en écho à l’agenda 2021 lancé dans les années 2000, et nous voyons maintenant, vingt ans plus tard, ce que nous sommes capables d’intégrer dans les politiques publiques. Cet agenda programmatique me semble être un véritable moyen d’inventer par paliers et de se projeter dans l’avenir.

Ma question porte sur le pilotage territorial. Je suis persuadée que le pilotage de la longévité doit se faire dans les territoires. Vous avez parlé du trio constitué par l’ARS, le président du conseil départemental et la préfecture qui a un regard très transversal sur les différents portefeuilles mais je souhaite vous interroger sur la place des communautés de communes. L’échelon ARS, comme nous l’avons vu pendant la crise, est parfois éloigné des territoires. Les conseils départementaux et les conférences de financeurs sont aussi parfois éloignés des besoins concrets dans les territoires. Les communautés de communes sont, je crois, au contact direct avec les citoyens vieillissants et je voudrais savoir comment vous les intégrez dans cet agenda 2030.

M. Thibault Bazin. Vous avez évoqué des conséquences déstabilisantes pour notre système de sécurité sociale si nous ne sommes pas prêts à faire face au vieillissement de la population française à l’horizon 2030. Or, nous avons d’ores et déjà des difficultés à financer la rénovation des EHPAD existants – je le constate dans ma circonscription – et des difficultés à adapter les logements des personnes en perte d’autonomie puisque certaines intercommunalités sont encore privées d’opération programmée d’amélioration de l’habitat. Nous avons également déjà des difficultés à financer des interventions à domicile puisque le panier de prestations éligibles selon les départements peut sembler bien restreint.

Vous proposez de mobiliser l’ensemble des politiques publiques en faisant appel aux compétences territoriales. Qui coordonnerait le tout ? Le coordonnateur sera-t-il le bloc communal, les départements ou l’État ? Quels moyens l’État allouerait-il par exemple aux départements pour leur permettre de passer à la vitesse supérieure en matière de financement des services d’accompagnement et d’aide à domicile ? De même, quels moyens l’État allouerait-il aux communautés de communes pour leur permettre de mieux soutenir l’adaptation des logements ?

Vous proposez de mobiliser les autres branches de la sécurité sociale, notamment la branche famille. Ne risquons-nous pas de déshabiller le petit Pierre pour habiller le vieux Paul ? Vous préconisez un pilotage interbranche. Comment éviter des conflits entre branches, des tensions intergénérationnelles ? Je pense en particulier aux petits-enfants à qui nous demandons dans certains départements, comme en Meurthe-et-Moselle, de participer au financement du séjour en EHPAD de leurs grands-parents.

Enfin, vous estimez, sûrement à raison, que l’EHPAD doit devenir domiciliaire. Nous pouvons nous demander si nous visons cet objectif par contrainte budgétaire ou pour des raisons de pénurie de places ou – ce serait le mieux – pour le bien des personnes âgées dépendantes. Très concrètement, avez-vous réfléchi au financement d’équipes pluridisciplinaires vraiment mobiles ?

M. Thierry Michels. Vos propositions visent à confirmer un système construit fondamentalement sur la structure de la solidarité nationale et donc un financement par tous les Français, pour tous les Français.

Ce principe étant posé, les départements continueront à jouer leur rôle de chef de file de l’action sociale dans le pays. Or, vous l’avez rappelé, il existe aujourd’hui de grandes disparités dans le soutien à l’autonomie de nos aînés selon le territoire, que ce soit dans le niveau de prestations proposé ou la tarification de ces prestations avec la problématique qui enfle du reste à charge pour nos concitoyens.

Vous avez évoqué la nécessité de renforcer les modalités de pilotage de la branche autonomie. Quelles sont, à votre sens, les priorités à mettre en œuvre pour renforcer l’égalité des chances pour tous nos concitoyens ? Quelles sont les actions à court terme que vous avez déjà lancées pour renforcer dès à présent ce pilotage en vous appuyant sur les bonnes pratiques que vous avez observées dans certains territoires et qui pourraient être généralisées nationalement ?

Le rapport de la CNSA met également en avant l’importance du respect de la citoyenneté de nos aînés et des personnes en situation de handicap dans les politiques de soutien à l’autonomie. Cette question a été particulièrement importante dans la crise de la covid‑19. Pourriez-vous clarifier quelles dispositions pourraient être mises en œuvre à court terme pour renforcer le libre choix de nos concitoyens en matière de soutien à l’autonomie ?

Mme la présidente de la CNSA. Monsieur le rapporteur général, vous m’avez interpellée sur la question de la future COG et c’est effectivement une question décisive. La COG qui s’achève actuellement – pour laquelle nous allons construire un avenant pour 2021 – contient une cascade d’objectifs tous plus techniques les uns que les autres et présente une visibilité assez problématique, à tel point que nous ne savons pas très bien ce que nous évaluons en tentant de l’évaluer. Je suis donc assez critique sur ce type d’exercice de style administratif.

La COG est le sens de l’histoire, l’articulation de la branche à l’État, un outil technique mais aussi politique. La COG doit garantir que le résultat que nous nous sommes fixé est bien atteint à son terme, après quatre années. Si nous ne parvenons pas à construire une ossature porteuse de sens, nous passerons à côté de l’objectif. Nous constituons donc actuellement au sein du conseil une commission permanente consacrée à la COG. Son premier travail sera de préparer la COG pour 2021. Ce sera une sorte de galop d’essai de la COG suivante et nous devons tout de suite commencer à réfléchir à ce que doit être une COG.

