Compte rendu

Commission de la défense nationale
et des forces armées

Audition, à huis clos, de M. le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, sur l’actualisation de la LPM 2019-2025.

Nomination des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2022.


Mercredi
30 juin 2021

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 70

session ordinaire de 2020-2021

 

Présidence de
Mme Françoise Dumas, présidente


 


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La séance est ouverte à neuf heures.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, nous sommes heureux de vous recevoir dans notre commission. Il s’agit de votre dernière audition en votre qualité de chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace puisque, le 28 mai, le Conseil de l’Atlantique Nord a approuvé votre nomination au poste de commandant suprême allié pour la transformation. Au nom de l’ensemble de mes collègues, je tenais à vous féliciter de cette nomination à un poste stratégique pour notre pays, et à vous adresser nos remerciements les plus chaleureux pour les échanges que nous avons eus jusqu’à présent. Au cours des trois années que vous avez passées à la tête de l’état-major de l’armée de l’air, vous avez conduit la remontée en puissance de l’armée de l’air et sa transformation, que vous avez matérialisée par son élévation à l’espace.

Cette audition s’inscrit dans le cadre d’un cycle consacré à l’actualisation de la loi de programmation militaire (LPM). Outre les succès que le Rafale a remportés à l’export en Égypte, en Grèce, en Croatie, peut-être en Suisse et, demain, en Indonésie ou en Finlande – la ministre des armées les a évoqués hier lors de son audition –, nous souhaiterions que vous décriviez l’impact que de telles commandes auront sur la flotte d’avions de chasse de l’armée de l’air et de l’espace, et sur son format en 2025.

Il ressort de nos précédentes auditions, notamment de la ministre, qu’une réduction temporaire du parc pourrait être compensée par une amélioration qualitative de l’ensemble de la flotte. Je pense notamment aux pods et aux radars à antenne active. Qu’en attendez-vous ? Quelles seraient les conséquences de ces commandes sur le soutien à l’exportation ?

L’actualité, c’est aussi le feu vert que le Bundestag a donné à une série de programmes d’armement, parmi lesquels figure le système de combat aérien du futur (SCAF). Il y a dix jours, avec vos homologues allemand et espagnol, vous avez effectué une visite aux trois principaux partenaires industriels du SCAF – Indra, Airbus et Dassault Aviation. Pourriez-vous dresser un rapide bilan de ces rencontres et, plus largement, exposer la manière dont les trois armées de l’air travaillent ensemble à définir un besoin opérationnel partagé ?

Nous serions également intéressés par le bilan que vous dressez, du point de vue de l’armée de l’air, du plan de soutien à l’aéronautique, décidé en 2020.

Enfin, lors de son audition, la ministre des armées a cité la lutte anti-drones parmi les domaines où les ajustements capacitaires devaient être opérés en priorité. Nos collègues Stéphane Baudu et Jean Lassalle remettront mercredi les conclusions de la mission d’information sur la guerre des drones. À l’approche de la Coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il serait intéressant que vous nous présentiez les différents programmes de lutte anti-drones, notamment le programme Protection déployable modulaire anti-drones (PARADE), lancé au début du mois de mai et, surtout, que vous fassiez état des réflexions engagées par le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) pour bâtir la police du ciel des drones.

M. Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Madame la présidente, je vous remercie pour vos mots à mon égard. Je suis fier d’avoir été, et d’être encore quelques mois, à la tête de l’armée de l’Air et de l’Espace. Je mesure aussi le plaisir d’être parmi vous, en cette journée de l’aviateur, qui correspond traditionnellement chaque année au mercredi précédant le 2 juillet, en hommage au 2 juillet 1934, date de la création administrative de l’armée de l’air.

Lors de leurs auditions, la ministre des armées et le chef d’État-major des armées ont donné les grandes lignes de l’actualisation de la revue stratégique, en cohérence avec les ajustements apportés à la loi de programmation militaire. Celles-ci visent à prendre en compte les enseignements du court terme, notamment de la crise sanitaire, tout en prenant en considération le long terme.

 

Je souhaiterais tout d’abord exposer la déclinaison dans les domaines aérien et spatial de l’actualisation de la revue stratégique, qui conforte notre ambition 2030. Les grandes priorités pour notre armée de l’air et de l’espace à cet horizon en découlent. Je rappellerai ensuite ce que la LPM a permis de réaliser depuis trois ans, en mettant l’accent sur les principaux travaux en cours et ceux qui restent à poursuivre. Enfin, je dirai quelques mots sur les ajustements, qui doivent nous permettre de renforcer nos capacités pour mieux détecter les menaces, protéger et défendre le territoire national, et enfin mieux nous préparer à affronter les défis à venir.

L’ambition opérationnelle 2030 est celle d’un modèle d’armée complet, autonome sur tout le spectre d’intervention, capable d’« entrer en premier » et d’affronter des conflits de haute intensité. Ce modèle doit être agile, innovant, et permettre de concourir à la résilience de la Nation.

L’environnement dans lequel nous évoluerons en 2030 impose des adaptations. La dégradation du contexte stratégique et géostratégique, notamment les efforts de nos compétiteurs dans le domaine de l’aviation de combat et de l’espace, ouvre des perspectives de conflits de plus en plus haute intensité.

Les conflits que nous avons connus – la guerre des Malouines en 1982, la guerre du Golfe en 1991, et, plus récemment, le conflit de 2008 entre la Géorgie et la Russie – mettent l’accent sur le risque d’attrition, que confirment les grands exercices que nous menons aujourd’hui.

Le plus récent exercice, Atlantic Trident, conduit en mai 2021 sur la base de Mont-de-Marsan, a rassemblé pour la première fois des Rafale F3-R, des F35 de l’US Air Force, de l’US Marine Corps ainsi que des F35 de la Royal Air Force, embarqués sur le porte-avions Queen Elizabeth. Suivant des scénarii très réalistes, 40 avions ont évolué dans de vastes zones, tirant un nombre important de munitions pour atteindre les objectifs et limiter les pertes. A titre d’exemple, sur une mission d’une heure et trente minutes, 75 missiles ont été fictivement tirés et 25 avions ennemis abattus, ce qui laisse présager un fort risque d’attrition dans ce type de conflit.

Cela souligne le besoin de disposer de stocks de munitions, comme le prévoit le troisième axe d’ajustement de la LPM, avec des armements permettant d’agir dans la profondeur et avec précision. Cela illustre également le besoin de disposer d’avions performants, donc de remplacer les Mirage 2000, non polyvalents, par des Rafale, capables d’effectuer simultanément des combats aériens et des attaques au sol, équipés de radars multi-cibles à la capacité de détection accrue – vous avez évoqué, Madame la présidente, les radars à antenne active – et de missiles air-air à longue portée, Meteor, qui nous confèrent la supériorité aérienne. La poursuite de la montée en puissance qualitative et quantitative du Rafale est en ce sens primordiale pour les armées.

Aujourd’hui, les moyens employés par nos compétiteurs sont protéiformes. Ils vont du missile hypervéloce – comme le missile russe Kinjal – aux drones saturants, repérés dans le conflit du Haut-Karabakh. La France fait partie des rares nations qui prévoient de disposer de missiles hypervéloces d’ici dix à quinze ans ; le missile de croisière ASN4G devrait entrer en service en 2035 au profit de la composante nucléaire aéroportée et garantir l’ascendant stratégique.

L’armée de l’air a également une responsabilité dans la protection multi-couches de l’espace aérien. La lutte anti-drones est un enjeu dans la perspective de l’organisation de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques en 2023 et 2024. Elle est incluse dans le deuxième axe de l’ajustement de la LPM.

