Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de Mme Florence Parly, ministre des Armées, sur le rapport au Parlement 2021 sur les exportations d’armement de la France.


Mardi
29 juin 2021

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 69

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Françoise Dumas, présidente


 


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La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Madame la ministre, cette audition, qui est un rendez-vous annuel traditionnel, vous permet de présenter au Parlement le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France et permet à notre commission d’exercer son pouvoir de contrôle sur les axes et le contenu de cette politique.

Elle revêt, cette année, une dimension particulière, en raison de la crise sanitaire et du contexte économique. Cette crise est la principale explication de la baisse de 41 % du montant des prises de commandes par rapport à l’année précédente. Ce recul, qui se justifie également par l’absence de contrat supérieur à 500 millions d’euros, est considéré comme ponctuel – vous nous l’expliquerez : il est lié à un fait du calendrier et ne traduit en aucune manière une tendance de fond. De fait, la France conserve sa troisième place mondiale en tant qu’exportatrice d’armement et le nombre des licences délivrées ainsi que leur montant sont restés globalement équivalents en 2019 et en 2020, ce qui témoigne de la vitalité à l’exportation de notre base industrielle et technologique de défense (BITD).

Cette audition revêt également une dimension particulière en ce que ce rapport annuel suit la parution, en novembre 2020, du rapport d’information de nos collègues Jacques Maire et Michèle Tabarot sur le contrôle des exportations d’armement, dans lequel ils émettent toute une série de recommandations destinées à améliorer ledit contrôle. À la suite de la publication de ce rapport parlementaire, une réunion s’est tenue le 19 juin dernier avec le Premier ministre et vous-même mais aussi avec les présidents des commissions de la défense nationale et des affaires étrangères de l’Assemblée et du Sénat ainsi qu’avec les deux co-rapporteurs. Les conclusions de cette réunion ont fait l’objet d’un communiqué de presse du Premier ministre détaillant les mesures qui devraient être adoptées pour renforcer l’information du Parlement.

Parmi ces mesures figure tout d’abord l’extension de cette information concernant les biens à double usage qui présentent une proximité avec les matériels de guerre. Cette évolution, qui est déjà perceptible dans le rapport pour 2020, devrait déboucher sur la publication d’un document spécifique à partir de 2022 ainsi que sur une réforme de la commission interministérielle des biens à double usage. Ensuite, l’ensemble des services concernés, notamment ceux des affaires étrangères et ceux de l’économie et des finances, sont appelés à venir à vos côtés devant le Parlement afin d’apporter cette nécessaire vision interministérielle. Enfin, l’amélioration du contenu du rapport annuel se poursuivra : il devra comporter davantage de précisions, notamment sur la répartition géographique des refus de licences et le devenir de ces dernières.

Le Premier ministre nous a indiqué que les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de ces améliorations seraient prises dans les meilleurs délais ; nous serons, bien entendu, avec les autorités de cette maison, très attentifs à leur application.

En attendant, le rapport pour 2020 est de nature à susciter bien des commentaires sur les objectifs de la politique d’exportation, ses orientations géographiques, ce que les chiffres disent de la santé de la BITD française et sur la dimension européenne de cette politique, qu’il s’agisse de l’adoption de règles d’exportation communes ou de l’encouragement à développer au niveau européen des filières dites ITAR free, en référence à l’International Traffic in arms regulations. Je ne doute donc pas que nos collègues auront de nombreuses questions à vous poser.

Je conclurai en évoquant l’année 2021, qui semble tenir ses promesses grâce notamment au succès du Rafale à l’exportation. En ce qui concerne la Grèce et la Croatie, les ventes concernent des Rafale d’occasion, appelés à être prélevés sur les avions de combat de l’armée de l’air et de l’espace. Les exportations sont habituellement considérées comme un gage permettant de produire les équipements de nos armées à des coûts maîtrisés. Dès lors, doit-on s’inquiéter du développement de ce marché de l’occasion ? Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que ces ventes, dont nous percevons l’intérêt du point de vue stratégique, ne s’effectueront pas au détriment des capacités de nos armées ?

Avant de vous donner la parole, madame la ministre, je souhaite la bienvenue à notre nouvelle collègue, Catherine Daufès-Roux, devenue députée du Gard, en remplacement d’Olivier Gaillard, démissionnaire de son mandat, et qui a rejoint notre commission.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Je vous remercie pour cette invitation rituelle qui me permet de vous présenter le rapport annuel sur les exportations d’armement – celui qui porte sur l’année 2020 vous a été remis le 1er juin dernier, comme le prévoit la loi –, rapport que nous nous efforçons, depuis quatre ans, de rendre chaque année plus riche.

L’an dernier, la publication du rapport sur les exportations d’armement réalisées en 2019 était intervenue au lendemain du premier confinement et de la première vague de la crise sanitaire. Nous savions déjà que cette pandémie portait des signes annonciateurs d’une récession économique sans précédent depuis 1929. Le rapport que je vous présente aujourd’hui est le premier à en mesurer les effets sur nos économies mais aussi sur le comportement des décideurs publics.

Malgré la crise sanitaire et la crise économique qui en a résulté, notre industrie a su s’organiser, avec le soutien de l’État, pour honorer au mieux ses engagements, apporter des réponses adaptées aux enjeux de défense et maintenir le lien de confiance avec ses clients. Nos coopérations d’armement et l’activité de nos industries de défense ont été résilientes – permettez-moi de remercier toutes celles et tous ceux qui y ont contribué. Mais, comme on pouvait s’y attendre, le ralentissement des relations commerciales avec nos clients à l’export, l’annulation d’un certain nombre de salons d’armement ainsi que les ajustements budgétaires auxquels certains pays ont dû procéder pour faire face à la crise sanitaire ont eu, en effet, un impact sur les prises de commandes. Celles-ci sont donc en retrait en 2020 : elles s’élèvent à 4,9 milliards d’euros – je reviendrai sur les tendances que nous observons en 2021, qui semblent traduire un phénomène de rattrapage.

Néanmoins, la vitalité à l’exportation de notre base industrielle et technologique de défense est demeurée remarquable. Le nombre des licences délivrées ainsi que leur montant restent globalement équivalents à ceux de 2019. Ce résultat est important à plusieurs égards. D’abord, il marque la résilience de notre industrie de défense et sa capacité à contribuer à la reprise économique de notre pays. Il consolide ainsi la place de la France dans le « top 5 » des exportateurs mondiaux, en nous permettant de conserver la troisième place, condition indispensable pour maintenir dans la durée notre modèle d’armée complet. Notre politique d’exportation, à laquelle j’ai souhaité donner une orientation résolument européenne, contribue depuis quatre ans à construire notre souveraineté et notre autonomie stratégique. Enfin, ce résultat est le reflet de nos objectifs stratégiques dans d’autres régions du monde, notamment le renforcement de notre présence dans la zone indopacifique, notre implication dans la préservation de la stabilité régionale au Moyen-Orient ainsi qu’en Afrique et la lutte contre le terrorisme dans les pays concernés.

J’ajoute qu’en dépit de la crise sanitaire, le contrôle des exportations a continué à être rigoureusement assuré grâce à une mobilisation interministérielle sans faille et à la dématérialisation d’un certain nombre d’activités.

