Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, ouverte à la presse, de Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants.


Mercredi
24 mars 2021

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 42

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Françoise Dumas, présidente


 


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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Madame la ministre chargée de la mémoire et des anciens combattants, nous nous réjouissons de vous recevoir pour évoquer l’actualité des domaines dont vous avez la responsabilité, et notamment le nouveau plan d’action Ambition armées-jeunesse 2022 que vous présenterez demain à la presse et dont je vous remercie d’avoir réservé la primeur à la représentation nationale.

 

Le maintien et le renforcement du lien entre nos forces armées et la jeunesse se trouve au cœur du lien armée-Nation : elle en constitue même le centre de gravité. Il est en effet essentiel d’une part que la jeunesse s’intéresse aux armées et d’autre part que ces dernières répondent aux aspirations des jeunes – on en compte chaque année 27 000 – qui souhaitent se réaliser en servant la Nation.

 

Au-delà de ces recrutements, l’action du ministère des armées auprès de la jeunesse contribue également à ancrer au sein de cette dernière les valeurs républicaines de solidarité, de fraternité et de citoyenneté, ainsi que l’amour de la patrie. Si les armées ne prétendent pas constituer un modèle pour la société, elles ont beaucoup à expliquer, beaucoup à donner et beaucoup à transmettre. Le ministère s’est toujours soucié de la jeunesse : vous-même en avez fait, Madame la ministre, un axe prioritaire de votre action.

 

Les actions s’étant cependant parfois multipliées au détriment de leur lisibilité, il était important, au moment où le service national universel (SNU) est appelé à monter en puissance, de s’assurer de l’équilibre général de la politique jeunesse du ministère, de la cohérence des différents dispositifs, de leur suivi, de la pertinence de leur gouvernance et de l’adéquation des moyens. Vous vous y êtes attelée à travers le plan que vous allez nous présenter.

 

Autre sujet d’importance : l’engagement du ministère dans la préservation de l’environnement et de la biodiversité. Il dispose en effet d’un domaine à l’accès réglementé, utilisé en grande partie pour l’entraînement, de près de 260 000 hectares en métropole, dont près de 20 % est classé Natura 2000. Son action dans ce domaine se traduit notamment par la conclusion de nombreux partenariats avec le Muséum d’histoire naturelle (MHN), l’Office national des forêts (ONF), mais aussi avec des associations comme la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ou avec la Fédération des conservatoires d’espaces naturels.

 

Au-delà de la stratégie énergétique de défense annoncée par la ministre des armées au mois de septembre dernier, nos régiments et nos bases militaires mènent différentes actions en matière de rénovation thermique des bâtiments, de gestion des déchets ou de mobilités propres.

 

Notre commission s’est d’ailleurs saisie de ce sujet en créant une mission d’information, dont les rapporteurs sont nos collègues Jean-Marie Fiévet et Isabelle Santiago, sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées : ses conclusions sont attendues au début du mois de mai.

 

Nous aimerions donc vous entendre, Madame la ministre, sur la politique environnementale du ministère des armées, sur ses actions écologiques ainsi que sur un dernier sujet d’actualité : le nécessaire équilibre entre la liberté d’accès aux archives et la protection du secret de la défense nationale.

 

Dans un communiqué du 9 mars dernier, le Président de la République a en effet évoqué la nécessité de procéder à un travail d’ajustement législatif afin de rendre plus cohérente l’articulation entre le code du patrimoine et le Code pénal. Diverses associations ont accueilli positivement cette nécessaire clarification, tout en appelant à une grande vigilance sur l’évolution en cours. Pourriez-vous nous expliquer les principes qui vont présider à la recherche de cet équilibre ?

 

Autre sujet d’actualité, les suites qui seront données aux travaux de la commission tripartite qui s’est attachée à analyser l’évolution du point des pensions militaires d’invalidité et au sein de laquelle notre collègue Muriel Roques-Etienne représentait le Parlement.

 

Par ailleurs, la commission de la défense étant également celle du monde associatif combattant, nos collègues Jean-Philippe Ardouin et Yannick Favennec-Bécot, au travers des conclusions d’une mission « flash », ont récemment dressé un état des lieux de la richesse de ce terreau associatif, ainsi que des perspectives qui s’offrent à lui et des défis que ce monde doit surmonter.

 

Enfin, je salue le travail remarquable accompli par notre rapporteur pour avis Philippe Michel-Kleisbauer à l’occasion de chaque projet de loi de finances à propos et au profit du monde des anciens combattants.

 

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants. Cette audition va effectivement nous permettre d’élargir les sujets liés au monde combattant et à la mémoire, que j’accompagne bien entendu avec beaucoup d’attention, et d’évoquer les autres politiques du ministère qui, si elles passent parfois sous les radars, sont très structurantes. Elles ont toutes un fil conducteur : le lien armée-Nation au sens large.

 

Le lien armée-jeunesse n’est pas récent, mais s’il a évolué au cours du temps, et notamment depuis la suspension du service national obligatoire (SNO) par le président Jacques Chirac, il constitue un nœud fort et naturel : nos armées sont jeunes, elles ont besoin de s’intéresser à la jeunesse et de lui transmettre les valeurs de notre ministère.

 

Les politiques en faveur de la jeunesse n’ont de sens que si elles sont adaptées aux attentes des jeunes générations, aux évolutions de la société et, bien sûr, aux besoins importants de recrutement – 27 000 jeunes par an – de nos armées.

 

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022, qui apporte une réponse à ces évolutions, est un message de confiance adressé à une jeunesse qui souffre particulièrement du contexte sanitaire : notre ministère lui portait, lui porte et continuera de lui porter une grande attention.

 

Les objectifs phare de cette politique jeunesse sont tout d’abord le recrutement de jeunes femmes et de jeunes hommes afin de faire connaître nos armées ainsi que les possibilités d’évolution qu’elles offrent, de susciter des vocations et, potentiellement, un engagement.

Le deuxième objectif tient au rayonnement de notre ministère et à la consolidation du lien entre les armées et la Nation : c’est là l’occasion de transmettre la culture de défense et de résilience et de renforcer notre cohésion nationale autour des valeurs fortes portées par les armées et autour des principes républicains.

 

Particulièrement active, la politique jeunesse du ministère est moteur dans le domaine de l’égalité des chances et de la citoyenneté. Elle participe à l’apprentissage des jeunes, favorise le développement personnel, l’engagement de la jeunesse et l’insertion professionnelle. Chaque année, environ un million de jeunes âgés de 13 à 25 ans bénéficient de nos dispositifs et de nos partenariats avec l’éducation nationale. La Journée défense et citoyenneté (JDC), rencontre annuelle privilégiée et obligée entre les armées et la quasi-totalité d’une classe d’âge, constitue la clé de voûte de cette rencontre avec la jeunesse.

 

Nous proposons en outre chaque année plus de 10 000 offres de stage, de la troisième au bac + sept, et près de 2 000 offres d’apprentissage, nombre ayant évolué eu égard à la volonté de développer fortement l’apprentissage auprès de la jeunesse.

 

Alors que le champ des possibles est encore vaste, il était temps de nous renouveler, de nous perfectionner et surtout de clarifier notre offre auprès de la jeunesse. Quelques faiblesses, un défaut de lisibilité des actions et une disparité du dynamisme selon les territoires ont en effet été relevés. Il est également apparu que la cohérence des dispositifs devait être renforcée.

 

Donc oui, notre politique doit s’adapter aux jeunes, s’inscrire dans le plan gouvernemental « 1jeune1solution » et intégrer l’arrivée et la montée en puissance du service national universel (SNU) dont le parcours modifie l’équilibre général de notre politique jeunesse. En effet, entre la JDC et le SNU, les âges de contact ne sont pas les mêmes. Les armées apportent dans le cadre de ce projet phare qu’est le SNU une contribution, appelée à se développer au fur et à mesure de sa montée en puissance, tant en formation qu’en moyens humains et techniques.

 

L’adaptation de ces transformations est l’ambition du plan Ambition armées- jeunesse 2022 qui mettra désormais en cohérence et valorisera l’important travail effectué par les armées en direction de la jeunesse. Il comporte quatre phases distinctes qui rythmeront désormais la scolarité et le parcours des jeunes de l’âge de 13 ans jusqu’à, potentiellement, celui de leur engagement, voire au-delà.

 

La phase initiale, tout d’abord, propose aux jeunes collégiens, à partir de 13 ans, en complément de l’enseignement de défense, un ensemble de dispositifs existants que nous voulons renforcer et mieux articuler. Les objectifs sont d’éveiller à l’esprit de défense et d’accompagner les actions conduites dans le cadre scolaire et périscolaire.

 

Cette phase conforte le soutien de l’enseignement de défense par notre direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), qui travaille en coopération étroite avec l’éducation nationale ainsi que par les dispositifs existants : stages de découverte de troisième, cordées de la réussite, rallyes citoyens, cadets de la défense, classes défense et sécurité globales (CDSG) dans les collèges et lycées. Ce sont surtout sur ces dernières que nous porterons un effort quantitatif avec l’objectif de doubler leur nombre, afin de mailler tout le territoire : j’y tiens particulièrement, tout comme Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports Jean-Michel Blanquer, chargée de la jeunesse et de l'engagement.

 

La phase 1 est, elle, marquée par le SNU et par la nouvelle Journée défense et mémoire (JDM) que nous avons préparée et incluse dans ce service. Effectuée lors du stage de cohésion, autour de 16 ans, cette dernière est amenée à remplacer à terme la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui est aujourd’hui suivie vers l’âge de 17 ou de 18 ans, au moment où les jeunes sont en terminale.

 

La JDM permet, comme le fait la JDC, mais à un âge plus précoce, de sensibiliser à l’engagement ainsi qu’aux opportunités offertes par les armées. Il est donc primordial pour le ministère des armées de profiter de ce temps pour faire connaître, pour susciter la curiosité et pour identifier les jeunes citoyens les plus intéressés par les armées et par l’engagement militaire. Il nous faudra ensuite garder le lien avec eux.