Par ailleurs, face au développement des stratégies hybrides qui pourraient entraver la liberté d’action et conduire à la paralysie, il est nécessaire d’agir dans tous les champs. La perspective du combat mené dans et depuis le milieu aérospatial nécessite de s’inscrire dans une logique multi-milieux – terre, air, mer, cyber, espace – et multi_champs – électromagnétique, informationnel. Il convient de mettre en synergie toute la gamme des effets permettant d’atteindre nos objectifs. Ce sera l’opportunité d’acquérir et de conserver la supériorité opérationnelle en imposant, sans la subir, la complexité à l’adversaire. L’armée de l’air a la capacité d’agir dans le champ électromagnétique, par ses capacités de guerre électronique, nécessaires en environnement non permissif, et par la production de renseignements d’origine électromagnétique. Elle a également la capacité d’agir dans le champ informationnel : l’arme aérienne est par essence visible, démonstrative, donc informationnelle. Nous avons ainsi déjà évoqué ensemble les démonstrations de puissance des Bomber Task Force, ces raids de bombardiers stratégiques américains, en réponse aux avions à long rayon d’action russes, que nous voyons voler depuis le nord de l’Europe ou à partir de la mer Noire, sous court préavis.

Dans le domaine spatial, la conflictualité se traduit par des actes bien plus qu’inamicaux, commis dans un espace non souverain et peu visible, générant un risque d’escalade entre puissances majeures. Nous pouvons nous attendre à des actions menaçant nos segments spatiaux et sol, d’où le lancement du programme à effet majeur « Action et résilience spatiale » (ARES) en 2019. En termes capacitaires, des travaux sont en cours pour définir des jalons programmatiques relatifs à la maîtrise de l’espace. Le démonstrateur YODA (Yeux en orbite pour un démonstrateur agile), que nous développons avec le Centre national d’études spatiales (CNES), la direction générale de l’armement (DGA) et le commandement de l’espace, sera mis en orbite en 2023 pour valider le concept de patrouilleur-guetteur. La pleine capacité est attendue à l’horizon 2030. Nous travaillons aussi sur des services visant à améliorer notre surveillance de l’espace exo-atmosphérique, avec Safran et Ariane Group notamment, pour disposer d’un centre de données pour notre centre de commandement et de conduite des opérations spatiales. L’actualisation stratégique ne remet pas en cause la LPM dans ses grandes lignes. L’important est que l’ambition opérationnelle 2030 soit confortée. .Je souhaiterais revenir sur les opportunités que la LPM a offertes et dresser un bilan des trois années écoulées.

La loi de programmation militaire répare et modernise : je salue avec enthousiasme son exécution. Après dix ans de baisse continue, elle offre une trajectoire de croissance pour nos ressources humaines et permet des investissements importants en matière d’équipements et d’infrastructures.

Un gros effort est réalisé pour moderniser nos capacités de projection stratégique et tactique, avec les A400M et les avions multi-rôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), grâce à une accélération de leur livraison et une augmentation de leur nombre.

Les capacités « intelligence, surveillance, reconnaissance » (ISR) sont elles aussi renforcées sur un large spectre. Le système de drones Reaper assure en bande sahélo-saharienne près de 55 % du renseignement par les airs, complété par l’avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), pour environ 35 % , et auquel s’ajoute le renseignement d’origine spatial.

Je salue également le renforcement de notre capacité de protection de l’espace aérien grâce à la modernisation de nombreux radars.

S’agissant de l’aviation de combat, 39 Rafale seront livrés d’ici à 2025. Une montée en gamme qualitative a été constatée puisque nos Rafale sont équipés du standard F3-R, comportant le missile Meteor et le pod TALIOS (système optronique d’identification et de ciblage à longue portée).

Je salue naturellement le plan de soutien à l’aéronautique, qui a permis l’acquisition anticipée de trois A330 dont deux ont été livrés à la fin de l’année 2020 – le dernier le sera en mai 2022. La conversion des trois A330 en MRTT est désormais primordiale. En remplacement de nos vénérables Puma, huit hélicoptères H225 ont été commandés – un sera livré en 2024, cinq en 2025, deux autres ensuite. Un ALSR supplémentaire sera acquis en 2023.

Des avancées significatives sont à constater pour l’armée de l’Air et de l’Espace, s’appuyant sur les opportunités de la LPM et sur le plan stratégique « Plan de vol ».  

D’abord s’agissant du maintien en condition opérationnelle aéronautique (MCO-A), l’armée de l’Air et de l’Espace est pleinement engagée aux côtés de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) dans la transformation du MCO qui, couplée à l’effort financier de la LPM, doit permettre de rejoindre les normes d’activité que nous avons fixées. J’ai déjà évoqué devant vous le plan de maintenance opérationnelle, dénommé NSO 4.0. L’innovation est au cœur de cette transformation : maintenance prédictive, impression 3D de pièces de rechange, virtualisation dans la formation et recours aux drones pour des inspections d’aéronefs. L’opération « Résilience » a conforté la pertinence du modèle retenu par l’armée de l’Air et de l’Espace qui a conservé des mécaniciens militaires, aptes à réaliser des opérations dans toutes les conditions. Nous obtenons des résultats encourageants sur la disponibilité de l’A400M : de trois avions disponibles en 2017, nous sommes passés à plus de six aujourd’hui. De même, le nombre de Rafale disponibles est passé de 70 en février 2020 à 82 aujourd’hui. Le travail doit se poursuivre car la disponibilité de certaines flottes, notamment les C-130, reste encore inférieure aux objectifs.

Ensuite la montée en puissance du commandement de l’espace se poursuit. En 2025, près de 500 aviatrices et aviateurs y travailleront. Comme vous le savez, l’OTAN a retenu la proposition française d’installer un centre d’excellence à Toulouse. En mars, nous avons mené le premier exercice spatial militaire avec nos partenaires américain et allemand ; il sera reconduit en 2022, avec une ouverture à l’Union européenne. Nous entretenons par ailleurs de très nombreuses coopérations avec les puissances spatiales américaine, européenne ou de la zone Indo-Pacifique.

De plus la capacité à conduire des opérations est désormais du ressort du nouveau centre air de planification et de conduite des opérations (CAPCO). Il nous permettra notamment de préparer la NATO Response Force 2022, une force multinationale capable de se déployer sous très court préavis et de conduire environ 150 missions par jour.

Enfin, la jeunesse constitue un axe stratégique fort, s’appuyant sur trois axes : relever le défi de l’attractivité des armées, contribuer à construire une citoyenneté active et participer à l’insertion socioprofessionnelle, notamment de jeunes en grande difficulté. Nous avons ainsi créé neuf escadrilles air jeunesse (EAJ), qui comptent environ 400 équipiers. Une dixième voit le jour aujourd’hui-même, sur la base aérienne de Cazaux ; nous en créerons cinq de plus cette année. Notre objectif est de disposer de 26 EAJ en 2023, ce qui représente environ 1 700 équipiers.

Le bilan est à la hauteur des missions confiées à l’armée de l’air et de l’espace. Malgré la crise sanitaire, nous avons poursuivi nos activités. Les contrats opérationnels ont été remplis, aussi bien pour la posture permanente de sûreté que pour la dissuasion.

Nous sommes toujours engagés en opérations extérieures dans la BSS et au Levant notamment. En 2020, notre activité aérienne a été de 88 % de l’activité prévue, dont 95 % pour la chasse, les hélicoptères et l’A400M. Nous devons cette efficacité à l’action de nos aviatrices et de nos aviateurs, qui sont engagés, qui sont innovants et qui ont la culture de la maîtrise du risque. Nous la devons également à une organisation agile, qui repose sur une structure de commandement capable de s’adapter, avec un commandement centralisé et une action distribuée. Nos bases aériennes, qui sont nos outils de combat, permettent autant de bascules d’efforts que nécessaire. Avec nos alliés, notamment européens, nous possédons une grande capacité à opérer ensemble : la force Takuba est un véritable laboratoire d’intégration au combat des partenaires européens. De nombreux engagements communs permettent de développer cette interopérabilité, ce que l’on appelle le plug and fight.