La crise sanitaire a eu, je l’ai dit, un impact immédiat sur les exportations d’armement de la France. La prise de commandes est en baisse par rapport aux années précédentes, du fait des reports de décision de plusieurs prospects et de la suspension temporaire de certaines discussions commerciales. Voilà pourquoi en 2020, il n’y a pas eu de contrat supérieur à 500 millions d’euros. Comme j’aurai l’occasion de l’évoquer, cette absence de « grands contrats », comme on les appelle, a été rapidement rattrapée, dès le mois de janvier 2021.

Les mesures de lutte contre la propagation du virus au niveau mondial, notamment les confinements, les fermetures de frontières, ont sans aucun doute retardé les négociations commerciales. Face à cette situation, la mobilisation a été générale : l’équipe France était à pied d’œuvre pour conserver sa position sur le marché à l’export et le ministère des armées, à travers la direction générale de l’armement, a accompagné les industriels dans leurs démarches pour atténuer les conséquences financières de retards éventuels. Ainsi, nous avons notamment pu préserver, dans des conditions très difficiles, le convoyage des avions Rafale en Inde.

Lors de ma dernière audition sur le sujet, j’évoquai ma priorité : éviter que le choc économique provoqué par la pandémie n’affecte trop durement notre base industrielle et technologique de défense. Depuis le début de la crise sanitaire, le ministère des armées s’est mis en ordre de bataille pour soutenir l’ensemble des entreprises de la BITD. Nous avons d’abord adapté nos procédures administratives de mise en paiement, que nous avons simplifiées afin, par exemple, de payer immédiatement toutes les factures des petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui étaient d’un montant inférieur à 5 000 euros. Nous avons également réduit les délais de paiement à nos fournisseurs, et nous poursuivons cet effort : en 2020, ces délais étaient de quinze jours, contre dix-huit en 2019 et vingt-deux en 2017. Quant à nos paiements directs aux PME, ils ont augmenté pour atteindre, en 2020, 5,4 milliards d’euros.

Ces différentes mesures s’inscrivent bien entendu dans le cadre du plan Action PME, qui s’attache à faciliter l’accès des PME et des ETI aux commandes du ministère. Nous savons en effet que celles-ci possèdent des atouts considérables en matière de réactivité et de créativité, des qualités qui sont essentielles pour répondre rapidement et de façon ingénieuse aux besoins de nos armées. C’est donc pour les préserver que nous avons rapidement créé, au printemps 2020, une task force dite BITD chargée de suivre de manière rapprochée plus de 1 300 PME et ETI de notre base industrielle et technologique de défense en leur proposant des mesures adaptées à leur situation propre.

Ainsi, plus de 1 000 audits ont été réalisés au cours de l’année 2020 qui ont permis d’identifier 140 entreprises pour lesquelles des mesures de remédiation ont été mises en œuvre afin de les aider à faire face à la crise. Elles se sont traduites, par exemple, par des anticipations de commandes ou par la révision des plans d’acomptage. Par ailleurs, dans le cadre du plan de soutien aéronautique présenté en juin 2020, nous avons décidé d’accélérer plusieurs commandes prévues dans la loi de programmation militaire, pour un montant de 600 millions d’euros, qui permettent de maintenir plus de 1 200 emplois pendant trois ans, et ce dans toute la France. Ces commandes, qui concernent trois avions ravitailleurs MRTT (Multi Role Tanker Transport) Phénix, huit hélicoptères Caracal, un avion léger de surveillance et de reconnaissance ainsi que des drones pour la marine nationale, bénéficient pour moitié aux sous-traitants des grands industriels. Elles ont donc contribué à la résilience de notre industrie de défense.

Mais cette dernière ne peut se maintenir grâce aux seules commandes nationales. Notre défense marche en effet sur deux jambes : la jambe nationale et celle des exportations. L’export joue ainsi un rôle crucial dans la pérennisation de la BITD et de notre souveraineté. Cela peut paraître paradoxal, mais les seules commandes nationales ne suffisent pas à remplir les carnets de commandes de notre industrie de défense ; si nous ne vendions pas d’équipements à l’exportation, nous n’aurions pas une base industrielle et technologique de défense aussi dynamique, innovante et qualifiée.

Les prises de commandes permettent en effet de pérenniser des savoir-faire uniques sur le long terme. Ce sont des filières de compétences que nous maintenons sur notre territoire en vendant à l’exportation. Et si nous pouvons revendiquer avec fierté notre souveraineté industrielle concernant bon nombre d’équipements de pointe, comme les systèmes électroniques et optroniques, les frégates ou les avions de combat, c’est parce que notre industrie est sans cesse en production, et ce grâce notamment aux exportations d’armement.

Pour construire un Rafale, on fait appel à des dizaines de corps de métiers de haute technicité et à des compétences très spécifiques. Si l’on s’en tenait aux commandes nationales, nous ne bénéficierions pas du même niveau de technologie et de sécurité pour cet avion de combat. Si nos clients export bénéficient de nos investissements dans nos nouvelles capacités, il faut aussi remarquer que les développements demandés par ces clients à l’exportation, comme l’Inde ou le Qatar, ont, par ricochet, également bénéficié à nos armées. Je peux citer, par exemple, le développement de la voie infrarouge de l’optronique secteur frontal, qui équipera nos futurs Rafale et qui permet d’améliorer la détection d’avions furtifs.

Produire en continu permet indéniablement d’améliorer les performances technologiques et d’intégrer les retours d’expérience des utilisateurs. Voilà pourquoi les exportations sont essentielles à la pérennisation de notre BITD ainsi qu’au maintien de compétences uniques en France, qui fondent notre souveraineté, qu’elle soit française ou européenne – j’y reviendrai.

Si je suis une avocate infatigable de nos exportations, c’est aussi parce qu’elles sont un moteur de notre économie et de la vitalité de nos territoires. Actuellement, elles contribuent à occuper 200 000 personnes qui travaillent sans relâche pour construire des équipements qui contribuent à bâtir nos armées du futur. En 2017, l’industrie de défense comptait 165 000 emplois en France ; en seulement quatre ans, grâce aux commandes issues des exportations et à celles issues de la loi de programmation militaire, nous avons créé 35 000 emplois, partout en France.

En Bretagne, par exemple – j’espère que les élus des autres territoires ne m’en voudront pas : je suis à leur disposition pour leur communiquer les chiffres de chacune des régions françaises –, où est implantée notre industrie navale, qui séduit de nombreuses marines étrangères, on dénombrait, en 2017, 14 600 emplois liés à la défense ; à la fin de l’année 2020, ce nombre a été porté à 18 000. Nous avons donc créé 3 600 emplois dans cette région ! Cela s’explique, certes, par les commandes de la LPM, mais pas uniquement : en 2019, les prises de commandes dans le secteur naval ont représenté environ 50 % des exportations françaises d’armement et, en 2020, nous avons vendu trois patrouilleurs au Sénégal.