 

La phase 2 du plan Ambition armées-jeunesse 2022 est essentiellement constituée par la réalisation par les jeunes volontaires, avant l’âge de 18 ans, d’une mission d’intérêt général intégrée au SNU et pouvant être effectuée au sein de nos armées ou au niveau départemental. Cette phase est essentielle, car il s’agit pour le ministère de convaincre le jeune d’envisager un engagement et de l’inscrire déjà au sein de l’institution. Nous proposons de nombreuses missions de ce type avec un format exigeant, en lien, également, dans certaines unités, avec la préparation militaire (PM).

 

La phase 3, à partir de 18 ans, est celle de l’engagement, qui peut être un engagement volontaire dans l’armée d’active, dans la réserve opérationnelle ou dans d’autres dispositifs existants, l’enjeu étant la fidélisation et l’attractivité des 27 000 postes proposés par les armées.

 

Le service civique, dispositif national dans lequel nous nous inscrivons et qui offre dès cette année 240 000 places grâce au plan « 1jeune1solution », pourra représenter une nouvelle opportunité pour attirer des jeunes au sein de notre ministère, charge à lui de travailler afin de développer des missions potentiellement intéressantes et attractives pour des jeunes souhaitant accomplir un tel service.

 

Après 18 ans, nous pouvons compter sur le service militaire volontaire (SMV) en métropole et le service militaire adapté en outre-mer, dont les missions d’insertion professionnelle sont pérennisées. Avec Florence Parly, nous avions déjà indiqué notre volonté de renforcer ces dispositifs qui ont fait la preuve de leur efficacité. Concernant le SMV, l’effectif actuel de 1 200 jeunes volontaires par an passera à 1 500 en 2022.

 

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 se caractérise par la mise en place d’un suivi individuel des jeunes ayant marqué leur intérêt pour la communauté de défense tout au long de leur parcours. J’y suis particulièrement attachée car il s’agit de l’une des clés de sa réussite. L’instauration de ce véritable parcours de découverte de l’environnement et de la communauté militaires, de nos armées et de nos valeurs, représente pour le ministère, et notamment pour la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), dont je salue le travail important, une opportunité stratégique.

 

Je n’oublie pas, en parallèle, nos six lycées de la défense, qui scolarisent près de 4 400 élèves et qui participent à notre politique nationale d’égalité des chances en accueillant près de 15 % d’élèves boursiers. Ils contribuent à l’aide apportée aux familles de militaires dans le cadre du plan famille 2018-2022. Le plan lycées vise d’ailleurs à pérenniser et à moderniser les infrastructures de ces établissements scolaires : il déploie plus de 100 millions d’euros sur la durée de la loi de programmation militaire. Il permet également de développer une offre d’enseignement, ce qui constitue une priorité, et, notamment dans certains établissements, une offre très spécifique utile à nos armées.

 

Ce plan s’accompagne d’une réflexion, qui me tient particulièrement à cœur, sur l’ancrage territorial de notre politique jeunesse, qui passe par le renforcement de moyens humains et financiers mieux identifiés et innovants.

 

Parallèlement, le ministère travaillera à maintenir plus durablement le contact avec les jeunes et à moderniser son image auprès d’eux – quoique je ne sois pas certaine qu’elle soit vieillotte et obsolète. Nous avons besoin de faire comprendre à tous que nos armées sont dans la modernité et dans le déploiement de technologies de pointe, le tout au service de la défense du pays, ce qui peut et doit être particulièrement attractif.

 

L’ambition est donc de créer un véritable parcours bien identifié pour la jeunesse, passant par différentes tranches d’âge – de 13 à 16 ans, de 16 à 18 ans, puis au-delà – et offrant à chacun une attention individualisée afin que nos armées soient attractives. Cela vient en complément du travail que nous menons pour la citoyenneté et pour la lutte contre les inégalités, ce qui fait des armées un partenaire essentiel dans la politique menée dans ces domaines par d’autres ministères.

 

Une autre politique importante s’agissant du lien armée-Nation est celle que nous menons en matière culturelle. Elle passe parfois sous les radars alors qu’elle est essentielle, le ministère étant le deuxième acteur culturel de l’État et se trouvant à la tête d’un important patrimoine, de nombreux musées et établissements culturels dans les territoires.

 

Notre politique culturelle compte quatre axes de travail : la préparation de nos musées pour demain, la modernisation des archives, la valorisation de notre patrimoine et la structuration de notre cadre d’information culturelle.

 

Nous investissons massivement pour la rénovation de nos musées nationaux. Ainsi, le musée de l’air et de l’espace du Bourget, qui a ouvert sa grande galerie au mois de décembre 2019, est désormais doté d’un nouveau projet scientifique et culturel. Il poursuivra les investissements nécessaires afin de continuer d’incarner l’histoire de notre armée de l’air et du spatial français. Il bénéficiera en outre de projets d’infrastructures et d’accessibilité – sa proximité avec une nouvelle ligne de métro lui donnera une attractivité nouvelle.

 

Le musée national de la marine, dont l’achèvement des travaux a été décalé en raison de la crise sanitaire, sera magnifique et jouera le rôle de tête de pont des musées parisiens.

 

Quant au musée de l’armée, il prépare également sa mue au sein de l’hôtel des Invalides, une équipe de maîtrise d’œuvre devant être prochainement recrutée pour la réalisation d’études relatives à la première tranche de l’extension.

Nos trois musées nationaux sont donc en pleine évolution, ce qui est une bonne chose. Nous prêterons une attention particulière à leur situation, car la crise sanitaire y entraîne, comme dans tous les musées de France, des pertes d’exploitation.

 

Nous travaillons par ailleurs à la rationalisation de la conservation des archives au service historique de la Défense (SHD) – dont la mobilisation des équipes en vue d’accélérer les procédures de déclassification a été particulièrement importante – ainsi qu’à la facilitation de leur consultation. Nous concilions ainsi le libre accès aux archives et la protection nécessaire à la défense de la Nation et des personnes.

 

La décision du Président de la République d’étendre jusqu’à l’année 1970 incluse la procédure plus rapide de déclassification, selon le procédé dit « de démarquage au carton », marque notre forte volonté en la matière.

 

Nos archives, qui sont un trésor national, s’adaptent et évoluent : un vrai plan de structuration, de conservation et d’accès est ainsi actuellement mis en place. Il est important de les mettre à la disposition de la communauté scientifique et des historiens qui font un travail remarquable dans notre pays. Il convient également de mesurer combien certaines d’entre elles, classées secret-défense, participent à la sécurité de notre pays. Nous avons donc besoin de trouver un équilibre entre l’un et l’autre.

 

Dernier sujet à propos du lien armée-Nation : l’ambition environnementale du Gouvernement, qui est mal connue et que j’essaie de porter avec force puisque Florence Parly m’a demandé de travailler sur tous ces sujets – et notamment sur le schéma « développement durable » du ministère des armées.

 

Bien sûr, nos activités ont des incidences sur les milieux, et notre empreinte environnementale est importante. Ayant une responsabilité particulière en la matière, nous avons pris à bras-le-corps les impératifs environnementaux ainsi que le défi de la transition écologique.

 

Depuis quatre ans, le développement durable fait l’objet d’un de nos seize chantiers de transformation : le numéro 16. Notre ambition environnementale se conjugue évidemment avec nos exigences opérationnelles, car notre première mission demeure la défense du pays.

 

Néanmoins, nous travaillons sur la performance énergétique : la stratégie ministérielle de performance énergétique a ainsi été signée l’an dernier. Elle comportait deux engagements forts : poursuivre la baisse des consommations et développer le recours aux énergies renouvelables. Les exemples en la matière sont nombreux : plans de mobilité durable dans nos emprises, verdissement de notre parc automobile, contrats de performance énergétique, rénovation exemplaire de nos bâtiments, développement de l’énergie solaire.

 

Nous œuvrons également dans le domaine des achats pour lesquels nous recherchons constamment des circuits courts et la prise en compte des critères environnementaux.

 

À titre d’exemple, six contrats de performance énergétique sont déjà actifs sur nos emprises. D’ici à 2025, douze nouveaux contrats devraient être conclus pour un investissement cumulé de 250 millions d’euros.

Dans le cadre du plan Place au soleil, le ministère des armées s’est engagé à mettre, d’ici à 2025, 2 000 hectares de terrain à la disposition des porteurs de projets afin qu’ils y installent des fermes photovoltaïques. À ce jour, les sites adaptés que nous avons identifiés représentent une superficie de près de 1 300 hectares ; un tiers d’entre eux a déjà fait l’objet de dispositifs de contractualisation via des cessions ou des mises à disposition domaniales. Les premières installations physiques seront effectives d’ici à la fin de l’année.

 

Par ailleurs, nous menons un travail important de préservation de la biodiversité sur nos emprises. D’une superficie totale de 270 000 hectares, celles-ci sont souvent libres de toute culture ; la terre n’y a reçu aucun intrant, de sorte qu’elles constituent des espaces de biodiversité absolument exceptionnels. Nous avons signé des conventions nationales avec de nombreuses associations reconnues pour leurs compétences, afin de mieux connaître, mieux protéger et mieux prendre en compte la faune et la flore de ces espaces tout en protégeant, bien entendu, notre activité opérationnelle. Ces deux exigences ne sont absolument pas incompatibles, comme en témoignent les conservatoires d’espaces naturels avec lesquels nous avons conclu des conventions, qui sont particulièrement heureux du dynamisme de notre politique en la matière. Nous avons également scellé un partenariat scientifique avec le Muséum national d’histoire naturelle, et nous sommes engagés dans le programme européen « L’instrument financier pour l’environnement » (LIFE), dans le cadre duquel nous menons des actions concrètes.