S’agissant de la préparation opérationnelle, nous avons repris les entraînements en commun, malgré le covid qui a affecté la préparation sur des entrainements de haut niveau du spectre. Au début de l’année, nous avons effectué la mission Skyros, puis en avril l’exercice Iniochos, un entraînement tactique en Grèce visant à améliorer l’interopérabilité et la connaissance mutuelle pour de futurs déploiements conjoints en milieux contestés. Nous avons récemment battu un record, puisque nous avons réussi à projeter en moins de quarante heures, trois Rafale, deux A400M et deux MRTT en Polynésie française, à plus de 17 000 kilomètres de leurs bases. Depuis le 27 juin, le dispositif s’est déplacé sur Hawaï pour travailler en coopération avec les F-22 américains. La mission Heifara-Wakea vise à démontrer notre capacité à protéger nos concitoyens sous court préavis et rapidement, partout dans le monde. Elle vise à asseoir notre crédibilité opérationnelle et valoriser la modernisation de la LPM avec le Rafale, dans sa dernière version, le MRTT et l’A400M. Elle est enfin l’occasion de coopérer, notamment avec nos partenaires américains.

Je souhaiterais en outre souligner l’esprit d’initiative et d’adaptation de l’armée de l’air et de l’espace, laquelle a pu accroître aussi bien quantitativement que qualitativement ses capacités, à coûts maîtrisés, voire nuls.

Je citerai d’abord, dans le domaine des ressources humaines, l’initiative consistant à employer temporairement, dans un processus gagnant-gagnant : des pilotes de compagnies aériennes civiles touchées par le COVID, ont ainsi rejoint l’armée de l’Air et de l’Espace. Je citerai également le plan Mentor qui vise à rationnaliser la formation en vol des pilotes. En passant de quatre sites et quatre avions à deux sites et deux avions, nous avons réussi à gagner dix mois de formation.

Parmi les enjeux majeurs pour l’armée de l’air et de l’espace, Madame la présidente, vous avez évoqué le SCAF, qui s’inscrit dans la feuille de route de l’aviation de combat et s’avère essentiel pour la liberté d’action et la supériorité opérationnelle. Il s’agit d’une excellente coopération, sur laquelle je reviendrai. Le SCAF est également l’occasion de développer un concept, celui de guerre aérienne collaborative. Avant 2040, horizon du SCAF, l’aviation de combat, dans un contexte beaucoup plus difficile, nécessitera des adaptations, notamment en termes de collaboration avec des drones, pour permettre de saturer des systèmes adverses.

La cohabitation de flottes différentes, les plus anciennes et les plus modernes, est tout autant un enjeu, du fait de ses conséquences organiques, opérationnelles et financières.

Un autre enjeu est la gestion de la donnée. Pour nos centres de commandement, l’intelligence artificielle vise à gérer le flux croissant de données pour l’espace aérien ou l’espace exo-atmosphérique, afin de réduire le temps de décision. Pour le MCO, elle permet d’augmenter la disponibilité des flottes. Elle conduit aussi à améliorer les parcours dans les ressources humaines et la formation. Enfin, grâce aux simulations, elle permet d’enrichir les scénarios et d’améliorer la préparation opérationnelle.

Il n’y a donc pas de changement de cap pour la LPM. Seuls des ajustements sont réalisés, grâce auxquels nos armées doivent pouvoir mieux répondre au caractère évolutif de la menace.

Nous devons répondre à des besoins nouveaux, pour détecter, protéger et nous préparer.

Premier axe : tout d’abord, il s’agit d’améliorer la capacité à détecter les menaces et à attribuer les agressions, notamment dans les nouveaux espaces de conflictualité.

Dans le domaine spatial, nous allons acquérir des capteurs et des services complémentaires d’appui électronique, de surveillance de l’espace et d’interception du signal dans l’espace.

Dans le domaine du renseignement, interministériel par nature et par construction, notre action continuera à s’appuyer sur le programme d’intelligence artificielle ARTEMIS (architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-source), qui vise à valoriser la donnée. Par ailleurs, nous procéderons au renouvellement de nos chiffreurs, pour assurer notre sécurité dans le milieu cyber.

Dans le champ électromagnétique, nous renforcerons les moyens de surveillance pour mieux prendre en compte le besoin d’attribution des actions. Autrement dit, nous aurons davantage de capacités d’interception et de localisation des émissions électromagnétiques.

Deuxième axe : mieux se protéger et mieux se défendre sur le territoire national. Il s’agit de la lutte anti-drones, que vous avez évoquée, Madame la présidente. Pour l’armée de l’Air et de l’Espace, l’enjeu est de protéger les événements internationaux à venir, mais aussi les forces en opération et certains sites en métropole et outre-mer – par exemple, le Centre spatial guyanais (CSG), à Kourou.

Une série de décisions ont été prises. Nous allons acquérir des moyens pour protéger une dizaine de sites essentiels, en particulier un système baptisé MILAD (moyens mobiles de lutte anti-drones). En outre, nous serons en mesure de participer simultanément à trois dispositifs particuliers de sûreté aérienne, grâce à un système dénommé BASSALT – pour « basse altitude » – et à des brouilleurs supplémentaires. Enfin, nous préparons la feuille de route concernant la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques de 2024.

Pour mieux nous protéger sur le territoire national, nous avons aussi besoin de capacités d’évacuation sanitaire. Celles dont nous disposons ont été éprouvées pendant l’opération Résilience. Certaines capacités que nous souhaitons acquérir sont le fruit de l’innovation collective de nos armées – je pense par exemple aux kits standardisés MEDEVAC pour l’évacuation sanitaire par hélicoptère. Nous pourrons ainsi être plus réactifs sur A400M et sur C-130 J et augmenter la capacité d’accueil jusqu’à huit patients. Nous allons en outre lancer des études pour le renouvellement du fameux MORPHEE – module de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation – sur MRTT. Enfin, nous renforcerons la protection NRBC – nucléaire, radiologique, biologique, chimique – pour toutes les armées.

Troisième axe : mieux se préparer. Le renforcement de notre préparation opérationnelle passe d’abord par la poursuite des efforts visant à garantir une disponibilité homogène des équipements. Il est certes important d’avoir des avions, mais il faut aussi disposer d’équipements et de systèmes d’entraînement.

Par ailleurs, la crise sanitaire a mis en évidence la nécessité de travailler sur les stocks et la logistique : nous acquerrons un certain nombre de pièces supplémentaires pour nos C130 au cours de la période 2022-2023.

Nous continuerons à valoriser l’entraînement, notamment en poursuivant nos efforts en matière de simulation dans un environnement « live, virtuel et constructif » (LVC). Nous disposons, vous le savez, d’un excellent centre de simulation et de préparation à la guerre aérienne : le centre d’expertise aérienne militaire (CEAM), ou Air Warfare Center, situé à Mont-de-Marsan.

En conclusion, tous ces travaux d’ajustement sont cohérents avec l’ambition 2030, qu’il est primordial de conserver puisqu’il s’agit de donner au chef d’État-major des armées la capacité d’agir face au durcissement du contexte.

Pour réussir les missions, il est de plus en plus nécessaire de nouer des coopérations. Leur succès repose sur quatre piliers.

Premièrement, il convient de développer une vision partagée des enjeux avec nos partenaires : nous avons créé un forum, l’Initiative européenne d’intervention (IEI), dont le premier séminaire, consacré à la puissance aérienne et spatiale, s’est tenu la semaine dernière, au musée de l’Air et de l’Espace.

Deuxièmement, nous devons établir les conditions d’un emploi commun. À cette fin, il faut créer des organisations. De ce point de vue, le Groupe aérien européen (GAE), réunissant sept pays, est une superbe réalisation qui a donné naissance au Commandement européen du transport aérien (EATC).

Le troisième pilier est constitué par les projets et les programmes en coopération. Nous avons évoqué le SCAF, mais nous pouvons citer aussi le drone EuroMALE – moyenne altitude et longue endurance.

Le quatrième pilier, ce sont les actions régulières que nous menons avec nos partenaires en matière de formation et d’entraînement, ainsi que les engagements opérationnels.

Avant de conclure, je souhaite saluer et remercier les aviatrices et les aviateurs. Forces de proposition, ils font constamment progresser, dans tous les domaines, notre outil de combat et dégagent des marges. Je suis particulièrement fier d’eux, de leur engagement indéfectible, de leur générosité, des valeurs qu’ils défendent, des opérations qu’ils conduisent chaque jour pour protéger les Français. Il faut leur donner les moyens qui leur permettront de poursuivre leur action.