Pour donner un exemple concret de l’impact des exportations sur nos emplois, je rappelle que, pour tenir la cadence de production d’un Rafale par mois, 7 000 emplois sont mobilisés, non seulement chez Dassault, dans son usine du Nord, à Seclin, et dans celle de Haute-Savoie, à Argonay, mais aussi dans près de 500 PME qui contribuent à la chaîne Rafale et qui sont implantées partout en France. Ainsi, grâce aux commandes grecques et égyptiennes de ce début 2021, nous assurons la pérennité de milliers d’emplois français jusqu’à la fin de l’année 2025. Au total, et en ne comptabilisant que les commandes de Rafale passées en ce premier semestre 2021, le ministère des armées assure près de 10 000 emplois et fera vivre autant de familles durant les cinq années à venir.

J’en viens aux exportations de l’année 2020. Celles-ci ont reposé sur un socle important de contrats inférieurs à 200 millions d’euros dont le montant total s’élève à 4,4 milliards d’euros, contre 3,7 milliards l’an dernier. Ces contrats concernent des matériels souvent issus de PME, qui démontrent une fois de plus la valeur de référence de l’offre française, le maintien en condition opérationnelle, la formation ou la modernisation de matériels existants.

Quelques éléments sur la structure de nos principaux contrats export de l’année 2020.

Tout d’abord, cette année le confirme une fois de plus : l’Europe est bien devenue notre horizon. En effet, 25 % des prises de commandes ont été à destination de pays européens – je parle ici des États membres de l’Union européenne et des pays extérieurs à l’Union –, parmi lesquels figurent le Royaume-Uni et la Grèce, qui font partie de nos six premiers clients. L’Europe est ainsi la principale destination des exportations françaises en 2020 ; l’effort fourni en ce sens au cours des quatre dernières années est donc couronné de succès.

Néanmoins, nous ne pouvons pas nous reposer exclusivement sur le marché européen. Nous avons donc tissé, partout dans le monde, des liens importants avec d’autres États qui nous permettent de consolider nos coopérations d’armement. Je tiens à souligner, car ce point n’est peut-être pas très apparent dans le rapport, que, cette année, les États-Unis sont notre deuxième client. Nous avons vendu à ce pays essentiellement des sonars.

Le Proche et le Moyen-Orient restent évidemment une zone majeure pour nos exportations d’armement : le montant des prises de commandes s’élève à 1,160 milliard d’euros en 2020. Dans cette région, nos intérêts de sécurité sont nombreux, qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme, de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ou de la protection de nos approvisionnements. Nous cherchons donc à y nouer des partenariats solides avec les pays qui veulent moderniser leurs forces armées et jouer un rôle dans la stabilisation régionale. Les Émirats arabes unis, l’Égypte, le Qatar et l’Arabie saoudite sont des partenaires de premier plan, mais je pense aussi à d’autres pays, comme l’Irak, avec lequel nous avons récemment relancé une coopération ambitieuse.

La région Asie-Pacifique est également une région prioritaire où nos exportations d’armement viennent à l’appui des partenariats stratégiques que nous voulons construire avec des pays soucieux de maintenir la stabilité régionale et de contribuer à la préservation d’un accès libre aux espaces communs. Je pense notamment à l’Inde et à l’Australie, mais nous avons aussi de belles opportunités avec l’Indonésie, les Philippines et Singapour.

Je souhaite à présent vous donner quelques indications concernant l’année 2021, sur laquelle nous fondons beaucoup d’espoirs car nous attendons, de la part des clients qui avaient différé certains investissements, un effet de rattrapage. Nous ne sommes qu’au mois de juin mais, grâce aux seuls contrats déjà conclus – je pense notamment à l’export des Rafale en Grèce, en Croatie et en Égypte –, nous devrions d’ores et déjà nous appuyer sur un socle de 7,5 milliards d’euros de prises de commandes.

Malgré la crise, le marché mondial de l’armement doit être appréhendé dans le contexte d’une croissance mondiale des dépenses militaires. Selon un rapport publié chaque année, celles-ci ont progressé, en 2020, de 3,9 %, pour atteindre un montant total de 1 380 milliards de dollars. Il faut y voir le signe du retour de la compétition stratégique entre puissances, notamment dans des régions comme la Méditerranée, le golfe arabo-persique ou la zone indopacifique. Tout cela contribue à maintenir à un niveau élevé les dépenses militaires, notamment celles liées à l’acquisition de nouvelles capacités.

La prise de conscience de nos intérêts de sécurité partagés progresse en Europe et permet d’avancer sur plusieurs sujets qui nous sont chers. La coopération structurée permanente, dont nous sommes un promoteur actif, a permis de faire émerger un grand nombre de projets fédérateurs qui répondent aux besoins de nos armées. Après des négociations qui nous ont demandé beaucoup d’énergie et une grande attention, l’Union européenne a créé un fonds européen de défense, doté de près de 8 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Ce fonds doit permettre à l’Union européenne de contribuer au développement de la base industrielle et technologique de défense européenne.

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette montée en puissance de l’Europe de la défense depuis le début du quinquennat. Comme je l’ai annoncé la semaine dernière, lors du débat sur la remontée en puissance de nos armées, organisé au titre de l’article 50-1 de la Constitution, le choix de nos amis Grecs et Croates d’acquérir respectivement dix-huit et douze avions Rafale illustre parfaitement la dynamique européenne qui est la nôtre.

Ces deux ventes, dont le succès est le fruit du travail mené par l’équipe France en 2020, sont très emblématiques. La Grèce est en effet devenue le premier pays de l’Union européenne à acquérir notre avion de combat. Cette opération s’inscrit dans le prolongement de notre volonté de renforcer les partenariats européens et de promouvoir la préférence européenne – ce n’est pas, à mon sens, un gros mot. Ces prises de commandes sont des signaux positifs qui nous sont envoyés par nos partenaires. Ce n’est pas un hasard, car nos armées font la démonstration quotidienne, en opérations, de la qualité de l’offre française. Nous commençons ainsi à récolter les fruits de l’orientation européenne que nous donnons à notre politique d’exportation depuis quatre ans. Cela récompense nos efforts soutenus en faveur de la construction de l’Europe de la défense et de la souveraineté européenne, que nous promouvons jour après jour.

Depuis quelques années, les exportations d’armement sont régulièrement mises sur le devant de la scène ; elles sont au cœur de nombreux débats, qui sont importants. Il est fondamental d’être précis et rigoureux s’agissant des informations que nous partageons en la matière. Donner aux Français les moyens de comprendre et d’utiliser ces informations, c’est aussi notre rôle.

D’année en année, nous travaillons à améliorer le rapport au Parlement sur les exportations d’armement, pour le rendre plus précis, plus accessible et plus transparent. Ce rapport peut ainsi être lu par tous, et c’est heureux car les Français ont besoin de transparence et de clarté. Tout est pensé pour leur donner, ainsi qu’à vous-mêmes, qui êtes leurs représentants, des clés de compréhension et pour tenter de refléter l’examen minutieux effectué pour chaque demande de licence en prenant en compte des paramètres aussi variés que nos intérêts stratégiques, les enjeux industriels et le respect de nos engagements internationaux.

La parution de ce rapport annuel intervient quelques mois après la présentation par les députés Jacques Maire et Michèle Tabarot de leur rapport de la mission d’information parlementaire sur le contrôle des exportations d’armement. Nous avons d’ores et déjà commencé à intégrer leurs propositions, notamment en offrant, dans le rapport qui vous a été transmis, davantage d’informations sur les refus de licence ainsi que sur la procédure de contrôle des biens à double usage, qui fera, dès 2022, l’objet d’un rapport spécifique.