Une COG n’est pas une œuvre technique mais une œuvre politique. C’est pourquoi je veux dire à la représentation nationale que le conseil que je préside est ouvert aux échanges. Nous devons dialoguer et c’est le sens de la création de la COG. C’est le sens des futurs travaux et des futurs débats que vous conduirez, qui ne feront pas de la CNSA une espèce d’annexe au débat parlementaire sur la loi de financement de la sécurité sociale mais un véritable sujet à part entière. Je ne demande pas mieux que d’avoir un échange approfondi avec vous sur cette COG, qui sera en quelque sorte le bras armé de la branche et de l’État pour atteindre les objectifs et l’ambition de la vie autonome pour nos concitoyens.

Annie Vidal pointait les schémas que nous avons utilisés par construction : la question de l’évolution du PIB, de l’inflation. Nous les avons repris essentiellement dans les annexes à la loi de financement de la sécurité sociale. Dès lors que nous décidons d’utiliser comme type de recette cette CSGA, un travail paramétrique peut être réalisé. La valeur 0,28 que nous indiquons est indicative ; il nous semble que, dans le contexte des hypothèses actuelles, cette valeur permet de solvabiliser le besoin et d’être à maturité en 2030. Cela ne signifie pas que la représentation nationale n’aurait pas à intervenir sur le niveau et sur le paramétrage de ce compartiment de CSGA lors du débat en loi de finances et en loi de financement.

Ce qui m’intéresse dans la CSGA est la solidité de son rendement, son efficacité, son assiette particulièrement large. Elle constitue une forme de réponse à ce que disait le député Thibault Bazin concernant les choix que porte ce système de financement. D’autres hypothèses sont possibles ; celle-ci nous a semblé inscrite dans les équilibres actuels de la sécurité sociale. Elle nous paraît susceptible de paramétrages et donc d’adaptations au contexte de notre pays. Elle nous semble donc satisfaire ce besoin d’une ressource juste dans la mesure où elle touche tous les revenus.

Nous avons même fait l’hypothèse que, dans une construction un peu audacieuse, nous pourrions y greffer une fraction de droits de succession. Pourquoi, en effet, ne pas élargir encore un peu ce compartiment de CSGA ? À la différence du rapport de Laurent Vachey en particulier, nous souhaitons éviter cette énumération de mesures et de dispositions entre lesquelles nous ne savons pas trancher et qui ne sont pas suffisamment lisibles pour un débat avec la Nation. L’idée est donc de pouvoir paramétrer et adapter la ressource à la situation économique de notre pays et aux enjeux en matière de vieillissement.

Bernard Perrut m’a interrogée essentiellement sur la question des financements nationaux et territoriaux. Je me pose la question de la soutenabilité des financements territoriaux et de leur équité compte tenu de la disparité des situations des départements donc de la réalisation très contingente des objectifs de nos politiques d’action sociale. Il nous semble que nous avons la possibilité, en renforçant les ressources du système de financement de l’autonomie, de renforcer les concours faits aux départements. Ceux-ci ont fondu entre la création de la CNSA, avec une relation à peu près à égalité, et la situation d’aujourd’hui, où les concours de la CNSA ont stagné tandis que, du fait de l’accroissement des besoins de financement, les concours départementaux se sont accrus. Cela nous semble problématique car l’évolution des ressources des territoires est fragile.

Comment introduire des effets péréquateurs réels et efficaces si la solidarité nationale ne renforce pas les dotations aux collectivités territoriales ? Si elle le fait, il faut en revanche changer le pilotage mais cela ne signifie pas partir dans une vision centralisatrice qui mépriserait les réalités territoriales. Cela signifie inventer un État moderne qui sait piloter à l’aide d’une contractualisation librement consentie entre les parties.

Nous pouvons imaginer que, pour les départements particulièrement engagés, disons de façon un peu caricaturale plus engagés pour l’autonomie que pour les ronds-points, nous pourrions avoir un effet de proportion sur la mise en œuvre de ces concours et l’affectation de concours prenant en compte la qualité des politiques de l’autonomie, le niveau de mobilisation de l’acteur territorial, la capacité à mobiliser les intercommunalités, les communautés de communes et l’ensemble du maillage infraterritorial.

Ce maillage est aujourd’hui un contributeur à la politique de l’autonomie qui passe à travers les écrans radar. Nous pourrions donc nous engager dans de véritables schémas partagés pour l’autonomie dans les territoires, soutenus par des politiques publiques toutes convoquées à la politique de l’autonomie. Les CPOM territoriaux me paraissent être l’outil de ce pilotage partagé des politiques de l’autonomie. Nous n’aurons ainsi ni gagnant ni perdant, ni bons ni mauvais, ni chefs ni indiens, mais une communauté d’actions pour la vie autonome de nos concitoyens.

J’ajoute que nous avons commencé, à travers une démarche de prototypage à laquelle nous sommes très attachés, à travailler dans cette logique avec des présidents de conseils départementaux. Nous constatons qu’ils sont demandeurs de cette approche et n’ont pas le sentiment que l’État entrerait par la fenêtre pour ôter aux collectivités territoriales leurs spécificités. Je ne connais pas de politique efficace sans un pilotage, un contrôle et une évaluation renforcés. Leur absence n’est bénéfique pour personne et notre système de financement propose d’aborder cette vision partenariale assumée, partagée et rigoureuse.