 

En conclusion, nos armées sont au cœur des enjeux de la société, qu’il s’agisse des défis environnementaux, que nous contribuons à relever, de la jeunesse, que nous souhaitons accompagner grâce à des engagements forts, ou de la culture, qui est un pan essentiel de la politique des pays démocratiques. Le lien armées-Nation, dans ses différentes dimensions – je pense en particulier au monde combattant et à la mémoire –, fait la richesse de notre ministère et inscrit nos armées dans le paysage national comme une entité forte et solide, soucieuse de transmettre, aider et soutenir.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Votre action est en effet essentielle pour faire le lien entre notre histoire et notre jeunesse.

 

Mme Muriel Roques-Etienne. En préambule, je veux avoir une pensée pour Alain Clerc, profondément engagé auprès des anciens combattants et disparu le 15 mars dernier, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler dans le cadre de la commission tripartite chargée d’examiner la question du point d’indice de pension militaire d’invalidité (PMI).

 

La pension militaire d’invalidité exprime la reconnaissance de la nation envers les personnes blessées ou tombées malades alors qu’elles étaient engagées pour défendre notre pays. Initialement destinée à prendre en compte le préjudice résultant des blessures et infirmités reçues du fait de la guerre, elle a été peu à peu étendue aux maladies et blessures reçues en service en temps de paix, puis à des situations particulières, comme les actes de terrorisme. Au 31 décembre 2020, les services de l’État dénombraient 137 039 pensionnés directs ayants droit ; au 31 décembre 2021, le nombre des pensionnés, ayants droit et ayants cause devrait être de 177 018.

 

Le montant de la pension, qui dépend de la valeur du point d’indice, a toujours fait l’objet de débats, notamment quant à son évolution. Depuis 2005, la valeur du point de la pension militaire d’invalidité est indexée sur l’évolution de l’indice de traitement brut-grille indiciaire élaboré par le ministère chargé de la fonction publique. Depuis dix ans, cette valeur a tendance à se stabiliser. Ainsi, au 1er janvier 2020, elle était fixée à 14,68 euros et sera portée à 14,70 euros selon les services du ministère des armées.

 

À la fin de l’année dernière, Madame la ministre, vous avez installé une commission tripartite en lui fixant plusieurs objectifs : établir un constat de l’indice de traitement brut-grille indiciaire sur lequel est indexé le point de pension militaire d’invalidité, apprécier les avantages et inconvénients de cette indexation, proposer des scénarios d’évolution du dispositif actuel. Composé de plusieurs personnalités, parmi lesquelles des membres d’associations d’anciens combattants, ce groupe de travail s’est réuni à de nombreuses reprises et ses conclusions étaient attendues pour le 15 mars 2021.

 

Après avoir rappelé quels étaient les bénéficiaires de ce dispositif, il s’attache, dans son rapport, à présenter l’historique de l’indexation du point de pension militaire d’invalidité et l’évolution de l’indice traitement brut-grille indiciaire et de l’indice des prix à la consommation de 2005 à 2020. Enfin, il formule de nombreuses propositions afin de trouver une solution de remplacement au système actuel. Plusieurs indices susceptibles de servir de référence ont ainsi été étudiés, comme l’indice traitement brut-grille indiciaire, l’indice de traitement brut ou l’indice des prix à la consommation, chacun des participants ayant pu exprimer sa position.

 

Dans le cadre de ces travaux, j’ai été particulièrement attentive à la maîtrise des coûts et au contexte budgétaire. Mais s’il nous faut toujours veiller à respecter les équilibres financiers, nous devons néanmoins à notre armée en général et aux anciens combattants en particulier la reconnaissance qu’ils méritent. Je suis convaincue que vous partagez cette position. Sans dévoiler les décisions que vous prendrez concernant les propositions de la commission, pouvez-vous nous dire dans quelles échéances et finalités ce rapport va s’inscrire ?

 

M. Rémi Delatte. Madame la ministre, je veux tout d’abord saluer l’un des axes prioritaires de votre politique, à savoir la promotion du lien armées-Nation, notamment auprès des jeunes. Il est en effet essentiel que ceux-ci puissent s’approprier les différentes dimensions et valeurs de la défense.

 

Ensuite, je souhaiterais que vous insistiez sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour accélérer la rénovation immobilière du patrimoine militaire, non seulement parce qu’elle correspond à l’urgence écologique mais aussi parce que nous devons assurer un certain confort à nos militaires et à leurs familles.

 

Surtout, je veux aborder, à mon tour, la question de la valeur du point de PMI, qui fait depuis longtemps l’objet d’un débat. Il est vrai que, depuis les nouvelles règles d’indexation fixées en 2005, ce point connaît un décrochage par rapport à l’évolution des prix, décrochage qui a d’ailleurs justifié l’installation de la commission tripartite. Celle-ci vous a remis son rapport, et vous nous communiquerez sans doute certains éléments de ses conclusions. Mais je tiens à rappeler que, depuis 2017, le décrochage tend à s’accentuer : estimé alors à 3,12 % par vos services, il serait aujourd’hui de l’ordre de 5,17 %.

 

Quel mécanisme retiendrez-vous pour réévaluer le point d’indice PMI, sachant que les associations d’anciens combattants plaident pour qu’il soit adossé à l’indice des prix à la consommation ? Envisagez-vous un rattrapage total du différentiel enregistré depuis 2005, éventuellement sous la forme d’un lissage sur plusieurs années ? Enfin, garantissez-vous la pérennisation de cette réévaluation annuelle sur la base de l’indice des prix à la consommation ?

 

Mme Josy Poueyto. Madame la ministre, j’ai récemment découvert, lors du déplacement en Guyane de plusieurs membres des commissions de la défense de l’Assemblée et du Sénat, les vertus du service militaire adapté (SMA). Ce dispositif, bien connu dans les outre-mer, permet avant tout de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes volontaires âgés de 18 ans à 25 ans, éloignés de la qualification et du marché de l’emploi. Chaque année, ils sont environ 6 000 à bénéficier de ce dispositif. En métropole, le SMA est décliné sous la forme du service militaire volontaire (SMV), qui a également pour objectifs la formation et l’inclusion sociale. Pouvez-vous nous dire quels sont les résultats et les objectifs de ce SMV ?

 

M. Thomas Gassilloud. Madame la ministre, je vous remercie pour la qualité de votre exposé, qui témoigne notamment de votre implication en faveur de la jeunesse et de l’étendue du travail que réalise le ministère dans ce domaine.

 

Les correspondants défense, créés en 2001 par le ministère délégué aux anciens combattants, ont pour vocation de développer le lien armées-nation et de promouvoir l’esprit de défense. Si, au début de 2019, des efforts ont été consentis en faveur du dispositif – je pense notamment au guide pratique établi par la délégation à l’information et à la communication de la défense (DICOD) –, il me paraît nécessaire de revitaliser cette fonction. Du reste, la rubrique qui y est consacrée sur le site du ministère des armées mériterait, me semble-t-il, d’être actualisée.

 

Pourtant, le réseau des correspondants défense recèle un véritable potentiel d’action. Doté d’un correspondant dans chaque commune, il assure un maillage territorial sans équivalent. En outre, ces correspondants, qui sont des élus, sont connectés aux autorités locales et au tissu associatif, qui dispose de leviers d’action. Je crois par ailleurs qu’ils peuvent contribuer utilement à la résilience de la nation, tant le rôle des communes, la crise actuelle le montre, est important dans ce domaine.

 

Quelques actions peu coûteuses pourraient être envisagées. Ainsi, le réseau pourrait être animé par les délégués militaires départementaux (DMD), ne serait-ce qu’à travers l’organisation d’une visioconférence annuelle avec les correspondants défense. Des groupes de travail pourraient être créés à l’échelle des zones de défense. Enfin, on pourrait proposer aux correspondants défense de participer au SNU et d’imaginer, pourquoi pas, des activités après la phase 2, qu’il s’agisse de l’accueil à 18 ans en mairie, de la participation à des commémorations ou de l’intégration d’une réserve communale.

 

Quelle vision avez-vous du dispositif des correspondants défense et quels efforts pourraient être consentis pour mieux les associer à la politique jeunesse du ministère des armées ?

 

M. Yannick Favennec-Bécot. Madame la ministre, Jean-Philippe Ardouin et moi-même avons effectué, à la demande de la présidente de notre commission, une mission flash sur le monde combattant associatif, lequel se trouve à un moment charnière de son histoire. Nous avons la conviction que si le monde combattant n’accepte pas de se réinventer, ses associations risquent de disparaître au cours des dix prochaines années. Aussi évoquons-nous, dans notre rapport, différentes pistes de réflexion, telles que le rapprochement entre certains acteurs fragilisés par le déclin démographique, une modernisation des commémorations – je pense à une évolution de leurs modalités d’organisation, de leur nombre et à la participation du public – ou une intégration meilleure et plus harmonieuse des nouveaux anciens combattants en prenant en compte leurs besoins spécifiques.

 

Dans moins d’un an, débutera la campagne de l’élection présidentielle, qui sera suivie de celle des élections législatives. À compter du mois de janvier, il ne se passera donc plus grand-chose au plan gouvernemental et législatif. Or, nous souhaitons que notre rapport trouve une traduction concrète. Je ne doute pas de votre volonté de donner des suites à nos propositions, mais le temps est désormais compté et je crains un enlisement administratif préélectoral.

 

À titre d’exemple, pourriez-vous nous dire comment l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pourrait s’investir dans chaque département pour faire vivre les orientations et propositions que nous avons formulées dans notre rapport et, surtout, selon quel calendrier précis ?

 

M. André Chassaigne. Je souhaite, pour ma part, revenir sur le rapport de l’historien Benjamin Stora, qui est important pour la mise en œuvre d’un travail de mémoire partagé avec l’Algérie et l’amélioration de nos relations avec ce pays. J’ai bien conscience que les avancées dépendent aussi de la volonté des Algériens de faire évoluer leur rapport à la grande histoire qui est la leur, notamment celle qu’ils partagent, parfois durement, avec la France. Mais l’enjeu est bien ce que les jeunes Algériens peuvent faire de leur grande histoire et de l’imaginaire hérité de la révolution.