Le Gouvernement a par ailleurs exprimé, par la voix du Premier ministre, sa disponibilité pour avoir davantage d’échanges sur ces questions sensibles dans le cadre du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Il vous a ainsi indiqué qu’un décret modifiant le code de la défense matérialisera la volonté de l’exécutif de renforcer le dialogue avec le Parlement sur ces sujets.

Par ailleurs, les auteurs du rapport proposent l’instauration d’un contrôle a posteriori des exportations d’armement par l’intermédiaire d’une délégation parlementaire bicamérale qui disposerait d’un accès à l’information classifiée. Naturellement, la création d’une telle délégation relève de l’organisation interne du Parlement, mais je tiens à préciser que nous ne soutenons pas cette proposition, dans la mesure où elle se heurterait précisément au principe de la séparation des pouvoirs et aux règles qui régissent le secret de la défense nationale. Je considère, pour ma part, que ce travail nous permet de continuer d’avancer dans la voie de la transparence, de plus en plus requise, sur la question sensible des exportations d’armement, et je veux en remercier vos rapporteurs.

Pour résumer, l’année 2020 a marqué un retrait dans les prises de commandes de nos partenaires étrangers – nous nous y étions préparés. C’est pourquoi nous redoublons d’efforts pour l’année à venir. Le début de l’année 2021 est très encourageant, grâce aux trois prises de commandes majeures par la Grèce, la Croatie et l’Égypte. Elles sont une excellente nouvelle. Elles créent d’abord une dynamique de partenariat extrêmement précieuse dans notre environnement stratégique immédiat. Elles vont consolider des secteurs industriels de souveraineté essentiels pour l’avenir de notre défense. Notre politique d’exportation et les efforts consentis par le ministère des armées n’ont en effet qu’un seul objectif : assurer la sécurité de nos concitoyens en tout temps et en toutes circonstances, en disposant d’armées entraînées, préparées et équipées.

Enfin, les exportations d’armement sont une des conditions de notre souveraineté. Elles sont essentielles pour notre autonomie, le maintien de notre modèle d’armée complet, notre économie et les 200 000 emplois de notre industrie de défense. Je veillerai donc à ce que la politique d’exportation d’armement continue de se développer, en stricte conformité avec nos engagements, nos lois et les traités internationaux.

M. Christophe Lejeune. Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation, Madame la ministre. À cet égard, rappelons que nous avons eu la chance d’accompagner la présidente Françoise Dumas au salon IDEX, qui s’est tenu à Abu Dhabi fin mars. C’est le premier salon international consacré à la défense à se tenir depuis un an. La cinquantaine d’entreprises qui a réussi à s’y rendre, malgré les contraintes sanitaires, a salué votre présence ainsi que celle des parlementaires.

Une entreprise, souvent, doit exporter pour exister et perdurer. Ce faisant, elle contribue à maintenir l’équilibre de notre balance commerciale. Votre ministère présente la particularité d’être intimement lié aux entreprises de la défense qui dépendent des licences d’armement. C’est pour cette raison que vous êtes devant nous aujourd’hui : nous apporter toutes les précisions nécessaires. Comme vous, je me réjouis de la vitalité de nos entreprises, qu’elles doivent à l’excellence de leur savoir-faire mais aussi à la pertinence de la politique d’accompagnement menée par le Gouvernement durant la crise sanitaire. J’adresse toutes mes félicitations à votre ministère qui a su relever cet immense défi.

Depuis les prémices de la loi de programmation militaire 2019-2025, les exportations françaises d’armement ont obtenu des résultats spectaculaires, tant au niveau des prises de commande que du matériel livré, comme en témoignent les dernières ventes du Rafale à l’Égypte et à la Grèce. Relais de croissance indispensable dans un marché contraint et limité, les exportations représentent un complément indispensable à la demande domestique, rendant ainsi notre BITD moins dépendante du client national.

Rappelons ainsi que l’export représente 30 % du chiffre d’affaires de la BITD française. Cependant, malgré un savoir-faire et une excellence technologique remarquables, la position de notre BITD, très fragilisée par la crise, est loin d’être assurée sur les marchés extérieurs. Cela n’est pas sans conséquence pour la pérennité de nombreux emplois dans nos territoires, en particulier ruraux. Principaux viviers de création d’emplois qualifiés et non délocalisables, les ETI et TPE de défense génèrent également une innovation qui irrigue la production des grands groupes, essentiels à notre autonomie stratégique. À cet égard, je salue le lancement du plan Action PME, les dispositifs de soutien à l’innovation et la création du label « Utilisé par les armées françaises ».

Le développement et l’accompagnement des PME et ETI sont des enjeux de politique industrielle de premier ordre pour le ministère des armées, surtout en cette période de sortie de crise. Quelles sont les perspectives d’exportation de la BITD dans les prochaines années ? Disposez-vous d’éléments de nature à rassurer les TPE et TPI de défense, pourvoyeuses d’emplois dans nos territoires ruraux ?

Mme Josy Poueyto. Je salue, Madame la ministre, votre propos instructif et votre présence devant nous aujourd’hui car les enjeux induits par le secteur de l’exportation d’armes sont majeurs pour notre pays. Le rapport que vous avez remis au Parlement met en évidence le soutien apporté par le ministère des armées à nos PME pour conquérir de nouveaux marchés, par l’intermédiaire, notamment, du plan Action PME.

De même, vous avez rappelé que l’État a contribué à la participation des PME aux grands projets d’appel d’offres internationaux mais aussi à leur visibilité sur le marché international.

Le ministère des armées a présenté les différents modes d’accompagnement des PME françaises dans le cadre du plan de soutien qui leur est accordé. Ainsi, la Direction générale de l’armement (DGA) organise des séminaires dédiés à ces entreprises quand elles sont implantées à l’étranger. L’État soutient également l’implantation de ces dernières sur les marchés export les plus dynamiques. Si ces quelques mesures ne sont que des exemples parmi les nombreuses actions menées par le Gouvernement en faveur des PME, elles donnent de très bons résultats.

Quels enseignements avez-vous tirés de ces différentes actions, Madame la ministre ? Quelles seraient vos préconisations ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Je crois, comme vous, Madame la ministre, qu’il est essentiel de donner aux Français les moyens de mieux comprendre les enjeux liés aux exportations dans le domaine de la défense et aux parlementaires les moyens d’y contribuer, en améliorant l’information et le contrôle, chacun restant dans son rôle puisque, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la délivrance de licences relève du Premier ministre et le Parlement peut exercer un contrôle, selon l’article 24 de la Constitution.

En vous appuyant sur les travaux de Jacques Maire, vous avez permis quelques évolutions, qu’il s’agisse du refus de licences ou de la procédure de contrôle des biens à double usage. Un rapport devrait y être consacré. Pour le reste, voyons comment le Parlement pourrait s’organiser. Nous pourrions, par exemple, nous inspirer du modèle britannique des Committees on Arms Export Controls qui permet de fournir un contre-rapport au rapport annuel sur les exportations.

Ma question concerne le financement des entreprises de défense. Le Conseil des industries de défense françaises (CIDEF) vous a fait part de sa profonde inquiétude face au projet de texte de la Commission européenne qui vise à établir de nouveaux critères de label écologique pour les produits financiers. En l’état, ce texte limiterait l’accès au financement des entreprises de la défense. Une consultation est en cours. Que comptez-vous faire pour accompagner nos industries ?