Cyrille Isaac-Sibille m’a interrogée sur la proposition d’un fonds qualité présentée par Dominique Libault et a insisté sur la question de la prévention, qui est évidemment tout à fait centrale. Dans la mesure où notre système de financement permet d’accroître la capacité de financement de la branche, la structuration d’un fonds qualité est évidemment envisageable mais la prévention doit absolument apparaître à tous les étages. Nous devons la retrouver au niveau de la formation des professionnels et dans la transformation du modèle de l’EHPAD domiciliaire de demain.

Nous devons aussi la retrouver dans des dispositions de grande vulgarisation comme le programme ICOPE de soins intégrés pour les personnes âgées du Pr Vellas. Ce programme permet à chacun, dès l’âge de 50 ans, alors qu’il est en pleine possession de ses moyens, d’avoir la « grammaire » de ce qu’est l’avancée en âge et la longévité. La grammaire de la longévité consiste, pour schématiser, à être capable de se lever cinq fois de suite de sa chaise sans prendre appui sur les bras, à bénéficier dans son alimentation des capacités à assurer son capital santé, à ne pas avoir des relations sociales qui se limitent à dire bonjour et au revoir au boulanger chaque jour. Cette grammaire de la longévité doit devenir une grille partagée par tous afin de détecter au plus vite tout ce qui précipite l’effet du vieillissement au lieu de garantir la qualité de la longévité.

Nous avons la possibilité de traiter cet enjeu décisif avec ces financements accrus. C’est la même question que la mobilisation de toutes les branches en faveur de la longévité. Thibault Bazin en a parlé de façon un peu tronquée en affirmant qu’il s’agissait de prendre les financements d’une branche pour les apporter à l’autonomie mais notre système de financement n’est pas du tout fondé sur un tel transfert. Il est fondé sur l’idée de ressources accrues pour la branche autonomie et sur la mobilisation de chaque branche puisqu’elles qu’elles sont toutes concernées par la question de la vie autonome. Il s’agit de faire en sorte que, au-delà de la bonne santé de nos concitoyens, la question de leur vie autonome fasse partie des objectifs de l’assurance maladie, sans transfert à la branche autonomie.

Agnès Firmin Le Bodo m’a interrogée principalement sur l’« utopie atteignable » qui l’a rendue perplexe parce qu’une incantation exacerbée à la solidarité nationale pourrait se traduire par une forme de déresponsabilisation, pour caricaturer un peu son propos. Je crois que la question sous-jacente au problème du financement est vraiment la vie autonome de la personne en tant que citoyen à part entière. L’idée que ce citoyen s’en remettrait aveuglément à la protection sociale pour traiter le problème de sa vie autonome serait comme si, en matière de santé, il faisait n’importe quoi en s’en remettant à l’assurance maladie. Je ne dis pas que certains de nos concitoyens n’ont pas de type de réflexe mais, globalement, le rôle de l’assurance maladie est de soutenir une certaine culture générale en santé en même temps que d’apporter des réponses lorsque la maladie survient.

De même, pour la branche autonomie, à travers le libre choix et la contribution individuelle à la vie quotidienne, à travers la construction des prestations – APA, PCH – qui sont fondées sur le projet de la personne, la dimension de la responsabilité de la personne est très importante. Nous pensons même que cette liberté accrue permettra à nos concitoyens de se prémunir contre les conséquences du vieillissement et de mieux comprendre les enjeux de la prévention.

La prévention se heurte souvent à une forme de distanciation. Si ce qui est proposé avec des actions de prévention me fait plus peur qu’il ne me rassure, je ne suis pas acheteur de la prévention. En revanche, lorsque la prévention me garantit que je vivrai mieux parce que j’ai adopté des comportements de prévention et de responsabilité, je suis acheteur de cette prévention.

La conférence des financeurs a effectivement aujourd’hui un horizon trop étroit qui contribue à son caractère impressionniste. Le pilotage est d’autant plus vertueux qu’il a un horizon responsabilisant, qui permet de construire une véritable trajectoire.

Valérie Six m’a interrogée sur les composantes du rapport Vachey. Le conseil de la CNSA a pris une option avec ce système de financement. Nous n’avons aucune prétention à atteindre une quelconque forme de vérité mais il nous est apparu que quelqu’un devait essayer de définir un possible. Ce n’est pas très simple lorsque se trouvent autour de la table des représentants des territoires, des organisations syndicales, des fédérations, des professionnels... Parvenir à se mettre d’accord sur un schéma de financement a demandé beaucoup de résilience aux membres du groupe.

Pourquoi ne pas choisir la TVA sociale ? J’ai fait une campagne législative voici quelques années après une élection au cours de laquelle l’hypothèse de la TVA sociale avait été faite par les candidats durant la période entre les deux tours. C’est un souvenir traumatique que celui de la réaction de mes concitoyens sur le marché de Nogent-sur-Marne. J’ai pensé ce jour-là que notre pays devait être vraiment accompagné pour assumer une disposition de type TVA sociale afin d’éviter une très forte incompréhension, tellement j’avais perçu l’hypersensibilité des personnes que je rencontrais.

Nous avons gardé l’option de la CSGA parce que c’est par construction une option que porte notre branche. Cela nous semblait logique de poursuivre ce que vous avez engagé lors de la création de la branche en la dotant d’une fraction de CSG. Avec son assiette large, notre CSGA est dans le même esprit que la CSG pour la Caisse d’amortissement de la dette sociale.

