Compte rendu

Commission
des affaires sociales

 Printemps social de l’évaluation : table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’autonomie et à la famille réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale, Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales.               2

   

   

 

 

 

 


Mercredi
26 mai 2021

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 87

session ordinaire de 2020-2021

Présidence de
Mme Fadila Khattabi,
Présidente
 


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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 26 mai 2021

La séance est ouverte à quinze heures.

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Dans le cadre du Printemps social de l’évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives à l’autonomie et à la famille réunissant M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale, Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale, Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales.

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous poursuivons et terminons le Printemps social de l’évaluation commencé hier après-midi avec les thématiques de l’autonomie et de la famille.

Je remercie les rapporteurs de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) pour leurs contributions ainsi que les administrations qui ont répondu à notre invitation et travaillé avec nos collègues.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Nous abordons lors de cette table ronde les deux pans essentiels de notre protection sociale que recouvre l’attention portée par la solidarité nationale aux familles et aux personnes en situation de perte d’autonomie.

Je reviens tout d’abord sur la création voici un an de la cinquième branche dans le cadre de la loi relative à la dette sociale et à l’autonomie. L’article 32 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2021 a permis de clarifier les missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et de préciser la gouvernance ainsi que le cadre de fonctionnement de cette branche, dont le budget atteint aujourd’hui 32 milliards d’euros. Il s’agit de renforcer l’accès de nos aînés et de nos concitoyens en situation de handicap à l’ensemble de leurs droits en faisant en sorte que ces derniers soient plus effectifs et plus équitables sur le territoire national.

Nous nous y efforçons en y consacrant de nouvelles sources de financement pérennes – 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) à partir de 2024, soit environ 2,3 milliards d’euros par an – et des moyens financiers ambitieux puisque le Ségur de la santé prévoit un plan d’aide à l’investissement dans le secteur médico-social doté de 2,1 milliards d’euros pour la période 2021-2025. Nous consacrerons 1,5 milliard d’euros à la création ou la rénovation de places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et 600 millions d’euros sur trois ans pour développer le numérique.

Je le répète : notre majorité est fière et peut être fière d’avoir enfin donné naissance à cette nouvelle branche, dont la création était promise depuis tant d’années par différentes majorités. Il reste évidemment beaucoup de travail à accomplir pour les mois à venir et nous y travaillerons ensemble.

Mes questions seront assez simples. Comment se passe la mise en place de cette cinquième branche ? Quelles sont les prochaines échéances ? Comment envisagez-vous la prochaine convention d’objectifs et de gestion de la CNSA ?

Je souhaite également vous faire part de la nécessité d’effectuer un bilan des mesures structurantes engagées par notre majorité en matière de politique familiale. Si beaucoup ont en tête les dernières dispositions, notamment l’extension du congé de paternité, je voudrais revenir sur l’une des premières mesures qui me semble particulièrement importante, à savoir l’augmentation du complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales. Il a été voté dans le cadre de la LFSS 2018.

Cette majoration de 30 % poursuivait deux objectifs essentiels. Le premier consistait à aider les familles monoparentales à faire face aux frais de garde. Ceux-ci peuvent représenter un taux d’effort substantiel pour des familles dont le taux de pauvreté atteint 40 % lorsqu’elles comptent deux enfants, voire s’élève à 63 % au-delà de trois enfants. En outre, dans 80 % des cas, ce sont des femmes qui sont à la tête des familles monoparentales. Dès lors, il s’agissait de les aider à faire garder leurs enfants pour leur permettre d’engager des démarches d’insertion professionnelle, de se former et de combler la distance qui les éloigne du marché du travail. Cet aspect est évidemment essentiel.

Le second objectif visait à rapprocher les restes à charge entre les différents modes de garde. Le coût d’une garde chez une assistante maternelle peut être jusqu’à deux fois plus élevé qu’en crèche. De plus, les modes de garde ne sont pas uniformément répartis dans nos territoires et trop de familles peinent encore à trouver une solution. Cette harmonisation est donc évidemment la bienvenue.

Plus de deux ans après l’entrée en vigueur de cette mesure, quel premier bilan pouvons-nous en tirer ? Les familles monoparentales ont-elles davantage recours au complément de mode de garde et donc aux assistantes maternelles ? Cette solvabilisation de l’offre permet-elle un véritable rééquilibrage entre le coût de l’accueil collectif et celui de l’accueil individuel ? Cette augmentation est-elle correctement répartie dans les territoires ? Je pense en particulier à des départements où le taux de couverture est très bas, ce qui limite la possibilité, pour les mères célibataires, de trouver facilement un mode de garde adéquat.

Mme Annie Vidal, coprésidente de la MECSS. Après les tables rondes sur l’équilibre des comptes sociaux et sur l’assurance maladie, nous achevons notre cycle de réunions du Printemps social de l’évaluation avec les thématiques de l’autonomie et de la famille.

Nous mesurons d’ores et déjà les enjeux du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui devra traduire les engagements pris en termes de politiques sociales. L’autonomie constitue évidemment un sujet central. La crise sanitaire a mis en lumière certaines difficultés dans les EHPAD, notamment en termes de personnel.

Après l’adoption du texte sur la cinquième branche en juillet dernier, l’inscription à l’ordre du jour du projet de loi sur le grand âge et l’autonomie a été de nouveau évoquée par la ministre déléguée chargée de l’autonomie, Mme Bourguignon. La presse s’en fait d’ailleurs l’écho aujourd’hui même et je me fais l’interprète de l’ensemble des commissaires des affaires sociales en soulignant que ce texte est très attendu par tous.

Pour autant, des mesures ont déjà été prises en faveur des personnels du secteur médico-social dans le cadre de la LFSS 2021 et la MECSS a souhaité procéder à leur évaluation. Même si les délais s’avèrent courts, elle a décidé de travailler sur l’article 47, qui prévoit une revalorisation des salaires des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Les travaux sur ce sujet s’inscrivent dans la continuité de ceux engagés l’année dernière sur l’utilisation des 50 millions d’euros pour préfigurer la réforme du financement des SAAD.

Par ailleurs, la MECSS a retenu deux sujets sur le thème de la famille. Le premier, confié à Mme Monique Limon, a trait à l’indemnisation du congé parental, modifiée en 2014. Cette réforme qui devait favoriser un meilleur partage du congé entre les deux parents ne semble pas avoir obtenu les résultats escomptés. Alors que la dernière LFSS a procédé à un allongement important du congé paternité qui passe de onze à vingt‑cinq jours à compter du 1er juillet prochain, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur cet autre aspect de l’accompagnement de la parentalité.

Enfin, la MECSS a confié à M. Stéphane Viry le soin de dresser un premier bilan de l’intermédiation financière prévue à l’article 72 de la LFSS 2020 en matière de pensions alimentaires. Ce dispositif doit permettre de prévenir les impayés de pension par le déploiement de moyens et d’effectifs et ainsi améliorer la situation des parents isolés ayant la charge de leurs enfants, en pratique des femmes le plus souvent.

Je terminerai par une question adressée à la CNSA, qui est chargée de la gestion de la branche autonomie. Quelles sont à ce jour les perspectives de montée en charge de la gestion et des financements de cette cinquième branche, nécessaires à l’intégration de l’augmentation des besoins ?

M. Franck Von Lennep, directeur de la sécurité sociale. Nous avions évoqué longuement la création de la cinquième branche lors du Printemps de l’évaluation de l’année dernière. Ce qui avait été annoncé a bien été réalisé : la cinquième branche a été créée par la loi du 7 août 2020 puis par la LFSS 2021.

Plusieurs avancées accompagnent la création de cette cinquième branche, dont une plus grande transparence financière, en particulier pour le Parlement, ce qui permet d’identifier des dépenses et des recettes. Ce n’était pas le cas auparavant, puisque la CNSA ne possédait que peu de recettes propres tandis que de telles recettes n’existaient pas à l’échelle de l’ensemble de la branche. Le Parlement dispose maintenant d’une vision transversale sur les 32 milliards d’euros de dépenses et de recettes de la branche et d’une visibilité sur le solde pluriannuel dans l’annexe B de la LFSS, comme sur l’ensemble des autres branches.

Par ailleurs, au-delà des aspects purement financiers, la création de cette cinquième branche visait à rapprocher le fonctionnement de la branche autonomie de celui des autres branches de la sécurité sociale en recherchant une plus grande équité sur l’ensemble du territoire. Évidemment, le « réseau » de cette branche n’est pas du tout comparable à celui de la sécurité sociale. Il s’appuie sur des acteurs différents et, pour une part, relevant des collectivités territoriales mais il s’agit tout de même d’animer ce réseau et de le faire avancer dans le sens d’une plus grande équité. La création de cette branche devra aussi s’accompagner dans les années futures d’un objectif d’efficience renforcée de la politique de l’autonomie.

Le rapporteur général nous a demandé comment se déroule la mise en place de cette branche. Du point de vue juridique, cette mise en place est largement réalisée avec la LFSS. Il reste à prendre un certain nombre de textes et d’ordonnances pour l’inscrire dans l’ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale. Nous ne sommes donc pas encore au bout du chemin mais une bonne partie de celui-ci a déjà été accomplie. Une échéance importante a été franchie voici un mois avec la signature d’un avenant à la convention d’objectifs de gestion (COG) de la CNSA. Il permet de commencer à décliner les objectifs de la COG avec des moyens supplémentaires pour la CNSA.

La future COG pour 2022-2026 est en cours de préparation. Les services de l’État et la CNSA y travaillent pour aboutir à une nouvelle convention dans les prochains mois. Cette future COG devra, de façon plus approfondie que l’avenant qui vient d’être signé, décliner les objectifs de la branche, en particulier les nouvelles missions de la CNSA et l’animation des acteurs territoriaux.

Comme vous le signaliez, le Parlement a en outre voté l’année dernière l’attribution de 0,15 point de CSG à la CNSA à partir de 2024. L’annexe B de la LFSS 2021, qui constitue une annexe pluriannuelle courant jusqu’en 2024, prévoit un excédent de 2 milliards d’euros de la branche à partir de 2024. Il existe donc bien des marges de manœuvre au sein de cette branche pour financer de nouveaux investissements.

Votre deuxième question portait sur la politique familiale, plus spécifiquement sur le CMG pour les familles monoparentales. Plusieurs dispositifs ont été adoptés ces dernières années en faveur des familles monoparentales, dont l’intermédiation des pensions alimentaires et, auparavant, dans la LFSS 2018, l’augmentation de 30 % du CMG.

Nous savons que, pour un parent seul – souvent une mère seule –, il est plus difficile que pour un couple de trouver des arrangements pour couvrir des horaires de garde tôt le matin ou en fin de journée. Les parents élevant seuls leurs enfants et effectuant des journées de travail qui peuvent être longues doivent faire appel soit à de la garde informelle soit à de la garde formelle. Or cette dernière peut être coûteuse. C’est la raison pour laquelle il avait semblé utile de faire en sorte que le CMG soit plus favorable pour les familles monoparentales. Cette aide porte sur la garde des enfants par une assistante maternelle, que les familles concernées en soient directement l’employeur ou qu’elles aient recours à ce mode de garde à travers une structure. L’objectif était de réduire le reste à charge des familles monoparentales.

D’après les données dont dispose la direction de la sécurité sociale, cette réforme s’est traduite par une augmentation de 6 % du nombre de familles monoparentales qui ont eu recours au CMG entre début 2018 et début 2020. Ensuite, avec les confinements et le télétravail, le recours à la garde d’enfants a évidemment été « chahuté » en 2020.

Durant cette même période 2018-2020, le recours au CMG pour les autres familles accuse une légère baisse, ce qui traduit la baisse de la natalité et, par conséquent, la diminution du nombre d’enfants âgés de 0 à 3 ans. Le coût global de l’augmentation du CMG pour les familles monoparentales est de 40 millions d’euros. Pour les activités à temps plein, ce dispositif permet de largement rapprocher, pour une famille monoparentale, le coût d’une assistante maternelle du coût d’une crèche, voire de le rendre parfois inférieur.

Je ne possède par ailleurs aucune donnée sur le recours territorial. Peut-être le directeur de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) en aura-t-il.

Mme Virginie Lasserre, directrice générale de la cohésion sociale. La création de la cinquième branche vise également à disposer d’une vision globale de la politique de l’autonomie. Nous avons pour ce faire élargi le champ d’intervention de la CNSA à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Je soulignerai aussi l’enjeu majeur que représente le renforcement de l’information du Parlement par l’introduction d’une nouvelle annexe au PLFSS, dédiée à la branche autonomie. Il s’agit d’une réforme qui amorce un changement dans la conception même de la politique d’autonomie. Elle sera dotée de ressources propres et fait désormais l’objet d’une discussion annuelle au Parlement.

Je précise, concernant la COG de la CNSA, qu’un avenant prorogeant à nouveau d’une année la COG de 2016-2019 a été conclu pour l’année 2021 entre l’État et la CNSA. Cet avenant amorce le changement des missions et de l’organisation de la CNSA, au travers de quatre chantiers prioritaires pour la mise en œuvre de cette nouvelle branche.

Le premier concerne la feuille de route sur les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) pour 2022, l’idée étant d’améliorer grâce à des financements amplifiés l’accès aux droits des personnes en situation de handicap.