M. Yannick Favennec-Bécot. Les exportations d’armes sont essentielles pour notre pays. Elles contribuent à assurer notre sécurité lorsque notre pays répond aux besoins de défense de ses alliés et renforce ses partenariats stratégiques. Elles participent à la vitalité de notre économie et contribuent à notre autonomie stratégique en maintenant et en développant les savoir-faire et la compétitivité de nos industriels. Enfin, elles jouent un rôle très important dans le rayonnement de notre pays sur la scène internationale.

Hélas, la crise sanitaire n’a pas épargné nos exportations d’armement qui ont chuté de 41 % par rapport à 2019. Si notre groupe avait appelé à l’élaboration d’un véritable plan de relance dans le domaine, nous saluons l’anticipation de certaines commandes dans les secteurs clés, le déploiement d’aides étatiques au bénéfice d’entreprises de notre BITD et le lourd travail de terrain réalisé par la DGA. L’année 2020 fut difficile mais nous nous réjouissons des premières éclaircies apportées par 2021.

Alors que les députés de mon groupe sont résolument européens, nous ne pouvons que nous réjouir de la vente d’avions Rafale à la Grèce et à la Croatie. La confiance que nous accordent nos alliés permettra de renforcer l’interopérabilité entre nos armées et notre culture stratégique commune. Le choix, par un pays européen, de l’offre d’un autre pays européen, est un signe fort qui dépasse le symbole.

En matière d’armement, la France reste un partenaire solide et fiable, reconnu pour la palette et la qualité des produits proposés. Contrairement à d’autres exportateurs, nos produits sont éprouvés, parfois durement, sur le terrain, ce qui est un gage de qualité.

Enfin, notre groupe salue les réponses apportées par le Premier ministre aux préconisations de la mission d’information des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot. La réforme du fonctionnement de la commission interministérielle des biens à double usage, l’alignement des processus d’arbitrage, les autorisations d’exportation des biens à double usage et le renforcement de l’information du Parlement vont dans le bon sens. Nous saluons également les améliorations apportées à ce rapport, notamment pour ce qui concerne la transparence et l’information.

Cela étant dit, nous aimerions vous interroger sur nos exportations d’armement vers la Turquie. Selon le rapport, en 2020, les prises de commande à destination de la Turquie ont dépassé les 42 millions d’euros. Si une analyse manichéenne du monde peut s’avérer dangereuse, nous nous posons tout de même la question de l’opportunité de vendre des armements à un tel partenaire dont le comportement montre qu’il ne veut plus en être un, voire qu’il pourrait devenir un adversaire.

M. Alexis Corbière. Tout d’abord, je vous prie de m’en excuser car j’ai sans doute manqué d’attention mais je n’ai pas entendu votre réponse à Mme la présidente qui vous interrogeait à propos de la vente des avions Rafale et de la compensation que vous aviez évoquée.

Par ailleurs, je ne m’y attarderai pas car vous connaissez notre position, nous souhaiterions que les ventes à l’étranger soient plus transparentes, plus visibles, plus contrôlées par les parlementaires. Au-delà de la question de la Turquie, qui vient de vous être posée, la lecture des rapports annuels montre qu’aucun des pays du G5 Sahel ou des États en guerre contre le djihadisme ne figure dans la liste des importateurs mais le Sénégal est un importateur de taille de nos armements. Or, aujourd’hui, ce pays, où de nombreux opposants sont arrêtés, est traversé par de nombreuses tensions. Pouvez-vous garantir que le matériel que nous leur livrons n’est pas utilisé pour maintenir l’ordre dans ce pays ? Ne faudrait-il pas revoir les licences délivrées ?

Concernant le Tchad, la France a cédé gratuitement d’anciens chars, trop chers à rapatrier. Mais la situation y est extrêmement tendue, de nombreux opposants y sont réprimés. La mère de l’un d’entre eux a récemment perdu la vie à la suite de brutalités. Nos armes ne servent-elles pas, là encore, à maintenir l’ordre ? Ne doit-on pas s’interroger sur la légalité de cette cession gratuite ?

M. Benoit Simian. La remise de ce rapport, qui participe d’une démarche de transparence, permet d’améliorer l’information du Parlement. Nous nous en réjouissons.

La crise a eu des conséquences pour les entreprises de la défense qui ont dû faire face à un double choc de l’offre et de la demande. Les commandes passées par les États partenaires ont ainsi chuté de près de 50 % entre 2019 et 2020. L’enjeu n’est pas seulement macroéconomique, il est aussi territorial en termes d’emplois. Je salue les chiffres que vous nous avez annoncés pour la Bretagne mais je pense aussi à la Gironde qui concentre un nombre important d’emplois industriels dans le secteur de la défense. Je regrette que le plan de relance européen ne classe pas notre BITD au rang des priorités. Une nouvelle fois, l’Union européenne met de côté sa politique de défense et de sécurité. Sur les 40 milliards d’euros européens destinés à la France, combien seront-ils consacrés aux entreprises du secteur ?

Quant à la lutte contre le terrorisme et notre engagement au Sahel, il ressort du rapport qu’en 2020, cette zone a concentré 83 % de l’ensemble de nos cessions gratuites. Suite à l’annonce de la fin de l’opération Barkhane, nous nous interrogeons quant à l’évolution de notre présence dans cette zone. L’État français continuera-t-il à fournir gracieusement des matériels militaires aux pays du Sahel ?

Enfin, l’Arabie saoudite est devenue l’un de nos partenaires privilégiés en matière d’exportations de matériel militaire – 10,5 milliards d’euros entre 2011 et 2020. De surcroît, la France accompagne le développement de l’industrie locale de cet État ce qui pose la question des transferts de technologie. Nos intérêts industriels ne sont-ils pas menacés ? Comment s’assurer que notre savoir-faire ne souffre d’aucune fuite ?

M. Jacques Maire. Je m’exprime également au nom de Michèle Tabarot, en notre qualité de rapporteurs de la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement. Le rapport annuel représente un véritable pas en avant par rapport aux versions précédentes. L’analyse politique, comme économique, du contexte concurrentiel reste d’actualité en 2021 même si la rédaction a débuté en 2018. La crise sanitaire n’a pas bouleversé les équilibres. Les appétits d’armement restent intacts, comme les tensions.

Par ailleurs, nous pouvons souligner le renforcement de la transparence et de l’information au travers, notamment, de l’intégration, à l’annexe 11, du rapport annuel de la France au titre de l’article 13.3 du Traité sur le commerce des armes, de la notification des refus de licence et les premières indications concernant les biens à double usage.

Je m’attarderai sur les décisions prises par le Premier ministre au nom du Gouvernement, pour lesquelles je vous remercie. Sept mois après la parution du rapport, nous sommes heureux que la montagne n’ait pas accouché d’une souris.

Ces décisions sont très positives. Le rapport, initialement, ne devait concerner que l’armement. Nous avons décidé de l’élargir aux produits stratégiques, notamment les biens à double usage, et à l’Europe – ce qui explique la modification de son titre.