Je reviens avec la question de Thierry Michels sur cette opération de prototypage. Il nous semble que les conseils départementaux seraient prêts à entrer dans cette démarche de pilotage partagé. Nous avons pu le tester avec l’opération de prototypage réalisée par le conseil de la CNSA.

M. Paul Christophe. Je considère comme vous que les politiques de soutien à l’autonomie et leur financement doivent garantir la pleine citoyenneté de chacun, quels que soient son âge, sa situation de handicap ou sa santé. Comme rapporteur de la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie, ayant soutenu avec mes collègues de la majorité la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, je reste évidemment attaché à la mobilisation des moyens nécessaires pour donner du corps à cette branche. Je salue donc le travail mené par les membres du conseil de la CNSA.

Il faut effectivement se projeter financièrement sur les besoins comme vous l’avez fait mais je souhaite vous interroger sur la question de fond de nos obligations vis-à-vis de nos aînés et de notre capacité à accueillir la perte d’autonomie le mieux possible en fonction de leurs choix domiciliaires. Cela suppose une action publique à l’échelon des territoires et la loi « 4D », comme vous l’avez rappelé, donnera par exemple aux départements la capacité d’organiser l’habitat inclusif à l’échelle des territoires.

Je suis habitué à travailler sur la question des contractualisations avec ma collègue Geneviève Mannarino du conseil départemental du Nord. Je voudrais donc que, sur les questions du pilotage et de la gouvernance, vous nous réaffirmiez votre lecture de l’articulation entre le département et l’État. C’est certainement une des clefs, au-delà des financements, de la réussite de la politique de l’autonomie.

M. Julien Borowczyk. Je vous ai bien entendu parler de politique transversale et de l’importance de la prévention, point sur lequel je vous rejoins tout à fait. Vous avez abordé le virage domiciliaire sur lequel je veux vous interroger car c’est une préoccupation qui m’est chère. Il est nécessaire d’assurer la fluidité du parcours et de l’offre de prise en charge des personnes ainsi que de la prise en charge globale de l’autonomie. Cette autonomie provient du type de logement mais aussi de la mutualisation des moyens.

Nous parlons de financement mais il faut aussi nous poser la question de l’efficience des moyens que nous mettons à la disposition des différentes personnes. Tout le monde n’ira pas à l’EHPAD. Vous parliez de la grammaire de l’autonomie, de l’éducation, de la « grammaire pour grands-mères » mais il est important que chacun comprenne où il peut aller, quel est son niveau d’autonomie et quelles sont les structures adaptées. L’habitat inclusif ou l’habitat partagé permettent de mutualiser les ressources et de démédicaliser la prise en charge à domicile qui se traduit souvent par un isolement de la personne.

Je souhaite donc vous interroger sur la mutualisation des moyens, sur l’habitat partagé, sur le financement d’un parcours de soins et sur d’autres acteurs peut-être, comme le groupe La Poste, qui souhaite aujourd’hui devenir un acteur local, en particulier dans le milieu rural.

M. Belkhir Belhaddad. Je reviens sur la question de la prévention, qui semble extrêmement importante. J’ai beaucoup apprécié le terme de « grammaire de la longévité ». Ce doit être une grille partagée. Vous avez évoqué l’alimentation, les relations sociales et je voudrais parler du développement des activités physiques et la mobilité. Le coût de la sédentarité est évalué pour notre société à 17 milliards d’euros environ. Le coût des maladies chroniques approche des 90 milliards d’euros pour notre système de sécurité sociale. Vous avez évoqué le fait que chaque politique publique doit prendre toute sa part et, dans la dernière proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, adoptée voici quelques jours en première lecture, nous avons précisément introduit parmi les missions des établissements sociaux et médicosociaux la possibilité d’avoir un référent sport pour développer ces pratiques.

La prescription de ce type d’activité existe déjà dans un certain nombre de départements avec un financement dans le cadre de la conférence des financeurs. Je voudrais savoir comment, à votre avis, cette politique peut être intégrée dans la stratégie de la CNSA.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Je crois qu’il est compliqué de trouver une solution miracle, magique, parfaite sur ce sujet de l’autonomie et du vieillissement de la population. Néanmoins, nous voyons une convergence sur la nécessité d’enclencher véritablement le virage domiciliaire, de renforcer la prévention et de remédier aux problèmes que pose le reste à charge pour beaucoup de nos concitoyens et pour leurs proches qui doivent parfois les aider à le financer.

Je vous rejoins sur la nécessité d’une gouvernance à deux échelons, avec l’échelon national qui donne les grandes orientations et un échelon territorial au cœur duquel se trouvent les départements. Je m’interroge sur les logiques de péréquation entre les départements. Les différences sont assez fortes. Ainsi, le Nord est un département très peuplé et très jeune mais avec des problématiques de santé très fortes. Nous avons donc des problématiques de longévité pour des personnes encore jeunes, avec des difficultés de santé parfois dès la cinquantaine.

Je vous rejoins aussi sur la nécessité d’une véritable adhésion de nos concitoyens à la façon de financer cette solidarité vis-à-vis de nos aînés. Il s’agit effectivement d’une échéance pour 2022 mais je doute vraiment que le débat puisse être pris en compte au moment d’un vote sur un projet comme une adhésion à des augmentations de prélèvements sociaux tels que la CSG. Je crois que nous n’avons pas tous un très bon souvenir de la manière dont ont été reçues les précédentes évolutions envisagées de la CSG alors qu’il s’agissait aussi d’enjeux de solidarité nationale et pour notre jeunesse. Comment pensez-vous que nous pouvons accompagner cette solution, peut-être par de la pédagogie, si elle doit être retenue ?