Le deuxième chantier de cet avenant a trait à la mise en œuvre d’un conventionnement inédit entre la CNSA et les départements au titre de la période 2021-2024, avec une adaptation du programme de travail de la CNSA afin de tenir compte des ressources supplémentaires à mobiliser dans le cadre de ce chantier. Il permettra de nouer des conventions beaucoup plus individualisées avec les départements.

Le troisième point renvoie à la mise en œuvre du volet médico-social de l’investissement du Ségur de la santé. Il s’agit là d’un enjeu majeur.

Le quatrième chantier revêt, lui, une dimension structurelle pour la CNSA. Il concerne ses systèmes d’information et constitue un chantier essentiel en vue de davantage piloter cette politique publique au plus près des territoires.

Le rapport sur la COG entre l’État et la CNSA, en cours de finalisation par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances, permettra de préciser le contour de la nouvelle COG. À partir de 2022, celle-ci devrait intégrer les enjeux de la mise en œuvre de la cinquième branche avec la transformation de la CNSA en une véritable caisse nationale de sécurité sociale, capable de gérer une cinquième branche de la sécurité sociale et dotée de moyens renforcés dès 2024, grâce aux 2,3 milliards d’euros issus de 0,15 point de CSG à la CNSA jusqu’alors affectés à la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Cette COG renouvelée en 2022 permettra à la CNSA de piloter pleinement le réseau des MDPH et de mettre en œuvre le projet de loi nouvellement appelé « Générations solidaires ».

Ce projet de loi sur lequel nous sommes extrêmement mobilisés permettra également de décliner la feuille de route de l’autonomie au plus près des territoires avec une gouvernance territoriale renouvelée et le souci d’une plus grande équité dans la mise en œuvre des politiques publiques. L’objectif est de parvenir à une vision centrée sur le parcours de la personne. Nous attendons les conclusions de la mission de Dominique Libault, qui seront essentielles pour nourrir ce projet de loi.

Vous avez souligné l’importance de l’article 47 de la LFSS 2021. Cet article prévoit un dispositif de soutien versé par la CNSA aux professionnels tous statuts confondus, publics ou privés. Nous disposons à ce niveau de 150 millions d’euros mobilisables au titre de 2021 et de 200 millions au titre de 2022.

Cet article 47 est intimement lié à l’avenant 43 de la branche de l’aide à domicile (BAD) que nous sommes sur le point de signer. La ministre Brigitte Bourguignon l’a d’ailleurs annoncé. Cet avenant devrait permettre une revalorisation des salaires de 16 % en moyenne, ce qui est historique. L’agrément de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) devrait intervenir dans les prochains jours. Des concertations sont en cours sur les modalités pratiques de versement de cette aide aux départements, dans le cadre d’un groupe de travail associant la CNSA et ces départements. Le décret devrait paraître cet été.

Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). La CNSA opère actuellement sa mue en caisse nationale de sécurité sociale dans un cadre général que Franck Von Lennep et Virginie Lasserre ont déjà présenté.

J’insisterai sur la transformation effective des organisations financières et comptables. C’est un sujet qui peut paraître technique et qui permet d’inscrire complètement le fonctionnement financier de la caisse dans l’univers général de la sécurité sociale. Cela permettra de répondre aux enjeux de transparence rappelés par Franck Von Lennep et de disposer d’une vision consolidée des chiffres de l’autonomie conjugués à ceux de l’ensemble de la protection sociale, suivant un plan comptable harmonisé.

Cette transformation et cette adaptation de nos fonctions financières et comptables sont prescrites par l’avenant 2021 de la COG entre l’État et la CNSA, adopté à l’unanimité par le conseil de la caisse le 22 avril dernier. Elles sont pratiquement achevées.

Notre architecture budgétaire a été simplifiée à l’occasion de la création de la branche, passant de sept fonds étanches fonctionnant en silos à cinq fonds de budget et trois fonds plus globaux qui doivent permettre plus de souplesse dans la gestion du budget de l’autonomie.

Ils sont articulés autour des grandes dépenses au cœur de la branche. Il s’agit d’abord du financement des établissements et services médico‑sociaux qui accompagnent les personnes âgées ou en situation de handicap. D’autres dépenses concernent la solvabilisation par le concours alloué aux départements de financements d’aides individuelles pour recourir à une aide à domicile, démarche indispensable pour conforter notamment le bien‑vieillir chez soi. Nous finançons également des dépenses de soutien à l’investissement.

Ce budget simplifié a été adopté en fin d’année dernière tandis que nos fonctions comptables ont été renouvelées. La trésorerie de la CNSA a été mutualisée au sein de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ce qui permet de soulager la caisse de cette fonction de gestion de trésorerie et de donner sens et vie à la solidarité entre les caisses comme le permet le fonctionnement d’une caisse nationale de sécurité sociale.

Les autres chantiers prioritaires consacrés par l’avenant 2021 de notre COG me semblent aussi emblématiques de la création de cette branche dans le sens où ils mettent l’accent sur la transformation d’une fonction traditionnelle de la CNSA : l’animation des réseaux territoriaux constitués par les agences régionales de santé (ARS), les services autonomie des départements et les MDPH.

La caisse évolue d’une fonction d’animation à une fonction de pilotage qui rapproche, d’une part, les objectifs d’articulation et d’alignement des politiques territoriales et, d’autre part, les politiques nationales, ceci malgré les spécificités de cette nouvelle branche et en particulier celle d’un « réseau » qui n’en est pas réellement un. La caisse dispose de moyens d’action renforcés, dont l’autorisation de recruter 11 équivalents temps plein (ETP) pour mieux piloter et mettre en place la feuille de route MDPH 2022, afin de » garantir une meilleure qualité de service dans ces maisons départementales avec, en particulier, la création d’une équipe d’appui aux MDPH en difficulté.

Cette création s’est d’ailleurs beaucoup inspirée d’un mécanisme qui fonctionne avec succès au sein de la branche famille depuis longtemps. Une task force de six personnes pourra intervenir en direct auprès des MDPH qui nous sembleront en avoir besoin, notamment à travers le suivi de leurs délais d’attribution.

Enfin, un pôle de soutien à l’investissement est créé. Il est destiné à piloter l’arrivée à bon port du programme d’investissement très substantiel de 1,5 milliard d’euros permis par le « Ségur ». Il s’agit d’un levier important pour la transformation de l’offre d’accompagnement. L’objectif est en particulier d’en finir avec l’existence de chambres doubles dans les EHPAD qui, en dehors des cas très rares d’hébergement d’un couple, n’est plus admissible aujourd’hui. Ces investissements permettront de moderniser les structures, puisque nous estimons que plus de 50 000 places dans les établissements ont plus de trente ans d’âge et n’ont pas connu de rénovation importante. Cette rénovation est destinée à améliorer la qualité de vie des résidents et l’accompagnement des professionnels.

La CNSA est dotée de compétences et de moyens nouveaux pour piloter la qualité de service des réseaux intervenant en front office en direction des personnes. Elle est dotée de leviers nouveaux en faveur de la qualité des accompagnements.

Cet avenant insiste enfin sur le conventionnement renouvelé entre la caisse nationale et les conseils départementaux pour définir contractuellement des objectifs et une feuille de route à quatre ans sur l’ensemble de la politique de l’autonomie, tant en direction des personnes âgées que des personnes handicapées. Ces engagements seront assortis – c’est une première – d’indicateurs et de moyens qui nous permettront tout au long des quatre ans de vérifier la bonne mise en œuvre de cette feuille de route.

C’est un changement de paradigme dans la relation entre la caisse et les conseils départementaux. Tous ces changements sont déjà à l’œuvre et se poursuivront tout au long de l’année, notre objectif commun avec les directeurs et directrices qui se sont déjà exprimés étant de finaliser notre nouvelle COG qui sera la première de la branche.

Cette COG aura pour ambition de rendre possible ce que le conseil de la CNSA appelle les promesses de la branche, qui rejoignent tout d’abord les objectifs gouvernementaux, précisés notamment dans le dossier de presse sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et également les objectifs que le collectif des agents de la caisse a identifiés dans le cadre d’une démarche de transformation que j’ai souhaité initier pour disposer de ressources et d’un collectif aligné dans la perspective de la mise en œuvre de cette nouvelle COG. Nous travaillerons donc sur nos leviers pour construire un pilotage par la donnée et renouveler notre action de pilotage des réseaux de façon à garantir la bonne effectivité des promesses de la branche.

Nous voulons plus d’équité territoriale. Celle-ci est indispensable et ce point a été très souvent évoqué lors de l’ensemble des auditions sur la politique de l’autonomie. Nous voulons plus d’efficience à travers un accompagnement, des professionnels mieux formés, une attractivité de ces métiers soutenue en particulier par les conditions salariales et plus de transparence grâce à des outils nous permettant de rendre plus aisément compte des résultats de cette politique.

M. Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Franck Von Lennep a dit l’essentiel sur le CMG pour les familles monoparentales et, pour ma part, je ne dispose pas de chiffre plus récent que celui de février 2020. En effet, par précaution statistique, nous donnons des chiffres ayant six mois de maturité. Qui plus est, 2020 aura représenté une année très perturbée.

J’apporterai uniquement un complément sur une prestation au champ extrêmement réduit : le supplément mode de garde pour horaires atypiques qui concerne les parents effectuant au moins vingt‑cinq heures de travail de nuit par mois. Il ne concerne que 2 500 familles, mais dont 31 % de familles monoparentales alors que celles-ci ne représentent qu’une dizaine de pourcents des bénéficiaires du CMG.

Ce complément montre que, lorsque nous nous efforçons d’apporter un soutien spécifique face à une situation spécifique, de façon appropriée et bien ciblée, une telle mesure peut s’avérer efficace même si, comme nous le voyons souvent dans le travail de terrain des caisses d’allocations familiales (CAF), l’accompagnement est presque toujours nécessaire pour rapprocher la disposition et son bénéficiaire potentiel. L’intersection entre la monoparentalité et la fragilité sociale ou l’incertitude du lendemain, même sans parler de précarité, conduit certains parents seuls à vivre de manière « rétractée » et peut expliquer pourquoi ils hésitent à entreprendre un projet professionnel ou à confier à d’autres la garde de leur enfant afin de disposer de temps pour se former ou rechercher un emploi.

Notre travail de terrain consiste à mettre en œuvre cet accompagnement en complément des prestations. Je citerai deux exemples à ce sujet. Le premier a trait aux crèches à vocation d’insertion professionnelle (AVIP). Environ 2 000 crèches bénéficient de ce label ; ces crèches ont passé des contrats avec les familles, souvent monoparentales, qui leur ménagent des horaires beaucoup moins réguliers et moins abondants que ceux dont aura besoin une famille dont la vie professionnelle est plus régulière, précisément pour leur donner le temps et la sûreté nécessaires.

De même, nous menons actuellement une expérience en Meurthe-et-Moselle dans le cadre de laquelle nous mettons en œuvre un accompagnement spécifique en faveur de parents seuls et bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Cet accompagnement demande beaucoup d’investissement mais donne des résultats prouvés sur le plan scientifique et permet d’améliorer l’insertion de ces personnes. Je suis convaincu que la monoparentalité restera une priorité sociale et une priorité professionnelle de la branche famille.

Pour compléter les indications de Virginie Magnant, nous sommes chargés de verser l’AEEH, qui est le premier transfert vers la CNSA. La simple manipulation comptable était délicate, mais elle a été réalisée en temps et heure, sans aucune rupture. Cela concerne 320 000 bénéficiaires pour 1,2 milliard d’euros. La branche famille est ainsi heureuse de développer son interface de coopération avec la CNSA.

Il s’agit pour nous du renforcement de ce que nous faisons en matière d’action sociale en direction du handicap, notamment des enfants porteurs de handicap. Après son lancement en 2019 et malgré la crise, l’année 2020 a vu prendre son essor le bonus inclusion handicap, qui représente dès 2020 environ 16 millions d’euros. Il est destiné à faciliter l’inclusion dans les crèches des enfants porteurs de handicap.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’évaluation de l’article 47 de la LFSS 2021, relatif à la revalorisation des salaires des personnels dans le secteur de la prise en charge à domicile des personnes âgées.

Mme Annie Vidal, coprésidente de la MECSS, rapporteure. L’État s’est engagé à verser aux départements, via la CNSA, une aide de 150 millions d’euros en 2021 et de 200 millions d’euros les années suivantes. Notre évaluation peut paraître précoce au regard de la date du vote de ce texte mais elle nous a semblé nécessaire car il s’agit d’une mesure phare de la LFSS 2021. En outre, la situation difficile du secteur du domicile, accentuée par la crise sanitaire, exige que nous suivions de très près les travaux sur le sujet. Les conséquences sont considérables sur l’approche domiciliaire, si nécessaire au maintien à domicile plébiscité par un grand nombre de personnes.

Au début du mois d’avril, la ministre déléguée chargée de l’autonomie a donné des précisions sur l’utilisation que le Gouvernement entend faire, du moins en partie, de cette enveloppe. Brigitte Bourguignon a annoncé une refonte intégrale de la grille de la convention collective de la BAD, qui recouvre 226 000 salariés en SAAD ou en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Cet effectif représente plus de 70 % du secteur du domicile. Elle s’est engagée à ce que l’avenant 43 de la convention de cette branche soit agréé d’ici la fin du mois de mai. Je voulais à cet égard vous interroger au sujet de cet agrément mais vous y avez déjà répondu et je vous en remercie.