 

Je retiendrai quelques-unes des propositions de Benjamin Stora. Tout d’abord, l’installation d’une commission intitulée « Mémoire et vérité », chargée d’impulser des initiatives communes entre la France et l’Algérie me paraît intéressante – l’historien cite, par exemple, la transformation en lieux de mémoire de camps d’internement situés sur le territoire français. Ensuite, il propose la constitution d’un premier fonds d’archives commun aux deux pays, librement accessible, qui doit, me semble-t-il, accompagner ce que j’appellerai une déclassification partagée. Avez-vous quelques précisions à nous apporter sur ce point ? Enfin, l’Élysée a indiqué qu’il n’y aurait ni repentance ni excuses tout en envisageant des actes symboliques. Quels pourraient être ces actes ?

 

M. Jean Lassalle. En premier lieu, je souhaiterais à mon tour savoir ce qu’il en est du fameux point d’indice de la PMI, qui pose encore problème. Ensuite, des chiffres significatifs sont annoncés concernant le service militaire et le service civique. Vous semble-t-il possible que l’ensemble de notre jeunesse se mette, pour une période de dix mois, au service de la France ? Ce serait un élément structurant pour la nation et le vivre-ensemble. Enfin, les cérémonies mémorielles nous manquent. Envisagez-vous de recourir à un palliatif en attendant que nous en ayons fini avec ce maudit COVID ?

 

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Madame Roques-Etienne, je veux tout d’abord vous remercier sincèrement pour votre participation très active et attentive à la commission tripartite sur le point de PMI. Je ne peux que regretter que, contrairement à ce qui était prévu, aucun sénateur n’ait participé à cette commission ; j’aurais souhaité que le Sénat y soit représenté, aux côtés des députés, des représentants d’associations du monde combattant ainsi que du ministère des armées et de celui des comptes publics. Je tiens à remercier également, bien entendu, le président de cette commission, Jean-Paul Bodin, pour l’important travail d’animation et de rédaction qu’il a accompli. J’ai moi aussi une pensée pour Alain Clerc, qui s’est éteint de façon très brutale il y a quelques jours, ainsi que pour sa famille et pour la fédération nationale André Maginot, dont il était un des membres importants et qui réclamait de longue date l’installation de cette commission.

 

Celle-ci m’a remis son rapport il y a quelques jours. Vous l’avez compris, la question est très technique, voire très aride. En 2005, les représentants de l’Assemblée nationale, du Sénat et des associations se sont accordés pour indexer l’évolution du point de PMI sur celle du point d’indice de la fonction publique. Depuis plusieurs années, les associations, estiment que l’évolution de ce point d’indice ne suit pas, pour le dire simplement, celle des prix, de sorte que le point de PMI décroche par rapport au coût de la vie. Elles réclamaient donc la création d’une commission tripartite, que j’ai installée, comme je m’y étais engagée. Je suis très heureuse que cette commission ait pu travailler et rendre ses conclusions, qui nous offrent une base de travail pour la suite.

 

Je remercie tous ceux qui ont participé à ses travaux, et notamment Jean-Paul Bodin pour ce rapport important. Maintenant que les données ont été objectivées et que nous disposons de préconisations, reste à définir l’évolution. Le coût de la vie a effectivement augmenté un peu plus rapidement que le point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI)  qui progresse tous les ans, mais parfois de façon insuffisante. Les évolutions passées apparaissent donc légèrement en dents de scie.

 

Je souhaite présenter aux associations ce rapport. Ensuite, nous intégrerons les décisions dans les discussions budgétaires à venir, pour 2022. Il va falloir trouver un équilibre entre le contexte budgétaire  que nous connaissons  et le besoin de réparation et de reconnaissance, mais aussi évaluer la nécessité d’un « rattrapage », même si je n’aime pas le mot. Telle est mon ambition. La PMI est avant tout une réparation pour les blessés, alors que, pour la retraite du combattant, il s’agit plus de reconnaissance. L’évolution a aussi un effet sur le seuil de la rente mutualiste, qui concerne les militaires.

 

Enfin, il est essentiel pour l’avenir de prévoir une clause de revoyure avec un groupe de travail  une commission tripartite s’il le faut  tous les deux ans, afin que la situation que nous vivons actuellement ne se reproduise plus et que le point d’indice évolue en toute transparence et objectivité par rapport au coût de la vie.

 

Monsieur Delatte, le rapport préconise que le point d’indice PMI continue à être indexé sur le même indice de la fonction publique. Nous poursuivons notre réflexion sur cette base, avec les associations et la représentation nationale et cela fera partie de la discussion budgétaire pour 2022. Je vous remercie tous pour l’attention que vous portez à ce sujet.

 

Madame Poueyto, vous le savez, le service militaire adapté (SMA) est porté par le ministère des outre-mer, mais la participation de nos militaires est essentielle. En métropole, sur ce modèle, nous avons développé le SMV depuis 2015. Il s’agissait initialement d’intégrer 1 000 jeunes par an dans nos six centres. Nous souhaitons passer à 1 500 en 2022, dans un objectif d’insertion. Nous prenons notre part dans cet enjeu national. Bien sûr, les armées ne peuvent  et ne veulent  pas prendre en charge tous les dispositifs d’insertion mais celui-ci est particulièrement pertinent puisque 70 à 75 % des jeunes concernés s’insèrent dans le monde du travail, ce qui est exceptionnel.

 

En 2020, nos objectifs ont été contrariés par la crise sanitaire : nous avons dû interrompre les formations au moment du premier confinement, entre le 14 mars et le 12 mai, et avons décalé les incorporations de 335 jeunes, prévues entre mars et juin. Néanmoins, les recrutements ont concerné 1 091 volontaires  933 jeunes, en complément des volontaires encadrants. Cela rattrape donc en partie la dette organique liée au covid. Je salue le travail des centres de SMV.

 

Nous visons 1 200 volontaires stagiaires et 160 volontaires experts en 2021  ceux-ci sont des volontaires amenés à encadrer les stagiaires –, et 1 500 en 2022. Nous sommes investis et le resterons. Nous travaillons désormais avec des fonds européens et des soutiens régionaux, dans presque toutes les régions  une seule manque à l’appel –, en collaboration avec tous les organismes de formation et les acteurs économiques des territoires, très satisfaits du SMV et qui accueillent volontiers nos jeunes dans leurs entreprises. En effet, notre plus-value, très importante pour les entreprises, c’est le travail que nous effectuons sur le savoir-être.

 

Monsieur Gassilloud, vous m’interrogez sur les correspondants défense. Ils sont particulièrement importants et il appartient à chaque commune de les désigner. J’ai été maire et je me suis beaucoup déplacée depuis quatre ans. Reconnaissons-le, certaines communes ont plus d’appétence que d’autres pour ces sujets. Dans certaines, le correspondant défense est l’élu en charge des commémorations ; d’autres sont beaucoup plus engagées, notamment lorsque d’anciens militaires font partie des équipes municipales. Ils sont alors le relais intéressant, et indispensable, de la politique mémorielle territoriale et de la dynamique des associations. Leur travail est important.

 

Bien sûr, les délégués militaires départementaux jouent un rôle majeur pour créer et animer les réseaux de correspondants défense, et ils le font. Nous devons peut-être amplifier le mouvement, mais aussi encourager les maires des villes moyennes, qui maillent nos territoires et sont les piliers de la République, à désigner des correspondants défense actifs  c’est peut-être plus difficile dans un village de 500 habitants. Si c’est nécessaire, je travaillerai avec l’Association des maires de France (AMF) pour assurer la promotion des correspondants défense et rappeler leur rôle important auprès de la population, et plus spécifiquement auprès de la jeunesse, pour organiser les cérémonies et les événements mémoriels spécifiques au territoire, mais aussi dialoguer avec les associations du monde combattant et avec les unités militaires présentes dans les territoires. Un guide est en cours de rédaction, à leur attention, que nous transmettrons par l’intermédiaire de toutes les associations d’élus des communes françaises. Vous avez raison, il est important qu’ils participent aux réflexions sur le SNU, et ils participeront, à leur niveau, et selon leur volonté. Je l’appelle de mes vœux.

 

Monsieur Favennec-Bécot, je vous remercie pour votre implication avec le député Ardouin dans la mission flash sur le monde associatif combattant. Avec pertinence, vous pointez du doigt des sujets importants et le risque progressif de disparition de nombreuses associations du monde combattant. Vous portez l’attention sur le grand nombre de commémorations  doit-on toutes les maintenir ou mieux les faire vivre ? Vous évoquez aussi les nouveaux futurs anciens combattants  les jeunes en opérations extérieures  qui formeront le gros des troupes du monde combattant dans une dizaine ou une quinzaine d’années.

 

Vous le savez, je travaille en lien étroit avec le monde combattant et les associations nationales, qui sont conscientes de ces sujets  nous avons d’ailleurs mis en place des groupes de travail. Mais il faut respecter le temps et la volonté du monde associatif. Nous ne pouvons pas leur imposer des décisions. D’ailleurs, ce serait impossible  le monde associatif est libre. Nous devons nous appuyer sur eux, au niveau national mais également départemental, car les associations présentes dans chaque département sont souvent moins conscientes de ces difficultés que leurs représentants nationaux, qui disposent d’une vision plus globale. Il faut faire plus pour sensibiliser les associations à ces évolutions inéluctables du monde combattant.

 

Bien sûr, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) est notre partenaire privilégié dans chaque département  notre bras armé si je puis m’exprimer ainsi. Il travaille auprès des associations locales ou départementales afin de les coordonner et d’organiser des moments mémoriels ou des cérémonies avec elles. Il faut saluer son travail, particulièrement important.

 

J’ai demandé à l’ONACVG de réfléchir à vos propositions et de m’en faire. En outre, les directeurs départementaux de l’Office pourront probablement mener une réflexion intéressante sur cette base.