Enfin, je souhaite vous faire part, en cette fin d’année scolaire, d’un épisode qui m’a particulièrement touché. Depuis mon arrivée, l’armée de l’Air et de l’Espace entretient des liens avec l’école Maurice-Boyau de Saint-Félix-de-Sorgues, dans l’Aveyron. Cette école accueille dans une classe commune seize écoliers, du CP au CM2.

Maurice Boyau fut un as de la première guerre mondiale, qui remporta plus de trente-cinq victoires au combat et donna sa vie pour la France. Il fut en outre un grand rugbyman, capitaine de l’équipe de France avant 1914.

Nous sommes entrés en contact avec ces écoliers et partageons beaucoup avec eux, notamment nos valeurs. Ils visitent des bases aériennes et nous correspondons. Dernièrement, ils m’ont adressé une lettre pour me féliciter, par cette phrase fabuleuse : « Pour nous aussi, l’année prochaine, il y a un grand changement, nous partons au collège. » Pour sa part, le directeur a écrit ces mots, par lesquels je souhaite terminer : « J’ai eu l’occasion de découvrir que, lorsque la République tend la main à sa jeunesse, elle fait de ses enfants des citoyens fiers et respectueux de ses valeurs. » (Les membres de la commission applaudissent.)

Mme la présidente Françoise Dumas. Tout est dit dans ces quelques mots.

M. le général Philippe Lavigne. J’en viens, Madame la présidente, aux questions que vous m’avez posées sur le Rafale, le SCAF, le plan de soutien à l’aéronautique et la lutte anti-drones.

Le Rafale est une avion de combat moderne, aux capacités multiroles pouvant opérer de nombreux types de missions . Son succès traduit notre crédibilité opérationnelle pour assurer la supériorité opérationnelle qui est essentielle.  Depuis son arrivée dans les forces, armée de l’air et marine, dans les années 2000, les standards du Rafale ont évolué : version F3R aujourd’hui, et demain, la version F4, caractérisée par sa connectivité, constituera la première brique du SCAF. Suivront les versions F5 et F6.

Nous avons eu le plaisir et l’honneur d’assister aux premières exportations de Rafale vers des pays européens, la Grèce, puis la Croatie. Le fait qu’un pays européen choisisse l’offre d’un autre pays européen est un signe fort. Nous construisons, brique par brique, les fondamentaux d’une Défense européenne.

Les Grecs se sont portés acquéreurs de six appareils neufs et de douze avions d’occasion. Il a été décidé, vous le savez, de remplacer ces douze Rafale issus de notre flotte. La commande a été passée et les livraisons auront lieu à la fin de l’année 2024 et en 2025.

Par ailleurs, il a été jugé nécessaire de travailler sur l’amélioration de la disponibilité de nos appareils, déjà accrue grâce au contrat de MCO RAVEL, en achetant des pièces supplémentaires pour équiper un plus grand nombre d’avions. Nous disposerons ainsi de davantage d’appareils pour effectuer les heures de vol nécessaires à la préparation opérationnelle.

La Croatie a décidé d’acheter douze avions d’occasion issus de notre parc. Les six premiers seront livrés à la fin de l’année 2023 et au début de l’année 2024 ; les six autres, à la fin de l’année 2024 et au début de l’année 2025.

Des études sont en cours au sein du ministère des armées pour prendre en compte l’impact de ces livraisons. À cet égard, il est nécessaire d’améliorer la qualité de notre flotte. Tous nos Rafale ne sont pas équipés de radars à antenne active. En avoir davantage est nécessaire pour conserver notre supériorité opérationelle. De même, les nouveaux pods TALIOS sont d’une qualité très supérieure aux anciens pods de désignation laser. Il nous en faut davantage, eu égard au nombre de nos missions et de nos entraînements.

Notons que le nombre de Rafale augmentera entre 2022 et 2025, puisque nous verrons la livraison de trente-neuf appareils, vingt-sept au titre de la tranche 4T2 et douze en remplacement des appareils vendus à la Grèce.

La ministre des armées a déclaré que l’ambition 2030 était conservée. Il y aura donc une reconstitution en temps utile de notre flotte de Rafale. C’est primordial, je l’ai dit, pour conserver notre supériorité opérationnelle, pour garantir une liberté d’action et pour accomplir toutes nos missions, en particulier la dissuasion nucléaire aéroportée et la posture permanente de sûreté.

J’en viens au SCAF. Ayons tout d’abord conscience que la guerre aérienne du futur dépasse en complexité tout ce que l’on a pu imaginer. Nous devons être capables de maîtriser des opérations multi-milieux, de mener une guerre aérienne collaborative, de gérer les données issues de tous les moyens – avions de combat, drones collaboratifs – connectés. Le but est de décider et d’agir plus vite que l’adversaire.

Le feu vert du Bundestag pour le SCAF est une belle étape. En effet, ce système de combat sera à la fois la colonne vertébrale, les muscles et le cerveau de nos capacités futures. Ce sera un fer de lance pour la puissance aérienne européenne ; nous façonnons de la sorte une défense européenne forte et concrète. On n’imagine pas tout ce que nous pourrons faire autour du SCAF. C’est un formidable outil d’intégration et d’innovation pour les Européens, qui permettra de conserver notre supériorité aérienne et de partager l’information.

Mon homologue allemand, mon homologue espagnol et moi-même poursuivons notre travail de définition des besoins opérationnels, entamé en 2018. Nous avons défini environ 90 besoins opérationnels principaux, qui concernent différents piliers. Nous continuons à les affiner.

L’arrivée du SCAF a été fixée à 2040. Il est donc indispensable que ce programme soit assez agile pour prendre en compte les innovations technologiques à venir, mais aussi les retours d’expérience et les résultats des études communes. Nous devrons travailler notamment sur la furtivité et la connectivité.

M. Christophe Lejeune. Mon général, je vous félicite à mon tour pour votre nomination au poste de commandant suprême allié pour la transformation. Je tiens à vous exprimer mon profond respect pour les services remarquables que vous avez rendus à la France, notamment en qualité de chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace.

Les 20 et 21 juin, trois Rafale sont parvenus à rallier la Polynésie en moins de quarante heures, après six ravitaillements et une pause sur la base aérienne américaine de Travis, en Californie. À leur arrivée à proximité de Tahiti, les Rafale ont simulé l’entrée dans un espace aérien contesté et déclenché une frappe fictive sur ordre du CAPCO. Ainsi s’est close cette mission de projection, qui a duré au total trente-neuf heures, les appareils ayant parcouru plus de 17 000 kilomètres. Ce dispositif a nécessité une lourde logistique et l’engagement de 170 aviateurs, de deux MRTT et de deux A400M, alors même que les Rafale disposaient de leur capacité de dernière génération. Dimanche, les appareils ont rallié Hawaï, où se déroulera la seconde partie de la mission Heifara Wakea, dans le cadre de l’exercice Atlantic Trident 2021.

Si cette mission est un succès, elle démontre surtout que l’armée de l’air et de l’espace est désormais en mesure de frapper n’importe quel objectif sur la planète en moins de quarante heures. Ainsi que l’a évoqué le chef de la mission, le général Péna, un tel exercice permet aussi de tirer des enseignements, l’objectif étant d’être capable, en 2023, de projeter vingt Rafale à plus de 20 000 kilomètres, grâce notamment au MRTT. Cela montre enfin que, lors des entraînements réalisés loin des théâtres habituels, le commandement est en mesure d’injecter des menaces inédites dans le système de mission, pour aguerrir les pilotes.

Nous pouvons nous féliciter que la France soit ainsi à même de projeter avec un préavis très court des avions de combat capables d’enchaîner des missions aériennes de haute intensité. Cela n’a rien d’anodin, compte tenu de l’évolution de la situation dans la zone indo-pacifique, en particulier des relations avec la Chine, et des choix diplomatico-stratégiques susceptibles d’en découler.

Par ces propos, je veux évidemment mettre en lumière l’importance de la LPM 2019-2025, qui a largement contribué au renouveau de nos capacités opérationnelles. Cela nous permet aujourd’hui de mener à bien ce type de mission et, partant, de préparer l’armée de l’air et de l’espace aux défis de demain.