L’intégration de biens à double usage dans les produits stratégiques est une pratique commune dans de nombreux États. En Angleterre, M. Larsonneur l’a rappelé, les comités ont cette double compétence. La France, en revanche, a pris du retard en sous-estimant les risques politiques, juridiques et d’atteinte aux droits de l’homme que font courir ces technologies. Les contentieux actuels en témoignent. Les juges se montrent particulièrement attentifs aux risques d’atteintes aux droits de l’homme qu’emportent le criblage, la cybersurveillance, que les victimes soient des Libyens ou des Ouïghours. Ces dispositifs sont en effet beaucoup plus attentatoires aux droits de l’homme qu’un système d’armes complexe comme la défense aérienne ou les sous-marins. Vous avez remis à niveau cette question, du point de vue de la communication comme de l’arbitrage.

Par ailleurs, le recentrage des exportations vers l’Europe a du sens car le choix du client est, de toutes les mesures de contrôle, le meilleur indicateur de gestion du risque. Mais plus on s’intègre au niveau industriel en Europe, plus on est tenu par des élastiques dans nos capacités d’exportation. Or se contenter d’exporter en Europe n’est pas suffisant pour amortir notre base industrielle. Si nous ne mettons pas en cohérence nos systèmes de contrôle export, nous arriverons dans une impasse. C’est pourquoi nous avons proposé de commencer à travailler avec des parlementaires des pays de la Letter of Intent (LoI), dans un cadre intergouvernemental et non communautaire. Nous pourrons ainsi promouvoir des solutions sur le modèle de celles retenues dans l’accord franco-allemand de 2019.

Suite à vos deux décisions relatives à l’implication du Parlement et au contrôle des biens à double usage, la balle se trouve dans le camp du Parlement. À cet égard, nous n’avons pas réellement proposé de créer une délégation parlementaire par crainte des querelles de chapelle. Commençons par travailler dans un climat de confiance, en nous appuyant sur un dispositif le plus léger possible. De la confiance naîtront les solutions et votre proposition de modifier par décret le code de la défense pour matérialiser la volonté de l’exécutif de renforcer le dialogue avec le Parlement nous satisfait.

Nous passerions donc d’un débat annuel à partir d’une contribution du Gouvernement sur le seul sujet de l’armement à un débat annuel enrichi, autour de trois composantes : l’armement, les biens à double d’usage et le compte rendu d’activité de la commission de travail, dans la limite de ce qu’elle peut partager. Nous avons proposé de distinguer entre ce qui relève des questions ou des inquiétudes liées à un contrat ou un enjeu particulier, que l’on ne doit pas rendre publiques pour ne pas déstabiliser la relation avec le client, et ce qui tient à des recommandations ou des réflexions plus politiques, susceptibles d’enrichir le débat. Le rapport que nous avons réalisé avec de nombreux commissaires de la défense prouve que l’on peut aborder le sujet de l’exportation d’armements sans porter atteinte au secret défense.

La législature s’honorerait à terminer un cycle complet l’année prochaine. Le consensus est possible car il est dans notre intérêt de progresser ensemble. Vous nous offrez la possibilité, Madame la ministre, de nous adresser aux Français dans trois directions complémentaires, positives pour le respect de nos engagements internationaux, pour la défense car le contrôle parlementaire renforce la légitimité de l’exportation d’armement, pour l’équilibre des pouvoirs à l’heure où les Français demanderont aux élus d’exercer pleinement leurs responsabilités.

Mme Florence Parly, ministre des Armées. S’agissant du Rafale, nous découvrons, en quelque sorte, le marché de l’occasion. Il faut y voir un développement heureux, sous certaines conditions. Cela permet d’entrouvrir une porte et de mettre un pied chez le client : nous avons vendu à la Grèce des Rafale d’occasion, mais aussi des avions neufs. C’est un phénomène positif si cela se traduit – ce qui sera le cas – par des commandes compensatoires pour l’armée de l’air et de l’espace, qui cédera des avions actuellement en opérations. Cette évolution répond à une préoccupation que nos partenaires expriment avec force et qui reflète le climat de tension géopolitique dans lequel nous vivons : l’urgence à disposer de ces appareils. La production d’appareils neufs requiert évidemment un certain délai. Cela étant, nous sommes tributaires de ces mêmes délais pour notre approvisionnement auprès des industriels. Nous avons engagé un effort considérable d’amélioration du maintien en conditions opérationnelles de nos avions, ce qui nous a permis de mobiliser des appareils qui étaient, depuis un certain temps, indisponibles. Les perspectives d’exportation d’avions d’occasion nous ont permis d’accélérer le processus. L’émergence de cette demande nous offre la possibilité d’élargir encore davantage nos partenariats en matière d’exportation d’armements. Il faut toutefois s’en tenir à des limites acceptables ; cette évolution n’est pas extensible à l’infini.

Nous avons commandé à Dassault les douze avions destinés à remplacer ceux qui ont été cédés à la Grèce. Une commande similaire a vocation à être passée, à la suite de la cession du même nombre d’appareils à la Croatie. Il ne faut pas nourrir d’inquiétude : les avions seront remplacés et les objectifs que nous avons validés dans le cadre de la loi de programmation militaire ont vocation à être respectés, à quelques exemplaires près, d’ici au jalon de 2025.

S’agissant des exportations pour 2021, j’ai indiqué que nous nous appuyons sur le socle très significatif des contrats déjà conclus. Il faut toutefois être prudent : si certains contrats ont été conclus commercialement et sont entrés en vigueur, d’autres devraient être dans ce cas prochainement – mais je n’ai aucune inquiétude à ce sujet. Le contrat grec est déjà entré en vigueur.

Au-delà de ces contrats, nos exportations dépendent des négociations en cours. Nous nous déployons sur tous les fronts. Je veux rendre un hommage appuyé aux équipes de la DGA et à l’ensemble des industriels, qui ont été mobilisés comme jamais, dès la fin du premier confinement. Je me suis rendue dans au moins une des usines de chacun de nos grands industriels. Nous nous rencontrons souvent dans le cadre de mes visites aux PME. Les industriels ont été au rendez-vous, et l’équipe France est omniprésente sur l’ensemble des marchés sur lesquels nous avons des prospects.

Quels enseignements la période que nous venons de vivre m’a-t-elle inspirés ? S’agissant de notre politique d’exportation, il me paraît indispensable que nous agissions en meute, comme s’y emploient – pas nécessairement dans le domaine des industries de défense – d’autres pays. Cette action doit reposer sur plusieurs piliers. Le premier d’entre eux, ce sont nos armées, qui testent et éprouvent, sur les théâtres d’opérations, dans des conditions parfois extrêmement difficiles, des matériels qui pourront ensuite être présentés à nos partenaires et clients comme ayant été utilisés par les armées françaises. Nous en avons fait un label, car nous avons constaté que c’était un élément différenciant sur le plan commercial. On peut faire avancer les négociations en faisant intervenir les utilisateurs, qu’il s’agisse de l’armée de terre, de la marine nationale ou de l’armée de l’air. Ceux-ci offrent aux éventuels acquéreurs une vision concrète des capacités des matériels et des équipements.

Notre action en la matière repose en deuxième lieu sur les industriels, qui sont déployés sur les marchés export. Ils ont souffert de l’absence de salons de l’armement au cours des derniers mois, lesquels constituent des lieux essentiels pour la présentation des matériels et des savoir-faire.