 

Monsieur Chassaigne, le rapport Stora est assez complet, à la fois mesuré et exigeant. Le Président de la République l’a affirmé et le rapport repris : pas de repentance, mais des actes symboliques. C’est l’objectif que nous devons nous fixer et celui que je défends depuis quatre ans que je suis en charge de la mémoire au ministère des armées. À mon arrivée, j’ai immédiatement senti quels étaient les sujets mémoriels liés à la guerre d’Algérie, combien les mémoires étaient fracturées, diverses, quelquefois antagonistes, sur cette période complexe de notre histoire.

 

Immédiatement, j’ai souhaité porter une politique de reconnaissance et d’écoute particulière de chaque mémoire, car chacune est légitime et chacune doit se respecter. Nous devons converger vers l’apaisement, sans vouloir en faire une seule mémoire – ce serait impossible, du moins dans les années qui viennent.

 

En France, l’ONACVG développe des actions particulièrement intéressantes en direction de la jeunesse, en faisant témoigner simultanément dans une même classe différents témoins de cette période : anciens combattants de la guerre d’Algérie, anciens du Front de libération nationale (FLN), anciens rapatriés. Ainsi, toutes ces mémoires parlent en même temps, dans un même établissement scolaire, devant des jeunes. Nous essayons d’ailleurs d’enregistrer ou de filmer leurs témoignages car nos anciens sont de plus en plus anciens et nous souhaitons que le récit de leur expérience puisse servir sur le long terme. Cela peut paraître symbolique, mais illustre l’objectif que nous nous sommes fixés, et que s’est fixé le Président de la République.

 

Le travail mémoriel doit être utile à la France et à l’Algérie pour avancer, sous réserve de la volonté des Algériens d’avancer avec nous. C’est absolument indispensable afin qu’il ne s’agisse pas d’une démarche unilatérale de la France. La proposition d’une commission « Mémoire et vérité » est intéressante pour décliner progressivement différents projets et aborder toutes les mémoires de ce conflit.

 

Vous avez également évoqué le fonds d’archives commun aux deux pays. Nos archives sont ouvertes, notamment celles de notre ministère. Le Président de la République a affirmé sa volonté d’étendre la déclassification au carton jusqu’à 1970 inclus, ce qui comprend toute la période de la guerre d’Algérie. Mais il existe beaucoup d’autres archives concernant la guerre d’Algérie en France. Ce fonds commun est souhaitable, mais il faut que nous avancions des deux côtés de la Méditerranée.

 

Les actes symboliques sont également importants : la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel est un acte présidentiel fort et le Président de la République poursuivra dans cette voie. Les journées commémoratives se succèdent : 19 mars, 25 septembre pour les harkis. Le sujet est difficile, délicat, mais nécessaire. Nous avançons vers le soixantième anniversaire de la fin officielle de la guerre d’Algérie  qui n’a pas marqué la fin des malheurs… Nous serons au rendez-vous, mais de façon apaisée et constructive.

 

Monsieur Lassalle, vous m’interrogez sur la jeunesse et les cérémonies. Vous avez raison, le service national universel est une réponse. Pour autant, vous avez évoqué dix mois au service de la France. Nous n’allons pas recréer un service militaire pour nos jeunes. J’entends que certains le souhaiteraient, mais c’est impossible  l’armée est désormais professionnelle. Elle est jeune et les recrutements sont permanents, compte tenu de l’évolution des conflits, des matériels et des technologies militaires. Nous avons résolument besoin d’une armée professionnelle, régulièrement formée.

 

L’engagement de la jeunesse au service de la France pour une période plus longue, c’est ce que propose le service civique, engagement volontaire, soutenu et piloté par Sarah El Haïry et le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

 

Dans son format actuel  deux semaines de séjour de cohésion et un certain nombre d’heures de mission d’intérêt général, le service national universel vise aussi à stimuler l’engagement des jeunes au service de la France, dans les armées, mais également au sein de la société française, avec le soutien des collectivités et des associations. Nous travaillons sur le champ des possibles, et il est vaste !

 

À terme, chaque année, l’ensemble d’une classe d’âge, soit 750 000 jeunes par an, participera au séjour de cohésion de deux semaines, dans un esprit de cohésion nationale et sociale et de meilleure connaissance de l’autre. Nous les ferons aussi réfléchir aux valeurs de la République et leur présenterons nos armées au cours de la journée Défense et Mémoire.

 

Le rôle des collectivités est important : je lance un appel aux maires pour déployer tous ces dispositifs en direction de la jeunesse. On dit qu’elle souffre ; je crois qu’elle est formidable, qu’on a besoin d’elle, qu’elle est optimiste et qu’elle s’engage. À nous de lui donner les possibilités de s’engager. C’est ce que nous ferons avec le service national universel et ce que nous faisons déjà avec le service civique.

 

Vous avez raison, les cérémonies mémorielles doivent davantage impliquer la jeunesse. En raison du contexte sanitaire, elles ont été organisées dans un format dégradé, mais des jours meilleurs arrivent et elles pourront être plus largement fréquentées. Je souhaite que la jeunesse y soit associée plus activement. Nous allons y travailler avec l’éducation nationale, en lien avec les directeurs départementaux de l’ONACVG. Il faut se retrouver autour de notre drapeau et autour du souvenir de ceux qui ont fait de la France un pays libre, républicain et démocratique.

 

Mme Isabelle Santiago. Je vous remercie pour vos propos. Je vous ai entendue concernant les archives de la défense. Le Président de la République a annoncé l’ouverture d’un travail législatif avant l’été 2021 concernant l’accès aux archives publiques de plus de cinquante ans faisant l’objet d’une mesure de classification au titre du secret de la défense nationale.

 

Cette annonce de révision, précipitée, est la réponse à une forte mobilisation citoyenne, qui est aussi celle d’historiens, de juristes, d’archivistes. Elle arrive alors que deux recours ont été déposés au Conseil d’État, en septembre 2020 et janvier 2021 relatifs à la procédure de classification.

 

Depuis le 1er janvier 2020, une nouvelle instruction générale interministérielle (IGI) subordonne la communication des documents communicables de plein droit  à l’expiration du délai légal de cinquante ans  portant un tampon Secret Défense à une procédure administrative supplémentaire de déclassification. Cette dernière revient à donner à l’administration le pouvoir discrétionnaire de décider si les documents sont, ou non, consultables par les citoyens, alors qu’ils l’étaient de plein droit depuis sept décennies.

 

Pourriez-vous nous donner des précisions concernant ce chantier législatif qui n’est pas de nature à rassurer les historiens, les archivistes et les personnes qui travaillent autour du devoir de mémoire ? Ils dénoncent cette nouvelle IGI et nous ont sollicités depuis plus d’un an au sujet de ces restrictions sans précédent dans l’accès aux archives, alors que leur travail est indispensable pour avancer sur la question de la mémoire et de la transmission.

 

Mme Laurence Trastour-Isnart. Je souhaite appeler votre attention sur la mission militaire française de liaison, active en zone d’occupation soviétique en Allemagne de 1947 à 1991. Elle assurait un soutien aux ressortissants français en République démocratique allemande (RDA), ainsi que des activités de reconnaissance et de renseignement sur les activités et les matériels du groupement des forces armées soviétiques en Allemagne de l’Est, au profit des forces armées françaises, mais également des armées britanniques et américaines.

 

En remerciement des services rendus à la France lors de la guerre froide, le titre de reconnaissance de la Nation ne pourrait-il être accordé par votre ministère aux 426 personnels civils et militaires de la mission militaire française de liaison, afin de reconnaître l’activité quotidienne de la mission et la bravoure de ces hommes, malgré les risques encourus en RDA ? Cette attribution n’entraîne aucune compensation pécuniaire, mais permet l’octroi d’une médaille, la constitution d’une rente mutualiste, l’accueil dans les maisons de retraite dépendant de l’ONACVG et autorise la pose du drap tricolore sur le cercueil.

 

Mme Françoise Ballet-Blu. Ma question porte sur un sujet primordial, celui de la place des femmes au sein des armées françaises. Avec plus de 20 % de femmes, le ministère de la défense français est le quatrième ministère des armées le plus féminisé au monde. C’est une grande fierté pour notre pays.

Mais ce n’est évidemment pas suffisant : la proportion stagne et les femmes sont encore inégalement réparties. Elles représentent 10 % des effectifs de l’armée de terre, contre près de 58 % des effectifs de santé, sans oublier que l’accessibilité aux plus hautes responsabilités est toujours limitée – 7 % de femmes chez les officiers généraux du ministère.

 

Mme la ministre, Florence Parly, et vous-même avez lancé un Plan mixité en mars 2019, qui vise à donner envie aux femmes de rejoindre les armées, à les fidéliser tout au long de leur carrière et à mettre en valeur la mixité. Différentes mesures sont prévues : l’assouplissement de la gestion pour l’accès aux grades et aux responsabilités, la généralisation des référents mixité ou encore le renforcement de la féminisation du haut encadrement militaire. L’objectif est de doubler la part des femmes parmi les officiers d’ici à 2025.

 

Pourriez-vous dresser un premier bilan de ce Plan ?

 

M. Claude de Ganay. Le statut de pupille de la Nation est au cœur des missions de l’ONACVG depuis sa création en 1916. Ce statut permet à la Nation d’exprimer sa reconnaissance envers ceux qui sont morts pour elle, en s’assurant du bien-être de leurs enfants.

 

Au fil des décennies, la structure de nos armées et la nature de leurs engagements ont évolué, de sorte qu’aujourd’hui la quatrième génération du feu est constituée d’engagés volontaires dont les chances de revenir au pays sont fort heureusement élevées. Toutefois, l’endurcissement des engagements et la professionnalisation des armées ont conduit les entraînements préalables aux déploiements des soldats à devenir de plus en plus exigeants. Ainsi, le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) précise que les « militaires sont exposés à la mort durant leur phase de préparation opérationnelle », puisque, pour être efficace, la mise en condition avant projection (MCP) doit se rapprocher le plus possible des conditions réelles de combat.