Pourquoi cette piste a-t-elle été retenue alors que nous savons quelles réactions épidermiques elle peut provoquer ? Pourquoi ne pas choisir un mélange de solutions ? Vous avez évoqué l’importance des organismes de protection sociale ; je crois qu’il faut qu’ils contribuent davantage à ce financement et qu’ils sont volontaires pour ce faire.

Ne faut-il pas rechercher aussi une forme d’efficacité ? J’ai le sentiment que de nombreuses actions sont mises en place mais qu’elles sont parfois très coûteuses pour le nombre de personnes touchées. Pouvons-nous être toujours dans une démarche d’expérimentation ? Ne faut-il pas aussi essayer d’aller vers des schémas plus « industrialisés » ?

Quelles sont les pistes que nos voisins européens ont choisies ? Ce vieillissement de la population est une problématique européenne. La CNSA a-t-elle étudié cette question ?

M. Dominique Da Silva. La CNSA défend différentes solutions pour répondre à l’approche domiciliaire. Je pense notamment à l’habitat inclusif et à l’adaptation du logement personnel.

Je vois pour ma part une troisième voie : celle d’un autre domicile à proximité d’un proche aidant, d’un accueillant familial ou autour d’un projet communal. Je travaille d’ailleurs sur un dossier pour la construction d’une filière française de l’habitat adapté modulaire et réemployable. Je pense que nous pouvons par ce biais faire de réelles économies. Ce sont aussi des emplois donc des économies. Je vois un grand intérêt à ce type de logement qui pourrait s’installer au plus près des lieux de vie choisis par les personnes, selon les possibilités locales.

Comment la CNSA appréhende-t-elle ces solutions d’habitat différent de ce qui existe ? Comment peut-elle aider l’expérimentation pour montrer l’efficience de ce type de modèle ?

M. Philippe Chalumeau. Je considère ce rapport comme un document de référence car il donne une perspective, une ambition et rend intelligible une équation qui semblait jusqu’à présent être la quadrature du cercle. Il fait de véritables propositions et me paraît ainsi être vraiment un document fondateur dont je salue la grande qualité.

Ce rapport met en avant les valeurs universelles de solidarité qui fondent la sécurité sociale. Il se place dans la perspective d’un cadre historique, culturel et social qui est extrêmement cher à tous nos concitoyens. Il sort d’un silo en évoquant la dimension très interministérielle de la politique publique de l’autonomie. Il s’agit donc d’optimiser les financements publics dans tous les domaines pour alimenter cette cinquième branche. Cette approche me semble particulièrement pertinente.

Je salue également la vision territoriale, avec à la fois un pilotage national et la question de l’efficacité au niveau du dernier kilomètre au nom de l’équité entre nos concitoyens, un élément fondamental.

Enfin, l’approche domiciliaire, attendue par toutes et tous, est évidemment essentielle. L’EHPAD n’est pas isolé mais est présent dans la chaîne de valeur de l’approche domiciliaire ; l’EHPAD est bien inséré dans son territoire, il est une ressource pour le territoire.

Je trouve donc que le rapport pose bien tous ces éléments, nous donne une perspective et nous propose un agenda.

Je souhaite insister sur le fait que CSG signifie « contribution sociale généralisée ». Ce n’est pas un impôt mais une contribution sociale. C’est donc un prélèvement qui est fléché, contrairement à la TVA, qui est un impôt indirect. Le point de passage se situe en 2030. Le prélèvement de 0,15 point est acté en 2024 et, comme nous l’avons fait par exemple pour la loi de programmation militaire pour laquelle nous avons dit qu’il fallait atteindre 2 % du PIB à l’horizon 2025, nous pouvons augmenter petit à petit ce qui permet de structurer véritablement et de rendre cette utopie atteignable de manière non douloureuse. Je trouve donc que cette piste est intéressante.

Le rapport Vachey a certes l’avantage de proposer des pistes, mais il s’agit plutôt d’un catalogue tandis que ce rapport donne une perspective, une dimension politique et structurante à cette ambition. Je salue cette approche qui me semble particulièrement intéressante.

Ma question porte sur la loi « 4D ». Nous attendons évidemment tous la loi « Grand âge et autonomie » mais il n’est peut-être pas nécessaire que ce soit un grand changement parce que nous avons plutôt besoin d’une perspective, d’une ambition. Il faut utiliser les outils législatifs dont nous disposons pour construire cette politique de solidarité et cette ambition autour des enjeux démographiques. Comment pouvons-nous aider à la structuration de cette ambition au travers de la loi « 4D » qui arrive ? Cette loi a-t-elle prévu un volet autonomie ? Ne faut-il pas y penser ? Nous sommes présents pour y travailler, pour créer une marche supplémentaire.

Mme Mireille Robert. Vous souhaitez dans vos conclusions un virage domiciliaire pour l’accompagnement des personnes. Je travaille justement à une amélioration et à un élargissement de l’accueil familial pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Ce dernier constitue une alternative particulièrement intéressante, à mi-chemin entre le maintien à domicile et le placement en établissement, qui constituent un choix souvent considéré comme binaire. Cette forme d’accueil humaine, sur mesure et de proximité est susceptible de répondre à un véritable besoin compte tenu du vieillissement de la population.