Il convient en outre de saluer l’ambitieux plan de soutien à l’industrie aéronautique. Il a permis d’anticiper des commandes au profit des armées, à hauteur de 600 millions d’euros. Deux des trois A330 commandés ont été livrés à la fin de l’année 2020 ; un quatrième Phénix a été livré en mai.

Quel regard portez-vous sur l’amplification des capacités opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace, en particulier à travers le couple MRTT-Rafale ? Pensez-vous que la LPM permettra à votre armée de préserver à long terme sa faculté d’intervenir vite et loin, son atout majeur ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Lorsque la commission de la défense m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur des crédits de l’armée de l’air, il y a quatre ans, j’ai décidé de consacrer une large part de mon rapport à l’aviation de chasse. Je ferai de même cette année. C’est donc à ce sujet que je souhaite d’abord vous interroger, mon général.

Je me réjouis bien évidemment des succès du Rafale à l’exportation. Il me semble toutefois utile de rappeler qu’il y a quatre ans, le nombre d’heures consacré à la formation des pilotes égyptiens, qatariens et indiens dans le cadre du soutien aux exportations (SOUTEX) avoisinait 7 000, soit l’activité d’un escadron Rafale durant deux ans. Ayons tous ces chiffres en tête.

Vous avez évoqué la livraison de trente-neuf Rafale entre 2022 et 2025 pour remplacer les Rafale vendus, ce qui impose des exigences au constructeur et implique d’augmenter la disponibilité des appareils. Il y a donc un équilibre fragile à maintenir. J’admire votre optimisme – nous voulons tous y croire.

Le niveau d’engagement de l’aviation de chasse dans les opérations extérieures demeure élevé, même s’il a diminué au Levant. Ce n’est pas sans conséquences sur l’épuisement des matériels et des personnels, dont la formation et l’entraînement sont par ailleurs amputés faute d’un nombre suffisant d’heures de vol en France. Qu’en est-il exactement aujourd’hui ? La formation initiale des jeunes équipages accuse-t-elle toujours un retard ? La réforme de la formation des pilotes, engagée à Cognac, a-t-elle permis de le combler en partie ?

Surtout, à l’heure où tout le monde parle de la nécessité de se préparer à un conflit de haute intensité, sommes-nous parvenus à stopper l’effritement des savoir-faire les plus complexes, notamment dans les domaines de l’entrée en premier, de l’action dans la profondeur et de la supériorité aérienne ? Les récents exercices et démonstrations de force de l’armée de l’air tendent à le démontrer, mais cela ne demeure-t-il pas un sujet de préoccupation ? Ma crainte est que l’on ne puisse pas exploiter pleinement la polyvalence du Rafale, les futurs équipages étant contraints de se spécialiser faute d’un nombre d’heures suffisant pour l’entraînement. J’imagine que la simulation offre une compensation partielle. Pouvez-vous néanmoins nous apporter des précisions et nous rassurer aujourd’hui ?

Mais, si vous me passez l’expression, il n’y a pas que la chasse dans la vie ! Aussi, permettez-moi de vous interroger sur le futur cargo tactique médian (FCTM), qui a vocation à succéder aux CASA ou aux Hercule. Où en sommes-nous à ce jour ?

Je ne saurai conclure, mon général, sans vous remercier pour votre engagement et votre disponibilité durant votre mandat à la tête de l’armée de l’air et de l’espace. Je salue évidemment le chef militaire engagé au service de la nation, mais aussi l’homme, que nous avons vu au cours de ces années et qui s’est manifesté une fois de plus dans les propos qui ont conclu votre intervention liminaire. Je vous souhaite la plus grande réussite à Norfolk ; vous saurez, je le sais, faire face à ce nouveau défi.

M. Christophe Blanchet. Mon général, je vous remercie de vous exprimer ce matin devant notre commission, avant de vous envoler vers d’autres horizons.

Ma première question porte sur les moyens de guerre mis en œuvre à distance des théâtres d’opérations. Le nouveau CAPCO vient d’être inauguré sur la base de Lyon-Mont Verdun. Il permettra à l’armée de l’air et de l’espace de coordonner et de commander les opérations militaires aériennes menées par la France en dehors de son territoire, quelle que soit la distance. Cette modernisation sera aussi utile pour les missions telles que Heifera Wakea, grâce à laquelle notre armée manifeste actuellement sa présence dans la zone indo-pacifique.

Nous ne pouvons que nous en satisfaire, mais un article récent du Figaro a mis en exergue le caractère inachevé des bâtiments qui accueillent ce nouveau centre, regrettant notamment que certains bureaux dits de planification et de stratégie soient aménagés dans des préfabriqués. Or il est nécessaire que nos armées bénéficient des meilleures infrastructures pour recourir aux nouvelles technologies distancielles, compte tenu des enjeux.

Quelles améliorations êtes-vous légitimement en droit d’espérer ? Qu’attendez-vous de l’actualisation de la LPM en ce qui concerne le budget qui pourrait être alloué à l’achèvement des travaux du CAPCO ? Dans la mesure où ce centre représente un pas supplémentaire dans la préparation aux conflits du futur, quelles ambitions l’armée de l’air et de l’espace nourrit-elle à plus long terme s’agissant du développement des moyens de guerre distanciels ?

Lors de l’audition du chef d’état-major de la marine, nous avons appris que nous ne saurions faire face à nous seuls à la marine chinoise ; pour disposer d’une capacité équivalente, il faudrait une coalition de 450 navires. Qu’en est-il pour l’armée de l’air ? La défense repose aussi sur la visibilité d’un rapport de forces.

Vous avez fait référence à votre correspondance avec une école de l’Aveyron. Je tiens à mon tour à vous faire part d’un échange avec des jeunes. Vendredi dernier à Caen, dans le cadre du service national universel, Léon Gautier, dernier vétéran des 177 Français du commando Kieffer, âgé de 98 ans, s’est entretenu pendant une heure avec 120 jeunes. À l’un d’eux qui lui demandait pourquoi, à l’âge de 17 ans, il avait rejoint le général de Gaulle et s’était engagé pour défendre la France, il a fait cette réponse assez incroyable : « Parce que j’ai été éduqué à aimer la France. »

Mme la présidente Françoise Dumas. Magnifiques paroles. Léon Gautier est un homme extraordinaire ; c’est une grande chance de pouvoir le côtoyer.

M. Loïc Kervran. Je tiens à mon tour à vous féliciter, mon général, pour vos nouvelles fonctions. Ayant la chance d’être député du Cher, où se trouve la base aérienne 702 d’Avord, je suis très heureux des investissements en cours de réalisation, notamment sur la piste. Je tiens à vous assurer du lien indéfectible entre nos concitoyens du Cher et l’armée de l’air de l’espace.

Je souhaite vous interroger sur le lien entre externalisation et retour de la haute intensité. Les nouvelles perspectives stratégiques font-elles bouger le curseur dans ce domaine ? L’école de l’aviation de transport, qui se trouve à Avord, possède une flotte de Xingu qui s’est révélée très utile lors de la crise sanitaire pour acheminer du personnel soignant et des équipages. Or une bonne partie de la maintenance de ces avions est externalisée. Si les industriels ont été au rendez-vous, le retour de la haute intensité aura-t-il des conséquences sur ce que nous pouvons nous permettre d’externaliser, y compris en ce qui concerne du matériel qui, à première vue, n’est pas le plus opérationnel ?

M. Gwendal Rouillard. Lorsque nous nous sommes rendus au Moyen-Orient, avec la présidente et notre collègue Philippe Meyer, dans le cadre de la mission d’information sur la stabilité au Moyen-Orient dans la perspective de l’après Chammal, nous avons constaté les capacités en drones et en missiles de l’Iran et des milices chiites dans la région. Que vous inspire cette situation ? Quel regard portez-vous sur les initiatives et les programmes engagés par la DGA sur les drones, ainsi que sur le rythme suivi par la direction ?