 

Madame la ministre, alors que les critères ont été assouplis pour que les enfants des victimes des attentats terroristes commis sur le sol français puissent bénéficier de ce statut, il apparaîtrait opportun de créer une mention spéciale pour nos soldats morts en MCP, afin que les enfants qu’ils laissent derrière eux puissent également devenir pupilles. Cela constituerait un geste fort, adapté à la réalité des décès que connaissent nos armées. En outre, cela permettrait de préserver le critère de fait de guerre de la mention « Mort pour la France ». Qu’en pensez-vous ? Où en sont les réunions que vous avez récemment tenues en interministériel sur le sujet ?

 

M. Jean-Marie Fiévet. Le droit à réparation est reconnu par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Il prévoit la gratuité des soins d’appareillage pour les titulaires d’une pension militaire d’invalidité. Les autres affections non pensionnées sont prises en charge à 100 %.

 

L’exonération du forfait hospitalier, issu du droit à réparation, s’applique aux bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité, quel que soit le motif d’hospitalisation. Mais ce droit est remis en cause par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui instaure un forfait réorientation urgences de 18 euros à compter de septembre 2021, dû par les assurés à chaque passage aux urgences. Pour les invalides de guerre, le forfait est réduit à 8 euros. Pour les associations d’invalides de guerre, ces 8 euros représentent une remise en cause de leur droit à réparation.

 

Madame la ministre, ce reste à charge va-t-il être supprimé dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin que nos braves continuent à bénéficier de l’exonération ?

 

M. Jean-Pierre Cubertafon. Afin de favoriser le développement durable au sein des structures militaires  implantation de panneaux photovoltaïques ou d’éoliennes, par exemple –, pourriez-vous nous indiquer quels liens le ministère des armées entretient-il avec les collectivités locales ?

 

Mme Florence Morlighem. Depuis mars 2020 et le lancement de l’opération Résilience par le Président de la République, les personnels de santé des armées viennent en aide à nos concitoyens pour faire face à la pandémie de covid-19. J’ai déjà eu l’occasion de rendre hommage à l’action de nos militaires lors de la mise en place d’un hôpital de campagne à Mulhouse, de leur participation aux transferts de malades ou, récemment, de l’acheminement de congélateurs en outre-mer.

 

Pour sortir de cette pandémie, le Gouvernement entend accélérer la campagne de vaccination et je sais que le service de santé des armées y prend toute sa part depuis le 7 janvier dernier. Pouvez-vous faire un point sur l’implication des personnels soignants du service de santé des armées dans la campagne de vaccination contre la COVID ?

 

M. Jacques Marilossian. Je vous remercie pour votre exposé très complet et vos premières réponses. Comme vous l’avez évoqué, le Président de la République a annoncé la déclassification des documents couverts par le secret de la défense nationale de plus de cinquante ans. Les documents relatifs à la Guerre d’Algérie sont concernés et cela aidera les historiens à approfondir cette période.

 

C’est une très bonne nouvelle pour les associations d’archivistes et d’historiens qui réclament l’application sans entrave de la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, loi qui pose le principe de communicabilité de plein droit des archives publiques.

 

Mais, actuellement, l’entrave vient de l’IGI n° 1300 du 30 novembre 2011 sur la protection du secret de la défense nationale, qui bloque la déclassification de plein droit des archives publiques. Nombre d’historiens et d’archivistes ne peuvent plus accéder aux documents classifiés depuis la publication de cette IGI, notamment dans le domaine de la diplomatie et de la défense. Cette IGI – qui n’a donc pas force supérieure à la loi – doit être abrogée.

 

En lien avec les associations d’archivistes et d’historiens, j’ai posé plusieurs questions écrites au Gouvernement. Madame la ministre, suite à l’annonce du Président de la République, un projet de réforme législative est annoncé. Quelle piste est envisagée pour que l’accès aux archives publiques ne soit plus un parcours d’obstacles pour les archivistes et les historiens ?

 

M. Didier Le Gac. En début de semaine, nous avons appris que le Service de santé des armées déploiera avec les pompiers trente-cinq centres de vaccination dont il assurera la gestion. Quel meilleur exemple du lien entre l’armée et la nation ! Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

 

M. François Cormier-Bouligeon. Je vous remercie, Madame la ministre déléguée, pour vos propos sur les liens entre l’armée et la nation, auxquels je suis très attaché, et pour l’excellent travail que vous et vos équipes accomplissez pour nos anciens combattants.

 

Depuis la fin de la guerre d’Algérie, plusieurs centaines de femmes et d’hommes sont morts pour la France en opération extérieure. Depuis 1990, nos troupes sont en effet engagées dans plus d’une centaine d’opérations, bien souvent dans le cadre de missions effectuées sous mandat international, notamment, de l’ONU. Or, il faut onze ans pour que ceux qui, par exemple, sont décédés au Liban suite à une maladie qu’ils y ont contractée soient reconnus « Morts pour la France ».

 

Si je salue l’action des Présidents Hollande et Macron pour la reconnaissance des militaires tombés en opération extérieure à partir de 1963, le Président Macron ayant inauguré le 11 novembre 2019 un monument à leur mémoire, différentes associations m’ont néanmoins signalé qu’à ce jour, les familles de plus d’une soixantaine d’hommes et de femmes attendent que ces derniers soient reconnus « Morts pour la France ». Quand on voit le chemin de croix qu’a dû parcourir la veuve du caporal-chef Nicolas Verrier pour que celui-ci reçoive les honneurs militaires… Que pouvez-vous faire pour accélérer les procédures et régulariser de telles situations ?

 

M. Jean-Charles Larsonneur. Depuis le début de la législature, nous avons fait de l’amélioration des conditions de vie des militaires un axe fort de la loi de programmation militaire 2019-2025. Selon le rapport d’information sur la politique immobilière du ministère des Armées de nos collègues Laurent Furst et Fabien Lainé, de 2006 à 2016, le budget consacré à l’entretien du parc immobilier est passé de 6 à 2 euros au mètre carré. Nous avons inversé la tendance et c’est une très bonne chose mais il convient maintenant de répondre aux attentes de nos compatriotes en matière environnementale, le Pacte vert pour l’Europe prévoyant la neutralité carbone à l’horizon 2050. Un groupe de travail a rendu ses conclusions l’an dernier et notre collègue Jean-Marie Fiévet poursuit ses travaux.

 

De très nombreux bâtiments ne répondent pas aux meilleurs standards de performance énergétique. Selon ce même rapport, 35 % des logements « défense » utiles se situent en classes F et G contre 22 % à l’échelle nationale. Comment envisagez-vous de réduire la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre du parc immobilier des armées ? Quelles expérimentations sont en cours ? Très concrètement, explorez-vous la piste du cool roofing, de la peinture en blanc des toits des bâtiments, qui a donné de très bons résultats ?

 

Mme Carole Bureau-Bonnard. Votre politique en direction de la jeunesse permettra de renforcer les liens de cette dernière avec l’armée, ce qui nous importe beaucoup, mais je souhaite aborder ceux qui unissent l’armée et la nation à partir de la politique mémorielle.

 

Quelle suite comptez-vous donner au livret « Aux combattants d’Afrique » ? Ne conviendrait-il pas d’en consacrer un aux femmes ?

 

Par ailleurs, la parution du recueil des 318 noms de personnalités issues de la diversité permettra aux élus de donner leurs noms à des rues ou à des bâtiments et de leur rendre hommage dans les bulletins municipaux mais une évaluation des actions qui ont été ou qui seront menées dans les communes est-elle prévue ?

 

M. Jean-Philippe Ardouin. Avec mon collègue Yannick Favennec-Bécot, nous avons rendu nos conclusions de la mission flash sur le monde associatif combattant. Nous avons eu l’occasion d’entendre de nombreux représentants d’associations nationales, notamment sur les pistes pour renforcer le lien entre l’armée et la nation, si important à nos yeux. Nous connaissons également votre implication, Madame la ministre déléguée, et nous vous en remercions.

 

Année après année, nous devons sans cesse réinventer la manière dont on sensibilise la société civile au rôle de nos armées et au sens du sacrifice de nos militaires. Lors des auditions que nous avons menées, les représentants des associations nous ont dit très souvent que la multiplication des journées commémoratives en faisait perdre le sens, voire, suscitait le désintérêt des Français. Certains d’entre eux plaident pour l’unification des mémoires autour de deux ou trois dates symboliques  8 mai, 14 juillet, 11 novembre  quand d’autres pointent le risque d’effacement de certaines commémorations et l’impossibilité, dès lors, d’honorer toutes les mémoires. Quel est votre sentiment sur cette question essentielle ?

 

De surcroît, toutes les associations constatent la baisse de fréquentation des cérémonies mémorielles, notamment, par les jeunes générations. Certaines associations proposent d’y associer le public scolaire et de mieux expliquer le déroulement des cérémonies. Est-il donc envisageable de systématiser la participation de l’éducation nationale ?

 

Mme Sereine Mauborgne. Ces dernières années, le législateur a choisi de donner un statut aux enfants des fonctionnaires autres que militaires ou des bénévoles comme ceux de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) morts « pour l’intérêt général ». Le 19 décembre 2020, le chef de l’État a déclaré : « Je constate que certains cas de blessures ou de décès à l’entraînement, heureusement exceptionnels, ne sont pas toujours bien reconnus, notamment au plan symbolique ou par le soutien accordé aux orphelins. Je sais gré à la ministre déléguée des travaux engagés sous sa direction, qui pourront déboucher sur l’élaboration d’un dispositif qui viendra compléter et mieux articuler ceux en place au titre de « Morts pour la France » et de « Morts pour le service de la Nation » ».

 

Une réflexion est donc en cours au ministère des armées et sur le plan interministériel. Pouvez-vous nous confirmer que vous êtes bien à la manœuvre afin que des dispositifs de reconnaissance et de réparation permettent à des enfants de bénéficier du statut de pupille de la Nation, par exemple, lorsque leurs parents militaires sont décédés au cours d’un entraînement ou d’une OPEX  mais pas au combat  ou que, fonctionnaires, ils ont perdu la vie au service de l’« intérêt général » ? Quels droits ou quel alignement des droits en résulteraient-ils pour les orphelins ? Souhaitez-vous que l’Association nationale des femmes de militaires (ANFEM) participe à ces travaux, comme elle l’a proposé à votre cabinet en ma présence il y a environ quinze jours ?