Cet agrément rendra l’avenant opposable aux employeurs et aux tarificateurs, donc aux départements. Pourriez-vous nous dire où en sont les discussions sur le sujet, que ce soit avec les départements ou avec les fédérations ? Je rappelle que la refonte complète de la grille conventionnelle devrait entraîner des augmentations salariales pouvant atteindre plus de 15 %, notamment pour les professionnels comptant plus de dix ans d’ancienneté. Cette hausse est historique et nous nous en réjouissons.

Le coût global de cet avenant est estimé à 631 millions d’euros en année pleine. Il pourrait engendrer un surcoût annuel de 301 millions d’euros pour les départements, compensé à hauteur de 150 millions d’euros par l’État. Pour la clarté de nos échanges, pourriez-vous détailler le financement de cet avenant en précisant qui devra payer quoi ? Pourriez-vous également nous indiquer l’utilisation qui sera faite de la totalité de l’enveloppe annuelle de 200 millions d’euros, ramenée à 150 millions d’euros pour 2021 ? Selon quelles modalités seront versées ces sommes aux départements puis aux services d’aide à domicile ?

Au-delà des revalorisations salariales, cette enveloppe budgétaire servira-t-elle aussi à améliorer les conditions de travail des aides à domicile ? Selon la loi, cette enveloppe doit en effet contribuer à améliorer l’attractivité du secteur.

Par ailleurs, les auditions que j’ai conduites ont démontré qu’un certain nombre de questions restent en suspens. La participation des départements conditionne la réussite de l’avenant 43 à la convention de la branche de l’aide à domicile. Or l’association des départements de France s’est montrée très réservée. Les départements craignent en particulier que la part prise en charge par l’État diminue en valeur relative au fur et à mesure que les dépenses liées au domicile augmenteront comme nous pouvons le voir sur d’autres dépenses, notamment sur les concours pour l’aide personnalisée à l’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH).

De leur côté, les fédérations des services à domicile émettent un avis très partagé sur les annonces effectuées. Le secteur associatif qui relève de la branche de l’aide à domicile se félicite de cet avenant, tant les revalorisations salariales étaient attendues. Mon attention a néanmoins été attirée sur la situation des services à domicile non lucratifs qui n’ont pas été tarifés, contre leur gré, par certains départements. Dans ces cas, l’agrément ne sera pas opposable aux départements ce qui pourrait conduire les employeurs à augmenter le prix de leurs interventions. Quelles solutions proposez-vous pour ce type de situation ?

Les représentants du secteur privé lucratif demandent quant à eux l’instauration d’un tarif national socle pour l’APA ainsi qu’un forfait qualité coordination. Je sais que des échanges ont eu lieu récemment entre le ministère et ces acteurs dans le cadre d’un groupe de travail. Pourriez-vous nous faire part de la teneur de ces échanges ? Une refonte de la tarification des SAAD est-elle toujours envisagée ?

La MECSS avait établi l’an dernier un premier bilan de l’utilisation des 50 millions d’euros votés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2019 pour la préfiguration de la tarification des SAAD. Nous n’avions cependant pas pu dresser de bilan exhaustif faute de données disponibles. Nous avons donc demandé au Gouvernement un rapport sur le sujet pour la fin de l’année ; il s’agit de l’article 5 de la LFSS 2021. Toutefois, si vous disposez à ce stade d’éléments consolidés sur ce sujet, notamment sur les primes covid versées par les départements aux SAAD en fin d’année dernière, nous serions intéressés par toutes ces informations.

Mme la directrice générale de la cohésion sociale. L’avenant 43 vise tout d’abord à revaloriser les rémunérations conventionnelles et à éviter que le salaire de base en fonction de l’ancienneté et du diplôme se situe sous le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Il a également pour objectifs de favoriser les parcours et l’évolution des salariés, de supprimer l’automaticité actuelle du lien entre le diplôme et l’emploi tout en maintenant évidemment la valorisation des diplômes, et de promouvoir les parcours professionnels via la reconnaissance des compétences.

Au total, 346 millions d’euros sont mobilisés à ce titre, dont 90 millions pour les départements, 28 millions pour les assurés et 28 millions concernant l’État. La part assumée par la CNSA correspond à 58 % de la revalorisation totale destinée aux bénéficiaires de l’APA et de la PCH.

Un accord avec les fédérations devrait, comme l’a assuré la ministre Brigitte Bourguignon, être agréé d’ici une dizaine de jours. Un projet de décret sera soumis très prochainement aux départements.

La réforme du financement des SAAD constitue un des enjeux du projet de loi « Générations solidaires » – nouveau nom du projet de loi « Grand âge et autonomie » – avec l’objectif notamment de parvenir à un tarif minimum national qui puisse assurer une qualité renforcée de prise en charge des personnes suivies. Des discussions auront lieu lors d’une concertation qui doit être prochainement organisée dans le cadre de ce projet de loi.

Mme la directrice de la CNSA. La LFSS 2021 comprend, pour le cofinancement par l’État et les départements de la prime destinée à valoriser l’intervention des professionnels de l’aide à domicile dans le contexte de la crise sanitaire, des dispositions qui ont permis à la CNSA de mobiliser, en faveur de l’ensemble des départements qui s’étaient engagés à verser cette prime, une enveloppe initialement calibrée à hauteur de 80 millions d’euros dans le budget de la caisse. L’accord sur ce dispositif entre l’État et les départements, représentés par l’Assemblée des départements de France, visait à permettre le financement d’une prime de 1 000 euros aux salariés au prorata temporis avec un dispositif de cofinancement par l’État à hauteur de 50 %. La CNSA avait pour objectif de s’assurer du respect des termes de cet accord, c’est-à-dire du cofinancement à parts égales par la CNSA et les départements, et de vérifier que ce financement tenait dans l’enveloppe de 80 millions d’euros.

Nous avons procédé à un bilan du dispositif, d’une part, par la collecte des données financières et comptables certifiées par les départements et, d’autre part, par une enquête auprès des départements et des services concernés pour comprendre si la manière assez rapide dont le dispositif avait été conçu a bien permis de mettre en œuvre le soutien destiné aux professionnels.

Nous nous sommes assurés que le soutien financier de l’État a eu un réel effet de levier sur les départements pour permettre leur intervention en appui à la gratification des professionnels des SAAD. Nous considérons que le principe du cofinancement a eu un effet de levier sur les trois quarts des collectivités puisque quatre‑vingt‑dix‑neuf départements ont voté le principe d’une prime covid aux professionnels des SAAD. Trente‑sept d’entre eux s’étaient déjà engagés dans ce sens avant l’annonce de l’accord entre l’État et les départements mais, pour quinze d’entre eux, cet engagement portait sur un niveau de prime inférieur à 1 000 euros qu’ils ont donc réévalué postérieurement à l’accord. Par ailleurs, soixante‑deux départements ne s’étaient pas prononcés avant l’accord sur le financement d’une prime de ce type et sont passés à l’acte après la mise en place du soutien de l’État au travers de la CNSA.

Ce dispositif a donc été très mobilisateur pour, finalement, quatre‑vingt‑dix‑neuf départements et a permis que soit allouée dans 77 % des territoires une prime de 1 000 euros pour un temps complet. Certains départements ont retenu un niveau de prime inférieur. À l’inverse, les territoires les plus concernés par la pandémie ont prévu un niveau de prime supérieur, fixé à 1 500 euros comme dans d’autres structures.

Nous estimons que 187 772 salariés ont ainsi bénéficié d’une prime, ceci parmi 5 315 services d’aide à domicile, soit un peu plus de 90 % des services d’aide à domicile éligibles. Une partie des SAAD a pu ne pas recourir à la prime soit parce qu’ils avaient déjà pris des dispositions ou parce que les modalités de soutien proposées par les départements ne leur convenaient pas. Le fait que tous les SAAD n’aient pas bénéficié de la prime ne signifie donc pas pour autant que leurs professionnels n’ont pas été gratifiés. En effet, le mécanisme d’une exonération fiscale et sociale de la prime avait été mis en place dès le printemps et il pouvait être adopté très simplement par les employeurs de tout secteur.

Nous avons colligé l’ensemble de ces renseignements pour le conseil de la CNSA qui était, comme vous, très attentif à suivre l’effectivité de cette mesure. Nous avons transmis ces éléments pour constituer les bases du rapport qui doit vous être remis. Vous pourrez donc vérifier que la prime a été également déclinée dans le secteur de l’aide à domicile ce qui constituait une forte attente des professionnels. Vous constaterez également dans le rapport que, malgré la satisfaction des professionnels et des services d’aide à domicile de voir se décliner ce type de gratification dans ce secteur, des remarques et des critiques ont parfois été formulées sur l’hétérogénéité des critères retenus pour procéder à cette gratification, notamment pour retenir certaines catégories de personnels et en exclure d’autres. Les règles fines qui ont été appliquées en la matière ont pu être disparates selon les territoires. Néanmoins, l’objectif principal a été largement atteint.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’évaluation de dispositions de diverses lois de financement de la sécurité sociale relatives au congé parental.

Mme Monique Limon, rapporteure. La MECSS m’a confié un sujet d’évaluation à la fois vaste et éminemment particulier : vaste comme l’est le champ du congé parental qui s’adresse à l’ensemble des salariés, du privé comme du public, mais éminemment particulier puisque la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) a été créée à l’été 2014 par un véhicule législatif consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes bien que cette réforme eût naturellement eu sa place en LFSS comme celles qui l’ont précédée.

Il n’en demeure pas moins que la PreParE, entièrement circonscrite au code de la sécurité sociale, mérite toute notre attention en raison de son échec à plusieurs égards. Les auditions que j’ai menées tout comme les rapports et études convergents de l’IGAS, du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) attestent de cet échec au regard, en premier lieu, de l’objectif principal de la réforme de 2014, à savoir le partage de la prestation entre les deux membres du couple.

Le bénéfice entier de la PreParE suppose en effet que le père et la mère cessent au moins partiellement leur activité sans quoi la durée est limitée à six mois pour un premier enfant et à deux ans à partir du deuxième. Il était prévu que ce dispositif amène 100 000 pères supplémentaires à demander la PreParE mais il n’en a rien été. Au contraire, entre 2017 et 2018, selon les données des annexes du PLFSS 2021, le nombre de pères bénéficiaires a même diminué de 7,5 %. Leur part dans les bénéficiaires augmente à un rythme très lent et ils représentent aujourd’hui 6 % de l’ensemble.

Pire, le partage de la PreParE est résiduel. Parmi les bénéficiaires ayant eu au moins deux enfants à charge percevant la prestation en décembre 2017 et ayant au moins un enfant né en 2016, seuls 2,5 % la partageaient avec leur conjoint à l’issue des vingt-quatre mois de perception.

Les restrictions dans l’accès à cette prestation se sont donc traduites par une chute massive des bénéficiaires. Pour la seule période de juin 2017 à juin 2018, une diminution de 21,3 % a abouti à un seuil bas de 290 000 bénéficiaires, tous régimes confondus.

Certes, le taux d’emploi des mères de jeunes enfants s’est amélioré mais, comme l’a récemment démontré Hélène Périvier pour l’OFCE, ce constat doit être nuancé au vu d’une augmentation parallèle de 40 % du taux de chômage de ces mères, donnée confirmée par l’Union nationale des associations familiales (UNAF), que j’ai auditionnée.

Cette augmentation drastique du non-recours doit enfin se lire à la lumière des évolutions récentes de la natalité dont la chute de 13 % en janvier 2021 par rapport à janvier 2020 est l’épiphénomène qui sanctionne une tendance décroissante depuis plusieurs années.

Outre celles que j’ai avancées, d’autres raisons expliquent-elles selon vous la chute du taux de recours à la PreParE ? En particulier, les retours que j’ai reçus témoignent que la complexité des conditions d’éligibilité a conduit à ce que les bénéficiaires connaissent de moins en moins bien ce dispositif. Est-il prévu des campagnes d’information spécifiques ou de formation des agents des CAF pour limiter le non-recours ?

Dans ces conditions, je souhaite saluer les travaux lancés récemment par le Gouvernement puisqu’Élisabeth Borne et Adrien Taquet ont demandé à Mme Christel Heydemann et M. Julien Damon, que j’ai par ailleurs auditionnés, de proposer des solutions en faveur d’une meilleure conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Je souhaite insister à ce sujet sur le cas des bénéficiaires de la PreParE à temps partiel. Les personnes entendues dans le cadre de la table ronde que j’ai animée avec les parties prenantes du département de l’Isère m’ont fait part du plafonnement, qui empêche actuellement les deux membres du couple de bénéficier simultanément de la PreParE s’ils restent tous deux à temps partiel. Existe-t-il actuellement des réflexions à votre niveau pour supprimer cette condition ?

S’agissant de l’insertion professionnelle, nous avons voté dans le cadre de la proposition de loi de ma collègue Marie-Pierre Rixain des dispositions destinées à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires de la PreParE. À cette occasion, nous avons pu constater des défauts sur le terrain dans l’application de la convention entre les CAF et Pôle emploi pour orienter ces bénéficiaires en fin de droits vers des formations qualifiantes. Comment expliquez-vous cet échec ? Existe-t-il d’autres initiatives locales des CAF tournées vers les personnes inactives ou au chômage, pour permettre leur insertion professionnelle ?