Au cours de mes travaux, j’ai identifié plusieurs freins qui limitent son développement et ne permettent pas de rendre attractif l’accueil familial. Si je vous rejoins en ce qui concerne le pilotage des solidarités dans les CPOM, je m’interroge sur les moyens financiers à déployer pour augmenter de façon significative la visibilité de l’accueil familial.

M. Marc Delatte. Je pense que nécessité fait loi. La démographie sera galopante après 2030, puisque le nombre de personnes de plus de 85 ans est estimé à plus de 4 millions à l’horizon 2040. La solidarité nationale, qui a toujours été au rendez-vous de l’histoire, se conjugue aussi dans le cadre d’une solidarité inclusive avec le handicap et le vieillissement. Il faut conjuguer ceci avec les principes éthiques que sont la justice et l’équité. Face à la pandémie, je pense que notre société est prête à cette solidarité, qu’elle soit nationale ou territoriale, tout en gommant les disparités.

Au niveau du financement, comment envisagez-vous concrètement la constitution de réserves prudentielles au sein de la branche, à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et dans les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiale ? Comment s’assurer que ces réserves soient bien sanctuarisées et dédiées au financement des politiques d’autonomie ?

Avec la pandémie, face aux grands enjeux climatiques, environnementaux et de santé à l’échelon européen, la santé est devenue un peu le ciment de l’identité européenne. Comment pourriez-vous envisager des financements supranationaux, européens dans le cadre de cette politique de vieillissement qui concerne notamment les pays de l’espace Schengen ?

Mme Véronique Hammerer. Je suis totalement en accord notamment avec ce qu’a dit Philippe Chalumeau. Toutefois, le chemin sera difficile, en particulier le chemin de la gouvernance.

Il faut bien sûr une gouvernance, d’abord parce que je suis très attachée à l’existence d’une politique globale, étatique sur la question de l’autonomie. Ensuite, cette politique se déclinera dans les territoires. Nous aurons certes des objectifs communs mais la manière d’y parvenir sera totalement différente selon que vous habitez le Nord, Bordeaux ou Marseille. Il faut préserver cela et le mettre en place.

Cette gouvernance sera assurée par les ARS, les départements et les préfectures, sans oublier les acteurs directement concernés que sont les professionnels eux-mêmes. Pour moi, l’important est aussi d’avoir une démarche participative, que l’usager avec son savoir d’usage soit également présent dans cette gouvernance départementale et territoriale.

La contractualisation est essentielle comme dans toute politique. Je pense qu’elle manque énormément dans nos processus aujourd’hui, ainsi que le contrôle et l’évaluation de l’usage des dotations d’État. Cette contractualisation est plus que nécessaire.

Ce partage entre les branches de la notion d’autonomie constitue la transversalité qui, à mon avis, n’est pas suffisamment développée en France ce qui nous pose de gros soucis.

Ne pourrions-nous pas impliquer davantage dans la construction de cette cogestion les représentants d’usagers ? Il existe déjà des structures mais elles sont très méconnues et nous n’en voyons malheureusement pas l’efficience.

Je soutiens également l’accueil familial. Cet habitat alternatif domiciliaire est sous‑développé en France pour de multiples raisons et je vous présenterai prochainement les conclusions de ma mission sur la façon dont les caisses de mutualité sociale agricole (MSA), compétentes en animation de territoire, pourront venir appuyer les départements pour promouvoir, animer et développer l’accueil familial.

Mme la présidente de la CNSA. Paul Christophe me pose la question de la politique de l’autonomie dans les territoires, avec la nécessité d’y mettre en œuvre le choix domiciliaire, d’y promouvoir l’habitat inclusif et de trouver une articulation harmonieuse entre l’État et le conseil départemental, chef de file de l’action sociale.

Il me semble que nous devons réussir à formaliser ce pilotage partagé. Un pilotage partagé doit bénéficier de financements croisés, venant de la branche et du territoire, et doit prendre en compte le principe de la différenciation que la loi « 4D » se prépare d’ailleurs à expliciter.

La différenciation ne consiste pas à refuser la loi de la République ou à vouloir sortir des écrans radar d’une politique publique mais à permettre à cette politique publique de se mettre en œuvre de façon efficace en prenant en compte des déterminants invisibles à l’échelon national. Certains de nos territoires tels que le département du Nord ou des départements ruraux – ma Corrèze natale ou d’autres – peuvent décliner des approches spécifiques pour l’autonomie mais non dérogatoires d’une politique publique de l’autonomie. Il nous faut réaliser ceci en transformant nos modalités de pilotage qui sont actuellement imparfaites.

Nous ne savons pas intégrer de mécanisme efficace de péréquation. Il nous arrive même de nous retrouver dans des espèces de seringues assez regrettables entre un discours de l’État et un discours du département qui laissent professionnels et citoyens assez perplexes. Je crois aux communautés de vue, de projet et je crois que le consensus est possible à la condition de l’inscrire dans un cadre précis, des concours de la branche au département. Il faut un pilotage partagé du préfet, du directeur général de l’ARS et du président du conseil départemental, une conférence pour l’autonomie dotée d’un conseil tel que le conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) existant mais repensé comme un conseil de la CNSA à l’échelon territorial, avec ses équilibres et une représentation des parties prenantes. Ceci peut garantir un pilotage qui n’exclut pas le libre choix de la personne, associée à cette gouvernance dans l’esprit de la sécurité sociale : de la même manière que les intéressés sont autour de la table du conseil, les intéressés sont autour de la table de la conférence pour l’autonomie dans les territoires.