Le troisième pilier de notre politique d’exportation est l’État, dont l’action revêt plusieurs dimensions. J’ai insisté sur le rôle de la DGA, mais je voudrais aussi saluer le travail de nos ambassadeurs, l’action des membres du Gouvernement, qui ont à cœur de mettre en avant nos capacités lors de leurs déplacements à l’étranger et, bien entendu, le rôle des parlementaires, qui contribuent à la notoriété de nos industriels et de nos équipements.

J’ai tiré une seconde leçon de la crise, cette fois-ci sous l’angle du soutien aux PME. Premièrement, nous avons eu raison d’enclencher, avant la crise sanitaire, le plan Action PME, qui revêt plusieurs dimensions. D’une part, le ministère des armées réserve une partie de la commande publique à ces entreprises. D’autre part, nous veillons à la relation entre les grands industriels donneurs d’ordre et la chaîne de sous-traitance. Nous avons signé, avec plusieurs groupes, des chartes de bons comportements pour nous assurer qu’une commande passée à un industriel aura des répercussions tangibles sur l’ensemble de la chaîne. Nous sommes attentifs à ce que les paiements effectués à l’entreprise de tête ne soient pas captés à son seul profit, mais bénéficient à l’ensemble des fournisseurs. Le plan Action PME nous a permis d’aborder la crise sans être totalement désarmés.

Deuxièmement, la force de soutien à la BITD, que nous avons déployée pendant la crise, a eu des effets très positifs. La crise nous a conduits à établir le carnet de santé de nombre d’entreprises, principalement des petites et moyennes structures. Cela a permis d’offrir des réponses aux problèmes spécifiques de certaines sociétés. Je pense en particulier à celles qui exercent dans les secteurs qui ont été les plus touchés. Les entreprises de l’aéronautique, par exemple, ont beaucoup plus souffert que celles qui sont spécialisées dans les équipements terrestres. Nous avons décidé de pérenniser l’examen des sociétés par les agents de la DGA. En 2021 et en 2022, il conviendra d’apporter des réponses personnalisées aux PME. Nous avons mobilisé des outils très variés, comme l’accélération des commandes, le versement d’acomptes plus élevés, pour offrir de la trésorerie, ou encore la participation aux discussions entre une entreprise et son banquier pour faciliter l’octroi de financements bancaires.

J’en viens au financement des entreprises du secteur de la défense. Le durcissement des réglementations en termes de responsabilité sociale et environnementale peut être préjudiciable aux industries de défense. J’ai constaté, non sans une grande surprise, qu’un projet qui sera soumis à l’Union européenne place les industries de défense sur le même plan que les entreprises des secteurs pornographique ou des jeux d’argent. Nous ne pouvons pas laisser faire cela sans réagir. La taxonomie influe sur le traitement réservé à un secteur d’activité selon sa classification. Ce phénomène a touché l’industrie nucléaire. On le voit à présent gagner le domaine des industries de défense. Je me suis entretenue très récemment avec Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, qui partage pleinement notre vision. Nous allons entamer une campagne ardente auprès des autorités européennes pour faire comprendre qu’on ne peut pas à la fois se réjouir des efforts récemment réalisés en faveur de la construction d’une Europe de la défense, de l’émergence d’outils de financement de nos industries de défense – par exemple à travers le fonds européen de défense – et, dans le même temps, saper, par la législation, les efforts engagés. Rappelons que les compétiteurs sont nombreux et puissants à l’échelle mondiale, tandis que l’industrie européenne est encore trop fractionnée. L’industrie de défense n’est pas comparable à celle des centrales à charbon ou au secteur pornographique. La discussion sur ce sujet ne fait que commencer.

Les avancées que nous sommes en train d’accomplir en matière de transparence, qui portent sur des sujets extrêmement sensibles, sont précieuses et relèvent de l’exigence démocratique. Cela étant, je suis parfois amenée à constater que le rapport sur les exportations d’armement, que nous enrichissons chaque année, et qui constitue une mine de renseignements, n’est pas assez connu. Je ne suis pas sûre que la procédure britannique soit plus riche et plus transparente que la nôtre, comme certains d’entre vous l’ont déclaré. Nous avons des mécanismes différents, des systèmes juridiques distincts. Je crois pouvoir dire que vous trouverez dans notre rapport des informations qui ne figurent pas dans celui du parlement britannique – à moins que ce dernier ait connu des changements substantiels au cours des deux dernières années. Inversement, on peut trouver dans les travaux britanniques des éléments qui n’existent pas en France. En tout état de cause, vous disposez d’un outil qui répond à de nombreuses questions. Nous améliorerons toutefois la typographie dans la prochaine édition, pour rendre la lecture plus aisée.

La France a suspendu en octobre 2019 tout projet d’exportation vers la Turquie, à la suite de l’action militaire menée par ce pays dans le nord-est syrien. Nous avons passé en revue toutes les licences en cours de validité pour évaluer le risque d’emploi en Syrie. Aujourd’hui, nous examinons au cas par cas, de manière extrêmement rigoureuse, les demandes exprimées par la Turquie. Nous tenons compte de ses activités militaires, non seulement en Syrie, mais aussi dans le Caucase et en Méditerranée. Les volumes des prises de commandes sont désormais descendus à des niveaux relativement faibles – 42,2 millions en 2020. Nous accordons une attention particulière aux PME concernées par les licences. Une part de ces commandes est liée à l’entretien de matériels que nous avons déjà livrés.

Une proportion élevée des exportations vers le Sénégal, en 2020, concerne les trois patrouilleurs armés construits par les chantiers Piriou, qui seront livrés d’ici à deux ans. Ces navires ne peuvent être utilisés pour assurer le maintien de l’ordre ; ils sont destinés à la sécurisation des côtes. En tout état de cause, toute demande de licence, quel que soit le pays concerné, fait l’objet d’un examen minutieux permettant d’évaluer l’ensemble des risques d’emploi éventuels de l’armement.

Nous entretenons une coopération militaire historique avec le Tchad. Compte tenu des moyens financiers de ce pays et du rôle qu’il joue dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, il est naturel que nous lui cédions des matériels. Nous lui avons remis récemment neuf véhicules, engagés pour la protection des frontières. Aucun d’eux n’est positionné à N’Djamena et n’est susceptible de participer au maintien de l’ordre.

Nous allons évidemment continuer à aider les pays du Sahel à lutter contre le terrorisme. Nous ne quittons pas la région. Ces États, qui figurent parmi les plus pauvres du monde, ont accompli des efforts militaires considérables. De plus, une force conjointe G5 Sahel a été constituée. Tout cela milite pour que nous continuions à soutenir ces pays. Par ailleurs, l’Union européenne a créé la facilité européenne pour la paix, qui financera l’octroi d’armements létaux à un certain nombre de pays, parmi lesquels les États sahéliens.

Au cours de la période récente, nous avons entretenu avec l’Arabie Saoudite des relations en dents de scie, les volumes de commandes atteignant, certaines années, des niveaux très faibles, avant de remonter, comme c’est le cas en 2021. L’Arabie saoudite modernise ses armées, entend développer une base industrielle et technologique de défense, doit protéger son territoire face aux attaques nombreuses et récurrentes qu’elle subit, notamment sous la forme de tirs balistiques. Nous lui avons livré des équipements destinés à assurer sa protection face aux missiles sol-air.