En matière de mode de garde et d’insertion professionnelle, le dispositif que vous avez évoqué des crèches AVIP a été largement plébiscité ces derniers temps, permettant un retour à l’emploi de l’ordre de 90 %. Ce modèle peine pourtant à se développer, malgré l’inscription de ces crèches dans la COG 2018-2022. Nous n’en comptons que 104 dans vingt‑quatre départements. Comment développer ce mode de garde qui pourrait constituer une solution alternative efficace au congé parental subi ?

En effet, à l’inverse du non-recours, de nombreuses femmes se retrouvent parfois contraintes de garder leur enfant pour des durées de plusieurs années faute de mode de garde alternatif. Or, le bénéfice de la PreParE étant de deux ans quand il n’est pas partagé, il existe une problématique importante pour les enfants de 2 ans à 3 ans, voire de 1 an à 3 ans pour les aînés. Quelles sont les actions menées à l’échelon local pour identifier ces cas et permettre une transition douce de la PreParE vers les modes de garde formels ?

Mes auditions m’ont enfin conduite à aborder plus largement les questions de la politique de la petite enfance. Je me permets de relayer auprès de vous certaines inquiétudes. En particulier, qu’en est-il de l’objectif de la création nette de 30 000 places de crèche prévue dans la COG 2018-2022 de la CNAF ? Le « plan de rebond » permettra-t-il de combler le retard accumulé ?

Comment prendre en compte les familles qui travaillent à des horaires atypiques ? J’ai en tête le dispositif des modes d’accueil mutualisé en horaires atypiques (Mamhique) développé par la Mutualité française. Celui-ci pourrait-il avoir vocation à se développer, sur le modèle des crèches déjà existantes dans certains aéroports ou hôpitaux ? Les travailleurs en situation précaire sont en effet souvent ceux qui effectuent des horaires véritablement atypiques et ils pourraient bénéficier de ces dispositifs.

Comment, enfin, harmoniser le reste à charge entre les différents modes de garde formelle, à savoir concrètement les établissements d’accueil du jeune enfant et les assistantes maternelles ? Ce sujet rejoint plus largement celui de la répartition territoriale des modes de garde qui me tient particulièrement à cœur.

M. le directeur de la sécurité sociale. Mme Limon appelle finalement à une évaluation globale de l’ensemble de l’accueil du jeune enfant et il ne sera pas facile de répondre à toutes ses questions. Elles sont évidemment très importantes et font l’objet d’un certain nombre de publications ou de rapports réguliers du HCFEA.

La réforme de la PreParE date déjà de 2014-2015. Il ne s’agit donc pas directement de l’évaluation des LFSS récentes. En creux, la question posée consiste à savoir s’il convient de modifier la PreParE ou de la faire évoluer.

La PreParE avait pour objectif affiché de faire augmenter le partage du congé parental entre les deux parents et, donc, le taux de recours des pères. Or celui-ci reste très limité ; il augmente mais très légèrement. 6 % des enfants sont maintenant gardés par des pères.

Par ailleurs, l’objectif consistait aussi à inciter les mères à revenir plus vite sur le marché du travail, des études économiques ayant montré qu’un arrêt de trois ans, parfois plus lorsque la mère enchaîne les congés avec deux enfants successifs, pesait largement sur la trajectoire professionnelle ultérieure de la mère. En raccourcissant ce congé, nous espérions que les mères s’éloigneraient moins du marché du travail.

La réforme n’allait pas jusqu’au bout du modèle. Les modèles étrangers, comme l’indiquent les rapports du HCFEA et de l’IGAS, se caractérisent par des congés plus courts, souvent autour d’un an, mais mieux rémunérés avec l’idée d’une meilleure continuité entre congé maternité ou paternité et congé parental. La réforme de la PreParE raccourcit le congé sans augmenter sa rémunération.

Il est normal que la réforme se traduise par une baisse globale du nombre de bénéficiaires puisque les mères – essentiellement – n’en bénéficient plus à partir des 2 ans de l’enfant. Depuis 2018, les mères qui auraient auparavant pu bénéficier de ce congé jusqu’au troisième anniversaire de l’enfant ne le peuvent plus, ce qui provoque forcément une baisse du taux de recours. Ce phénomène n’a pas été compensé par une augmentation du taux de recours à l’entrée compte tenu d’une meilleure attractivité du dispositif, puisque le montant est resté le même, actuellement autour de 400 euros par mois.

Ce montant ne peut pas être incitatif pour des personnes qui sont insérées, qui disposent d’un contrat à durée indéterminée et perçoivent un salaire légèrement supérieur au SMIC. Il ne peut être incitatif, à taux plein, que pour des personnes en situation précaire, en contrat à durée déterminée ou à temps partiel ou avec un salaire proche du SMIC.

Je relativiserai vos propos lorsque vous indiquez que cette réforme a provoqué une baisse du recours au dispositif. Elle a effectivement provoqué une telle baisse parce que nous avons réduit le nombre de bénéficiaires, le dispositif se terminant aux 2 ans de l’enfant, mais ce phénomène s’inscrit dans une trajectoire plus ancienne de baisse tendancielle qui précédait la mise en œuvre de la PreParE. Alors qu’en 2007, 580 000 personnes bénéficiaient de la PreParE, il n’en restait que 480 000 en 2014. Le nombre de bénéficiaires avait donc déjà diminué de 100 000 avant la réforme. Cette diminution tient au fait que la prestation est de moins en moins attractive au fil du temps puisqu’elle est indexée sur les prix alors que les salaires, indexés sur le SMIC, augmentent plus rapidement. Le taux de remplacement baisse donc. Par ailleurs, cette évolution s’inscrit dans un mouvement, qui n’est, certes, pas très rapide mais qui se révèle continu, d’augmentation du taux d’activité des mères, y compris lorsqu’elles ont des enfants en bas âge.

Il est donc difficile de parler de non-recours. Le non-recours à une prestation se produit lorsque vous ne demandez pas une prestation monétaire à laquelle vous avez droit. Par exemple, le non-recours au RSA ou à la prime d’activité correspond au cas où une personne dont les revenus lui permettraient pourtant de bénéficier de ces aides s’abstient de les demander. Ici, le non-recours correspond simplement à des personnes qui n’ont pas recours à cette prestation, peut-être simplement parce qu’elles font d’autres choix au motif que la prestation n’est pas assez attractive et qu’elles se reportent dès lors sur le marché du travail. Ne pas encourager de longs retraits d’activité est tout de même l’objectif initial de la mesure.

Le Gouvernement a missionné Mme Heydemann et M. Damon, qui remettront leur rapport cet été. Nous verrons si ce rapport aboutit à des propositions concrètes et, le cas échéant, à des mesures. Nous pouvons imaginer une grande réforme ou des mesures incrémentales. Vous en avez cité certaines : par exemple, dans le cas de deux parents travaillant à temps partiel, la PreParE à taux partiel qui se cumule à un temps partiel pourrait effectivement être mieux valorisée que celle à taux plein puisque nous ne pouvons pas lui reprocher de renforcer l’éloignement du monde du travail.

Vous observez très justement que, lorsque nous raccourcissons les congés parentaux rémunérés, il convient de prévoir en conséquence l’offre de garde. Si nous voulons que les parents se portent sur le marché du travail, leurs enfants doivent pouvoir être accueillis en crèche ou chez une assistante maternelle. À l’avenir, les actions sur le congé parental doivent donc s’inscrire dans une politique de développement des modes de garde.

L’objectif de 30 000 places de crèche dans la COG n’est pas atteint à ce stade et fait l’objet d’un plan de rebond. Dans le cadre de la COG, le Gouvernement ne cherche pas à réaliser le moindre euro d’économie sur la moindre ouverture de place de crèche et déploie à nouveau en 2021 toutes les aides exceptionnelles qui étaient prévues dans cette convention pour essayer de déclencher des décisions d’ouverture de crèches. Celles-ci ne relèvent pas uniquement de la branche famille mais souvent des collectivités locales ou des communes. Nous espérons que ce plan en cours de déploiement par la CNAF produira ses effets cette année.

Le HCFEA a bien montré que le reste à charge peut être différent pour une même famille selon qu’elle fait garder son enfant par une crèche ou une assistante maternelle. De même, le coût peut être relativement différent, avec des effets de seuil pour le CMG. Des réformes sont proposées par le HCFEA afin que ce complément soit plus linéaire et plus proche du coût de la crèche. C’est une possibilité pour l’avenir mais il faut se rendre compte qu’il ne sera pas simple de la mettre en œuvre à coût constant.

Si vous effectuez une réforme à coût constant pour supprimer des effets de seuil, vous créez des gagnants et des perdants. Si vous ne voulez pas faire de perdants, il s’avère nécessaire de payer plus cher, ce qui revient à entrer en concurrence avec les autres investissements dans toutes les politiques que nous voyons aujourd’hui.

M. le directeur général de la CNAF. Le lien est très fort entre le choix des parents de prendre ou non un congé parental et les relais par les modes d’accueil. La PreParE a été divisée par deux en dix ans et nous constatons en outre qu’après la fin du congé, la quotité de travail est moindre. Les parents réfléchissent à leur organisation avant de sortir de ce congé et sont donc sensibles à ce que nous offrons ou non, à ce que nous faisons ou non.

Vous avez dit, madame la députée, qu’il n’existe pas suffisamment de crèches AVIP. Je corrige mon propos sur ce point car j’ai cité tout à l’heure un nombre de places et non de crèches. Le manque est lié au fait que la création d’une crèche AVIP est exigeante et que notre cahier des charges en la matière, conçu en 2016, est probablement un peu trop sophistiqué. J’ai demandé à mes équipes de réduire quelque peu ces exigences tout en gardant le même objectif, non pas pour galvauder cette forme de crèche mais pour la développer.

Cette question est étroitement corrélée à la qualité du lien avec Pôle emploi, comme vous l’avez à raison souligné, madame la rapporteure. Dans un département donné, nous percevons nettement la différence que peut induire une relation fructueuse ou infructueuse, ou, à tout le moins, distante, entre Pôle emploi et la CAF. Je peux toutefois citer des exemples de relations positives.

Toutefois, ce sujet n’est pas seulement l’affaire des organismes de protection sociale pris au sens large, en y incluant Pôle emploi. Il renvoie également à la vie des entreprises et au dialogue social en leur sein. Dans les faits, la question familiale ne se situe pas souvent au cœur du dialogue social de l’entreprise ni des accords collectifs d’entreprise ou de branche. Or notre perception de la conciliation entre ces éléments parfaitement compatibles de la vie dépend des signaux que nous recevons et, notamment, de la bienveillance, de l’ouverture ou de disponibilité dont peut faire montre notre environnement professionnel.

Vous avez cité l’exemple du dispositif Mamhique, développé par la Mutualité française. C’est d’ailleurs au directeur de la Mutualité que M. Taquet a demandé de conduire une étude sur les horaires atypiques. Ce dispositif d’aide pour les travailleurs à horaires atypiques peut s’appliquer dans le cas d’une garde par une assistante maternelle ou à domicile mais repose fondamentalement sur le financement de l’employeur. Je dispose de plusieurs autres exemples très réussis qui reposent sur le financement de la CAF à plus de 50 %. Les CAF sont tout à fait disposées à financer ce genre d’initiatives et possèdent dans ce sens les ressources nécessaires par l’intermédiaire des dotations d’action sociale locale.

Le rapport entre ces perceptions, le message envoyé par l’environnement et la forme ou la quantité de l’offre d’accueil du jeune enfant recouvrent non seulement une dimension pratique mais également stratégique. Prenons le cas suédois, avec une première année très largement consacrée au congé parental. Il n’existe pas en Suède de crèche pour les tout-petits mais des crèches dites « pour marcheurs », ce qui ne correspond donc pas au même modèle. L’offre est différente et moins chère. En revanche, en France, l’investissement moyen pour une place de crèche représente 30 000 euros et le prix d’exploitation annuel moyen est 15 000 euros.

C’est une des explications de la situation. Notre COG 2018‑2022 comportait un objectif, qui pouvait paraître modeste, de création nette de 30 000 places. J’insiste sur l’adjectif « nette » car, chaque année, environ 5 000 places de crèche ferment temporairement ou définitivement pour diverses raisons. Il faut avant tout prévenir ces fermetures autant que possible. Après cette année quelque peu particulière qu’aura représentée 2020, nous nous inscrivons devant une trajectoire qui ne nous permettra d’atteindre au mieux que la moitié de l’objectif.

Dans ce domaine, la branche famille est présente pour financer et ne manque nullement de ressources. La création de places de crèche se construit toutefois à plusieurs, avec des porteurs de projet qui peuvent être des collectivités territoriales mais aussi des entreprises privées qui organisent des crèches sous prestation du service public de la branche. Les collectivités territoriales constituent toutefois un facteur important à travers leur rôle d’exemplarité. De ce point de vue, avec les élections municipales, l’année 2020 a été particulière.

Nous cherchons par notre travail de terrain à montrer aux porteurs de projet, et d’abord aux élus s’ils le souhaitent, qu’il est possible et réaliste de monter un projet de crèche. Ensuite viennent les concours financiers. À cet égard, le bonus territoire est un financement différencié en fonction des ressources fiscales de la collectivité. De son côté, le plan de rebond que nous venons de décider consacre 200 millions d’euros d’excédents non consommés de 2020 à la petite enfance. Parmi ce montant, 50 millions d’euros sont destinés plutôt aux mesures de réparation pour des établissements qui, malgré nos aides, auront souffert des fermetures de la crise. En outre, 50 millions d’euros sont consacrés à une aide flash à l’investissement en 2021 pour lancer les projets tandis que 100 millions d’euros sont consacrés à des dépenses plus orientées vers le soutien et plus durables.