Cet équilibre est assez réformateur de l’État parfois un peu injonctif que nous connaissons et de départements qui parfois se retranchent de façon un peu maladroite et contestable. Il faut que nous sortions de cette difficulté. La loi « 4D » nous invite à cette maturité et, dans cette loi, la définition de la différenciation est pour moi une pépite à laquelle il faut se référer. C’est ce qui rend la République humaine.

Julien Borowczyk a reparlé du virage domiciliaire et de la nécessité de proposer des réponses aux personnes. Je me méfie un peu lorsque le parcours des personnes devient une institution. Le fil, pour moi, est celui d’une personne qui vit chez elle, qui avance en âge et connaît des difficultés pour se mouvoir, faire ses courses, qui est un peu isolée et a quelques petits soucis de santé. Cette personne a une aide à domicile pour les tâches de la vie quotidienne et la branche autonomie lui permet de bénéficier d’un nombre d’heures suffisant pour maintenir sa capacité de vie autonome. Cette aide à domicile est très pénétrée de principes de prévention primaire par sa formation. Elle sait identifier les difficultés pour la personne et saura faire le lien avec l’infirmière, avec le médecin traitant et avec la famille pour faire en sorte que, avant que la chute ne se produise, avant que l’événement problématique n’intervienne, des réponses soient trouvées.

Ces réponses doivent être identifiées à l’échelon de chaque territoire et ce ne sont pas les mêmes partout. C’est pourquoi nous avons besoin d’une grande souplesse dans la définition des constituants de la réponse à la vie autonome. En milieu urbain, cela peut être un service d’aide à domicile qui se trouve à deux pâtés de maison tandis que, à un autre endroit, cela peut être un EHPAD qui constitue un lieu ressource dans lequel la personne peut aller passer la nuit lorsqu’elle est fragilisée et retourner chez elle pour vivre sa vie comme d’habitude ou l’inverse. Il s’agit de trouver des réponses en accueil de jour ou des solutions pour se nourrir et bénéficier d’une alimentation structurée... Ce fil est finalement plein de souplesse, de mobilisation d’acteurs qui dépendent des réponses existantes à l’échelon du territoire.

Julien Borowczyk a aussi parlé de la proposition du groupe La Poste que les facteurs veillent sur les parents. J’échangeais récemment avec Philippe Wahl, le président de La Poste. Si les facteurs sont perçus comme un concurrent des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), cela ne fonctionnera pas. Le modèle de La Poste ne prendra pas et les SAAD ne comprendront pas cette approche un peu concurrentielle.

Je pense qu’il ne faut pas s’y prendre ainsi, qu’il faut très vite se mettre autour de la table pour identifier toutes les ressources humaines, toutes les capacités d’intervention et faire que, dans un équilibre suffisant, chacun puisse trouver son propre modèle. Le modèle des SAAD est encore très fragile. Les décisions de la ministre Brigitte Bourguignon vont dans le bon sens et sont très volontaristes mais il nous faut recruter encore et encore dans les SAAD. Ils ont subi une forme de concurrence avec des dispositions du « Ségur » qui ont pu amener à comparer les rémunérations en établissement et en SAAD. Il faut aussi nous poser la question de ceux qui relèvent du statut de particulier employeur.

Nous avons encore beaucoup à construire. Nous devons l’envisager ensemble mais, tant que nous n’avons pas cherché à résoudre l’équation du financement, nous n’arriverons pas à promouvoir suffisamment le modèle vers lequel nous voulons aller.

Belkhir Belhaddad m’a interrogée sur le sport. La branche doit bien sûr contribuer à la promotion de la pratique sportive et nous retrouvons là cette notion de responsabilité interbranche. Il faut que l’assurance maladie, pour ce qui la concerne, continue d’aller dans ce sens et que la branche autonomie fasse son chemin pour les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, y compris celles qui vivent chez elles. C’est cette convergence de vues sur l’importance de la pratique sportive pour maintenir la capacité de mobilité des personnes et leur capacité à maintenir du lien social qui nous permettra de réussir. Cela me semble illustrer de façon caractéristique la convergence de la mobilisation de tous les acteurs de l’autonomie, qu’ils soient dans la branche ou hors branche.

Charlotte Parmentier‑Lecocq m’a interrogée sur la difficulté à envisager un effort supplémentaire de la Nation à travers la CSGA. Il est effectivement difficile de dire aux électeurs : « Nous avons une bonne nouvelle ; nous avons créé une nouvelle branche et il faudra la financer à travers la CSGA. » Mais ce n’est pas tout à fait ce que nous proposons au travers de notre système de financement. Nous proposons de dire que nous supprimons la notion de reste à charge. Les personnes devront s’acquitter de la contribution individuelle à la vie quotidienne, c’est-à-dire de l’hébergement – gîte et couvert –, et nous enlevons la part autonomie. Ce n’est donc pas une pression fiscale aveugle supplémentaire mais une orientation de leur effort pour que leurs parents et eux-mêmes n’aient pas à supporter des niveaux importants de reste à charge en établissement. Ceux-ci créent une vraie perte de chance pour ceux qui ont des revenus à la fois trop élevés et trop faibles pour envisager sans difficulté de telles solutions.

Le conseil n’a pas retenu l’option des recours sur succession car ils relèvent d’une forme de privation de liberté. Je ne dis pas que la personne doit faire supporter ses choix à la solidarité nationale mais, quand elle subit une perte d’autonomie du fait de son âge ou de sa situation de handicap, la solidarité lui permet de rester autonome, charge à elle d’assumer sa contribution à la vie quotidienne.