Mme Nathalie Serre. Ma question porte sur les conséquences potentielles des annonces du chef de l’État concernant l’engagement français au Sahel. Bien que le scénario ne soit pas encore arrêté, la plupart des voix s’accordent sur le fait que la reconfiguration de l’opération n’aura que peu d’impact sur l’emprise de l’armée de l’air puisque les deux bases aériennes projetées à Niamey et N’Djamena devraient être maintenues. La France maintiendra probablement ses capacités les plus critiques, au premier rang desquelles la chasse et les moyens du renseignement. Dans cette perspective, pouvez-vous indiquer quelles sont les réflexions en cours sur le format des plots de chasseurs ? Quel est l’état de nos moyens en ce qui concerne l’ALSR ? Enfin, quelle est la récente contribution des moyens aériens des forces françaises de Djibouti dans le cadre de l’opération Barkhane ?

M. Jacques Marilossian. Récemment, le général Parisot, major général de l’armée de l’air et de l’espace, a souligné dans un entretien publié dans le magazine Défense et sécurité internationale la capacité de la France à mobiliser des moyens d’intelligence, de surveillance et de reconnaissance sans avoir la supériorité aérienne. La réflexion du général répondait à une question sur la vulnérabilité des drones MALE dans le cadre des conflits de haute intensité qui se multiplient désormais, comme nous l’avons constaté au Haut-Karabakh. Les drones ont une réactivité et une présence permanente sur un terrain limité et s’avèrent donc complémentaires avec les chasseurs. Selon le général Parisot, la supériorité aérienne demeure indispensable, raison pour laquelle nous développons le fameux EuroMALE et le SCAF, qui constitueront les futurs équipements européens. Cependant, si nous employons toujours des drones Reaper MQ-9 dans la BSS, où le conflit est plutôt de basse intensité, la question de la vulnérabilité des drones se pose toujours dans un conflit de haute intensité. L’ajustement de la LPM en tient-il compte ? Pourrions-nous développer des drones adaptés à ce type de conflictualité ?

Mme Marianne Dubois. Vous avez parlé du premier séminaire de l’IEI, qui s’est tenu la semaine dernière au Bourget. J’aimerais que vous nous en disiez davantage sur les perspectives d’approfondissement des coopérations européennes dans le domaine aérospatial.

Par ailleurs, vous avez évoqué la perspective d’un conflit de haute intensité : nos stocks de munitions sont-ils suffisants ? Seront-ils renforcés, notamment en ce qui concerne les missiles SCALP (système de croisière conventionnel autonome à longue portée) et MICA (missiles d’interception, de combat et d’autodéfense) ?

M. Stéphane Trompille. Mon général, toutes mes félicitations pour votre nomination.

Depuis quelque temps, nous entendons parler de coopération dans le domaine spatial avec les États-Unis pour contrer l’avancée chinoise dans le domaine exo-atmosphérique. Tout ce qui n’est pas américain intéresse les Américains, à commencer par les passages de nos satellites sur différentes zones. Pouvez-vous dessiner les contours de cette future coopération ? S’intéressera-t-elle exclusivement à la surveillance ou ira-t-elle jusqu’à la défense de satellites américains et français ?

Mme Sereine Mauborgne. Les drones préoccupent beaucoup la commission de la défense. J’aimerais vous entendre sur le calendrier idéal de montée en puissance du Reaper block 5, enfin déployé à Niamey, et sur l’évolution de son standard vers les nouveaux équipements envisagés, qu’il s’agisse d’armement – bombes et missiles – ou de renseignement électromagnétique. Joël Barre, délégué général pour l’armement, a déclaré devant cette commission que l’accord d’utilisation n’était donné que pour la BSS, et absolument pas pour l’Europe. Or la guerre du Haut-Karabakh est sans doute la première mise en réalité non virtuelle de l’emploi de drones dans une guerre de haute intensité, divers témoignages ayant fait état de nuées de drones d’une envergure d’environ douze mètres, qui auraient fait énormément de dégâts.

Quel emploi opérationnel envisagez-vous pour ces drones ? Et, question corollaire très importante pour une armée comme la vôtre, quelles ressources humaines seront-elles nécessaires pour assurer la montée en puissance de la formation des pilotes de drones ?

M. Jean-Marie Fiévet. Je me joins à mes collègues pour vous féliciter pour votre nomination à Norfolk.

Le turboréacteur M88, qui équipe le Rafale, peut utiliser du carburant de deuxième génération, principalement le biojet. Ainsi, le 14 juillet 2020, tous les avions qui ont survolé les Champs-Élysées utilisaient du biojet à hauteur de 5 %. Il est important de rappeler que l’armée de l’air et de l’espace est le plus gros utilisateur de carburant fossile du ministère. Nous devons poursuivre et accélérer la transition énergétique des armées. Les armées de l’air de l’Union européenne sont-elles prêtes également à verdir leurs consommations de carburant, en dépit de la politique du carburant unique développée par l’OTAN ? Si oui, pensez-vous qu’il serait important d’organiser une rencontre avec les pays de l’Union européenne désireux d’accélérer la transition énergétique de leurs armées ?

M. le général Philippe Lavigne. Monsieur Lejeune, la projection de puissance est une des missions les plus compliquées à réaliser eu égard au déni d’accès qui se développe du fait de systèmes sol-air et air-air de plus en plus complexes et performants. Il existe dans le domaine conventionnel mais aussi nucléaire.

S’agissant de la mission Heifara-Wakea, le Président de la République a rappelé l’existence d’intérêts stratégiques et économiques dans la zone indo-pacifique. Il était naturel de positionner des moyens aériens dans la région, en raison notamment de la présence de citoyens Français. Je suis régulièrement en contact avec les chefs d’état-major des armées de l’air de cette zone pour évoquer les problématiques requérant la puissance aérienne, comme l’assistance humanitaire lors de catastrophes naturelles. Au-delà de la protection que nous pouvons offrir avec cette opération, nous délivrons un message stratégique : en procédant à des déploiements de l’armée de l’Air et de l’Espace, nous démontrons notre puissance dans un domaine où la compétition est de plus en plus grande.

Le MRTT Phénix est un avion extraordinaire. Tout à la fois ravitailleur en vol et transporteur stratégique, il est un démultiplicateur de forces : il délivre beaucoup plus de carburant, il permet de relayer des informations opérationnelles et, demain, il sera une brique avancée de notre commandement des opérations aériennes. La LPM permet une livraison rapide des systèmes – douze MRTT seront livrés avant 2023 ; nous venons de recevoir le quatrième, et nous en recevrons ensuite deux à trois par an. L’amélioration est tout à la fois quantitative et qualitative : la LPM permet d’aller vite et loin, et ceci à l’horizon 2025.

Monsieur Ferrara, la formation des chasseurs est un point sur lequel je reste vigilant. Dans le cadre des exportations de Rafale, nous la limitons aux primo-formateurs – pilotes, mécaniciens, spécialistes de la guerre électronique et pompiers – avant de passer la main à Dassault Aviation, car nous n’avons pas aujourd’hui la capacité de former davantage. Nous assurerons donc la formation de douze pilotes croates, et nous avons fini celle des pilotes grecs. Par ailleurs, la vente de Rafale à l’Inde a permis de développer des capacités que les Indiens nous ont demandées et dont nous pourrons bénéficier, notamment l’optronique secteur frontal (OSF).

La préparation opérationnelle nous permet de faire face à la haute intensité. Elle a subi une contrainte avec la crise du covid-19, qui nous a empêchés de participer à certains exercices internationaux, même si nous avons pu prendre part à l’exercice Ocean Sky en Espagne, fin 2020. Nous avons également réussi à organiser l’exercice majeur de l’armée de l’Air et de l’Espace, VOLFA, à Mont-de-Marsan, en septembre, où les Grecs et les Espagnols étaient présents. Nous avons repris les entraînements de haut niveau du spectre : Iniochos en Grèce et Atlantic Trident 2021. Dans le domaine du transport, nous avons organisé un exercice européen sur la base d’Orléans visant à former à des missions aussi différentes que le vol en patrouille, le largage ou le poser sur des terrains sommaires. La formation de haut niveau, même si elle a été freinée par la crise sanitaire, est en train de reprendre.