 

Enfin, souhaitez-vous, comme moi, qu’une différence soit faite entre le « sang versé » et le « sang donné » ?

 

Mme Séverine Gipson. Lors de la présentation de votre plan Ambition Armées-Jeunesse, vous avez évoqué un meilleur ancrage territorial de la politique en direction de la jeunesse. Pourriez-vous préciser sa déclinaison au plus près des territoires ?

 

Mme Patricia Mirallès. Des équipes de spécialistes cynotechniques mènent des expérimentations sur les processus de médiation canine permettant d’offrir aux personnels atteints de stress post-traumatique un accompagnement adapté. Ces derniers mois, j’ai eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises avec des personnels du 132e Régiment d’infanterie cynotechnique, initiateur de ce programme, et je tiens à souligner la pertinence de son action.

 

La mise à disposition de chiens formés pour soutenir ces soldats, parfois brisés, nécessite la formation et l’emploi de dresseurs. Quel regard portez-vous sur cette initiative prometteuse ? Envisagez-vous de la soutenir si elle fait ses preuves ? Pouvons-nous envisager à moyen terme sa généralisation dans les parcours d’accompagnement post-traumatiques ? J’ajoute que ces fonctions d’encadrants constituent elles-mêmes des perspectives intéressantes de reconversion pour les spécialistes cynotechniques.

 

M. Charles de la Verpillière. Les Républicains prennent acte de trois points qui leur paraissent importants à propos du service national universel : nous partageons son principe et nous ferons des propositions constructives ; dans la mesure du possible, il convient de partir de l’existant – notamment, le service civique, le service militaire volontaire, le service militaire adapté – et de ne pas construire d’usine à gaz ; enfin, le SNU ne doit en aucun cas être financé par le budget des armées : nous serons très vigilants pour que la trajectoire financière fixée par la loi de programmation militaire n’en souffre pas.

 

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Je vous remercie pour l’attention que vous portez à nos armées et aux actions de ce beau ministère régalien.

 

Il convient de concilier la liberté d’accès aux archives et la juste protection des intérêts supérieurs de la nation à travers la préservation du secret de la défense nationale. L’application de la disposition prise en 2019 a en effet compliqué le travail des historiens. Nous avons donc recruté une trentaine de personnels pour déclassifier le plus rapidement possible « au carton » jusqu’à l’année 1970 incluse, conformément à la volonté du Président de la République.

 

Le code du patrimoine et le Code pénal doivent être harmonisés afin de mettre un terme à ce que les historiens et les chercheurs vivent comme une entrave. Tous les ministères concernés ont été invités à travailler en ce sens jusqu’à l’été 2021, où des conclusions doivent être rendues. Elles pourraient être intégrées dans notre droit à travers la loi visant à pérenniser les mesures prévues dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT). Comme les autres ministères concernés, le ministère des armées est très mobilisé.

 

Les conditions d’accès au titre de reconnaissance de la Nation sont formelles – au titre de la loi du 21 décembre 1967, il faut quatre-vingt-dix jours de présence dans un conflit – et les demandes reconventionnelles sont nombreuses : réservistes participant à des opérations intérieures, sapeurs-pompiers militaires, marins embarqués dans les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), gendarmes. Je vous répondrai précisément à propos des 426 personnes de la mission militaire française de liaison, Madame Trastour-Isnart, mais il convient à mes yeux de maintenir ces dispositions en l’état et de les réserver aux combattants car cela a du sens pour nos armées d’active et le commandement.

 

L’ONACVG prend en charge les jeunes enfants de tous les « Morts pour la France », de tous nos soldats tombés au combat. Ont été rajoutés à ces pupilles de la Nation les enfants de personnes victimes d’attentats et la question se pose en effet de l’ajout d’autres catégories, dont les enfants de personnes ayant participé à un effort national important. Nous y travaillons, sous l’égide du Premier ministre, avec tous les autres ministères, dont ceux de la santé et de l’intérieur. Cette réflexion devrait aboutir très prochainement, peut-être à travers la création d’une nouvelle mention.

 

Le législateur a instauré dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre le régime dit des soins gratuits, auquel nous tenons. Près de 21 millions lui ont été consacrés dans le PLF en cours. Je précise que ce régime s’applique exclusivement aux accidents et complications résultant de la blessure ou de la maladie qui donnent droit à la pension militaire d’invalidité. Ce n’est que dans ce cadre strict que les invalides de guerre sont exonérés du forfait journalier ou du ticket modérateur. Pour les autres soins, en cas de passage aux urgences, ils ne sont pas couverts au titre du CPMIVG et peuvent avoir à s’acquitter d’un ticket modérateur, comme tous les Français, dont le montant est proportionnel au tarif des soins, ce qui peut engendrer des restes à charge élevés pour les patients ne bénéficiant pas de complémentaire santé. Les invalides de guerre tendant à vieillir et à développer des pathologies liées au vieillissement et non à leurs blessures sont de façon plus générale encouragés à prendre une complémentaire santé. Le PLFSS pour 2021 prévoit que le forfait patient urgences s’élève à 18 euros pour tous les Français et, pour les titulaires de PMI, à 8 euros. Ce forfait, de plus, sera obligatoirement couvert par les complémentaires santé. La situation n’est donc pas franchement défavorable pour les titulaires de PMI et la singularité de leur situation a été prise en compte.

 

Le lien est toujours très fort entre les commandants des emprises militaires et les responsables des collectivités locales. Partout, les élus locaux ont conscience de l’importance qu’elles revêtent : ces hommes et ces femmes vivent au pays, fondent des familles, les entreprises bénéficient des marchés publics et les territoires profitent des investissements prévus par la loi de programmation militaire. Le lien, à la fois humain, mémoriel et économique, favorise les dynamiques territoriales.

 

Il va de soi que nous tenons informées les collectivités de nos politiques mais, également, que des conventions peuvent être passées avec elles. Des communes peuvent ainsi utiliser nos emprises comme « compensations écologiques » lorsqu’elles souhaitent, par exemple, développer du photovoltaïque. Cela aussi, c’est le lien armées-Nation !

 

Il convient de donner l’envie aux femmes de rejoindre nos armées, d’y rester et d’y faire carrière. Les premiers résultats sont encourageants. De plus en plus de Français jugent que, dans les armées, les femmes sont beaucoup plus considérées à l’égal des hommes que dans d’autres secteurs de la société ; 81 % des personnels militaires ou civils du ministère des armées jugent que ce dernier favorise l’égalité entre les femmes et les hommes. En deux ans, les effectifs des femmes ont augmenté dans nos armées de près de 5 %. La situation ne stagne donc pas. Aujourd’hui, les femmes représentent 16,1 % des effectifs militaires contre 15,8 % en 2018, le taux de féminisation global des armées ne pouvant bien sûr varier qu’en fonction des entrées et des sorties au sein de l’institution. Enfin, près de 25 % des sous-officiers recrutés en 2020 sont des femmes, contre 22 % en 2018.

 

Nous avons également assoupli les parcours professionnels pour permettre à chacune de mieux concilier les projets de maternité avec ces grandes étapes de la vie professionnelle d’un militaire que sont les examens et les concours. Florence Parly et moi-même sommes très attentives à poursuivre notre action en ce sens.

 

Enfin, les référents « mixité-égalité » – on en compte actuellement 900 – ont été généralisés.

 

Je crois pouvoir dire que nos armées sont assez exemplaires en la matière et que nous avons mis en œuvre ce que nous avions décidé. J’ajoute que nous travaillons avec tous les états-majors pour que tous les métiers soient attractifs pour les femmes mais il conviendra, bien en amont, de faire en sorte que celles-ci s’intéressent aux professions technologiques et à l’ingénierie, ce qui facilitera d’ailleurs leur intégration au sein de nos armées, qui offrent des emplois très qualifiés.

 

La politique de vaccination s’inscrit pour nous dans la lignée de l’opération Résilience engagée l’année dernière, avec un soutien médical et logistique. Depuis le mois de décembre, nous avons ainsi envoyé des « super congélateurs » et un grand nombre de vaccins notamment aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie, à Mayotte et, le 20 mars, à Saint-Pierre-et-Miquelon.

 

Nous nous mobilisons également pour vacciner nos personnels et nous associer aux efforts de la santé publique. Nos hôpitaux militaires sont pleinement engagés, avec plusieurs centres de vaccination, y compris en soutien de la médecine de ville. Nous ferons tout ce que nous pourrons et  nous pourrons intervenir dans le domaine logistique, dans le cadre d’éventuelles installations de « super » centres de vaccination. Les armées, une fois encore, seront au rendez-vous.

 

Madame Bureau-Bonnard, le livret sur les combattants africains, dont nous avons pris l’initiative dès la fin 2019, a été mis à la disposition de tous les maires. Le ministère de Mme Nadia Hai a porté, quant à lui, le projet de noms complémentaires, dans des domaines en grande partie différents de celui de la mémoire combattante. Nous travaillons à présent à un livret comportant des biographies de soldats de tous nos territoires et départements d’outre-mer, qui ont été très nombreux à prendre part, de façon importante et courageuse, à tous les conflits. Nous sommes en train de le finaliser avec le ministère des outre-mer.

 

Il serait peut-être intéressant, à l’avenir, de décliner des petits livrets à l’échelle départementale ou régionale consacrés à des combattants, originaires de ces territoires, afin de donner du sens, localement, à l’engagement et de soutenir des maires qui souhaiteraient attribuer leur nom à des lieux de leur commune.

 

Monsieur Larsonneur, nous travaillons sur notre immense parc immobilier qui compte 55 000 bâtiments sur tout le territoire. Les enjeux sont énormes, qu’il s’agisse de rénovation, de construction, notamment de logements ou de bâtiments techniques indispensables au nouveau système d’armes qui arrive dans nos unités. Ils correspondent à des investissements considérables inscrits dans la loi de programmation militaire. Les crédits doivent être consommés et les réalisations menées à bien. Nous devons être au rendez-vous de ces transformations progressives, même si la LPM ne suffira pas à elle seule à régler tous les problèmes. En tout cas, la dynamique est enclenchée : cela est reconnu dans toutes les unités dans lesquelles je me rends.