C’est en ce sens que l’idée de la CSGA me semble moins violente que l’idée d’un prélèvement obligatoire de plus sans contrepartie. Par contre, il faut le présenter ainsi et gager le fait que nous sommes bien sur la mise en place d’une contribution individuelle à la vie quotidienne.

Dominique Da Silva a évoqué la question de l’habitat inclusif et a mis en évidence son intérêt. La CNSA y est extrêmement favorable. Dès 2021, des financements accrus sont fléchés pour la mise en œuvre de l’habitat inclusif. C’est à partir de l’idée que la personne se fait de son propre vieillissement qu’il faut concevoir ce projet de développement de l’habitat inclusif. C’est pourquoi je crois beaucoup à votre projet communal d’habitat de proximité.

Ce n’est pas tout à fait de l’habitat inclusif. Il est inclusif au sens où la réponse se trouve juste à côté mais ce n’est pas vraiment une mutualisation à l’intérieur de l’habitat. Si vous avez l’occasion de m’en faire savoir plus pour que nous l’intégrions à nos réflexions, je suis très intéressée. Je pense qu’il faut enrichir encore notre offre avec cette formule et, en termes d’investissements, nous sommes désormais capables de véritables développements grâce au « Ségur » et grâce à une nouvelle approche de l’investissement par la branche.

Véronique Hammerer a parlé du pilotage territorial. Il faut penser le CDCA comme un mini‑conseil territorial de la CNSA qui anime et fait vivre la politique de l’autonomie comme une structure de gouvernance territoriale. Nous avons ainsi bien un effet d’association des parties prenantes à la déclinaison territoriale de la politique de l’autonomie dans l’esprit que nous souhaitons, encadré par un CPOM territorial avec une forte mobilisation de tous ceux qui portent les politiques publiques. Ce n’est pas un simple effet de fumée. C’est contractualisé, large et abouti.

L’accueil familial, abordé par plusieurs d’entre vous, est effectivement une solution remarquable, à condition que nous fassions évoluer le statut de l’accueillant familial. En matière de droit, nous ne pouvons pas avoir une solution hybride qui fragiliserait l’accueil familial. Il faut assumer son importance. Le développement de l’accueil familial est très lié à la culture du territoire. C’est une bonne réponse pour certains types de public – personnes qui n’ont pas beaucoup de famille ou qui ont des besoins spécifiques – qui ne peuvent évoluer de façon équilibrée que dans la mesure où ils retrouvent un univers familial.

J’ai eu l’occasion de travailler sur le sujet dans le champ de la psychiatrie et ce sont des réponses extrêmement efficaces, qui préviennent les risques de glissement. C’est aussi une démonstration magistrale du retour à l’économie réelle, une façon de rendre une vitalité aux territoires et en particulier aux territoires ruraux dans lesquels l’offre peut être assez discontinue. J’ajoute que, si un EHPAD ressource se trouve à proximité, l’accueillant familial sera impliqué dans un système qui ne le laisse pas isolé pour faire face à la complexité de la situation de certaines personnes. Je pense effectivement que la MSA est tout à fait capable de développer l’accueil familial.

Philippe Chalumeau est intervenu au conseil de la CNSA pour présenter la démarche de la loi de programmation militaire, ce qui a été très important pour nous en nous permettant de visualiser le principe d’une loi de programmation. La question de l’affectation des ressources à la branche est un choix, une option que nous présentons avec beaucoup de modestie mais il me semble que l’heure est venue de nous poser la question de comment nous nous y prenons.

Vous avez posé un acte dans la protection sociale contemporaine en accroissant le périmètre de la protection sociale lors de la création de la cinquième branche. Nous devons maintenant nous projeter dans un horizon que le covid nous impose d’aborder. Nos concitoyens ne pensent plus l’avancée en âge et la perte d’autonomie comme avant le covid. Je pense qu’il est incontournable de porter le débat avec la représentation nationale pour les prochaines échéances et de porter à maturité cette nouvelle branche.

Marc Delatte a noté que le système de financement comporte une dimension prudentielle. Nous y tenons beaucoup. Notre branche a été construite à l’équilibre mais subit déjà les conséquences du covid et se trouve en situation de déséquilibre du fait de moindres recettes et de dépenses accrues. Il est important qu’elle garde ce principe d’un équilibrage et d’une recherche de constitution de réserves. Cela doit faire partie de l’évolution de la feuille de route de la branche et, sans doute, être présent dans la future COG.

Si d’aventure une année, du fait de dépenses moins importantes ou d’une politique faisant des choix spécifiques, la CNSA parvenait à se constituer des réserves, même peu importantes, il est très important que ces réserves soient isolées et fassent l’objet de placements dans le cadre de l’ACOSS afin de participer à la recherche d’une plus grande efficience des financements. Nous devons imaginer que l’effort de financement accru ne se traduit pas par une baisse d’efficience mais au contraire par une recherche d’efficience supplémentaire. La dimension prudentielle dans un risque comme celui du vieillissement appelle une gestion prudentielle des masses de financement de la branche autonomie, à son niveau en infra‑annuel et au niveau de l’ACOSS en supra‑annuel.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous remercie pour la qualité de votre rapport ainsi que pour la précision et la clarté de vos réponses aux nombreuses questions des députés.

 

La séance s’achève à 11 heures 45.

 

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Marie-Pierre Rixain rapporteure sur la proposition de loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle (n° 4000).

 

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