Concernant l’augmentation de la disponibilité de l’A400M et du Rafale, le contrat RAVEL pour le Rafale doit permettre d’atteindre le taux de 80 % en trois ans, et nous en demanderons davantage pour compenser l’exportation à la Grèce. Nous poursuivons également, c’est très important, la montée en puissance de la simulation. Lorsque l’on modernise la formation initiale sur PC-21, on augmente de facto le niveau des jeunes pilotes de chasse qui désormais passent directement du PC21 à une unité opérationnelle.

Nous allons continuer à travailler sur la simulation. La formation sur Rafale, à Saint-Dizier, se fait pour moitié en simulation. Une opération comme Hamilton en 2018 est d’abord préparée sur simulateur. Nous disposons d’une vraie capacité à faire de la haute intensité. L’augmentation des crédits et les réorganisations structurelles, en mettant autour de la même table la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), les industriels et le service industriel de l’aéronautique (SIAé), nous permettent d’être plus efficaces et d’atteindre les objectifs fixés par la LPM – 180 heures pour les pilotes de chasse, par exemple.

Pour succéder aux CASA et aux Hercule, nous recherchons un avion offrant 18 à 20 tonnes de fret, sachant qu’un A400M peut emporter 35 tonnes. Nous partageons ce besoin avec nos homologues européens et souhaitons déposer un projet en coopération structurée permanente (CSP) car nous croyons en la capacité de nos industriels à concevoir un tel avion avec des coûts de développement réduits, l’idée étant de créer une famille avec l’A400M et le futur cargo de transport médian.

Monsieur Blanchet, le CAPCO est chargé de planifier et de coordonner les missions aériennes en opérations extérieures. Nos équipements, nos plateformes, nos aviatrices et nos aviateurs sont présents partout dans le monde, que ce soit en Polynésie, dans la BSS, en Méditerranée ou au Moyen-Orient. La guerre aérienne suit les principes de la guerre de Foch, c’est-à-dire être capable d’opérer des bascules rapides et de concentrer des moyens pour obtenir l’avantage. C’est ce qui est fait à Lyon-Mont Verdun.

Le chef d’État-major des armées, s’appuyant sur son CPCO au niveau stratégique, nous fixe les effets à obtenir, que nous produisons ensuite en coordonnant les meilleurs moyens pour les réaliser. Nous avons besoin de connectivité, que ce soit par satellite ou avec des équipements de bord, qu’il s’agisse des MRTT, des A400M, des Rafale ou d’autres appareils. La connectivité est vraiment au cœur du système : c’est la première chose qu’a évoquée le chef du détachement américain pendant l’exercice Atlantic Trident, alors qu’il venait d’arriver après onze heures trente de vol – le F35 produit en effet beaucoup de données. Nous avons besoin de connectivité pour effectuer les opérations aériennes, et encore plus demain pour mener la guerre aérienne collaborative.

Nous disposons désormais d’un vrai centre des opérations aériennes, et nous n’avons pas à rougir de la comparaison avec la base américaine d’Al-Udeid, par exemple, en terme de qualité et d’efficience. Chaque année, une nation est chargée de mener des opérations aériennes au profit de l’OTAN. La France se verra confier cette responsabilité l’année prochaine et l’assumera depuis Lyon-Mont Verdun. Des tests sont en cours avec l’OTAN et son Allied air command (AIRCOM) pour valider nos capacités.

Monsieur Kervran, merci de vos paroles concernant la base aérienne d’Avord. Votre question sur le lien entre externalisation et haute intensité est très pertinente. La crise du covid-19 a eu des impacts sur nos industriels de défense et sur la logistique. La résilience est d’abord le fait d’hommes et de femmes capables d’agir dans la crise, voire le chaos. Nos aviatrices et nos aviateurs y sont préparés. Pour mieux faire face à ce type de crise, nous recevrons des équipements supplémentaires grâce à un ajustement de la LPM, notamment des équipements NRBC et des équipements d’évacuation sanitaire.

La question des stocks à détenir pour durer est une question stratégique, sur laquelle une réflexion est en cours. Mon premier déplacement, lorsque le confinement a été instauré en mars 2020, a été consacré à la base aérienne de Nancy. J’y ai vu la préparation opérationnelle des Mirage 2000 D pour la BSS. Il a dans un premier temps fallu prélever dans les stocks, mais les industriels ont rapidement repris la livraison des pièces de rechange pour permettre la continuité de notre activité.

En comparaison, les Britanniques ont poussé l’externalisation assez loin, et je constate quelques faiblesses. Ils sont ainsi intéressés, à titre de comparaison, par nos contrats de maintenance. L’externalisation doit se faire au juste besoin. Vous avez mentionné la flotte des avions écoles Xingu, nous externalisons aussi la maintenance des PC-21. Cela fonctionne très bien et la disponibilité est fort satisfaisante. De plus, cela permet de libérer des ressources humaines pour les affecter où il le faut, qu’il s’agisse de faire monter en puissance les flottes nouvelles d’A400M et de MRTT ou d’aller au combat. L’État-major des armées pratique donc l’externalisation au juste besoin.

Monsieur Rouillard, vous m’interrogez sur les drones de l’Iran et notre capacité à faire face aux nouvelles formes d’emploi des drones. En Arabie Saoudite, en septembre 2019, nous avons pu constater la complémentarité de l’usage des missiles de croisière et des drones, qui ont volé très longtemps. Dans le Haut-Karabakh, des munitions rôdeuses ont été utilisées. Ce sont des drones d’envergure moindre, entre deux et trois mètres, mais qui volent à plus de 10 000 pieds. Ces évolutions nous interpellent et nous devons prendre en compte ces menaces dont l’emploi se perfectionne. L’armée de l’Air et de l’Espace est, et doit être, en pointe à ce sujet, car la posture permanente de sureté aérienne dont nous avons la charge nous impose de nous défendre contre toutes les menaces venues des airs.

La LPM prévoit également un effort concernant la détection, premier élément du triptyque « détecter – identifier – agir ». Il est important de disposer de radars de basse altitude. Nous avons également œuvré avec Aéroports de Paris pour développer très rapidement un système de commandement et de contrôle (C2) agnostique – capable d’utiliser n’importe quelle détection radar – et une intelligence artificielle pouvant apprendre comment évolue la menace dans l’espace pour orienter beaucoup plus rapidement les capteurs – radars ou optiques – et traiter la menace avec des brouilleurs, par exemple.

Pour faire face à la menace des drones et assumer les responsabilités que nous aurons lors de l’organisation des Jeux olympiques de 2024 et de la coupe du monde de rugby en 2023, le programme PARADE a été mis en place. Un appel d’offres, dont les réponses devraient nous parvenir à la fin de l’année, permettra de fournir des équipements à l’horizon fin 2022, afin d’être prêts en 2023 et en 2024.

Madame Serre, vous m’avez interrogé sur l’utilité de l’arme aérienne au Sahel et l’évolution de l’opération d’appui dans cette région. Cette question fait actuellement l’objet de discussions, la ministre et le chef d’État-major des armées y travaillent. Sans entrer dans les détails, je veux rappeler l’efficacité de l’arme aérienne. Les élongations sont importantes, l’action de nos ennemis est fugace. Entre permanence et fulgurance, il faut pouvoir répondre aux menaces.

La permanence est assurée par les drones, les moyens spatiaux, un certain nombre d’équipements qui peuvent se relayer sur place tels que les ALSR, et bien sur nos hommes et nos femmes. Elle tient également à la présence de ravitailleurs qui permettent aux chasseurs de rester plus longtemps en vol. La fulgurance, c’est la capacité à traiter les objectifs qui nous sont donnés. Elle est réalisée grâce à l’armement des drones, mais aussi grâce à nos Mirage 2000 D qui peuvent rapidement basculer dans différentes missions. Comme nos armements sont précis et que nos équipements nous permettent d’être permanents et fulgurants, l’arme aérienne continuera à être utilisée dans la BSS.

La puissance aérienne permet également une bonne coopération. Il faut faire monter en puissance les armées de l’air du G5 Sahel. Elles ont déjà des capacités d’aéromobilité et d’appui feu. Nous menons des missions de formation à l’appui feu, pour planifier et conduire des opérations, mais il est possible de faire encore plus, afin que ces armées puissent assurer, par les airs, la sécurité de leur pays.