Nous travaillons sur le terrain. C’est là la responsabilité des directrices et directeurs de caisses. Néanmoins, nous ne décidons pas directement de la création de places de crèche.

Je souhaite que, dans l’univers professionnel, ou à la porte de la sphère professionnelle dans la recherche d’emploi, et dans l’univers de la décision de création ou d’exploitation de structures d’accueil collectif, les visions convergent un peu mieux. La politique familiale irrigue de nombreux domaines des politiques publiques et mérite peut-être un peu plus de place dans l’entreprise.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons à l’évaluation de l’article 72 de la LFSS 2020, relatif à l’intermédiation financière pour les pensions alimentaires.

M. Stéphane Viry, rapporteur. Je vous interrogerai cet après-midi sur une mesure emblématique de la LFSS 2020 : la mise en place de l’intermédiation financière en matière de pensions alimentaires. Sous ce vocable quelque peu technique se niche une promesse du Grand débat, celle visant à résoudre les importantes difficultés rencontrées par de nombreux parents dans le paiement des pensions alimentaires. Ce progrès avait été salué sur tous les bancs de notre assemblée et a été adopté à l’unanimité, en commission comme en séance publique. Un an et demi plus tard, où en est sa mise en œuvre ?

J’ai à ce sujet quelques observations et interrogations. Entré pleinement en vigueur au 1er janvier, le dispositif est encore très jeune et il ne peut donc s’agir que d’un premier point d’étape. Cependant, le mécanisme mis en place ne partait pas de rien. En réalité, la construction d’un filet de protection contre les impayés de pension remonte aux années 1970, avec de nombreuses étapes depuis. Il s’agit donc d’une nouvelle pierre apportée à l’édifice et non d’une révolution.

Le dispositif retenu voici un an et demi entend compléter la logique réparatrice par une logique préventive qui consiste à organiser en amont le versement de la pension alimentaire à la CAF ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) qui, elle-même, la reverse au parent créancier. En cas d’impayé, elle lui substitue l’allocation de soutien familial (ASF) et procède à la mise en recouvrement forcé des sommes dues. Ce mécanisme est évidemment très utile et complémentaire de la logique de recouvrement des impayés a posteriori qui prévalait jusqu’à maintenant.

Enfin, je souligne l’effet mobilisateur qu’ont créé la mise en place et la valorisation de ce dispositif au sein des équipes chargées de son déploiement comme chez les assurés susceptibles d’être concernés ce qui, à mes yeux, est une excellente chose.

Ces constats globalement positifs n’interdisent pas de se poser quelques questions inspirées par les auditions que j’ai conduites pour préparer cette évaluation. Pour évaluer un dispositif, il convient tout d’abord d’en confronter l’objectif avec ses résultats et les moyens qui lui sont alloués.

S’agissant de l’objectif, je constate qu’il était assez ambitieux puisque l’étude d’impact évoquait une montée en charge de 42 millions d’euros en 2020 à 122 millions en 2023 avec en parallèle une augmentation du nombre d’allocataires de l’ASF de 50 000 à 90 000. Nous estimons que 300 000 familles environ sont confrontées à des difficultés d’impayés.

Maintenez-vous ces estimations du coût et de la cible à atteindre ? Avez-vous un objectif de réduction des impayés de pension alimentaire plus précis, par exemple en termes de taux de pensions impayées ?

S’agissant des résultats, je me félicite que le nombre des bénéficiaires de l’intermédiation fasse partie des objectifs de la vie quotidienne. D’après le site Internet dédié, 5 903 familles percevaient une pension alimentaire intermédiée en mars 2021. Considérez‑vous ce chiffre comme satisfaisant ? Pourrons-nous disposer dans les mois à venir d’informations plus qualitatives sur les motifs de ces recours et les profils concernés ?

S’agissant enfin des moyens mis en œuvre, j’ai déjà évoqué le chiffrage budgétaire mais l’étude d’impact évoquait une importante campagne de recrutement de 450 ETP supplémentaires en 2020. Où en sommes-nous ? À quelles tâches ont précisément été affectés ces personnels ? Comment a été calibré ce chiffre pour un public encore relativement limité ? J’ai cru comprendre que l’UNAF avait établi une comparaison avec les faibles moyens dévolus à la médiation familiale, qui disposerait des mêmes effectifs pour une mission a priori plus large.

Ma deuxième série d’interrogations est davantage liée aux freins auxquels peut se heurter le développement de la mesure. J’ai noté un manque d’informations sur ce dispositif, qui demeure selon moi encore un obstacle aujourd’hui, comme l’ont rappelé certaines associations. Quelles sont les mesures de communication mises en œuvre, à l’égard du grand public mais aussi des professionnels du droit et sur quelle durée ?

Un autre frein possible est lié à la perception de la mesure. Elle a été construite pour apaiser les relations mais il nous a été signalé que l’intermédiation, au moment de sa mise en place, est au contraire parfois perçue comme un signe de défiance alors qu’aucun problème ne s’est encore présenté. Cela expliquerait que certaines personnes refusent d’y recourir en amont. N’est-ce pas une grande limite à cette démarche préventive ? Comment faire en sorte que cette démarche se banalise dans les perceptions ?

Les experts ont aussi souligné qu’avec l’ASF d’une part et le RSA d’autre part, le recouvrement de la pension impayée était pour certaines familles un jeu financier à somme nulle. Quel serait pour ces parents aux revenus modestes l’intérêt de recourir à ce dispositif ?

Enfin, l’intermédiation ne peut pas résoudre les difficultés liées à l’insolvabilité, réelle ou parfois organisée, du parent débiteur. De ce point de vue, le renforcement parallèle des moyens des CAF est-il envisagé et, le cas échéant, est-il suffisant ?

Je terminerai par une interrogation qui porte davantage sur la philosophie d’ensemble de cette mesure. Elle s’inspire du modèle québécois mais ce modèle, comme le rappelaient les personnes auditionnées, repose sur un accompagnement très fort des parents et des enfants au moment de la séparation, bien en amont, et sur une très grande latitude accordée aux caisses dans la fixation des pensions à la différence de ce qui prévaut en France avec une fixation judiciaire. Pensez-vous dans ces conditions que ces résultats québécois soient totalement reproductibles en France sans ces fondamentaux qui sous-tendent ce modèle ?

M. le directeur de la sécurité sociale. Il est difficile d’évaluer une telle réforme après si peu de temps. Elle est très importante et touche à des sujets culturels. Pouvons-nous changer la relation des parents séparés en considérant qu’il n’existe plus de lien financier direct entre eux et qu’un intermédiaire intervient aussi systématiquement que possible ?

La loi n’a pas prévu que cette intervention soit obligatoire mais l’objectif du Gouvernement est de faire en sorte qu’elle soit la plus systématique possible, d’où les objectifs ambitieux de déploiement à deux ou trois ans. Tout cela demande évidemment beaucoup d’informations mais suppose aussi d’agir sur les représentations. Il faut que le parent créancier, le plus souvent la mère, ne soit pas confronté à une forme de crainte au moment de faire cette demande.

Nous ne pouvons pas imaginer que de telles évolutions soient immédiates et interviennent dès l’entrée en vigueur de la réforme. Celle-ci est entrée en application progressivement en octobre 2020 pour une première part puis en janvier 2021 pour une seconde part. Ainsi, nous n’en sommes encore qu’au tout début. Nous recensons actuellement 28 000 demandes d’intermédiation financière, dont 8 000 sont mises en place et cela augmente chaque mois.

Vous nous avez interrogés sur les répercussions sur l’ASF. Il conviendrait de mener des études fines pour établir un lien direct avec la réforme mais nous constatons une augmentation du nombre d’ASF versées ces derniers mois : celui-ci est en effet passé de 790 000 à 840 000 entre fin 2019 et fin 2020. Nous ne pouvons pas y voir directement l’impact de la réforme mais il n’en demeure pas moins que le nombre d’ASF augmente.

Sur le plan purement financier, nous prévoyons plus de recours à l’ASF ainsi qu’un meilleur taux de versement des pensions alimentaires, avec moins d’impayés. La pension sera plus souvent payée et, lorsqu’elle n’est pas payée, le recouvrement sera plus élevé avec cette réforme, après ce qui avait déjà été mis en place avec l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Le parent créancier sera plus aidé, que ce soit par un meilleur recours à l’ASF ou, à chaque fois que possible, par un meilleur paiement de la pension elle-même.

D’après les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, les pensions alimentaires représentent 18 % du revenu des parents créanciers. Il s’agit donc d’un montant important. D’où l’intérêt de la réforme pour les revenus des personnes concernées.

Comment pouvons-nous faire en sorte que cette démarche se banalise ? Nous disposons de plusieurs leviers. Le premier levier, du côté des CAF, est celui de la communication, avec en ce moment-même des campagnes de communication vers les parents. Un autre levier est celui de la justice. Il faut absolument que les juges s’en saisissent et, si nous y parvenons, que les avocats s’en saisissent. On ne constate pas vraiment de « frémissement » du côté des avocats mais, du côté des juges, la situation évolue et nous en attendons beaucoup. Si la décision est automatiquement prise de passer par l’intermédiation lorsque la pension est fixée dans le cadre du divorce, le parent créancier n’aura pas à y revenir et à faire lui-même ou elle-même la demande ultérieurement.

Vous posez la question philosophique de la reproductibilité du modèle québécois. Nous y croyons. Toutefois, nous n’appliquerons pas exactement ce modèle mais conserverons nos spécificités sur le mode de fixation du montant des pensions. Nous ne pourrons certainement faire la preuve de ce concept qu’au bout de deux ou trois ans mais nous y croyons.

Cette réforme a répondu à une attente très forte lors du Grand débat. Si les mères en particulier ont exprimé aussi fortement cette attente à cette occasion, il serait logique qu’elles fassent appel à cette nouvelle possibilité dans les années qui viennent.

M. le directeur général de la CNAF. Le passage de 40 à 120 millions d’euros n’est pas réellement un objectif mais une estimation du prix de revient du service. Je vous confirme, monsieur le rapporteur, que nous disposons de la totalité des personnels chargés de mettre en place cette réforme, dans les CAF et à la MSA, selon le calendrier prévu et malgré les difficultés de l’année 2020, qui n’ont facilité ni les entretiens de recrutement ni, surtout, la formation. Au total, 450 personnes ont été recrutées, pour l’essentiel dans la branche famille. Nous avons reçu un grand nombre de candidatures, de très bon niveau, et nous en étions particulièrement heureux.

Notre objectif clé porte sur 230 000 intermédiations à la fin de l’année 2022. Nous avons reçu depuis octobre 28 000 demandes. Leur caractéristique particulière, assez logique au début, tient au fait que la grande majorité de ces personnes – 26 000 parmi les 28 000 – se trouvent déjà en situation d’impayés. Ce sont donc des demandes « à chaud », ce qui s’avère normal puisque nous nous situons au démarrage du dispositif. C’est aussi – cela me paraît assez positif – le révélateur d’un accès au droit par des personnes qui auraient déjà pu s’adresser à nous mais qui n’avaient pas compris ou pas trouvé le chemin pour ce faire.

En vitesse de croisière, le cœur de cible correspondra plutôt à des personnes qui décideront de demander l’intermédiation à froid, avant d’être confrontées à un impayé et à toutes les tensions et conflits que l’impayé accompagne souvent ou explique. L’un des moyens permettant de voir émerger ce phénomène consistera à ce que l’intermédiation soit davantage demandée et décidée en même temps que le prononcé d’une décision de divorce par les tribunaux.

Pour l’instant, 90 % des juridictions ont ouvert un compte sur le portail que nous avons mis en janvier à la disposition de tous les usagers, particuliers et institutionnels. Cependant, seules 220 demandes d’intermédiation ont été entrées dans le système par des juridictions, notamment leurs greffes. Je suis cependant conscient de la charge qui pèse sur les juridictions. Les affaires familiales constituent la principale charge de travail pour l’ensemble des juridictions et chacun connaît aussi la charge qui pèse sur les greffes. Nous pouvons espérer que les mesures de renfort décidées par le garde des sceaux au début du mois seront susceptibles d’accélérer le processus.

Il me semble qu’à tous égards, le prononcé de la décision de divorce constitue le moment opportun pour demander l’intermédiation, peut-être aussi grâce au soutien apporté par l’autorité du juge. Même si elle n’a pas à être demandée par les deux conjoints mais seulement un seul d’entre eux, le phénomène de frein, de crainte ou pire, que vous avez repéré, est réel. Il n’est guère facile de lutter contre ce frein. Cette démarche s’avère peut-être plus facile lors du volet judiciaire de la procédure, pour ceux qui sont allés devant le juge puisque ce n’est pas une obligation.