 

S’agissant de l’idée de peindre en blanc le toit des bâtiments pour lutter contre la chaleur intérieure, j’ai plutôt le sentiment que les états-majors de nos armées préfèrent le camouflage des infrastructures. Trouvons donc une juste mesure.

 

S’agissant de la stratégie de performance énergétique, notre parc immobilier devrait atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui est très ambitieux compte tenu de son état, à la suite de sous-investissements chroniques. Nous avions également fixé une baisse de 40 % de la consommation d’énergie fossile en 2030, ou encore une diminution de 54 % des émissions de gaz à effet de serre à la même échéance. Atteindre ces objectifs passe par l’application des normes énergie positive et haute performance environnementale pour les constructions neuves, ainsi que par l’application des normes BBC – bâtiment basse consommation – pour les opérations de réhabilitation lourdes à usage tertiaire.

 

Le niveau minimum E2C1 est notamment attendu pour les constructions nouvelles de logements domaniaux prévues dans notre prochain contrat de concession.

 

Nous nous étions également fixés comme objectif, en termes de signature de contrats de performance énergétique (CPE), d’en signer au moins deux sur la période 2020-2025. Or il est largement atteint : six CPE étaient notifiés fin 2020, trois sont prévus en 2021, grâce d’ailleurs aux crédits du plan de relance énergétique qui nous permet d’accélérer cette politique, et six sont actuellement en cours de montage.

 

Il s’agit donc d’une politique très importante, puisque 280 millions d’euros seront investis dans les CPE entre 2020 et 2026 et que le plan de rénovation énergétique des bâtiments, au sein du plan de relance, dont la mise en œuvre va être très rapide, correspond à 207 millions d’euros d’investissement. Cela ira du changement de chaudière à l’accélération de la rénovation thermique de bâtiments.

 

Afin que chacun puisse mesurer ce que cela représente, je prendrai l’exemple de La Valbonne où un CPE a été signé en 2013 pour vingt ans, et plus de 12 millions d’euros investis : diminution de 80 % des émissions de gaz à effet de serre et augmentation de près de 60 % du recours aux énergies renouvelables, alors que les objectifs étaient respectivement de 60 % et de 40 %. En plus de l’impact positif pour l’environnement, on y constate une économie de 350 000 euros par an pour l’unité : c’est énorme. Nous devons donc poursuivre dans ce sens.

 

Nous innovons également avec le développement du projet ENSSURE, retenu par l’Agence européenne de défense (AED) et qui vise à rendre autonome un site militaire pour ses besoins énergétiques liés aux infrastructures.

 

Comme vous pouvez le constater, nous nous saisissons entièrement de ces sujets, avec les moyens qui sont les nôtres aujourd’hui et nous nous adapterons au fil de l’évolution de la recherche, pour atteindre nos objectifs.

Je remercie M. Jean-Philippe Ardouin pour sa mission flash sur le monde associatif combattant.

 

Nous avons onze commémorations nationales de conflits, mais certains d’entre eux ont deux, trois ou quatre dates, et d’autres se sont ajoutées. C’est un nombre important. J’en discute avec les associations  j’ai d’ailleurs créé un groupe de travail sur cet enjeu. Certaines sont très réticentes. Or nous ne sommes pas là pour créer des sujets de crispation autour de la mémoire combattante : cela revient à respecter les anciens combattants qui sont là avec nous.

 

Nous évoluons sur les dates des commémorations, leur nombre et leur signification. Il est vrai qu’un conflit commémoré au travers de trois ou quatre dates peut donner l’impression de diluer les transmissions, alors que les mémoires sont très précises. Nous avons encore besoin de conserver ces différentes commémorations, parfois spécifiques ; les choses évolueront, de toute façon.

 

Commémorer autrement, oui. Ainsi, nous avons tenté, lors de la crise sanitaire, de retransmettre certaines cérémonies, ce qui a permis de toucher beaucoup plus de personnes. Nous pouvons également réaliser avec l’éducation nationale un travail mémoriel plus important en amont des commémorations. Ces différents sujets sont sur la table ; il faut continuer d’y réfléchir. Mais je veux respecter les anciens combattants, qui attendent de nous que nous reconnaissions la mémoire qu’ils ont de ces conflits, et toutes les mémoires. Regardez la guerre d’Algérie : nous sommes encore dans ces temps-là.

 

Madame Gipson, nous allons bien entendu continuer à travailler à l’ancrage territorial des dispositifs en faveur de la jeunesse avec les DMD, les commandants de formation administrative et les réservistes en charge de la politique jeunesse. Mon souhait, dans le cadre du plan Ambition armées-jeunesse, est que nous fassions mieux et partout. Par exemple, les classes de défense et de sécurité globale sont réparties de façon très inégale dans le pays. Certains départements, où les implantations militaires sont très importantes, en comptent très peu. Cela tient au fait que les projets sont souvent soutenus par des professeurs, des principaux de collège ou des proviseurs de lycée, parfois anciens militaires, qui s’intéressent à ces questions. Nous devons donc travailler à rattacher à des établissements scolaires des unités militaires diverses. Florence Parly a ainsi rattaché notre ministère, en particulier son cabinet militaire, à un lycée parisien. Dans les départements où n’est implantée qu’une fanfare militaire, par exemple, celle-ci doit être rattachée à un établissement scolaire afin de favoriser le maillage territorial. Je souhaite que cela soit fait de façon très volontariste.

 

Lorsqu’un collège ou un lycée comprend une classe de défense et de sécurité globale, l’ensemble de l’établissement en bénéficie : il suffit d’y faire entrer un drapeau associatif, par exemple, et d’expliquer les actions menées par cette classe. Cette imprégnation est importante. Le nombre de ces classes est passé de 270 à 370 ; l’objectif de le doubler est très ambitieux mais réaliste. Nous devons encourager leur développement.

 

Madame Mirallès, je sais, en tant que médecin, l’importance de la prise en compte à long terme des blessés psychiques. Leur maladie n’est pas linéaire ; elle évolue constamment et nécessite que nous soyons très attentifs et humbles. Nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour améliorer la santé de ces femmes et de ces hommes qui ont été blessés dans leur chair et dans leur âme.

Les animaux, on le sait, peuvent jouer un rôle thérapeutique intéressant. Du reste, j’ai participé, à Fontainebleau, à l’un des stages équins qui sont organisés pour les blessés post-traumatiques. Le projet que vous avez évoqué, élaboré par la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre, en lien avec l’université de la Sorbonne, l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et la Société protectrice des animaux (SPA), est intéressant et doit faire l’objet d’une expérimentation, au même titre que tous les autres projets. Si, au terme de son évaluation, cette expérimentation se révèle pertinente, nous envisagerons, sinon de la généraliser, du moins de l’étendre progressivement. Je suis favorable à ce type d’approches. Nous devons bien entendu nous prémunir contre les méthodes un peu curieuses qui n’ont pas fait leurs preuves sur un plan scientifique, mais l’apport des animaux dans le traitement de ce type de maladies est souvent très positif.

 

Par ailleurs, le dispositif Athos permet de proposer un accompagnement psychosocial, et non médical, à des blessés psychiques et de les aider à reprendre un peu d’assurance. Il est expérimenté dans deux maisons, à Bordeaux et à Toulon. Nous intervenons dans ce domaine de façon très volontariste, car nous ne laissons pas tomber nos blessés, physiques ou psychiques : nous les accompagnons dans la durée.

 

Enfin, monsieur de La Verpillière, les préparations militaires sont assimilées à la phase 2 du SNU. Il ne faut pas réinventer l’eau chaude tous les jours : le service civique, le service militaire volontaire sont des dispositifs de plus en plus robustes, que nous devons pérenniser et renforcer. Sur le plan budgétaire, le SNU relève du ministère de l’éducation nationale et non de celui des armées, dont le rôle est de participer à une journée et de recruter et former les encadrants. Il est doté d’un budget propre qui, cela ne m’a pas échappé, n’est pas intégré à la loi de programmation militaire.

 

Je crois avoir répondu à l’ensemble de vos questions. On s’aperçoit que les sujets abordés sont très divers et intéressants, et le lien armées-Nation très profond. Je remercie les députés en général, en particulier les membres de votre commission, qui contribuent beaucoup au maintien et au renforcement de ce lien dans les territoires par leur participation aux cérémonies, leur soutien aux associations du monde combattant, à la jeunesse et à nos armées.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous avez fait la plus belle des conclusions. Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir évoqué l’ensemble des questions dont vous avez la charge et dont vous vous occupez avec passion. Nous en mesurons l’importance, l’ampleur et la diversité puisque, au-delà des politiques propres au lien entre la Nation et nos armées, nous avons abordé le domaine culturel, sous l’angle des archives et du patrimoine, l’importance de la mémoire et des anciens combattants, ainsi que les actions menées auprès de la jeunesse, qui a tant besoin d’être reconnue. Je me réjouis de la mise en cohérence de ces actions dans le cadre du plan Ambition armées-jeunesse 2022, et je partage votre volonté d’en étendre davantage encore le maillage territorial avec l’aide des élus et des collectivités territoriales.

 

La rationalisation de la politique d’archivage et la facilitation de l’accès aux archives paraissent indispensables. Je me rendrai, avec certains de mes collègues, dans les services concernés pour identifier leurs difficultés et les mesures qu’il convient de prendre au niveau législatif, conformément au souhait du Président de la République. J’ai noté votre volonté d’accélérer ce travail législatif et de lui trouver une place dans l’agenda parlementaire avant la fin du deuxième trimestre 2021. Enfin, je vous félicite pour vos projets en matière environnementale. Votre passion et votre détermination nous obligent.

 

 

 

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La séance est levée à douze heures quinze.