Par ailleurs, un nombre croissant de pays cherchent à développer leur base industrielle de défense. Nous inscrivons donc notre coopération en matière d’armement, avec l’Arabie saoudite comme avec d’autres clients, dans cette logique. C’est ce que nous faisons dans le cadre des contrats en cours, concernant, par exemple, les patrouilleurs, construits par une entreprise basée à Cherbourg. Nous veillons évidemment à ce que les transferts de technologie soient convenablement protégés, afin de conserver la possibilité d’exporter. Il faut, à chaque fois, réaliser un arbitrage au plus juste entre la satisfaction d’un client qui souhaite légitimement développer ses activités sur son territoire, et la préservation des technologies dont nous ne souhaitons pas qu’elles soient détenues par ces pays.

Mme Mireille Clapot. Merci, Madame la ministre, pour la qualité de ce rapport, et d’accepter de vous livrer à cet exercice de présentation devant la commission de la défense élargie aux membres de la commission des affaires étrangères.

Je suis depuis longtemps favorable à un contrôle parlementaire accru des ventes d’armes. Cette exigence répond à une demande de l’opinion publique, qui veut en savoir plus. Si l’action de la France devait être mise en cause devant certaines instances internationales, ce que je ne souhaite pas, il serait indispensable que la nation fasse bloc, ce qui requiert qu’elle soit bien informée. Je salue, à cet égard, le travail accompli par Jacques Maire et Michèle Tabarot, et je me réjouis des décisions annoncées le 19 juin, dont certaines relèvent du Parlement. La liberté parlementaire consiste précisément à nous emparer de ces outils, qui se bonifient d’année en année.

Depuis un peu plus de deux ans, je surveille particulièrement la situation des droits humains en Égypte, qui est dramatique, en particulier pour les prisonniers politiques. Je m’intéresse spécialement au cas de Ramy Shaath, qui aura passé deux ans en détention administrative le 5 juillet prochain. Mais il n’est pas seul : les prisons égyptiennes sont pleines de personnes détenues, au nom de la lutte contre le terrorisme, et nous devons le prendre en considération.

L’annexe 14 du rapport indique que l’Égypte reste le quatrième client en prises de commandes. Au cours des dix dernières années, le cumul des commandes s’élève à 7,7 milliards d’euros, soit 9 % du total. Et ces chiffres n’intègrent pas celles qui ont été annoncées en 2021, lors de la visite du maréchal al-Sissi !

Parmi les critères à prendre en compte figure le respect des engagements internationaux. Le rapport rappelle que lorsqu’un pays est connu pour faire un usage disproportionné de la force pour le maintien de l’ordre, les livraisons d’armes ne sont pas effectuées. Le deuxième critère de la PESC 2008, le respect des droits humains, est également mentionné. Je sais que la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) fait un travail formidable, mais je souhaite néanmoins savoir comment ces critères ont été évalués dans le cas de l’Égypte. En page 117, un histogramme présente l’évolution des commandes et le type de matériel livré. Pourriez-vous préciser ce qui entre dans la catégorie ML11 : « matériel électronique et différents composants » ?

En parcourant le rapport, j’ai aussi remarqué que le Nigeria avait fait l’objet de sept cessions onéreuses, représentant la moitié du montant total réalisé à ce titre par le ministère des armées. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Vous soulevez une question principielle, et vous l’appliquez au cas particulier d’un pays, l’Égypte. Je répète l’importance de la clarté sur la manière dont nous conduisons nos politiques d’exportation, en nous conformant aux traités internationaux et aux règles que nous nous imposons dans le cadre de la CIEEMG.

Je comprends parfaitement les interrogations concernant un pays dont les institutions sont différentes des nôtres et qui ne fonctionnent pas comme une démocratie occidentale. Certes, ce pays est engagé à nos côtés dans une région très compliquée, le Proche et le Moyen-Orient, pour essayer de stabiliser l’environnement et lutter contre le terrorisme, mais cet argument ne saurait servir d’excuse pour procéder à des exportations qui pourraient contribuer à réprimer la population égyptienne ou à l’enfermer dans les prisons. Je le dis avec solennité devant vous : le matériel que nous vendons à l’Égypte n’est précisément pas destiné à faire du maintien de l’ordre.

Ainsi, les avions Rafale, qui équipent l’armée de l’air égyptienne et dont nous nous apprêtons à augmenter le nombre, ne contribuent en aucune façon au maintien de l’ordre en Égypte, pas plus que les navires que nous lui avons vendus pour équiper sa marine. J’ajoute, mais cela n’a rien à voir avec le sujet qui nous occupe aujourd’hui, que les relations de coopération que nous avons développées avec ce pays facilitent la discussion sur les sujets sensibles et difficiles du respect des droits de l’homme. Lors d’un déplacement au début de l’année 2019, j’ai ainsi pu constater que le Président de la République avait abordé ces questions, non seulement en privé, mais aussi en conférence de presse, et qu’il avait reçu des ONG qui défendent les droits de l’homme en Égypte. Les relations étroites nouées avec ce pays dans le cadre du combat contre le terrorisme nous autorisent à avoir un dialogue franc.

S’agissant du Nigeria, nous avons vendu un bâtiment hydrographique, qui a vocation à améliorer la connaissance des fonds marins. Nous avons également cédé des moteurs pour des appareils alpha jet. Il est vrai qu’il ne s’agit pas d’un pays avec lequel nous entretenons couramment des relations commerciales de cette nature.

M. Jacques Maire. Au sujet de la Turquie, nous avons certes suspendu l’exportation de matériel à la suite de l’offensive en Syrie. Mais je lis dans le rapport que, dans le cadre du dialogue au sein du COARM, le groupe « Exportations d’armes conventionnelles » du Conseil européen, nous avons des échanges avec nos partenaires visant à avoir une approche coordonnée à l’égard de ce pays. Cela signifie-t-il de façon opérationnelle que l’approche est très homogène au niveau européen pour déterminer ce que nous exportons ?

Mme Florence Parly, ministre des Armées. Nous nous efforçons d’avoir l’approche la plus européenne possible. Lorsque nous sommes amenés à prendre une décision de refus d’exportation à l’égard d’un pays, nous en faisons part à nos partenaires au sein du COARM. Notre objectif est d’éviter des approches concurrentes sur le plan économique et peu lisibles sur le plan diplomatique à l’échelle de l’Europe.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci pour ces réponses claires et précises. Le succès de nos exportations est le fait de la cohésion et de la mobilisation de toute l’équipe France : le Gouvernement, les industriels, les militaires. Les parlementaires y contribuent également, chacun de sa place, selon ses centres d’intérêt, les territoires qu’il défend et dans le respect de nos industriels, des plus petites aux plus grandes entreprises. Je profite de la présence de deux membres de la commission des affaires étrangères pour saluer aussi le travail considérable des ambassades à ce titre.

Madame la ministre, chacun mesure votre engagement pour faire reconnaître l’excellence française sur les marchés étrangers. Vous vous êtes présentée comme une avocate, je vois en vous une ambassadrice.

 

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La séance est levée à dix-neuf heures vingt.

 

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