Il ne s’agit pas uniquement d’une mécanique mais cette réforme donne du travail à toutes les CAF même si cette mécanique est gérée par vingt‑quatre CAF spécialisées, sous l’autorité d’Aurélie Schaaf, directrice de l’Aripa. Toutes les CAF doivent savoir parler de ces questions à tous les allocataires qui en ont besoin. Toutes les CAF mettent en œuvre ce que nous appelons le « parcours séparation ». Il s’agit d’une offre de travail social et d’assistance, à un degré variable selon les besoins de la personne, pour faire le lien entre cette mécanique et la véritable prise en compte d’autres besoins d’une personne qui se retrouve dans de nombreux cas en situation monoparentale.

Vous avez mentionné l’exemple québécois. La réforme québécoise date de 1995 et a pris son temps pour décoller. Aujourd’hui, elle a valeur d’exemple avec une grande différence dans les choix faits. Au Québec, l’intermédiation est obligatoire ; en France, elle est de droit et il suffit qu’un des deux ex-conjoints la demande, mais elle n’est pas obligatoire. Le Gouvernement avait tranché dans ce sens en 2019. Je pense que c’est raisonnable et nous verrons comment cela évolue. Nous voyons naître un fait de société ; il faut le voir grandir un peu pour l’analyser.

Une autre caractéristique du dispositif québécois est le barème. Ce travail est en cours. Dans le cadre français, nous avons encore un barème appliqué par les juridictions et un autre pour les affaires non juridictionnelles puisque les CAF ont la possibilité, sur demande des ex-conjoints qui n’étaient pas mariés, de fixer un montant de pension alimentaire. Ces deux barèmes ne sont pas identiques. Un rapprochement est souhaitable même s’il n’est pas facile de définir le barycentre.

Il n’est facile ni d’arbitrer le montant d’une pension ni d’être pleinement incité à payer sa pension. Des personnes, c’est vrai, préfèrent ne pas la payer sachant que la CAF paiera l’ASF. Il s’agit de 116 euros, moins que le montant moyen de la pension qui est de 170 euros, mais le montant de 20 % des pensions se situe autour de 100 euros, donc inférieur au montant de l’ASF. Nous pouvons donc comprendre les raisons d’un comportement consistant à ne pas payer une pension de 100 euros sachant que l’ASF sera payée. Nous ne pouvons laisser cela en l’état.

Quelle est la bonne manière de faire ? Selon l’expérience que nous avons acquise depuis un certain temps, renforcée par les dispositions de la loi car nos capacités d’action en recouvrement ont été renforcées, il faut, comme en matière fiscale, ne pas laisser passer les impayés. Cela signifie agir plus vite, plus fortement. Une amende de 104 euros à chaque incident de paiement ou chaque comportement d’éviction du débiteur est prévue. Il est tout de même moins intéressant de devoir payer 104 euros d’amende que de laisse filer la pension en comptant que la collectivité paiera 116 euros. C’est une question d’équilibre des pressions et des résistances.

De la même manière, nous pourrons – c’est une des nouveautés du texte que vous avez voté – recouvrer des pensions alimentaires sur d’autres prestations sociales. Nous pouvons le faire d’une prestation à l’autre mais recouvrer une pension alimentaire impayée sur une prestation que la CAF verse par ailleurs n’était jusqu’à présent pas possible. Le but n’est évidemment pas que nous nous servions de toute cette panoplie mais de montrer un équilibre à ceux qui doivent, les débiteurs, et à ceux qui ont droit, les créanciers, dont 95 % de créancières.

Cela doit amener à penser plus tôt à l’intermédiation et nous devons aider à y penser en communiquant. Du 17 au 31 mars, nous avons entrepris une campagne de communication sur les réseaux sociaux et les médias électroniques, auprès de toute la presse quotidienne régionale électronique ainsi que sur un grand moteur de recherche et une grande application dont beaucoup de personnes, paraît-il, se servent. Nous en parlons aussi régulièrement dans Vies de famille, notre journal de branche. Nous lancerons une autre campagne en septembre.

Nous voulons inciter les personnes qui choisissent l’intermédiation à préférer de plus le prélèvement automatique. C’est pour moi le sommet du modèle, comme une sorte d’abonnement qui permet de se forcer un peu et de se libérer du souci. Très peu de gens choisissent le prélèvement automatique et cela fait sans doute également partie des craintes.

Il faut aussi parler davantage aux professionnels du droit. Les avocats sont concernés. Cependant, moins de cent ont ouvert un compte sur le portail qui leur est également destiné. Nous travaillons avec nos collègues de la chancellerie et avec le Conseil national des barreaux.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes et des autres commissaires.

Mme Caroline Janvier. La LFSS 2021 est venu concrétiser des avancées sociales majeures face à la transition démographique que connaît notre pays ainsi que l’évolution salutaire de la société en matière d’égalité entre femmes et hommes. Parmi ces avancées, nous trouvons la création de la cinquième branche de la sécurité sociale et le rôle conforté de la CNSA mais aussi l’allongement du congé de paternité pour un coût annuel de 550 millions d’euros.

Puisqu’il nous faut aujourd’hui aller plus loin dans la perspective du prochain exercice budgétaire, notamment s’agissant de cette avancée historique de la cinquième branche, je souhaiterais des précisions sur son périmètre. Nous avions largement évoqué dans cette commission des pistes de transferts que proposait Laurent Vachey. Je pense en particulier aux unités de soins de longue durée et au transfert de l’allocation aux adultes handicapés.

Le deuxième point concerne la gouvernance de la branche, notamment sa gouvernance territoriale. Vous avez évoqué la contractualisation avec les départements. J’aimerais en savoir plus sur la généralisation des maisons des adolescents et sur la coopération avec d’autres acteurs qui participent aux politiques territoriales. M. Luc Broussy a remis aujourd’hui son rapport sur les enjeux du vieillissement, dans lequel il cite parmi les acteurs concernés l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la Caisse des dépôts, et je pense également à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

Se pose également la question du virage domiciliaire et des pistes proposées par le secteur privé lucratif comme le tarif socle APA et la participation des ARS, à la fois sur le plan financier et sur le plan de la gouvernance, avec par exemple les forfaits ARS.

M. Bernard Perrut. L’autonomie, le vieillissement et le maintien à domicile constituent un grand défi que nous devrons relever à bras-le-corps. Je voudrais revenir sur le secteur des aides à domicile et plus précisément l’exclusion de l’augmentation des salaires des aides à domicile du secteur privé. L’agrément par l’État de l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile n’assure pas la hausse des rémunérations des aides à domicile employés par les structures privées. Seules en bénéficient les structures associatives, tarifées par les conseils départementaux et habilitées à l’aide sociale.

Cette décision revient à mettre à l’écart du rattrapage salarial 160 000 salariés du secteur privé représentant 10 % du total des aides à domicile. Ils accomplissent pourtant les mêmes tâches ; ce sont les mêmes prestations, les mêmes personnes concernées. Cette décision créera une grave distorsion de concurrence puisque les salaires proposés par les associations seront d’environ 15 % supérieurs à ceux proposés par les opérateurs privés. Elle assurera un avantage concurrentiel à certaines associations et « tarira » ainsi les recrutements que pourront effectuer les entreprises. Il s’agit d’une double peine pour les employeurs privés, qui doivent déjà faire face à une fuite de main-d’œuvre au profit des EHPAD dont les personnels sont éligibles aux revalorisations salariales issues des accords du Ségur de la santé.

Nous voyons combien ces difficultés seront très palpables sur le terrain, d’autant plus que les interventions des services d’aide à domicile ne sont pas toujours possibles faute de trouver du personnel. Cette dynamique crée dans les territoires des déserts médico-sociaux de l’aide et de l’accompagnement à domicile. En oubliant le secteur du domicile dans le Ségur de la santé, le Gouvernement engendre une certaine forme de concurrence malsaine. J’aimerais avoir votre avis sur ces questions.

En outre, les SAAD relevant de la convention collective mais non tarifés par les départements et non habilités à l’aide sociale se retrouvent dans une situation très difficile.

Mesdames et messieurs, afin de réussir le virage domiciliaire, cette ambition proclamée depuis plusieurs années, comment organiser une revalorisation globale des salaires de toutes les aides à domicile, quels que soient les statuts de leurs employeurs ? Comment réduire l’écart salarial entre les EHPAD et les services d’aide et d’accompagnement ? Comment prendre en compte la situation particulière des services associatifs que je viens d’évoquer ?

Mme Perrine Goulet. La table ronde qui nous réunit cet après-midi aborde des sujets éminemment importants puisqu’ils ont trait à l’autonomie et à la famille. Il s’agit de deux marqueurs que nous considérons au Mouvement Démocrate comme essentiels dans la conduite de notre politique sociale et familiale et sur lesquels nous avons formulé de nombreuses propositions au cours de l’examen des divers PLFSS de cette législature.

En premier lieu, l’article 47 de la LFSS 2021 a dégagé un financement de 200 millions d’euros annuels pour augmenter la rémunération des personnels des SAAD. Il s’agit d’une mesure attendue, qui doit désormais se concrétiser en monnaie sonnante et trébuchante pour que ces rouages essentiels de notre politique d’autonomie soient enfin reconnus à leur juste valeur.

Dans la mesure où cette enveloppe sera répartie entre les départements, comment arrivera-t-elle réellement sur la fiche de paie de ces salariés et à quelle hauteur ? En outre, si cet effort est à saluer, tout le monde convient qu’il ne sera pas suffisant pour développer l’attractivité de ces métiers dans la perspective de la future réforme de notre écosystème du maintien à domicile, donc de l’autonomie. À la lumière de l’architecture et de la gestion du financement pour les départements de ce secteur, quelles sont les pistes envisagées pour permettre de poursuivre les efforts engagés dans les établissements publics et également pour les établissements privés ?

Sur la réforme relative au recouvrement des pensions alimentaires, nous partageons la nécessité de diffuser l’information afin qu’un maximum de personnes puisse en profiter. En revanche, je souhaiterais savoir si vous avez déjà, dans ce système récemment mis en place, trouvé des points bloquants ou si vous auriez déjà des propositions d’amélioration afin de faire de ce système un très important levier de la politique familiale.

Mme Gisèle Biémouret. En ce qui concerne les aides à domicile, il me semble qu’il manque un bilan précis et exhaustif du versement des primes et de la manière dont cette prime a profité aux salariés. Il me semble important que les revalorisations soient totalement financées pour ne pas grever les fonds de réserve des associations qui sont déjà en grande difficulté.

Il faut aussi s’intéresser au reste à charge des bénéficiaires concernant par exemple l’APA à domicile. Les plafonds de revenus ne sont pas les mêmes selon les départements et le reste à charge peut parfois être insupportable pour les personnes. En effet, nous ne prenons pas en compte dans les tarifs la complexité des prises en charge, qui deviennent de plus en plus difficiles du fait de l’augmentation de la dépendance des usagers du domicile. Lorsque les intéressés restent plus longtemps à domicile, la dépendance augmente et les prises en charge sont extrêmement difficiles pour des personnels qui ne sont pas toujours formés. Les infirmiers libéraux ne peuvent pas toujours prendre en charge les toilettes et certains soins car ils sont débordés, surtout en milieu rural.

Mme Annie Chapelier. Je vous remercie pour vos interventions mais votre présentation est restée profondément technique alors que nous avons affaire à de l’humain et strictement rien d’autre. L’évaluation consiste également en la mesure de l’efficience et de l’accessibilité aux populations des dispositifs qui leur sont proposés. À l’heure où les Français expriment de façon de plus en plus importante leur désarroi devant la charge mentale administrative, nos rapporteurs ont successivement souligné la complexité pour les administrés d’appréhender et d’accéder aux prestations sociales.

Je souhaite vous interroger sur la cinquième branche. D’après les dernières évaluations de l’Institut national de la statistique et des études économiques, la population des personnes en perte d’autonomie devrait passer de 2,5 millions à 4 millions d’ici l’horizon 2050. Forts de ce constat, les députés ont récemment modifié l’architecture de la sécurité sociale pour y adjoindre la cinquième branche, couvrant le risque de perte d’autonomie. Pour faire face à cette profonde transformation démographique de notre société, nous devons porter un autre regard sur la vieillesse comme l’ont souligné dans leurs rapports respectifs Dominique Libault et Audrey Dufeu.

Parallèlement, la crise sanitaire de la covid‑19 a profondément affecté nos équilibres. Dès lors, cette crise doit être considérée comme une opportunité de redonner un second souffle à ces secteurs en sortant des cadres et des modèles traditionnels, qui deviennent obsolètes. Elle constitue une opportunité d’innover, de réinventer, de nous réinterroger et de nous remettre en question.

Ce changement de paradigme dans la prise en charge de nos aînés doit passer par la redéfinition du pacte intergénérationnel. Alors que, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, toute une génération voit augmenter son espérance de vie et son espérance de vie en bonne santé, il est urgent, pour répondre au défi de la solidarité, de réfléchir à une nouvelle prise en charge de ces personnes âgées. Nous devons adopter une approche qui permettrait de nous remettre en lien les uns avec les autres et de prendre en considération les atouts indéniables que cette tranche d’âge peut apporter à la société. S’appuyer les uns sur les autres, c’est ce qui nous a tant manqué pendant cette crise. Nous devons nous en inspirer et également éviter, lors de la création de cette cinquième branche, les écueils de la complexité des autres branches.

J’aimerais savoir quelles leçons ont été tirées de la crise sanitaire et quels sont les nouveaux modes de fonctionnement innovants et inédits identifiés pour recréer ce lien délité entre les générations afin d’offrir, au travers de nos organismes et de la création de cette cinquième branche, la structure d’une véritable solidarité transgénérationnelle.