Monsieur Marilossian, les propos du général Parisot sont évidemment exacts ! S’agissant de l’utilisation de drones en haute intensité, tout l’enjeu du SCAF est de conserver la supériorité aérienne grâce au couple chasseur-drone. Nous étudions le type de drone qui serait nécessaire en fonction des missions. Il peut s’agir de missions de saturation des systèmes de défense adverses, de détection derrière les lignes ennemies des défenses sol-air ou de plateformes volantes, ou encore d’une capacité de frappe en profondeur venant s’ajouter aux missiles de croisière. Nous souhaitons voir revenir de mission les drones les plus chers et les plus gros, mais un autre type de drone pourrait subir des pertes pour réaliser sa mission.

Nous réfléchissons à l’horizon 2040, mais il ne faut pas attendre cette date pour utiliser ces moyens. Des expérimentations sont menées en Allemagne, avec Airbus, pour utiliser l’Eurofighter et les drones. Je souhaite que nous puissions rapidement réaliser des expérimentations combinant le Rafale et ces nouveaux moyens.

Madame Dubois, la réunion de l’IEI s’est tenue les 22 et 23 juin au Bourget, en présence notamment des chefs d’état-major italien, espagnol, suédois et britannique. Ce séminaire, co-organisé par les treize pays membres, nous a permis de traiter de plusieurs sujets concernant la puissance aérospatiale mais surtout de construire une pensée stratégique. Ce fut un succès.

Tous nos entraînements démontrent que les conflits de haute intensité entraîneront une utilisation massive de munitions. La LPM permet de faire face à ce besoin. Nous pouvons traiter cette question en allongeant la durée de vie de nos missiles et de nos munitions, nous y travaillons avec la DGA. Nous menons des travaux pour rénover les missiles air-sol moyenne portée améliorés (ASMP-A) ; et en 2021, quatre-vingt-dix missiles SCALP rénovés reviendront dans les forces. Ces rénovations participent à l’approvisionnement en munitions.

 

Monsieur Trompille, la coopération spatiale avec les Américains est excellente, pas uniquement pour la surveillance de l’espace. Nous suscitons l’intérêt de nos partenaires américains parce que nous sommes les premiers à étudier la maîtrise de l’espace : l’annonce du projet YODA de patrouilleur-guetteur, et la création d’un centre de commandement des opérations spatiales, ont appelé leur attention. Pour le commandant de l’United States Space Command (USSPACECOM), les deux enjeux principaux sont bien la surveillance de l’espace, où manœuvrent un nombre croissant de petits objets, et la maîtrise de l’espace. Dans ce domaine, nous effectuons des exercices communs avec les Américains : nous avons participé au Schriever Wargame ; ils participeront à l’exercice AsterX que nous reconduirons.

Madame Mauborgne, deux systèmes de Reaper Block 5 ont été livrés en 2020, l’un à Cognac, l’autre à Niamey. Des problèmes de conformité ont été identifiés, nous avons mené des travaux avec la DGA, l’armée de l’air américaine et General Atomics pour obtenir des autorisations de vol. Nous avons ainsi pu déclarer une première capacité opérationnelle le 13 mai. Les expérimentations se poursuivent, sur le laser et le tir de la fameuse GBU-12. Le calendrier n’a pas changé : les capacités en renseignement d'origine électromagnétique (ROEM), les armements GBU-49 et Hellfire sont attendus au premier semestre 2022. Une rénovation des Block 1 en Block 5 est planifiée.

Les ressources humaines constituent en effet un objectif, nous souhaitons atteindre le nombre de 900 aviatrices et aviateurs à la fin de la décennie. Nous montons en puissance ; après avoir ponctionné des pilotes ou des équipages déjà formés, nous avons créé les premiers cursus de formation ab initio. L’objectif est qu’en 2030, deux tiers des effectifs soient issus de ces cursus, et un tiers des équipages de chasse.

 

Monsieur Fiévet, j’ai volé sur un avion électrique, l’Alpha Electro. Les Danois en ont commandé deux pour leur armée de l’air. Cet avion sera très intéressant pour la formation initiale. L’armée de l’Air et de l’Espace est complètement dans le match en matière de transition énergétique. L’Ecole de l’air mène le projet Euroglider, qui permet aux planeurs de décoller avec l’énergie électrique, sans remorqueurs. Un vol de présentation à la presse a été effectué le 27 mai.

Le PC-21 consomme beaucoup moins de carburant que l’Alpha Jet. La simulation permet aussi de réduire les consommations – la moitié des heures de formation initiale sur Rafale est réalisée sur simulateur. Tous les pays européens sont concernés et nous en discutons lors des réunions des chefs d’état-major. C’est l’avenir pour notre aviation, qu’elle soit de combat, de transport ou d’hélicoptères.

Mme Sereine Mauborgne. L’école de l’aviation légère de l’armée de terre (EALAT) se situe au Cannet-des-Maures, dans ma circonscription. Elle me fait régulièrement part de problèmes de conflit d’usage dans l’espace aérien, notamment en raison des éoliennes qui restreignent de manière drastique les possibilités d’entraînement des hélicoptères. Avez-vous les mêmes problèmes ?

Avant de prendre vos quartiers sur la base de Norfolk, avez-vous un avis sur le nouveau traité Ciel ouvert (Treaty on Open Skies) ?

M. le général Philippe Lavigne. S’agissant du conflit d’usage, il convient de commencer par identifier le besoin. Nous devons nous entraîner de manière basique et pour la haute intensité. Nos équipements couvrent des zones de plus en plus importantes : un Rafale F3-R a un radar et des missiles de très grande portée. Nous avons donc besoin de conserver des zones importantes et d’évoluer à toutes les altitudes, très basses comme très hautes. Ce besoin est rappelé par la direction de la circulation aérienne militaire (DIRCAM). Nous travaillons beaucoup avec la direction générale de l’aviation civile (DGAC) sur le territoire national, et pour la mise en œuvre du ciel unique européen, afin de nous assurer que nous pourrons toujours nous entraîner.

Par ailleurs, nous devons assurer la protection de l’espace aérien de manière permanente. En basse altitude, une éolienne placée à proximité d’un radar perturbe la détection des aéronefs et autres plateformes volantes et nous empêche de remplir cette mission. Il a donc été demandé de maintenir une certaine distance entre un radar de détection aérienne et les éoliennes. Nous travaillons avec l’armée de terre, la marine, et les autres autorités d’emploi pour faire en sorte que les impacts soient connus et les contraintes limitées et permettre ainsi une préparation opérationnelle normale.

Si nous effectuons des exercices à l’étranger, par exemple à Djibouti, c’est aussi parce qu’on y trouve des zones d’entraînement fabuleuses, où les contraintes sont moindres que sur le territoire national.

S’agissant du nouveau traité Ciel ouvert, les Russes ont confirmé leur sortie du traité. La coopération requiert des organisations comme l’OTAN où nous puissions discuter. La question relève plus du niveau politique que du commandement que j’aurai l’honneur de diriger. Je suis sûr que le sujet est discuté à Bruxelles.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci général pour l’ensemble de vos réponses. Je vous renouvelle nos félicitations pour votre action à la tête de l’armée de l’air et de l’espace, et nos vœux de pleine réussite dans vos nouvelles fonctions. La voix de la France doit être entendue dans cette grande alliance qu’est l’OTAN, afin d’éviter le risque, évoqué par certains, de mort cérébrale.

 

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Nomination des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2022

 

La commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2022. Ont été nommés :

 

 

Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation :

 

– Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation : M. Philippe Michel-Kleisbauer.

 

Mission Défense :

 

– Environnement et prospective de la politique de défense : M. Fabien Gouttefarde ;

 

– Soutien et logistique interarmées : M. Claude de Ganay ;

 

– Préparation et emploi des forces : forces terrestres : Mme Sereine Mauborgne ;

 

– Préparation et emploi des forces : marine : M. Didier Le Gac ;

 

– Préparation et emploi des forces : air : M. Jean-Jacques Ferrara ;

 

– Équipement des forces – dissuasion : M. Christophe Lejeune ;

 

Mission Sécurités :

– Gendarmerie nationale : M. Xavier Batut

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La séance est levée à onze heures.

 

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