M. Pierre Dharréville. Je souhaite d’abord vous interroger sur les données dont vous disposez concernant les aidants, particulièrement le congé de proche aidant et la mobilisation de ce congé.

Ma deuxième question porte sur le renoncement aux droits, notamment en matière d’accompagnement et d’aide humaine de la part des bénéficiaires potentiels. Nous avons régulièrement des témoignages de familles qui renoncent compte tenu de l’importance du reste à charge. Elles préfèrent ne recourir à rien plutôt que de payer un reste à charge qu’elles ne peuvent pas assumer.

Pouvez-vous nous indiquer si des progrès ont eu lieu en ce qui concerne le ratio entre personnels et résidents dans les EHPAD ? Un plan de formation pour les personnels de l’accompagnement et de l’aide à l’autonomie a-t-il été mis en place ? Nous aurions grand besoin d’un plan massif de formation et de qualification de personnel.

Enfin, des hypothèses sont-elles à l’étude pour travailler à l’excellence de la réponse publique en la matière et ne pas s’en remettre au marché ?

Mme Annie Vidal, rapporteure. Sauf erreur de ma part, je n’ai pas eu de réponses à trois questions. La première concerne l’utilisation de l’enveloppe de 200 millions d’euros. Une compensation à hauteur de 150 millions est annoncée sur le surcoût de 301 millions. J’aimerais savoir comment sera orientée la différence de 50 millions. Sera-t-elle destinée à des actions liées à l’attractivité du secteur comme le prévoyait le texte de loi ?

Je n’ai pas entendu de réponse non plus sur la question des SAAD non lucratifs non tarifés qui restent en dehors du champ.

Enfin, je vous avais posé une question sur l’inquiétude des départements au regard du dynamisme de l’accompagnement en fonction de l’évolution des besoins. Cette question a‑t‑elle été abordée dans les réflexions ? Qu’en est-il ?

M. Thibault Bazin. Monsieur Mazauric, vous avez évoqué dans vos propos liminaires une expérimentation menée dans mon département de Meurthe-et-Moselle concernant l’insertion de parents bénéficiaires du RSA en situation monoparentale. Pourriez‑vous nous détailler les contours, les objectifs et les premiers résultats de cette expérimentation de manière que l’on puisse envisager de la dupliquer, voire de la généraliser ? Il est urgent que nous puissions aider sur l’ensemble du département toutes les personnes qui pourraient être concernées.

Mme Monique Iborra. J’ai auditionné voici quinze jours les départements et la situation dans le domaine de l’aide à domicile m’a paru toujours aussi bloquée qu’elle l’était auparavant. Je voudrais donc savoir où nous en sommes réellement. Ce qui est prévu par la ministre déléguée chargée de l’autonomie pourra-t-il être réalisé si les départements continuent à refuser de participer à la hauteur demandée ?

Ma deuxième question porte sur le tarif socle. J’en étais restée à un tarif socle autour de 23 euros, demandé par l’ensemble des organisations. J’ai entendu que de nouvelles négociations sur le sujet étaient en cours.

Concernant la préfiguration, la CNSA versera à nouveau 17 millions d’euros. Je voudrais savoir à quoi ils serviront. Qu’est-ce qui justifie que, après les 100 millions puis les 50 millions d’euros, nous versions à nouveau 17 millions d’euros ? Je voudrais savoir quels sont les critères qui interviendraient en cas de financement modulable.

Enfin, dans la COG 2021, il est question d’une gouvernance territoriale rénovée. Qu’est-il entendu précisément ? Comment et par qui la cinquième branche sera-t-elle représentée dans les territoires ?

M. Thierry Michels. L’article 47 de la LFSS 2021 prévoit une contribution à la CNSA à hauteur de 200 millions d’euros pour soutenir l’harmonisation des professionnels des SAAD. Ma première question porte sur la façon dont cet important soutien financier est injecté dans le « cadenas » des relations entre État, CNSA et conseil départemental. Les différentes contractualisations avec les conseils départementaux obéissent-elles à une architecture générale qui favorise un financement efficace et susceptible d’un suivi satisfaisant de la structuration du secteur ? Quel est en particulier le rôle de la CNSA pour favoriser les meilleures pratiques de contractualisation ?

Plus globalement, comment objectiver la participation des collectivités territoriales aux différentes politiques sociales pour lesquelles la sécurité sociale et ses branches mettent à disposition des outils et des financements ? Je crois que nos concitoyens peinent à distinguer qui fait quoi et qui fait bien quoi, surtout quand il s’agit de monter des projets et de répondre à des appels d’offres comme le relevait M. Mazauric. Il faut que les collectivités soient réactives, notamment sur les activités relevant de la branche famille.

M. le directeur de la sécurité sociale. Mme Janvier m’a interrogé sur le périmètre de la cinquième branche. Nous sommes plutôt dans la perspective de travailler sur une consolidation du périmètre en 2022. Les priorités pour le PLFSS portent davantage sur le financement, la trajectoire et des mesures nouvelles en lien avec les mesures à impact financier qui pourraient se trouver dans le PLFSS plutôt que sur des transferts de périmètre. Toutefois, toutes les analyses du rapport Vachey restent pertinentes et devront certainement être reprises dans un avenir relativement proche, mais ce n’est pas la priorité cette année.

Vous avez posé plusieurs questions sur la gouvernance territoriale, la contractualisation et la présence de la cinquième branche. Pour nous, à la sécurité sociale, il est vraiment prioritaire que la CNSA dispose de leviers nouveaux pour animer les politiques territoriales. Ces politiques ont évidemment par ailleurs leurs propres acteurs, totalement autonomes sur le plan territorial mais disposant de nouveaux outils de contractualisation, de systèmes d’information et de nouveaux outils financiers s’il le faut.

Des réflexions sont toujours en cours sur ce type de leviers et d’incitations et sur la gouvernance, c’est-à-dire la façon dont s’articulent le pilotage national de la CNSA et les différents acteurs locaux que sont les conseils départementaux, les MDPH, les ARS et les autres acteurs éventuellement. Il faut réussir à avoir des instances ou des cercles territoriaux dans lesquels les acteurs travaillent ensemble mais aussi disposer d’outils plus descendants comme la feuille de route MDPH de manière que les objectifs gouvernementaux puissent être effectivement déclinés dans les territoires.

Je complète la réponse de Virginie Lasserre à la question de Mme Vidal sur le coût de l’avenant. Une part est pour la PCH et une part est hors APA-PCH, puisque des heures sont effectuées hors APA et PCH avec un coût pour l’action sociale des caisses de sécurité sociale et un coût pour la CNSA dans le cadre de l’AEEH, par exemple. Cela représente environ 150 millions d’euros hors APA-PCH pour les caisses de sécurité sociale, CNSA et autres caisses. Ils seront financés dans le cadre de l’action sociale, notamment de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Ils commencent à l’être dès 2021 et le continueront à l’être à partir de 2022.

M. Dharréville a posé une question sur le congé de proche aidant. La réforme est entrée en vigueur en octobre dernier et, au mois de mai, la CNAF a déjà reçu 12 000 demandes, dont une partie provient de personnes qui ne sont en fait pas éligibles. Elles l’espèrent mais ne remplissent pas les conditions d’activité donnant droit au congé. Ce sont parfois des personnes inactives.

Actuellement, 3 000 demandes environ permettent d’ouvrir des droits. Les ministres suivent le dossier de près pour regarder avec quelques mois de recul quelles sont les dispositions pouvant être mises en œuvre pour faire mieux connaître ce dispositif et le faciliter. Ce n’est pas très facile pour les caisses, notamment pour les CAF, d’anticiper qui sont les personnes éligibles, du fait des conditions relatives à l’emploi et à l’activité. Ce congé répond en tout cas à un besoin pour les personnes concernées et nous considérons pouvoir aller plus loin.

Vous posiez aussi, monsieur Dharréville, la question du renoncement aux droits. En matière d’APA et de PCH, les restes à charge sont limités, du moins dans le cadre du plan d’aide et sans excéder le nombre d’heures du plan d’aide. L’un des apports de la réforme des allocations supplémentaires vieillesse (ASV) en 2007 est de réduire le reste à charge, en particulier à domicile pour l’APA, pour les personnes ayant un plan d’aide avec de nombreuses heures. Le ticket modérateur de l’APA est faible ou nul pour les bas revenus, plus important pour les revenus plus élevés mais compensé par le crédit d’impôt.

Les comparaisons internationales montrent que notre reste à charge à domicile est plutôt faible. C’est pourquoi les priorités des travaux actuels portent sur les conditions de travail et les salaires des personnels, avant de travailler sur le reste à charge même si des améliorations peuvent être étudiées. Dans l’avenant à la BAD, la part à la charge des ménages est très limitée puisque la plus grande partie de ces heures est financée par la CNSA, par les départements, par les caisses de sécurité sociale, etc. Les financeurs publics sont largement majoritaires.

Cela renvoie également à votre dernière question sur la réponse publique comparée à celle du marché en matière d’autonomie. Les assureurs privés sont présents sur le marché de l’autonomie et de la dépendance mais restent minoritaires. Il est clair que les travaux menés aujourd’hui par le Gouvernement concernent d’abord l’assurance publique, même s’ils peuvent conduire à améliorer le recours à l’assurance privée et à le rendre plus facile, plus sûr ou plus équitable. Lorsque nous discutons de la trajectoire de la CNSA et des milliards rendus disponibles par l’apport de CSG en 2024, ce sont bien sûr d’abord des financements publics.

M. Anatole Puiseux, sous-directeur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à la direction générale de la cohésion sociale. Renforcer et reconfigurer la gouvernance territoriale des politiques de l’autonomie sera évidemment l’un des axes forts de la réforme sur le grand âge que nous espérons porter au Parlement dans les mois à venir. Comme M. le directeur de la sécurité sociale l’a bien dit, nous avons trois axes de travail.

Le premier porte sur le renforcement des capacités d’action et de pilotage de la CNSA sur les politiques de l’autonomie dans le cadre de la cinquième branche.

Le deuxième consiste à améliorer la coordination des interventions entre les ARS et les conseils départementaux, notamment sur les objets de compétences partagées que sont les services à domicile. Ils sont un outil essentiel pour améliorer le parcours et la continuité du parcours des personnes âgées à domicile, d’où des travaux sur l’opportunité d’instruments contractuels entre les conseils départementaux et les ARS pour se mettre d’accord sur des objectifs partagés déclinés dans une offre médico-sociale renforcée. Ce sera également à articuler avec les conventions entre conseils départementaux et CNSA, dont la CNSA anime la rénovation.

Le troisième axe a trait à la nécessité d’animer de façon un peu plus globale l’ensemble des politiques qui participent aux conditions de vie et au soutien à l’autonomie des personnes âgées, dans la continuité de la « loi ASV » et du rapport de Mme Dufeu. M. Von Lennep a évoqué l’idée de réfléchir aux instances territoriales mises en place ou renforcées pour assurer cette animation interministérielle du soutien à l’autonomie. Nous disposons déjà aujourd’hui des centres de formation au rétablissement, qui jouent un rôle important dans le soutien aux aidants et dans l’habitat inclusif. Il me semble utile de capitaliser sur ces instances qui fonctionnent bien pour donner un nouveau cadre de pilotage des politiques de l’autonomie à l’échelon territorial.

Sur le champ de la revalorisation des services à domicile, le Gouvernement veut accompagner une revalorisation des salaires sur l’ensemble du champ de l’aide à domicile, aussi bien des services privés non lucratifs que des services privés commerciaux. Je ne serai pas beaucoup plus précis que ma directrice générale, dans la mesure où les travaux sont encore en cours. Les réponses sont de deux ordres, puisque la capacité d’action des autorités publiques est différente entre services tarifés et services non tarifés, sur lesquels les autorités publiques n’ont pas de levier direct de financement.

Sur le champ privé non lucratif, les travaux en cours pour décliner l’avenant 43 de la BAD ont déjà été évoqués, avec notamment les 200 millions d’euros de crédits sanctuarisés dans le cadre de la LFSS. Ces travaux sont en cours avec les départements, sous la houlette de la CNSA. Notre enjeu est de convenir avec les départements des modalités concrètes de délégation de ces crédits pour nous assurer que ces revalorisations s’incarnent bien dans la fiche de paie des aides à domicile.

S’agissant du secteur privé commercial qui, à part quelques exceptions, ne comporte pas de services tarifés par les conseils départementaux, le levier d’action est sans doute la mise en place d’un tarif plancher APA-PCH ce qui permettra indirectement de revaloriser le financement de ces services. Mme Bourguignon s’est engagée à ce que des discussions démarrent rapidement avec les fédérations du secteur privé.

Concernant cette refonte plus globale et plus pérenne des financements des services à domicile, il ne m’appartient pas de faire des annonces mais nous nous inscrivons dans le sillage des réflexions lancées avec vous voici quelques années dans le cadre de la concertation menée par M. Libault. Dans l’éventualité d’un projet de loi « Grand âge » ou « Générations solidaires » que nous espérons voir advenir très rapidement, ce sera certainement un axe de travail fort.

Sur le taux d’encadrement, nous avons engagé depuis plusieurs années un mouvement de convergence tarifaire des sections soins afin d’assurer une plus grande équité territoriale dans l’encadrement des personnes accueillies en établissement, quel qu’en soit le statut. Depuis 2017, près de 700 millions d’euros ont été consacrés à cette convergence tarifaire ce qui a concrètement permis d’augmenter le taux d’encadrement de 3 points. Nous sommes actuellement environ à 55 % de taux d’encadrement en moyenne dans les EHPAD.

En ce qui concerne les innovations et les enseignements à tirer de la crise covid, qui fut évidemment particulièrement intense dans le secteur médico-social, je peux citer quelques enseignements qui nous paraissent particulièrement riches à la direction générale de la cohésion sociale, sans prétendre être exhaustif.

Les acteurs de terrain ont réussi à structurer pendant la crise des dispositifs d’appui du sanitaire au secteur médico-social, ce qui a sans doute été un levier essentiel pour soutenir les EHPAD et les établissements accueillant des personnes en situation de handicap. Nous avons mis en place des astreintes, gériatriques ou dédiées au handicap, pilotées par les ARS et ayant vocation à répondre aux besoins d’accompagnement des établissements médico‑sociaux. Nous avons mis en place ou amplifié des dispositifs comme les équipes mobiles de gériatrie, les équipes mobiles d’hygiène ou les équipes mobiles d’urgence médico‑psychologique. Elles ont pu être activées ces derniers mois.

L’enjeu est pour nous de capitaliser sur ce renforcement de l’articulation entre sanitaire et médico-social. Les premiers jalons ont été posés en LFSS pour mieux financer ces dispositifs d’appui et ce sera un fil rouge de nos travaux dans le futur.

Un autre enseignement est la nécessité de clarifier le parcours des personnes âgées et des personnes en situation de handicap pour qu’elles bénéficient, particulièrement en période de crise, d’un point de contact identifié sur les territoires. Vous avez évoqué à juste titre la mission conduite par M. Libault, qui nous fixe un cap pour aller vers une unification des dispositifs d’accueil et d’orientation des personnes sur les territoires.

Vous avez sans doute en tête les communautés 360 covid lancées sous l’égide de la ministre Sophie Cluzel pour répondre en période de crise aiguë aux besoins d’accompagnement des personnes en situation de handicap en matière d’accès aux soins de la vie. Plusieurs dizaines de communautés ont essaimé sur le territoire, avec la mise en place d’une plateforme téléphonique pour répondre aux besoins des personnes et de leurs aidants. L’enjeu est maintenant de poursuivre la dynamique engagée, notamment la dynamique de coopération renforcée entre les acteurs d’un même territoire pour concevoir des solutions d’accompagnement.

Une autre leçon renvoie à la nécessité de renforcer et d’amplifier les dispositifs de répit dans un contexte où l’épuisement des proches aidants a pris un relief particulier. Je pense notamment aux personnes en situation de handicap, dont un certain nombre ont vu leurs établissements médico‑sociaux fermés au cours de la première vague. Cela a bien sûr mis sur le devant de la scène les actions engagées depuis 2019 dans le cadre de la stratégie sur les aidants pour renforcer l’offre de répit. Des crédits importants ont été consacrés à ce renforcement et beaucoup d’initiatives intéressantes ont été mises en place par les ARS et les autres acteurs des territoires. Il s’agit de plateformes de répit, de dispositifs de relayage, du déploiement d’accueils temporaires en établissement médico-social. C’est un axe sur lequel il faudra continuer de travailler.

Mme la directrice de la CNSA. Plusieurs interventions ont porté sur l’effectivité des droits pour les personnes en situation de dépendance liée à l’âge. Cette effectivité des droits correspond tout simplement à la capacité à trouver une information sur ses droits et à la capacité à les exercer dans un contexte où plusieurs d’entre vous ont souligné la complexité du dispositif, son incomplète lisibilité, la nécessité d’une simplification attendue par nombre de nos concitoyens sur les procédures administratives. Il appartient à chacune de nos administrations de réaliser cette simplification et de concevoir des parcours simplifiés pour les usagers.

Je souhaite partager avec vous le fait que l’accès effectif aux droits est une question très importante pour la CNSA en tant que gestionnaire de la branche autonomie. Si les droits que nous ouvrons ne sont pas exercés, ils ne servent absolument à rien. Nous avons engagé un certain nombre de démarches pour conforter l’information des personnes qui est déterminante. Je vous remercie d’avoir préservé cette dimension d’information des personnes et de leurs aidants lors du travail de réécriture des missions de la CNSA que vous avez opéré à la faveur de l’adoption des dispositions de l’article 32 de la LFSS 2021. Cela nous semble crucial pour l’accès aux droits.

Nous effectuons cette information en mettant à disposition des personnes des informations fiables et de qualité sur deux sites que nous opérons ou « co-opérons » avec la Caisse des dépôts et consignations. Il s’agit d’une part du portail pour les personnes âgées et d’autre part du portail « Mon parcours handicap », en cours de constitution. À travers ces systèmes d’informations nationaux, l’enjeu est de conforter l’équité entre les personnes afin qu’en tout point du territoire et quelle que soit leur situation, les personnes puissent accéder à une information fiable sur leurs droits effectifs et les lieux où les mobiliser. C’est la raison pour laquelle, outre ce travail sur l’information numérique, nous soutenons aussi les départements, les MDPH et les acteurs de proximité dans l’organisation de relais d’information. Nous sommes partie prenante des travaux confiés à Dominique Libault sur la manière de conforter la dynamique des maisons départementales de l’autonomie, de façon que chacun puisse, en proximité, trouver l’information dont il a besoin.

J’insiste sur cette proximité. Elle est bien sûr facilitée d’une certaine façon par le numérique mais elle est aussi indispensable au plus près des territoires et des lieux de vie. J’évoque souvent sur cette question de l’accès aux droits une étude déjà un peu ancienne de 2017 que la CNSA avait commandée sur l’accès à l’APA et la PCH. Elle montrait que le facteur de l’information et de l’existence de services d’information de proximité était déterminant dans l’accès aux droits, au-delà des disparités sociodémographiques d’un territoire. Le fait qu’un territoire ayant des conditions équivalentes en termes de caractéristiques sociodémographiques de sa population ait un nombre plus important de bénéficiaires de l’APA ou de la PCH trouvait fréquemment une explication dans le maillage territorial organisé pour mettre de l’information à proximité.

À cet égard, il me paraît déterminant de pouvoir constater en effectuant la synthèse des bilans d’activité des MDPH année après année que les MDPH territorialisent de plus en plus leurs accueils puisque, aujourd’hui, plus des trois quarts disposent de relais ou d’antennes dans les territoires. La notion de « maison départementale » est un label qui ne correspond presque plus à une réalité. Nous voyons des relais dans les antennes polyvalentes des conseils départementaux, dans les maisons de services au public ou dans d’autres structures pour apporter de l’information aux personnes.

La simplification des parcours est effectuée aussi au travers de procédures d’accès à distance. Nous pouvons imaginer que les personnes âgées ou en situation de handicap ne sont pas nécessairement des publics qui auraient recours au numérique. Le bilan de l’année covid montre que ce n’est pas le cas. Les MDPH qui ont « profité » de ces circonstances pour développer les téléservices de demande en ligne ont vu croître fortement ces demandes. Les personnes en situation de handicap et les personnes âgées ou leurs aidants sont donc enclines à effectuer ces démarches en ligne. Elles permettent d’abolir les distances, les difficultés d’accès à un guichet, les horaires d’ouverture.

Il est pour nous déterminant d’accroître dans le champ de l’autonomie la possibilité d’effectuer des demandes en ligne. Nous le faisons en déployant un téléservice national gratuit pour permettre aux personnes en situation de handicap ou à leurs proches d’effectuer des demandes en ligne. À partir de 2021, ils pourront également suivre le traitement de leur demande via un téléservice connecté au système d’information des MDPH.

Nous travaillons aussi en étroite association avec la CNAV à la création d’un téléservice qui permettra de formuler une demande d’aide à domicile pour les personnes âgées, une demande unique qui sera traitée aussi bien par les services autonomie des départements que par les caisses de retraite ou de la MSA. Cette demande sera effectuée à partir d’un formulaire unique auquel la CNSA, la CNAV et la MSA ont conjointement travaillé, en lien avec les départements. La première version de ce téléservice devrait être opérationnelle cet été. Ce petit outil sera important pour que les personnes puissent aisément formuler une demande d’aide sans avoir à être des spécialistes des complexités administratives, sans savoir si cela ressort de l’action sociale des caisses ou des départements. Les acteurs seront ainsi alignés au service des personnes âgées pour faciliter l’accès aux services d’aide à domicile.

M. le directeur général de la CNAF. Mme Goulet a demandé, au sujet de l’intermédiation des pensions alimentaires, si nous avions déjà identifié des points bloquants. C’est l’occasion de dire que oui : il en existe un qui est à la fois simple et décisif. La CAF ne peut agir que si une pension alimentaire a été déterminée, que ce soit par une décision de justice ou par un titre exécutoire que la CAF a la compétence de délivrer. Dans de nombreux cas qui ne posent pas de difficulté, c’est un arrangement amiable entre les anciens conjoints qui prévoit que l’un accordera telle somme d’argent à l’autre. Dans cette situation, puisqu’il n’existe pas de décision ou de titre exécutoire, l’action en recouvrement ou l’intermédiation ne peuvent pas intervenir en cas d’incident. C’est un message très important, qui est bien sûr en tête de notre communication vers les allocataires mais que la question de Mme la députée me donne l’occasion, utile je l’espère, de vous dire.

L’expérimentation dont parle M. Bazin a lieu sur le territoire du Grand Nancy. Il s’agit d’une étude qui a été conçue en 2017, a démarré en 2018 et s’étend jusqu’en 2023 avec publication scientifique à la clef. Elle est portée par le conseil départemental et la CAF, appuyés par trois associations spécialisées dans l’insertion. Le public est choisi pour sa distance avec l’emploi, c’est-à-dire monoparental et depuis plus de deux ans dans le RSA. Un système de cohortes de quatre‑vingts personnes est suivi à différentes étapes. Trois cohortes sont observées en permanence selon le système classique d’accompagnement pour les uns et de groupe témoin où rien de particulier n’est fait pour les autres. Pour l’instant, avec des résultats de court terme, nous estimons qu’il existe une différence positive de 7 points entre la probabilité de rester dans le RSA ou de ne plus y être et de déclarer des revenus d’activité au profit des personnes qui ont fait l’objet de l’accompagnement et qui ont accepté de le faire jusqu’à la fin. Cet écart de 7 points peut sembler anodin. En réalité, parmi les mesures à court terme, cela situe ce dispositif parmi les plus efficaces en la matière.

Voilà ce que je peux vous dire aujourd’hui, monsieur le député. Nous ne conclurons pas encore demain ni ne l’étendrons mais c’est déjà une bonne preuve que nous pouvons faire quelque chose et que, comme nous le savions, ces publics demandent un soin très particulier.

En territoire rural, le supplément de difficulté sera de gérer les transports des personnes pour les faire participer. Je ne détaille pas mais le système comporte pas mal d’ateliers, de rendez-vous dans plusieurs domaines. Il n’existe aucune raison d’exclure un territoire rural.

Mme Catherine Fabre. Les 200 millions d’euros de financement sur l’article 47 de la LFSS 2021, qui permettent de revaloriser les professionnels des SAAD et des SSIAD ainsi que d’autres établissements sociaux et médico-sociaux, constituent une revalorisation très importante. Le Gouvernement a par ailleurs missionné Michel Laforcade pour élargir les dispositions du Ségur de la santé, notamment aux professionnels du handicap. J’ai été sollicitée par plusieurs associations girondines du secteur du handicap à ce sujet. C’est pourquoi je souhaite savoir ce qui est prévu concernant les revalorisations salariales pour les professionnels du handicap, selon qu’ils travaillent dans des établissements publics ou dans des établissements privés. Pouvez-vous nous faire un premier bilan de cette réflexion, de cette dynamique, de la manière dont ce sera mis en œuvre ?

M. le sous-directeur de l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées à la direction générale de la cohésion sociale. M. Laforcade a engagé des discussions avec les partenaires sociaux pour définir les modalités d’une extension des revalorisations du « Ségur » à l’ensemble du secteur médico-social. Un premier jalon a été posé au mois de février avec un protocole d’accord qui a permis d’étendre le bénéfice de la revalorisation de 183 euros par mois à un certain nombre d’établissements médico‑sociaux. Ce sont les établissements médicosociaux rattachés à des établissements de santé ou à des EHPAD publics. S’agissant des personnes en situation de handicap, cela concerne donc une maison d’accueil spécialisée ou un foyer d’accueil médicalisé rattaché à un établissement de santé ; les professionnels de ces établissements sont ainsi déjà embarqués dans le train des revalorisations du « Ségur ».

Les discussions se poursuivent à l’heure actuelle pour définir les modalités d’une extension au reste du secteur des personnes en situation en handicap, en particulier des services de statut privé non lucratif qui accompagnent les personnes en situation de handicap. Les négociations avancent bien et nous espérons signer dans les dix jours à venir un protocole d’accord avec les partenaires sociaux. Je ne peux pas encore vous en dévoiler le contenu.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Les travaux dans le cadre du Printemps social de l’évaluation s’achèvent. Il ne me reste plus qu’à remercier mes collègues députés mais aussi nos intervenants pour la qualité de leurs réponses et leur disponibilité.

 

La séance s’achève à dix-sept heures quarante.

 

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